mémoire - les relations intercoréennes, entre dit et non-dit
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Gabriel DUMONT IRIS Sup’ - Master 2 EAD Mémoire
Directeur de mémoire : Pr. Barthélemy COURMONT
LES RELATIONS INTERCORÉENNES, ENTRE DIT ET NON-DIT
« In the past, inter-Korea relations have been in a vicious downward cycle, in which they
worsen even after bilateral talks. Thus, there has been no progress. The two Koreas this time,
however, agreed to hold a second round of high-level talks, and the agreement is meaningful
as it is a turning point in inter-Korea relations. »
PARK Geun-Hye, le 7 octobre 2014
Présidente de la République de Corée
Crédit photo : korea.net. An inter-Korean friendly soccer game (2002). korea.net. 2013. Consulté le 31 octobre
2014. Disponible sur : http://www.korea.net/AboutKorea/Korea-at-a-Glance/Inter-Korean-Relations
TABLE DES MATIÈRES
Table des matières.......................................................................................................................1
Remerciements............................................................................................................................2
Avant-propos...............................................................................................................................3
Les relations intercoréennes, entre dit et non-dit........................................................................4
Historique des relations intercoréennes.............................................................................10
Les relations intergouvernementales et infra-gouvernementales actuelles........................16
Les relations intercoréennes dans les relations internationales..............................16
Le sport dans les relations intercoréennes..............................................................20
La coopération socio-culturelle..............................................................................23
Les relations économiques.....................................................................................26
La détente écologique entre les deux Corées.........................................................27
ONG & médias, techniques de Soft Power............................................................30
Les relations interpersonnelles, et les relations non gouvernementales............................34
Les relations personnelles......................................................................................34
Les communautés coréennes à l’étranger..............................................................36
Les relations clandestines et les défecteurs............................................................39
Conclusion................................................................................................................................43
Pièces jointes.............................................................................................................................50
Liste des abréviations.........................................................................................................58
Bibliographie additionnelle & sites consultés...................................................................59
1
REMERCIEMENTS
Je tiens à remercier le professeur Barthélémy COURMONT, pour avoir accepté de diriger les
recherches nécessaires à ce mémoire. Sa patience et ses encouragements furent aussi précieux
que ses conseils éclairés qui surent dès le départ m'éviter bien des écueils ; et qui jusqu'à la fin
me permirent de persévérer.
Mes remerciements vont aussi à M. Pascal Boniface, pour sa proximité et l'accueil qu'il me fit
quand j'exprimais le souhait d'intégrer la deuxième année de Master Enseignement à Distance
de l'Institut de relations internationales et stratégiques. Ces remerciements envers l'IRIS
seraient incomplets sans y inclure l'équipe pédagogique et en premier lieu M. Maxime
PINARD, qui sût nous motiver tous, en plus d'être présent pour chacun. Ses messages étaient
autant d'encouragements que d'amicaux conseils.
Tout au long de mes travaux, j'ai rencontré des universitaires brillants et des professionnels
consciencieux. Mme le professeur HONG-MERCIER Seok-Kyeong, bien sûr, qui m'a ouvert de
nouvelles portes à Séoul, et à qui je souhaite tout le bonheur possible. M. Pascal DAYEZ-
BURGEON, qui accepta de m'aider en un rien de temps, et dont j'ai pu apprécier l'humilité et la
grande sagesse. Les membres de l'ambassade de la République de Corée en France, et en
particulier M. KWON Hyuk-Woon, conseiller, qui sut me dresser un tableau éblouissant de la
position de son pays dans les relations internationales, et Mme LEE Juwon, deuxième
secrétaire, dont la vitalité et la perspicacité furent remarquables. Suivants dans l'ordre
chronologique mais non dans l'estime viennent les personnels de l'ambassade de France en
Corée :M. Jean-Christophe LANGELLA, attaché de défense, qui m'a ouvert les yeux de manière
exceptionnelle sur des aspects inattendus des relations intercoréennes, et M. Pierre
GOULANGE, conseiller, qui sut me dépeindre les relations entre les deux Corées de telle sorte
que je pensais tout savoir.
Je remercie aussi tous ceux dont les noms ne sont pas ici, qu'ils sachent que leur aide fut
immense, et leur souvenir cher à mon cœur. Aujourd'hui encore je n'en finis pas d'apprendre
en relisant mes notes.
Merci aussi à mes parents pour leurs encouragements et pour la gentillesse qu'ils eurent de
bien vouloir me relire. Qu'ils sachent que s'il reste des fautes, elles ne sont dues qu'à mon
inattention.
Enfin, je remercie ma femme, Jiwon, pour qui je fais tout ça.
2
AVANT-PROPOS
L’étude des relations intercoréennes pose plusieurs difficultés. Tout d’abord les deux états
sont toujours officiellement en guerre (depuis 1950), et ont tous les deux bâtis leurs appareils
d’Etats modernes en opposition l’un à l’autre, suivant une posture antagoniste lors de la
Guerre froide. Aujourd’hui encore, il s’agit d’une seule et même nation divisée contre son gré
depuis 1945. Malgré les apparences (deux membres des Nations Unies), il ne s’agit donc pas
d’une relation internationale ; et il ne s’agit pas non plus d’une relation interétatique puisque
s’il y a eu une reconnaissance mutuelle des deux régimes en 1991, il n’y a bien sûr pas
d’ambassades.
Ensuite, la République populaire démocratique de Corée (RPDC) se trouve être l’un des états
les plus fermés au monde, ce qui pénalise d’autant plus la recherche d’informations et le
recueil de témoignages. Il aurait été possible de mener quelques interviews, mais plusieurs
raisons, parfois personnelles, invalidèrent ce choix. Le contact avec les ressortissants sud-
coréens, plus faciles d’accès, n’en fut pas moins compliqué par une gêne très nette à l’idée de
s’épancher sur le sujet. Certains témoins ont ainsi préféré conserver l’anonymat. Plusieurs
raisons expliquent cette gêne. Notamment les souvenirs d’une période moins démocratique
chez ceux qui l’ont connue, l’inquiétude qu’il y a à parler d’un sujet facilement vu comme
illégal1, mais aussi le fait que les relations intercoréennes se tissent parfois par des biais peu
avouables, voir à l’ombre du secret.
Enfin, les études menées en vue de réaliser ce mémoire furent également l’occasion de
réaliser à quel point il est difficile d’extraire les deux Corées du jeu régional des grandes
puissances avoisinantes. Vassale de la Chine, colonie japonaise, champ de bataille de
l’affrontement Est-Ouest, la péninsule coréenne se trouve à la croisée d’empires continentaux
qui y exercent une très forte influence (Voir pièce jointe 1). La présence militaire américaine
côté Sud et le soutien vital de la Chine au Nord apportent autant de garanties de survie aux
deux régimes qu’ils ne retardent une réunification tant qu’elle ne se conformerait pas à leurs
intérêts.
