pausanias-description de la grèce- l'achaïe-

Upload: helene-kemiktsi

Post on 03-Jun-2018

225 views

Category:

Documents


1 download

TRANSCRIPT

  • 8/12/2019 Pausanias-Description de la Grce- L'Achae- http://www.projethomere.com

    1/42

    Description de

    Voyage de

    PA A

    Livre 7

    la Grce'Achae

    NIA

  • 8/12/2019 Pausanias-Description de la Grce- L'Achae- http://www.projethomere.com

    2/42

    http://www.projethomere.com

  • 8/12/2019 Pausanias-Description de la Grce- L'Achae- http://www.projethomere.com

    3/42

    [Histoire des colonisations en Ionie]

    Tardieu, 1821

    I. [1] Le pays qui est l'orient vers la mer entre les Elens et les Sicyoniens, estaujourd'hui nomm Achae par ses propres habitants ; il se nommait autrefois l'Egiale, etses habitants se disaient Egialens du nom d'Egiale ancien roi de Sicyone, ce quedisent les Sicyoniens. D'autres croient que cette contre qui pour la plus grande partieest maritime avait pris son nom de sa situation, le mot aigialosen grec signifiant le rivagede la mer.

    [2] Quoi qu'il en soit, aprs la mort d'Hellen, son fils Xuthus chass de Thessalie par sesfrres, qui l'accusaient d'avoir pill les trsors de leur pre, se retira Athnes o ilpousa une fille d'Erechthe, dont il eut deux fils, Achus et Ion, Erechthe tant mort,ses enfants qui disputaient qui lui succderait convinrent de prendre Xuthus pour jugede leur diffrend. Celui-ci dcida en faveur de Ccrops qui tait l'an.

    [3] Par l il s'attira la haine des autres, de sorte que chass encore de l'Attique il vints'tablir dans l'Egiale, o il finit ses jours. Achs l'an de ses fils ayant rassemblquelques troupes composes d'Egialens et d'Athniens vint en Thessalie et remontasur le trne de son pre. Ion de son ct marchait dj contre les Egialens et contreSlinus leur roi, lorsque celui-ci lui envoya offrir en mariage Hlice sa fille unique. Ionl'pousa, fut adopt par le Roi, et dsign son successeur.

    [4] Il eut en effet le bonheur de lui succder. Il btit une ville qu'il nomma Hlice du nomde sa femme, et il voulut que de son propre nom ses sujets s'appellassent Ioniens. Ce nefut pourtant pas tant un changement de nom, qu'un nouveau nom ajout au leur ; car ilsfurent appells Egialens-Ioniens. Et mme le pays conserva son anciennednomination, comme il parat par le dnombrement des troupes d'Agamemnon, o

    Homre fait mention de l'Egiale et de la ville d'Hlice.

    [5] Ion rgnait dans ce pays, lorsque les Athniens qui taient en guerre avec lesEleusiniens lui donnrent le commandement de leur arme ; mais il mourut quelquetemps aprs ; et l'on voit encore sa spulture Potamos bourgade de l'Attique. Sesdescendants se maintinrent sur le trne jusqu' ce qu'enfin ils furent chasss du pays,eux et leurs sujets par les Achens, qui eux-mmes avaient t chasss d'Argos et deLacdmone par les Doriens.

    [6] Je raconterai tout ce qui se passa entre les Ioniens et les Achens ; mais il fautqu'auparavant j'explique pourquoi les peuples de Lacdmone et d'Argos avant le retourdes Doriens, taient les seuls du Ploponnse qui portassent le nom d'Achens.Archandre et Architele, tous deux fils d'Achs, se transplantrent de la Phtiotide Argos. Danas leur fit pouser deux de ses filles, Automate Architele, et Sca Archandre. Une preuve qu'ils n'taient point originaires d'Argos, et qu'ils taient venus s'y

  • 8/12/2019 Pausanias-Description de la Grce- L'Achae- http://www.projethomere.com

    4/42

    tablir, c'est qu'Archandre imposa son fils le nom de Metanaste, comme si on disait,qui s'est transplant d'un lieu en un autre.

    [7] Les enfants d'Achs s'tant rendus puissants Argos et Lacdmone, il arriva queles Argiens et les Lacdmoniens prirent insensiblement le nom d'Achens, ce quin'empchait pas que les Argiens ne fussent aussi appells Danaens d'un nom qui leur

    tait propre et particulier. Mais dans la suite les Doriens chassrent d'Argos et deLacdmone la postrit d'Achs. Aprs ce premier succs ils envoyrent aux Ioniensun hraut pour leur dire qu'ils eussent les recevoir dans leur pays, et les recevoir l'amiable sans qu'il ft besoin d'employer la force. Les Ioniens furent fort alarms de cecompliment ; ils craignirent avec raison que s'ils recevaient ces Doriens dj unis avecles Achens, ils ne voulussent tre gouverns par leur roi Tisamne fils d'Oreste, que savaleur et la noblesse de son sang rendaient en effet fort illustre.

    [8] Au lieu donc d'accepter la proposition, ils marchrent contre les Achens. Tisamnefut tu des premiers dans le combat ; cependant les Achens eurent l'avantage etpoussrent les Ioniens jusqu' Hlice, o ceux-ci se voyant prs d'tre forcs, furentobligs de capituler et eurent la libert de se retirer o ils voudraient. Les Doriens

    enterrrent Tisamne Hlice ; mais dans la suite les Lacdmoniens avertis par l'oraclede Delphes transportrent ses os Sparte. On y voit encore aujourd'hui son tombeaudans le lieu mme o les Lacdmoniens font ces repas qu'ils appellent du nom dePhiditia.

    [9] Quant aux Ioniens ils se rfugirent en Attique. Les Athniens et leur roi Mlanthusfils d'Andropompe les reurent bras ouverts par considration pour la mmoire d'Ion, etpour ses grands services. D'autres disent qu'il y eut aussi de la politique cet acte degnrosit, et que si les Athniens recueillirent ces fugitifs, ce fut moins par amiti poureux, que pour se fortifier de leur secours contre les Doriens qu'ils commenaient apprhender.

    II. [1] Quelques annes aprs, la discorde se mit entre Mdon et Nile les deux ansdes fils de Codrus. Chacun d'eux voulait rgner. Nile mprisait son frre parce qu'il taitboiteux, et jurait qu'il ne lui obirait jamais. L'affaire ayant t porte l'oracle deDelphes, la Pythie pronona en faveur de Mdon et lui adjugea le royaume d'Athnes.Nile et les autres fils de Codrus ne pouvant digrer cette prfrence rsolurent d'allerchercher fortune ailleurs. Ils furent suivis de quelques Athniens de bonne volont et dela plupart des Ioniens.

    [2] Ce fut la troisime colonie qui sortit de Grce, compose d'une multitude trangre etcommande par un chef tranger. Car longtemps auparavant Iolas Thbain, neveud'Hercule, avait men une colonie d'Athniens et de Thespiens en Sardaigne. Et environun sicle avant que les Ioniens quittassent Athnes, Thras autre Thbain fils d'Autsion, la tte d'une troupe de Lacdmoniens et de Minyens que les Plasges avaient

    chasss de Lemnos, alla s'tablir dans cette le que l'on nommait alors Calliste, et quidepuis fut appelle l'le Thra.

    [3] La troisime peuplade fut donc celle de ces Ioniens que conduisirent les fils deCodrus, et dont l'origine n'avait rien de commun avec la leur, puisque ces chefs du ctde leur pre et de leur aeul, Codrus et Mlanthus, taient Messniens, originaires dePylos, et Athniens du ct de leur mre. Mais plusieurs autres Grecs se joignirent auxIoniens. Premirement il y eut des Thbains sous la conduite de Philotas petit-fils dePnle. En second lieu des Orchomniens Minyens, cause de l'affinit qu'ils avaientavec les fils de Codrus.

    [4] Troisimement des Grecs de tous les endroits de la Phocide, except de Delphes.

    Quatrimement des Abantes de l'le Eube. Philogne et Damon Athniens, tous deuxfils d'Euctmon, donnrent aux Phocens des vaisseaux pour passer la mer, et en prirent

  • 8/12/2019 Pausanias-Description de la Grce- L'Achae- http://www.projethomere.com

    5/42

    eux-mmes le commandement. Tous ces aventuriers firent voile en Asie, se rpandirentsur la cte, et s'emparrent les uns d'une ville, les autres d'une autre. Nile avec satroupe se rendit matre de Milet.

    Tardieu, 1821

    [5] Si l'on veut savoir l'origine des Milsiens, voici ce qu'eux-mmes en racontent. Le

    pays qu'ils occupent s'appellait Anactorie sous le rgne d'Anax qui en tait originaire, etsous celui de son fils Astrius. Des Crtois abordrent cette cte ; ils avaient pour chefMiltus qui donna son nom la ville et tout le territoire qui en dpend ; ce Miltus taitsorti de Crte avec tous ceux de son parti, pour se drober la vengeance de Minos filsd'Europe. Cette partie de l'Asie tait pour lors habite par les Cariens, qui reurent lesCrtois dans leur ville et ne firent plus qu'un peuple avec eux.

    [6] Mais les Ioniens s'tant rendus matres de Milet, ils exterminrent tout ce qu'il y avaitd'hommes, la rserve de ceux qui voyant la ville prise cherchrent leur salut dans lafuite. Les femmes et les filles furent pargnes, et les Ioniens s'allirent ensuite avecelles. Ce qui est de certain, c'est que l'on voit encore le tombeau de Nile assez prs dela porte, et la gauche du chemin qui mne Didymes. Le temple et l'oracle d'Apollon

    subsistaient Didymes longtemps avant la transmigration des Ioniens. La Dianed'Ephse est aussi beaucoup plus ancienne que cette poque.

    [7] Et Pindare semble n'avoir pas connu l'antiquit du temple de cette desse, lorsqu'il adit que les Amazones l'avaient btie en allant faire la guerre aux Athniens et Thse.Car ces Amazones vinrent des rives du Thermodon pour sacrifier Diane d'Ephse dansson temple, dont elles avaient connaissance, parce que quelque temps auparavantdfaites par Hercule, et prcdemment encore par Bacchus, elles s'y taient rfugiescomme dans un asile. Ce temple n'a donc point t bti par les Amazones, mais parCrsus et Ephsus. Crsus tait originaire du pays ; Ephsus passait pour tre fils duCaystre ; et cet Ephsus donna son nom la ville.

  • 8/12/2019 Pausanias-Description de la Grce- L'Achae- http://www.projethomere.com

    6/42

    Tardieu, 1821

    [8] Le pays d'Ephse tait pour lors occup par des Llges peuples de Carie, et encoreplus par des Lydiens. Des fugitifs de tous pays, et surtout ces femmes que l'on nommeAmazones, vinrent habiter les environs du temple. Tel tait l'tat d'Ephselorsqu'Androcle fils de Codrus y fit une descente avec les Ioniens qui suivaient sesenseignes. Il chassa d'abord les Llges et les Lydiens qui tenaient la ville haute. Ceuxqui demeuraient autour du temple lui ayant prt serment de fidlit ne frirent troubls enaucune faon ; ensuite il prit Samos et en chassa les habitants. Les Ephsiens, j'entendsles Ioniens nouvellement tablis Ephse, possdrent quelque temps Samos avec

    toutes les les voisines.

    [9] Aprs quelques annes les Samiens tant rentrs dans leur ville, Androcle allasecourir ceux de Prine contre les Cariens. Les Grecs demeurrent victorieux, maisAndrocle fut tu dans le combat ; les Ephsiens rapportrent son corps Ephse o il futinhum. On voit encore aujourd'hui sa spulture sur le chemin qui mne du temple deDiane au temple de Jupiter Olympien prs de la porte Magntis ; ce tombeau estremarquable par la figure d'un homme arm qui est dessus.

