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LEIRIS & CO. : PICASSO, MASSON, MIRÓ GIACOMETTI, BACON, ETC.

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PICASSO, MASSON, MIRÓ GIACOMETTI, BACON, ETC.

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SOMMAIRE

1. PRESENTATION GENERALE DE L’EXPOSITION 2. PRESENTATION DE MICHEL LEIRIS

3. LISTE INDICATIVE

4. FOCUS SUR LES ŒUVRES

5. LEXIQUE

6. POUR ALLER PLUS LOIN : BIBLIOGRAPHIE

7. TEXTES DE REFERENCE

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1. PRÉSENTATION GÉNÉRALE DE L’EXPOSITION

LEIRIS & CO. : PICASSO, MASSON, MIRO, GIACOMETTI, LAM, BACON, ETC. 3.04 > 14.09.15 GALERIE 3

Commissaires : Agnès de la Beaumelle, Conservateur en chef honoraire, Centre Pompidou Marie-Laure Bernadac, Conservateur général honoraire, Musée du Louvre Denis Hollier, Professeur de littérature, département de français de la New York University Jean Jamin, Conseiller scientifique

L’exposition consacrée à Michel Leiris (1901-1990), poète, écrivain, ethnologue, critique d’art, ne se propose pas seulement de dresser le portrait de cet intellectuel singulier, aux multiples facettes, mais aussi de rendre compte à travers sa vie, son œuvre et ses engagements passionnés, de l’extrême modernité de cette traversée du XXe siècle, qui est aujourd’hui une référence pour nombre d’enjeux du monde contemporain. Michel Leiris, personnalité discrète et confidentielle, figure éminemment paradoxale, toujours en position d’écart, de retrait et encore trop méconnue, a également été l’ami des plus grands artistes de son siècle tels que Picasso, Miró, Giacometti, Masson, LAM ou encore Bacon. Franc-tireur, Leiris le fut tous azimuts : poète, il attenta aux règles du langage, autobiographe, il déjoua le récit confessionnel ou l’approche psychanalytique, ethnologue, il formula, avec lucidité, les conditions et les limites de l’approche d’autrui, et la nécessité de s’engager. Grand amateur d’art enfin, affirmant là aussi la force de vérité de sa propre subjectivité, il a attendu des œuvres qu’elles le mettent, elles aussi, « au pied du mur ». Éclaireur, il le fut enfin pleinement, en décloisonnant, le premier, ces différents territoires qui se nourrissent les uns des autres. Tout en proposant un « savoir-vivre », Leiris a fondé ainsi en pionnier une démarche anthropologique, qui est résolument contemporaine. Présent aux débuts du surréalisme, Leiris s’éloigne du mouvement pour rejoindre la revue dissidente Documents autour de Bataille ; jeune adulte rebelle et idéaliste, la quête de sa propre identité s’associe avec une soif de dépaysements et d’altérité ; bientôt ethnographe professionnel, il prônera la subjectivité comme outil de connaissance ; aficionado de tauromachie, il est tout autant passionné de jazz et d’opéra, d’images et de spectacles qui sont pour lui des « terrains de vérité » ; explorateur passionné des jeux de langage, il revendique en même temps pour la littérature une esthétique du risque (« la corne de taureau »). Présent sur la scène publique et militante, mais jusqu’au bout écrivain solitaire, Michel Leiris est

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inclassable, insoumis et toujours en position de décalage et volonté de gauchissement. Comme peu d’autres, il a su mettre à jour et dire – non sans humour et dans un langage d’une beauté accomplie - la « fêlure », la tragique irruption de la mort dans la vie et dans l’art. L’exposition tente ainsi de tresser les trois fils conducteurs indissociables de sa vie et de son œuvre, présentés sur le même plan : la littérature, l’art, l’ethnographie, qui se fondent sur la transe, un état de « crise », de tangence entre lui et le monde, une sortie hors de soi, qui vous met au cœur de la présence réelle, de la « vérité criante », de la poésie. Le parcours, qui alterne défilé chronologique et carrefours thématiques, mettra en lumière les bifurcations zigzagantes de ses diverses investigations et explorations, comme la permanence des thèmes qui lui sont les plus chers : le sacré, le tragi-comique, la vérité humaine ou encore la nécessité absolue de l’art, et sera scandé par des espaces clos dédiés au théâtre, au jazz, à la corrida, et à l’opéra ; autant de problématiques traversant son œuvre et entrant en résonnance avec un certain nombre de questionnements actuels.

Cette exposition pluridisciplinaire offre une lecture et une cartographie autres de l’histoire artistique et intellectuelle du XXe siècle, à certains égards plus périphérique et marginale, allant de Raymond Roussel à Pablo Picasso, en passant par l’Afrique, les Antilles, l’Espagne, Cuba et la Chine. Elle permet ainsi de tisser de façon poétique des liens inédits entre écriture, peinture, jazz et opéra, transe et tauromachie, vaudou et rites de possession éthiopiens, la quête de soi et celle de l’autre. Le parcours fait dialoguer sujets et disciplines avec des questionnements actuels, portés par des artistes contemporains (Mathieu K. Abonnenc, Jean-Michel Alberola, Kader Attia, Miquel Barceló, Marcel Miracle et Camille Henrot).

 

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2. PRÉSENTATION DE MICHEL LEIRIS

Né à Paris en 1901, dans une famille bourgeoise du 16e arrondissement, Michel Leiris reçoit une éducation classique et fréquente régulièrement le théâtre et l’opéra avec ses parents. Après le baccalauréat, il engage des études de chimie qu’il abandonne très vite pour se consacrer entièrement à l’écriture. En 1912, Leiris est profondément marqué par l’Afrique rêvée du livre de Raymond Roussel. Impressions d’Afrique est un ouvrage qui ramène un continent aux dimensions d’une scène de music-hall. Le travail de Roussel fut décisif pour Leiris. Il y trouva une convergence inattendue entre l’activité poétique et l’autobiographie.

Dans les années 1920, Michel Leiris commence à fréquenter le milieu artistique et fait la connaissance (entre autres) de Max Jacob et Antonin Artaud. Mais, c’est en 1922, lors d’une rencontre avec André Masson, qu’il se décide à assumer pleinement son rôle d’écrivain. D’ailleurs, en 1925, ils publient ensemble Simulacre, un ouvrage où l’écriture se laisse finalement porter par les images.

En 1926, il épouse Louise Godon, belle-sœur du célèbre marchand d’art Daniel Henry Kahnweiler (premier supporter des peintres cubistes). Au moment de la guerre, Louise Godon reprendra l’activité de son beau-père qui n’a plus eu le droit d’exercer à cause des lois anti-juives du gouvernement de Vichy. C’est ainsi que la galerie fut rebaptisée Louise Leiris.

En 1927, il voyage en Égypte et en Grèce et rédige son unique roman, Aurora (1946). 1929 est une année importante puisqu’elle marque sa rupture avec le surréalisme et le début de sa collaboration à la revue Documents, fondée par Georges Henri Rivière, Carl Einstein et Georges Bataille. Michel Leiris est le secrétaire de rédaction et y publie des articles autour du masque à partir de photographies de l’écrivain Willie Seabrook. La revue était un bouillon de culture, qui regroupait des universitaires, des conservateurs de musées et les artistes les plus iconoclastes de l’époque. Ainsi, la revue se démarquait par la façon dont elle confrontait directement plusieurs univers qui normalement s’ignoraient. Ainsi, Documents peut être considérée comme la première revue transdisciplinaire.

Entre 1931 et 1933, Michel Leiris participe comme secrétaire-archiviste à la Mission ethnographique et linguistique Dakar-Djibouti conduite par Marcel Griaule (ethnologue spécialisé des Dogon, rencontré à la revue Documents). Cette expérience le conduira à travailler au Musée d’Ethnographie du Trocadéro puis au musée de l’Homme où il restera en poste jusqu’en 1988.

En 1934, il publie l’Afrique fantôme, son journal de voyage qui allie commentaire scientifique et incursions poétiques. Ce livre fait figure de proue puisqu’il y entame le processus autobiographique qui le mènera à l’Âge d’homme puis à la Règle du jeu. Sa participation au surréalisme et sa découverte de l’ethnographie sont des éléments décisifs. Pour approfondir son contact avec l’Afrique, Michel Leiris suit les cours de Marcel Mauss et devient ethnographe. Son temps se

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partage alors entre littérature et travaux scientifiques. En 1945, il effectue un second voyage en Afrique noire, puis deux séjours dans les Antilles.

En 1955 il se rend en Chine populaire et à Cuba en 1967 et 1968. La curiosité de Michel Leiris ne s’arrêta pas au rites et cultures. En effet, l’art est omniprésent dans ses écrits comme en témoignent ses textes sur les peintres. Son intérêt pour l’art le conduit au cœur du milieu artistique de son époque. Michel Leiris montre une grande ouverture d’esprit et renouvelle, en quelque sorte, l’histoire de l’art en rompant avec l’approche chronologique pour privilégier les allers et venues et le décloisonnement des idées. Au carrefour du cubisme, du surréalisme et du primitivisme, l’homme incarne le dynamisme du milieu artistique et intellectuel de l’art moderne.

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3. LISTE INDICATIVE Mathieu ABONNENC Jean ARP Kader ATTIA Francis BACON Miquel BARCELÓ Jacques-André BOIFFARD Marcel DUCHAMP Max ERNST Alberto GIACOMETTI Juan GRIS Camille HENROT Wifredo LAM Élie LASCAUX Eli LOTAR MAN RAY André MASSON Marcel MIRACLE Joan MIRÓ Jean PAINLEVÉ Pablo PICASSO De nombreuses œuvres anonymes, issues des « arts premiers », masques, objets et sculptures Dogons et Bambara, manuscrits éthiopiens, objets des Antilles, sont également présentées dans l’exposition.

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4. FOCUS SUR LES OEUVRES Chaque fiche contient : une présentation de chaque section, avec sa thématique, les notions recoupées par les œuvres ; une présentation d’une œuvre et de son artiste ; et enfin des pistes à explorer à partir de l’œuvre, en histoire de l’art et dans d’autres matières. LES SECTIONS

1. Théâtre de l’enfance

2. En marge du surréalisme

3. Jazz

4. Documents

5. L’Afrique fantôme

6. L’Âge d’homme

7. Miroir de la tauromachie

8. Le Sacré

9. La Règle du jeu

10. La temps de la guerre

11. Carrefour des civilisations

12. Pierres pour Giacometti

13. Arts et métiers de Michel Leiris : écrivain-poète, écrivain d’art,

ethnologue

14. La Peinture comme modèle : Picasso et Bacon

15. Operratiques

16. Leiris fantôme

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4. 1. SECTION : THÉÂTRE DE L’ENFANCE PRESENTATION DE LA SECTION Ce chaos miraculeux de l’enfance. Michel Leiris, L’Âge d’homme Objets « fétiches », jeux et livres de l’enfance et des années de formation, spectacles « cruciaux » de tout ordres – opéras du répertoire tragique, films (L’Homme à la tête en caoutchouc de Georges Méliès), pièces de théâtre populaire ou d’avant-garde (Parade, Petrouchka) –, ont façonné la mythologie personnelle de Michel Leiris. Ce « fourbi » hétéroclite, présenté ici comme un premier autoportrait emblématique, sera érigé par Leiris au rang de « sacré ». Devenu réservoir d’images mémorielles, il sera placé au cœur de son œuvre autobiographique dans L’Âge d’homme et La Règle du jeu. Magie du quotidien, prestige de l’aventure et de l’art – et de l’artiste en saltimbanque – goût de l’exotisme : les figures familières de la cantatrice Claire Friché et de Raymond Roussel – le voyageur, le chanteur, l’écrivain à secrets dont les Impressions d’Afrique fascinent Leiris en 1912 – dominent ces premières années vécues sous le signe du merveilleux théâtral. FOCUS SUR UNE ŒUVRE

  Boîte de cacao, Droste, métal peint, 19 x 10 x 10 cm, Paris, coll.part.  

Droste est une marque hollandaise qui fabrique du chocolat. L’emballage montre une infirmière servant un plateau dans lequel se trouve une tasse et une boîte de la marque de chocolat. Sur la boîte on observe une mise en abyme. On parle même de « Droste effect », expression hollandaise qui signifie mise en abyme. En

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effet, on constate qu’une partie de l’image se répète indéfiniment. Une infinité de nonnes, de tasses et de boîtes de cacao s’accumulent en un seul et même point. La boîte de cacao Droste inspire à Leiris un passage de l’Âge d’homme (1939). C’est en analysant cette boîte de cacao, avec l’idée de mise en abyme, qu’il donne sa propre définition de l’infini. APPROFONDIR Dans cette section, on pourra évoquer la figure du labyrinthe. Si l’on revient aux origines mystiques et chrétiennes, le labyrinthe constituait une barrière contre les esprits. Dans les cathédrales, le dallage du sol en forme de labyrinthe conduisait à la rédemption. De la même façon que le labyrinthe permet d’opérer un retour, la structure du texte littéraire rétrospectif permet au narrateur de se replonger dans ses souvenirs, d’enfance par exemple, dans ce qu’on appellerait aujourd’hui, « mythologie personnelle ». Ainsi, on peut citer à titre d’exemple les biographies de Romain Gary, Nathalie Sarraute (L’enfance), Jean-Paul Sartre et bien sûr Michel Leiris. La figure du labyrinthe est également utile pour l’étude de la mise en abyme. Cette section traite de l’enfance, d’objets « fétiches », de jeux et de livres, de finalement tout ce qui a trait aux années de formation. Ces objets permettent également de traiter de la notion d’autoportrait. Cette section met en évidence l’intérêt de Michel Leiris pour l’ouvrage de Raymond Roussel qui déclenche chez lui, dès sa prime enfance, sa quête de voyage et d’altérité. L’idée de pays imaginaire peut être mis en exergue avec Georges Méliès et son film L’homme à la tête en caoutchouc.