1 La « Loi de sécurité nationale » est suffisamment vague pour interdire tout contact avec un Nord-coréen. Voir Amnesty International. The national security law. Curtailing freedom of expression and association in the name of security in the Republic of Korea. Amnesty International Publications. Londres. 2012.
3
LES RELATIONS INTERCORÉENNES, ENTRE DIT ET NON-DIT
Au-delà du silence de Panmunjom. La division de la péninsule coréenne est une réalité
quotidienne, un dramatique héritage de la lutte d’influence que se livrèrent les Etats-Unis
d’Amérique et l’URSS avant même la fin de la seconde Guerre Mondiale2. Dès lors, les
tentatives des coréens eux-mêmes de réunifier leur pays ne manquèrent pas, et la guerre de
Corée (1950-1953) en fut une brutale démonstration. Ce carnage, présenté dans chaque camp
comme relevant de la responsabilité du camp adverse3, eut comme conséquence le retour au
Statu quo ante bellum et la levée immédiate d’un « rideau de fer » entre les deux Corées,
toujours infranchissable aujourd’hui. Par ailleurs, il conforta la propagande des deux régimes
dans sa présentation de l’autre comme « frère ennemi » prêt à utiliser la force et à s’allier aux
grandes puissances pour vaincre. L’Histoire semble donc bel et bien s’être arrêtée depuis,
figée dans un immuable face-à-face que seule anime la relève des tours de garde. Et sans
reconnaissance étatique mutuelle, sans ambassades, interdisant tous rapports humains, la
situation parait aussi irrémédiable que périlleuse.
Or les deux régimes conservent comme raison d’être la réunification de la nation4. Si la
militarisation extrême de la Zone démilitarisée (DMZ en anglais, pour « Demilitarised zone »)
prouve que le recours à la force pour régler ce conflit est craint des deux côtés, elle fait aussi
peser le risque d’une escalade violente. Ainsi, malgré l’état de guerre et bien que les
opérations aient cessé, la nécessité de réduire les risques impose de communiquer, ne serait-ce
que pour éviter tout malentendu dont la mauvaise interprétation s’avérerait fatale.
L’établissement de relations s’avéra donc impératif, de même que le rétablissement de celles-
2 La conférence du Caire de 1943 réunit les USA, l’URSS et la Chine de Tchang Kaï-chek. Elle décida de la libération et de l’émancipation de la Corée du joug japonais. La division de la péninsule est le résultat des manœuvres relatives au désarmement des forces japonaises en 1945, utilisant déjà le 38 ème parallèle comme référent.3 Le consensus historique établit aujourd’hui la responsabilité de l’agression au Nord.4 Il s’agit d’un objectif essentiel, inscrit dans le préambule de la constitution des deux états. La Corée du Sud assume « la mission de l’unification pacifique » quand la réunification constitue une « tâche suprême » dont « KIM Il-Sung est le symbole » pour la Corée du Nord. Voir les constitutions respectives en français :
MAURY Pierre. Corée du Sud, Constitution 1988, Digithèque MJP. Digithèque de matériaux juridiques et politiques. 2012. Consulté le 21/09/2014. Disponible sur : http://mjp.univ-perp.fr/constit/kr1988.htm; Corée du Nord, RPDC, Constitution coréenne version de 2009, Digithèque MJP. Digithèque de matériaux juridiques et politiques. 2010. Consulté le 21/09/2014. Disponible sur : http://mjp.univ-perp.fr/constit/kp2009.htm
4
ci à l’occasion de fréquentes coupures. Cet apparent paradoxe de devoir parler avec celui
qu’on ne reconnait pas et contre qui on se bat soulève plusieurs questions concernant la
nature, les supports ou les canaux de communication employés. De même, comment rétablir
des liens rompus sans l’outil diplomatique traditionnel, à savoir l’ambassade ? Enfin, si la
Corée du Nord elle-même, dont la nature « carcérale » ne fait aucun doute, voit des individus
échapper à son contrôle, existe-t-il des relations indépendantes des deux états ? Cette dernière
question parait aberrante au regard de la situation géopolitique d’une part, et du régime
totalitaire régissant la moitié Nord de l’autre. Elle n’est pourtant pas absurde et les
informations et témoignages recueillis prouvent même l’existence, certes infime, de telles
relations.
Ce mémoire n’a bien sûr pas prétention à l’exhaustivité. Celle-ci nécessiterait bien plus de
temps que les délais impartis et provoquerait une inflation du contenu inconciliable avec les
limites imposées. De plus, bien des éléments se trouvent hors de portée du fait de la politique
particulièrement restrictive de la Corée du Nord en ce qui concerne le partage de
l’information, et du choix qui a été fait de ne pas entrer en contact. Par ailleurs, au Nord
comme au Sud, tout ce qui a trait à l’autre tombant rapidement sous le coup de la sécurité
nationale, une part importante de l’objet étudié est probablement classifié. Le rôle et les
actions des services de renseignement des deux parties sont tout autant inconnus. Les prises
de contact et l’établissement de relations secrètes font partie de leurs raisons d’être et ils
auraient donc eu leur place ici, mais leur nature et les propres choix de l’auteur n’ont pas
permis de les contacter. Sur un autre niveau, l’existence d’une réelle diplomatie secrète est ici
écartée. En raison de l’importante politisation qu’on trouve dans les deux camps5, qui est un
obstacle de taille à l’établissement d’un niveau de confiance suffisant ; mais aussi parce qu’il
est peu probable que cela puisse advenir à l’insu des Etats-Unis ou de la Chine. Les objectifs
et les contraintes géostratégiques des deux Corées permettent d’ailleurs mal d’imaginer quel
tiers pourrait faire les frais d’une telle entente, à l’exception peut-être du Japon, sur des
dossiers ponctuels, mais il s’agit là d’une supputation.
5 Aid Matthew M. Report Finds South Korea’s Intelligence Service So Politicized That It Urgently Needs Reform. matthewaid.com. Le 6/08/2014. Consulté le 29 octobre 2014. Disponible sur :
http://www.matthewaid.com/post/93975099171/report-finds-south-koreas-intelligence-service-so .