    [10] Les Ioniens s'tablirent ensuite Myunte et Prine, et poussant leurs conqutes ilsdpouillent peu peu les Cariens de toutes leurs villes. Cyarte un des fils de Codrusrepeupla Myunte. A l'gard de Prine, comme parmi les Ioniens il y avait des Thbains,Philotas petit-fils de Penele, et Epytus fils de Nile furent les chefs de la colonie qui y

    entra. Cette ville prouva bien des malheurs, premirement de la part de Mgabatsgnral des Perses, et en second lieu de la part d'Hiron un de ses propres citoyens ;cependant elle subsiste encore et est de la dpendance des Ioniens. Pour Myunte, seshabitants ont t obligs de l'abandonner par l'accident que je vais dire.

    [11] Il y avait dans le voisinage de cette ville un petit golfe ; le Mandre qui passe auprs, force d'largir son lit et de se rpandre, jeta tant de limon dans ce golfe, que l'eau necommuniquant plus avec la mer et venant croupir forma un marais dont les exhalaisonsengendrrent une si grande tit de cousins et de moucherons qu'il fallut dserter. Lesgens du pays se retirrent Milet en emportant avec eux tous leurs effets et jusqu'auxstatues de leurs dieux. Aussi n'ai-je rien vu de beau Myunte qu'un temple de Bacchusqui est de marbre blanc. La mme chose arriva aux Carnites qui sont au-dessous de

    Pergame.

  • 8/12/2019 Pausanias-Description de la Grce- L'Achae- http://www.projethomere.com

    7/42

    III. [1] Les Colophoniens ont Claros un temple et un oracle d'Apollon qu'ils disent tred'une grande antiquit. Voici, selon eux, les rvolutions qu'ils ont souffertes. Dans letemps que les Cariens possdaient ce canton, les premiers Grecs qui y abordrent furentdes Crtois. Ils avaient pour chefs Rhacius qui avec la nombreuse troupe qu'il avaitdbarque se rendit matre de la cte et s'y tablit. Quelque temps aprs, Thersandre filsde Polynice et les Argiens prirent Thbes. Ils y firent beaucoup de prisonniers qu'ils

    envoyrent l'oracle de Delphes. Parmi eux tait Manto qui venait de perdre Tirsiasson pre, mort en allant Haliarfe.

    [2] La rponse de l'oracle fut que ces prisonniers eussent chercher des terrestrangres. Aussitt ils quipent une flotte, passent en Asie et vont descendre Claros.Les Crtois voyant dbarquer ces trangers prennent les armes, marchent eux, lesenveloppent et les mnent Rhacius. Celui-ci ayant su de la jeune Manto quels taientses compagnons et ce qui les amenait en Asie, il les associe aux Crtois, les reoit danssa ville, et pour Manto, il l'pouse. De ce mariage naquit Mopsus qui dans la suite chassales Cariens de toute cette cte.

    [3] Cependant les Ioniens firent alliance avec les Grecs qui s'taient rendus matres de

    Colophon, et ces deux peuples fondus, s'il faut ainsi dire, en un, furent assujettis aumme gouvernement et aux mmes lois. Damasicthon et Promthus tous deux fils deCodrus, de chefs de la colonie taient devenus rois des Ioniens. Mais bientt lamsintelligence se mit entre ces deux frres ; Promthus tua Damasicthon et s'enfuit Naxe o il mourut. On rapporta son corps dans ses tats, o les fils de Damasicthon lereurent et l'inhumrent ; sa spulture se voit encore dans un lieu nomm Polytichide.

    [4] En parlant de Lysimaque j'ai dj dit qu'il dtruisit la ville de Colophon ; la raisonpourquoi il la traita ainsi, c'est que de tous les Grecs qui avaient dbarqu Ephse, lesColgphoniens furent les seuls qui prirent les armes contre lui et contre les Macdoniens.Ceux de Smyrne se joignirent eux. Plusieurs des uns et des autres prirent dans lecombat ; leur spulture est gauche du chemin qui mne Claros.

    [5] Pour la ville de Lbdos, Lysimaque la ruina uniquement afin d'en transfrer leshabitants Ephse, et de repeupler cette grande ville. Le terroir de Lbdos est trsfertile, quoique sur le bord de la mer il abonde en sources d'eau douce, et ces mmeseaux sont fort salutaires. Ce canton tait anciennement occup par les Cariens ;Andrmon fils de Codrus et chef d'une colonie ionienne les en chassa. Quand on estsorti de Colophon et que l'on a pass le fleuve Alens, on trouve le tombeau d'Andremon la gauche du chemin.

    [6] Les Orchomniens Minyens de leur ct s'tablirent Tos sous la conduited'Athamas petit-fils, ce que l'on dit, de cet Athamas qui eut Eole pour pre. Tos futune des villes o les Grecs et les Cariens surent compatir ensemble. Apoecus arrire-petit-fils de Mlanthus y amena aussi des Ioniens qui ne troublrent en rien ni les

    Orchomniens, ni les naturels du pays ; et quelques annes ensuite il y vint encore unessaim d'Athniens et de Botiens. Les premiers taient commands par Damasus etpar Naoclus, tous deux fils de Codrus, les seconds par Grs qui tait aussi de Botie :ces nouveaux venus furent reus avec amiti par Apoecus.

    [7] Quant aux Erythrens, suivant leur tradition ils vinrent autrefois de Crte avecErythrus fils de Rhadamante, lequel Erythrus donna son nom la ville qu'ils habitentaujourd'hui. Mais ils n'taient pas les seuls habitants. Il se mla parmi eux des Lyciens,des Cariens, et des Pamphyliens ; des Lyciens cause de leur ancienne consanguinitavec les Crtois, car ils taient originaires de Crte, et descendaient de ces anciensCrtois qui quittrent le pays avec Sarpedon ; des Cariens, comme ayant t autrefoislis d'amiti avec Minos ; des Pamphyliens enfin comme sortis aussi de race grecque ; je

    veux dire de ces Grecs qui aprs la prise de Troie furent longtemps errants avecCalchas. A ces peuples se joignit encore un certain nombre d'hommes, que Cnopus

  • 8/12/2019 Pausanias-Description de la Grce- L'Achae- http://www.projethomere.com

    8/42

    autre fils de Codrus tira de chaque ville d'Ionie, et qu'il fit entrer dans Erythres.

    [8] Pour les Clazomniens et les Phocens, ils n'avaient aucune ville en Asie avantl'arrive des Ioniens. En effet quelques-uns de ces Ioniens, aprs avoir longtemps errde ct et d'autre s'avisrent de venir demander un chef aux Colophoniens, qui leurdonnrent Parphorus. Sous les auspices de ce chef ils btirent une ville au pied du mont

    Ida ; mais bientt aprs ils l'abandonnrent, et s'en tant retourns dans la nouvelle Ionieils fondrent Scyppium vers les confins de la Colophonie.

    [9] Ils s'en dgotrent encore, et en tant sortis ils se fixrent enfin dans le pays o ilssont aujourd'hui et btirent la ville de Clazomne en terre ferme ; la peur qu'ils eurent desPerses fit mme qu'ils passrent dans l'le qui est situe vis--vis. Ensuite Alexandrevoulut joindre l'le la ville par le moyen d'une chausse, ce qui en aurait fait unepninsule. Clazomne ne fut pas seulement habite par des Ioniens, il y vint aussi desClonens, des Phliasiens, et plusieurs autres qui aprs le retour des Doriens dans lePloponnse, furent obligs de quitter leur premire demeure, les uns par une raison, lesautres par une autre.

    [10] A l'gard des Phocens Asiatiques, ils descendent originairement de ceux quioccupent encore de nos jours la Phocide auprs du mont Parnasse. Ils passrent enAsie sous le commandement de Philogne et de Damon Athniens, et s'tablirent dansle lieu oh ils sont, non par voie de conqute, mais du consentement des Cumens. LesIoniens ne voulurent ni faire alliance avec eux, ni les admettre dans l'assemble destats, qu' condition qu'ils obiraient des Rois du sang de Codrus. C'est pourquoi ilsprirent chez les Erythrens et chez ceux de Tos trois princes de cette maison, savoirOets, Periclus et Abartus.

    IV. [1] Les Ioniens possdent plusieurs autres villes dans les les. Ils ont Samos au-dessus de Mycale, et Chio vis--vis du mont Mimas. Si nous en croyons le pote Asiusde Samos fils d'Amphiptoleme, Phoenix pousa Primede fille d'Oeneus, et en eut deux

    filles, Astypale et Europe. Astypale fut aime de Neptune ; et de ce commerce naquitAnce, qui rgna sur ces peuples que l'on nommait Llges. Ance pousa Samia filledu Mandre ; il en eut quatre fils, Prilas, Enudus, Samus, Alitherse, et une fille qui eutnom Parthnope : cette fille plut Apollon et lui donna un fils qui s'appella Lycomede :voil ce qu'Asius dit dans ses posies.

    [2] Ce fut en ce temps-l que les Ioniens entrrent dans Samos, et ils y furent reusmoins par amiti que par force. Ils avaient leur tte Procls fils de Pityre ; c'tait unEpidaurien qui menait avec lui bon nombre de ses compatriotes que Dphon et lesArgiens avaient chasss de l'Epidaurie. Ce Procls descendait d'Ion fils de Xuthus ; il eutun fils nomm Logorus qui fut roi des Samiens aprs son pre. Les Ephsiens sous laconduite d'Androcle lui firent la guerre, et l'ayant vaincu ils le chassrent de son le, lui etles Samiens, sous prtexte qu'ils avaient voulu se liguer avec les Cariens contre les

    Ioniens.

    [3] Une partie de ces fugitifs alla s'tablir dans cette le de la Thrace que l'on appellaitautrefois Dardanie, et qui depuis fut appelle de leur nom Samothrace, les autressuivirent Logorus, passrent dans le continent qui est au-del de Samos et y btirentune forteresse auprs d'Ana, d'o onze ans aprs tant venus assiger Samos, ils lareprirent et en chassrent les Ephsiens leur tour.

    [4] Quelques-fins disent que le temple de Junon qui est Samos a t bti par lesArgonautes, et que ce sont eux qui y ont transfr d'Argos la statue de la Desse.L'opinion des Samiens est que Junon naquit dans leur le sur les bords du fleuveImbrasus, et sous un saule qu'ils montrent encore aujourd'hui dans l'enceinte consacre

    la Desse. Son temple est fort ancien, en juger surtout par sa statue qui est unouvrage de Smilis d'Egine fils d'Euclide ; car ce statuaire vivait du temps de Ddale, mais

  • 8/12/2019 Pausanias-Description de la Grce- L'Achae- http://www.projethomere.com

    9/42

    il tait beaucoup moins illustre.

    [5] Pour Ddale, outre qu'il tait n Athnes, de race royale et de la famille desMtionides, son art, sa fuite, ses voyages, ses malheurs mmes, tout contribuait lerendre clbre. Coupable du meurtre de son propre neveu fils de sa soeur, et n'ignorantpas les lois de son pays sur l'homicide, il se rfugia en Crte auprs de Minos. L il fit

    des ouvrages merveilleux pour Minos et pour ses filles, comme Homre nous l'apprenddans l'Iliade.

    [6] Mais convaincu d'un nouveau crime il fut mis avec son fils dans une troite prison,d'o ayant trouv le moyen de se sauver, il passa Inyque ville de Sicile et alla implorerla protection du roi Cocalus. Minos le redemandant, et Cocalus ne voulant pas le livrer, ilcausa la guerre entre les deux Rois. Enfin les filles de Cocalus conurent tant d'estimepour lui, et furent si charmes de la beaut de ses ouvrages, que pour conserver cetexcellent homme, elles jurrent la mort de Minos.

    [7] En un mot dans la Sicile et dans toute l'Italie rien n'tait alors si fameux que le nom deDdale, au lieu que Smilis n'tait gure connu que des Samiens et des Elens. Mais du

    moins passe-t-il pour constant chez ces peuples que la statue de Junon Samos est delui.

    Tardieu, 1821

    [8] Quant l'le de Chio, voici ce que nous apprend Ion pote tragique et historien.Neptune selon lui vint dans une le dserte, il y trouva une nymphe dont il devint

    amoureux. Il en eut un fils, et le jour que la nymphe le mit au monde, il tomba une sigrande quantit de neige que le nom lui en demeura ; il fut appell Chius, parce que

  • 8/12/2019 Pausanias-Description de la Grce- L'Achae- http://www.projethomere.com

    10/42

  • 8/12/2019 Pausanias-Description de la Grce- L'Achae- http://www.projethomere.com

    11/42

    tous voulurent avoir l'honneur de la tirer bord, et s'y employrent de toutes leurs forces.

