l’aspect extralinguistique de l’acte...

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The Arab Journal For Arts Vol. 7 No. 2, 2010, pp. 45-58 45 L’aspect extralinguistique de l’acte traduisant Safa Zayed * Résumé La plupart des traductologues s’accordent sur le fait que la traduction est un processus qui englobe deux aspects: l’aspect linguistique et l’aspect extralinguistique. Et étant donné que plusieurs études abordent l’aspect linguistique, nous évoquerons dans cet article le peu d’études récentes qui abordent les différences extralinguistiques existant entre le texte original et sa traduction, à savoir: 1. La stylistique comparée qui fut la première filière de la linguistique à invoquer les différences non linguistiques entre le texte original et sa traduction. 2. Le modèle de Jean Delisle (1980) qui conçoit la traduction comme un processus incluant deux langues et un seul savoir culturel partagé par les destinataires du texte original et les récepteurs de sa traduction. 3. Le modèle de Sprová (1991) qui présente la traduction comme une opération où non seulement deux langues sont confrontées, mais aussi deux cultures qui ne donnent pas de façon innée à un terme qu’elles partagent la même acception. Introduction Pendant longtemps, la traduction était considérée comme une activité intuitive qui concerne deux langues. On ne savait rien sur le processus qui guide le choix d’un équivalent. On ne savait pas non plus ce qui se passait dans le cerveau du traducteur lors de cette transmission interlinguale qui est la traduction. Mais à partir des années 80, avec l’émergence de la psychologie cognitive, beaucoup de traductologues ont commencé à s’intéresser à l’acte traduisant et ont tenté de lui offrir une enveloppe rationnelle. Plusieurs traductologues se sont mis à analyser cet acte et ont élaboré des modèles du processus de traduction: il s’agit du modèle interprétatif de l’ESIT- surtout les ouvrages de Seleskovitch, Lederer et Delisle - l’analyse de R.T Bell (1991) inspirée par la psycho-linguistique, l’application de Gutt (1991) de la théorie de la pertinence de Serber et Wilson (1986) et le modèle psycholinguistique proposé par Kiraly (1995). Copyright 2010 by The Society of Arab Universities Faculties of Arts, All rights reserved * Department of Modern Languages, Faculty of Arts, Yarmouk University, Irbid, Jordan.

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  • The Arab Journal For Arts Vol. 7 No. 2, 2010, pp. 45-58

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    Laspect extralinguistique de lacte traduisant

    Safa Zayed*

    Rsum La plupart des traductologues saccordent sur le fait que la traduction est un

    processus qui englobe deux aspects: laspect linguistique et laspect extralinguistique. Et tant donn que plusieurs tudes abordent laspect linguistique, nous voquerons dans cet article le peu dtudes rcentes qui abordent les diffrences extralinguistiques

    existant entre le texte original et sa traduction, savoir:

    1. La stylistique compare qui fut la premire filire de la linguistique invoquer les diffrences non linguistiques entre le texte original et sa traduction.

    2. Le modle de Jean Delisle (1980) qui conoit la traduction comme un processus incluant deux langues et un seul savoir culturel partag par les destinataires du texte original et les rcepteurs de sa traduction.

    3. Le modle de Sprov (1991) qui prsente la traduction comme une opration o non seulement deux langues sont confrontes, mais aussi deux cultures qui ne donnent pas de faon inne un terme quelles partagent la mme acception.

    Introduction Pendant longtemps, la traduction tait considre comme une activit

    intuitive qui concerne deux langues. On ne savait rien sur le processus qui guide le choix dun quivalent. On ne savait pas non plus ce qui se passait dans le cerveau du traducteur lors de cette transmission interlinguale qui est la traduction. Mais partir des annes 80, avec lmergence de la psychologie cognitive, beaucoup de traductologues ont commenc sintresser lacte traduisant et ont tent de lui offrir une enveloppe rationnelle. Plusieurs traductologues se sont mis analyser cet acte et ont labor des modles du processus de traduction: il sagit du modle interprtatif de lESIT- surtout les ouvrages de Seleskovitch, Lederer et Delisle - lanalyse de R.T Bell (1991) inspire par la psycho-linguistique, lapplication de Gutt (1991) de la thorie de la pertinence de Serber et Wilson (1986) et le modle psycholinguistique propos par Kiraly (1995).

    Copyright 2010 by The Society of Arab Universities Faculties of Arts, All rights reserved * Department of Modern Languages, Faculty of Arts, Yarmouk University, Irbid, Jordan.

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    Tous ces modles soulignent lexistence dune tape intermdiaire entre la comprhension et la rexpression, savoir la dverbalisation. Cette tape consiste arriver la gense du texte traduire et de l le recrer: Le traducteur doit dchiffrer cette forme qui arrive son intelligence et sa sensibilit pour sapprocher autant que possible de la pense qui se trouve dans la gense de luvre(1). La recration du traducteur nest donc quun autre type de cration. Ces modles cognitifs dfinissent la traduction comme un processus de rsolution de problmes: le texte original constitue le problme rsoudre et le texte traduit en est la solution. Le processus de traduction est lui-mme un problme parce quil ny a pas un consensus concernant la modalit de traduire. La thorie cognitive tente de rsoudre ce problme. En guise dexplication, on exposera ci-dessous le modle analogue que nous offre Jean Delisle dans lanalyse du Discours comme mthode de traduction (1980). Ce modle rvle laspect cratif du processus cognitif de la traduction.

    1. Le processus heuristique de la traduction selon Jean Delisle

    Jean Delisle (1980) imagine le processus traducteur en cascade. Selon lui, traduire est un processus de cration et de choix que lon value et rvalue continuellement: Le trait le plus spcifique de la traduction humaine est son caractre crateur car ce processus suppose un ensemble de choix pralablement non rglement(2). Pour illustrer ce caractre cognitif de lactivit du traducteur, Delisle propose un modle du processus de traduction compos de trois tapes. Ces tapes diffrencient le domaine linguistique du domaine extralinguistique et cette diffrenciation est prsente chez Delisle comme chez dautres

    traductologues sous le terme niveaux de traduction. Selon sa thorie, la postulation dune quivalence de traduction se ralise en trois temps: comprhension, reformulation et justification. chacune de ces tapes correspondent respectivement les sous-oprations suivantes: le dcodage des signes linguistiques et la saisie du sens; le raisonnement analogique et la reverbalisation des concepts; linterprtation rebours et le choix dune solution (voir le schma, page 3)

    a. La comprhension

    Lors de cette tape, le traducteur cherche saisir le vouloir dire de lauteur. La comprhension inclut deux paliers: celui de la saisie du signifi (renvoi au systme linguistique) et celui de la saisie du sens (renvoi aux paramtres rfrentiels).

    Le dcodage des signes

    Il sagit dune analyse intra-linguistique qui consiste dgager le contenu conceptuel des mots par une analyse lexico-grammaticale. Cette analyse tant

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    insatisfaisante du point de vue smantique, on procde une analyse extralinguistique ou la saisie du sens.

    La saisie du sens

    Il sagit dune analyse contextuelle qui a pour but de dfinir plus prcisment le contour conceptuel de lnonc en lenrichissant du contexte rfrentiel dans lequel il baigne. Donc, cette analyse jette un pont entre la langue et la ralit.

    Ainsi, le terme mot de passe qui est frquemment utilis en informatique dsigne en franais un mot, un chiffre ou des lettres qui permettent un nombre restreint dutilisateurs daccder aux informations, logiciels, vidos contenus

    dans un ordinateur (le dcodage des signes). Or, en informatique, le but dun mot de passe est de bloquer laccs des autres utilisateurs son poste (la saisie

    du sens).

    Le processus heuristique de la traduction (3)

    Texte de dpart

    Enonc original

    Comprhension Dcodage des signes

    linguistiques (Rfrence la langue)

    Saisie du sens (Rfrence la ralit)

    premire interprtation

    Reformulation //stade non verbal//

    (Prise en charge des concepts par des

    mcanismes crbraux non lingusitiques)

    Reverbalisation des concepts

    Processus analogique

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    Solution provisoire

    Vrification Analyse justificative

    Choix dune solution

    Deuxime interprtation

    Enonc rexprim

    Texte darrive

    b. La reformulation Il sagit dun stade non verbal dans lequel les concepts sont pris en charge

    par les mcanismes crbraux non linguistiques. Dans cette tape du processus, les ides isoles dclenchent dans le cerveau du traducteur un raisonnement analogique qui consiste procder des associations successives dides et des dductions logiques pour aboutir une solution provisoire. Ainsi, le terme mot de passe que nous avons voqu dans la page prcdente dclenche dans le cerveau du traducteur arabophone le terme . Mais, la connaissance qua le traducteur du domaine de linformatique lincite rejeter

    cette traduction et opter pour , car le mot rime mieux avec lide dusage exclusif et limit dun appareil. Donc, la connaissance de ce mot nest pas la porte de tout le monde. Do le mot .

    c. La justification

    Il sagit dune deuxime interprtation rebours. La justification est toujours fonction de linterprtation antrieure la rexpression et elle suit le

    mme modle interprtatif. Cette analyse justificative a pour but de vrifier lexactitude de la solution (provisoire) retenue. Elle consiste sassurer que lquivalent rend parfaitement le sens de lnonc initial.

    Lactivit traduisante comporte donc une double interprtation: la premire survient entre la saisie des concepts et leur rexpression; la seconde sintercale entre la rexpression et le choix dune solution finale. Le sens est lunique objet de cette double interprtation. Elle sexerce sur des segments textuels. Le but atteindre est la reconstitution dun texte aussi fonctionnel que loriginal du point

    de vue de la communication. Pour ce faire, le traducteur adapte continuellement les virtualits expressives des mots au cadre cognitif dans lequel sinscrit le message.

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    Prenons toujours comme exemple l'expression mot de passe pour lequel nous avons retenu provisoirement la traduction . La premire partie de cette solution nest pas satisfaisante dans la mesure o elle ne rend que partiellement le contenu du terme traduire (mot de passe). Celui-ci peut tre un chiffre ou une association de chiffres et de lettres qui a pour but de restreindre laccs un ordinateur ou une pice dont laccs est informatis. Cette connaissance de la ralit de l'expression mot de passe et de ses applications relles (un code limitant laccs quelque chose) oriente le traducteur vers le terme arabe qui rend "fidlement" le contenu linguistique et culturel de son quiavlent franais.

    2. Lexgse lexicale Nous avons vu que linterprtation est un dialogue hermneutique intrieur

    qui stablit entre le traducteur et le texte original. Ce dialogue exgtique conduit la comprhension du sens des signes linguistiques. Toutefois, lanalyse

    exgtique ncessaire la comprhension et la rexpression dune ide nest pas la mme pour toutes les parties du discours. Delisle distingue trois niveaux dexgse lexicale:

    a. Le niveau zro ou le report des vocables monosmiques Dans tous les textes traduire, il y a des lments dinformation qui

    chappent presque compltement lanalyse exgtique tels que les noms

    propres (ex.: Pierre, Sophie, etc.) et la plupart des termes appartenant aux terminologies scientifiques (ex.: kilomtre, gramme, litre, etc.). Les interprtes notent toujours ces mots parce quils sont objet de savoir et non de comprhension.

    b. Le 1er niveau ou la ractivation des formes consignes dans les systmes linguistiques

    La textologie tudie les textes dans leur relativit et leur individualit: deux noncs formellement identiques seront considrs comme diffrents si leur cadre nonciatif nest pas le mme.