Concernant le Nord, l’on postulera de manière générale les administrations comme extrêmement politisées.5
Il s’agira donc d’établir un état des lieux des relations existantes grâce aux éléments recueillis
auprès de sources variées et de montrer leur richesse. Les relations institutionnelles feront
l’objet d’un bref historique qui permettra de les remettre en perspective et d’en apprécier
l’évolution avant d’entrer dans le vif du sujet. Ceci sera également l’occasion de revenir sur
l’influence que peuvent avoir les grandes puissances sur la question. Car un changement de la
situation internationale (chute du mur, 11 septembre 2001,…) peut avoir des répercussions
particulièrement bénéfiques dans les rapports entre les deux Corées ou, au contraire, amener à
détériorer significativement la situation. Mais les relations intercoréennes suivent avant tout
leur propre logique et connaissent une certaine relance à l’heure actuelle.
L’étude de cette relance permettra dans un second temps d’explorer le champ des rapports
intercoréens, qu’ils relèvent de la société civile ou des institutions ; qu’ils soient strictement
bilatéraux ou internationaux. Replacer le sujet au sein des relations internationales permettra
de révéler des espaces de dialogues et de rencontres insoupçonnés. Malgré son image de
« pays le plus isolé du monde », la Corée du Nord est bien insérée dans le système
international et membre de nombreuses organisations (notamment : ONU 1991 ; FAO 1977 ;
UNESCO 1974 ; OMS 1973), tout comme la Corée du Sud. Ces instances de dialogue
forment d’excellents lieux de rencontres pour des discussions informelles entre diplomates,
bien que l’occasion ne soit pas toujours saisie6. De même, les accords multinationaux offrent
parfois aux spécialistes des deux bords l'opportunité de participer aux mêmes programmes et
de s’y rencontrer.
Les rencontres entre les deux parties passent aussi par le sport, que ce soit à l’occasion de
rencontres sportives purement coréennes ou, comme cette année, lors de compétitions
internationales. Les relations via le sport permettent surtout de juger de l’état des rapports
entre les deux pays, qui ont par exemple défilé ensemble aux Jeux Olympiques de l’an 2000
quand leurs relations étaient au beau fixe. A contrario, quand le climat est moins propice à
l’entente, organiser le moindre évènement devient une gageure. Les liens entre sport et
géopolitique ne sont plus à démontrer7, et le fait que les Jeux Olympiques Asiatiques se
6 The Japan times. No plan for talks with Japan or South Korea on U.N. sidelines: Pyongyang. The Japan Times. Le 23 septembre 2014. Consulté le 27/09/2014. Disponible sur :
http://www.japantimes.co.jp/news/2014/09/23/national/politics-diplomacy/plan-talks-japan-south-korea-u-n-sidelines-pyongyang/ 7 BONIFACE Pascal. Commentaires d’actualité. Cours du 04 février 2014. Iris Sup’. [Audio]. Consulté le 9/02/2014. Disponible sur : http://www.iris-sup.org/audio
6
déroulent cette année à Incheon, en Corée du Sud, promettait d’éclairer singulièrement cet
aspect des relations intercoréennes.
Pourtant, les deux Corées peuvent aussi développer des relations bilatérales tout à fait
semblables à celles d’autres pays, quoiqu’avec des protocoles reflétant l’originalité de leur
situation. Dans le domaine scientifique, par exemple, les régimes du Sud comme du Nord
trouvent parfois un terrain d’entente et montent donc un programme de coopération en
conséquence. L’histoire nous apprend qu’il serait exagéré d’y voir des relations
d’interdépendance telle qu’une conception néolibérale des relations internationales le
postulerait, ces coopérations subissant de régulières coupures. Mais le projet de rédaction
d’un dictionnaire commun, par exemple, ne progresserait que difficilement sans la
participation de l’autre partie, et rien ne semble d’ailleurs irrémédiablement interrompu.
Les projets économiques communs, bien plus évidents en termes de convergence d’intérêts
échappent tout autant à l’interdépendance. La Corée du Nord cultive l’autarcie et n’a pas
hésité par le passé à suspendre les activités de la zone économique spéciale de Kaesong, tout
comme elle menace encore de le faire. D’autres projets à l’étude tels que le terminal de Rajin
ou le gazoduc transcoréen rencontrent également des suspensions, des interruptions et des
relances.
Un nouvel objet des relations intercoréennes concerne la situation écologique de la péninsule.
Le Sud, conscient de la fragilité de l’écosystème de celle-ci après des années de gestion
catastrophiques au Nord, espère changer la donne à l’aide d’une politique de « détente
écologique » (Green Detente en anglais). Cette politique est autant intéressée par l’idée
d’apporter au Nord une aide qui ne pourrait être confisquée au bénéfice exclusif de la
dictature de Pyongyang que part celle d’améliorer dès à présent la situation au-delà de la
frontière afin de réduire les coûts exorbitants d’une future réunification. De plus, Séoul
supporte activement la transition énergétique de son économie et se positionne pour devenir
un champion des biotechnologies. La Détente écologique apparait donc comme un
investissement d’avenir qui pourrait bien se révéler tout autant bénéfique pour le Sud.
Les relations officielles entre les deux régimes sont donc particulièrement délicates et
compliquées, influencées par toutes évolutions aussi bien dans les affaires intérieures que
dans le contexte géopolitique de l’Asie pacifique, voir mondial. Le choix de Washington de
7
placer la Corée du Nord dans l’« Axe du Mal » en 2002 a ainsi eu un effet particulièrement
négatif sur celle-ci, et donc sur ses relations avec Séoul alliée des Etats-Unis8. Mais
parallèlement aux canaux officiels, des liens variés bien moins sujets aux sautes d’humeur de
Pyongyang ou à d’autres perturbations existent entre le Nord et le Sud.
Les raisons qui poussent à la création de liens par des canaux non-étatiques sont variables.
Parmi celles-ci, l’idée selon laquelle une organisation, de type ONG, serait en mesure de
proposer des avancées significatives sur des problèmes précis quand l’Etat se l’interdirait. La
Croix Rouge, par exemple, est présente sur la péninsule depuis 1905. La création de la Croix
Rouge Nord-coréenne précède même la création des deux états9 ! Les ONG, qu’elles soient
humanitaires, militantes, écologiques ou religieuses investissent tous les champs de la société
civile sud-coréenne et sont activement intéressées à l’idée de s’engager au Nord.
Faire pénétrer de nouvelles idées de l’autre côté et atteindre directement sa population n’est
pas une idée neuve, et celle-ci a toujours été activement mise en œuvre par les deux camps. Le
plus parfait exemple est l’utilisation qui est faite de la radio, dont les ondes ne s’arrêtent pas
aux frontières, depuis des décennies. Mais plus efficace encore parait être l’effet que
produisent sur les nord-coréens les contenus culturels du Sud (chansons, films, série
télévisées,…) qu’ils se procurent par eux-mêmes. Les témoignages à ce sujet ne manquent pas
et ont généré d’excellentes études. Mais si le Soft Power de Séoul est efficace, il connait aussi
des limites que certaines initiatives individuelles tentent de dépasser.