   

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4. 2. SECTION : EN MARGE DU SURRÉALISME PRESENTATION DE LA SECTION

Être un poète. Michel Leiris

Telle est, en 1922, l’aspiration de Leiris sous l’égide de Max Jacob. Vivre en poète aux côtés de peintres et écrivains, dans l’atelier d’André Masson, rue Blomet et chez le marchand des cubistes Daniel-Henry Kahnweiler à Boulogne, avant de rejoindre, fin 1924, le groupe surréaliste. Joan Miró, Roland Tual, Marcel Jouhandeau, Georges Limbour, Armand Salacrou, Robert Desnos, Juan Gris, Élie Lascaux et bientôt (mais en marge) Georges Bataille constituent, avec Masson ses « mentors », sa première communauté : la nécessité de l’art et d’un dialogue avec les artistes s’impose à lui une fois pour toutes. Leiris passe de la chimie, dont il interrompt les études, à l’alchimie du verbe : à travers son goût « frénétique » pour l’ésotérique et le mythique, nourri auprès de Masson dont l’univers minéral et viscéral le fascine, c’est à l’imaginaire le plus lyrique – domaine de son simulacre Damoclès Siriel qui hante son roman Aurora – et au merveilleux du rêve et du langage que Leiris se soumet. A l’instar de Miró, sa quête est celle d’une langue libérée, polysémique, où signe, son et sens entrent en résonnance poétique. Il en interroge le pouvoir oraculaire dans Glossaire, j’y serre mes gloses (1925) avant de développer une passion durable pour les jeux de mots. « Lancer les dés des mots » : voilà le geste moteur du futur écrivain de La Règle du jeu. FOCUS SUR UNE ŒUVRE

Joan Miró, Baigneuse, 1924 Huile sur toile, 72,5 x 92 cm Paris, Centre Pompidou, MNAM, Donation Louise et Michel Leiris, 1984

Avec André Masson, Joan Miró est le peintre qui inspire le plus Michel Leiris dans sa jeunesse. Il voit dans l’œuvre de Miró, le primitif, le sauvage, une dose d’érotisme et du rêve, thématiques que Leiris convoque lui-même dans son

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écriture. Dans Baigneuse, le bleu profond de la nuit devient le sujet même de la toile. Proche d’un monochrome, seules quelques lignes et traits pour figurer les vagues, une barque et une lune, sont apposées sur la toile. Les jeux de matières permettent de raconter une histoire. Une silhouette féminine est ici esquissée, à peine perceptible. La thématique des nus féminins apparaît dès les années 1918-1919 et deviendra un motif récurrent dans le travail de l’artiste. Par ailleurs le motif du nu féminin au bain est un sujet classique qui traverse toute l’histoire de l’art. On se souvient par exemple de la Vénus de Botticelli mais également Les baigneuses de Cézanne. Ce dernier ne cherche pas à montrer la beauté des corps. Les baigneuses se fondent à la nature, comme si ces deux éléments ne formaient qu’un. Les volumes se construisent par la couleur plutôt que par la lumière. Finalement il n’y a presque plus de profondeur. Renoir traite également de la thématique des Baigneuses (Les grandes baigneuses, 1884-1887) et s’inspire directement d’une sculpture de François Girardon (Le bain des nymphes, 1672). Cette thématique féminine fut également traitée par Courbet et Picasso. En 1925, lors d’une exposition à la Galerie Pierre, Leiris achète La Baigneuse, l’une des premières « peintures de rêve », mais Michel Leiris n’est pas un collectionneur. Ce ne sera que la première des deux seules œuvres achetées par le poète. APPROFONDIR Le mouvement surréaliste correspond aux années de l’entre-deux guerres. Les surréalistes annoncent l’existence officielle de leur mouvement en 1924. Sous l’impulsion d’André Breton, le surréalisme est d’abord d’essence littéraire mais il s’étend rapidement aux arts-plastiques, à la photographie et au cinéma. Les artistes inventent des techniques visant à reproduire les mécanismes du rêve. Ils s’inspirent des travaux sur la psychanalyse mais aussi de l’œuvre de Giorgio de Chirico. André Masson réalise des dessins automatiques tandis que Man Ray met au point des rayographes. Plus tard, Miró, Magritte et Dali se joignent au mouvement et produisent des images oniriques. Ils réalisent leur première exposition collective à Paris en 1925 puis le mouvement se diffuse à l’étranger et atteint une renommée internationale avec les expositions de 1936 à Londres et New-York et celle de 1937 à Tokyo. Cette notoriété se renforce d’autant plus que la majeure partie du groupe émigre aux États-Unis pendant la guerre. Le surréalisme est un mouvement qui se développe pendant plus de quarante ans, depuis les avant-gardes historiques du début du siècle jusqu’aux années 1960. Le surréalisme a influencé l’art américain, particulièrement le travail de Jackson Pollock avec la pratique du geste (« dripping » et « all over »). Par ailleurs, l’intérêt porté par les surréalistes au thème de l’objet annonce le Pop Art. Les surréalistes ont également influencé le mouvement des Nouveaux réalistes.  

 

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4. 3. SECTION : JAZZ PRESENTATION DE LA SECTION Le jazz représente actuellement la vraie musique sacrée (c’est-à-dire celle qui est le plus capable de faire entrer une foule « en transe »). Michel Leiris, « Disques nouveaux », Documents, vol.2, n°1, 1930 Moyen d’évasion, de transgression et de communion par excellence, le jazz, musique afro-américaine, et, avec lui, la danse et la transe, répondent dès les années 1920 à la fascination de Leiris pour l’exotisme et pour une primitivité ambiguë, pour l’érotisme déchainé. Au-delà du mythe, présent dès l’enfance, d’un Éden de couleur qui le conduira en Afrique, s’y inscrit l’intérêt du futur ethnologue pour les créations hybrides et pour les rites de possession. Avec Georges-Henri Rivière, amateur de jazz devenu muséographe, l’écrivain Georges Bataille, le musicologue André Schaeffner, férus, comme lui, de talkies et de spectacles musicaux afro-américains (la revue des Lew Leslie’s Blackbirds à Paris en 1929 les enthousiasme), Leiris veut pulvériser les modèles culturels occidentaux au sein de la revue Documents (1929-1930), cette « machine de guerre contre les idées reçues » et le bon goût. Prestige absolu de la musique, de la danse et du « style » : Fred Astaire, le dandy aux multiples vestiaires du film The Gay Divorcee, va devenir pour Leiris le modèle de l’artiste-poète. FOCUS SUR UNE ŒUVRE

King Vidor, Hallelujah, 1929 Affiche du film, États-Unis 35 mm, Noir & blanc 100’ (extraits)

King Vidor appartient à la génération des réalisateurs tels que Ford, Walsh et Dwan. Si ses œuvres muettes antérieures à 1920 sont mal connues, ses autres films le sont beaucoup plus. King Vidor devient célèbre en 1925 avec la Grande parade (The Big Parade), un film consacré à la Première Guerre Mondiale. En 1928, il réalise La foule (The Crowd), vision intimiste d’un couple puis tourne Notre pain quotidien (Our Daily Bread) en 1933, sur la thématique d’une

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communauté agricole. L’apparition du cinéma parlant lui permet de réaliser Hallelujah (1929), un film entièrement tourné avec des Afro-Américains, sur la vie d’une communauté dans une plantation de coton du Sud. Le réalisateur s’appuie sur le réalisme documentaire et sur la musique noire. APPROFONDIR La thématique « nègre » a inspiré les avant-gardes du début du siècle avant de se cristalliser dans la figure de Joséphine Baker et dans l’irruption du jazz sur les scènes parisiennes. Joséphine Baker est souvent considérée comme la première « star » noire. Elle joue un rôle extrêmement important pendant la Seconde Guerre Mondiale dans la résistance à l’occupation allemande. Par la suite, elle utilisera sa célébrité dans la lutte contre le racisme et pour l’émancipation des Noirs, en soutenant tout particulièrement le mouvement des droits civiques de Martin Luther King. Joséphine Baker, simplement vêtue de sa jupe en bananes, va rapidement devenir la vedette du théâtre des Champs Élysées, libérant avec sa danse mythique et entraînante de nombreux fantasmes. Joséphine Baker est un des symboles de la libération sexuelle qui enflamme Paris. Plusieurs autres femmes ont également marqué cette période des années folles. Citons notamment Jeanne Bourgeois, alias Mistinguett et Kiki de Montparnasse, égérie de tout Paris et amante de Man Ray (elle est immortalisée dans la photographie Violon d’Ingres).  Après la fin de la guerre, la société tout entière redécouvre un intérêt pour la culture et le plaisir de s’amuser. Les années 1920 sont ainsi appelées « les années folles ». Ce sont des années d’effervescence et de libération qui résonnent comme une parenthèse. Les années 1920 se caractérisent par de nombreuses nouveautés, comme de l’apparition du jazz, de la radio etc. De plus, la ville se métamorphose au gré des constructions Art déco pendant que les automobiles envahissent les rues. Ces multiples changements favorisent l’émancipation des femmes qui ont déjà pris une certaine indépendance suite au départ des hommes pour le front lors de la Première Guerre Mondiale. Certaines parisiennes deviennent les moteurs de cette libération. Muses, amantes des artistes de l’époque, créatrices, elles sont aussi à l’origine d’un mouvement de pensée et d’un nouveau mode de vie. Sous l’impulsion de Coco Chanel, les femmes adoptent un mode vestimentaire plus représentatif de leur état d’esprit. Elles abandonnent le corset, encore porté à la Belle Époque, pour des jupes plus courtes, des vêtements plus confortables et une coupe « à la garçonne ». La Garçonne, s’est aussi un roman écrit en 1922 par Marguerite Victor. Il s’agit d’un pamphlet féministe et radical, symbole des ‘’années folles’’, au moment même où le Sénat refusait le suffrage aux femmes. Le Jazz constitue un des grands courants esthétiques du monde moderne et est aujourd’hui universellement répandu. Louis Armstrong, Duke Ellington, Charlie Parker, John Coltrane ou Miles Davis font partie des plus grands artistes du XXème siècle. Apparu au lendemain de la Première Guerre Mondiale, le Jazz est historiquement le mode d’expression privilégié du groupe afro-américain. Si le Jazz a révolutionné la musique il a également profondément influencé l’histoire de l’art. Au cinéma par exemple, Miles Davis improvise sur les images du film Ascenseur pour l’échafaud de Louis Malle. On peut également évoquer le premier film parlant de l’histoire du cinéma Le chanteur de Jazz (1927) de Alan Crosland. En peinture, Kees Van Dongen réalise un portrait de Joséphine Baker

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intitulé Josephine Baker au Bal Nègre (1925). On peut également évoquer l’œuvre Joséphine Baker IV de Alexander Calder qui représente la jeune femme en trois dimensions à l’aide de la technique du fil de fer. Alexander Calder considère cette œuvre comme un dessin dans l’espace qui trace une silhouette.   Jeff Wall entretient lui aussi une relation précise avec le jazz. En effet, une de ses photographies s’inspire directement du prologue du roman Invisible Man (Homme invisible, pour qui chantes-tu ?) de Ralph Ellisson.

C’est également l’époque de la publicité Banania qui est un peu en France ce que Tintin au Congo est pour la Belgique : le paradoxe de la honte coloniale mélangée à de la fierté patriotique.

   

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4. 4. SECTION : DOCUMENTS PRESENTATION DE LA SECTION Il n’est pas de démarche valable qui ne soit une rupture des limites. Après sa rupture en 1929 avec le surréalisme, Leiris traverse une grave crise personnelle. Il partage avec Georges Bataille, Carl Einstein et Georges-Henri Rivière, les directeurs de la revue Documents à laquelle il collabore en 1929-1930, les objectifs d’une table-rase résolument iconoclaste et bas-matérialiste, sous l’emblème de l’« informe ». Leiris s’associe à la critique des valeurs occidentales, au rejet de l’esthétisme au profit d’un humanisme « à rebours » - un humanisme d’un réel absolu, choquant, celui des « bas-fonds de la raison culturelle » -, en contribuant avec les mots « crachat », « débâcle », « liquéfaction », « viscère », « massacre », « méduse », et avec des articles provocateurs (« L’homme et son intérieur », « Une peinture d’Antoine Caron », « Le Caput Mortuum »…), où surgissent des souvenirs d’enfance et des contes. Il livre dans Documents ses premiers essais sur Miró, Giacometti, Picasso, Arp, dont les œuvres sont des « documents » sur cette « ancestralité sauvage », pleinement humaine, au retour de laquelle il aspire, comme à un nouveau fétichisme et à un sacré. Son approche, déjà anthropologique, est d’emblée subjective dans « l’œil de l’ethnographe », qu’il place sous le signe de Raymond Roussel, la veille de son départ pour l’Afrique avec la mission Dakar-Djibouti en mai 1931. FOCUS SUR UNE ŒUVRE

Eli Lotar Aux abattoirs de la Villette, 1929 5 épreuves gélatino-argentiques (tirages d’exposition) Paris, Centre Pompidou, MNAM

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Cette photographie fait partie d’une série de 34 négatifs sur les abattoirs de la Villette. Celles-ci ont été commandées par Georges Bataille pour illustrer un texte dans le numéro 9 de la revue Documents. Le thème de l’abattoir est un thème cher aux surréalistes. Les scènes liées à cette thématique sont fréquentes chez André Masson, Antonin Artaud ou René Crevel. APPROFONDIR Documents est une revue fondée en 1929 par Carl Einstein, Georges Bataille et Georges-Henri Rivière. 1929 est une année importante pour Michel Leiris puisqu’elle marque sa rupture avec le surréalisme et le début de sa collaboration à la revue. Michel Leiris est le secrétaire de rédaction et y publie des articles autour du masque à partir de photographies de l’écrivain Willie Seabrook. La revue était un bouillon de culture, qui regroupait des universitaires, des conservateurs de musées et les artistes les plus iconoclastes de l’époque. La revue se démarquait par ses choix éditoriaux, en confrontant directement plusieurs univers. Ainsi, Documents peut être considérée comme la première revue transdisciplinaire. Par ailleurs, la revue eut une courte existence puisqu’elle ne comporte que 15 numéros. La revue cesse d’être publiée en avril-mai 1931. Depuis le XVème siècle il existe des contacts entre l’Europe et l’Afrique, et beaucoup d’objets sont ramenés et introduits dans les collections européennes. Autour de 1907, bon nombre d’artistes se mettent à collectionner des sculptures africaines, essentiellement les masques et statues. En histoire de l’art, il est possible de mettre en exergue le « Primitivisme », mouvement moderne qui touche les arts plastiques autant que la littérature. Cette tendance exprime un refus des valeurs bourgeoises. Le Primitivisme correspond à un engouement de multiples artistes des avant-gardes pour des formes originelles, exotiques et régénératives. Dès les années 1900, les artistes s’intéressent aux œuvres venues d’Afrique et du Pacifique. D’ailleurs, Picasso et Matisse auraient vu pour la première fois des statuettes africaines dans l’atelier de Derain vers 1905-1907. C’est pourquoi, de nombreux artistes, attirés par leur manière de vivre et leur art, se tournent vers les sociétés dites « primitives » d’Afrique et d’Océanie. Paul Gauguin par exemple, s’inspire des arts orientaux, égyptiens et océaniens. Il ira même jusqu’à s’expatrier dans les îles du Pacifique. D’autres artistes tels que Hanna Höch, Man Ray, Arman ou Orlan incluent dans leurs œuvres des pièces, des objets ou des images qui font directement références à l’art africain. Les arts africains en Occident sont passés par différents statuts. D’abord curiosités, puis trophées coloniaux, pour finir en objets ethnographiques et œuvres d’art. Il est possible d’évoquer ici la thématique du masque. En effet, celui-ci tient une place importante dans le cours de la civilisation et son usage remonte à l’Antiquité. Le masque est un simulacre facial, il cache, dissimule et camoufle. Le masque est un objet de métamorphose, il appartient au domaine du paraître. Selon Oscar Wilde «Un masque raconte beaucoup plus qu’un visage et l’homme est un peu lui même lorsqu’il parle à la première personne ; donnez lui un masque et il dira la vérité ». Il existe plusieurs types de masques, chacun avec

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une fonction qui lui est propre. Masques de carnaval, de théâtre, de danse, masques religieux ou masques funéraires et mortuaires. Dans cette section, il est possible de parler de l’œuvre de Claude Lévi-Strauss. On considère son œuvre comme étant une contribution majeure à l’anthropologie contemporaine. La façon et la manière qu’il avait de poser des questions ont profondément bouleversé les perspectives antérieures.