    [7] Un Erythren nomm Phormion pcheur de son mtier, et qui avait perdu la vue parune maladie, fut averti en songe que si les femmes d'Erythres voulaient couper leurscheveux et que l'on en ft une corde, on amnerait le radeau sans peine. Pas uneErythrenne ne se mettant en devoir de dfrer ce songe,

    [8] des femmes de Thrace qui bien que nes libres servaient Erythres, sacrifirent leurchevelure ; par ce moyen les Erythrens eurent la statue du Dieu en leur possession, etpour rcompenser le zle de ces Thraciennes, ils ordonnrent qu'elles seraient lesseules femmes qui auraient la libert d'entrer dans le temple d'Hercule. Ils montrentencore aujourd'hui cette corde faite de cheveux, et la conservent soigneusement. Al'gard du pcheur, ils assurent qu'il recouvra la vue et qu'il jouit de ce bienfait le reste deses jours.

    [9] Il y a encore Erythres un temple de Minerve Poliade. Sa statue est de bois, d'unegrandeur extraordinaire, assise sur une espce de trne, et tenant une quenouille desdeux mains ; la Desse a sur la tte une couronne surmonte de l'toile polaire. Je crois

    cette statue d'Endoeus ; j'en juge par plusieurs indices, mais surtout par la manire donttout l'ouvrage est faonn, et encore plus par les Heures et les Grces de marbre blanc,qui taient exposes l'air peu avant que j'arrivasse Erythres. Le temple d'Esculapeque l'on voit Smyrne a t fait de mon temps ; il est bti entre une montagne fort hauteet un bras de mer, qui a cela de particulier qu'il ne mle ses eaux avec aucune autre.

    [10] Mais l'Ionie outre la beaut du climat et la magnificence de ses temples a biend'autres choses qui mritent qu'on en parle. Dans le territoire d'Ephse vous avez lefleuve Cenchrius, le mont Pion ainsi nomm cause de la fertilit de son terroir, lafontaine Alipia, et aux environs de Milet la fontaine Biblis si clbre par l'aventure de lamalheureuse Biblis. A Colophon le bois sacr d'Apollon, o il y a des frnes d'une grandebeaut, et prs de ce bois le fleuve Alens, de tous les fleuves de l'Ionie le plus renomm

    pour la fracheur de ses eaux.

    [11] Lbdos est voir pour ses bains galement salutaires et magnifiques. Il y en aaussi dans le voisinage de Tos sur le promontoire Macria, et plusieurs, les uns creussnaturellement dans le roc sur le bord de la mer, les autres faits de main d'homme et fortorns. Les Clazomniens ont aussi les leurs, o ils rendent une espce de culte Agamemnon. Auprs est un antre qu'ils disent tre l'antre de la mre de Pyrrhus, et ilsfont je ne sais quel conte de Pyrrhus berger.

    [12] Les Erythrens ont le bourg Chalcitis qui a donn son nom leur troisime tribu ; dece ct-l vous voyez un promontoire qui avance dans la mer, et d'o sort une sourced'eau, la meilleure et la plus saine qu'il y ait dans toute l'Ionie.

    [13] Les Smyrnens ont dans leur pays la rivire de Mls qui est une trs belle rivire ; sa source est une grotte o l'on dit qu'Homre composait ses pomes. A Chio l'on voitle tombeau d'Oenopion, digne de curiosit par lui-mme, et par les grandes choses quel'on raconte de ce hros. A Samos, sur le chemin qui mne au temple de Junon 1'onvous montrera la spulture de Rhadine et de Lontichus ; il est assez ordinaire auxamants malheureux d'aller faire des voeux sur ce tombeau. En un mot l'Ionie est pleinede curiosits qui ne le cdent gure pas une de celles que l'on trouve dans les autresendroits de la Grce.

    [Histoire de l'Achae]

  • 8/12/2019 Pausanias-Description de la Grce- L'Achae- http://www.projethomere.com

    12/42

    Monin, 1830

    VI. [1] Aprs la transmigration des Ioniens, les Achens partagrent leur domaine entreeux, et le sort en dcida ; ce domaine consistait en douze villes qui sont connues de tousles Grecs : c'est savoir Dyme, que l'on trouve la premire en venant d'Elis, ensuiteOlene, Phares, Tritia, Rhypes, Egion, Ceryne, Bure, Hlice, Eges, Egire, et Pellene quiest la dernire du ct de la Sicyonie. Les Achens et leurs rois s'tablirent dans toutesces villes, qui auparavant taient habites par les Ioniens.

    [2] Les principaux rois des Achens taient Damne, Sparton, Tells et Lontomne,tous fils de Tisamne ; car leur an Comts tait dj pass en Asie. Ces quatreprinces avec Damasias leur cousin germain fils de Penthilus et petit-fils d'Oreste avaienttoute l'autorit ; cependant Preugene et Patrus son fils, souverains de ces Achens quiavaient t chasss de Lacdmone, furent associs aux autres princes. On leur donnaen souverainet une ville qui depuis du nom de Patrus fut nomme Patra.

    [3] Il me faut maintenant parler des exploits militaires de ces peuples. Au temps de laguerre de Troie, lorsque les Achens taient encore matres de Sparte et d'Argos, ilsfaisaient une partie considrable des Grecs et ils eurent grande part cette expdition.Mais dans la guerre des Perses, ils ne se trouvrent ni au pas des Thermopyles oLonidas fit une action si mmorable, ni au combat naval qui fut donn par Thmistoclegnral des Athniens entre Salamine et l'le Eube ; car il n'est fait aucune mentiond'eux dans le dnombrement soit des Lacdmoniens, soit des Athniens.

    [4] Ils n'arrivrent mme Potide qu'aprs que le combat fut fini ; c'est la raisonpourquoi vous ne voyez point le nom des Achens sur le monument que les Grecsconsacrrent Jupiter Olympien en action de grce de leur victoire. Je crois qu'alors ilsne se mettaient en peine que de dfendre leur pays ; peut-tre aussi qu'enfls d'avoir

    autrefois conquis le royaume de Priam ils n'aimaient pas tre commands par lesLacdmoniens, qui taient non plus de ces anciens Achens, mais des Doriens ; c'estmme ce qui parut dans la suite. Car dans la guerre de Lacdmone contre Athnes ilsdonnrent du secours ceux de Patra, et favorisrent toujours les Athniens.

    [5] Mais depuis ce temps-l, lorsqu'il fut question de la cause commune des Grecs,comme Chrone o toute la Grce tait runie contre les Macdoniens et contrePhilippe, les Achens firent leur devoir. S'ils ne marchrent pas en Thessalie pour courirmme fortune que les Athniens la journe de Lamia, c'est qu'ayant t dfaits enBotie ils n'taient pas remis encore de leurs pertes, du moins ainsi le disent leurshistoriens. Dans le temps que j'tais Patra, celui qui me montrait les curiosits du paysm'assura qu'il n'y eut qu'un seul Achen qui se trouva cette bataille ; il le nommaitChilon et me disait que ce Chilon tait un homme qui s'tait fait de la rputation la lutte.

    [6] Je sais pour moi qu'il y eut aussi un Lydien nomm Adraste qui par inclination

  • 8/12/2019 Pausanias-Description de la Grce- L'Achae- http://www.projethomere.com

    13/42

    s'attacha aux Grecs et voulut suivre leur sort. Les Lydiens lui rigrent ensuite une statuede bronze, devant le temple de Diane Persique, avec une inscription qui porte que cetAdraste mourut en combattant pour les Grecs contre Lonnatus.

    [7] Quant l'irruption que firent les Gaulois lorsqu'ils passrent les Thermopyles, ni lesAchens, ni les autres peuples du Ploponnse ne crurent pas devoir beaucoup s'en

    alarmer. Ils se persuadrent qu'ils n'avaient qu' fortifier l'isthme de Corinthe depuis leport Leche jusqu'au port Cenchre, parce que ces barbares n'ayant point de flotte ils nepouvaient pntrer que par cet espace de terre qui est entre les deux mers ; c'tait lesentiment gnral de tous les Ploponnsiens.

    [8] Et lorsque ces mmes Gaulois ayant par tout moyen rassembl des vaisseaux furentpasss en Asie, voici en quel tat se trouva la Grce. Aucune puissance n'tait assezsuprieure l'autre pour entreprendre de lui donner l'exemple ou de lui faire la loi. LesLacdmoniens avaient reu Leuctres une plaie qui saignait encore ; d'ailleurs d'unct les Arcadiens runis contre eux dans la ville de Mgalopolis, de l'autre lesMessniens leurs portes et toujours prts les harceler ne leur permettaient pas dereprendre leur ancienne supriorit.

    [9] Thbes dtruite par Alexandre et rtablie peu d'annes aprs par Cassander n'avaitpas eu le temps de se relever. Les Athniens avaient la vrit l'affection de la plupartdes Grecs qui se souvenaient de l'tat florissant o avait t Athnes ; mais lesMacdoniens ne leur donnaient pas le moindre relche.

    VII. [1] Or en ce temps-l que les diffrents peuples de la Grce peu touchs de l'intrtcommun de la nation, ne s'occupaient que de leur intrt particulier, les Achensl'emportaient sur tous les autres en force et en puissance. Car premirement toutes leursvilles la rserve de Pellne avaient t exemptes de la domination des tyrans ; ensecond lieu la guerre et la peste les avaient beaucoup plus pargnes que toutes lesautres parties de la Grce. C'est pourquoi non seulement les tats d'Achae taient

    toujours assembls, mais on y agitait sans cesse tout ce qui tait du bien public.

    [2] Il avait plu aux Achaens de transfrer ces tats Egium, parce que de toutes leursvilles, depuis qu'Hlice avait t submerge, Egium tait la plus considrable et la plusriche. Les premiers qui envoyrent leurs dputs cette assemble furent lesSicyoniens. Les autres peuples du Ploponnse suivirent l'exemple des Sicyoniens, lesuns plus tt, les autres plus tard, et enfin ceux mme qui habitaient hors de l'isthme,attirs par le succs de cette espce de confdration, voulurent aussi y entrer.

    [3] Les Lacdmoniens furent les seuls Grecs qui firent bande part, et bientt aprs ilsdclarrent la guerre aux Achens. En effet Agis fils d'Eudamidas roi de Sparte pritPellne, qui peu aprs fut reprise par Aratus gnral des Sicyoniens. A quelque tempsde l Clomne fils de Lonidas et petit-fils de Clonyme, de l'autre maison royale, dfit

    Aratus et les Achens en bataille range auprs de Dyme, puis il fit la paix avecAntigonus et avec les Achens.

    [4] Antigonus gouvernait alors la Macdcine sous le nom du jeune Philippe son pupille.Ce Philippe tait fils de Dmtrius, et Antigonus tait cousin germain et beau-pre dujeune prince. Clomne qui venait de jurer la paix avec les Achens, comptant pour riende violer la foi des traits et de ses serments, alla tout aussitt mettre feu et sang laville de Mgalopolis en Arcadie. Mais peu de temps aprs, lui et les Lacdmoniensfurent taills en pices par Antigonus Slasie, et cet vnement fut regard commeune juste punition de leur infidlit. Laissons-l Clomne, nous reviendrons lui quandnous en serons aux affaires d'Arcadie.

    [5] Cependant Philippe fils de Dmtrius sorti de tutle reut le royaume de Macdoinedes mains d'Antigonus, qui le lui remit sans peine. Non seulement il ne descendait pas

  • 8/12/2019 Pausanias-Description de la Grce- L'Achae- http://www.projethomere.com

    14/42

    de Philippe fils d'Amyntas, mais ses pres avaient t sujets de ce prince. Nanmoins la faveur de son nom et par l'ambition qu'il avait de marcher sur les pas du premierPhilippe, il tait dj formidable aux Grecs. Comme lui, il ne plaignait point l'argentlorsqu'il s'agissait de se faire des cratures dans les villes grecques, et de gagner ceuxqui prfraient leur intrt particulier l'intrt commun de leur patrie. Mais, ce qui netomba jamais dans l'esprit au fils d'Amyntas, en buvant familirement avec les grands de

    son royaume il savait fort bien empoisonner ceux qui lui taient suspects ; ce crime ne luicotait rien, et il regardait comme une bagatelle de se dfaire d'un homme par le poison.

