les droites en grèce premier x.xe siècle

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Études Heéniques / Heenic Studies Les droites en Grèce au premier x e siècle Despina Papadimitriou* ABSTRACT The l 940s wirnessed the emergence of the Greck Righr and its inscitutional rcpresentacions. This article analeS borh rhrough the press, che forum whcre sensibiliccs werc formed and ideologics were scrucmred. le srarcs by rracing che appearance in chc 1930s of Righrisc sensibiliries which morally undermined che cradicional cleavagc of che national schism and foreshadowed the 1.efc-Righc ideological division. The rhcroric of che exrreme Right is analy7ed at four poinrs in irs evolurion: rhe counter-revolucionary movemenr of 1 9 1 5- 19 16: the impact of rhc cxtrcmc Right-wing idcas on rhe sociery of rhe rhirries; rhc Meraxas dicrarorship and the populisr cxrreme Righr of che Civil War. RÉSUMÉ C'csr à rravcrs la presse -où se manifestèrent les sensibilités cc se srruccurèrenr les idéologies- qu'on écudic l'émergence des droires en Grèce ec leur représentation dans la sphère insrirutionncllc de la Grèce des années quarante. On y analyse l'apparirion des sen- sibilités de droite des années trente qui minaient moralement la rupture cradirionnelle du schisme national en préfigurant la partition idéologique droite-gauche; ensui ce, l'évolution du discours de l'extrême droite: le mouvement contre-révolutionnaire des années 1 9 1 5- 1 6, l'imprégnation de l 'ultra-droite des années trente, la dictature méraxisre ec l'excrême droite populiste de la guerre civile. Les droites en Grèce n'existent pas avant la fin des an nées trente à l'exceprion du mouvement contre-révoluti onnaire de la période qui va de 19 15 à 1917, en réaction à la polit ique de modernisation de Elefthérios Véni7élos, au sein du courant populiste de l'antivénizélisme ultra 1• La division de l'espace polit ique de la période qu'on pourrait appeler les années du premier schisme national. véhicule une vision duale des débats nationaux et politiques qui ne peur assuré- ment pas être traduite en des termes d'une partition idéologique droit e-gauche. Les deux grandes rmarions pol itiques opposées, les vénizélistes (l ibéraux) et les amivénizélistes. ralliés aurour du roi pro-allemand Constantin I er, regroupent diverses t endances politiques, liées par la fascination du leader charismatique (Vénizélos pour les uns, le roi Constantin pour les autres) et par la volonté de mettre en vigueur ses prônes en utilisant même la polit ique de force. 'Université d'Athènes 63

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Page 1: Les droites en Grèce premier x.xe siècle

Études Helléniques / Hellenic Studies

Les droites en Grèce

a u premier x.xe siècle

Despina Papadimitriou*

ABSTRACT

The l 940s wirnessed the emergence of the Greck Righr and its inscitutional rcpresentacions. This article anal)'7.eS borh rhrough the press, che forum whcre sensibiliccs werc formed and ideologics were scrucmred. le srarcs by rracing che appearance in chc 1930s of Righrisc sensibiliries which morally undermined che cradicional cleavagc of che national schism and foreshadowed the 1.efc-Righc ideological division. The rhcroric of che exrreme Right is analy7.ed at four poinrs in irs evolurion: rhe counter-revolucionary movemenr of 1 9 1 5-1916: the impact of rhc cxtrcmc Right-wing idcas on rhe sociery of rhe rhirries; rhc Meraxas dicrarorship and the populisr cxrreme Righr of che Civil War.

RÉSUMÉ

C'csr à rravcrs la presse -où se manifestèrent les sensibilités cc se srruccurèrenr les idéologies- qu'on écudic l'émergence des droires en Grèce ec leur représentation dans la sphère insrirutionncllc de la Grèce des années quarante. On y analyse l'apparirion des sen­sibilités de droite des années trente qui minaient moralement la rupture cradirionnelle du schisme national en préfigurant la partition idéologique droite-gauche; ensui ce, l'évolution du discours de l'extrême droite: le mouvement contre-révolutionnaire des années 1 9 1 5-1 6, l'imprégnation de l'ultra-droite des années trente, la dictature méraxisre ec l'excrême droite populiste de la guerre civile.

Les droites en Grèce n'existent pas avant la fin des années trente à l'exceprion du mouvement contre-révolutionnaire de la période qui va de 1 9 1 5 à 1 9 1 7, né en réaction à la politique de modernisation de Elefthérios Véni7.élos, au sein du courant populiste de l'antivénizélisme ultra 1• La division de l'espace politique de la période qu'on pourrait appeler les années du premier schisme national. véhicule une vision duale des débats nationaux et politiques qui ne peur assuré­ment pas être traduite en des termes d'une partition idéologique droite-gauche. Les deux grandes formarions politiques opposées, les vénizélistes (l ibéraux) et les amivénizélistes. ralliés aurour du roi pro-allemand Constantin I er, regroupent diverses tendances politiques, liées par la fascination du leader charismatique (Vénizélos pour les uns, le roi Constantin pour les autres) et par la volonté de mettre en vigueur ses prônes en utilisant même la politique de force.

'Université d'Athènes

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Par ailleurs, il n ex1sre pas en Grèce un legs révolutionnaire -rel qu'en France- par rapport auquel s'affirment les idéologies, les cultures et les sensibilités des droites cc des gauches. C'esr pourtant dans le seul cadre de l'évène­ment -la Première Guerre mondiale2- que se structurent les deux familles de représentations politiques opposées: l'une visant à lier "le destin national" de la Grèce à celui des pays occidentaux. d'après le sentiment largement majoritaire dans le pays à la veille de la Grande guerre, et l'autre dénonçant "la conspiration du vénizélisme et des étrangers" (les Anglais er les Français) contre le roi er le pays3; de surcroît, le parti libéral avait une forte orientation vers la démocratie libérale, mais pas forcément vers la République en ce qui concerne la période du premier schisme, tandis que l'antivénizelisme de l'époque était, dans une large mesure, un mouvement réactionnaire. Les forces polit iques conservatrices, agitées par les tendances modernisatrices du gouvernement de Vénizélos ainsi que par l'adhésion des socialistes d'Athènes au véni1.élisme, se rassemblèrent autour du charisme royal, contre Vénizélos, sans parler du conservatisme en tant qu' exclusivité d'une seule formation politiquc4. D'autant plus que le gouvernement de Vénizélos de 1 928-1932 favorisa l'établissemenr d'une démocratie bourgeoise fort orientée vers la supression de l'agitation communiste.