   

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4. 5. SECTION : L’AFRIQUE FANTÔME PRESENTATION DE LA SECTION Plonger comme j’allais le faire au cœur du continent noir, […] vivre de plain-pied avec des hommes apparemment plus proches que moi de l’état de nature, c’était briser le cercle d’habitudes où j’étais enfermé, rejeter mon corset mental d’Européen. Michel Leiris, Fibrilles Leiris participe, comme secrétaire-archiviste, à la mission Dakar-Djibouti (1931-33), conduite par Marcel Griaule, une des premières grandes missions ethnographiques françaises, destinée à rapporter des « documents » sur les cultures africaines et à enrichir les collections d’objets du musée d’ethnographie du Trocadéro. Il se familiarise avec les méthodes de l’enquête : carnets de route, fiches, inventaires, dont, devenu autobiographe, il reprendra la pratique. En parallèle de cet apprentissage, il écrit L’Afrique fantôme, journal de terrain et journal intime. Il note tout : ses exaltations, ses désillusions, ses entraves d’Européen, ses rêves, le menu quotidien. Il livre les faits : les ambiguïtés du travail scientifique de la mission, les dérapages de la colonisation, les pratiques prédatrices et sacrilèges de l’équipe, l’impossible communication avec l’autre, l’indigène. Il fait le constat d’une Afrique « fantôme », impénétrable, revendique une totale subjectivité pour atteindre l’objectivité : L’Afrique fantôme, dès sa publication en 1934, ne manque pas de choquer la communauté des ethnologues, mais confère à Leiris le statut d’écrivain. Avant l’ethnologue qui étudiera la théâtralité des rites et des fêtes, c’est le poète en quête de sacré et de secret qui, pendant la mission, est sur le terrain. JUIN-DÉCEMBRE 1931, EN PAYS BAMBARA ET DOGON De pierre en pierre, de lieu sacré en lieu sacré, de cave en cave. Michel Leiris, L’Afrique fantôme, 11 novembre 1931. Tout en participant au « butin » de la mission, l’apprenti ethnologue qu’est Leiris enquête sur les sociétés d’enfants, les rites de circoncision et d’initiation, les fêtes funéraires (danse des masques) et la langue secrète de la société des hommes. JUILLET-DÉCEMBRE 1932 Il ma fallu quelques semaines à peine de vie abyssine pour être au pied du mur. Michel Leiris, L’Afrique fantôme, Gondar, 18 Juillet 1932 S’il prend part au sauvetage des peintures des églises de Gondar et à la récolte des manuscrits et rouleaux magiques, Leiris étudie avec passion, avec l’aide de son informateur Abba Jérôme, les rites de possession (sacrifices, transes, chants, poèmes) par les génies zar dans une société d’adeptes femmes regroupées autour de la guérisseuse Malkam Ayyahou.

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FOCUS SUR UNE ŒUVRE

Michel Leiris L'Afrique fantôme, 1951 22 x 14 cm, Coll. Louis Yvert Paris, Gallimard, collection « Blanche »

L’Afrique Fantôme peut être considéré autant comme un classique de la littérature ethnographique qu’un classique du journal intime. Michel Leiris se tient à une discipline quotidienne. En effet, il s’agit d’un texte à peine retouché écrit au jour le jour pendant 23 mois entre mai 1931 et février 1933 avec la Mission Dakar-Djibouti. Michel Leiris était le « secrétaire-archiviste » de la mission. Après une traversée sans histoires de Bordeaux à Dakar, l’écrivain fait ses premières observations sur le terrain africain le 31 mai 1931. Et dès le lendemain, il aborde le problème délicat qui l’occupera pendant toute la mission, des rapports entre colonisés et colonisateurs. APPROFONDIR Le journal intime devient une forme d’expression littéraire à la fin du XVIIIème siècle en même temps que les autres formes d’écriture autobiographique (comme Les Confessions de Rousseau). Il s’est façonné dans sa diversité à partir d’origines multiples comme la tenue de livres de comptes, lors de voyage évoqué par Montaigne etc. Entre intimité, réflexion littéraire ou politique, observation de soi ou d’autrui et regard sur les bouleversements du monde, on retrouve un certain nombre d’écrivains qui se sont prêtés à cet exercice, tels que Gide, Valéry, Cocteau, Queneau, Sartre, Camus et bien d’autres. C’est la Révolution française qui a promulgué les droits de l’Homme, la liberté d’expression et l’autonomie de l’individu. Le journal intime a donc un lien direct avec l’histoire de la pratique démocratique. D’ailleurs, l’esprit du journal intime est souvent de contradiction, de contestation ou de sécession (opposition à l’ordre social, opposition de soi avec soi, etc).

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Cette section peut également évoquer l’ouvrage Voyage au Congo d’André Gide. L’auteur a passé près d’un an (de juillet 1926 à Mai 1927) dans les colonies françaises de l’Afrique équatoriale. Il fait une description des conditions de vie des Noirs le long du Congo et du Tchad et forme ainsi un véritable réquisitoire contre l’administration coloniale. Gide formule des remarques sociologiques, ethnologiques et politiques, mais plus encore Voyage au Congo est un des grands livres de voyage. Il est également possible de rapprocher cette section des carnets de voyage de Delacroix, qui accompagna la mission diplomatique française auprès du Sultan Abd Al-Rahman en 1832. Au fil du voyage, il emplit ses carnets de croquis et d’aquarelles. Il s’agissait d’une mission diplomatique au Maroc, envoyé par le roi Louis-Philippe en 1832 au début de la conquête de l’Algérie. Dürer fit de même dans un journal relatant sa découverte des Pays-Bas. Dans cette section, nous pouvons évoquer l’origine de l’ethnologie. On attribue à Hérodote sa conception puisqu’il avait réalisé une enquête sur les peuples du monde connu de son époque (témoignage sur les choses vues et choses entendues, traditions rapportées et documents consultés). Mais ce sont les savants des Lumières qui ont dessiné les deux grandes orientations sur lesquelles se fondera l’ethnologie au XIXème siècle : d’une part l’idée que le fait humain est un fait social, l’Homme ne pouvant être compris que comme membre d’une société particulière dont les institutions se prêtent à des études comparatives ; d’autre part, l’idée d’une évolution de l’humanité de la sauvagerie vers la civilisation. Il est important de revenir sur la définition des termes « Ethnologie » et « Ethnographie ». L’ethnologie est l’étude explicative de l’ensemble des caractères de groupes humains, afin d’établir des lignes générales de structure et d’évolution des sociétés tandis que l’ethnographie étudie les activités d’un groupe d’individus déterminé. L’ethnographie s’intéresse aux mœurs, aux coutumes, à l’organisation sociale, aux croyances religieuses etc.

   

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4. 6. SECTION : L’ÂGE D’HOMME PRESENTATION DE LA SECTION Devenir son propre témoin, fournir des pièces à convictions, dresser un inventaire de soi. Michel Leiris L’Âge d’homme est un livre mosaïque composé par Leiris en plusieurs morceaux, un montage de souvenirs d’enfance et de jeunesse dont le déclencheur a été la rencontre d’une reproduction du diptyque de Cranach représentant, côte a côte, les deux femmes illustres de la tradition humaniste : Lucrèce, qui se suicide pour dénoncer publiquement le viol par son beau-frère dont elle a été victime durant l’absence de son mari, et Judith qui décapite Holopherne. Ce double tableau cristallise en lui les constructions fantasmatiques d’une sorte de complexe d’Holopherne que la psychanalyse qu’il suit depuis plus d’un an a fait émerger. Leiris écrit un premier texte, dans la précipitation, à la veille du départ de la mission Dakar-Djibouti. Il le reprend à son retour après la publication de L’Afrique fantôme. Ce premier essai doit au contexte psychanalytique dans lequel il a été écrit la logique cathartique d’une liquidation. Le titre a valeur d’antiphrase, indicateur du rapport « moïséen » à la terre promise d’un « âge d’homme » que Leiris n’aura jamais le sentiment d’atteindre. FOCUS SUR UNE ŒUVRE

Reproduction d’une photographie des deux panneaux perdus de Lucrèce et Judith par Lucas Cranach L’Âge d’homme, deuxième édition, Gallimard, NRF

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Ce diptyque représentant Judith et Lucrèce est une représentation d’un tableau perdu de Lucas Cranach peint dans les années 1540. Celui-ci était exposé à Dresde (Samuel Beckett décrit minutieusement le musée et ses œuvres dans ses carnets). Après 1945, le tableau disparaît dans des conditions inexpliquées. Georges Pérec a suggéré que celui-ci ait été brûlé dans les bombardements de Dresde, ou tout simplement volé. Lucas Cranach fut le peintre officiel de la cour de Saxe, dans la cité de Wittenberg. L’artiste réalisa des portraits de souverains, des scènes de chasse et des figures de martyrs et de saints. Néanmoins, Lucas Cranach fit de la chair sa marque de fabrique. Engagé au côté de Luther, alors même que sévissait une guerre de religion, Cranach se spécialisa dans le nu féminin. Au tournant des années 1520, les nus féminins de Cranach prennent des accents politiques. Ce n’est donc pas un hasard si l’artiste s’intéresse aux figures légendaires de Judith et Lucrèce, deux héroïnes qui se sont illustrées face à un pouvoir tyrannique. APPROFONDIR

Michel Leiris compare L’Âge d’homme à un « photomontage », une œuvre composée à partir des éléments les plus hétéroclites, mais dont la simple juxtaposition finit par mettre au jour des indices essentiels. Michel Leiris s’attache à construire un ouvrage qui serait la plus fidèle réplique possible de lui-même, fragment de son intimité. Le livre oscille entre souci d’exactitude et aveu d’ignorance. Une contradiction qui, finalement, fait la singularité et l’unité du texte. Il se construit dans une constante confrontation entre les souvenirs et leurs multiples associations et résonnances. Ainsi, un rapport étroit se noue entre l’anecdote et les formes artistiques tels que l’opéra ou la peinture. La double figure de Judith et de Lucrèce, par exemple, est l’axe principal à partir duquel s’ordonne et se déploie l’univers érotique de l’auteur. Cette section entre en résonnance avec l’autobiographie, genre littéraire difficile à définir (son fondateur est Jean-Jacques Rousseau).

Par ailleurs, la technique du photomontage exprimée par Michel Leiris peut être mise en relation avec le mouvement Dada, l’un des mouvements les plus marquants des avant-gardes. Si ce sont les constructivistes russes et les futuristes italiens qui l’ont expérimenté, ce sont les membres du mouvement Dada qui en exploitent toutes les possibilités expressives. Raoul Hausmann, Hanna Höch, Johan Heartfield ou George Grosz en sont les principaux représentants. Ces tableaux sont entièrement réalisés à l’aide de photographies découpées et tirées de journaux et d’éléments typographiques de coupures ou de manchettes de presse.

Georges Bataille, lui-même, s’est adonné à l’écriture autobiographique, en particulier dans L’Expérience intérieure (1943) : « Mes yeux se sont ouverts, c’est vrai, mais il aurait fallu ne pas le dire, demeurer figé comme une bête » ou « Le mot silence est encore un bruit ».

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4. 7. SECTION : MIROIR DE LA TAUROMACHIE PRESENTATION DE LA SECTION En 1926, Leiris voit sa première corrida à Fréjus avec Picasso. Malgré la désastreuse « tuerie », il est marqué à vie par ce « spectacle révélateur » dont il donne un compte rendu exalté dans Grande fuite de neige. Son aficion se confirme lorsqu’il voit toréer Rafaelillo à Valence en 1935, alors qu’il séjourne en Espagne, à Tossa de Mar, chez les Masson. Il écrit trois textes sur l’art tauromachique : Tauromachies (1937), Abanico para los toros (1938), et surtout Miroir de la tauromachie (1938), un essai théorique et poétique qui résume sa conception de la corrida. Elle est pour lui la métaphore de l’art et de l’amour, mais aussi lieu géométrique de la tangence, du gauchissement, qui introduit le concept de la fêlure, critère absolu de la beauté. Cette cérémonie sacrificielle ritualisée entre l’homme et l’animal est une tragédie réelle, puisqu’il y a danger et mise à mort. Leiris partage cette passion, qui le tient jusqu’en 1962, avec ses amis peintres : André Masson, qui illustre ses ouvrages, et Pablo Picasso, dont l’œuvre est traversée par ce thème. L’hispanophilie des intellectuels des années 1930 – divisée par le désaveu de la corrida par les milieux de gauche – va ensuite s’orienter vers le soutien de la république espagnole et la dénonciation du fascisme (Guernica, Numance). FOCUS SUR UNE ŒUVRE

  Pablo Picasso La Minotauromachie, 1935 Centre Pompidou, Musée national d’art moderne, Paris.