    [6] Il tenait garnison macdonienne dans trois places qui lui ouvraient toute la Grce ;aussi se vantait-il d'en avoir les clefs. L'une de ces places tait Corinthe dans lePloponnse, et il eut grand soin d'en bien fortifier la citadelle. La seconde tait Chalcissur l'Euripe, qui lui servait de rempart contre les Grecs de l'le Eube, de la Botie et dela Phocide. La troisime tait Magnsie sous le mont Plion ; cette dernire tait unebarrire contre les Thessaliens et contre les Etoliens. De plus, Philippe harcelaitcontinuellement les peuples de l'Attique et de l'Etolie soit en tenant la campagne, soit pardes dtachements qui ravageaient leurs terres et se retiraient incontinent aprs.

    [7] J'ai dit dans mon premier livre que les Grecs et les barbares s'unirent avec lesAthniens contre ce prince, et j'ai racont aussi de quelle manire les Athniens et leursallis puiss par la longueur de la guerre furent enfin obligs d'implorer le secours desRomains. Peu de temps auparavant les Romains avaient fait marcher quelques troupesmoins pour secourir l'Etolie, que pour observer les desseins des Macdoniens.

    [8] Mais dans le pressant besoin o se trouva Athnes, ils envoyrent en Grce unebonne arme sous la conduite d'Atilius, c'tait le nom de famille de ce consul ; car lesRomains n'ajoutent pas le nom de leurs pres au leur propre comme font les Grecs, maisils ont chacun trois noms, et plutt plus que moins. Atilius avait ordre seulement dedfendre les Athniens et les Etoliens contre les armes de Philippe ; il passa ses ordres.

    [9] Hestia en Eube, et Anticyre dans la Phocide s'taient soumises Philippe nepouvant faire autrement ; Atilius assigea ces deux villes, les prit et les saccagea. Ce fut,autant que j'en puis juger, la raison pourquoi les Romains le rappellrent et mirentFlaminius en sa place.

    VIII. [1] Ce nouveau gnral ne fut pas plutt arriv que passant sur le ventre un corpsde Macdoniens qui couvrait Erthrie, il prit cette place et l'abandonna au pillage. Ensuiteil alla mettre le sige devant Corinthe o il y avait garnison macdonienne, et en mmetemps il dputa aux Achens pour les prier de venir joindre leurs forces avec les siennes,suivant les engagements qu'ils avaient pris avec les Romains, et la bonne volont desRomains pour les Grecs.

    [2] Mais les Achens ne se pressrent pas ; ils ne pouvaient pardonner Flaminius, ni

    son prdcesseur, d'avoir dtruit d'anciennes villes grecques qui n'avaient manqu enrien aux Romains et dont tout le crime tait d'avoir cd la ncessit en recevant la loidu vainqueur. D'ailleurs ils prvoyaient que les Romains aprs avoir chass Philippe etles Macdoniens prendraient leur place, et assujettiraient leur tour l'Achae et toute laGrce. Ces raisons furent agites avec beaucoup de chaleur dans le conseil desAchens ; mais les partisans des Romains l'emportrent, et il fut arrt que les Achensaideraient Flaminius de toutes leurs forces ; de sorte que Corinthe fut bientt oblige dese rendre.

    [3] Les Corinthiens se voyant dlivrs du joug des Macdoniens se ligurent aussittavec les Achens, comme ils avaient dj fait, lorsque Aratus gnral des Sicyoniens eutchass de la citadelle de Corinthe la garnison qu'Antigonus y avait mise, et tu Perse

    qui en tait le commandant. Depuis la prise de Corinthe les Achens furent regardscomme les bons et fidles allis des Romains, et en effet durant un temps ils se

  • 8/12/2019 Pausanias-Description de la Grce- L'Achae- http://www.projethomere.com

    15/42

    montrrent tout dvous leurs volonts ; car ils allrent avec eux en Macdoine faire laguerre Philippe, ensuite ils les accompagnrent dans leur expdition contre lesEtoliens, et enfin ils marchrent en Syrie sous leurs enseignes pour combattre Antiochuset les Syriens.

    [4] Dans la guerre qu'ils firent aux Macdoniens et aux Syriens ils ne suivirent que

    l'inclination qu'ils avaient pour les Romains. Mais dans la suite ils se dclarrent contreles Lacdmoniens, et en cela ils satisfirent leur ressentiment particulier ; car depuislongtemps ils avaient plus d'un grief contre eux. C'est pourquoi aprs que le tyran Nabishomme cruel et sanguinaire eut t tu, ils songrent aussitt se venger d'eux,

    [5] ils les assujettirent aux rsolutions du conseil d'Achae, leur firent rendre un comptesvre de toutes leurs injustices, et enfin rasrent les murs de Sparte. Ces murs avaientt faits assez la hte pour dfendre la ville contre l'arme de Dmtrius et ensuitecontre celle de Pyrrhus qui en formrent le sige. Depuis, Nabis les rebtit et il n'pargnarien pour les rendre d'une bonne dfense. Les Achens les dmolirent, et abolissant ladiscipline de la jeunesse lacdmonienne, contenue dans les lois de Lycurgue ils yaccoutumrent leur propre jeunesse.

    [6] Mais je traiterai tout cela plus au long, lorsque j'en serai aux affaires d'Arcadie.Cependant les Lacdmoniens lasss d'un joug aussi pesant que celui des Achenseurent recours Mtellus et ses collgues qui taient venus de Rome. On les envoyaitnon pour dclarer la guerre Philippe, avec qui au contraire les Romains avaient fait lapaix, mais pour connatre des plaintes que les Thessaliens et les Epirotes faisaient de ceprince.

    [7] Il tait extrmement affaibli de ses pertes, car aprs avoir eu du dessous dansplusieurs escarmouches il voulut donner bataille Flaminius auprs de Cynocphales, ettaill en pices, non seulement il perdit la meilleure partie de son arme, mais il n'obtintla paix qu' condition qu'il vacuerait toutes les places qu'il occupait dans la Grce.

    [8] Encore cette paix qui lui cota bien cher ne fut-elle qu'un vain nom, puisqu'au fond ilse mit pour ainsi dire les fers aux pieds et devint comme l'esclave des Romains. Ainsil'on vit arriver ce que la Sybile, sans doute inspire d'en haut, avait prdit longtempsauparavant, que l'empire de Macdoine aprs tre parvenu un haut point de gloiresous Philippe fils d'Amynthas tomberait en dcadence et en ruine sous un autre Philippe.Car l'oracle qu'elle rendit tait conu en ces termes :

    [9] Macdoniens qui vous vantez d'obir des rois issus des anciens rois d'Argos,apprenez que deux Philippes feront tout votre bonheur et votre malheur. Le premierdonnera des matres de grandes villes et des nations ; le second vaincu par despeuples sortis de l'Occident et de l'Orient vous perdra sans ressource et vous couvrirad'une honte ternelle.En effet les Romains par qui le royaume de Macdoine fut

    renvers taient au couchant de l'Europe, et ils furent seconds par Attalus roi de Mysieet par les Mysiens qui taient l'orient.

    IX. [1] Mais pour reprendre le fil de ma narration ; Mtellus et ses collgues ayant gardaux plaintes des Lacdmoniens, prirent les Achens de convoquer les tats-gnrauxde la nation, afin que les Lacdmoniens y pussent dfendre leurs intrts et obtenir untraitement moins dur. A cela les Achens rpondirent que ni Mtellus ni les autresn'taient en droit de demander la convocation des tats, qu'au pralable ils n'eussentmontr leurs ordres, et qu'ils ne fussent autoriss par un dcret du Snat. Lesambassadeurs romains prirent ce refus pour une injure faite leur caractre, et s'enretournrent Rome, o ils n'oublirent rien pour rendre les Achens odieux, exagrantleurs torts mme aux dpens de la vrit.

    [2] Ars et Alcibiade se dchanrent encore plus contre ces peuples ; c'taient deux

  • 8/12/2019 Pausanias-Description de la Grce- L'Achae- http://www.projethomere.com

    16/42

    Lacdmoniens qui taient en grande estime parmi leurs compatriotes, mais fort injustesenvers les Achens ; car ayant t chasss de Sparte par Nabis ils se retirrent enAchae, et aprs la mort du tyran les Achens les ramenrent en leur patrie et les y firentrecevoir malgr l'opposition du peuple.

    [3] Cependant ces ingrats introduits dans le Snat Rome noircirent les Achens encore

    plus que n'avaient fait les ambassadeurs. Aussi ds qu'on sut en Achae qu'ils taientsortis de Rome et qu'ils revenaient, on ne manqua pas de leur faire leur procs et de lescondamner mort. Quant aux Romains ils envoyrent Appius avec d'autres dputspour juger quitablement le diffrend qui tait entre les Achens et les Lacdmoniens.Mais leur arrive ne fut pas agrable aux Achens, parce qu'ils amenaient avec euxArs et Alcibiade qui s'taient dclars leurs ennemis. Ce qui acheva d'irriter les esprits,ce fut que dans l'assemble des tats les dputs de Rome parlrent d'un ton fort haut,nullement propre persuader.

    [4] Dans cette assemble Lycortas de Mgalopolis tenait son rang ; c'tait un Arcadienqui ne le cdait pas un autre en mrite et en dignit, et l'amiti de Philopoemen luienflait encore le courage. Il entreprit la dfense des Achens, parla avec beaucoup de

    libert, et tana la conduite des Romains par son discours. Les dputs s'en moqurent,ils soutinrent qu'Ars et Alcibiade n'avaient fait aucun tort aux Achens, et permirentaux Lacdmoniens de dputer Rome ; quoique par un trait fait entre les Achens etles Romains il ft expressment dit que les tats-gnraux pourraient envoyer Romedes dputs, mais qu'aucune des villes confdres ne le pourrait faire en son propre etpriv nom.

    [5] Les Achens souffrant ce qu'ils ne pouvaient empcher, ne surent faire autre choseque d'envoyer aussi des dputs de leur ct. Les uns et les autres frrent couts dansle Snat ; aprs quoi les Romains renvoyrent les mmes commissaires en Grce avecplein pouvoir de terminer cette querelle en la manire qu'ils jugeraient la plusconvenable. Appius et ses collgues ne furent pas plutt arrivs, qu'ils rappellrent

    Sparte tous ceux que les Achens en avaient bannis. Plusieurs avaient t condamns de grosses amendes, pour s'tre absents et avoir voulu dcliner le jugement desAchens ; les commissaires leur remirent les peines qu'ils avaient encourues.Vritablement ils ne tirrent pas les Lacdmoniens de la dpendance du conseild'Achae ; mais ils ordonnrent que les causes capitales seraient l'avenir portes auSnat de Rome, laissant du reste aux Achens la libert de faire droit sur les causesmoins importantes. Enfin ils permirent aux Spartiates d'entourer leur ville d'une bonnemuraille.

    [6] Les bannis de retour Sparte ne songrent qu' faire de la peine aux Achens ; poury russir ils persuadent plusieurs Messniens chasss de leur pays comme complicesde la mort de Philopoemen, et tout ce qu'il y avait d'Achens exils ; ils leurpersuadent, dis-je, d'aller porter leurs plaintes Rome, et pour les appuyer ils y vont

    avec eux. L ils trouvent Appius qui ne manque point de prendre le parti desLacdmoniens contre les Achens, et qui tourne l'esprit du Snat comme il lui plat, desorte qu'il obtient sans peine le rappel des exils. Aussitt le Snat fait expdier pourAthnes et pour l'Etolie des lettres circulaires, par lesquelles il les informe de son dcret,leur enjoint de tenir la main son excution, et de faire rtablir dans leurs biens tous lesMessniens et les Achens qui avaient ete bannis.