    A ce niveau, le traducteur isole lacception contextuelle pertinente dun mot et tente de trouver dans la langue darrive un vocable utilis habituellement et spontanment par les usagers de cette langue pour dsigner la mme ralit dans la mme situation de communication.

    Ainsi, un franais faisant une pause devant une machine de caf pourrait choisir un caf long ou court, alors quun jordanien choisirait ou . Dans les deux cas, il sagit dallger son caf ou de le rendre plus fort. Le franaise insiste, dans son expression, sur la quantit deau ajoute

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    au poudre de caf tandis que le jordanien pense spontanment la quantit du poudre de caf quil faut ajouter leau pour obtenir le got dsir.

    c. Le 2e niveau ou la recration contextuelle

    Les quivalences ne sont pas toujours consignes dans la langue darrive; par consquent, le traducteur ne peut pas tout simplement mettre profit sa connaissance linguistique pour faire correspondre lide du texte original, une

    forme collectivement accepte et consacre par lusage en langue darrive. La

    recration contextuelle est la seule faon de sortir dune telle impasse. Elle consiste procder des alliances des mots ou donner cert ains termes des acceptions non rpertories dans le dictionnaire. Il est important daffirmer quil ne sagit pas dun cas dintraduisibilit, mais dune combinaison de mots dont lacception est inusite, indite et qui exige un surcrot deffort analytique de la

    part du traducteur.

    Soit cette phrase: Je vous dsapprouve davoir crit cet article. La structure habituelle du verbe dsapprouver est la suivante: dsapprouver quelquun ou quelque chose. La structure employ dans cet exemple (dsapprouver quelquun davoir fait quelque chose) est moins frquente et elle

    nest pas explicite dans larticle du dictionnaire consacr ce verbe (le Petit Robert, 1997). Lanalyse de la nature des relations entre les deux parties de la phrase en question a facilit la reformulation dun quivalent satisfaisant. Il

    sagit dun lien de causalit: le sujet je juge lobjet vous de manire dfavorable et pjorative parce quil naime pas larticle quil a crit. Cest donc un reproche, do lquivalent que lon propose:

    3. Lcart culturel en situation de traduction

    Loptique interprtative que lon vient de voir dans le modle de Delisle insiste sur la diffrence entre le savoir linguistique et le savoir extralinguistique. Le processus de la traduction est conu comme la comprhension du sens exprim dans le texte de dpart et la rexpression de ce mme sens dans le texte darrive. Cette comprhension se fait par ladjonction du savoir qua le traducteur des ralits et des objets dsigns. Implicitement, cette conception repose sur le prsuppos dune ralit universellement partage.

    Prenons, en guise dexemple, ce titre: Le parrainage, un soutien pour grandir. Ce titre est extrait dun article qui fut publi en octobre 2002 dans le magazine LABEL FRANCE. Un traducteur arabophone serait amen traduire le terme parrainage par (comme dans ). Or, cette traduction fait croire au lecteur arabophone que le modle franais du parrainage est identique celui de larabe qui est dorigine religieuse et li aux orphelins

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    quils soient dans le mme pays ou dans un autre pays arabe. Parrainer larabe est alors une solution financire qui assure lorphelin un prsent scurisant et un avenir prometteur. Le parrainage voqu dans larticle franais est une forme de solidarit sociale port par un couple dadultes un enfant en dtresse. Le

    couple accueille lenfant et le soutient moralement et financirement. Il le protge si ses parents abusent de lui ou sils sont hospitaliss. Laccord des

    parents ou des reprsentants lgaux de lenfant est indispensable la mise en

    place de ce soutien dont lobjectif est de fournir lenfant en dtresse un climat

    familial quilibr. Traduire parrainage par prive, comme on vient de le dmontrer, le terme franais de son contenu culturel. Il induit aussi le lecteur arabophone en erreur car, comme le souligne Cary (1985), la traduction nest pas seulement la confrontation de deux langues face une mme ralit. Cest aussi le passage dun univers extralinguistique (une culture) un autre. ...La traduction est une opration qui cherche tablir des quivalences entre deux textes exprims en deux langues diffrentes, ces quivalences tant toujours et ncessairement fonction de la nature des deux textes, de leur destination, des rapports existant entre la culture des deux peuples, leur climat moral, intellectuel, affectif, fonction de toutes les contingences propres lpoque et au

    lieu de dpart et darrive(...) la distance existant entre deux cultures laisse une empreinte invitable sur la faon de traduire, bien plus que les rapports purement linguistiques (...) ltude linguistique reste toujours un pralable, jamais une explication exhaustive de la nature profonde de lopration(4). Do lintrt du modle que propose Milena SPROVA du processus de traduction.

    a. Le modle de SPROVA

    Pour rendre compte non seulement des carts qui existent entre deux langues en situation de traduction, mais aussi des diffrences entre le savoir partag par le public de la culture de dpart et le savoir partag par le public de la culture darrive, SPROVA ajoute une tape au modle interprtatif de

    Delisle, obtenant ainsi un modle quatre tapes:

    1. Identifier dans le texte de dpart les formes et les significations linguistiques de la langue de dpart (LD).

    2. Comprendre le sens du texte original en fonction de la culture de dpart (CD).

    3. Situer, rinterprter le sens compris en 2. dans la culture darrive (CA).

    4. Lexprimer dans le texte de la langue darrive (LA).(5)

    Ce sont les tapes 2. et 3. qui soulignent les diffrences cognitives (extralinguistiques) qui peuvent exister entre la CD et la CA. Elles tmoignent de lexistence des carts entre le savoir de la culture de dpart et celui de la culture darrive.

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    Pour illustrer le foss culturel entre la langue de dpart et la langue darrive, examinons cette phrase extraite dun article publi en 2002 dans

    Francoscopie sur les modes de vie des couple en France: 15 % des franais de 18 35 ans disent avoir lintention de conclure un pacs. Le pacs est une abrviation du Pacte Civile de Solidarit. Cest un contrat qui permet deux personnes adultes non apparentes, de sexes diffrents ou identiques et vivant ensemble de rgulariser leur vie en commun. La socit franaise multiplie les modes de vie de couple (mariage, union libre, concubinage, etc.). En revanche, la socit jordanienne ne connat encore quune seule forme de vie de couple: le mariage. Et comme le terme est consacr comme un quivalent au mot mariage, la seule traduction plausible de ce terme pour un lecteur jordanien serait qui signifie: runir deux personnes dans un lien de couple sans dterminer la nature de ce lien (fianailles, mariage ou autre).

    Il est vident que le modle de SPROVA accorde plus dimportance

    llment culturel (extralinguistique) que le modle de Delisle. Il instaure avec

    ses deux phases de comprhension que le savoir partag est non universel mais diffrent dune culture lautre.

    b. ladaptation de la stylistique compare

    Vinay et Darbelnet (1958), pionniers de la stylistique compare, ont tent de classer les carts linguistiques pouvant exister entre un texte original et sa traduction. Ils ont constat quil y a un type dcart qui nest pas linguistique. Il sagit des cas o la situation dans laquelle sinscrit le message traduire nexiste

    pas dans la langue darrive et doit tre cre par rapport une situation que lon juge quivalente: plus grande est la divergence entre les cultures des deux langues rapproches, et plus il est difficile de traduire.(6). Mais, lobjectif de Vinay et Darbelnet tant la comparaison des langues face un sens extralinguistique identique, les carts cognitifs ont t traits par eux de faon marginale et ce cause de la difficult de dissocier les faits linguistiques et les faits extralinguistiques. Cependant, il convient de noter que cest ce traitement des diffrences extralinguistiques, aussi marginal soit-il, qui a engendr les fameux procds de traduction de la stylistique compare. Un procd de traduction est une mthode suivre pour obtenir un rsultat(7). Les procds de la stylistique compare sensibilisent aux transformations de la structure de lunit de traduction: la conservation des spcificits cognitivo-rfrentielles de la CD passe par la traduction littrale (et ses deux cas spcifiques (le calque et lemprunt)) (...) la suppression des spcificits cognitivo-rfrentielles de la CD aboutit une traduction adaptative (ladaptation)(8). Cest donc une analyse et une classification des quivalences tudies quil sagisse dquivalences de

    mots ou dquivalences de phrases:

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    - La transposition grammaticale (nom / adjectif).

    Ex.: le processus de paix

    - La modulation (passif / actif)

    Ex.: La ministre de la sant est auditionne par une commission denqute du snat Pourtant, ces procds ne sont pas la solution unique aux problmes

    rencontrs par le traducteur. En fait, le traducteur peut choisir de maintenir la structure du terme ou de la phrase traduire. Les exemples ci-dessus mentionns peuvent se traduire de la faon suivante:

    Le traducteur a donc une certaine latitude dans le choix de moyens linguistiques pour la rexpression du message traduire et ce grce la multitude de formulations dont dispose chaque langue pour exprimer une mme ralit. Il serait alors faux driger les procds de traduction de la stylistique compare en rgles absolues de traduction parce quils ne facilitent pas toujours lanalyse de lunit de traduction; ils donnent une ide claire sur le contenant mais pas sur le contenu. Par exemple, dans le cas de ltoffement (l'ajout d'un

    terme pour la fluidit du style), le traducteur sait quil doit ajouter un mot par souci de prcision (le contenant). Mais ce savoir ne laide pas pour autant

    prciser de quel mot sagit il (le contenu). Traduire est un exercice interprtatif et ces dits procds ne deviennent lucides quultrieurement linterprtation

    (llment cognitif du processus de traduction). Prenons,comme exemple, le titre suivant: "Obsques de la policire tue: Sarkozy face au malaise de la police municipale". Ce titre est extrait d'un article en ligne (www.20minutes.fr, le 26 mai 2010) sur l'assassinat d'une jeune policire marseillaise. L'exemple porte sur la traduction du terme: malaise. Le mot malaise est un mot difficile cerner; il peut s'agir d'un trouble physiologique, d'un profond sentiment d'angoisse et de tristesse ou d'un simple tat d'embarras. Les diffrents sens ci-dessus cits nous incitent proposer un quivalent arable compos de deux mots (l'toffement): l'tat ou le sentiment et la nature de cet tat ou ce sentiment. Le choix de l'toffement n'a pas t systmatique. Nous ne ne l'avons adopt qu'aprs avoir consult le dictionnaire. La forme de l'quivalent arabe propos est claire (deux mots). En revanche, le contenu de cette forme ne l'est pas: de quel sentiment s'agit-il? de l'angoisse, de la tristesse ou de l'embarras? La rponse cette

    http://www.20minutes.fr/

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    question ne provient pas du procd de l'toffement, mais de la lecture et de l'interprtation du texte traduire:

    Obsques de la policire tue: Sarkozy face au malaise de la police municipale

    Aux premires notes de la Marseillaise, des milliers de policiers portent la main droite hauteur de tempes. A 15h30, lheure est venue Villiers-sur-Marne de rendre un hommage national Aurlie Fouquet.