Cette gravure est antérieure à Guernica. Mirautoromachie est un titre qui résulte de la contraction de minotaure et de tauromachie. Ces motifs seront réemployés dans Guernica. Le minotaure, dans la mythologie grecque est un monstre à corps

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d’homme et tête de taureau qui fut enfermé par Minos roi de Crète dans un labyrinthe construit par Dédale. Thésée affrontera ensuite le minotaure. La figure mythique du Minotaure est un motif central de l’œuvre de Picasso, notamment par sa proximité avec les thèmes du taureau et de la corrida mais aussi parce qu’il symbolise l’ambiguïté de l’Homme, entre le divin et le bestial. Picasso a représenté ce monstre dans d’autres œuvres des années 30. En 1933 il a notamment réalisé la couverture du premier numéro d’une revue surréaliste, elle-même intitulée Minotaure. Il est possible de mettre cette œuvre en parallèle de celle d’André Masson, intitulée Le Labyrinthe (1938). APPROFONDIR Pour Michel Leiris, la corrida est un rituel sacrificiel et un spectacle total où le tragique de la vie et de la mort se trouve directement mis en jeu dans l'arène. L’apparition des représentations artistiques de taureaux coïncide probablement avec la naissance de l'art. Les dieux taureaux et les cultes de sacrifice de taureaux étaient fréquents en Europe et au Moyen-Orient durant la préhistoire et l'Antiquité. L'animal y était honoré en tant que symbole de force et de fertilité. Les scènes montrant un homme combattant des taureaux et d'autres bêtes sauvages sont également fréquentes et les récits de ces combats sont monnaies courantes dans la littérature mondiale (ex : le combat d’Hercule contre le lion de Némée, la mise à mort du Minotaure par Thésée et la victoire de Mithra sur un taureau etc.) Le combat de taureau traditionnel, cette « danse avec la mort » jugée indéfendable mais irrésistible, a longtemps attiré l'attention et captivé l'imagination des peintres, romanciers, poètes, photographes, sculpteurs et cinéastes. Goya fut le premier peintre de renom à représenter tous les aspects de ce spectacle dans ses œuvres d'art. Torero amateur, il réalisa une série d'esquisses intitulée La tauromaquia (La tauromachie, 1815-1816) dépeignant la corrida du début du xixe siècle. L'un de ses chefs-d'œuvre représente deux combats de taureaux se déroulant dans l'arène de Madrid séparée en deux par une palissade. Édouard Manet peignit lui aussi des thèmes taurins, Le Torero mort (1864) étant peut-être l'exemple le plus connu. Pablo Picasso commença à dessiner des combats de taureaux dès son enfance à Málaga, en Espagne, et continua par la suite à représenter des sujets taurins dans ses œuvres. André Masson a lui aussi été fasciné par ce thème qu'il a souvent traité.

La tauromachie a inspiré les écrivains espagnols pendant des siècles. Le plus célèbre d'entre eux est peut-être Sangre y arena (Arènes sanglantes, 1980), de Vicente Blasco Ibáñez. La tauromachie est aussi au cœur de l'un des opéras les plus populaires, Carmen de Georges Bizet (1875). L'œuvre a pour protagonistes une jeune sévillane et son amant torero. Le cinéma réalisa également des films sur la tauromachie (Matador (1986) et Parle avec elle (2002) de Pedro Almodovar ; The Bullfighter and the Lady (1951) de Budd Boetticher). Il est également possible d’évoquer le film la Malaguena et le torero de Alice Guy Blache (1905 – film très court coloré à la main).

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On peut recontextualiser la corrida de ses origines jusqu’à aujourd’hui. La tauromachie moderne mêle probablement des influences, des rites et des cultures qui remontent à des milliers d’années. L’essor de la corrida s’accompagna d’une évolution dans le comportement des afficionados. Même si le football demeure le sport le plus populaire dans la péninsule Ibérique et en Amérique latine, la corrida attire des foules considérables malgré de nombreuses campagnes qui cherchent à l’interdire. Célébrée comme une « fête nationale » sous le Franquisme, la tauromachie n’est pas appréciée de façon égale sur tout le territoire espagnol. Elle est de moins en moins tolérée en Catalogne.

   

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4. 8. SECTION : LE SACRÉ PRESENTATION DE LA SECTION Georges Bataille et sa compagne Colette Peignot (dite Laure) participent de ce goût pour l’érotisme, la mort et le sacré. Leiris écrit, pour une conférence au Collège de sociologie, Le Sacré dans la vie quotidienne, qui recense ses souvenirs d’enfance ayant valeur mythique. Très atteints par la mort de Laure, en 1938, Michel Leiris et Georges Bataille éditeront ses écrits : Le Sacré et Histoire d’une petite fille. DUCHAMP/ROUSSEL « En art, il n’y a pas de gagnant » m’a dit une fois Marcel Duchamp. Michel Leiris Pendant les années qui vont suivre la rédaction de L’Âge d’homme, deux lectures sont déterminantes pour Michel Leiris. Les textes posthumes de Raymond Roussel, réunis dans Comment j’ai écrit certains de mes livres, à l’édition desquels il veille, le conduisent à la substitution des jeux de mots à l’écriture automatique comme technique d’inspiration. Et La Boîte verte (La Mariée mise à nue par ses célibataires, même) de Marcel Duchamp – fui aussi admirateur de Roussel de longue date – lui fait découvrir une dimension autobiographique du ready-made : « à la limite, il ne manquerait plus à l’auteur que de s’exposer après s’être signé lui-même, renouvelant sur sa propre personne ce qu’il a déjà fait avec des objets manufacturés ». FOCUS SUR UNE ŒUVRE

Laure (Pseudonyme Colette Peignot), Le Sacré, 1939 manuscrit autographe

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Colette Peignot, connue également sous les pseudonymes de Laure et de Claude Araxe, fut l’épouse de Boris Souvarine puis de Georges Bataille. Elle fut également une grande amie de Michel Leiris. Ce dernier écrira à son propos : c’est un « être dont ceux qui l’ont approché n’ignorent pas combien inentamable était son exigence de hauteur et violente sa rébellion contre les normes à quoi souscrivent la plupart ». « Je ne suis pas ivre. Simplement : je dis ce que j’ai tu pendant des années – des mois - des jours – des heures. Je te dis/peut-être à vous parce que vous êtes vrai/les autres : c’est l’écume : ce que l’on jette par-dessus bord » (Laure, Écrits, fragments, lettres, texte établi par Jérôme Peignot et le collectif Change, 1978, p.323-324    APPROFONDIR  Michel Leiris rencontre Laure (dit aussi Colette Peignot) à son retour d’Afrique. A l’époque Colette Peignot est la compagne de Boris Souvarine, militant au cercle communiste démocratique et à la critique sociale. C’est dans ce cadre que Michel Leiris fait sa rencontre. Elle deviendra par la suite l’épouse de Georges Bataille. Laure meurt le 7 novembre 1938 à l’âge de 35 ans. Michel Leiris et Georges Bataille décident de publier, après sa mort, Le Sacré, un premier ensemble de poèmes et fragments. La même année, Michel Leiris donne une conférence au Collège de sociologie intitulée « le sacré dans la vie quotidienne ». Dans cette section, il est possible d’évoquer la thématique du sacré dans une dimension anthropologique ou théologique. Michel Leiris, dans sa conception du sacré est proche des considérations théoriques d’Emile Durkheim. Dans cette conférence, Michel Leiris semble mêler les genres de l’autobiographie et de l’ethnographie. Cette section peut être également envisagée sous l’angle de « l’autoethnographie ».

   

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4. 9. SECTION : LA RÈGLE DU JEU PRESENTATION DE LA SECTION J’écris pour vivre complètement ce que je vis. Michel Leiris. Après sa démobilisation, au lendemain de la défaite et de l’armistice de 1940, Leiris se lance dans la rédaction de ce qui deviendra La Règle du jeu. Elle comptera parmi les « exercices du silence » auxquels s’astreindront les écrivains qui refusent de publier sous le patronage du régime de Vichy et dans les conditions imposées par l’occupant. Il n’envisagera sérieusement la possibilité de le publier qu’à la Libération et reformulera à cette occasion son projet. Au départ, il s’agit de l’exploration de souvenirs d’enfance qu’il a peur que le temps fasse disparaître. Aussi, parallèlement, se constitue-t’il un fichier, une sorte de compte d’épargne mémoriel qu’il continuera à alimenter pendant toute la durée de sa rédaction. Au moment de la publication du premier volume, il proposera comme un fil virtuel l’hypothèse, ou le « truc », de la recherche d’une « règle du jeu » qu’il maintiendra jusqu’au quatrième volume, paru presque trente ans plus tard. Biffures (1948), initialement intitulé Bifurs, associe les idées de biffer et de bifurquer. Au départ, résurrection d’un lexique de mots mal identifiés par l’enfant qu’il avait été, le livre prend une nouvelle direction, moins linguistique, après que le bombardement par l’aviation anglaises des usines Renault à Boulogne-Billancourt oblige Leiris et sa femme à déménager au 53 bis, quai des Grands-Augustins, à Paris. Le dernier chapitre, « Tambour-trompette » retrace la genèse et l’évolution du projet de La Règle du jeu et annonce un second volume, Fourbis. Fourbis (1955) est le volume de La Règle du jeu qui recevra l’accueil le plus enthousiaste qui vaudra à Leiris le Prix des critiques. Les deux missions récentes qui l’ont conduit à séjourner aux Antilles françaises et francophones, ainsi que le séjour passé aux confins du Sahara pendant la drôle de guerre y occupent une place importante. Les pages sélectionnées sont extraites du manuscrit du dernier chapitre, « Vois ! déjà l’ange … », dans lesquelles Leiris évoque les quelques jours et nuits de la liaison qu’il a eue avec Khadija, la prostituée algérienne lorsque, pendant la « drôle de guerre » (septembre 1939-mars 1940), il était mobilisé dans le Sud algérien. Leiris, qui préfère ne pas être à Paris lorsque ses livres sont publiés, participe à un voyage en Chine quand Fourbis paraît. Au cours de la rédaction de Fibrilles (1966), une crise sentimentale le conduira à une tentative de suicide ; les pages exposées évoquent les temples de la montagne de l’Ouest, visitées au cours de son voyage. Frêle bruit (1976) est composé de fragments discontinus. Ce dernier volume de La Règle du jeu est rédigé sur font des espoirs et des doutes qui ont accompagné les deux voyages de Leiris à Cuba, ainsi que des évènements du mai 1968 parisien qui ont suivi. La première séquence du livre décrit une scène sanglante de la

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libération de Paris, à laquelle il assiste, en août 1944, de la fenêtre de son appartement du quai des Grands Augustins. FOCUS SUR UNE ŒUVRE

Michel Leiris Biffures, 1948 La Règle du jeu. I.

«Confrontation de souvenirs empruntés à diverses périodes de ma vie mais plutôt à l'enfance (par goût de la cosmogonie autant que par penchant sentimental), ce tome est le premier d'un ouvrage centré sur des faits de langage et au moyen duquel je me propose de définir ce qui pour moi est la "règle du jeu", plus pompeusement : mon art poétique et le code de mon savoir-vivre que j'aimerais découvrir fondus en un unique système, ne voyant guère dans l'usage littéraire de la parole qu'un moyen d'affûter la conscience pour être plus - et mieux - vivant. Juin 1948.». APPROFONDIR La Boîte verte de Marcel Duchamp est un objet qui permet d’accéder à 93 notes, esquisses et documents qui ont servi de support à la conception de l’œuvre La Mariée mise à nu par ses célibataires, même. La boîte verte paraît en 1934 et annonce une époque où l’idée fera désormais œuvre. Les Notes qu’il a rédigées tout au long de son exécution étaient « destinées à compléter l’expérience visuelle comme au moyen d’un guide » (Duchamp). Pour découvrir les secrets de la Mariée, il faut que le spectateur soit dans une logique similaire à celle de son concepteur. Cette logique de recherche trouve ses fondements chez Stéphane Mallarmé, Raymond Roussel et Henri Poincaré. Ainsi, il est possible dans cette section de traiter la thématique de l’écriture. Le livre d’artiste, par exemple, est une forme récente de création où l’artiste utilise ce support pour produire une œuvre à part entière. Il est également possible d’évoquer des oeuvres dont la limite se situe entre l’écriture et le dessin.

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Notamment avec des artistes tels que Tania Mouraud, Degottex, Lawrence Weiner ou encore Joseph Kosuth.

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4. 10. LE TEMPS DE LA GUERRE PRESENTATION DE LA SECTION La douleur intime du poète ne pèse rien devant les horreurs de la guerre. Michel Leiris, De la littérature considérée comme une tauromachie, 1946. Pendant la « drôle de guerre », Michel Leiris est affecté comme « ouvrier chimiste d’artillerie » dans le désert algérien. Il rencontre Khadija, jeune prostituée exerçant à Béni-Ounif et élèvera cette aventure au niveau d’un récit mythique dans « Vois ! déjà l’ange … » de Fourbis. Ce séjour dans le Sud oranais donne naissance à un recueil poétique, La Rose du désert (1939-1940), publié en 1942 dans Exercice du Silence. Il passe ensuite le temps de l’occupation entre Paris et Saint-Léonard de Noblat, où sont réfugiés les Kahnweiler. C’est pour lui l’occasion du retrait dans l’écriture ; il commence en 1940 le premier tome (Biffures) de ce qui deviendra La Règle du jeu. Mais il ne publie que dans des revues clandestines (Messages, Lettres françaises, L’Éternelle Revue). La question de l’engagement réel de l’écrivain et du risque se pose alors pour lui de façon cruciale. L’arrestation des membres du réseau de résistance du Musée de l’Homme et de sa collègue et amie Deborah Lifchitz, réfugiée chez lui, le marque profondément. La rencontre avec Jean-Paul Sartre – pour lequel il rend compte de la pièce de théâtre Les Mouches – accélère sa prise de conscience politique et conduit, après la guerre, à sa collaboration régulière aux Temps modernes. Pour échapper à la pesante atmosphère de l’Occupation, les artistes et intellectuels de l’époque se réunissent dans l’appartement des Grands Augustins pour la lecture du Désir attrapé par la queue, pièce de théâtre écrite par Picasso (1944). FOCUS SUR UNE ŒUVRE