I l faut donc nous garder des généralisations qui présenrcnt le risque d'atténuer la parcicularicé du schisme national de 1 9 1 5-1 936 qui, étudié dans la dimension de l'imaginaire politique, semble perdre sa dynamique idéologique. L'existence de deux systèmes de valeurs politiques ne peut donc suffire à rendre compte de la dimension du véni1.élismc cr de l'anrivénizélisme, comme activité symbolique er menralirés collectives, très diverses dans ses expressions. En outre, cc parcage idéologique ne doit pas dissimuler la spécificité de cette crise qui s'enracinait au plus profond des clivages de la société grecque comme celui entre la "vieille Grèce" er les "territoi res nouveaux" cr l'antithèse entre les autochtones er les réfugiés, dont les origines remonrent à l'expansion territoriale rapide qui résulte des succès de la Grèce dans les guerres balkaniques ( 1 9 1 2- 1 9 1 3)5.

En réalité. c'était le schisme national qui fur à l'origine d'une formation politique solide autour du trône: en encourageant le roi à exercer une politique personnelle cr en l'appelant à sauver le pays, gravement menacé à leurs yeux, les anrivénizélisccs légitimaient la suprématie du pouvoir royal, expression de la "volonré générale", sur rouce autre insrirurion; le royalisme -assuranr leur accession au pouvoir- esr devenu le symbole de la lurre partisane.

La révolution qui suivir la débâcle d'Asie Mineure abourir à deux développements majeurs pour le camp vénizéliste: d'un côré le processus vers l'aurnnomie, par degrés successifs, de la part des militaires vis-à-vis des dirigcanrs des parcis politiques, et de l'autre, la division inrerne à la formation, au sujet du régime6. Alcxandros Papanascassiou, partenaire de Vénizélos durant la période

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1 9 1 6- 1 920, fondareur de "l'Union démocrarique"7 ( 1 923) er chef de la lurrc contre la monarchie, a reçu le saurien des miliraires "républicains" er d'une perire facrion du parti libéralB. Tourefois, la défense de la République a\·air un aspccr moral: clic s'inscrivair dans un narionalisme né de "l'injustice" faire à la cause nationale par la monarchie; un narionalisme rourné vers l'inrérieur, vers la monarchie, un narionalisme "républicain" qui n'érair pas dans le droir fil de celui des années de la Grande guerre. La division des vénizélisrcs en républicains cr libéraux consrirurionncls n'empêcha pas l'insraurarion de la République ( J 924-1 935) reconnue par les vénizélistes, par le Parri de l'opinion libre de loannis Méraxas er beaucoup plus rard, en 1932, par le Parti populaire, le grand parti de l'anrivénizélismc. Le fair que les partis politiques aient reconnu la République n'a entraîné ni l'adhésion au pacre républicain, ni l'entrée de la démocratie dans les mœurs politiques. L'intervention de l'armée dans la politique, les putschs vénizélisres de 1 933 et 1 935, les luttes inresrincs, conduisirent au rérablissemenc de la monarchie cr au glissement vers la dicrarurc du 4 août 1 936'>.

I l serait aussi erroné d'accepter que l'opposirion idéologique enrre libéralisme er conservarisme recouvre celle de la gauche er de la droirclO_ Possédant un con­tenu dual, le libéralisme poliriquc a servi d'aliment à la droire libérale cr en même temps a nourri, à un certain degré, le socialisme démocrariquel l . En ourrc, le républicanisme rour en consriruanc une force de mouvcmenr cr de progrès selon la conception moderne, en comparaison avec l'ordre établi représenté par la monarchie, doir êrre érudié dans les condirions parriculières de la Grèce de l'encre-deux-guerres. En fin de comprc le libéralisme cr le conservatisme se combarraienc, mais aussi cocxisraicnc dans certains cas, indépendamment du conflir vénizélismc-amivénizélisme.

Les sensibilités de droite et l'esprit des années trente

L'émergence des droires en Grèce au milieu des années rrence, loin de pouvoir êrre érudiéc dans la sphère insrirucionnelle, peur êrre analysée dans la perspccrive des sensibilirés qui se manifescenc aurour de deux rhémariques:

1 . La monarchie et la république,

2. La division et l'uniré narionale.

Les sensibilirés de droite se structurent à rravers la remise en cause du sysrème des valeurs cr des rcprésenrarions politiques issues du schisme national. Ces sensibilités onr éré fabriquées à la faveur des crises des années trente à partir des éléments empruncés aux horizons idéologiques conremporains, ces visions du monde plus ou moins argumentées12 , formées dans la pressc13, hors du discours

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officiel des parris14. Ces horizons éraient nés d'une double appréhension: celle de la division du monde bourgeois -dans sa concomitance à la peur que l'avenir reste inscrit au legs du passé, aux réflexes de guerre civile engendrés par le conflit global rel que fur le schisme national- et celle de la subversion sociale' 5. C'est à travers le rapporr intense entre !"'expérience" cr l"'anente" l 6 que se développa la dynamique de ce courant, pénétré de l'idée que "les fondements de la morale" se trouvaient ébranlés à la suite d'une crise majeure de vingt ans qui avait fracturé "l'unité nationalc" 17, perçue plutôt comme unité du monde bourgeois. Notons qu'on rcpèn.: pour la première fois le mor ethniko.frones qui désignait à l'époque rous ceux qui éraient fidèles à la "Io} auré nationale'', non seulement les antivéni1.élisrcs se disant souvent loyalistes (nomimo.frones)lB, mais surtout tous ceux qui apparrenaient à l'ordre bourgeois. Ce mot dessinait la ligne de partage qui donna ses proprcs poinrs de repère à l'époque de la guerre civile des années quarante.