    [7] Cette violence chagrina fort les Achens ; ce n'tait pas la premire injustice qu'ilsavaient reue de la part des Romains, et leurs services passs n'taient pays qued'ingratitude ; car aprs avoir fait la guerre Philippe, aux Etoliens, et Antiochus pourl'amour des Romains, ils se voyoient sacrifis des bannis et des sclrats ;cependant ils jugrent propos de se soumettre, et ils cdrent la ncessit.

    X. [1] Il tait donc aussi de la destine des Achens de se voir plongs dans les derniers

  • 8/12/2019 Pausanias-Description de la Grce- L'Achae- http://www.projethomere.com

    17/42

    malheurs, par la perfidie de ces hommes corrompus qui pour leur intrt particulier sonttoujours prts livrer leur patrie et leurs concitoyens. A dire le vrai depuis que cettepeste eut une fois pntr en Grce, elle ne cessa point de l'affliger ; car en premier lieudu temps de Darius fils d'Hystape roi de Perse, les affaires des Ioniens furent presqueentirement ruines par la trahison de ceux qui commandaient les galres de Samos, etqui passrent du ct de l'ennemi la rserve de onze seulement.

    [2] Aprs la dfaite des Ioniens les Perses saccagrent Erthrie, et ce fut encore par laperfidie de Philagre fils de Cyns, et d'Euphorbe fils d'Alcimaque, qui tenaient un rangconsidrable dans la ville. Lorsque Xerxs fit une invasion dans la Grce, les Aleuadeslui ouvrirent la Thessalie, et Thbes fut livre par deux de ses principaux citoyens,Attagmus et Timagnidas. Durant la guerre du Ploponnse Xnias Elen n'entreprit-ilpas d'introduire Agis et les Lacdmoniens dans Elis ?

    [3] Et sous Lysander ensuite ceux que l'on appellait ses htes furent-ils en repos qu'ils nel'eussent rendu matre de leurs propres villes ? Sous Philippe fils d'Amyntas on netrouvera que la seule ville de Sparte qui n'ait pas connu les noirs complots et la perfidie ;toutes les autres furent plus infectes de trahison qu'elles ne l'avaient t de la peste

    quelque temps auparavant. Alexandre fils de Philippe dut encore cet avantage safortune, que de son temps il n'y eut point d'exemple de pareille lchet, du moins quimrite qu'on en parle.

    [4] Mais aprs la malheureuse journe de Lamia, comme Antipater se htait de porter laguerre en Asie, qu'en partant il n'tait pas fch de donner la paix aux Athniens, et qu'ilne croyait pas que ce ft contre la politique de laisser Athnes et toute la Grce libre,Dmade et les autres tratres persuadrent ce prince qu'il ne fallait pas avoir tant dedouceur pour les Grecs, et aprs avoir intimid le peuple d'Athnes, ils furent cause quecette ville et plusieurs autres reurent garnison macdonienne.

    [5] Une preuve quele mal tait au-dedans, c'est que les Athniens firent une plus grande

    perte en Botie, ayant eu mille hommes tus et deux mille faits prisonniers, et cependantils ne se soumirent pas Philippe ; au lieu qu'aprs l'affaire de Lamia o ils ne perdirentque deux cent hommes, ils subirent le joug des Macdoniens. On voit par ce dtail queles tratres dans tous les temps furent comme une autre peste qui dsola toutes les villesde la Grce. Les Achens n'en furent pas exempts ; la mchancet de Callicrate lesassujettit enfin aux Romains. Le commencement de leurs maux fut une suite de ladfaite de Perse, et du renversement de l'empire de Macdoine.

    [6] Car Perse fils de Philippe tant en paix avec les Romains, au lieu d'observer le traitfait entre eux et son pre, attaqua Abrupolis roi des Sapens qui tait alli du peupleRomain, et il le chassa de ses tats. Les Sapens sont des peuples dont il est parl dansles ambes d'Archiloque.

    [7] Les Romains pour venger leurs allis firent la guerre Perse, conquirent laMacdoine, et y envoyrent ensuite dix commissaires pour y rgler toutes chosesconformment aux vues du Snat. Ds que ces commissaires furent en Grce, Callicrateleur fit sa cour et n'oublia rien pour leur plaire ; il remarqua qu'il y en avait un qui n'taitpas fort port pour la justice ; il s'attacha surtout le gagner, et lui persuada qu'il pouvaitprendre sance dans le conseil d'Achae.

    [8] Le commissaire y vint en effet, et l en pleine assemble il se plaignit de ce que lesplus puissants de la nation avaient entretenu des pratiques avec Perse et l'avaientassist contre les Romains ; il demanda qu'on pronont peine de mort contre ces mal-intentionns, et dit qu'ensuite il les nommerait tous par leur nom. Sa proposition parut forttrange ; on lui dit que s'il connaissait de ces personnes, il devait commencer par les

    nommer, et que la justice ne permettait pas qu'on les condamnt sans les entendre,encore moins sans les connatre.

  • 8/12/2019 Pausanias-Description de la Grce- L'Achae- http://www.projethomere.com

    18/42

    [9] Alors le commissaire se voyant blm de tout le monde, eut la hardiesse de soutenirque les Officiers-gnraux des Achens taient tous en faute, et qu'ils avaient favorisPerse et les Macdoniens contre les intrts des Romains ; il parla ainsi l'instigationde Callicrate. Xnon homme de considration parmi les Achens prenant la parole : Jerpondrai, dit-il, l'accusation intente. J'ai command les troupes des Achens, mais je

    n'ai jamais eu de liaison avec Perse, ni n'ai offens les Romains en quoi que ce soit ; jesuis prt prouver mon innocence, soit dans le conseil d'Achae, soit dans le Snat deRome si l'on veut.

    [10] Cette parole qui n'tait que le tmoignage d'une bonne conscience ne tomba pas terre ; le commissaire la releva, et s'en prvalant propos il ordonna que tous ceux quitaient accuss allassent Rome pour y tre jugs. C'est ce que la Grce n'avait pointencore vu ; car ni Philippe fils d'Amyntas, ni Alexandre, les deux plus puissants rois deMacdoine, quand ils avaient se plaindre de quelques Grecs, ne les traduisaient point leur tribunal, mais ils souffraient que ces sortes d'affaires fussent portes devant lesamphictyons.

    [11] Il plut aux Romains d'en user autrement ; ils firent un dcret par lequel tous ceux queCallicrate avait dnoncs taient cits Rome. On y amena plus de mille Achens, quiregards comme gens dj condamns au conseil d'Achae furent mis en prison etdistribus dans toutes les villes de l'Etrurie. Les Achens envoyrent en vain dputs surdputs pour obtenir leur grce ou leur jugement.

    [12] Enfin au bout de dix-sept ans on les crut assez punis, et on rendit la libert cesmisrables qui se trouvrent rduits moins de trois cents, les autres avaient pri demisre. Pour ceux qui tchaient de se sauver lorsqu'on les conduisait Rome, ou quis'enfuyaient de leur prison, si on les attrapait il n'y avait point de misricorde pour eux, onles faisait mourir.

    XI. [1] Les Romains sachant que les Lacdmoniens et les Argiens taient en diffrendsur leurs limites, envoyrent encore un commissaire du corps des snateurs pouraccommoder la querelle entre ces deux peuples. Ce fut Sulpitius Gallus ; il agit et parlaavec hauteur, et pour dire ce qui en est, il se moqua galement des uns et des autres.

    [2] Car ces deux villes si clbres, Sparte et Argos, qui avaient autrefois soutenu siglorieusement la guerre, pour le mme sujet, et qui eurent ensuite Philippe fils d'Amyntaspour mdiateur ; ces villes, dis-je, ne parurent pas Gallus dignes de son attention, ilrenvoya l'affaire Callicrate, de tous les Grecs l'homme le plus insolent et le pluscorrompu.

    [3] Les Etoliens de Pleuron qui taient soumis aux Achens, vinrent prier Gallus de lesaffranchir de cette domination. Il leur permit d'envoyer en leur nom des dputs Rome

    pour demander cette grce qui leur fut accorde ; et en mme temps vint un ordre Gallus de dsunir de la ligue d'Achae tout autant de villes qu'il pourrait, ce qu'il eut grandsoin d'excuter.

    [4] Sur ces entrefaites il arriva que le peuple d'Athnes plus par ncessit quevolontairement, pilla Orope ville de la dpendance de cette rpublique. Car dire vrai,les Athniens qui avaient t fort malmens par les Macdoniens, se trouvaient rduits la dernire misre ; mais ceux d'Orope portrent leurs plaintes au Snat de Rome, quidsapprouvant la violence et l'injustice des Athniens, donna ordre aux Sycioniens de lesobliger payer des dommages et intrts proportionns au tort qu'ils avaient fait.

    [5] Les Sycioniens aprs avoir cit ceux d'Athnes, voyant qu'ils ne comparaissaient

    point, les condamnrent cinq cents talents de dommages et intrts. Les Athniens enappelrent au Snat qui modra cette somme cent talents ; encore ne les payrent-ils

  • 8/12/2019 Pausanias-Description de la Grce- L'Achae- http://www.projethomere.com

    19/42

    point ; car non seulement ils adoucirent les Oropiens par de magnifiques promesses etpar des prsents, mais ils les engagrent recevoir garnison athnienne dans leur ville,et donner des otages pour sret de cette garnison, condition que si on leur faisaitquelque nouvelle injure, les Athniens retireraient aussitt leurs troupes, et rendraient lesotages.

    [6] Peu de temps aprs, quelques soldats de la garnison ayant de nouveau maltrait leshabitants, ceux-ci dputrent aux Athniens pour les prier de retirer cette garnison, et derenvoyer les otages, suivant que l'on en tait convenu de part et d'autre : mais lesAthniens n'en voulurent rien faire, disant que la faute de quelques soldats ne devait pass'imputer au peuple d'Athnes, et qu'ils chtieraient les coupables.

    [7] Les Oropiens voyant qu'on se moquait d'eux, implorrent le secours des Achens ; etcomme ils savaient que les Achens taient lis d'amiti avec Athnes, ils s'adressrent Mnalcidas de Sparte qui commandait alors l'arme d'Achae, et lui promirent dixtalents, s'il pouvait engager les Achens prendre leur querelle. Mnalcidas comprit qu'ilfallait gagner Callicrate que l'amiti des Romains rendait tout-puissant dans le conseild'Achae ; il va donc le trouver, et offre de partager les dix talens avec lui.

    [8] Callicrate accepte la proposition, et dtermine les Achens secourir ceux d'Orope.La nouvelle en tant venue Athnes, les Athniens sans perdre de temps fondent surOrope, en enlvent le peu qui avait chapp au premier pillage, et emmnent la garnisonavec eux ; ainsi les Achens arrivrent trop tard : alors Mnalcidas et Callicrate voulurentleur persuader de ravager l'Attique ; mais les Athniens ayant tir du secours de toutepart, et surtout de Lacdmone, il convint aux Achens de s'en retourner.

    XII. [1] Quoique la protection de Mnalcidas n'et de rien servi aux Oropiens, il ne laissapas d'exiger les dix talents qui lui avaient t promis ; et quand il les eut, il ne se pressapas d'en faire part Callicrate ; il l'amusa durant quelque temps, puis il leva le masque,et dclara ouvertement qu'il ne lui voulait rien donner,

    [2] ce qui vrifia le proverbe qui dit qu'il y a loups et loups, puisque Callicrate qui passaitpour le plus mchant homme qu'il y et dans la Grce, en trouva un encore plus mchantet plus infidle que lui. Cependant Callicrate qui ne pouvait digrer de se voir tromp, etde s'tre attir la haine des Athniens sans aucun fruit, voyant Mnalcidas sorti decharge, prend le parti de le poursuivre criminellement : il l'accuse d'avoir accept unedputation Rome contre les intrts des Achens, d'avoir procur aux Spartiates de neplus dpendre du gouvernement d'Achae ; et conclut ce qu'il soit condamn mort.

    [3] Mnalcidas alarm du danger o il se trouvait, met dans ses intrts Dis deMgalopolis qui lui avait succd ; et pour se l'assurer, il lui donne trois talents des dixqu'il avait reus des Oropiens. Dis gagn par ce prsent fait absoudre Mnalcidaspresque en dpit des Achens : ensuite sentant le tort que cette affaire lui faisait dans

    l'esprit de sa nation, en habile homme il songe faire diversion, et n'entretient lesAchens que de grands projets et d'esprances flatteuses.