Les Temps Modernes n°5, Février 1946, Revue Mensuelle

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La revue Les Temps Modernes parait aux éditions Gallimard d’octobre 1945 à décembre 1948, aux éditions Julliard de janvier 1949 à septembre 1965, aux presses d’aujourd’hui d’octobre 1965 à mars 1985 et à nouveau chez Gallimard à partir d’avril 1985. C’est Jean-Paul Sartre qui en est le directeur fondateur. Son premier comité de rédaction se compose à l’époque de Raymond Aron, Simone de Beauvoir, Michel Leiris, Maurice Merleau-Ponty, Albert Olivier et Jean Paulhan. Tous publieront des articles et œuvres au sein de la revue. De nombreux numéros spéciaux, tous domaines confondus, furent consacrés à des questions d’actualité. La revue Les Temps Modernes a couvert tous les champs culturels et politiques de la seconde moitié du XXème siècle. Elle constitue un patrimoine, riche et unique sur une époque et s’impose par sa singularité et son audace. Aujourd’hui Claude Lanzmann, son directeur, perdure dans cette voie en publiant des articles de fond, des textes littéraires mais aussi des témoignages et des reportages. APPROFONDIR Pour cette section, il est possible de traiter de la thématique « Arts, mémoires, témoignages, engagements » qui invite à souligner les rapports entre l’art et la mémoire. L’œuvre devient ainsi témoignage et recueil de l’expérience humaine. De plus, la thématique autour de l’art et l’histoire permet de mettre en lumière les figures d’artistes témoins et engagés. Il est également possible de traiter de la thématique « La guerre au XXème siècle ». La guerre, pour l’être humain, est constituée d’expériences personnelles et traumatisantes. Les soldats dans les tranchés ont d’ailleurs raconté leur histoire au travers de leur correspondance et des objets qu’ils ont fabriqués en guise de souvenirs. De nombreux artistes ont traité de l’horreur de la guerre. Notamment Otto Dix qui, à la manière d’un chroniqueur de guerre, met en exergue les souffrances humaines et les horreurs de la guerre. Francisco de Goya, déjà, s’était fait le témoin des massacres, pillages, viols et famines qui ont dévasté son pays lors de l’invasion de l’Espagne par les troupes napoléoniennes en 1808. Plus récemment encore, l’artiste Sophie Ristelhueber, avec ses séries Beyrouth, Irak et Fait, se confronte aux situations désastreuses qui sévissent dans le monde. Ses photographies deviennent les témoins de l’histoire récente des conflits. D’autres encore ont traité de ce même sujet tels que Martha Rosler ou Janane Al Ani. La section permet de mettre en lumière les enjeux idéologiques et nationaux lors de la seconde Guerre Mondiale, ainsi que le génocide des Juifs et des Tziganes en Europe. Plus encore, il est possible de mettre cette section en lien avec le chapitre d’Histoire « L’historien et les mémoires de la seconde guerre mondiale ». La Seconde Guerre Mondiale a également été un sujet de prédilection pour le 7ème art. Par exemple, le cinéma des années 1970 remet en cause les mythes de la mémoire officielle. Entre 1974 et 1978, 45 films sont réalisés et consacrés à la Seconde Guerre Mondiale. Toutefois, les films sont très divers dans leurs formes et dans leurs modes. Citons par exemple le film Lacombe Lucien de Louis Malle (1974), avec un scénario de Patrick Modiano (prix Nobel de littérature 2014). Le

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réalisateur raconte l’histoire d’un jeune homme qui hésite entre la collaboration et la résistance, se demandant laquelle des deux satisfera sa soif d’action et de violence. Plus récemment deux films permettent de traiter de ces thématiques, Monsieur Batignolles (2001) et La Rafle (2009). Cette section permet de s’interroger sur le travail des artistes pendant la Seconde Guerre Mondiale. Certains se sont réfugiés dans le Sud, à la campagne, à la montagne, parfois dans la clandestinité. D’autres ont été arrêtés, détenus, déportés dans les camps parce qu’ils étaient juifs etc. Certains ont pu faire preuve de complaisance à l’égard des Nazis. Néanmoins, quelles que soient leurs conditions de vie, les artistes ont continué à produire des œuvres. Ainsi l’on peut citer, Otto Freundliche, artiste juif allemand, interné dans plusieurs camps français. Joseph Steib, peintre amateur qui prend pour cible dans ses œuvres, le régime nazi et la figure d’Hitler. Charlotte Salomon, juive allemande internée à Gurs, relâchée puis déportée et tuée à Auschwitz ou encore Raoul Hausmann considéré comme l’un des « artistes dégénérés ». L’expression « art dégénéré » a été créée par les nazis. Selon eux, une œuvre qui ne répondait pas à des critères de savoir-faire, qui ne favorisait pas la cohésion de la communauté allemande et qui ne prônait pas la mîmesis, échappait à la sphère de l’art. Pour conclure, cette section permet de traiter en histoire et en histoire de l’art les thématiques de l’exode et de l’occupation, de la résistance, de la collaboration, de la libération, du crime contre l’humanité, mais également la question de l’engagement chez les auteurs et le rôle des intellectuels sous l’occupation, notamment Sartre, Simone de Beauvoir ou Camus.

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4. 11. SECTION : CARREFOUR DES CIVILISATIONS PRESENTATION DE LA SECTION « Antilles et poésie des carrefours » : trois mois où j’aurais vécu, à peu près quotidiennement, sous le signe de la féérie. Michel Leiris, Antilles et poésie des carrefours, 1948. Sur l’invitation d’Aimé Césaire, Michel Leiris effectue deux missions en 1948 une première mission en Guadeloupe et en Martinique, pour étudier l’héritage africain dans le folklore antillais. Il se rend également en Haïti avec Alfred Metraux, qui lui sert de guide dans les cérémonies vaudou, au cours desquelles il retrouve son intérêt ancien pour les « rituels de possession » qu’il définit comme un « théâtre vécu ». Il y prononce trois conférences : « Message de l’Afrique », « Sculpture Africaine » et « Antilles et poésie des carrefours ». En 1952, l’Unesco le charge d’une enquête sur les relations interraciales. Le résultat de ses recherches, relevant d’une autre forme d’ethnographie, est publié dans Contacts de civilisations en Martinique et en Guadeloupe, 1955. La découverte de la société métissée des Antilles, et la dénonciation du racisme et de l’exploitation – qui animent également Édouard Dlissant, Frantz Fanon -, le conduisent à participer étroitement à la création de la revue Présence Africaine, fondée en 1949 par Alioune Diop. Son engagement militant pour la cause antillaise le conduira à intervenir activement en témoignant dans deux procès intentés contre de jeunes Martiniquais (1951) et Guadeloupéens (1968). CHINE La Chine où s’élargit la tache rouge de l’espoir. Aimé Césaire L’engagement de Michel Leiris pour les utopies révolutionnaires et son désir de voyage le poussent à visiter la « Chine nouvelle », en 1955, avec la délégation de l’Association des amitiés franco-chinoises, qui comprend entre autres Chris Marker, Armand Gatti, Jean Lurçat, René Dumont, Paul Ricoeur … Le récit de ce voyage est au cœur de Fibrilles : « De tous les tours que j’ai faits, c’est celui-là, sans doute, qui m’a donné le plus de contentement. Mais pourquoi, s’il m’a comblé à ce point, est-ce celui-là aussi qui, au retour, m’aura probablement laissé le plus désemparé ? ». Le Journal de Chine, qui relate avec force détails réalistes, la découverte d’un Orient moderne, bien loin de l’exotisme africain ou antillais, sera publié après sa mort. CUBA En 1967, Michel Leiris est invité à La Havane à l’occasion du XXIIe Salon de mai, au cours duquel il participe à l’immense fresque de Cuba Collectiva, en écrivant, dans la case qui lui était attribuée : « Amitié à Cuba, la rose des tropiques et de la Révolution ». Il y retourne en 1968 pour le Congrès des intellectuels du monde entier, à l’organisation duquel il participe activement, à la demande de Carlos Franqui, en dressant la liste des écrivains à inviter. Il y retrouve aussi son ami, le peintre cubain Wifredo Lam, qu’il a rencontré en 1939 par l’intermédiaire de

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Picasso, et dont l’œuvre syncrétique fait le lien entre l’Afrique et les Antilles. Au cours de ce voyage, il écrit le poème « Écumes de la Havane ». FOCUS SUR UNE ŒUVRE

Wifredo LAM Autel pour Yemaya, 1944 Huile sur papier marouflé sur toile, 148 x 94,5 cm, Paris, Centre Pompidou, MNAMDation, 1985

Wifredo Lam a réalisé cette œuvre à Cuba, son pays, où il trouve refuge en 1941. Autel pour Yemaha exprime la relation qu’entretien l’artiste avec la culture afro-cubaine. Dans cette œuvre, Wifredo Lam rend hommage à une divinité d’origine africaine qui fait l’objet d’un culte en Amérique latine et dans les Caraïbes. Au pied de l’autel et au cœur d’une foisonnante végétation tropicale, l’artiste a introduit un certain nombre d’objets. On peut également y voir des motifs de feuilles et de tiges tracés avec énergie. Toute la toile semble évoquer la puissance créatrice. D’ailleurs, l’œuvre autant que l’artiste incarne le mélange d’influences et le syncrétisme des cultures. Ainsi, l’artiste semble réinvestir sa culture en regard du surréalisme. APPROFONDIR Cette section permet d’interroger la thématique « Arts, sociétés, cultures » autour du primitivisme, de l’art africain et de l’art « nègre » et permet d’évoquer les questions de colonisation et de décolonisation. Il s’agit de mettre en évidence le phénomène colonial en évoquant les formes diverses de la colonisation, les enjeux et tensions qu’il suscite. Michel Leiris ayant participé à la revue Présence Africaine, il est intéressant d’évoquer ici le mouvement de la négritude lancé autour d’Aimé Césaire, de Léon Gontran Damas et de Léopold Sédar Senghor, à la fin de la période coloniale. « Négritude » est un néologisme employé pour la première fois par Aimé Césaire dans son Cahier d’un retour au pays natal paru en 1939 et qui se présente comme une réhabilitation de l’Homme noir et de ses valeurs. Une des définitions qu’il en

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donne est : « La simple reconnaissance du fait d’être noir et l’acceptation de ce fait, de notre destin de noir, de notre histoire et de notre culture. ». La négritude est un mouvement à la fois littéraire et politique, fondé à Paris dans les années 1930. Les fondateurs de négritude étaient en partie inspirés par leurs rencontres avec les membres de la Harlem Renaissance, comme beaucoup d’entre eux vivaient en France pour échapper au racisme et à la ségrégation aux Etats-Unis. Parmi d’autres, ils ont rencontré les écrivains Langston Hughes et Richard Wright et les musiciens de jazz Duke Ellington et Sidney Bechet.    Cette section donne aussi l’opportunité de parler du premier film anticolonial français intitulé Afrique 50 et réalisé par René Vautier. Le réalisateur répond à une commande en 1949 de la Ligue de l’Enseignement. Le film était censé vanter les mérites des missions éducatives de la France en Afrique. René Vautier s’en écarte et réalise un pamphlet cinglant contre la colonisation. Ainsi, le réalisateur utilise sa caméra comme un outil politique au service des opprimés. Son combat anticolonialiste est loin de se réduire à ce film, puisqu’il le poursuit à sa sortie de prison, en 1952, avec son soutien actif accordé au FLN dans la lutte du peuple algérien pour son indépendance. Kahnweiler et Leiris ont un intérêt commun pour les arts non-occidentaux. Dès 1907, Kahnweiler s’intéresse aux « arts primitifs » pour mieux comprendre les artistes qu’il défend (Picasso, Braque, Derain etc.). Leiris est également captivé par les « arts primitifs » mais il est aussi l’un des premiers à dénoncer leur appropriation par les occidentaux. Leiris travaillera notamment sur les masques africains puisque le masque recoupe tous les centres d’intérêts de l’ethnologue. De plus, il est possible de parler plus spécifiquement des voyages de Michel Leiris. Celui-ci va visiter la Chine en 1955 avec la délégation de l’Association des amitiés franco-chinoises. En 1967, il est invité à la Havane à Cuba à l’occasion du XXIIème Salon de Mai et y retourne en 1968 pour le Congrès des intellectuels du monde entier.

 

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4. 12. SECTION : PIERRES POUR GIACOMETTI PRESENTATION DE LA SECTION Complicité de créateur à créateur entre le sculpteur des effigies rongées de l’après-guerre et l’écrivain de Biffures et de Fourbis, qui rêve de « ramasser sa vie en un seul bloc solide » : modelant, en autant de stèles verbales, des Pierres pour un Alberto Giacometti, Leiris médite de plain-pied l’œuvre sculpté de son ami. Même hantise de la pétrification ou de la liquéfaction : « donner une consistance à ce qu’il y a d’insaisissable et de fugace dans n’importe quel fait … laisser en suspens ». Même montage de résidus, même quête de la présence humaine – cet inconnu merveilleux -, même lutte pour saisir le réel entre mort et vif. Même volonté de marquer l’œuvre, l’un de l’empreinte de sa main, l’autre du grain de sa voix, et de rendre compte de sa vision, dans le face-à-face avec soi ou avec autrui. Le dialogue entre eux sera, jusqu’au bout, fraternel, en miroir : Giacometti est dans le bureau de Leiris au lendemain de sa tentative de suicide en 1957, pour y réaliser des portraits (vivantes cendres, innommées) ; Leiris, en retour, sera en 1972, après la mort du sculpteur, dans l’atelier de la rue Hyppolyte Maindron, pour organiser la sauvegarde des traces de la main à l’œuvre. FOCUS SUR UNE ŒUVRE

Alberto Giacometti L'Homme qui chavire, 1950 Bronze, fondeur : Alexis Rudier, tirage 3/6, 60 x 22 x36 cm Musée d’Orsay, Paris, en dépôt au musée Granet, Aix-en-Provence.

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Alberto Giacometti, fils d’un peintre impressionniste, réalise dans l’atelier de son père, sa première peinture à l’huile et son premier buste sculpté, à l’âge de 14 ans. En 1922, Giacometti part faire ses études à Paris auprès du sculpteur Antoine Bourdelle. Si ses premiers dessins et sculptures sont influencés par des artistes tels que Jacques Lipchitz et Fernand Léger, le reste de son œuvre est fortement marqué par l’art non-occidental et notamment par la sculpture africaine et océanienne. A la fin des années 1920, Alberto Giacometti intègre le cercle formé autour de la revue Documents. Par ailleurs, l’artiste se rapproche des « dissidents » du surréalisme, André Masson, Marx Ernst et Joan Miró. La période surréaliste de Giacometti est un moment à part puisque c’est la seule où le rapport à la mémoire et au rêve remplace le travail d’après modèle. Il y adhère de 1931 à 1935. Néanmoins, les préceptes et procédés surréalistes auront une grande importance tout au long de sa production artistique. Toute l’œuvre de Giacometti questionne l’être humain et la précarité de son existence. Il témoigne, tout particulièrement dans l’Homme qui chavire, d’un intérêt pour le déséquilibre, cet instant où tout basculer. L’homme qui chavire est une œuvre qui s’inscrit dans la continuité de l’Homme qui marche et de la Femme debout. La réalisation de la sculpture s’est déroulée en plusieurs étapes. La première consistait à modeler de la terre et du plâtre sur une armature en fil de fer. Cette première phase est tout particulièrement appréciée par l’artiste puisqu’elle laisse entrevoir un aspect inachevé et rugueux de la surface. La seconde étape consistait à passer du plâtre au bronze. APPROFONDIR Le travail de Giacometti peut être rattaché à la pensée des écrivains, amis du sculpteur, qui questionnent les fondements de la condition humaine en quête ou en perte de sens après le traumatisme de la Seconde Guerre Mondiale (Sartre avec l’existentialisme ou Beckett avec l’absurde). De manière plus générale, il est possible de rapprocher le travail de Giacometti avec le genre de la vanité. La vanité représente la vie humaine au moyen de motifs symboliques destinés à mettre en évidence son inconsistance et sa fragilité. La vanité se développe en tant que genre pictural indépendant au début du XVIIème siècle. Celle-ci est étroitement liée au sentiment de précarité qui se répand en Europe à la suite de la guerre de trente ans et des épidémies de peste. On peut évoquer ainsi l’oeuvre de Hans Holbein le Jeune, intitulé les Ambassadeurs (1533) Comme Giacometti, d’autres artistes travaillent autour de l’idée d’une sculpture « psychologique ». Notamment Germaine Richier, qui étire la terre, la superpose en couche, la malaxe puis la déchire à l’aide d’outils tranchants. Finalement, elle incise la matière et cherche à ce que « les formes déchiquetées (…) aient un aspect changeant et vivant »1. Citons également Louise Bourgeois et ses sculptures tourmentées, réalisées souvent de manière monumentale. Cette artiste produit des corps traversés par le traumatisme.