L'apparition des sensibilités de droite fut liée à la conception "de l'état déplorable de la Grèce.: aux niveaux politique, économique, social cr surtout moral"l9, ainsi qu'à l'arrente du rétablissement "de la paix moralc"20 cr "de l'unité psychique" 2 1 • À cet égard, pour Estia, la solution était dans "la construction de la cohésion sociale, la réorganisation de la cité, l'assainisscmcnr de l'administration, le redressement du parlementarisme, la réforme de la politique gouvernementale, l'abolissement des partis personnels er la création des partis de principes"22. Le fait que ces journaux-là se montraient enclins à la séparation des partis bourgeois de ceux de la gauche cr des éléments "sub,·ersifs" minait moralement la rupture.: traditionnelle qui paraissait approfond ie après le putsch vénizélisre de mars 1 935 cr les purges opérées par l'Ërar anrivénizéliste. Contrairement à l'attitude.: de la droite durant le temps qui précéda le plébiscite de 1 946 sur le retour du roi Georges 1123 -quand l'appel à sa force d'unir la nation cr de combattre le communisme a légitimé l'cxclusion de la communauté nationale des adversaires de la monarchie, qualifiés de communisres24_ la droite émergeantc des années trente manifesta sa volonté d'éviter les affrontements bru­taux au sujet du plébiscite de novembre 1 935 . On lisait ainsi dans I Proia du 2 ocrnbrc 1 935: "l'opposition idéologique d'un parti bourgeois démocratique aux adeptes de la monarchie consrirurionncllc csr négligcablc en comparaison avcc son opposition fondamentale au communisme, qui envisage la subversion révolurionnairc du régime bourgeois, royaliste ou pas''.

En insistant sur cc qui unissait les deux formations politiques plutôt que sur ce qui les divisait, le journal soulignait qu'il n'y avait pas "d'opposition sociale fondamcncalc" encre les deux régimes bourgeois. C'est surtout par souci de la

conciliarion25 cr "du combat contre le schisme narional"26 que s'était fair l'engagement de ces journaux en faveur de la monarchie.

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Cappel pourrant à l'uniré narionale cr à l'oubli du passé avair une porréc qui dépassair le rerriroire couvcrr par ces journaux là27. Tourefois, certc demande ne s'exprima pas dans le journal anticommuniste du Parri populaire Vradyni, qui à la veille des élecrions législarivcs de janvier 1936 propagea un discours d'une intransigeance significarive28. La lune la plus fervente contre la conciliation narionale érair pourtant menée par les journaux de l'antivénizélisme ultra qui était d'un tempérament exrrémisre l ié au mouvement cancre-révolutionnaire de 1 9 1 5. C'érair le populiste Esperini (Le Soir) , animé par une nosralgic du passé, -pas du même goût que celle des droites en France- qui appelait le peuple à "se contre-révolter" afin qu'il "se purifie du miasme vénizélistc"29; dans 0 Tjpos (La Presse) on trouve le même appel à la "contre-attaque" er au meurtre contre les vénizélistes30. Le propriétaire de l'Esperini A. Giannaros Fur d'ailleurs le fonda­teur d'un groupuscule marginal, I' Organosis Ethnikiston Ellinon (Organisarion des Grecs narionalisres) qui compra, selon le journal lméra, 14 000 adhérents -des anciens combacranrs cr des miliraires de réserve- er se prércndir narional­socialiste et aspirant au "redressement social" cr "au bannissement de l'oligarchie vénizéliste, de la pourriture sociale er du chaos moral"31 . Bien que pour ces journaux royalisrcs le vénizélisme cr le communisme éraient indissociables, la lucre prioriraire étaie à mener conrre le vénizélisme.

Le royalisme se présence comme l'idéologie du rassemblement national: pour l' Ephimeris ton Ellinon UournaL des Grecs), organe de presse de loannis Métaxas, paru en mai 1 935 pour conduire er sourcnir la lucre royalisre, l'enjeu du plébiscite fur "de choisir entre la reconsrirurion sur des bases conservatrices de l'.Ërar, voire une direction vers la droire, garantie par le trône, et le tournant vers la gauche, la décomposition et l'anarchie"32; pour Vradyni, tous les Grecs, au-delà de leur adhésion parrisanc, cous ceux qui croyaient à la religion et à la patrie, devaient voter pour la resrauration"33. À la suire de l'associarion entre les vores pour la République cr le renforcement du communisme, les tenants de la République se coupaient progrcssivemenr du corps organique de la Grèce.

Certc filiation n'éraie pas pourtant nouvelle: l'argument selon lequel la République constituait "l'antichambre du communisme" apparaissair dès 1923

dans quelques organes de l'antivénizélisme intransigeant, er l'anticommunisme se prononçait en faveur du royalisme. Comme dans la première phase du développement de l'anticommunisme français, quand l'antibolchévisme exprima la désapprobation vis-à vis de tour ce qui arriva en Union soviétique ainsi que le rejet du fair révolutionnaire en généra!34, le communisme de la Grèce des années vingr fur perçu comme l'idéologie du "vice" er des "révoltes"35. C'est pourtant dans les années quarante que devair dominer le thème de la conspiration malé­fique du communisme contre le monde civilisé, mais aussi -sur le plan intérieur- contre l'hellénisme et l ' intégrité nationale. Lanticommunismc deviendra une sorre de Weltanschauung dans lequel se rejoindraient la droite classique er l'exuême droite.

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Lultra-droice des années trente

A la différence de l'association surtout antivénizéliste de A. Giannaros et celle fondée par le propriétaire du journal Estia, nommé "Organisation de l'État national souverain", les vraies organisations de l'extrême droite des années trente furent I' Ethniki Enosis El!ados (Union nationale de Grèce), nationaliste et antisémitc36, basée à Salonique qui pendant l'occupation a été nommée "Parei national-socialiste"37, l'antisémite Parei national-socialiste de Macédoine, la Sidera lrini (La Paix de fer), national-socialiste cr anticapiralisrc, l'organisation qui a fondé en 1 934 le bimensuel Ethnikososialistis (National-socialiste) et le petit Parti national-socialiste de G. Merkouris qui exaltait dans l 'Ethniki Simaia (Drapeau National) l'Ém national-socialiste et s'en prenait au capitalisme, au parlementarisme er à "la démocratie dire populaire". Les lecteurs de ce quotidien, paru de juillet 1 93 3 jusqu'à mai 1 935, y trouvaient des rhèmes sur "la nouvelle éthique politique" du national-socialisme, sur l'État corporatiste et l 'assemblée des professions, sur la "pénétration communiste" et la "force morale" de la rcligion38. Néanmoins, l'érude de l'extrême droite en Grèce en ce deuxième temps de son évolution ne peut être réduite à ces organisations et groupuscules de moindre portée. C'est ainsi que la banalisation de l'éventualité d'un coup de force et de l'instauration d'un pouvoir fort ainsi que l'exaltation des régimes musclés -dues à l'adhésion d'une large fraction de la presse er de la classe politique, à des idées antiparlementaires, autoritaires et réactionnaires- ont assuré la force d'imprégnation de l'ultra-droite. Les journaux firent souvent l'éloge des régimes fascistes, crédités d'une vigueur et d'une détermination énormes39: "les nations vives", pour reprendre lexpression de I 'Estia 40, qui, sans proposer la substitution d'une dictature totalitaire à la République ou l'abolition du parlement, préconisait "le renouvellement de la pensée politique qui forme le système gouvernemental" et "une dictature provisoire qui pourrait assurer un régime nouveau"4 l; "les nations qui ont aboli les libertés individuelles au profo de la nation", selon Esperini qui croyait forcement que ce modèle ne pouvait pas trouver d'adeptes "parmi les générations en déclin qui penchent vers le romantisme et l'indifférence envers le collectif"42. Si l'attraction exercée par le fascisme sur la presse de l'extrême droite er sur les organisarions qui se réclamèrent de l'idéologie fasciste, fur orientée -du moins partiellement- vers le caractère nouveau des régimes fascistes, il n'en esr pas de même des formations politiques classiques qui se montrèrent plutôt arr irées par leurs tendances conser­vatrices. Pour Kathimerini le mouvement d'Hirler fur ancré dans l'esprit classique