    [4] Les Lacdmoniens avaient pris le Snat de Rome pour arbitre de leur diffrend avecles Argiens au sujet de leurs limites ; mais le Snat avait rpondu que tout ce qui n'taitpas affaire criminelle devait tre renvoy au conseil d'Achae, et par consquent celle-cicomme les autres. Dis imposa aux Achens par un mensonge, et leur fit accroire quele Snat leur abandonnait aussi les matires criminelles.

    [5] Sur ce fondement les Achens voulaient tre juges des Lacdmoniens, lors mmequ'il s'agissait d'infliger peine de mort : les Lacdmoniens s'y opposaient, ils accusaientDis de mensonge, et disaient qu'ils enverraient Rome des dputs pour savoir la

    volont du Snat ; on leur rpliquait que les villes qui taient du ressort de l'Achaepouvaient dputer Rome en commun, mais qu'aucune ne le pouvait en son particulier.

  • 8/12/2019 Pausanias-Description de la Grce- L'Achae- http://www.projethomere.com

    20/42

    [6] Ces contestations, s'tant chauffes de part et d'autre, causrent enfin une ruptureouverte entre les deux peuples. Cependant les Lacdmoniens se voyant fort infrieursaux Achens, dputrent chaque ville de cet tat et Dis mme, pour dtourner lesmaux dont ils taient menacs ; la rponse des villes fut qu'ayant eu ordre d'armer, ellesne pouvaient s'empcher d'obir. Pour Dis, il rpondit qu'il n'en voulait point Sparte,

    et qu'il ne prtendait faire la guerre qu' ceux qui mettaient le trouble et la dissensiondans cette ville.

    [7] Sur quoi les snateurs de Sparte lui ayant demand quels taient donc ces ennemisdu repos public, il leur envoya les noms de vingt-quatre personnes, qui taient justementceux qui avaient le plus de part aux affaires. Alors Agasisthne ouvrit un avis digne de sarputation, et qui lui fit beaucoup d'honneur : c'tait que ces vingt-quatre s'exilassentvolontairement pour ne point attirer la guerre leur patrie ; il ajoutait qu'ils n'avaient qu's'aller plaindre Rome, et qu'ils seraient bientt rtablis par les Romains.

    [8] Son avis ayant t suivi, les vingt-quatre s'absentrent, et comme si les Spartiatesavaient dsapprouv leur vasion, ils instruisirent leur procs, et les condamnrent

    mort par contumace : en mme temps les Achens envoyrent Rome Dis etCallicrate avec ordre de poursuivre auprs du Snat la condamnation des vingt-quatre.Callicrate tomba malade Rhodes, et y mourut : on ne peut pas dire si au cas qu'il ftall jusqu' Rome il et servi les Achens, ou s'il n'et point tram quelque nouvelleintrigue contre eux. Quoi qu'il en soit, Dis eut soutenir les intrts des Achenscontre Mnalcidas envoy de la part des Lacdmoniens.

    [9] L'un et l'autre s'tant dit beaucoup d'injures en plein Snat, ils eurent pour touterponse que le Snat enverrait des commissaires sur les lieux pour accommoder cediffrend. Il y eut en effet des commissaires de nomms, mais ils ne se pressrent pasde partir, de sorte que les deux dputs eurent le temps d'arriver avant eux, et detromper l'un les Achens, l'autre les Lacdmoniens : car Mnalcidas fit accroire ceux-

    ci que par concession du Snat ils ne relevaient plus de l'Achae, et Dis assura lesAchens que Sparte serait toujours soumise leur domination.

    XIII. [1] Ce faux expos jeta ces peuples dans l'erreur et leur mit encore une fois lesarmes la main. Damocrite nouveau prteur d'Achae, leva des troupes, et se disposa marcher contre les Spartiates. Dans ce temps-l mme le consul Mtellus marchait enMacdoine avec une arme, pour rduire Andriscus fils de Perse qui s'tait soulevcontre les Romains.

    [2] Comme il tait empch cette guerre qui pourtant devait bientt finir, il donna ordre des officiers que l'on envoyait en Asie d'interposer leur autorit auprs des Achens,pour les obliger mettre les armes bas, et attendre les commissaires que le Snatavait nomms.

    [3] Ces officiers excutrent leurs ordres ; mais voyant que Damocrite allait se mettre encampagne, et qu'ils ne gagnaient rien sur son esprit, ils firent voile en Asie : lesLacdmoniens de leur ct comptant plus sur leur courage que sur leurs forces, prirentles armes, et marchrent au-devant de l'ennemi pour dfendre l'entre de leur pays ;mais battus dans un combat, et ayant perdu plus de mille hommes de leurs meilleurestroupes, ils se retirrent avec prcipitation au-dedans de leur ville. Il est certain que si lesAchens les eussent poursuivis, ils auraient pu entrer dans Sparte ple-mle avec lesfuyards.

    [4] Damocrite manqua l'occasion, et au lieu d'aller ensuite assiger Sparte il aima mieuxfaire des courses dans le pays et en enlever du butin.

    [5] La campagne finie, il fut accus de trahison, et condamn cinquante talents

  • 8/12/2019 Pausanias-Description de la Grce- L'Achae- http://www.projethomere.com

    21/42

    d'amende ; comme il n'avait pas le moyen de les payer, il s'enfuit secrtement, et quittale Ploponnse. Dis ayant t nomm gnral en sa place, Mtellus lui dputaaussitt pour le prier d'accorder une trve jusqu' ce que les commissaires Romainsfussent arrivs.

    [6] Dis y consentit ; mais durant ce temps-l il s'avisa d'une ruse qui lui fut fort utile : il

    gagna toutes les villes au milieu desquelles Sparte tait enclave, et y mit garnison ; par-l les Lacdmoniens taient extrmement resserrs, et les Achens pouvoient fondresur eux de toutes parts.

    [7] Cependant Mnalcidas que les Spartiates venaient d'lire pour gnral, rompit latrve, et voulut tenter une entreprise. Il fit des courses jusqu'aux portes d'Iase, ville situesur les confins de la Laconie, mais qui pour lors appartenait aux Achens ; il l'emportad'emble et la saccagea.

    [8] Par cette hostilit il attira la guerre aux Lacdmoniens dans un temps o ils n'avaientni troupes ni argent, et o leurs terres taient mme demeures incultes. Aprs cettetmrit, prvoyant bien qu'il ne pouvait viter leur ressentiment, il prit le parti de

    s'empoisonner : ainsi finit Mnalcidas, homme galement fatal aux Lacdmoniens etaux Achens ; aux uns par son ignorance dans le mtier de la guerre, et aux autres parsa perfidie.

    XIV. [1] Sur ces entrefaites arrivent en Grce les commissaires que le Snat de Romeavait nomms, et dont le principal tait Oreste. Ds qu'il fut Corinthe, il manda tousceux qui avaient quelque autorit dans chaque ville d'Achae, entre autres Dis ; etquand ils furent venus, il leur dclara de la part du Snat que ni les Lacdmoniens, niCorinthe mme ne dpendraient plus l'avenir des tats d'Achae. Il en dmembraencore Argos, Hracle qui est prs du mont Oeta, et les Orchomniens qui sont enArcadie, allguant pour raison que ces peuples n'taient point Achens d'origine ; et l'gard des villes d'Argos et d'Hracle, qu'elles ne faisaient partie du corps Achaque

    que depuis peu de temps.

    [2] Dis et les autres magistrats entendant ce discours, sans donner Oreste le tempsd'achever, sortent brusquement de la salle d'audience, et vont sur le champ convoquer lepeuple, qui n'eut pas plutt appris l'ordre du Snat, qu'il entra en fureur, se jeta sur lesSpartiates qui se trouvrent Corinthe, et leur fit mille avanies : tout ce qu'il y eut deLacdmoniens que l'on put souponner seulement leur nom, ou reconnatre pour tels,soit la chevelure, soit la chaussure, soit l'habit, tout fut trait de mme, sans respectpour la maison d'Oreste, d'o l'on tira par force tous ceux qui s'y taient rfugis.

    [3] En vain les dputs de Rome firent leurs efforts pour apaiser cette multitude ; ilseurent beau dire que c'tait lever l'tendard, et s'attaquer aux Romains mme ; toutesleurs remontrances furent inutiles. Quelques jours aprs, les Achens mirent en prison

    tous les Lacdmoniens qui avaient t pris, et relchrent seulement ceux qui n'taientpas de cette nation ; ensuite ils dputrent Rome Thridas avec quelques autres deleurs principaux magistrats. Thridas s'tant mis en chemin, rencontra de nouveauxcommissaires que le Snat envoyait la place des premiers, ce qui l'obligea s'enrevenir.

    [4] Dis tait sorti de charge, et Critolas lui avait succd : celui-ci le plus inconsidrdes hommes brlait d'envie de faire la guerre aux Romains. Sachant donc que denouveaux commissaires arrivaient, il alla leur rencontre jusqu' Tge ville d'Arcadie,sous prtexte de s'aboucher avec eux, mais au fond pour empcher que l'on n'assembltles tats d'Achae : cependant comme les commissaires en demandaient la convocation,il en expdia l'ordre aux prsents ; mais par des lettres furtivement crites toutes les

    villes d'Achae il donnait en mme temps un contre-ordre.

  • 8/12/2019 Pausanias-Description de la Grce- L'Achae- http://www.projethomere.com

    22/42

    [5] De sorte qu'au jour marqu il ne se trouva personne, ainsi les commissaires ne purentpas douter de l'artifice ; mais ils en furent encore plus persuads, quand ils virent queCritolas les priait d'attendre une seconde convocation qu'il indiquait six mois de l,disant au reste que de lui-mme il ne pouvait rien conclure avec eux. Aprs unetromperie si grossire, ces commissaires ne pouvant demeurer dans le pays avecbiensance, s'en retournrent Rome ; aussitt Critolas tient les tats Corinthe, et

    persuade aux Achens non seulement de prendre les armes contre Sparte, mais dedclarer la guerre aux Romains.

    [6] Qu'une Rpublique ou un roi entreprennent une guerre, et qu'ils y succombent, c'estce qui arrive tous les jours, moins par la faute de ce roi ou de cette Rpublique, que parje ne sais quelle fatalit qui prside aux combats ; mais que sans aucune force on ait latmrit d'attaquer une puissance formidable, alors cette tmrit n'est plus malheur ;c'est fureur, c'est manie : voil pourtant ce qui perdit et Critolas et les Achens. UnBotien nomm Pythas qui commandait pour lors dans Thbes, y contribua de sa parten irritant encore les Achens contre les Romains, et en leur promettant le secours desThbains.

    [7] En effet les Thbains ayant ravag les terres des Phocens, des Eubens, et deshabitants d'Amphisse, Mtellus les avait condamns des dommages et intrts enversces peuples. Piqus de cet affront ils n'piaient que l'occasion de se dclarer contre lesRomains, et l'ayant trouve ils ne la manqurent pas. Cependant les Romains informsde la conduite des Achens par les lettres de Mtellus et par leurs dputs, rsolurent dene pas laisser tant d'injures impunies ; Mummius venait d'tre fait consul : on lui donneune flotte avec des troupes, et on le charge du soin d'aller faire la guerre en Achae.

    XV. [1] D'un autre ct Mtellus apprenant que Mummius venait avec une arme,n'oublia rien pour avoir l'honneur de finir lui-mme cette guerre avant que sonsuccesseur ft arriv.

    [2] Il dpche donc aux Achens, pour leur dire qu'ils eussent rtablir lesLacdmoniens dans leurs droits, et toutes les villes qui s'taient mises sous laprotection du peuple Romain ; qu' cette condition tout le pass leur serait pardonn. Enmme temps qu'il envoyait ces ordres, lui-mme se mit la tte des troupes qu'il avait enMacdoine, et prit son chemin par la Thessalie le long du golfe Maliaque : mais Critolasbien loin d'couter aucune proposition de paix, voyant qu'Hracle s'tait soulevecontre les Achens, il alla l'assiger, et s'en rendit matre.