                                                                                                               1 Valérie Da Costa, Germaine Richier : un art entre deux mondes, Paris : Norma, 2006, pp. 65 et 66.

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Cette section peut aussi donner la possibilité de se référer au courant existentialiste, courant de philosophie plaçant au cœur de la réflexion l'existence individuelle, avec Camus et Sartre par exemple.

 

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4. 13. SECTION / ARTS ET MÉTIERS DE MICHEL LEIRIS : ÉCRIVAIN-POÈTE, ÉCRIVAIN D’ART, ETHNOLOGUE PRESENTATION DE LA SECTION Accroître notre connaissance de l’homme, tant par la voie subjective de l’introspection et celle de l’expérience poétique, que par la voie moins personnelle de l’étude ethnologique. Michel Leiris, Titres et travaux, 1967. Michel Leiris mène de front ces trois « métiers » : poète, écrivain d’art et ethnographe, partageant son emploi du temps et ses lieux d’écriture entre la chambre des Grands Augustins et le bureau du Trocadéro. Africaniste au Musée de l’Homme de 1938 à 1984, il conçoit des expositions pionnières (Passage à l’âge d’homme, 1968), affiche des prises de position engagées et se consacre à un ouvrage essentiel sur l’art africain. Parallèlement, il multiplie textes et préfaces, en particulier pour les expositions de la galerie Louise Leiris, sur ses amis artistes : Masson, Picasso, Miró, Giacometti, Bacon, mais aussi Wifredo Lam, Fernand Léger, Henri Laurens, Josef Sima, Élie Lascaux, etc. Ses activités essentielles demeurent la poésie et la littérature : après La Règle du jeu, il écrit des textes qui trouvent leur source dans le regard permanent qu’il porte sur la peinture (Le ruban de cou d’Olympia), sa passion toujours vive pour le langage (Langage Tangage) et son regain d’intérêt pour la voix (À cor et à cri). MICHEL LE SATRAPE Falstaff, Faust, Faustroll : le vieux bébé jouisseur, le fou de connaissance, le pataphysicien, sans doute y a-t-il en moi un peu de ces trois figures. Michel Leiris, Titres et travaux, 1967. MICHEL LEIRIS ETHNOGRAPHE L’Ethnographe est conduit par les modalités mêmes de sa recherche, au paradoxe de se faire homme « engagé » tout en tendant à une parfaite objectivité. Michel Leiris, Titres et travaux, 1967. Dès son retour de la mission en 1933, Michel Leiris suit les cours de Marcel Mauss, à l’Institut d’ethnologie, et passe ses diplômes en vue d’embrasser, dès 1934, un véritable métier : ethnographe africaniste, au département d’Afrique noire du musée du Trocadéro, puis au Musée de l’Homme, inauguré en 1938. Il y exerce ses fonctions jusqu’en 1984, participant à la rédaction du guide et des catalogues en contribuant à l’acquisition d’œuvres. Son travail d’ethnographe se traduit par la publication de travaux scientifiques, dont Afrique noire, la création plastique, premier ouvrage qui reconnaisse le sentiment esthétique de l’art africain. Il assume la position complexe de l’ethnologue dans deux textes essentiels : « l’ethnographe devant le colonialisme », 1950 et Race et Civilisation, 1951. Son engagement militant et ses amitiés africaines l’incitent à effectuer diverses missions : en Côte d’Ivoire en 1945 pour étudier les problèmes de la main d’œuvre, dans le cadre de la mission Lucas organisée par Jean Dresch ; en Algérie en 1948, où il est invité par le Centre Culturel de Sidi-Madani, avec Henri Calet, Francis Ponge et Eugène de Kermadec … Puis en 1962, il assiste aux Rencontres de Bouaké (Côte d’Ivoire), pour un colloque sur les religions africaines

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traditionnelles. Enfin, il participe activement au 1er festival mondial des arts nègres, organisé à Dakar en 1966 sous le patronage de Léopold Sedar Senghor. FOCUS SUR UNE ŒUVRE

Michel Leiris, Francis Bacon, face et profil, 1983 29,5 x 25,5 cm Paris, Albin Michel

Francis Bacon, face et profil est un texte où Leiris, pour mieux souligner la singularité de la peinture de son ami, l’a distinguée de celle des expressionnistes, des cubistes et des surréalistes. C’est un texte où l’on retrouve une démarche résolument comparative. En effet l’artiste a comparé la peinture de son ami à celle des peintres cubistes :« Lorsque Francis Bacon cherche à faire sentir (non à décrire) une réalité donnée ou inventée et que dans ce but il déforme, ce n’est pas seulement à la forme qu’il s’attaque (tels les cubistes, qui eurent tendance à négliger la matérialité des choses pour ne s’en prendre qu’à leurs contours dans leur prodigieuse remise en question des procédés traditionnels d’écriture picturale) mais aussi à la substance du motif […] ». C’est le dernier texte qu’écrira Leiris sur Bacon, celui qui constitue l’aboutissement de ses écrits antérieurs sur ce peintre. APPROFONDIR Né en 1909 à Dublin, Francis Bacon sera d’abord décorateur d’intérieur à Berlin et à Paris, puis en 1929, il deviendra « designer » de mobilier à Londres. C’est en voyant une exposition de Picasso en 1926 à Paris, que Bacon s’adonnera à la peinture. Il peint d’ailleurs ses premières toiles sous l’influence de Picasso et du surréalisme. Diego Vélasquez, Nicolas Poussin, Rembrandt ou les films de Luis Buñuel font partie de ses influences. En 1944, il détruit la majeure partie de ses œuvres et 1945 marque son entrée officielle dans le milieu picturale avec trois études de figures au pied d’une crucifixion. Le tableau, créé au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, présente des corps ravagés par l’horreur. Une violence

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extrêmement crue, qu’il finit par délaisser pour « peindre le cri plutôt que l’horreur » (Selon les mots de Gilles Deleuze). Francis Bacon peint la souffrance humaine. La première rencontre entre Michel Leiris et Francis Bacon eut lieu grâce à Alberto Giacometti par l’intermédiaire de David Sylvester. Bacon et Giacometti ont plusieurs thématiques en commun, notamment la souffrance, le cri à venir et l’angoisse de la mort. Tout deux ont une production artistique qui interroge l’être humain après le génocide. Carol Darchy, dans une étude sur Francis Bacon écrit à propos des deux artistes : « Leurs œuvres hurlent la souffrance de la mort ressentie au cœur de la vie, ou d’une certaine manière, ils voient la vie, sous les apparences de la mort. Bacon est sans rival quant à la déformation des corps et des visages. Giacometti se focalise de manière obsessionnelle sur les yeux, et cela, à l’infini, en boucle, car il n’arrive pas à donner vie, à ces cavités creuses, qui renvoient à la mort, l’effroi. » Dans cette section, il est possible d’évoquer les écrivains ou collectionneurs qui ont défendu et soutenu des artistes. On pense notamment à Diderot qui a pris le parti de Chardin. Aragon, par exemple, a été l'un des premiers théoriciens du collage. Ainsi il consacre à cette notion ses premiers textes de critique d'art. Cette pratique devient ainsi le moteur de son analyse de la modernité dans la création artistique. En 1926, il consacre un texte à Max Ernst. On peut également convoquer Baudelaire qui défendra beaucoup Delacroix. Citons également Théophile Gautier, Théophile Thoré, Zola, Huysmans, Proust, Breton ou Bonnefoy qui ont tous une légitimité reconnue dans le soutien et la croyance qu’il portaient à certains artistes. Cette section permet également d’évoquer Daniel-Henry Kahnweiler qui fut un grand marchand d’art avec Vollard et Durand-Ruel. Il fut le premier à soutenir le cubisme et fut l'un des premiers à le comprendre, à l'aimer et à en fournir une théorie. On peut également parler de Peggy Gugenheim (épouse de Max Ernst) et qui défend les surréalistes ainsi que de jeunes artistes américains comme Motherwell, Baziotes, Rothko, Gottlieb et Jackson Pollock.

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4. 14. SECTION / LA PEINTURE COMME MODÈLE PRESENTATION DE LA SECTION PICASSO : UN « GÉNIE SANS PIÉDESTAL » Michel Leiris a consacré de 1930 à 1989, une vingtaine de textes à Picasso, ce « génie sans piédestal ». Ces derniers constituent le témoignage d’une amitié renforcée par le lien avec la galerie Louise Leiris, d’une complicité tauromachique et d’une adhésion aux caractéristiques essentielles de l’œuvre du peintre : l’humour, le tragicomique, l’attachement à l’humain et au réalisme, le caractère autobiographique de l’art, qui se manifeste dans le thème majeur du « peintre et son modèle » devenu quasiment « un genre en soi ». Dans le texte de 1954, « Picasso et la comédie humaine ou les avatars de Gros pied », Leiris évoque les relations ambiguës entre fiction et réalité, entre l’art et la vie, ainsi que la question du vieillissement et de la mort qui n’épargnent pas l’artiste, aussi génial soit-il. À force de peindre l’acte de peindre, Picasso prend la peinture comme modèle ; ces recréations des chefs-d’œuvre du passé plaisent particulièrement à Michel Leiris qui écrit sur Les Ménines d’après Vélasquez de Picasso. Une série de portraits de l’écrivain, ainsi que des œuvres venant de sa collection (La Pisseuse, 1965, La Petite fille à la corde, 1950) rendent compte de cette longue et fidèle complicité. BACON : LA VÉRITÉ CRIANTE Un Oreste […] un Hamlet […] un Don Juan […] un Maldoror […] un Falstaff […]. Michel Leiris, Francis Bacon, face et profil Découvert à Londres en 1965, Bacon devient un grand ami de Michel Leiris, qui est fasciné autant par la fureur de vivre, la lucidité de l’homme, que par sa peinture dont il devient un des premiers et meilleurs critiques : elle lui offre une réponse magistrale à sa recherche d’une « vérité criante », dont il fait désormais le critère absolu de l’œuvre d’art, et l’enjeu de sa quête d’écrivain. L’autre d’À cor et à cri et du Ruban au cou d’Olympia est happé par le « cri à vif » qu’est le geste du peintre mû par la rage de capter le réel le plus nu, de fixer le charnel le plus cru. Les miroirs entre ces deux créateurs pourtant si opposés sont multiples : tous deux au centre de leurs œuvres, le peintre comme voyeur, acteur d’une mise à nue convulsée et théâtralisée, et l’écrivain comme observateur d’un moi indéfiniment déchiffré et recomposé – et torturé, comme le sont ses portraits peints par Bacon. Un même constat – d’une corde raide, circulaire, tendue jusqu’à la mort – les réunit. Ce qui saisit Leiris est l’acte-même du surgissement sur la toile d’une double présence – celle du corps humain et celle de la main qui le peint -, et la figuration hic et nunc de « cruautés sans âge » : un tragique, un sacré.

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FOCUS SUR UNE ŒUVRE

Pablo Picasso Le peintre et son modèle, 1970 Ensemble de 8 dessins, Crayon conté sur carton et crayons de couleur sur carton 22 x 31,5 cmParis, Centre Pompidou, MNAM, Donation Louise et Michel Leiris, 1984

La thématique du « peintre et son modèle » est récurrente dans l’œuvre de Picasso. Pourtant, on sait que Picasso créait rarement d’après modèle. L’atelier est son lieu de prédilection. Les historiens ont d’ailleurs défini les différentes périodes de sa création artistique par rapport à ses ateliers (le Bateau-Lavoir, l’atelier des Grands Augustins, Boisgeloup, Vallauris, Vauvenargues, la Californie, Mougins, etc). Avec un tel motif, Picasso interroge le sens de l’art, l’acte de regarder ainsi que l’origine de la création. APPROFONDIR

Cette section peut être reliée à la thématique du « Portrait » et plus précisément à celle du « peintre et son modèle ». En effet, ce thème est un des sujets fondamentaux de la peinture occidentale. Il domine l’œuvre de Picasso depuis son illustration du Chef d’œuvre inconnu de Balzac en 1926. Le face-à-face du peintre avec son modèle renvoie au désir, à une confrontation directe avec le corps de l’autre. Il est possible de mettre en relation cette thématique avec l’œuvre de Matisse, Le peintre dans son atelier (1916-17) qui apparaît comme une méditation du peintre sur la représentation du réel et sur son rapport à la peinture. Balthus a également traité cette thématique avec l’œuvre Le peintre et son modèle (1980-1981), dans laquelle le peintre tourne ostensiblement le dos à son modèle. Plus récemment encore, dans une vision contemporaine, Yves Klein traite de cette même thématique. Les Anthropométries sont le résultat de performances réalisées en public avec des modèles dont les corps enduits de peinture viennent s’appliquer sur le support pictural.

Le thème central de l’œuvre de Francis Bacon est la souffrance humaine. Il réalise des personnages disloqués dans des pièces constamment divisées. L’artiste cherche à « peindre la trace laissée par l’existence humaine ». La photographie est la référence permanente dans la peinture de Francis Bacon notamment les albums de Muybridge. Par ailleurs, le visage hurlant que l’on

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retrouve dans de nombreux tableaux est emprunté au Cuirassé Potemkine d’Eisenstein. L’artiste n’hésite pas à s’inspirer d’autres artistes, tels que Velasquez, Rembrandt, Poussin, Buñuel. Cette section permet ainsi de mettre en exergue l’idée de filiation entre les œuvres. En effet, il est possible de distinguer deux types de filiation. La filiation légitime permet de démontrer que l’artiste a volontairement fait une parenté entre sa création et une œuvre antérieure ou existante. La filiation adoptive quant à elle démontre que le spectateur construit des liens entre des œuvres pour faire émerger une entrée commune.