et dans les idées de l'idéalisme allemand du xrxe siècle, cr représenta le retour aux "traditions nationales" et la lucre contre le communisme43. La défense de l'ordre bourgeois fur considérée comme l'essence du projet politique du fascisme, par le journal de droite aspirant le plus forcement à la dictature et proclamant une

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"voie nouvelle", une politique alternative, dire "le troisième érar"44; on n'y voir pourtant ni conception antibourgeoise ni élemcnt plébéien comme dans le fascisme.

Pour le journal Ephimeris ton Ellinon, c'était l'attirance pour l'Action française qui primait: Léon Daudet er Charles Maurras "inspirent à ses adeptes de la bravoure er du dévouement qui surpassem les limites du sacrifice. Les royalistes français n'hésitent pas -consrare-r-il en se référant notamment aux manifestations provoquées par l'Action française le 6 février 1 934- à descendre dans les rues er à s'engager dans de réelles batailles contre leurs opposants démoc­ratiques er contre l'État même". Les Croix-de-Feu furent aussi considérées comme l'avant-garde du "mouvement vers le redressement moral du pays"; l '"agressiviré" et la "discipline" qui caractérisaient tour à la fois les membres de cette organisation er la rendaient capable de "barrer la route à tour projet subversif", éraient à la base d'une relie fascination.

Compte tenu de l'inefficacité supposée du système parlementaire à répondre aux besoins du pays -"un système d'avant-guerre qui a perdu son innuencc sur l'opinion publique"45_ la dictature fur considérée comme la seule solution; c'é­tait seulement le contenu de la dictature préfigurée qui différait scion le profil de chaque journal: "dictature capiraliste"46, "dictature populaire des classes ouvrières"47, "dictature laocratique (du peuple)"48. Dans ces journaux on ne trouve ni l'élaboration d'une idéologie structurée ni même une précision sur la dictature à laquelle ils aspiraient; le dénominateur commun de cerre nébuleuse dictature reste pourtant le dénigrement du parlementarisme rel qu'il fur en Grèce.

Cela ne suffit pas à parler d'"imprégnarion fasciste", selon l'expression de Raoul Girarder, ni de remise en question des valeurs de la civilisation occiden­tale, mais plutôt de la prise de conscience d'une décadence nationale. On n'y trouve pas la condamnation du capitalisme, du libéralisme ni du matérialisme, ni le refus du monde bourgeois, hors assurément du territoire couvert par les organes de l'extrême droite. Il faut donc distinguer enue le projet politique de celle-ci et les finalités idéologiques d'un conservatisme plutôt uadirionnel.

L'ultraconservarcur Estia du 4 avril 1 934, dénonce la lune des classes parce qu'elle divise "les forces nationales", conduit à l'engrenage fratricide er esr par principe "une doctrine immorale"49; ainsi "les doctrines de la route-puissance de la matière" sont vues comme "dépassées à travers les corrolaires de la science moderne". Il s'agir d'un antimarérialisrne fondé sur la primauté du spirituel et l'opposition à une culrure politique hostile aux valeurs spirituelles. Ces thèmes seront plus répandus durant la guerre civile quand la rivalité entre le spirituel et le marérieJSO sera devenu le fondement du cadre conceptuel occidental, dominant à l'époque de la guerre froide. La conception selon laquelle le communisme

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n'était pas une "idée" mais "un système qui asservait les idées et les opinions au profit de l'Empire des Soviets, un matérialisme acharné dans toutes ses manifcstations"5 1 , conduisit d'ailleurs à la dissociation du communisme de toute idéologie; le communisme fut assimilé au "profit personnel", à !"'utilité

politique" et à rout "comportement crimincl"52.

I:idéologie du régime métaxiste

Bon nombre de ces thèmes antimatérialistcs ainsi qu'un anticapitalisme vague se trouvent dans divers journaux, sympathisants ou organes de presse de Métaxas durant les années qui précédèrent la dictature, mais aussi dans le discours officiel du régime; discours qui gardait un caractère plus aristocratique que populiste. De plus, les mesures prises en faveur des couches populaires ne constituèrent pas une politique populiste puisque elles n'ont pas promu de changements aux rapports de domination mais reflétèrent notamment la pratique du pouvoir paternaliste.

La dictature du 4 août, apparue comme la garantie de l'unité nationale, fut fondée sur des valeurs purement tradironnelles: la patrie, la religion, la famille, la communauté, la discipline, l'ordre, l'anticommunisme, la fidélité envers la monarchie et un nationalisme conservateur; ensuire, et à la faveur de la vicroirc remportée sur l 'Italie, elle a servi à un modèle de régime nationaliste musclé, pour les nationalistes de l'extrême droite qui ont de mure façon repris plusieurs idées de loannis Métaxas. I.:idéologie du 4 août présente les traits caractéristiques d'une tradition d'extrême droite qui, sans former pour autant un mut cohérent comme le fascisme, fut représentée dans plusieurs régimes de type autoritaire-paternaliste instaurés en Europe dans les années de l'entre-deux-guerres. C'est ainsi que parallèlement à l'appel au rccour aux traditions nationales, on trouve le refus du

libéralisme et de !'"individualisme excessif du x1xe siècle développé dans les systèmes du parlementarisme"53, qualifiés de responsables "de la destruction de

l'ordre moral, social, politique et économique"54; la condamnation de l'Ërat parlementaire situé aux antipodes de l'Ëtat national qui mettait "l'intérêt général au dessus des intérêts individucls"55; la volonté de remettre en honneur le travail en le protégeant du marxisme cr du capitalisme, qui le traitait de marchandise, ainsi qu'en lui redonnant sa propre \aleur56 -une conception morale du travail qui présente beaucoup de similitudes avec celle de la "Révolution nationale" de Philippe Pétain.