    Cette jeune policire municipale a t tue, le 20 mai, dans la fusillade sur lA4. Nicolas Sarkozy a assist aux obsques, accompagn de la garde des Sceaux Michle Alliot-Marie et du ministre de lIntrieur Brice Hortefeux.

    Aprs la minute de silence partage par tous les commissariats et toutes les gendarmeries du pays, le chef de lEtat sest plac devant le cercueil envelopp

    du drapeau franais. Son discours: un hommage solennel la policire qui a donn sa vie pour la Rpublique ainsi que quelques mots pour sa famille, anantie par le chagrin. Dans la foule, un policier municipal dont lcusson est barr dun bandeau noir ne peut sempcher dexprimer sa colre: Dans 10 ou 20 ans, celui qui a fait a sortira, alors que le fils dAurlie a perdu sa mre.

    Nicolas Sarkozy a assur que la police dispose des lments qui permettront dinterpeller tous les membres de cette bande de lches assassins.

    Et mme sil a appel non pas la vengeance mais la justice, le malaise tait perceptible dans les rangs.

    Quelques 2.000 policiers municipaux taient venus de toute la France pour exprimer leur solidarit leurs collgues, souligne une jeune policire dOrlans. Beaucoup ont t choqus par le drame. Pendant la crmonie, plusieurs jeunes policiers ont dailleurs t vacus en civire, ou soutenus par

    la Croix Rouge jusquau poste de secours.

    Mais ils taient galement venus tmoigner de leur colre. Jai t secou par lacharnement. Quand on voit ltat de la voiture, il est clair que ce ntait pas une balle perdue, souligne un policier dEmerainville (Val-de-Marne) qui avait dj partag un caf ou deux avec la victime. La police municipale se sent malaime et compte bien demander, jeudi, des moyens de protection supplmentaire Brice Hortefeux qui reoit leurs syndicats.

    A l'issue de la lecture de cet article, nous avons pu dterminer que le malaise exprim dans ce texte tait un sentiment pnible et irraisonn d'angoisse et d'embarras. Les passages en gras justifient cette interprtation qui facilite, d'ailleurs, la traduction du terme "malaise" par: .

    http://maps.google.fr/maps?q=Villiers+sur+Marne&oe=utf-8&client=firefox-a&ie=UTF8&hl=fr&hq=&hnear=Villiers-sur-Marne,+Val-de-Marne,+Ile-de-France&ll=48.827435,2.542305&spn=0.134029,0.363579&z=12http://maps.google.fr/maps?q=Villiers+sur+Marne&oe=utf-8&client=firefox-a&ie=UTF8&hl=fr&hq=&hnear=Villiers-sur-Marne,+Val-de-Marne,+Ile-de-France&ll=48.827435,2.542305&spn=0.134029,0.363579&z=12http://www.20minutes.fr/article/407224/Societe-Fusillade-de-Villiers-sur-Marne-les-obseques-de-la-policiere-municipale-ont-eu-lieu-ce-mercredi.phphttp://www.20minutes.fr/article/405784/Societe-Plusieurs-blesses-par-balle-lors-d-un-controle-routier-dans-le-Val-de-Marne.phphttp://www.20minutes.fr/article/406222/Societe-Fusillade-a-Villiers-sur-Marne-Sarkozy-assistera-aux-obseques-de-la-policiere.phphttp://www.20minutes.fr/thematique/brice_hortefeuxhttp://www.20minutes.fr/thematique/brice_hortefeux

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    Cet exemple dmontre que nous ne pouvons pas anticiper la dsignation du procd de traduction utiliser. Le choix d'un procd et la rigueur de ce choix dpendent du contexte, c'est--dire: la lecture du texte, la consultation du dictionnaire et la documentation sur le sujet traduire.

    Bien que la stylistique compare souligne lexistence dun lment cognitif dans le processus de traduction, ses fameux procds le cour-circuitent. Cela nempche que la stylistique compare reste un excellent instrument dobservation du fonctionnement de deux langues. Elle a le mrite de:

    1. faire dcouvrir la singularit structurale de chaque langue.

    Ex.: La dominance de la phrase verbal en franais alors quen arabe la phrase peut tre verbal ou nominal.

    2. diffrencier la faon dont chaque langue dcoupe la ralit.

    Ex.: dans lexpression franaise tu me manques , la focalisation porte sur la personne qui suscite cet tat affectif. En arabe, la focalisation porte sur la personne qui prouve ce sentiment:

    Cest aussi le cas en anglais: I miss you.

    Pour toutes ces raisons, la stylistique compare peut, dans le cadre dun cours de traduction, servir :

    a. perfectionner la comptence linguistique des apprenants.

    b. sensibiliser les apprenants aux techniques de passage dune langue lautre.

    c. Les aider identifier les difficults quil faut surmonter en traduction.

    Conclusion

    Cet article est une tentative modeste de faire comprendre le processus intellectuel par lequel un message donn est transpos dans une autre langue et ce en tablant sur deux thories-mthodes (celle de Delisle et celle de Sprov) qui ont consolid le statut de la culture comme un lment inhrent la traduction. Il est stipul dans ces deux thories que traduire est une activit complexe qui intgre un effort daccession la connaissance non partage par la

    culture de dpart et la culture darrive, engendrant ainsi une typologie de la

    traduction (les procds de traduction) pour remdier cet cart culturel entre le texte original et sa traduction. Mais o se dressent les limites de ces passerelles culturelles? Et quelle culture favoriser? La culture de dpart ou la culture darrive? Favoriser la culture darrive nenlverait-il pas au texte original son identit ? Favoriser la culture de dpart ne serait-ce une ngligence lgard des destinataires de la traduction?

  • Safa Zayed

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    Traduire est sans doute une activit fragile et dfiante qui ncessite de la part du traducteur une vigilance permanente pour livrer une traduction satisfaisante o squilibrent langue et culture.

    .

    : .

    :

    -1

    .

    Jean Delisle -2

    .

    Milena SPROVA -3

    .* The paper was received on Sep. 2, 2009 and accepted for publication on June 2, 2010.

    Notes 1. Llovet J. : Traduccin es creacin, Vasos comunicantes, no. 17, 2000, p.31,

    cit selon Diana Motoc : Traduction et cration : de la re-cration du texte

  • Spatial Zoning of School Location-Allocation in Greater Auckland, New Zealand

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    littraire traduit la crativit du processus traducteur, Revue ARCHES, No. 4, 2002.

    2. Delisle J. : Lanalyse du discours comme mthode de traduction, Presse de lUniversit dOttawa , 1980, p.53.

    3. Ibid. p. 85.

    4. Cary E. : Comment faut-il traduire?, Ballard, Presses universitaires de Lille, 1985, p. 85- 87.

    5. Sprov M. : Typologie des Traductions : traitement des spcificits rfrentielles dans la traduction, Contrastes, Srie A10, Zditions, 1991, p. 64

    6. Vinay J.-P. et Darbelnet J. : Stylistique compare du franais et de langlais, Didier, Paris, 1958, p. 260.

    7. Delisle J. : Lanalyse du discours comme mthode de traduction, Presse de lUniversit dOttawa , 1980, p.88.

    8. Sprov M. : Typologie des Traductions : traitement des spcificits rfrentielles dans la traduction, Contrastes, Srie A10, Zditions, 1991, p. 68-69.

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    Etude contrastive de trois traductions Franaises Contemporaines du Saint Coran

    Narjes Enaasser*

    Abstract La prsente recherche est une tude contrastive entre le franais et l'arabe, elle est

    base sur l'analyse et la comparaison de trois traductions franaises contemporaines du Coran. Pour des raisons de clart, nous l'avons divise en quatre parties: une qui traite le vocabulaire, une deuxime traite la syntaxe, une troisime pour la rhtorique et la dernire montre les influences culturelles sur la traduction. A travers des chantillons tirs de sourates Al.Baqara, Al.Imran, Annissa' et Al.Ma'ida, nous exposons les difficults mais nous mettons galement en lumire les russites pour arriver la conclusion qu'il est possible de prsenter une traduction franaise du Coran qui soit conforme aux exgses musulmanes tout en respectant le gnie de la langue et de la culture franaises.

    Les mots cls: Coran, exgse, rhtorique, culture, franais, arabe.

    Introduction

    Le Coran, comme les autres critures saintes, a suscit l'intrt des savants, des linguistes et des traducteurs. En 1143, est parue la premire traduction latine du Coran. Cette traduction a ouvert la voie vers la traduction dans les langues europennes. La premire traduction franaise a vu le jour en 1647, il s'agit de la traduction de Sieur du Ryer, L'AlCoran de Mahomet, sur laquelle s'est bas Alexander Ross qui a ralis la premire traduction anglaise en 1649.

    Plusieurs traductions ont suivi: celle d'Antoine Galland en 1646 et 1715, celle de Claude Etienne Savary en 1750, 1788, 1798 et 1821, celle de Kasimirski en 1878, etc. En 1861 Fatma Zaida a publi une traduction dans laquelle elle a utilis le nom arabe pour dsigner Dieu, savoir Allah considrant que le mot franais Dieu ne couvre pas les qualificatifs musulmans pour la dit qui sont au nombre de 99 et qui ont chacun une valeur smantique propre. En 1957, Rgis Blachre a suivi lexemple de Fatma Zaida, des traducteurs anglais, russes et

    allemands lont galement suivi

    Copyright 2010 by The Society of Arab Universities Faculties of Arts, All rights reserved * Department of French Language and Literature, Faculty of Foreign languages, Jordan University, Amman,

    Jordan.

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    60

    A laube du 20me sicle, de grands efforts ont t dploys et des traductions du sens du Coran sont apparues dans presque toutes les langues du monde; aujourdhui, nous trouvons par exemple plus de 150 traductions

    franaises ralises par des traducteurs de diffrentes nationalits et de diffrentes religions dont des arabes et des musulmans. Selon Blachre (1991: 271), l'intrt pour la traduction du Coran a vari selon les communauts, les langues, les poques et les contextes politico- religieux d'un pays l'autre ou d'une rgion l'autre, si nous prenons le cas de la France, par exemple, nous remarquons que c'est surtout partir du 17me sicle que ce livre sacr a commenc susciter un vif intrt chez une certaine classe:

    La bonne socit et Voltaire.