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4. 15. SECTION : OPERRATIQUES PRESENTATION DE LA SECTION Je préfère aujourd’hui à la réalité sanglante de la tragédie taurine le tragique fictif de l’opéra. Michel Leiris, Fibrilles. À la passion pour la corrida, succède celle pour l’opéra, autre espace théâtral où se joue la tragédie de la vie, de l’amour et de la mort, et dans lequel Michel Leiris retrouve les figures héroïques féminines qui l’obsèdent. « En dehors de Turandot, je ne vois pas d’œuvre lyrique où les personnages de Judith (Turandot) et de Lucrèce (Liu) soient simultanément mis en scène ». Amoureux du bel canto et des opéras italiens de Verdi et de Puccini (Turandot, La Fille du Far West, Paillasse, Tosca …), il note ses impressions et souvenirs, qui seront publiés à titre posthume dans Opérratiques, 1992. La musique, ou plutôt le spectacle, qu’il admirait tant enfant, l’accompagne ainsi jusqu’à la fin de sa vie. FOCUS SUR UNE ŒUVRE

                Michel Leiris Operratiques, 1992 Paris, P.O.L., 20,5 x 14 cm Paris, collection Louis Yvert.  

   Operratiques est l’un des importants manuscrits inédits que Michel Leiris a laissés après sa mort. Ce titre est construit à partir d’une juxtaposition de deux termes – opéra et erratique – qui forment ce que l’on appelle un « mot valise ». L’ouvrage est composé de trois mouvements. Le premier aborde l’opéra d’un point de vue objectif, parfois sociologique et même ethnographique. Le second est plus subjectif. Il propose une réflexion sur l’esthétique et sur la dramaturgie de l’opéra. Le dernier mouvement est surtout consacré aux chanteurs, à la mise en scène, aux théâtres d’opéra et aux rituels des représentations.

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APPROFONDIR Cette section permet de travailler autour de l’opéra et de son évolution. Un opéra est une composition musicale dramatique dans laquelle les paroles sont chantées. L’opéra est né en Italie à la fin du XVIe, début XVIIème siècle à l’époque Baroque. Le XVIIIème siècle représente le bel canto et la réforme classique. Le XIXème siècle marque l’âge d’or de l’opéra avec notamment Richard Wagner qui le révolutionna dans la seconde moitié du siècle et Giuseppe Verdi qui en fut le grand compositeur.

Le XXème siècle, quant à lui, poursuit les tendances du siècle précédent. Aujourd’hui l’offre d’opéra est extrêmement variée, la mise en scène et les décors sont devenus des éléments essentiels des nouvelles productions. Actuellement, les grandes œuvres sont constamment revisitées. Ainsi, opéras contemporains et œuvres anciennes se combinent, se renouvellant en permanence.

Parmi les grands compositeurs italiens d’opéras, il faut citer Rossini, Donizetti, Bellini, Puccini et Verdi qui ont su exprimer les sentiments et les angoisses de la société italienne de l’époque. Des artistes ont également représenté le milieu de l’opéra. Edgar Degas par exemple, avec L’orchestre de l’Opéra (1870) représente la fosse. Gustave Doré et Honoré Daumier ont également abordé ce sujet. De plus, de nombreux artistes tels que Picasso, Braque, Sonia et Robert Delaunay, Matisse, ou encore Derain ont collaboré aux ballets russes de Serge Diaghilev.

 

 

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4. 16 . LEIRIS « FANTÔME » PRESENTATION DE LA SECTION La présence-fantôme de Michel Leiris est évoquée par une suite de photographies de lui-même à divers âges de la vie, et par sa voix, issue d’une des rares interviews qu’il accorda en 1968 à Paule Chavasse. À ce portrait visuel et sonore répond la liste écrite de ses derniers autoportraits tragi-comiques en forme d’ « images de marque ». L’œuvre de Leiris trouve aujourd’hui une résonnance aussi bien dans le champ de la littérature que dans celui de l’art et de l’anthropologie. Nombre d’artistes contemporains se réclament de lui. Chacun à leur manière, ils tentent, soit de tracer un impossible portrait de l’homme et de son œuvre (Jean-Michel Alberola, Camille Henrot), soit d’illustrer ses poèmes (Marcel Miracle), soit de rendre hommage à sa vision pionnière de l’ethnographie qui annonce les études postcoloniales (Miquel Barceló, Mathieu Abonnenc, Kader Attia). FOCUS SUR UNE ŒUVRE

  Jean-Michel Alberola Portrait de Michel Leiris, 1994 Dessin, crayon, pastel sur papier Collection André Magnin, Paris © ADAGP, Paris 2015 © Photographie Kleinefenn

Jean-Michel Alberola, né en 1953, est à la fois peintre, sculpteur, écrivain, cinéaste, photographe. Il est parmi les artistes d'aujourd'hui celui qui lie le plus étroitement peinture et écriture. Ses tableaux peuvent sembler inachevés, fragmentés se lisant comme un rébus dans lequel s’égrènent figures, silhouettes, mots, expressions, slogans. Ce morcellement est un geste essentiel dans sa

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démarche. Tout un monde étrange de corps et de paysages mêle ainsi jeux de mots et jeux de formes. Les fragments de peinture tels des pictogrammes mystérieux qui vibrent de leur couleur, provoquent l’imaginaire du spectateur.     APPROFONDIR    Jean-Michel Alberola engage sa peinture dans un rapport dialectique réel, et tend à inscrire sa pratique dans le devenir de l’histoire. Marcel Miracle, géologue en Afrique puis instituteur en Suisse, réalise un travail artistique de l’ordre de la reconstitution tandis que Kader Attia élabore une œuvre protéiforme qui interroge des questions liées à la diaspora et aux déracinements. Cette démarche de plasticien se rapproche aussi de celle de l’ethnologue. Camille Henrot créée par superpositions d’histoires, de références, de souvenirs et de formes. Elle travaille sur la mémoire collective et sur la mémoire individuelle. Mathieu Abonnenc a travaillé quant à lui autour de la thématique du colonialisme. Tous ces artistes ne sont pas les seuls à avoir une démarche proche de celle de l’ethnologue et à interroger les mécanismes de domination d’une culture par une autre. Rasheed Araeen est un artiste pakistanais, militant du multiculturalisme postcolonial. Il combine les codes du modernisme européens avec les codes musulmans traditionnels. Cette section permet de mettre en lumière l’idée de dialogue interculturel entre plusieurs formes d’art qui sont d’ordinaire séparées. Il s’agira de montrer l’ouverture d’esprit et l’intérêt des artistes occidentaux pour les autres cultures.

 

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5. LEXIQUE

A « Arts premiers » : Il s’agit d’une expression pour qualifier les arts des civilisations dites « traditionnelles ». Ces arts étaient utilisés lors de cérémonies rituelles chez certains peuples (Inuits, Masaïs, Aborigènes, Mayas).  Autobiographie : C’est un genre littéraire dans lequel l’auteur écrit lui-même sa vie. Une autobiographie est toujours écrite à la première personne du singulier. L’autobiographie est un genre récent qui est apparu après la Révolution Française à la fin du XVIIIème siècle. Avant cela, les auteurs écrivaient seulement pour les maîtres (il n’écrivaient pas ce qu’ils voulaient, seules les biographies existaient). C’est à partir du siècle des Lumières et des idées d’humanité, de liberté et d’égalité que les récits autobiographies se sont développés.

B Bambara : Les Bambara dont le nom signifie « ceux qui refusent d’être dominés » constituent l’ethnie la plus nombreuse du Mali. Le Bambara est également une des langues nationales du Mali et est parlé également au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire et en Guinée.

C Civilisation : C’est une société d’hommes et de femmes qui s’inscrit dans une époque donnée, et dans laquelle il y a une organisation du savoir et une organisation sociale. Colonialisme : C’est un système politique qui vise à exploiter des territoires dans l’intérêt du pays colonisateur. Colonie : La plupart des pays occidentaux (en particulier la France et le Royaume-Unis) ont eu des colonies, c’est-à-dire des pays dont ils se sont rendus propriétaires des ressources et des terres au détriment des populations locales, à qui elles appartiennent. Ils se sont installés par la force et c’est aussi par la force qu’ils ont été expulsés de ces pays (ex : la France au cours de la guerre d’Algérie). Corrida : Jeu originaire d’Espagne qui se déroule dans des arènes. C’est un combat entre un homme (matador) et un taureau où celui-ci est mis à mort à la fin du combat.

D Dada : Il s’agit d’un mouvement artistique qui est apparu au début du XXème siècle après la première guerre mondiale. Il se caractérise par une remise en cause de tous les principes et contraintes idéologiques, artistiques et politiques. Suite aux atrocités de la guerre 14-18, les artistes ont voulu dénoncer toutes les valeurs de la société telles qu’elles existaient avant le conflit. Les artistes du

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mouvement Dada s’éloignent des règles qui ont toujours gouverné le monde de l’art. Dogons : Les Dogons sont une ethnie du Mali réputée pour leur agricultures (mil, millet, riz etc). Ils sont animistes et croient en un dieu unique, Amma et ont une mythologie qui leur est propre.

E Ethnologie : C’est l’étude explicative et comparative de l’ensemble des caractères de groupes humains, afin d’établir des lignes générales de structure et d’évolution des sociétés.  Ethnographie : L’ethnographie étudie les activités d’un groupe d’individus déterminé. L’ethnographie s’intéresse aux mœurs, aux coutumes, à l’organisation sociale, aux croyances religieuses etc.    

F G H I  

J  Jazz : Le jazz est un genre de musique né aux Etats-Unis au début du XXème siècle, inventé par les noirs américains. Cette musique vient du croisement du blues, du ragtime et de la musique classique. L’une des caractéristiques du jazz est d’utiliser l’improvisation et de donner une grande place au rythme.

K

L Littérature : La littérature désigne l’ensemble des œuvres écrites ou orales fondées sur la langue et auxquelles on reconnaît une finalité esthétique.  

M Masque : C’est un objet destiné à cacher le visage ou à symboliser un personnage réel ou mythique. Matador : Celui qui dans les courses de taureaux est chargé de la mise à mort de l’animal.

O Opéra : C’est une œuvre musicale destinée à être chantée sur une scène. Ce type d’œuvre appartient à la musique classique, moderne ou contemporaine. C’est une forme de théâtre musical occidental.  

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P Poésie : La poésie est l’art de créer des textes, dits « poèmes », qui évoquent des impressions et des émotions.    

Q R      

S  Sociologie : Il s’agit d’une discipline scientifique qui fait partie des sciences humaines. Le sociologue étudie la société avec des méthodes scientifiques. La sociologie s’intéresse aux rapports que les individus ont les uns avec les autres, les rapports qu’ils ont avec la société et les rapports que la société a avec eux. Elle cherche ainsi à comprendre comment et pourquoi les hommes vivent en société. Surréalisme : Mouvement intellectuel, littéraire et artistique qui apparaît au XXème siècle, en 1924. Il est défini par André Breton comme quelque chose d’automatique qui servirait à exprimer le réel fonctionnement de la pensée. Le mouvement croit à la puissance du rêve et à ce qui est « au-dessus du réalisme ».

T Tauromachie : Il s’agit d’une discipline sportive ou artistique qui consiste en une opposition entre un homme et un taureau. Il existe plusieurs variantes dont la plus connue est la corrida. Le mot tauromachie vient du grec et signifie « combat de taureau ».

U  

V  Vaudou : Religion pratiquée essentiellement en Haïti. Une large majorité de la population croit en ses pouvoirs et beaucoup ont été confrontés, de près ou de loin, à l’aspect magique ou sorcier du vaudou. Le vaudou est un mélange de traditions polythéistes africaines et de catholicisme.

W X Y Z  

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NOMS ABONNENC Mathieu : Artiste français ayant grandi en Guyane, Mathieu Abonnenc travaille à la manière d’un historien ou d’un chercheur. Au gré de ses voyages et rencontres, l’artiste exhume des documents inédits pour mettre en exergue tout un pan de notre histoire coloniale et postcoloniale. ARP Jean : Peintre, il est le co-fondateur du mouvement Dada de Zurich, et devient par la suite, proche du surréalisme. ARTAUD Antonin : Antonin Artaud est un poète, théoricien du théâtre, acteur, écrivain et essayiste français. Il adhère au mouvement surréaliste et invente le concept du « théâtre de la cruauté ».

ATTIA Kader : Né en 1970 à Paris, Kader Attia passe son enfance entre la banlieue parisienne et le quartier de Bab el Oued en Algérie. Son œuvre est fortement marquée par la culture chrétienne et les cultures d’islam. Son travail aborde les relations entre les pensées occidentales et orientales en particulier à travers l’architecture, le corps humain, l’histoire, la nature et les religions.

BACON Francis : Bacon est un peintre anglais né en 1909 à Dublin et mort en 1992 à Madrid. L’influence du Bauhaus et du surréalisme apparait comme une composante essentielle de son œuvre picturale. L’homme et la figure sont les éléments centraux de sa peinture. Ses personnages se trouvent souvent au centre d’une société clause et citadine.

BARCELO Miquel : Miquel Barcelo est né à Felanitx en 1957 (île de Majorque). Voyageur, polyglotte, farceur et influencé par l’Arabie, Miquel Barcelo est obsédé par le corps et ses meurtrissures. Dans tout son travail, l’artiste joue avec les formes de la mort.

BATAILLE Georges : Georges Bataille est un écrivain français, d’abord connu par ses contributions dans la revue Documents, dans la critique sociale, et dans la revue qu’il fonde, Acéphale. Il anime également le Collège de sociologie avec Michel Leiris.

BOIFFARD Jacques-André : Plus connu comme l’assistant de Man Ray auprès duquel il apprend le métier, Boiffard n’est pas un photographe célèbre. Toutefois il est celui qui a illustré « Nadja » d’André Breton ainsi que des textes de Georges Bataille. Il a d’ailleurs été beaucoup plus proche des membres du groupe surréaliste et plus impliqué dans leurs activités que les photographes surréalistes les plus connus comme Brassaï, Bellmer, Ubac, Cartier-Bresson ou Man Ray lui-même.

DUCHAMP Marcel : Marcel Duchamp est un artiste du XXème siècle qui a réussi à accomplir une œuvre originale en échappant à tout système. Il invente le ready-made « objet usuel promu à la dignité d'objet d'art par le simple choix de l'artiste ». Il demeure un artiste indépendant même s’il reste une figure phare du mouvement Dada et qu’il a collaboré au surréalisme.