Les références de la dictature à l'organisation corporative de la société considérée comme le fondement des nouveaux Ëtacs, le culte de la jeunesse, la conception du "nouvel État" selon laquelle celui-ci constitua une "révolution nationale" et un "Ëtat souverain", porteur de la "troisième civilisation grecque"57,

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mecrenr en évidence l'anracrion exercée par le fascisme sur les partisans du régime. I..:opposirion à l a lune de classes exprima par ailleurs l'idée fondarrice de la tradition corporarisre scion laquelle la société ne devait se composer de classes anragonistes mais de groupemenrs sociaux où seront incorporées routes les classes productives. À la différence du régime parlcmencairc, dirigé par les grands incérêrs capiralisrcs sur les principes libéraux, qui n'inrcrvenair pas pour régler les conflits du cravail, lc"nouvcl Érat" se veur Ërar "souvcrain"58 cr, en même remps. "paremel er affccrueux"59. Le concept du corporarisme étariquc pur, ainsi que l'assemblée des professions, ne pouvaienr pas êrre appliqués au régime méraxisre dans la mesure oü les srrucrurcs socio-économiques de l'époque ne se prêtaicnr pas à un rel paradigme. Disons en passanr que le corporatisme dans son acceprarion première proposa une ' oie polirique alternative à la société indus­rrielle cr au marxisme dès la fin du XIXe siècle et exerça un amair significarif dans les milieux fascisrcs cr conservateurs de l'enrrc-deux-guerrcs60_

JI reste que la ressemblance du régime métaxisrc aux régimes fascistes proprc­mcnr dies n'est pas évidenre, même dans le cas de la fameuse EON (!'Organisation nationale de jeunesse), qui en apparence présenrait quelques rrairs emprunrés au modèle fascisre6 1 • Toutefois, il n'existait pas de mouvement de masse, ni cuire de la violence, ni activisme; il manquait aussi un cuire exacer­bé du chef qui doit être disringué de la promotion d'un cuire aurour du leader de l'.Ërar, pratiqué dans rous les régimes autoritaires. En fin de compte, le régime -étant considéré par l'organe de presse de !'Organisation nationale de la jeunesse comme un "changement" et Méraxas comme !'"animateur du changement" cr le "nouveau maître narional"62_ ne se voulair pas révolutionnaire comme en rémoigncnr, entre autres, les professions de foi de leurs fondateurs.

Le populisme du mouvement contre-révolutionnaire et le national-populisme de l'extrême droite de la Guerre civile

Un véritable populisme fur articulé dans le premier temps de l'évolution de l'extrême droite en Grèce au sein du mouvement contre-révolutionnaire de 1 9 1 5- 1 G qui, bien qu'il soir de courre durée, a concribué à y acclimater des comporrements de guerre civile6-). li prit naissance dans les condirions de la Grande guerre lorsque les antivénizélisres intransigeants se scntirenr menacés par les iniriatives du gouvernement libéral er exilés dans leur propre pays. Pourtant, pour appartenir à l'idéologie de la révolte cancre l'hérirage moderniste des Lumières, la contre-révolution grecque fur d'abord un mouvement politique -représenté dans la presse de l'anrivénizélisme ultra, absent dans la production savante- dans lequel l'organisation, le programme et "la polirique de la rue"

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tenaicnr la priorité64. Or, les contre-révolutionnaires grecs furenr des adeptes d'une conception organique du politique. Néanmoins, dans la presse anrivénizéliste on trouve le refus de l'utilitarisme anglais, du matérialisme et de

l'individualisme, de la théorie l ibérale de l'État du x1xe siècle cr de la théorie démocratique, considérée comme émanant des principes de la révolution française, jugés étrangers à l'hérirage de l'antiquité hellénique.

Le recours à la violence contre le complot vénizéliste fut présenté comme un acre complètement légal er impérarif tandis que les Associations des réservistes (Epis1rato1), fondées en 1 9 1 6 pour la "protecrion" du roi et de la narion, furent qualirlées de "héros de l'ordre et de l'honneur de la patric"65. L'image de la décadence qui ressort de la Grèce vénizélistc fusionne a\ec le populisme au niveau du discours: au "complot meunier" du vénizélismc adhéraient entre autres "les gros commerçants, les banquiers, les armateurs, les gros entrepreneurs, les propriéraircs de grosses usines", ainsi que tous ceux qui essayaient de rroubler avec des "dél icatesses théoriques constitutionellcs", l'"instincr infaillible et l'intuition claire du pcuple"66.

Durant la guerre civile, l'extrême droite qui fut répréscnrée notamment par l'organisation X, ainsi que par la Révolution nationale-sociale et par d'autres groupes mineurs, eut un caractère national-populiste. Elle déclarait qu'elle réprésentait "les enfants honnêtes et héroïques de la classe agricole et ouvrière qui combattaient avec les classes moyennes urbaines contre cet amalgame félon réunissant un peu de tour, les capitalistes corrompus compris". Les capitalistes furent traités de "salauds de la ploutocratie oligarchique en vêtements dorés", de "collaborateurs camouflés", de "sangsues de la classe ouvrière" et furent accusés d'avoir fait d'énormes donations au Parti communiste67. La condamnation de !"'ancien régime des parris formé de vénizélisres, d'antivénizélisres et surtout de communistes", opposé aux "patriotes honnêtes et purs", aux "jeunes nationalistes Grecs"68, appartient aussi à la thématique du populisme. À travers ces dénonciations, la présence d'un mouvement populiste est confirmée; un mouve­ment qui méprise les lois, les institutions, les partis et s'oppose forrcmenr à une solution politique de la question grecque.

La politique dynamique de la droite69 duranr "le troisième tour" de la guerre civile en Grèce ( 1 946-49) ne différait pas beaucoup de la politique des armes, la "guerre totale" conrrc les communistes, proposée par le général Georges Grivas et appliquée par son organisation, la X. Toutefois, jusqu'à ce que l'Amérique prenne en main l'initiative de la lutte mondiale conrre le communisme, et jusqu'à cc qu'il y air la polarisation extrême de la situation politique <.:11 Grèce, la guerre civile se déroule dans les dernières pages de la presse de droite, qualifiée d'"atraques de bandits � la conscience étrangère". I l reste que l'effet de réalité construir à travers cette narration des événemenrs abourit à une image plurôr édifiante. Le refus des

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journaux de la droite d'accepter la réalité d'une guerre civile rcAécait son hésita­tion à s'adapter au fair de l'ctfondremcnt de l'oidéologème» de l'unité nationale70 cr manifestair sa volomé de se défendre des impressions issues de reporrages de journalisrcs étrangers sur les excès de la politique des gouvernements de droite, qui pourraient ternir son image.