    Les arabes excellaient dans la posie et la rhtorique; le miracle du prophte Mohammad a t Le Coran, une parole particulirement loquente et inimitable aussi bien dans sa forme que dans son contenu, cest pourquoi toute traduction a

    t considre comme une interprtation destine faciliter sa comprhension par les musulmans non-arabes. Pendant longtemps, un courant musulman traditionnel nadmettait pas la traduction en se fondant dune part, sur

    limpossibilit de cerner tous les sens du Coran, que seul Dieu connait, et dautre part, sur linimitabilit de sa langue arabe. Selon Trabelsi (2000:401), ce courant na pas tout fait disparu, elle donne comme preuve le livre arabe publi par le

    tunisien Mahmoud Cha'bane en 1984, qui compare six traductions franaises du Coran, celles de Masson, de Kasimirski, de Mazigh, de Hamidullah, de Blachre et de Grosjean, pour conclure que la traduction de ce texte sacr est impossible. Daprs lui, il suffit au traducteur den traduire les exgtes qui lui semblent les plus importants, ou les plus plausibles, ou bien den crire lui- mme une exgse en langue trangre.

    Ceux qui taient opposs la traduction du Coran disaient quune fois

    traduit, un verset perd sa beaut rhtorique et mme sa signification. Pour cette raison, la traduction tait considre harm, c'est- - dire comme violant les prceptes de lIslam et par consquent interdite. Les anciens musulmans avaient

    lhabitude denseigner larabe aux musulmans non-arabes. Ainsi, beaucoup de savants musulmans comme Ibn Kar, A-l Kurtubi, Al- Zamaari, Al- Tabari, etc. ont essay de proposer leur interprtation. Selon ces exgtes, lhomme

    nest pas parfait alors que le Coran est parfait et de valeur universelle. Il nest

    donc pas possible pour un homme de saisir pleinement les paroles de Dieu. Dautre part, le Coran prsente une sorte de polyvalence smantique; par

    consquent, toute interprtation reflterait la comprhension et le point de vue de linterprte.

  • Etude contrastive de trois traductions Franaises Contemporaines du Saint Coran

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    I- Caractristiques du texte coranique Le discours coranique se caractrise par des traits culturels et linguistiques

    spcifiques: Nous notons par exemple un changement frquent du temps du verbe du pass au prsent et vice versa; il y a galement un changement de la personne et du genre comme dans le verset 11 de sourate A-alq:

    "

    " Et quiconque croit en Allah et fait le bien, il le fait entrer aux jardins

    sous lesquels coulent les ruisseaux, pour y demeurer ternellement. Allah lui a fait une belle attribution(1)

    Au dbut du verset, il sagit de la troisime personne du singulier, au milieu, de la troisime personne du pluriel et la fin de la troisime personne du singulier; le verbe est au prsent au dbut du verset et la fin, il est au pass. Le Coran a aussi des particularits rhtoriques, linguistiques et rythmiques, ce qui constitue un dfi pour les traducteurs.

    Abdul Raof (2003:93) cite Guillaume qui considre que le Coran est l'une des uvres classiques du Monde qui ne peut tre traduite sans une grande perte. En effet, le Coran ne revt pas luniformit de style que lon connait dans dautres livres car il a t formul de faon viter la monotonie dans une belle

    langue: souvent, les mmes thmes sont traits dans diffrents versets mais de diffrentes manires avec toujours de nouveaux aspects rhtoriques et rythmiques; il sagit de lunicit de Dieu, de ses attributs, du dernier jour, de la

    vie du prophte Mohammad, des piliers de lIslam, etc.

    En gnral, les traducteurs sont influencs par leurs propres cultures et croyances et ils se concentrent sur les aspects linguistiques et le sens apparent au lieu de mener des recherches sur les raisons de la rvlation et les exgses accrdites. Il y a, en effet, des versets dont le sens est vident et dautres dont le sens est implicite; il faut donc maitriser la rhtorique arabe de lpoque pour bien cerner le sens cach des versets o il y a des ellipses et des particularits syntaxiques comme lemphase ou linversion. Un exemple de verset implicite est l'ensemble de lettres au dbut de certaines sourates comme Alif, lm mm dont le sens rel est inconnu, il va de soi que ces lettres nont aucun sens littral.

    II-Equivalence dans la traduction Arabe/franais et mthodes adoptes pour la traduction du Coran

    Selon Guidre (2005:11) pour les traductologues, l'quivalence est par dfinition asymtrique parce qu'elle porte sur des langues diffrentes et qu'elle vise une correspondance de sens et de fonction et non pas de forme et de

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    structure; c'est le traducteur qui fait l'quivalence () Il est important de noter ici que le concept d'quivalence se rapporte en traductologie, la pratique langagire, cest--dire un lment quivalent sur le plan du discours (de la pratique) et non pas la langue (cest--dire du systme en gnral).

    Au niveau du lexique, l'quivalence entre les termes de deux langues peut-tre unique, un mot de la langue cible pour un mot de la langue source, multiple, plusieurs mots de la langue cible pour un seul mot de la langue source ou partielle, c'est- -dire que le mot de la langue cible couvre une partie seulement des traits smantiques que couvre le mot de la langue source.

    Au niveau textuel, on rencontre des quivalences textuelles portant sur la structure d'ensemble et la cohsion gnrale; au niveau de la communication, on constate la prsence d'quivalences fonctionnelles portant sur certains types de textes et certains effets ainsi que des quivalences interprtatives portant sur la dimension cognitive de la communication inter-linguistique. Au niveau extralinguistique, on constate l'existence d'quivalences culturelles qui refltent la nature de chaque culture. Les thoriciens distinguent clairement les correspondances potentielles, qui renvoient au niveau de la langue et du dictionnaire bilingue, des quivalences effectives qui concernent le niveau des textes et qui renvoient des ralisations discursives considres en contexte. Par consquent, aujourd'hui, on dfinit l'quivalence au niveau intertextuel et non pas au niveau inter-linguistique. Selon Guidre, les nouvelles orientations de la linguistique et de la smiotique conduisent redfinir l'interprtation traductologique et la considrer comme un acte de cognition qui passe par un processus comparatif et dductif des quivalences possibles (2005:16): "Tout acte de traduction est une transaction difficile entre la comptence du traducteur et le contenu effectif d'un texte donn. Entre l'inaccessible intention de l'auteur, son vouloir-dire et la discutable intention du lecteur- traducteur, son interprtation, il y a cohrence gnrale du texte qui rfute toute traduction inadquate ou inaccessible".

    La question de savoir si les units de traduction doivent tre dfinies en rfrence la syntaxe ou la smantique a longuement t dbattue par les spcialistes. En effet, le dbat porte essentiellement sur l'opposition entre la traduction mot--mot et la traduction sens-- sens, autrement dit, entre la littralit et l'interprtation. Mais il a t clairement tabli dans les deux cas que les units taient souvent asymtriques entre les deux langues compares.

    Guidre (2005:17), introduit la notion dquivalence possible: La notion dquivalence possible est utile pour une rflexion sur la traduction car elle aide dcider de quel sens le traducteur se soucie dans son travail et ce quil veut transmettre travers le langage. Mais il faut tre conscient dun fait: parmi les

  • Etude contrastive de trois traductions Franaises Contemporaines du Saint Coran

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    traductions possibles, il y a des traductions incontournables, des traductions invraisemblables et des traductions inacceptables.

    Temps et Aspect entre l'Arabe et le Franais

    En arabe littral, les principales distinctions dans l'tude du verbe sont aspectuelles et non pas temporelles, mais elles sont souvent traites comme diffrences de temps quand on compare l'arabe une langue comme le franais. Al Mudre arabe, considr en gnral comme quivalent au prsent franais, signifie " qui ressemble au nom" (Blachre, 1984:36).

    En effet, les linguistes utilisent aujourd'hui l'opposition Accompli / inaccompli pour dsigner l'opposition entre le Mdi et le mudre arabes, ce qui est une opposition aspectuelle concernant la continuit ou la non-continuit d'une action (Blachre, 1984)

    Nida (1964:198/199) indique que le temps marque le temps relatif des vnements, en revanche, l'aspect montre la nature de l'action. Bien sr, l'opposition temps/aspect diffre d'une langue l'autre et plus particulirement quand il s'agit de langues qui appartiennent des familles linguistiques trs diffrentes comme l'arabe et le franais. Ainsi, il n'y a pas d'quivalence parfaite entre deux langues. En effet, les contrastes temporels en arabe sont moins systmatiques qu'en franais, c'est--dire qu'ils ne sont pas clairement marqus par des formes du verbe comme c'est le cas en franais, mais ils sont exprims l'aide de formes verbales de base auxquelles sajoutent des particules ou des

    expressions adverbiales et c'est surtout le contexte qui permet de situer l'action dans son temps et aspect effectifs, d'o la ncessit de bien saisir le contexte d'nonciation pour cerner les nuances temporelles et aspectuelles de l'arabe et les rendre correctement tout en respectant le gnie du franais.

    Les traducteurs du Coran adoptent des mthodes varies, certains se contentent de la traduction, d'autres accompagnent leurs traductions d'une tude introductive sur l'Islam, la vie du prophte Mohammad, les conditions de la rvlation et les diffrentes exgses pour donner au lecteur une ide sur la difficult de traduire ce texte arabe sacr. Leur objectif est de prparer le lecteur non musulman et non arabophone recevoir un texte qui n'est pas authentique- ce nest quune traduction du texte sacr- et dont il est galement impossible de cerner et de traduire tous les sens, quelles que soient les comptences de l'exgte et du traducteur.

    Ils n'ont pas suivi la mme dmarche linguistique. Certains, ont, en effet, prfr tre fidles la langue arabe de ce livre sacr et l'ont annonc dans leur introduction, et ce, afin de donner au lecteur franais, une ide sur le fond mais galement sur la forme arabe sacre. Nous signalons ce sujet la traduction de

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    Jacques Berque (1991 et 2002) dans laquelle il s'explique longuement sur les choix techniques qu'il avait faits pour traduire le Coran d'une manire smantique et potique. Il a cherch surtout rendre la beaut du texte arabe du Coran dans un style fluide et rythm. D'autres ont privilgi le sens plutt que la forme. Il s'agit donc de deux diffrents types de traduction.

    III-Etude du Corpus

    La prsente tude essaie d'examiner trois traductions contemporaines: une ralise par Denise Masson, publie en 1959, rdite en1980 et en 1989 par la Socit Ad-dawa Al-Islamiyya en Libye. La deuxime traduction reprsente un travail de collaboration entre Muhammad Hamidullah et Michel Lturmy, elle a t publie d'abord en 1908 et a t rdite plusieurs fois, la version que nous avons tudie est publie en 1989 par Amana Corporation aux Etats-Unis.

    La troisime, enfin, reprsente un travail collectif ralis par la Prsidence Gnrale des Directions des Recherches Scientifiques Islamiques, de l'Ifta', de la Prdication et de l'Orientation Religieuse en Arabie Saoudite. Elle a t dite en 1405 de l'Hgire (1985) par les imprimeries du Complexe du Roi Fahd. Cette traduction est base sur celle de Hamidullah(2)

    Notre corpus est constitu d'exemples tirs essentiellement des sourates Al- Baqara, Al -Imrn, An-nis' et Al- Mida, qui sont prises comme chantillon reprsentatif des trois traductions. Nous faisons galement rfrence d'autres sourates, notamment lorsqu'il s'agit de la rhtorique coranique.