Les contacts qui ne dépendent pas de Séoul seront donc abordés. Comme indiqué
précédemment, de nombreuses zones d’ombre subsistent, qui ne saurait être mises en lumière
dans le cadre de ce mémoire. Les recherches et les entretiens effectués ont néanmoins permis
d’obtenir suffisamment d’informations pour leur faire une place ici.
Les plus médiatisées de ces relations sont celles qui relient des personnalités publiques sud-
coréennes au Nord. Qu’il s’agisse d’un attachement sentimental au pays où l’on est né, ou
8 COURMONT Barthélemy. Les relations Etats-Unis/Corée du Nord : Point de situation et perspectives. Délégation aux Affaires Stratégiques. 2004. Consulté le 29/09/2014. Disponible sur : http://www.iris-france.org/docs/consulting/2004_relation.pdf 9 Les républiques du Sud comme du Nord furent proclamées en 1948. La Corée du Sud « hérita » de la structure originale. Voir :
Korean Red Cross. History. About the Korean Red Cross. 2011. Consulté le 29/09/2014. Disponible sur : http://www.redcross.or.kr/eng/eng_introduce/introduce_krc_history.do
Association d’amitié franco-coréenne. La Croix-Rouge nord-coréenne : plus de 60 ans d'intervention en RPDC et dans le monde. Solidarité – Association d’amitié franco-coréenne. 22 novembre 2012. Consulté le 29/09/2014. Disponible sur : http://www.amitiefrancecoree.org/article-la-croix-rouge-nord-coreenne-plus-de-60-ans-d-intervention-en-rpdc-et-dans-le-monde-112701686.html
8
d’une sincère volonté d’aider, les prétextes ne manquent pas pour que, dans des cas
exceptionnels, des figures hautement médiatiques entretiennent des liens directs avec
Pyongyang. Ces liens sont bien entendus connus de Séoul, mais qu’en est-il des relations qui
échappent au contrôle des deux régimes ?
Les communautés coréennes à l’étranger sont tout autant connues des deux capitales. Elles
échappent pourtant à leur contrôle direct pour d’évidentes raisons géographiques. Le
traumatisme de la séparation est cependant si puissant que les nationaux des deux Corées
conservent une extrême prudence et redoutent le plus simple contact avec un coréen « de
l’autre camp » même hors de la péninsule. Le fait que la loi sur la sécurité nationale sud-
coréenne s’applique même aux contacts établis hors du territoire explique en partie cette
inquiétude. Quant au cas inverse, concernant les nord-coréens, nous ne savons pas quel est le
risque encouru, mais il est permis de supposer qu’il ne saurait être moindre.
Certains n’hésitent pourtant pas à risquer ce qu’ils ont de plus précieux et à mener des actions
illégales. Qu’ils s’agissent de marché noir, de trafics de stupéfiants, ou de faire défection pour
échapper à un régime devenu insupportable, les activités clandestines existent bel et bien au
Nord comme au Sud. La RPDC semble même les avoir montées en système, par le biais de
son administration, afin de faire rentrer de précieuses devises étrangères. Mais même la Corée
du Nord ne peut tout contrôler, et sa population sait se montrer fort débrouillarde pour pallier
les lacunes du régime.
Les relations intercoréennes forment donc une riche mosaïque, faite d’accords
gouvernementaux, longuement et finement négociés, d’initiatives volontaristes de la société
civile, et de rapports plus personnels et plus troubles. Bien loin de l’image glaçante que la
DMZ offre aux touristes, les deux Corées se parlent et coopèrent quotidiennement. Partant de
cette information, la suite s’attachera à voir d’où viennent ces relations, et ce qu’elles révèlent
du conflit coréen aujourd’hui.
9
Historique des relations intercoréennes
Les relations intercoréennes, depuis l’apparition des deux états en 1948, évoluèrent dans le
contexte de la Guerre Froide ; puis dans celui de l’après Guerre Froide après la fin de celle-ci.
Leurs trajectoires suivirent des directions radicalement différentes, fortement influencées par
leur environnement et la présence importante de leurs alliés soviétique & chinois ou
américain. Après l’effondrement de l’URSS et la fin de la Guerre Froide, on a pu observer
une survivance du totalitarisme en Corée du Nord, « Jurassic park du communisme », selon le
bon mot du journaliste Philippe GRANGEREAU10.
La division de la péninsule fut effective dès 1945, les soviétiques recevant la reddition des
forces japonaises au nord du 38ème parallèle et les américains au sud, chaque camp organisant
l’installation au pouvoir du parti et du leader correspondant le plus à ses intérêts 11. En 1948, la
Corée est de facto divisée et le Sud puis le Nord proclament sa propre République, prétendant
représenter l’ensemble de la péninsule et engageant ainsi une lutte politique pour
l’hégémonie. En 1950, alors que les américains et les soviétiques avaient retiré leurs troupes
et prétextant une provocation, le Nord (lourdement armé par l’URSS) envahit le Sud,
transformant la lutte politique en un conflit armé qui devait durer trois ans. L’armistice du 27
juillet 1953, signé entre la Corée du Nord et la Chine d’une part, et l’ONU de l’autre, met un
terme aux opérations. Cependant, aucun traité de paix ne suivra, ce qui amène les deux Corées
à être officiellement en guerre depuis cette date, sur leurs frontières de 1945.
Les années qui suivirent furent essentiellement consacrées à reconstruire des pays dévastés12.
Les scénarios de réunification connurent un coup d’arrêt et le contact entre les deux parties fut
pratiquement inexistant. Les années soixante virent apparaitre de nouvelles tentatives de
Pyongyang pour réunifier la péninsule, en particulier à travers l’infiltration de commandos et
d’agents subversifs destinés déstabiliser le Sud, sensé se soulever de lui-même13. Dans la
10 GRANGEREAU Philippe. Au pays du grand mensonge. Le serpent de mer. 200111 RHEE Syngman au Sud, et KIM Il-Sung au Nord12 HUGH LEE Steven. The United Nations Korea Reconstruction Agency in War and Peace. in LEE Chae-Jin et LEW Young-ick, Korea and the Korean War. Yonsei University Press, 2002
ARMSTRONG Charles. The Destruction and Reconstruction of North Korea, 1950 - 1960. The Asia-Pacific Journal Vol 8, Issue 51 No 2. 20 décembre 201013TAN ENG BOK Georges. La quatrième dimension de la stratégie militaire de P’yongyang. Institut de Stratégie Comparée. 2005. Consulté le 4 octobre 2014. Disponible sur : http://www.institut-strategie.fr/strat_050_TANENGBOKC.html
10
configuration manichéenne de la Guerre Froide tout rapprochement parait impossible ; et les
tentatives d’assassinat des présidents sud-coréens (1968, 1974, 1983) qui ponctuent chaque
décennie renforcent la défiance.