À la différence de J'image minimalisre de la guerre civile rnpporcée dans la presse de droite jusqu'en 1947. la quesrion grecque s'inscrit très tôt dans la dimension internationale à la faveur du discours mythique sur lequel l'excrème droire faic reposer son imerprérarion de la lune frarricide. Celle-ci porca la marque d'une croisade en faveur de la proceccion de la démocratie cc de la civil­isation comrc le comploc universel du communisme. Cern: vision du monde ne fur pas l'apanage de la seule extrême droicc, mais clic s'étendit à coures les tendances de la droite, qui y adhérèrent. "Tourc l'humanité civilisée, lit-on dans le Sk11pane11.s tis Makronnisou (Pionnie,- de Makronnisos) du juiller J 949, ohservc avec imérêr la lucre du peuple grec pour la protection des valeurs qui constituent la base de la civilisarion occidencale et apprécie profondément les sacrifices de norrc race en faveu r de la liberté". I.:opposirion du "roralirarisme rouge, de la harbarie prolécarienne, qui adopra les moyens de la violence nam: , aux "dérnocraries occidenrales fondées sur les lihcrrés individuelles" consricue le rhème central de la propagande anticommunisce71.

I.:ancicommunismc tel qu'il se présente dans la Grèce de la guerre civile se manifcsre à un seul niveau: celui de la résistance à une menace étrangère, au slavo-communisme, dans lequel se fusionnent la peur de la suhvcrsion et toute une série de phohies diftùscs concernant J'inrégriré nationale, chargées du poids de la mémoire collective. Dans cc conccxre, le journal de droire Estia du 28 janvier 1950 propose sa propre inrerprétation de la guerre civile qu'elle considère comme une guerre comre le panslavisme -une guerre dans le droic fil de la guerre conrrc le pangermanisme- en concluant que la direction générale de la lucce contre la Grèce est passée du Berlin à Moscou. Or, cerce vision du conllir fondée sur son aspecr extérieur relève des corrélations enrre l'attitude devanc les srscèmcs rocalicaires -une des grandes quescions de l'époque- ec les phénomènes de la mémoire. Cela n'empêche en aucun cas l'élaboration d'une policique amicommunisrc à finalité interne de la parc de la droite ni l'imprégnation de la société à un degré important par le sentimenc d'un dang<::r intérieur cr omniprésent.

Par ailleurs, la guerre civile est conçue par l'extrême droite comme raciale, pas au niveau purement biologique mais à celui d'une "biologie sociale" dérerminéc par les valeurs, l'identité nationale, la civilisarion cc la culture: "Il ne s'agir pas d'un combat de classes mais d'une guerre raciale r ... J nous cenons à assurer la pérenniré de norre Grèce, de notre religion, de notre famille". Aussi, dans sa conception droitière de l'histoire, la monarchie -enracinée dans le patrimoine

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national- fur-elle considérée comme le.: seul rcg1me propre au caractère national" des Grecs, candis que la République, assimilée à l'oligarchie, à la cyrannic, à l 'anarchie, au "compagnonnage" cr au communisme, fuc exclue du

patrimoine nacional72: phénomène comparable à l'esprit de la politique de Vichy concre le souvenir même de la République parlcmencaire73_ Pour la droite classique, la monarchie conscicua plutôt un facteur de stabilité cc de prudence, capable d'assurer un certain consensus national cc de promouvoir le bien de la nacion.

Le fair que l'excrême droite de la guerre civile s'csc définie par l'adhésion aux valeurs des démocraties occidcncales, représcnca un cournanc dans l'évolution de son image. Tandis que la droite classique portait l'accenc sur son appartenance à la communauté nationale en évicanc de se dire de droirc74, l'extrême droice cr la droice cxcrêmc revendiquaicnc hauccmenc l'idcnciré droitière et se présencaienc comme libérales, démocrates ec en même cemps populaires. Même en ce qui concerne l'anglophobie héritée du passé, clic s'exprima dans les conditions d'une polarisation excessive quand on assisca à un usage outré par l'excrême droicc du mychc du complor75; un mythe qui s'écend aisémrnc dans le temps et l'espace. Dans le cadre "des crois Ëcacs confédérés -communisme, sionisme, franc­maçonnerie"- les Juifs apparaissaicnc en tête de la conspiration universelle concre la démocratie, le christianisme ec l'hellénisme dans une combinaison du stéréotype négatif du Slave avec celui du Juit76.

I..:excrême droite, sans mépriser les jouces élcccoralcs, s'esc présencée aux élections de 1 946, à celles de 1 950, qui ont vu le couranc accaché à la cradirion mécaxisre obtenir une représencacion parlemencairc -et cela à cause de l'influence locale qu'avaient ses candidats-, ec aux élections de 1 95 1 , cecrc fois­ci en collaboration avec la droite classique. Nocons enfin que dans les conditions de la guerre froide, qui nourrissaient le climat de terreur légalisée, les droites victorieuses, en rompant intégralement avec la cradicion du schisme nacional, déjà dénoncée, cr en se rarcachanc à l'idéologie du Rassemblement national ec

populaire, forgeèrenc leur unicé comme formation politique majeure de la Grèce de l'après-guerre.

NOTES

l . Nous y reviendrons plus loin dans l'article.

2. Voir Nicolas SVORONOS, Histoire de la Grèce moderne, 3e éd., Paris, Puf 1 972, pp. 89-9 1 .

3. Despina PAPADIMITRIOU, 0 Typos kai o Dichasmos, (La presse et le schisme national), Thèse de doccorac, Université d'Athènes, 1 990.

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4. Voir C. SVOLOPOULOS, "Les Pareis politiques en Grèce depuis l'indépen­dance jusqu'à la Deuxième Guerre mondiale", Balkan Studies, 21 ( 1 ) , 1 9 80,

pp.2 1 -3 1 , p. 27.

5. George Th. MAVROG ORDATOS, Stillborn Republic; Social Coalitions and Party Strategies in Greece, 1922-1936, Berkeley-Los Angeles-London, University of California Press, 1 983, p. 280. Pour le rapport entre les conditions nationales, les clivages et le processus de démocratisation dans les pays d'Europe occidcmalc, voir Stein ROKKAN, Citizens , Elections, Partis. Approaches to the Comparative Study of the Processes of Development, Oslo, Universicetsforlagec, 1 970, 1 A, pp. 82-83, 96- 1 29.