    [3] Cependant ayant appris par ses coureurs que Mtellus avait dj pass le Sperchius,il songea se retirer Scarphe ville des Locriens. Les dfils qui sont entre Hracle etles Thermopyles, ces lieux si clbres par les prodiges de valeur que les Lacdmonienset les Athniens y firent autrefois, les uns contre les Perses, les autres contre les Gaulois;

    [4] ces lieux, dis-je, ne furent pas capables de rassurer le gnral achen ; il voulutpousser jusqu' Scarphe ; mais Mtellus l'ayant joint avant qu'il y pt entrer, il le taillaen pices, et fit plus de mille prisonniers. Aprs le combat Critolas ne fut trouv ni parmiles vivants, ni parmi les morts ; on n'a jamais su ce qu'il tait devenu ; s'il prit la fuite parces marais que les eaux de la mer forment sous le mont Oeta, on ne doit pas s'tonnerqu'il y soit pri.

    [5] Cependant sa mort a donn lieu d'autres conjectures. Quoi qu'il en soit, une trouped'lite de mille Arcadiens s'tant sauve de la droute, gagna Elate dans la Phocide, ety fut reue en considration de l'ancienne confraternit qu'il y avait entre ces peuples ;mais depuis, les Phocens ayant appris la dfaite de Critolas et des Achens, ils ne

    jugrent pas propos de se compromettre en gardant chez eux des gens qui avaient prisles armes contre les Romains.

  • 8/12/2019 Pausanias-Description de la Grce- L'Achae- http://www.projethomere.com

    23/42

  • 8/12/2019 Pausanias-Description de la Grce- L'Achae- http://www.projethomere.com

    24/42

    faire une fort belle rsistance. Accable par le nombre et perce de coups elle sedfendait toujours, jusqu' ce qu'enfin se voyant prise en flanc par une troupe de millehommes choisis que Mummius avait dtachs du corps de bataille, elle lcha pied, ets'enfuit vau-de-route.

    [4] Si Dis se ft retir Corinthe, et que l il et recueilli les dbris de son arme, peut-

    tre que le gnral romain pour viter les longueurs d'un sige, lui et fait bonnecomposition : mais ds qu'il vit les siens plier, il ne songea plus qu' lui, et gagnaMgalopolis le plus vite qu'il put ; bien diffrent de Calistrate l'illustre fils d'Empdus, quien pareille occasion eut le courage de se sacrifier pour sauver les Athniens qu'il avaitl'honneur de commander.

    [5] Car ce brave homme la tte d'une troupe de cavalerie Athnienne, et de quelquesvolontaires, ayant t battu prs du fleuve Asinarus en Sicile, forma un escadron de cequi lui restait de monde, se fit jour travers les ennemis, et arriva Catane avec satroupe ; ensuite prenant la rsolution de rebrousser chemin par Syracuse, il alla fondresur ceux qui pillaient le camp des Athniens, en fit un grand carnage, tua cinq hommesde sa main ; enfin cribl de coups, et ayant eu son cheval tu sous lui, il mourut

    glorieusement aprs avoir donn aux siens le moyen d'chapper et de s'en retournerchez eux, combls de gloire.

    [6] Dis vaincu, au lieu de suivre un si bel exemple, porta aux Mgalopolitains lapremire nouvelle du malheur qui les menaait ; et de peur que sa femme ne tombt enla puissance de l'ennemi, il la tua de sa propre main, et s'empoisonna lui-mme ensuite,imitateur de Mnalcidas par la circonstance de sa fin, comme il l'avait t par soninsatiable avarice.

    [7] Les Achens qui aprs le combat s'taient retirs Corinthe, en sortirent la faveurde la nuit, et la plupart des habitants avec eux. Mummius ayant trouv les portesouvertes, ne se pressa pas pour cela d'y entrer ; il craignait quelque embche : mais au

    troisime jour il prit la ville et la brla.

    [8] Tout ce qui s'y trouva d'hommes fut pass au fil de l'pe ; les femmes et les enfantsfurent vendus l'encan ; les esclaves qui les Achens avaient donn la libert pour lesenrler dans leurs troupes, et que la guerre avait pargns, eurent le mme sort.Mummius dpouilla les places publiques et les temples des dieux de leurs ornements lesplus considrables, pour les envoyer Rome ; ce qui tait d'un moindre prix, il le donna Philopoemen qui commandait les troupes du roi Attalus ; et lorsque j'tais Pergame, ony voyait encore ces riches dpouilles des Corinthiens.

    [9] Ensuite il dmantela toutes les villes qui avaient fait la guerre aux Romains, et ildsarma les habitants : voil ce qu'il fit de son autorit avant que les Romains lui eussentcompos un conseil ; mais lorsque les snateurs qui devaient l'assister de leurs lumires

    furent arrivs, il abolit tout gouvernement rpublicain, et confia l'administration desaffaires aux principaux citoyens dans chaque ville. Il imposa un tribut la Grce, ildfendit aux riches de s'agrandir en acqurant des terres, et il interdit toute assembled'tats aux peuples de l'Achae, de la Botie, et de la Phocide.

    [10] Quelques annes aprs, les Romains eurent piti des Grecs. Ils permirent auxdiffrents peuples qui composent cette nation, de s'assembler en corps commeauparavant, et rendirent aux particuliers la libert de faire des acquisitions dans l'tenduede leur pays. Mummius avait condamn quelques villes de grosses amendes ; ainsi lesBotiens et les Eubens devaient payer cent talents ceux d'Hracle, et les Achensdeux cents aux Lacdmoniens ; toutes ces sommes furent remises aux dbiteurs. Maisla Grce fut rduite en province dpendante de l'empire romain, et l'on y envoie de Rome

    encore tous les ans un prteur que l'on nomme le prteur d'Achae et non de Grce,parce que les Grecs furent subjugus dans le temps que les Achens l'emportaient sur

  • 8/12/2019 Pausanias-Description de la Grce- L'Achae- http://www.projethomere.com

    25/42

    tous les autres en autorit et en puissance. La guerre d'Achae fut termine sous lamagistrature d'Antitheus Athnes, en la cent soixantime olympiade qui futremarquable par la victoire de Diodore de Sicyone aux jeux olympiques.

    XVII. [1] Ainsi la Grce gangrne, pour ainsi dire, dans toutes ses parties, et conduitedepuis longtemps sa perte par son mauvais gnie, se trouva pour lors si faible, qu'il

    fallut succomber. Car premirement Argos qui avait t si florissante et si renommedans les temps hroques, en passant sous la domination des Doriens perdit sa fortuneet son lustre.

    [2] Athnes puise par la guerre du Ploponnse et par les ravages de la peste,respirait peine, que peu d'annes aprs elle se vit opprime par la puissance desMacdoniens. La colre d'Alexandre vint fondre aussi du fond de la Macdoine surThbes dans la Botie. Epaminondas Thbain porta Sparte un coup dont elle ne putjamais se relever. Enfin la nation Achenne, comme un rejeton qu'un reste de svepousse d'un tronc dj affect, semblait crotre et fleurir, lorsque tout d'un coup la maliceet l'incapacit de ses chefs ruinrent ses esprances.

    [3] Plusieurs sicles ensuite Nron rendit la Grce sa premire indpendance ; et pourddommager les Romains de ce dmembrement, il leur assujettit en mme temps laSardaigne. Certes quand je considre cette action dans un si mchant Empereur, jetrouve que Platon a eu raison de dire que les grands forfaits ne se commettent point pardes hommes mdiocres, mais qu'ils partent d'une me forte et gnreuse, quoiquecorrompue par une mauvaise ducation.

    [4] Mais les Grecs ne surent pas mettre profit le bienfait de Nron. Vespasien parvenu l'empire fut encore oblig de les punir de leurs divisions domestiques ; c'tait en euxcomme un vice de temprament. Il les fit donc encore une fois tributaires des Romains,et leur donna un prteur pour les gouverner, disant que les Grecs avaient dsappris user de la libert. Telle fut la destine des Achens.

    [La rgion de Patras]

    Tardieu, 1821

    XVII. [5] Ces peuples sont spars des Elens par le fleuve Larisse, sur le bord duquelon voit un temple de Minerve dite Larisse. A quatre cent stades plus loin est Dyme, detoutes les villes qui obissaient aux Achens la seule qui suivit le parti de Philippe fils deDmtrius dans la guerre qu'il eut avec ces peuples. Ce fut pour cela que Sulpiciusl'ayant prise, il l'abandonna au pillage. Auguste la runit depuis au domaine de Patra.

    [6] Dyme s'appellait anciennement Pale ; elle changea de nom ds le temps qu'elle taitsous la domination des Ioniens : je ne sais pas bien si celui qu'elle prit vient, comme on

    dit, d'une femme du pays nomme Dyme, ou de Dymas fils d'Aegimius. Quoi qu'il en soit,il ne faut pas se laisser tromper par les vers qui sont au bas de la statue d'Oebotas

  • 8/12/2019 Pausanias-Description de la Grce- L'Achae- http://www.projethomere.com

    26/42

    Olympie. Cet Oebotas remporta le prix du stade en la septime olympiade, et n'eut unestatue qu'en la quatre-vingtime aprs un certain oracle rendu Delphes : voici ce queporte l'inscription :

    [7]A la course Ebotas remporta la victoire,

    Et l'antique Pale en vit crotre sa gloire.Sur la foi de ces vers on pourrait croire que Dyme s'appellait alors Pale ; mais on setromperait : car il faut savoir que les anciens noms sont ordinairement plus propres enposie, et que par cette raison les potes Grecs s'en servent plus volontiers. C'est ainsiqu'ils appellent Amphiaras et Adraste les Phoronides, et qu'au lieu de dire Thse, ilsdisent l'Erecthide.

    [8] Avant que d'arriver la ville, on trouve sur sa droite le tombeau de Sostrate. C'tait unjeune homme du pays, que l'on dit avoir t aim d'Hercule. Aprs sa mort Hercule quivivait encore, lui fit lever un tombeau, et se coupa les cheveux sur sa spulture. De montemps on voyait sur une petite hauteur un cippe avec une statue d'Hercule adossecontre, et j'appris que les gens du lieu rendaient tous les ans des honneurs Sostrate

    comme un hros.

    [9] On voit Dyme un temple et une statue de Minerve, qui sont l'un et l'autre d'unegrande antiquit : on y voit aussi un temple consacr Dindymne et Attis ; ce quec'tait qu'Attis, c'est un mystre que l'on tient si secret, que je n'en ai pu rien apprendre ;mais voici ce qu'Hermsianax pote lgiaque en a crit. Selon lui, Attis tait fils d'unPhrygien nomm Calas, et naquit impuissant. Quand il fut grand, il alla en Lydie, et il yenseigna le culte et les crmonies de la mre des dieux ; ce qui le rendit si cher cettedesse, que Jupiter en fut indign, et qu'il suscita un sanglier qui ravagea les terres desLydiens, tua une infinit de personnes et Attis mme.

    [10] Les Galates qui habitent Pessinunte, semblent confirmer cette tradition, en ce que

    dans leurs sacrifices ils n'immolent jamais ni porc, ni sanglier. Mais du reste la fable qu'ilsdbitent sur Attis est bien diffrente de ce qu'en dit le pote Hermsianax. Si on les encroit, Jupiter eut un songe impur ; la terre mouille du sang de ce dieu devint fconde etproduisit un gnie de figure humaine, qui avait les deux sexes. On le nomma Agdistis.Les dieux pouvants de ce monstre ne lui laissrent que le sexe fminin, et duretranchement de l'autre naquit l'amandier.

    [11] Cet arbre ayant port du fruit dans la saison, une nymphe fille du fleuve Sangarvoulut en manger ; elle cueillit des amandes et les mit dans son sein ; aussitt lesamandes disparurent et la nymphe se sentit grosse ; elle accoucha d'un fils que l'onexposa dans les bois et qui fut nourri par une chvre. Il eut nom Attis ; cet enfant pritcroissance et parut d'une beaut plus qu'humaine ; Agdistis l'ayant vu, conut uneviolente passion pour lui. Dans la suite les pareils d'Attis renvoyrent Pessinunte pour

    lui faire pouser la fille du Roi.