Dans ces conditions difficiles, il faut attendre 1971 et le projet de la Croix-Rouge de réunions
de familles séparées pour qu’un réel dialogue s’établisse et amène à une première déclaration
commune en 1972. Celle-ci pose les principes d’une réunification indépendante, pacifique et
d’« union sacrée » ; mais aussi de ne plus user d’injures et de calomnies, de multiplier les
échanges et, entre autres, d’installer « des lignes téléphoniques directes entre Pyongyang et
Séoul afin d'empêcher des incidents militaires imprévus et de traiter directement, rapidement
et de façon appropriée les problèmes survenant entre le Nord et le Sud »14. Ce dialogue,
suspendu l’année suivante, ne constitue pourtant qu’une parenthèse avant une nouvelle
détérioration des relations. Jusqu’à la fin de la Guerre Froide, les contacts sont sans effets
concrets, parsemés de vives tensions ou de période de véritable « coma prolongé »15.
Ce n’est qu’en 1988 que le président sud-coréen ROH Tae Woo, fraichement élu, amorça une
nouvelle politique à l’égard de la Corée du Nord. En octobre de la même année, il fit un
discours à l’Assemblée générale de l’ONU dans lequel il appela à promouvoir la paix, le
dialogue et la réconciliation dans la péninsule. Deux ans plus tard, en septembre 1990, la
première de huit rencontres de haut niveau eut lieu à Séoul, enclenchant un cycle de dialogue
fructueux qui eut deux débouchés majeurs :
- l’Accord sur la réconciliation, la non-agression, les échanges et la coopération
(« Basic agreement ») en 1991,
- la Déclaration commune entre le Nord et le Sud sur la dénucléarisation de la péninsule
(« Joint declaration ») un an plus tard.
14 Association d’amitié franco-coréenne. Communiqué conjoint Nord-Sud du 4 juillet 1972. amitiefrancecoree.org. Consulté le 4 octobre 2014. Disponible sur :
http://www.amitiefrancecoree.org/pages/Communique_conjoint_NordSud_du_4_juillet_1972-5146252.html 15 Voir par exemple :
BRILLOUET Alain. Corée du Nord : les événements de l'année 1976 ; Revue d’études comparatives Est-Ouest. Volume 8. pp. 191-196. 1977 ; Présentation sommaire des principaux événements survenus au cours de l'année 1979 en République populaire démocratique de Corée. Revue d’études comparatives Est-Ouest. Volume 11. pp. 133-137. 1980 Présentation sommaire des principaux événements survenus au cours de l'année 1983 en République Populaire Démocratique de Corée. Revue d’études comparatives Est-Ouest. Volume 15. pp. 135-139. 1984.
11
C’est en 1991 également, le 17 septembre, que les deux Corées sont séparément admises
comme membres des Nations Unies après un long processus qui vit, entre autre, le Nord
proposer une « République confédérale de Koryo », du nom d’une ancienne dynastie
coréenne16.
Ces ouvertures et la fin de la Guerre Froide permirent d’audacieuses initiatives, en particulier
concernant la question de la nucléarisation de la Corée du Nord. Pourtant l’optimisme fut de
courte durée. La Commission conjointe de contrôle nucléaire (« Joint Nuclear Control
Commission » ou JNCC) établie afin de superviser les activités nucléaires du Nord et du Sud
comme prévu par la Déclaration commune de 1992 échoua à mettre en place des modalités
d’inspections. En mars 1993, Pyongyang annonce son retrait du Traité de Non-Prolifération
(TNP), puis de l’Agence internationale pour l’énergie atomique (AIEA) en 199417.
Suite à ces annonces, les Etats-Unis conclurent les Accords de Genève avec la Corée du Nord,
qui s’engage à geler son programme nucléaire contre des garanties de sécurité et la fourniture
de deux centrales à eau légère et de 500 000 tonnes de fioul, ainsi qu’à s’impliquer dans le
dialogue avec le Sud. La mort en juillet 1994 de KIM Il-Sung, fondateur de la RPDC, perturba
les discussions et rendit caduques les plans pour une première rencontre présidentielle
intercoréenne. Les relations entre le Nord et le Sud étaient une fois de plus tendues, quoique
les restrictions à l’encontre des entreprises du Sud désireuses de faire des affaires au Nord
aient été assouplies. Après d’intenses négociations, la Corée du Nord accepta que ce soit la
compagnie sud-coréenne Kepco qui livre les réacteurs et soit maitre d’œuvre18.
L’arrivée au pouvoir à Séoul du président KIM Dea-Jung en 1998 ouvrit une nouvelle ère dans
les relations avec Pyongyang. Dès son discours d’investiture, celui-ci annonça sa « politique
du rayon de soleil » à l’égard du Nord, sensée améliorer le dialogue à travers la paix, la
16 La dynastie Koryo ou Goryo est à l’origine des noms occidentaux « Corée » et « Korea ». Aujourd’hui, les coréens du Sud appellent leur pays « Hanguk », et ceux du Nord « Joseon ».
Au sujet de l’admission des deux Corées à l’ONU, voir :
PAK Chi-Young. Korea and the United Nation. Kluwer Law International. 2000. La Hague.17 La Corée du Nord avait plié à la pression internationale et signé le TNP en 1985. Son adhésion à l’AIEA datait elle de 1977. Les deux retraits du début des années 90 furent purement déclaratoires et non suivis des formalités nécessaires, Pyongyang ayant par exemple « suspendu » son retrait du TNP. D’où une certaine confusion concernant sa situation avant 2003, année de son retrait définitif.