    Tout en tant conscient que la texture du Coran est un ensemble cohrent et que les difficults et les erreurs en traduction sont dues des facteurs varis, linguistiques et extralinguistiques qui, trs souvent, s'entremlent, nous essayons nanmoins et ceci pour des raisons de clart, de les classer en quatre grandes classes: Deux linguistiques (lexique, syntaxe, smantique et pragmatique), une sur la rhtorique (comparaison, mtonymie, etc.) et une quatrime sur les influences culturelles.

    Analyse linguistique

    A- Erreurs dues une mauvaise comprhension du vocabulaire

    1- Le verset 197 de sourate Al- Baqara: " "

    Point de perversit, point de dispute pendant le plerinage

    Selon les exgtes Ibn Kar et Al Jallayn(3), le mot Fusq signifie Mai comme la chasse pendant la priode du plerinage. Masson a traduit ce mot par Libertinage, qui est loin du sens avanc par les exgtes. Hamidullah et Fahd ont utilis le mot Perversit qui est plus gnral que Libertinage.

  • Etude contrastive de trois traductions Franaises Contemporaines du Saint Coran

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    2- Le verset 258 de sourate Al- Baqara:

    Allah ne guide pas les gens injustes" "

    Masson a traduit Yahdi par le verbe diriger qui signifie mener en gnral, vers le bon ou le mauvais sens mais la traductrice a prcis que dans sa traduction, ce verbe signifie toujours mener vers le droit chemin. Hamidullah et Fahd ont utilis guider vers le bon chemin, ce qui est plus prcis.

    3- Le verset 282 de sourate Al- Baqara:

    " "et quun scribe lcrive, entre vous, en toute justice Ce verset concerne les prts, il s'agit de noter les dettes par crit.

    Masson a donn une traduction errone en utilisant le mot crivain au lieu de Scribe, que Fahd et Hamidullah ont judicieusement choisi. En effet, le mot arabe Ktib est polysmique, d'o la confusion chez Masson.

    4- Le verset 151 de sourate Al- Imrn:

    " "

    Nous allons jeter leffroi dans les curs des mcrants. Car ils ont associ Allah (des idoles) sans aucune preuve descendue de sa part

    Le sens exgtique de sultn est preuve.

    Masson et Hamidullah ont confondu les polysmes en traduisant Sultn par Pouvoir et autorit, respectivement. Toutes les deux traductions sont littrales tandis que Fahd a donn la bonne traduction. Nous rappelons ici que Fahd s'est bas sur la traduction de Hamidullah et il l'a amliore; d'autre part, la traduction de Fahd est l'uvre de toute une quipe de spcialistes.

    5- Le verset 154 de sourate Al- Imrn:

    " "

    Dis: Eussiez-vous t dans vos maisons, ceux pour qui la mort tait dcrte seraient sortis pour lendroit o la mort les attendait

    Kutiba est le passif de verbe Kataba, il dsigne le sort ou le destin.

    Al Qatl dsigne la mort. Il s'agit de mourir la guerre, c'est--dire que la mort aurait atteint ceux dont le destin tait de mourir.

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    Masson a donn une traduction littrale en confondant les polysmes, c'est--dire qu'elle a rendu Kutiba par le passif franais de verbe crire, soit crit et Al Qatl par le meurtre. Hamidullah a utilis prescrit et meurtre, et Fahd a utilis dcrt pour rendre Kutiba et la mort pour Al Qatl.

    6- Les versets 191 et 217 de sourate Al- Baqara:

    Lassociation est plus grave que le meurtre " "

    " " Le mot Al Fitna apparat dans plusieurs versets et il signifie l'idoltrie ou

    l'association d'autres dieux Allah comme dans ces deux versets. Dans d'autres versets, il signifie la dissension ou la sdition.

    Masson et Hamidullah ont traduit Al Fitna par Sdition et Perscution, quant Fahd, il l'a traduit par l'association d'autres dieux Allah, ce qui correspond Tafsr Al Jallayn de ces deux versets.

    7- Le verset 34 de sourate An-nis':

    ..... " "Et quant celle dont vous craignez la dsobissance, exhortez-

    les,..

    Selon lexgte Ibn Kar, une femme Niz, est une femme hautaine qui n'obit pas son mari. Masson et Hamidullah ont traduit Nuz par infidlit, tandis que Fahd a choisi la dsobissance.

    Il est noter que Nuz de la part de l'homme vis--vis de sa femme dsigne l'indiffrence comme le montre le verset 128 de la mme sourate:

    " "Et si une femme craint de son mari abandon ou indiffrence..

    8- Le verset 262 de sourate Al- Baqara:

    " ......... "

    Ceux qui dpensent leurs biens dans le sentier dAllah sans faire

    suivre leurs largesses ni dun rappel ni dun tort

    Le mme mot apparat dans les versets 263 et 264.

    Mannan signifie rappeler quelqu'un une faveur qu'on lui a rendue.

  • Etude contrastive de trois traductions Franaises Contemporaines du Saint Coran

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    Masson a donn une traduction errone Reproche, tandis que Fahd et Hamidullah l'ont rendu par Rappel, ce qui est correct; Fahd ajoute une note qui prcise que rappeler quelqu'un le bien qu'on lui a fait en annule le mrite si c'est dans le dessein de se vanter, comme le montre le verset 264:

    " " les croyants! Nannulez pas vos aumnes par un rappel ou un

    tort

    9- Le verset 201 de sourate Al- Baqara: " "

    et protge-nous du chtiment du feu! Dans les trois traductions, le mot ab, douleur, a t traduit par

    Chtiment.

    Peut-on dire que la souffrance est due au fait de mriter le chtiment d'tre jet en enfer?

    10- Le verset 31 de sourate Al- M'ida:

    " "

    Il devint alors du nombre de ceux que ronge le remords Masson a traduit Annadimne par ceux qui se repentent, or se repentir est

    lquivalent de Yatb en arabe mais dans ce verset, il sagit de regretter, d'o les traductions de Fahd:

    " le remords" et de Hamidullah: " ceux qui regrettent".

    B- Questions de syntaxe et de pragmatique

    Il s'agit ici dexpressions maladroites qui sont dues une mauvaise

    comprhension de la syntaxe arabe et surtout du style coranique. Ces erreurs sont nombreuses, en particulier dans la traduction de Masson. Nous en donnons quelques exemples:

    1-Le verset 216 de sourate Al- Baqara:

    " "

    Or, il se peut que vous ayez de laversion pour une chose alors quelle vous est un bien

  • Enaasser

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    Masson a traduit Wa par et. En effet, dans la deuxime partie de la phrase, Wa vhicule l'ide de concession, il faudrait donc le traduire par cependant ou alors que, ce que Hamidullah et Fahd ont fait.

    2-Le verset 104 de sourate Al- M'ida:

    " "

    Quoi! Mme si leurs anctres ne savaient rien et ntaient pas sur le

    bon chemin..? Masson a traduit Yahtadn par le passif de verbe diriger: "Ils ne sont pas

    dirigs" Ce qui n'est pas russi. En effet, Le mudre arabe donne l'ide du nom ou de l'adjectif et dans ce verset, La Yahtadn dsigne ceux qui ne sont pas sur la bonne voie. D'autre part, diriger est un verbe transitif qui ncessite un complment d'information pour expliquer l'ide d'tre dirig vers le droit chemin. C'est pourquoi Hamidullah et Fahd ont russi cette traduction en vitant les verbes diriger et guider, ils ont plutt utilis le verbe tre: (tre sur l bon chemin).

    3-Le verset 105 de sourate Al- M'ida:

    ...... ." "

    Cest vers Allah que vous retournerez tous; alors il vous informera de

    ce que vous faisiez

    Masson n'a pas traduit la conjonction arabe Fa qui signifie alors ou ce moment l. Hamidullah l'a traduit par puis et Fahd par alors.

    4-Le verset 52de sourate Al- Imrn:

    " "

    Puis, quand Jsus ressentit de lincrdulit de leur part, il dit: Qui

    sont mes allis dans la voie dAllah? Les aptres dirent: Nous sommes les allis dAllah

    Il s'agit ici de commenter la traduction de la prposition Ila dans Ila l-lh et Ansr il-lh.

    Hamidullah l'a traduit par mes secoureurs en Dieu, c'est--dire qu'il a rendu Ila par en, ce qui est correct. En revanche, dans la deuxime partie du verset, il a donn une traduction littrale de Ansr il-lh avec Nous sommes les secoureurs de Dieu. Fahd a t plus explicite dans la premire partie et a vit

  • Etude contrastive de trois traductions Franaises Contemporaines du Saint Coran

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    la confusion dans la deuxime partie en recourant au mot allis. C'est un exemple typique du Coran qui montre que les difficults s'entremlent et que l'on ne peut pas sparer la syntaxe du vocabulaire ou de la pragmatique; il ne faut pas perdre de vue, non plus, l'exgse car lorsqu'on connat l'interprtation accrdite, on peut procder une traduction qui rend le sens tout en respectant la syntaxe de la langue franaise.

    5-Le verset 119 de sourate Al- M'ida:

    "

    "Allah dira: Voil le jour o leur vracit va profiter aux vridiques, ils

    auront des jardins sous lesquels coulent les ruisseaux pour y demeurer ternellement: Allah les a agrs et eux Lont agr. Voil lnorme succs

    Les trois traducteurs ont utilis trois temps diffrents pour rendre le Mdi arabe dans Raiya et Wa ra: Masson a utilis le prsent, Hamidullah le futur et Fahd le pass compos. Selon Blachre (1984: 247), l'accompli, dans les verbes exprimant un dsir, une volont, une dcision, une constatation, une sensation ou un sentiment, rendu en franais par un prsent, n'quivaut nullement un prsent- futur, mais nonce le rsultat actuel d'une srie d'oprations psychologiques ou physiologiques qui se sont droules dans le pass .

    Il s'agit dans ce verset du dernier jour, les croyants seront rcompenss par Dieu pour leurs bonnes actions (passes) sur terre, ils seront admis au paradis, et satisfaits de cette rcompense.

    Masson a donn une traduction trs littrale, elle na pas traduit ni la causalit- ils sont satisfaits de leur rcompense- ni le temps des actions: " Dieu est satisfait d'eux. Ils sont satisfaits de lui "

    Hamidullah: " Dieu les agrera, et eux, l'agreront."

    Fahd: " Allah les a agrs et eux L'ont agr."

    Nous proposons la traduction suivante avec le futur antrieur et le futur simple:

    "Dieu les aura agrs et ils seront satisfaits de leur rcompense"

    6- Le verset 261 de sourate Al-Baqara:

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    "

    " Ceux qui dpensent leurs biens dans le sentier dAllah ressemblent

    un grain do naissent sept pis, cent grains lpi. Car Allah multiplie la rcompense qui Il veut et la grce dAllah est immense, et Il est

    omniscient

    Selon l'exgte Ibn Kar, Wsiun se rfre aux faveurs de Dieu qui sont grandes et Alm (omniscient) signifie que Dieu sait qui mrite ses dons.