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ERNST Max : Max Ernst est un peintre allemand du XXème siècle. Il contribua à la création des mouvements Dada et surréalistes.

GIACOMETTI Alberto : Giacometti est un sculpteur suisse. Célèbre dans les années trente, fêté par les surréalistes, présent au sommaire de toutes les revues d’avant-garde, il semble s’effacer de la scène artistique à partir de la seconde guerre mondiale car il apparaît à contre courant des grands mouvements de l’esthétique du temps. C’est seulement vers 1960 qu’il revient sur le devant de la scène (rétrospectives et hommages se succèdent).

GRIS Juan : Gris est un peintre espagnol de l’école de Paris, aujourd’hui considéré comme l’un des maîtres du cubisme. Il joua un rôle prépondérant dans l’élaboration et le développement de la seconde phase de la peinture cubiste, dite du cubisme synthétique.

HENROT Camille : Née en 1978, Camille Henrot est une artiste qui explore à la fois le passé (ses mythes, ses résonnances et ses échos, qu’ils soient fondés ou non sur le réel) et confronte les modèles culturels. Elle considère le monde comme un lieu de confrontations et d’échanges. JACOB Max : Max Jacob est un poète, romancier et peintre français. Ami de Picasso, Braque, Matisse, Apollinaire et Modigliani, il est déporté au Camp de Drancy où il meurt d’épuisement malgré les interventions de Jean Cocteau et Sacha Guitry pour le faire libérer. KAHNWEILER Daniel-Henri : Daniel-Henri Kahnweiler est un écrivain, collectionneur et marchand d’art. Il est également le premier soutien au mouvement cubiste.

LAM Wifredo : Peintre cubain né en 1902 et mort en 1982, Wifredo Lam est l’initiateur d’une peinture métissée alliant modernisme occidental et symboles africains ou caribéens. Il a côtoyé beaucoup de mouvements d’avant-garde de son époque, notamment le cubisme, le surréalisme et CoBrA.

LASCAUX Élie : Élie Lascaux est fait prisonnier pendant la Première Guerre Mondiale. Pour se distraire il réalise des dessins. A la fin de la guerre, l’artiste s’installe à Montmartre et rencontre Georges Limbour et Suzanne Valadon qui l’encourage à peindre et le présente à Max Jacob. Il fréquentera ensuite André Malraux, Juan Gris mais aussi Raymond Queneau. LOTAR Eli : Eli Lotar, photographe d’origine roumaine, collabora avec le cinéaste Jean Painlevé et fut l’apprenti puis l’assistant de Germaine Krull. Proche du mouvement Dada et des surréalistes, il introduit cependant une approche moderniste dans sa photographie et publie dans les principales revues illustrées de l’époque. Il a par ailleurs, participé aux tournages des films « Les deux timides » (1929) de René Clair et « Une partie de campagne » de Jean Renoir (1936). MAN RAY : Man Ray, dit Emmanuel Radinsky de son vrai nom, fréquente très vite les milieux avant-gardistes et rencontre Marcel Duchamp, avec lequel il se lie d’amitié. Ses premières œuvres oscillent entre peinture et photographie. Dès 1921, l’artiste participe au mouvement Dada et présente ses premiers « ready-

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made ». En 1922 il explore sa technique du rayographe (silhouettes abstraites d’objet), puis intègre le mouvement surréaliste où il réalise des courts-métrages, des collages, des assemblages et des photographies. MAUSS Marcel : Marcel Mauss est un sociologue et anthropologue français considéré comme le « père de l’ethnologie française ». Il fût notamment l’élève d’Emile Durkheim. MASSON André : Masson est un peintre français qui participa au mouvement surréaliste au début des années 1920. Célèbre pour ses dessins automatiques et ses tableaux de sable, il est l’auteur d’une œuvre protéiforme. Il influença également l’expressionnisme abstrait. MIRACLE Marcel : Géologue de formation, Marcel Miracle est un écrivain, artiste et illustrateur franco-suisse. Son œuvre se développe autour de l’univers du rêve. Depuis plus de vingt ans, il réalise des milliers de petits dessins à l’encre et crayons de couleur. MIRÓ Joan : Miró est un artiste peintre, sculpteur, créateur de collages et de céramiques catalan. Il a joué un rôle majeur dans l’art du XXème siècle, notamment en participant, pendant l’entre-deux-guerres au surréalisme aux côtés de Salvador Dali, Max Ernst, René Magritte, André Masson, etc. PAINLEVÉ Jean : Jean Painlevé est considéré comme le père fondateur du cinéma scientifique. Ses œuvres, qui représentent plus de deux cents films, proposent une synthèse entre la science et le septième art. Le cinéaste apporte une dimension poétique et artistique à un genre habituellement mis de côté. C’est en 1933 qu’il remporte son plus grand succès public avec L’Hippocampe, un film sur ce cheval aquatique dont le mâle accouche dans la douleur. Au moment de la guerre, Jean Painlevé suspend son activité artistique et s’engage dans la résistance.  PICASSO Pablo: Artiste peintre et sculpteur né à Malaga en Espagne en 1881, il a vécu en France jusqu’à sa mort le 8 avril 1973. Il est considéré comme l’un des peintres les plus importants du XXème siècle, et, selon les historiens de l’art, son œuvre aurait changé le cours de l’art moderne. RIVIÈRE Georges-Henri : Georges-Henri Rivière est un muséologue français qui est à l’origine de l’exposition sur l’Art précolombien au Musée des Arts décoratifs en 1928. Il est aussi le fondateur du Musée National des Arts et Traditions Populaires à Paris. ROUX Gaston-Louis : Gaston-Louis Roux fût l’élève de Maurice Denis et de Paul Sérusier. L’artiste débute sa carrière sur le mode décoratif en travaillant dans l’atelier de Raoul Dufy puis il est chargé par André Malraux, d’illustrer une série d’œuvres littéraires. En 1932, Gaston- Louis Roux fut recruté par Michel Leiris pour participer à la mission Dakar-Djibouti ; s'il conçut la couverture du numéro 2 de la revue Minotaure, consacrée à cette expédition, il réalisa surtout un travail exemplaire de copies des fresques de l'église d'Antonios, en Éthiopie, en remplacement des originaux endommagés par le temps.  

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SARTRE Jean-Paul: Jean-Paul Sartre est un écrivain et philosophe français. Fondateur de la revue Les temps modernes, il est autant connu pour son œuvre philosophique et littéraire que pour ses engagements politiques.

 

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6. POUR ALLER PLUS LOIN : BIBLIOGRAPHIE2 Ethnologie et voyages

1934. L’Afrique fantôme. 1948. La Langue secrète des Dogons de Sanga... 1951. Race et civilisation. 1955. Contacts de civilisations en Martinique et en Guadeloupe. 1958. La Possession et ses aspects théâtraux chez les Éthiopiens de Gondar. 1967. Titres et travaux. 1969. Cinq études d’ethnologie. 1981. Sacrifice d’un taureau chez le houngan Jo Pierre-Gilles. 1990. Graffiti abyssins. 1992. C’est-à-dire. 1994. Journal de Chine. 1995. Miroir de l’Afrique. 2000. Objets rituels dogon.

Esthétique

1938. Miroir de la tauromachie. 1947. André Masson et son univers. 1947. The Prints of Joan Miró. 1957. balzacs en bas de casse et picassos sans majuscules. 1967. Afrique noire : la création plastique. 1970. Wifredo Lam. 1971. André Masson : « Massacres » et autres dessins. 1974. Francis Bacon ou la vérité criante. 1978. Alberto Giacometti. 1980. Au verso des images. 1983. Francis Bacon, face et profil. 1989. Bacon le hors-la-loi. 1991. Pierres pour un Alberto Giacometti. 1992. Un Génie sans piédestal et autres écrits sur Picasso. 1992. Operratiques. 1996. Francis Bacon ou la brutalité du fait.

Écrits autobiographiques

1939. L’Âge d’homme. 1945. Nuits sans nuit. 1948. La Règle du jeu. I. Biffures. 1955. La Règle du jeu. II. Fourbis. 1966. La Règle du jeu. III. Fibrilles. 1976. La Règle du jeu. IV. Frêle bruit. 1981. Le Ruban au cou d’Olympia. 1988. À cor et à cri. 1989. Images de marque.

                                                                                                               2 Bibliographie extraite du site internet : http://www.michel-leiris.fr

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1992. Journal 1922-1989. 1994. L’Homme sans honneur.

Poésie

1925. Simulacre. 1927. Le Point cardinal. 1936. La Néréide de la Mer Rouge. 1937. Tauromachies. 1939. Glossaire j’y serre mes gloses. 1943. Haut mal. 1946. Aurora. 1951. Toro. 1956. Bagatelles végétales. 1961. Marrons sculptés pour Miró. 1961. Vivantes cendres, innommées. 1964. Grande fuite de neige. 1968. Abanico para los toros. 1969. Fissures. 1969. Mots sans mémoire. 1985. Langage tangage ou ce que les mots me disent. 1987. Ondes. 1992. L’Évasion souterraine. 2000. Le Merveilleux.

Textes non strictement littéraires

1966. Brisées. 1987. Roussel l’ingénu. 1988. À propos de Georges Bataille. 1992. Zébrage. 1998. Roussel et Co. 2004. Échanges et correspondances [avec Georges Bataille].

Tauromachie

1938. Miroir de la tauromachie. 1951. Toro. 1964. Grande fuite de neige. 1968. Abanico para los toros. 1991. La Course de taureaux. 1993. Lettre de Michel Leiris à Maurice Heine (1938).

Entretien et correspondance

1990. Entre augures [avec Jean Schuster]. 1993. Lettre de Michel Leiris à Maurice Heine (1938). 2000. Correspondance [avec Jean Paulhan], 1926-1962. 2002. Correspondance [avec André Castel], 1938-1958. 2004. Échanges et correspondances [avec Georges Bataille]

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Catalogues d'expositions Le dernier Picasso, 1953-1973, Centre Pompidou, 1988 (texte de Michel Leiris) Donation Louise et Michel Leiris, Centre Pompidou, 1984 André Masson, Grand Palais, 1977 (préface de Michel Leiris) Francis Bacon aujourd'hui, Paris, Grand Palais, 1971 (texte de Michel Leiris)    Impression d’Afrique de Raymond Roussel Consulter l’ouvrage sur le site de la BNF

Revue Documents

Consulter la revue sur le site de la BNF

 

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7. TEXTES DE REFERENCE3 Michel Leiris, L'Âge d'homme (1939), Gallimard-Folio, 2010, pp.59-60.

Vers la fin de 1927 ou le début de 1928, au retour de ce voyage en Grèce [voyage effectué en rentrant d'Égypte], je fis le rêve suivant : Je suis couché avec *** nue, étendue sur le ventre. J'admire son dos, ses fesses et ses jambes, tous merveilleusement polis et blancs. En embrassant la raie médiane je dis : « la guerre de Troie ». À mon réveil je pense au mot DÉTROIT, qui sans nul doute explique tout (détroit = ravin des fesses). Cette phrase « la guerre de Troie » sent à plein nez l'archéologie et le musée. Et, de fait, le musée est un ressort presque aussi puissant que l'antiquité pour ma délectation. Dans un musée de sculpture ou de peinture, il me semble toujours que certains recoins perdus doivent être le théâtre de lubricités cachées. Il serait bien aussi de surprendre une belle étrangère à face-à-main, qu'on aperçoit de dos contemplant quelque chef-d’œuvre, et de la posséder ; elle resterait, apparemment, aussi impassible qu'une dévote à l'église ou que la goule professionnelle qui, après avoir consciencieusement fait le travail pour lequel vous l'avez payée, se penche sur la blancheur de la toilette afin de libérer sa bouche souillée, puis se brosse vigoureusement les dents et crache encore, avec un bruit mou qui tout ensemble vous fait défaillir et vous fait froid au cœur.

Rien ne me parait ressembler autant à un bordel qu'un musée. On y trouve le même côté louche et le même côté pétrifié. Dans l'un, les Vénus, les Judith, les Suzanne, les Junon, les Lucrèce, les Salomé et autres héroïnes, en belles images figées ; dans l'autre, des femmes vivantes, vêtues de leurs parures traditionnelles, avec leurs gestes, leurs locutions, leurs usages tout à fait stéréotypés.

Écrits sur l'art, édition établie par Pierre Vilar, Paris CNRS éditions, 2011, p.118.

Entre l'horreur et l'extase, entre le déchirement et la fusion, entre l'imaginaire et le senti et d'autres pôles encore dans l'intervalle desquels notre réalité s'inscrit, André Masson − tel que le spectateur le suit à travers le tracé de son œuvre − n'a pas cessé d'osciller. Mais à le voir de haut, résumé dans l'éclair d'un unique coup d'œil, il semblerait plutôt qu'André Masson, loin d'imiter dans sa course les zigzags de quelqu’un qui ne sait à quel saint se vouer, se voit maintenu toujours dans la ligne que lui imposait sa claire conscience de l'ambiguïté inhérente à la condition de l'homme.

On est seul et on coexiste, on embrasse l'univers dont on n'est que parcelle, on vit et l'on meurt simultanément, on est savant et ignorant, on aime qui l'on sait fort bien n'être qu'une autre inanité. Quel art digne de ce nom ne reflète à quelque degré l'une ou l'autre de ces vérités qui, elles aussi, en dernière analyse, ne se distinguent pas de l'illusion et sont pour nous motifs d'angoisse autant que d'exaltation?

Dans la campane d'Aix-en-Provence (que Paul Cézanne a magnifiée) et dans tels sites de l'Italie, tout porte à croire qu'André Masson a trouvé le point d'appui dont il avait besoin : rien de plus ambigu que cette lumière à la fois tendre et implacable, qu'on tiendrait volontiers pour responsable aussi bien de l'essor que de la chute des oiseaux, aussi bien de l'éclosion des fleurs ou du jaillissement des sources que de l'obscur et insaisissable travail qui aboutit à l'éclatement du roc, à l'étirage d'une mousseline de brouillard ou à la levée d'un grand vent. Aux incessantes questions que lui pose cette lumière méridionale qui parait tout créer et tout détruire en même temps que tout exhiber et tout cacher, André Masson répond en inventant des signes qui, tantôt formulent à nouveau la question en toute humilité (se contentant de la baigner dans un halo indicatif de multiples implications), et tantôt substituent péremptoirement à la confusion des idéogrammes premiers la souveraine élégance de ses propres idéogrammes.

                                                                                                               3 Textes extraits du dossier pédagogique « Michel Leiris, l’homme intégral », du Centre Pompidou Paris, Juillet 2013.