Russian Federation Foreign Intelligence Service. The Nuclear Potential of Individual Countries - The Democratic People's Republic of Korea (DPRK). fas.org. 6/04/1995. Consulté le 5 octobre 2014. Disponible sur : http://fas.org/irp/threat/svr_nuke.htm#dprk 18 Federation of American Scientists. Nuclear Weapons Program – North Korea. fas.org. 16/11/2006. Consulté le 5 octobre 2014. Disponible sur : http://fas.org/nuke/guide/dprk/nuke/
12
réconciliation et la coopération. Cette détente atteint son point culminant avec la première
rencontre entre les chefs d’état des deux Corées en 2000 à Pyongyang et la Déclaration
commune du 15 juin 200019. Cette politique permit de nombreuses avancées, telle que
l’ouverture de la région touristique des monts Kumgang et celle du complexe industriel de
Kaesong, ainsi que les premières réunions de familles. Quoique controversée au Sud en
question de son coût, la Sunshine Policy fut continuée sous la présidence de ROH Moo-hyun,
qui se rendit lui aussi à Pyongyang en 2007, malgré un contexte international peu propice. En
effet, en 2002, l’administration Bush a placé la RPDC dans l’« Axe du Mal » des pays
soutenant le terrorisme, dans un climat de brouille sur la question nucléaire. Celle-ci s’est
définitivement retirée du TNP en 2003, et les premiers « pourparlers à six »20 établis en vue de
régler la question démarrèrent peu de mois après. Les négociations seront néanmoins
inefficaces et le Nord procèdera à son premier essai nucléaire en 2006, ce qui place Séoul
dans une situation inconfortable mais n’interrompt pas pour autant la coopération
économique.
La Sunshine Policy de Séoul prend fin en 2008 avec l’alternance qui ramène les conservateurs
à la « Maison Bleue »21 en la personne de LEE Myung-Bak. Partisan d’une ligne dure, celui-ci
se fit aussi élire en appelant à une nouvelle politique vis-à-vis du voisin du nord, alors que les
relations intercoréennes n’avaient alors jamais été un réel sujet politique dans le cadre de
l’élection présidentielle. Les relations entre les deux Corées se détériorent et traversent une
période noire, la Corée du Nord renouant avec l’usage de l’insulte ad hominem à l’encontre
du président du Sud.
En 2008, Pyongyang annonce la fermeture de la zone industrielle de Kaesong. La même
année, une touriste sud-coréenne est abattue dans le circuit touristique des monts Kumgang, et
Séoul suspend les autorisations de s’y rendre. En 2009, Pyongyang annonce mettre fin à tous
les accords passés avec le Sud, dont l’accord de non-agression (Basic Agreement) de 1991 et
effectue son deuxième essai nucléaire le 25 mai après avoir annoncé son retrait des
« pourparlers à six ». En octobre, des rencontres secrètes sont montées afin d’organiser un
19 Cette déclaration établie entre autre que « le Nord et le Sud se sont accordés pour résoudre la question de la réunification ». Voir : United States Institute of Peace. South-North Joint Declaration June 15, 2000. 15/06/2000. Consulté le 05 octobre 2014. Disponible sur :http://www.usip.org/sites/default/files/file/resources/collections/peace_agreements/n_skorea06152000.pdf 20 Réunissant les deux Corées, la Chine, la Russie, le Japon et les USA.21 Du nom du palais présidentiel à Séoul.
13
sommet, mais les discussions tournent court22. En 2010, c’est le torpillage du bâtiment
« Cheonan » et la mort de quarante-six marins, puis le bombardement de l’île de Yeonpyeong
en novembre. En décembre 2011, KIM Jong-Il décède et son fils KIM Jong-Un lui succède. Le
troisième essai nucléaire Nord-coréen a lieu le 12 février 2013, deux semaines avant la fin du
mandat de LEE Myung-Bak.
La nouvelle présidente PARK Geun-Hye se démarque de l’intransigeance de son prédécesseur
par son ouverture au dialogue, sans pour autant donner une image de colombe23. La relance de
l’aide privée n’est pas non plus inconditionnelle comme le montre le refus de l’administration
de l’actuel gouvernement d’autoriser la fourniture de fertilisants chimiques, trop facilement
détournés de leur usage initial et pouvant entrer dans la composition d’explosifs. Elle a
toutefois autorisé 13,3 millions de dollars d’aide à la RPDC via des organisations
internationales, telles que l’OMS24.
Malgré les régulières provocations de Pyongyang, la présidente a permis d’organiser de
nouvelles réunions de familles en 2014, les premières depuis 2010, et n’a pas hésité à qualifier
la réunification de « Jackpot » lors de sa première conférence de presse le 6 janvier dernier.
Aujourd’hui, les deux Corées bénéficient de plusieurs lignes téléphoniques directes pour
communiquer, parmi lesquelles une liaison à Panmunjom pour les questions politiques, une
ligne reliant les autorités militaires, les autorités aériennes, et une autre entre les deux Croix
Rouge. L’utilisation de la ligne « intergouvernementale » de Panmunjom est quotidienne,
mais relaie des conversations habituellement banales25. La Corée du Sud doit néanmoins subir
la rhétorique extrêmement agressive de la diplomatie de son voisin du Nord, qui n’hésite plus
à menacer de l’emploi de ses armes nucléaires.
Le Nord a pourtant créé la surprise en envoyant une délégation de haut niveau à la cérémonie
de clôture des Jeux Olympiques Asiatiques d’Incheon (Corée du Sud) en septembre 2014. Les
22 AHN Chang-hyun. Senior official: North Korea demanded millions in aid to participate in summit. The Hankyoreh. 9/01/2013. Consulté le 8 octobre 2014. Disponible sur :
http://english.hani.co.kr/arti/english_edition/e_northkorea/568899.html 23 GAUTHIER Ursula. Corée du Sud : Park Geun-hye, la "dame de fer" de Séoul. Le Nouvel Observateur. 11/05/2013. Consulté le 05 octobre 2014. Disponible sur :
http://tempsreel.nouvelobs.com/monde/20130510.OBS8615/coree-du-sud-park-geun-hye-la-dame-de-fer-de-seoul.html 24 Yonhap News Agency. S. Korea green-lights N. Korea aid worth US$13 mln. yonhapnews.co.kr. Le 18/09/2014. Consulté le 29 octobre 2014. Disponible sur :
http://english.yonhapnews.co.kr/news/2014/09/18/0200000000AEN20140918009500315.html 25 Entretien
14
discussions informelles qui en suivirent ont amené les deux parties à conclure un accord
concernant de nouvelles discussions avant la mi-novembre. Ce signe de bonne volonté est
cependant accueilli avec circonspection de la part de Séoul, habitué à la susceptibilité et aux
revirements de Pyongyang.
Les relations entre les deux Corées semblent aussi aléatoires qu’indispensables. D’un point de
vue extérieur, la RPDC apparait d’une sensibilité à fleur de peau, prompt à s’insurger des
évènements les plus anodins, comme lorsqu’elle qualifie un lâcher de ballons de « déclaration
de guerre »26. Cette montée aux extrêmes masque pourtant une grande fragilité du régime de
Pyongyang, qui se doit d’alimenter sa propagande interne par des actions d’éclats sur la scène
internationale.