    Masson et Hamidullah ont donn une traduction littrale:

    Masson: " Dieu est prsent partout et il sait"

    Hamidullah: " Dieu est immense, il sait"

    La proposition Il sait ncessite un complment d'information car verbe savoir est transitif. En revanche, Fahd a donn une traduction explicite qui correspond l'exgse:

    " Et la grce d'Allah est immense et il est Omniscient "

    7- Le verset 158 de sourate Al-Imrn " "

    Que vous mouriez ou que vous soyez tus, cest vers Allah que vous serez rassembls

    Nous avons ici la qu'on appelle en arabe lm At-TAwkd, qui sert confirmer une action, il joue alors le rle des adverbes de modalisation en franais comme srement, sans doute, etc. Masson l'a traduit par certainement qui n'est pas assez fort, Hamidullah et Fahd ont utilis l'emphase C'est.que et Hamidullah a ajout oui pour mieux confirmer lide:

    Que vous mouriez ou que vous soyez tus, oui, c'est vers Dieu que vous serez rassembls

    8- Le verset 6 de sourate Al- Baqara:

    " " Certes les infidles ne croient pas, cela leur est gal, que tu les

    avertisses ou non: ils ne croiront jamais L'expression Allana Kafar renvoie l'adjectif ou au nom Al Kuffr,

    les Mcrants. Selon Blachre (1984:247) Quand il s'agit de faits constats,

  • Etude contrastive de trois traductions Franaises Contemporaines du Saint Coran

    71

    acquis dfinitivement, l'arabe emploie l'accompli; de l l'utilisation de cet aspect verbal dans les maximes, les sentences:

    "Alla fut (= est) Omniscient " "Hamidullah a traduit Allana Kafar par le verbe mcroire au prsent,

    pour montrer qu'il s'agit d'un fait acquis: ceux qui mcroient, quant Fahd, il a utilis le nom les infidles, ce qui est plus prcis.

    9- Les versets 8 et 9 de sourate Al- Baqara:

    "

    . "

    Parmi les gens, il y a ceux qui disent: Nous croyons en Allah et au jour dernier tandis quen fait, ils ny croient pas. Ils cherchent tromper Allah et les croyants; mais ils ne trompent queux-mmes, et ils ne sen rendent pas compte

    Hamidullah:" tandis qu'ils ne sont pas croyants."

    Fahd:" tandis qu'en fait, ils n'y croient pas."

    Allana man dsigne un tat, d'o la traduction de Fahd par les croyants.

    En revanche, Hamidullah a donn une traduction littrale avec le pass compos de verbe croire:Ils cherchent tromper Dieu et ceux qui ont cru, mais ils ne trompent qu'eux-mmes et ils sont inconscients.

    Inconscients est gnral; la traduction de Fahd est plus prcise et elle serait encore meilleure si on remplaait et par sans la fin du verset pour donner: Sans s'en rendre compte.

    10- Les versets 49 et 50 de sourate Al- Isr:

    . " "

    Et ils disent: Quand nous serons ossements et poussire, serons-nous ressuscits en une nouvelle cration? Dis: Soyez pierre ou fer

    Fahd et Hamidullah ont traduit le verset soulign par l'quivalent littral:

    "Dis: Soyez pierre ou fer"

    En effet, l'impratif arabe a la valeur d'une proposition conditionnelle:

  • Enaasser

    72

    "Mme si vous tiez de pierre ou de fer", la principale tant implicite:

    "vous seriez tout de mme ressuscits"

    Bien sr, c'est le contexte qui montre le sens: nous savons que les infidles doutent de la rsurrection.

    C- La rhtorique et la stylistique Selon Abdul. Raof (1999: 37), Certains textes comme celui du Coran,

    prsentent des lments de cohrence linguistiques et rhtoriques qui sont imbriqus les uns dans les autres et qui constituent la pierre angulaire de la texture coranique; ils ont un but rhtorique prcis: raliser une interaction communicative et des effets esthtiques spciaux. Ainsi, il n'est pas toujours possible de rendre les rimes ou les tropes dans des langues trs diffrentes de l'arabe.

    A cet gard, le traducteur doit choisir, soit il donne la priorit au contenu soit la forme, dans ce dernier cas, il risquerait de ne pas rendre le sens. Nous donnons ci- aprs des exemples:

    1- Des mtaphores, par exemple le verset 154 de sourate Al- Arf:

    " "

    Et quand la colre de Mose se fut calme, il prit les tablettes. Il y avait dans leur texte guide et misricorde lintention de ceux qui craignent leur Seigneur

    La mtaphore: Sakata an Msa L-aabu a t perdue dans les traductions de Fahd et Hamidullah, qui ont donn une traduction du sens: Et quand la colre de Moise se fut calme. Or en arabe, la colre est compare un tre humain qui se tait.

    2- Le verset 4 de sourate Mariam:

    " " Et dit: O mon Seigneur, mes os sont affaiblis et ma tte sest

    enflamme de cheveux blancs

    Hamidullah: Oui, et ma tte s'allume de Blancheur.

    Fahd:et ma tte s'est enflamme de cheveux blancs.

    Il est courant dans la posie arabe de comparer les cheveux blancs au feu commedans les vers suivants cits par Ibn Kar:

  • Etude contrastive de trois traductions Franaises Contemporaines du Saint Coran

    73

    "

    . "

    Nous pensons, en effet, que Hamidullah et Fahd ont tous les deux, russi garder l'image du feu tout en respectant le gnie de la langue franaise, l'un en utilisant verbe S'allumer et l'autre verbe S'enflammer, les cheveux blancs sont compars aux flammes du feu qui brillent; nous pensons ici l'expression franaise: Chauffer blanc.

    3- L'oxymore dans les versets 5 et 6 de sourate A-ar:

    " " A ct de la difficult est, certes, une facilit

    En franais, il est possible de garder les rimes en utilisant les mots difficult et facilit, ce quon trouve dans les traductions de Fahd et de Hamidullah, mais la rptition a un effet stylistique qui est perdu dans la traduction.

    4- L'hyperbole dans le verset 40 de sourate Al- Arf:

    "

    "Pour ceux qui traitent de mensonges Nos enseignements et qui sen

    cartent par orgueil, les portes du ciel ne leur seront pas ouvertes, et ils nentreront au Paradis que quand le chameau pntre dans le chas de

    laiguille. Ainsi rtribuons-nous les criminels

    Hamidullah: et point n'entreront au paradis, que le chameau nait pntr dans le chas de l'aiguille. Ainsi payons-nous les criminels.

    Fahd: et point n'entreront au paradis que quand le chameau pntre dans le chas de l'aiguille. Ainsi rtribuons-nous les criminels. Tous les deux ont gard l'image qui est typiquement arabe puisqu'on parle du chameau, animal du dsert et symbole de la grande taille. Peut-on dire que le natif franais saisit parfaitement cette image? N'oublions pas que certains traducteurs cherchent donner au lecteur une ide sur les images arabes.

    On peut dire que Hamidullah est plus prcis que Fahd car il a utilis le subjonctif franais qui exprime l'invraisemblable, c'est--dire que le chameau ne pourrait jamais entrer dans le chas de l'aiguille.

    5- Les versets 41 et 42 de sourate A-ariyt:

  • Enaasser

    74

    . " "

    De mme pour les Aad, quand Nous envoymes contre eux le vent

    dvastateur npargnant rien sur son passage sans le rduire en poussire

    Selon Ibn Kar Ar-r Al aqm est un vent qui dtruit et ne produit rien.

    Fahd a traduit l'image par une expression franaise consacre, savoir un vent dvastateur, tandis que Hamidullah a gard l'image de l'arabe: un vent strile qui ne laissait chose aucune sur quoi il passait sauf la rendre carie. Nous pensons, en effet, que le verset 42 explicite le sens de aqm

    6- Les questions rhtoriques sont trs frquentes dans le Coran et elles ont t rendues sans difficult puisque cette pratique langagire est courante en franais. Nous donnons un exemple de la traduction du verset 7de sourate Al- Furqn:

    "

    "

    Hamidullah: Et ils disent: "Qu'est-ce qu'il a ce messager, manger au repas, et circuler dans les bazars? "

    Fahd: " Et ils disent: " Qu'est-ce donc que ce Messager qui mange de la nourriture et circule dans les marchs? "

    7- La comparaison est galement frquente dans le Coran et est assez facile rendre. Nous donnons lexemple du verset 58 de sourate Ar-Ramn:

    " "

    Hamidullah: Elles seront comme le rubis et le Corail.

    Fahd: Elles seront (aussi belles) que le rubis et le corail

    8- La mtonymie dans le verset 26 de sourate Al Muddair:

    " "

    Saqar est l'un des qualificatifs de l'enfer; selon Al- Mujam Al-Wast, ce mot signifie la grande chaleur du soleil ou du feu et le mal qu'elle cause, il n'a pas d'quivalent exact en franais.C'est pourquoi Hamidullah a choisi de le garder dans le texte franais, mais il a oubli d'ajouter une note explicative. Fahd l'a traduit par le feu intense:

    Fahd: Je vais le brler dans le feu intense.

  • Etude contrastive de trois traductions Franaises Contemporaines du Saint Coran

    75

    Hamidullah:Je vais le jeter dans l'enfer-Sacar.

    9- Le verset 24 de sourate A-ra:

    " "

    Hamidullah: Oui, Il sait bien le contenu des poitrines.

    Fahd: Il connat bien le contenu des poitrines.

    Tous les deux ont prfr garder la mtonymie arabe. Il aurait t pourtant possible de recourir une mtonymie franaise comme Il connait le secret des curs.

    10- L'euphmisme dans le verset 189 de sourate Al- Arf:

    " "

    Le verbe Taaha signifie littralement Il l'a couverte, c'est un euphmisme pour ne pas dsigner le rapport sexuel. Hamidullah a gard l'euphmisme en employant verbe couvrir, tandis que Fahd a utilis verbe cohabiter:

    Hamidullah: C'est lui qui vous a crs d'un individu unique, et qui a fait, de lui, pour lui, son pouse, prs de qui il pt habiter, et lorsque celui-ci l'eut couverte, une porte lgre...

    Fahd: C'est lui qui vous a crs d'un seul tre dont il a tir son pouse, pour qu'il trouve de la tranquillit auprs d'elle, et lorsque celui-ci eut cohabit avec elle, elle conut une lgre grossesse.

    Aspects culturels et interfrences

    Selon Cordonnier (2002:42), la traduction est une communication interculturelle car elle communique des spcificits culturelles: cest- dire ce qui caractrise lautre et pas le mme, mais elle communique aussi par ce quelle est, savoir la faon dont elle se pratique, les modes de traduire apportent des informations sur ltre du traducteur et sur sa culture dans son rapport lautre.