6. George Th. MA\"ROGOROATOS, op.cit., p. 29.

7. Voir Nicolas SVORONOS, op.cit., p. 9:-'.

8. Voi r Patris (Patrie) , 23-1 1 - 1 923, 27- 1 2- 1 923.

9. Voir S. BERSTEIN et P. MILZA, Dictionnaire historique des fascismes et du nazisme, Paris, Ëd. Complexe, I 992, pp. 346-348.

1 O. Pour une celle incerprétacion du schisme national, voir Conscancinc SARANDIS, The Emergence of the Right in Greece (1 922-1940), Oxford University, D.Phil. rhesis, 1979, pp. 18-27.

1 1 . Voir Luc FERRY et Alain RENAUT, "Sur l'opposition droite-gauche: Tocqueville er Jaurès", Le Débat, no 33, janvier 1 985, pp. 60-7 1 ; C.B. MACPHERSON, The Life and Times of Liberal Democracy, O xford University Press, 1 977.

1 2. Jean-François SIRINELLI, Ëric VIGNE, "Introduction générale", in Jean­François SIRINELLI (dir.), Histoire des Droites en France, Paris, Gallimard, 1 992, r . 1 , p. XXXVI.

1 3. I.:érude de la presse csc fondamentale dans l'inccrpréracion des crises du pre­

mier xx:e siècle. Aurremcnc dit, l e schisme national fuc, à un degré majeur, un "phénomène de propagande'', candis que les idéologie.� cr les sensibilités des droi tes des années crencc furent largement représentées dans la presse. Toujours esr-il, en revanche, que la faiblesse de la droite dans la culture est une constance de l'hiscoire grecque contemporaine.

14 . Il s'agir des journaux suivancs: Estia (Foyer), indépendant, issu du camp vénizélisre. ul rraconservaceur, de droite dans l'immédiat de l'après-guerre; 1 Proia (Le Matin), anr ivénizélisce modéré; 1 Kathimerini (Le Quotidien), anrivénizélisce militant (du Parti populaire) dans l'encre-deux-guerres, ensuite de d roite, réputé pour la véhémence des analyses cc l'air souvent provocant des édicoriaux de son propriétaire G .Vlachos.

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1 5 . On lisait dans l'Estia du 29 janvier 1 936: "Tandis que les représentants du monde bourgeois s'épuisent dans des lunes fratricides sans but, les tenants de la révolution sociale er de la subversion, travaillent, s'organisent et fonr du progrès". Notons qu'on trouve parfois, en ces années-là, l'emploi du terme de "luttes fratricides" ou de "guerre civile" pour désigner le schisme national.

1 6. Sur ces notions, voir Reinharr KOSELLECK, Futures Past. On the Semantics of Historical Time, (trad. anglaise), Massachusetts and London, England, The MIT Press Cambridge, 1 985, pp. 267-288.

17 . Estia, 1 - 1 0- 1 935. I Kathimerini, 28-1 1 - 1 935.

1 8. I Vradyni (Le Soir) , 6-10-35, Athinaïka Néa (Les Nouvelles d'Athènes), 06-0 1 - 1 936.

1 9 . Estia, l 9-04-1934.

20. Proia, 05- 1 0- 1 935.

2 1 . I Kathimerini, 1 9- 1 0- 1 935.

22. 1 4-0 1 - 1 936.

23. Sur les plébiscites de 1 935 et de 1 946, voir Nikos ALIVIZATOS, Les institutions politiques de la Grèce à travers les crises 1 922- 1 974, Paris, 1 979.

24. Sur le climat de terreur et les persécutions en 1 945, voir les journaux du centre: Eleftheria (Liberté), 02-09- 1 946, Ta Néa (Les Nouvelles), 1 4-08-1946 -le mot apparaît en 1 945 notamment comme "Centre démocrate". Ces journaux par opposition aux "extrêmes", "la droite extrême" cr "l 'extrême gauche" (les communistes) -lesquels s'éprenaient de la guerre civile- plaidaient pour une politique "d'apaisement". Cela pourtant n'a pas empcché le centre de rejoindre la droite, dès la fin de 1 947, dans une politique d'anticommunisme instrumental. Notons aussi que pour la droite le centre n'existait pas, (voir sur ces points, en ce qui concerne la France, Danièle ZÉRAFFA, "À la recherche du centre dans la vie politique française ( 1 962-1 986)", Vingtième Siècle, Revue

d'histoire, no 9, janvier-mars 1 986, p. 82.

25. 1 Kathemerini, 3 1 - 1 0- 1 935.

26. Estia, 02-0 1 - 1 936.

27. Sur l 'angoisse de "finir avec la question du régime cr de détendre la rage guerrière des groupes royalistes", voir l'Akropolis (Akropole) du 7 occobrc 1 935 et du 1 décembre 1 935.

28. 24-0 1 - 1 936.

29. 1 1 -05- 1 932, 25-07-1932.

30. 0 1 - 1 0- 1 935.

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3 1 . Esperini, 07-07- 1 932, lméra (Le Jour), 20-09-193 1 .

32. 09-10-1935. On rencontre pour la première fois dans la presse les rermes "droire" cr "gauche".

33. 0 1 - 1 0-1 935.

34. Serge BERSTEIN - Jean-Jacq ues BECKER, Hiscoire de l'anti-communisme en France, rome 1 : 1 91 7- 1 940, Paris, Olivier Orban, 1 987, p. 336.

3 5. Anamorfosis (Réformation), 2 1 - 1 -26, Drasis (Action), 24-1 1 - 1 923, Protevousa (Capitale), 02-0 1 - 1 92 1 .

36. Voir David CLOSE, "Conservatisme, aurhorirarianism and fascism in Grecce, 1 9 1 5-45", in Martin BLINKHORN (edit.), Fascists and conservatives, London, Unwin Hyman, 1 990, pp. 200- 2 1 7, p. 203.

37. Hagen FLEISCHER, Stemma kai Svastika, Arhènes, fd.Papazissis, p. 369.

38. 1 2- 1 2- 1 934, 1 3- 1 2- 1 934, 20- 1 2- 1 934, 23-0 1 - 1 935, 07-02- 1 935.