26 LAULER Robert. North Korea calls balloon launch a declaration of war. NKNews.org. Le 24/10/2014. Consulté le 28 octobre 2014. Disponible sur : https://www.nknews.org/2014/10/north-korea-calls-balloon-launch-a-declaration-of-war/
15
Les relations intergouvernementales et infra-gouvernementales actuelles
Souvent qualifiées de « frères ennemis », les deux Corées ont entrepris de grands efforts de
coopérations dans de nombreux domaines depuis la fin de la Guerre Froide. Cette coopération
a culminé au début du XXème siècle, lors de la fameuse politique du « rayon de soleil »,
largement financée par Séoul à une période où l’économie nord-coréenne était au plus bas.
Alors que l’on semble voir une légère amélioration de cette économie et que l’équipe au
pouvoir à Séoul parait plus disposée à la collaboration avec le Nord que le gouvernement
précédent, il est intéressant de relever quelques cas de coopération intercoréenne actuels.
Les relations intercoréennes dans les relations internationales
Les deux Corées se partagent à parts égales une péninsule plus petite que la botte italienne et
située entre trois géants que sont la Chine, la Russie et le Japon. A ceux-ci s’ajoutent les
Etats-Unis, dont la présence militaire en Corée du Sud comme au Japon en fait un acteur
régional incontournable. L’isolement géographique de la Corée, le faible nombre de ses
voisins, et l’incapacité de l’ONU à régler le problème de sa division27 explique le détachement
des pays extérieurs à l’Asie du nord-est à cet égard. Le problème coréen est sérieux et
dramatique, mais il reste donc essentiellement l’affaire des six pays membres des
« pourparlers à six ».
Paradoxalement, en raison de l’impossibilité pour les deux Corées à discuter librement,
quantité de dossiers bilatéraux sont abordés hors du territoire national, comme l’analyse des
projets socio-culturels communs le montrera. L’objet de cette partie sera donc d’explorer
davantage les facilités de collaboration offertes par l’étranger, et les initiatives amenant à
extraire le problème coréen du « cul-de-sac » de la péninsule.
La situation particulière entre les deux pays, le défaut d’ambassades réciproques et une
certaine habitude héritée de leur relation conflictuelle forment de puissants freins à
l’établissement d’une communication normale entre le Nord et le Sud. Du point de vue
officiel de la diplomatie Sud-coréenne, celle-ci subit une agression récurrente de la part du
27 L’armistice de 1953 fut bien signé par un américain au nom des Nations-Unies. La Corée du Sud (non membre en ce temps-là), n’a donc « pas » signé l’armistice.
16
Nord et éprouve de grandes difficultés pour communiquer28. Face à ces difficultés, elle tente
de jouer la carte du multilatéralisme, en particulier à l’aide du puissant voisin chinois, seul
allié de Pyongyang.
Or, l’établissement de relations bilatérales sino-sud-coréennes en 1990 fut vécu comme une
trahison par la Corée du Nord, bien plus que la conversion de l’économie chinoise au
capitalisme. Et bien que trois générations de dirigeants se soient succédées au Nord depuis
l’effondrement du bloc de l’Est et la conversion de l’économie chinoise, la RPDC ne semble
toujours pas s’engager dans la voie de l’apaisement, ni dans celle de l’économie de marché.
En réalité, toute réforme tant politique qu’économique est vue comme une menace par l’élite
nord-coréenne, qui craint particulièrement de perdre le pouvoir en même temps que KIM
Jong-Un29.
Le Sud souhaite amener le Nord à s’ouvrir et à se développer davantage. Ceci bien sûr pour
apaiser ses relations bilatérales, mais aussi par crainte du coût de la reconstruction. L’exemple
de la réunification allemande, pour bienheureuse qu’elle ait été, montre bien que celle-ci fut
un fardeau pour l’économie allemande. Séoul en est bien conscient, et un certain pessimisme
à l’égard de la réunification de la péninsule coréenne s’est développé ces dernières années. Le
discours de la présidente PARK Geun-Hye la présentant comme un jackpot en janvier 2014
servait donc d’importants intérêts en terme de politique intérieure (contrer l’opposition
libérale sur ce sujet, influencer l’opinion publique). Il a aussi préparé la création d’un Comité
pour la préparation de l’unification qui a pour objectif de définir le cadre général des relations
intercoréennes, dans une perspective élargie, dont la première réunion s’est tenue le 7 août
dernier. Pourtant, ce comité met le Ministère de la Réunification et le Conseil consultatif pour
la Réunification nationale sur la touche30 et est critiqué pour la large place qu’il accorde aux
entreprises privées31.
Mais le discours de la présidente PARK Geun-Hye était aussi un message à visée
internationale. Présenté de cette manière, les investisseurs étrangers et les pays de la région
sont forcés de poser sur le Nord un regard nouveau, moins sécuritaire, et à se montrer plus
28 Entretien. M. Kwon Hyuk-Woon et Mme Lee Juwon, Ambassade de la République de Corée en France. 11/03/201429 Entretien. M. Pascal Dayez-Burgeon. 6/03/201430 Entretien. M. Pierre Coulange. Ambassade de France en Corée. 25/03/201431 KBS World Radio. La Corée du Sud crée un comité de préparation de la réunification. La Corée du Nord de A à Z. 17/07/2014. Consulté le 19 octobre 2014. Disponible sur :
http://world.kbs.co.kr/french/event/nkorea_nuclear/now_02_detail.htm?No=1950 17
attentifs aux opportunités supposées. Et afin d’encourager ce type d’approche, le ministère
des affaires étrangères sud-coréen a lancé un « Club de la Paix » afin de fidéliser les pays
disposant d’une ambassade dans les deux capitales coréennes. Ces pays partageant la nouvelle
position de Séoul, les Like minded countries en anglais, ont pour objectif d’apporter la paix
sur la péninsule, en particulier en favorisant le changement « de l’intérieur » (en anglais :
“change from within”)32.
Ce discours, surprenant à plus d’un titre, soulève la question de l’effet recherché et de
l’identité des bénéficiaires de ce jackpot. Selon un des individus interrogés, ce jackpot
pourrait être avant tout l’expression d’un accord (deal) préétabli entre le Nord et le Sud. Les
investissements récents en Corée du Nord, effectués avant ce discours, auraient été trop
risqués sans un arrangement préalable et les élites du Nord comme du Sud tenteraient
discrètement, avec les maigres marges de manœuvres disponibles, de préparer la
réunification. Et surtout de conserver les richesses potentielles du Nord dans des mains
coréennes à l’aide des capitaux du Sud, comme le laisserait supposer l’arrivée de capitaux
sud-coréens dans la zone économique spéciale de Rason, abordée plus loin.