    Pour H.Abdul.Raof (2003:93), certains mots coraniques ont des nuances affectives spcifiques et ne pourraient pas tre traduits en langue trangre, ils causent donc ce qu'il appelle un vide lexical. Selon lui, ces mots ou concepts ne peuvent tre rendus que grce l'analyse componentielle ou l'aide d'expressions priphrastiques. En Voici quelques exemples:

    1- Le verset 6 de sourate Al-Mida

  • Enaasser

    76

    ".. : -1

    .." Le mot franais Ablutions ne suffit pas. Fahd a expliqu le concept sans

    garder le mot arabe, il a aussi ajout une note dtaille. Hamidullah a forg lexpression ablution pulvrale.

    Hamidullah: Faites alors ablution pulvrale sur une terre propre, et passez avec cela les mains sur vos visages et sur vos mains.

    Fahd: Alors, Recourez une terre pure, et passez-vous-en sur vos visages et sur vos mains.

    2- Les versets 2,3 et 4 de sourate Al-Il

    " " : -2Hamidullah a traduit aamad par l'Absolu, il ajoute une note dans

    laquelle il prcise qu'il a galement traduit Al Aqayym avec ce mme mot et il explique qu'il y a des divergences sur le sens de amad mais que la meilleure interprtation serait: "Celui dont tout le monde a besoin mais qui, lui, est l'abri de tout, qui est absolument indpendant, le Tout- Autre."

    Fahd: Allah, le seul tre implor pour ce que nous dsirons.

    L'ide d'ternel n'est pas prsente chez Fahd, il n'ajoute pas de note, non plus.

    Nous remarquons que Fahd a appel cette sourate Le monothisme pur et Hamidullah La puret

    3- Le verset 45 de sourate Al-Baqara

    " : -3 "

    Fahd et Hamidullah traduisent ain par Humbles

    Selon Al-Mujam Al-Wast,Le mot u signifie craindre Dieu mais aussi l'aimer, il comprend l'ide d'humilit et de soumission. Selon le dictionnaire Hachette, l'humilit est le sentiment de notre petitesse et de notre faiblesse qui nous pousse ravaler toute espce de hauteur ou d'orgueil. On parle d'humilit chrtienne, voire soumission et dfrence.

    Donc Humbles ne couvre qu'une partie des traits distinctifs de u, il y manque l'ide d'amour. Il y a aussi les mots Pieux, pit en franais qui sont souvent utiliss pour traduireTaqwa dans lequel il y a l'ide d'viter:

  • Etude contrastive de trois traductions Franaises Contemporaines du Saint Coran

    77

    : : :

    Pieux (Le Dictionnaire Hachette): anim ou inspir par une affection respectueuse.

    Donc Pieux comprend l'ide d'amour ou d'affection. Et le recueillement c'est de dtacher son esprit de toute pense profane et de se livrer de pieuses mditations. On voit que ces mots franais et arabes qui sont trs proches ne se recouvrent pas compltement.

    4- Le verset 4 de sourate At-takwr:

    " "

    : :

    On voit bien que le mot Ir est trs typique de la culture arabe.

    Hamidullah et Fahd donnent la mme traduction avec la mme note explicative. Hamidullah ajoute que le mot 'Ir vient de dix.

    La traduction: Les chamelles terme ngliges.

    La note: Chamelle terme: le mot arabe 'Ichr signifie chamelle grosse de dix mois, prte accoucher

    5-La notion de pluie dans le verset 84 de sourate Al-Arf:

    " "

    Fahd: Et Nous avons fait pleuvoir sur eux une pluie. Regarde donc ce que fut la fin des criminels!

    Hamidullah: Et Nous avons fait, sur eux, pleuvoir une pluie. Regarde donc ce quil est advenu des criminels!

    Fahd ajoute une note pour expliquer quil sagit de pluies de roches, le chtiment du peuple de Lot.

    Dans le verset 40 de sourate Al.Furqn, Fahd et Hamidullah traduisent

    par pluie de malheur

    Dans le verset 28 de sourate A-ra, il sagit du mot arabe ay, synonyme de maar qui connote toujours lide de bonne pluie

  • Enaasser

    78

    " "

    Les deux traducteurs se sont contents de traduire ay par pluie.

    Fahd: Et cest lui qui fait descendre la pluie aprs quon en a dsespr, et

    rpand sa misricorde. Et cest lui le Matre, le Digne de louange

    En revanche, dans le verset34 de sourate Luqmn, Fahd rend ay par pluie salvatrice.

    Il tient donc compte de la diffrence de connotation entre maar et ay.

    " ...................."

    Fahd: La connaissance de lheure est auprs dAllah; et cest Lui qui fait

    tomber la pluie salvatrice

    6- Les mots Kitb et uof apparaissent dans beaucoup de versets. Kitb est toujours traduit par Livre surtout lorsquil sagit des Gens du livre (les chrtiens et les juifs) tandis que uof, il est traduit par feuilles ou critures et kutob par prescriptions.

    Nous donnons lexemple de sourate Al-Bayyina o il y a plusieurs occurrences de ces deux synonymes arabes:

    " .

    ...."

    Fahd:Les infidles parmi les gens du livre, ainsi que les Associateurs, ne cesseront pas de mcroire jusqu ce que leur vienne la Preuve vidente: un messager, de la part dAllah, qui leur rcite des feuilles purifies, dans lesquelles

    se trouvent des prescriptions dune rectitude parfaite.

    7- Les couleurs dans les expressions idiomatiques:

    Le verset 106 de sourate Al-Imrn:

    " "

    Hamidullah: Le jour o tels visages s'claireront et les autres deviendront noirs.

    Fahd: Au jour o certains visages s'claireront, et que d'autres s'assombriront.

  • Etude contrastive de trois traductions Franaises Contemporaines du Saint Coran

    79

    Nous remarquons quen franais, on peut dsigner le mal par le noir ou une couleur sombre. Par contre, on ne peut pas dsigner le bien par un visage blanc parce que cette collocation inspire plutt la maladie ou la colre, le dictionnaire Hachette donne l'expression Blanchir de colre. C'est pourquoi Fahd et Hamidullah ont employ le verbe s'clairer, qui renvoie la clart et la lumire par opposition au noir et au sombre. On dit en franais: Etre rayonnant de bonheur et de joie.

    8- L'expression idiomatique dans le verset 4 de sourate Muammad:

    "

    " Lorsque vous rencontrez (au combat) ceux qui ont mcru frappez-en

    les cous. Puis, quand vous les avez domins, enchanez-les solidement. Ensuite..jusqu ce que la guerre dpose ses fardeaux

    Hamidullah: .afin que la guerre dpose ses charges.

    Fahd:.jusqu' ce que la guerre dpose ses fardeaux.

    L'expression idiomatique ici signifie jusqu' ce que la guerre finisse.

    Hamidullah a traduit att par Afin que alors qu'il s'agit de l'expression du temps jusqu'.

    9- Le traducteur est influenc par sa culture. Par exemple dans le verset 3 de sourate Al- Baqara, qui concerne la prire musulmane, Hamidullah utilise une expression chrtienne tandis que Fahd garde le mot arabe:

    " "

    Hamidullah: Et tablissent l'office

    Fahd: Et accomplissent La Salt.

    Nous pensons que le mot prire est plus gnral que le mot office.

    10 -Le verset 138 de sourate Al- Baqara

    " "

    Selon Ibn Kar, ibatu l-lh signifie Firat et Dn il-lh, c'est--dire la cration de Dieu et sa religion, do la traduction de Fahd, toujours explicite:

    Nous suivons la religion d'Allah. Et qui est meilleur qu'Allah en sa religion?

  • Enaasser

    80

    Hamidullah: A la couleur de Dieu. Et qui plus que Dieu beau de couleur?

    La traduction de Hamidullah rappelle l'ide chrtienne selon laquelle Dieu a cr l'homme son image.

    Conclusion

    Nous avons examin un corpus de versets tir de trois traductions contemporaines du Saint Coran: l'une individuelle, celle de Masson, qui est en gnral littrale et ne rend donc pas le sens exgtique, une deuxime, celle de Hamidullah qui est le fruit de la collaboration entre un arabophone et un francophone, avec une bonne introduction, des explications et des rfrences la Bible. Cette traduction s'est base sur les exgses, elle est riche et soigne. Nanmoins, elle contient quelques traductions littrales; nous y avons galement dcel une faute de frappe, un s la place d'un t, et un manque, c'est- - dire un verset non traduit.

    Quant la troisime traduction, celle de Fahd, qui est le fruit de la coopration au sein d'une quipe de chercheurs, elle s'est base sur la prcdente pour la complter et l'amliorer, elle est aussi riche en notes explicatives et on peut remarquer qu'elle s'est base sur les exgses musulmanes pour rendre les sens les plus " forts " des diffrents versets. Cette traduction a choisi de garder les noms arabes comme Allah ou Al Salt. Elle vite la littralit et ce, notre avis, grce des recherches approfondies dans l'exgse. Comme c'est le travail de toute une quipe, elle permet de donner la meilleure traduction possible, rendre le sens le plus clairement possible et essayer aussi de reflter les deux cultures arabe (et surtout arabe musulmane et coranique) et franaise(ou francophone).

    En effet, entreprendre le projet de traduire le Coran n'est pas une tche facile. Il est vident qu'un livre de cette richesse mrite la conjugaison des efforts des arabophones et des francophones, et de prfrence, sous l'gide d'institutions du Monde arabe et musulman, afin darriver la meilleure version possible. Celle-ci devrait tre claire, prcise et autant que possible lgante, elle devrait tenir compte de la nature des lecteurs, musulmans francophones ou francophones dsirant dcouvrir l'Islam. Bien sr, il ne faut pas tomber dans la lourdeur du style en voulant tout prix imiter la rhtorique coranique, ni dans l'extrme simplicit en lvitant car, comme nous l'avons vu, certaines

    mtaphores arabes ont t merveilleusement rendues par Fahd et Hamidullah: "Ma tte s'allume de blancheur" et "Au jour o certains visages s'claireront et d'autres s'assombriront".

    N'oublions donc pas que chaque langue a sa beaut et son propre gnie. Nous pensons que plus les traducteurs se pencheront sur le Coran et plus ils

  • Etude contrastive de trois traductions Franaises Contemporaines du Saint Coran

    81

    dcouvriront sa richesse et sa beaut. Enfin, La traduction du Coran est un bon exemple pour les tudes contrastives qui constituent, il est vrai, un grand dfi pour les traducteurs mais aussi et surtout un plaisir intellectuel.

    .

    .

    .

    :

    .* The paper was received on March 10, 2009 and accepted for publication on June 2, 2010.

    Notes

    (1) Nous nous basons sur la traduction du Complexe du Roi Fahd (2) Dsormais Masson, Hamidullah et Fahd

  • Enaasser

    82

    (3) Nous avons adopt la transcription Times Beyrut Roman, jointe en annexe cette recherche, les voyelles longues sont surmontes dun accent

    circonflexe.