    [12] Dj l'on chantait l'hymne lorsqu'arrive Agdistis, qui par ses enchantementstroubla tellement l'esprit d'Attis et du Roi son beau-pre, que tournant l'un et l'autre leursmains contre eux-mmes ils se rendirent eunuques. Agdistis au dsespoir d'unvnement si malheureux obtint de Jupiter que nulle autre partie du corps d'Attis ne ptjamais se corrompre ni se fltrir. Telle est la fable que l'on dbite Pessinunte.

    [13] Aux environs de Dyme on voit une statue d'Oebotas. Ce fut le premier Achen qui sedistingua Olympie. On dit que ses compatriotes n'ayant honor sa victoire d'aucunmonument public, il en fut si indign qu'il fit des imprcations contre tous ceux quidisputeraient le prix aprs lui, et l'on prtend qu'un dieu l'exaua. Les Achens s'en

    aperurent enfin, lorsque surpris de ce qu'aucun d'eux n'tait jamais couronn aux jeuxolympiques, ils envoyrent consulter l'oracle de Delphes pour en apprendre la raison.

  • 8/12/2019 Pausanias-Description de la Grce- L'Achae- http://www.projethomere.com

    27/42

    [14] Alors ils firent riger une statue Oebotas dans Olympie, et lui dcernrentplusieurs autres marques d'honneur. Incontinent aprs Sostrate de Pellne fut proclamvainqueur dans la classe de la jeunesse. Les Achens qui veulent se signaler aux jeuxolympiques observent encore aujourd'hui cette coutume, de commencer par honorerOebotas sur son tombeau, et de couronner ensuite sa statue lorsqu'ils sont victorieux.

    XVIII. [1] A quarante stades au-del de Dyme est l'embouchure du Pirus. Olene villed'Achae fut autrefois btie sur les bords de ce fleuve. Les potes grecs qui ont crit lavie d'Hercule en vers n'ont pas t peu embarrasss rechercher qui tait ce Dexamneroi d'Olene qui reut Hercule chez lui, et quels taient les prsents dont il accompagnacet acte d'hospitalit. Ce qui est de certain, c'est qu'Hermsianax dans une lgie sur lecentaure Eurytion tmoigne qu'Olene n'tait au commencement qu'une bicoque, et l'onassure que dans la suite ses habitants cause de sa petitesse furent obligs del'abandonner pour se retirer Pires et Eurytes.

    [2] Du Pirus Patra on compte environ quatre-vingt stades. Le Glaucus a sonembouchure auprs. Suivant les historiens qui ont trait des antiquits de la ville de

    Patra, Eumlus originaire du pays fut le premier qui s'y fit un tablissement considrable,il rgna mme sur le peu d'habitants qui s'y trouvrent. Triptolme venu d'Attique luiapprit semer du bl et btir des villes. La premire qu'il btit fut appelle Aro du nommme que les Grecs donnent la culture des terres.

    [3] Anthas fils d'Eumlus pendant que Triptolme dormait s'avisa d'atteler des dragons son char, et de courir le pays semant du bl. Mais le jeune homme tombamalheureusement et se tua. Eumlus et Triptolme pour honorer sa mmoire btirent frais communs une ville qu'ils nommrent Anthe.

    [4] Bientt aprs ils en fondrent une troisime entre Aro et Anthe, et cette dernire cause de sa situation fut nomme Messatis. Quant ce que ceux de Patra racontent de

    Bacchus, qui fut lev, disent-ils, dans la ville de Messatis, et qui par les embches desdieux Pans courut un danger manifeste, je ne m'amuse point les contredire, et je leslaisse exalter la gloire de leur ville comme il leur plat.

    [5] Dans la suite des temps les Achens ayant conquis le pays sur les Ioniens, Patrsfils de Preugne et petit-fils d'Agnor, fit dfense aux Achens d'habiter Anthe niMessatis ; il agrandit Aro, l'entoura d'un nouveau mur, et voulut que de son nom elle ftappelle Patra. Agnor pre de Preugne tait fils d'Ars et petit-fils d'Ampyx, qui eutPlias pour pre. Plias naquit d'Eginte, Eginte de Daritus, Daritus d'Argalus, Argalusd'Amyclas, et Amyclas de Lacdmon : tels furent les anctres de Patrs.

    [6] Aprs un long espace de temps ceux de Patra, seuls entre les Achens et de leurpropre mouvement, s'embarqurent pour aller secourir leurs anciens amis les Etoliens,

    qui taient en guerre avec les Gaulois. Ils remportrent d'abord quelque avantage ; maisensuite ils furent entirement dfaits et rduits la dernire misre. C'est pourquoi ceuxqui regagnrent leur pays, au lieu de rentrer dans Patra, se dispersrent pour la plupartdans la campagne afin de gagner leur vie, ou allrent habiter les petites villes desenvirons, comme Anthe, Messatis, Boline, Argyre et Arbas.

    [7] Dans la suite Auguste, soit parce que Patra lui parut tre un fort bon mouillage, soitpour quelqu'autre raison, voulut que toute cette multitude retournt en son anciennedemeure ; il dtruisit mme une petite ville d'Achae nomme Rhypes, et en transplantales habitants Patra. Enfin il prit cette ville tellement en affection, que ce fut la seule detoute l'Achae qu'il laissa jouir de sa libert, et il la distingua toujours comme une coloniedu peuple Romain.

    [8] Dans la citadelle de Patra, il y a un temple de Diane Laphria ; ce surnom est tranger

  • 8/12/2019 Pausanias-Description de la Grce- L'Achae- http://www.projethomere.com

    28/42

    et la statue de la Desse est aussi trangre. Car Auguste ayant dpeupl Calydon ettoute l'Etolie pour en transfrer les habitants Nicopolis qu'il avait btie sous lepromontoire d'Actium,

    [9] il orna cette ville d'une infinit de statues qu'il avait enleves aux Etoliens et auxAcarnaniens ; en mme temps il donna ceux de Patra une partie des dpouilles de

    Calydon, et nommment la statue de Diane Laphria, que ces peuples gardent encoreprcieusement dans leur citadelle. Quant au surnom de la Desse, quelques-uns le tirentdu nom d'un Phocen ; car ils prtendent que ce fut Laphrius fils de Delphus et petit-filsde Castalius, qui consacra Diane cet ancien monument.

    [10] Mais d'autres veulent que Diane ait t surnomme Laphria, du mot grec elaphros,qui signifie doux, lger, parce que la colre qu'elle avait fait sentir Oenes s'apaisaavec le temps, et que les Calydoniens lui devinrent moins odieux. Quoi qu'il en soit, cettestatue est d'or et d'ivoire et reprsente la Desse en habit de chasse ; c'est un ouvragede deux fameux statuaires de Naupacte, Mnechmus et Sodas, que l'on ne croit guremoins anciens que Canachus de Sicyone et que Callon de l'le d'Egine.

    [11] Les habitants de Patra clbrent tous les ans une fte en l'honneur de Diane, et ilsobservent religieusement les crmonies qu'ils ont reues de leurs pres. Ils arrangenten rond tout autour de l'autel des pices de bois vend de la longueur de seize coudes,et au milieu de ce circuit ils mettent une pareille quantit de bois sec. La veille de la fteils apportent de la terre molle, dont ils font des gradins afin de pouvoir monter l'autel.

    [12] Ensuite la crmonie commence par une procession o l'on porte la statue de laDesse avec toute la pompe imaginable ; une vierge qui exerce le sacerdoce parat ladernire, porte sur un char attel de deux cerfs. Le lendemain on prpare le sacrifice, ettous y assistent avec autant de dvotion que d'allgresse. Entre la balustrade et l'autel ily a un grand espace o l'on jette toute sorte d'animaux tout en vie, premirement desoiseaux bons manger ; en second lieu des victimes plus considrables, comme des

    sangliers, des cerfs, des chevreuils, des louveteaux, des ourseaux, mme des loups etdes ours ; troisimement des fruits de toute espce.

    [13] Ensuite on met le feu au bcher. Alors ces animaux qui sentent la chaleur de laflamme deviennent furieux, ainsi que j'en ai t tmoin ; quelques-uns mme s'lancentpar dessus la balustrade et cherchent s'chapper ; mais on les reprend et on lesramne l'autel ; ce qu'il y a de particuler, c'est qu'au rapport de ces peuples il n'enarrive point d'accident, et que jamais personne n'a t bless en cette occasion.

    XIX. [1] Entre le temple de Diane Laphria et l'autel dont je viens de parler on voit letombeau d'Eurypyle. Je dirai qui tait Eurypyle et par quelle aventure il vint Patra ; maisauparavant il est bon d'exposer en quel tat se trouvaient les habitants du pays lorsqu'il yarriva. Les Ioniens taient encore matres d'Aro, d'Anthe et de Messatis ; ces trois

    villes possdaient en commun un certain canton avec un temple consacr Diane, etpar cette raison la Desse tait surnomme Triclaria. L ces peuples clbraient tous lesans une fte en l'honneur de Diane, et la nuit qui prcdait cette fte passait en dvotion.La prtresse de Diane tait toujours une vierge, qui tait oblige de garder la chastetjusqu' ce qu'elle se marit, et pour lors le sacerdoce passait une autre.

    [2] Or il arriva qu'une jeune fille d'une grande beaut nomme Cometho tant revtue dusacerdoce, Mlanippus le jeune homme de son temps le mieux fait et le plus accomplidevint amoureux d'elle. Voyant qu'il en tait aim rciproquement, il la demanda enmariage son pre. Le naturel des vieillards est de s'opposer toujours ce quesouhaitent les jeunes gens, et d'tre surtout fort peu touchs de leurs amours. Par cetteraison Mlanippus ne put obtenir de rponse favorable ni des parents de la fille, ni des

    siens propres.

  • 8/12/2019 Pausanias-Description de la Grce- L'Achae- http://www.projethomere.com

    29/42

    [3] On vit en cette occasion comme en bien d'autres, que quand une fois l'amour nouspossde, toutes les lois divines et humaines ne nous sont plus de rien. Mlanippus etCometho satisfirent leur passion dans le temple mme de Diane, et ce saint lieu allaittre pour eux comme un lit nuptial, si la Desse n'avait bientt donn des marquesterribles de sa colre ; car la profanation de son temple fut suivie d'une strilit gnrale,en sorte que la terre ne produisait aucun fruit, et ensuite de maladies populaires qui

    emportaient une infinit de monde.

    [4] Ces peuples ayant eu recours l'oracle de Delphes, la Pythie leur apprit que l'impitde Mlanippus et de Cometho tait la cause de tous leurs maux, et que le seul moyend'apaiser la Desse tait de lui sacrifier l'avenir tous les ans un jeune garon et unejeune fille qui excellassent en beaut sur tous les autres. De ce barbare sacrifice lefleuve qui passe auprs du temple de Diane Triclaria fut nomm Amilichus, car jusques-l il tait demeur sans nom.

    [5] Ainsi pour le crime de ces deux amants on voyait prir de jeunes filles et de jeuneshommes qui en taient trs innocents ; leur sort et celui de leurs proches tait bien cruel,tandis que Mlanippus et Cometho, les seuls coupables, paraissaient moins malheureux

    ; car du moins avaient-ils content leurs desirs, et les amants se trouvent heureux depouvoir se satisfaire mme aux dpens de leur vie.

    [6] Voici maintenant comme on raconte que cessa cette barbare coutume de sacrifier deshommes Diane Triclaria. Les habitants d'Aro en consultant l'oracle d'Apollon, avaientappris qu'un prince tranger leur apporterait un jour une divinit trangre, et qu'aussitton cesserait de rpandre le sang humain l'autel de Diane. Aprs la prise de Troie, dansle partage qui fut fait du butin, il chut Eurypyle fils d'Evmon un coffre o l'on avaitrenferm une statue de Bacchus, faite ce que l'on croyait par Vulcain, et dont Jupiteravait fait prsent Dardanus.

    [7] Les uns disent qu'Ene prit la fuite si prcipitamment qu'il laissa ce coffre, et d'autres

    assurent que Cassandre le cacha exprs, sachant bien que quelque Grec l'emporterait etqu'il s'en trouverait mal. En effet Eurypyle ne l'eut pas plutt ouvert qu' la vue dusimulac