39. Sur l'amaction puissante du fascisme en France, voir Pierre M I LZA, "L'ulrra­d roice des années rrcnre", in Histoire de l'extrême droite en France, Paris, fd. du Seuil, 1 993, p. 1 82; Philippe BURRI , La Dérive fasciste. Doriot, Déat, Bergery ( 1933-1945), Paris, .Ëd. du Seuil, 1 986.

40. 1 3-0 1 - 1 934.

4 1 . 1 9-04-1934.

42. 2 1 -07-1932.

43. 2 1 -02-1934.

44. Estia, 02-05- 1 934, 29-04-1 934.

45. Akropolis, 04-02- 1 934, Esperini, 07-0 1 - 1 934, Estia, 02-04-1 934, Patris, 1 4 -07- 1 928.

46. Estia, 02-04- 1 924, 09-04 - 1 934, 29-04-34, 02-05- 1 934.

47. Akropolis, 04-02- 1 934.

48. Esperini, 05-0 1 - 1 934.

49. 28-05 - 1 934.

50. Voi r Agon (Lutte), 1 5-05- 1 949 er Ephimeris ton Xiton Qournal des Xites), 20-0 1 - 1 947.

5 1 . Robert BRUYNEEL, Les indépendants et la lutte contre le communisme, Rapport au 1 er Congrès national des indépendants, des paysans et de l'A.r.s. Eleufcérios PROKOS, Ellinismos kai Kommounismos [Hellénisme et communisme], rom. ! , Athènes 1 952, p. 1 40.

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52. Antikommounistikos Agon (Lutte anticommuniste), mai 1 963, p. 55. Ephimeris ton Xi ton, 08-07- 1946, 20-0 1 - 1 947.

53. Neon K.ratos (Nouvel État), sept. 1 938, pp. 1 -5 .

54. I Neolaia (La Jeunesse), 05-1 1 - 1 938, pp. 1 2 1 -2.

55 . I Neolaia, 1 5- 10 - 1 938, pp. 1 -3 .

56 . Ergatiki Elias (La Grèce du travail), 09-05- 1 937, p. 3 .

57 . Voir Georges CONTOGEORGIS, Histoire de la Grèce, Paris. Hatier, coll. dirigée par Serge Berstein et Pierre Milza, 1 992, p. 392.

58. A.KAZAKOS, ''!.:arrachement du communisme", Ergatiki Elias, 1 5-06-1 938, p. 600.

59. Neon K.ratos, sept. 1 937, pp. 1 -5.

60. Antonis LIAKOS, Ergasia kai politiki stin Ellada tou mesopolemou [Travail et politique en Grèce de l'entre-deux-guerres], Arhènes, Fondation de recherche et d'éducation de la Banque Commerciale de Grèce, 1 993, p. 352.

6 1 . Voir S. BERSTEIN et P. MILZA, op.cit., p. 347.

62. I Neolaia, 1 2- 1 1 - 1 938, pp. 1 53-4.

63. Vo ir Despina PAPADIMITRIOU, "! genesi tis ellinikis akras dcxias" !La genèse de l'extrême droite en Grèce]. Léviathan, no 14 , 1 993-94, pp. 1 09- 1 20.

64. Voir Arno MAYER, Dynamics of Counter-Revolution in Europe 1870-1956. An Analytic Framework, New York, Eransron, San Francisco, London, Harper Torchbooks, Harper & Row publishers, 1 97 1 .

65. Astrapi (Éclair), 1 5-05- 1 9 1 6, Chronos (Temps), 1 5-06- 1 9 1 6, 28-06- 1 9 1 6.

66. Chronos, 2 1 - 1 0- 1 9 1 6, 02-06- 1 9 16 , Skrip, 1 1 -02- 19 1 5, 17-02- 1 9 1 5.

67. Ephimeris ton .Xiton, 0 1 -03-1948.

68. Ephimeris ton Xiton, 1 7-03-1 947.

69. À la droite monarchisre, représentée aux élections de mars 1 946 par la Formation unie des nationalistes, appartenaient le Parti populaire er deux autres partis issus du camp vénizéliste, l'un d'entre eux recruté dans les rangs des vénizélistes qui n'étaient pas d'accord sur le choix des dirigeants du Parti des libéraux au sujet du régime. (Sur ce point, voi r Elias NIKOLACOPOULOS, Ko mm a ta kai vouleftikes ekloges stin Ellada, 1946- 1 964 l Partis et élections législatives en Grèce] , Athènes, 1 988, p. 1 32). La droite modérée fut représentée par l'Union nationale politique à laquelle appartenaient trois partis sous la direction de Sophoclis Vénizélos, Georges Papandréou et Panayiotis

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Kanellopoulos. La droite modérée ne s'exprima pas en cerce période sur la ques­tion du régi me mais die aspira au ralliement de tous les nacionalisces conrrc la gauche. (Voir George Th. MAVROGORDATOS. "Oi cklogcs kai ro dimopsifis­ma tou 1 946: prooi mio cou emfyliou polcmou "[Les éléctions cc le plébisc ite de 1 946: i nrroduccion à la guerre civile],in I Ellada sti Dekaetia 1940-1950: Ena Ethnos se Krisc [La Grèce des années quarante: une nation en crise]. Athènes, Thémdio, 1 984, p. 309).

70. I Kathimerin i , 1 6- 1 1 - 1 946, 05-0 1 - 1 947, Ellinikon Aima (Sang grec), 1 0-0 1 - 1 946.

7 1 . Pour une lecture analogue de la guerre civile espagnole, voir Léon DAUDET, "La radio et les fausses nouvelles", L'Action française, 24-07-1 936 cc "L'Ëtar de danger de guerre", ibid., 26-07-1 936.

72. Ephimeris ton Xiton, 29-07- 1 946, 1 9-08-1 946.

73. Michel WINOCK, "Les affai res Dreyfus", in "Les Guerres franco-français­es",Vingtième Siècle. Revue d'histoire, 5, janvier-mars 1 985, pp. 1 9-37, p. 29.

74. I Kathimerini, 05-0 1 - 1 947.

75. Sur le "complot anglo-juif". voir Panos KINTZIOS, "L'Ancéchrisr cc ses organes", Antikommunistikos Agon (Lutte anticommuniste). mars 1 949, p.6.

76. On pourrait repérer une image analogue de la Russie , qui va de pa ir avec l'an­tisémitisme de Allemagne hidérienne, dans l'article de Marlis STEINERT, '' Lévolucion des images nationales en Allemagne pendant la deuxième guerre

mondiale", Relations Internationales, no 2, 1 974, pp. 2 1 3-232, p. 223.

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