    Bibliographie Abdul Raof, H. (1999). "On the translation of the Quran", Revue Turjuman, vol

    8, No 1, Imprimerie du Dtroit, Avril, Tanger/ Le Maroc. Abdul Raof, H. (2003). "The Quran: Limits of Translatability", Revue Topics in

    Translation, No 26, University of Massachusetts, USA. Berque, J. (2002). Le Coran: Essai de Traduction, Editions Albin Michel,

    collection Spiritualits Vivantes, Paris, la Premire dition en 1991. Blachre, R. et Gaudefroy- Demombynes, M. (1984). Grammaire de l'Arabe

    classique, Maisonneuve et Larose, 13me dition, Paris. Blachre, R. (1991). Introduction au Coran, Maisonneuve et Larose, 2me

    dition, Paris. Cordonnier, J.L. (2002). "Aspects culturels de la traduction: Quelques notions

    cls", Revue Mta, vol 47, No 1, Editions Erudit, Montral/ Canada. Guidre, M. (2005). La traduction arabe, Mthodes et applications, Editions

    Ellipses, Paris. Nida, E. (1964). Toward a science of translating, Editions J. Brill, Leiden,

    Netherlands. Trabelsi, C. (2000). "La problmatique de la traduction du Coran: tude

    comparative de quatre traductions franaises de la sourate "La Lumire"", Revue Mta, vol 45, No 3, Editions Erudit, Montral: Canada.

    Les trois traductions du Coran: 1. Masson, D. (1989). Le Coran avec texte arabe, dition rvise par

    Dr.Subhi. Al Saleh, Socit Ad-Da'wa AL Islamiyya, La Libye. 2. Hamidullah, M. et Lturmy, M. (1989). Le Saint Coran, Nouvelle dition,

    publie par Amana Corporation, Maryland/ USA. 3. Direction des Recherches Scientifiques Islamiques, de l'Ifta, de la

    Prdication et de l'Orientation Religieuse en Arabie Saoudite (1985) Le Saint Coran, et la traduction en langue franaise du sens de ses versets, Imprim en 1405 de l'Hgire par le Complexe du Roi Fahd pour, L'impression du Saint Coran.

  • Etude contrastive de trois traductions Franaises Contemporaines du Saint Coran

    83

    Les Exgses 1. Tafsr Ibn Kar, (1981). Dar Al Korn Al Karm, Beyrouth. 2. Tafssir AL Jallayn, (1981). Maktabat Al Ulm Al Dinyya, Beyrouth Les Dictionnaires 1. Dictionnaire de la Langue Franaise, (1991). Encyclopdie- Noms propres,

    Editions Hachette, Paris. 2. Dictionnaire Abdel Nour al-Mufaal,Arabe/Franais, (1984). Dar el Ilm

    Lil-Malayn, Beyrouth. 3. Dictionnaire Al Manhal Franais/Arabe, (1986). Dar el Ilm Lil-Malayn,

    Beyrouth. 4. Al Mu'jam Al Wast pour la langue Arabe, (1989). Dar Ad-Da'wa, Istanbul.

    ANNEXE: Systme de transcription Times Beyrut Roman

    Num

    ro

    Let

    tre

    Ara

    be

    Tra

    nscr

    iptio

    n

    Num

    ro

    Let

    tre

    Ara

    be

    Tra

    nscr

    iptio

    n

    Num

    ro

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    Ara

    be

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    iptio

    n

    Num

    ro

    Let

    tre

    Ara

    be

    Tra

    nscr

    iptio

    n S N 22 Z 15 8 1 T 23 16 A 9 2 24 17 B 10 3 F 25 Y 18 J 11 4 26 k 19 D 12 5 Q 27 L 20 H 13 6 R 28 M 21 W 14 7 29

  • The Arab Journal For Arts Vol. 7 No. 2, 2010, pp. 85-98

    85

    Pour une nouvelle perspective d'apprentissage : l'approche par les tches dans un cours de franais langue trangre (FLE)

    l'universit du Yarmouk en Jordanie.

    Rana Kandeel*

    Abstract Activities in class vary according to the course material, the student's educational

    level and the teacher's goals. The theoretical forms and the educational behaviour in class have changed with the development of foreign language methodologies. Such educational behaviour directly affects the process of learning.

    This study attempts to present a critical analysis of a new method of learning namely "Task-based learning" in teaching French as a foreign language (FFL). Furthermore, it highlights the definition of the task and the factors that can help to introduce the task in a French language class for beginners at Yarmouk University. In addition, the study attempts to find a scientific answer for the new requirements of this way of learning.

    Introduction Les activits dans une classe de langue trangre varient selon le contexte,

    le niveau des apprenants et les objectifs de l'enseignant. Avec l'volution des mthodologies de l'enseignement des langues trangres, ce ne sont pas seulement les cadres thoriques qui se transforment, mais galement les pratiques de classe influant directement sur l'apprentissage. Cette tude a l'objectif de prsenter une analyse critique de l'intrt d'une nouvelle approche, l'approche par les tches en didactique du franais langue trangre (FLE). Elle s'attache dfinir le concept de tche et tudier les facteurs permettant l'introduction des tches dans un cours de FLE pour les dbutants dans l'universit du Yarmouk en Jordanie en essayant d'apporter une rponse didactique et scientifique aux nouvelles exigences.

    L'approche par les tches: une continuit avec la mthodologie communicative

    Apparue la suite de la mthodologie communicative, l'approche par les tches reprsente avec la pdagogie du projet et le scnario d'apprentissage les

    Copyright 2010 by The Society of Arab Universities Faculties of Arts, All rights reserved * Dpartement de langues modernes, Yarmouk University, Irbid, Jordan.

  • Kandeel

    86

    formes de mise en uvre de la perspective actionnelle. C'est une approche qui considre l'apprentissage comme un processus de construction et d'interaction qui implique des procdures internes et interactionelles permettant la production de nouveaux noncs dans la langue et la ralisation des actions. En suivant ce paradigme, lapprentissage d'une langue n'est pas rduit un comportement acquis par un conditionnement interne. Lindividu qui apprend la langue est

    considr comme un sujet actif effectuant des processus qui transforment les connaissances acquises et cet individu les construit.

    Cette perspective tablit une continuit avec la mthodologie communicative et insiste sur la dimension authentique. Dans le champ de la didactique des langues, les deux approches communicative et actionnelle trouvent leur paradigme de rfrences dans les orientations des thories constructivistes et socioconstructivistes (Puren, 2007: 2). Dans leur perspective la langue est considre comme instrument de communication et dinteraction

    sociale.

    Dfinition du concept de tche

    Le concept de tche en didactique des langues est introduit par des spcialistes anglophones. Nunan le dfinit comme une unit de travail dans la classe de langue de la manire suivante: "Task is a piece of classroom work which involves learners in comprehending, manipulating, producting or interacting in the target language while their attention is principally focused on meaning rather than form.."(Nunan, 1989: 10). Cette unit est compose d'objectifs, de supports, de procdures, du rle de l'enseignant, du rle de l'apprenant et du cadre ou contexte. La tche est ensuite adopte par le Cadre Europen Commun de rfrence pour les langues (CECRL):"Est dfinie comme tche toute vise actionnelle que l'acteur se reprsente comme devant parvenir un rsultat donn en fonction d'un problme rsoudre, d'une obligation remplir, d'un but qu'on s'est fix" (Conseil de l'Europe, 2000: 16). Le CECRL se concentre sur la description des tches et leur excution, sur les conditions et les contraintes des tches mises en uvre par des apprenants ayant diffrentes caractristiques linguistiques, cognitives et affectives.

    Le dictionnaire du franais langue trangre et seconde indique qu'une tche a le mme sens que celui prsent par Nunan qui dsigne "un ensemble structur d'activits devant faire sens pour l'apprenant; il s'agit de se confronter un support authentique, par des activits de comprhension, de production, d'interaction avec les pairs" (Cuq, 2003: 234). Nous pouvons dire que le point commun entre les diffrentes dfinitions est qu'une tche doit avoir essentiellement un sens pour l'apprenant ainsi qu'une vise communicative et interactionnelle voire pragmatique.

  • Pour une nouvelle perspective d'apprentissage : l'approche par les tches dans un cours de franais langue trangre (FLE) l'universit du Yarmouk en Jordanie.

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    Implications de l'approche par les tches dans une classe de franais langue trangre

    Quel changement dans l'apprentissage du franais langue trangre peut tre ralis par l'introduction de l'approche par les tches?

    La rponse cette question nous amne aborder trois aspects essentiels quand nous voquons les implications didactiques: les activits, le rle de l'enseignant et celui de l'apprenant.

    Les activits: de nouveaux types et de nouvelles orientations

    Le CECRL met en avant le fait que les activits d'apprentissage doivent mobiliser chez les apprenants d'une langue des comptences communicatives et actionnelles. La sollicitation de leurs diffrentes stratgies est indispensable afin d'avoir un rsultat identifiable ou d'arriver finalement la ralisation d'une action dans une situation donne. Dans cette mesure, il est vident que la tche doit avoir un sens et constitue un acte communicatif en soi. Elle sinscrit dans

    des circonstances et un environnement donns, lintrieur dun domaine ou

    dune action particulire. En d'autres termes, une action doit tre justifie par le renvoi aux pratiques sociales. Conformment cette perspective, une focalisation sur le sens plus que sur la forme est exige pour que la tche soit significative quand les apprenants travaillent dans la classe de langue.

    Nous parlons dans ce cas des activits qui permettent le droulement des situations authentiques. Une tche doit tre une activit contextualise faisant partie de la vie quotidienne et impliquant les apprenants dans la ralisation d'actions relles et authentiques. Ces lments permettent le renouvellement et la contextualisation des activits d'apprentissage en proposant l'entre par projet (Puren, 2007:2) ou par tche dans les units didactiques qui doit remplacer naturellement l'entre par l'exercice ou l'activit grammaticale. La pdagogie du projet est autrement plus riche du point de vue didactique et plus adapte lenseignement des langues vivantes trangres.

    L'apprenant: un acteur social Suivant la perspective actionnelle, lusager et lapprenant dune langue sont

    considrs comme des "acteurs sociaux ayant accomplir des tches (qui ne sont pas seulement langagires) dans des circonstances et un environnement donns, l'intrieur d'un domaine et d'action particulier" (Conseil de l'Europe, 2000: 15). Les apprenants sont impliqus dans une comprhension, interaction, manipulation et production dans cette langue. Il ne sagit plus seulement de

    communiquer avec lautre mais dagir avec lui, comme par exemple, interagir avec un service public. Cest ainsi que lapprenant est suppos tre un usager de

  • Kandeel

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    la langue au mme titre que lusager natif. Les tches dapprentissage proposes doivent l'amener rflchir au lien entre les savoirs et leur utilisation, entre intention et action. Elles le rendent responsable de son apprentissage, il prend des initiatives et fait des choix pour raliser son action. Il est amen partager ses savoirs et savoir-faire avec les autres pour accomplir des tches et raliser une action commune.

    L'enseignant: un concepteur pdagogique Dans une situation didactique introduisant les tches, l'enseignant est un

    acteur qui guide le cours, l'anime et l'organise. Il est un conseiller qu