La Corée du Sud souhaite amener les partenaires de Pyongyang, et en particulier la Chine, à
convaincre l’élite nord-coréenne de la nécessité et de l’opportunité des réformes. La
multiplication d’accords, de partenariats ou de participation dans des instances communes
offrent aux deux Corées la possibilité de se côtoyer, voire de travailler ensemble, en dehors du
champ bilatéral excessivement politisé et sujet à d’incessantes tensions. Pour ce faire, Séoul
ne peut compter que sur une poignée d’états avec lesquels le suspicieux régime de Pyongyang
entretient de bonnes relations, ou qui, à l’instar de la Suisse, cultivent une neutralité
bienveillante.
Il serait exagéré de dire que la Suisse participe activement à un rapprochement entre les deux
Corées. Néanmoins, sa neutralité est reconnue internationalement et la RPDC ne fait pas
exception, y apportant suffisamment de crédit pour y envoyer la progéniture de l’élite y faire
ses études. KIM Jong-Un lui-même y a ainsi étudié et y a développé un goût prononcé pour
certain traits culturels occidentaux, par exemple une véritable passion pour le basketball. Tout
comme, le spectacle du groupe Moranbong, qui aurait été assemblé par KIM Jong-Un lui-
32 YUN Byung-se. Congratulatory Remarks at the Launching Ceremony of the Peace Club. Ministry of Foreign Affairs, Republic of Korea. Le 30/05/2014. Consulté le 29 octobre 2014. Disponible sur : http://www.mofa.go.kr/webmodule/htsboard/template/read/engreadboard.jsp?typeID=12&boardid=14137&seqno=313825
18
même, comprenait des scènes avec de fameux personnages de Disney devant un parterre
d’officiels en 201233.
Mais la Suisse offre également d’autres avantages, parmi lesquels de généreux programmes
d’échanges. Une formation sur la sécurité internationale au sein du Centre de politique de
sécurité de Genève (GCSP34) destinée à la promotion de la paix, de la sécurité et de la stabilité
dans le monde a ainsi été offerte à des officiers nord-coréens. Sans la polémique que cela
suscita en début d’année, cette participation serait sans doute passée tout aussi inaperçue que
les années précédentes. La participation des nord-coréens à ce programme a été justifiée par la
possibilité que cela leur offre de rencontrer des sud-coréens, selon le ministre de la Défense
suisse35. Quoique limité, seulement huit officiers nord-coréens ayant bénéficié de ce
programme depuis 2011, cet exemple montre qu’une participation intercoréenne commune est
possible dès lors que l’on s’extrait du paradigme du face-à-face. Cette participation de
spécialistes des deux Corées à des symposiums dans des pays tiers, ou à des réunions ou
colloques internationaux sur des sujets techniques n’est pas fréquente, mais elle n’en demeure
pas moins habituelle. Il est pourtant improbable qu’elle donne suite à quelque politique de
rapprochement que ce soit, en particulier parce que ce type de démarche n’est pas du ressort
des intellectuels qui se rendent à ces manifestations ponctuelles, mais avant tout le travail des
diplomates.
D’autres pays qui entretiennent de bonnes relations avec les deux Corées, comme la
Mongolie, peuvent aussi servir de canaux indirects de communication. Celle-ci entretient
d’excellentes relations avec la Corée du Nord, ce qui est assez rare pour être noté. Le
président ELBEGDORJ, qui a lancé une grande politique d’ouverture à l’international, fut ainsi
le premier chef d’état à se rendre à Pyongyang depuis l’avènement de KIM Jong-Un36. Cette
visite de quatre jours a permis au deux pays de resserrer leurs liens, et cela n’a pu échapper à
33 THE ASSOCIATED PRESS. Mickey Mouse, Winnie the Pooh take stage for North Korea leader Kim Jong Un in bizarre Disney-themed performance. NY Daily News. Le 8/07/2012. Consulté le 27 octobre 2014. Disponible sur : http://www.nydailynews.com/news/world/mickey-mouse-winnie-pooh-stage-north-korea-leader-kim-jong-bizarre-disney-themed-performance-article-1.1109970 34 Geneva Centre for Security Policy35 RP Defense. Ueli Maurer justifie la formation d'officiers nord-coréens à Genève. rpdefense.overblog.com. 25/04/2014. Consulté le 27 octobre 2014. Disponible sur : http://rpdefense.over-blog.com/2014/04/ueli-maurer-justifie-la-formation-d-officiers-nord-coreens-a-geneve.html 36 Charles KRUSEKOPF. North Korea and Mongolia : A New Partnership for Two Old Friends ?. East-West Center. Asia Pacific Bulletin. N°240. 14/11/2013. Consulté le 19 octobre 2014. Disponible sur :
http://www.eastwestcenter.org/publications/north-korea-and-mongolia-new-partnership-two-old-friends 19
la Corée du Sud. La Mongolie bénéficie de son accès privilégié à Pyongyang qui fait d’elle un
interlocuteur utile pour les USA, la Corée du Sud et le Japon dans leurs relations avec la
RPDC. Décidée à s’investir plus encore et à être reconnue comme un réel acteur des relations
internationales, la Mongolie n’hésite plus à réclamer une place au sein des « pourparlers à
six » 37.
Ces pays tiers, comme la Thaïlande ou Singapour, offrent la possibilité de mener des réunions
de travail légères, non médiatisées, et donc en toute discrétion. Ces facilités sont d’ailleurs
tout autant utilisées par les japonais que par les américains dans le cadre de leur « diplomatie
2.0 »38.
Le sport dans les relations intercoréennes
La question du sport dans les relations intercoréennes est particulièrement intéressante en ce
qu’elle permet de juger de l’état des relations entre les deux pays, mais aussi par les
opportunités d’amélioration des relations qu’elle offre. De ce point de vue-là, le déroulement
des Jeux Olympiques Asiatiques se sera révélé particulièrement fructueux. Il est bien sûr trop
tôt pour savoir si cet évènement aura un effet durable sur les rapports entre le Nord et le Sud,
mais la rencontre qui y eut lieu suivant la cérémonie de clôture peut déjà être qualifiée de
bénéfique.
Les compétitions sportives internationales ont toujours été utilisées à des fins de politiques
intérieures ou extérieures. Qu’il s’agisse de conforter le régime, de susciter l’admiration de
l’étranger, de prouver la supériorité de son idéologie (ou de sa race), ou encore, plus
tragiquement, d’y commettre un attentat, ces grands rassemblements largement médiatisés
sont l’occasion de produire des effets symboliques à peu de frais. Les deux Corées
n’échappent pas à la règle, et toutes deux trouvent un intérêt à mobiliser leurs citoyens autour
des équipes nationales ou à utiliser les événements sportifs pour faire progresser l’idée de la
37 Alicia CAMPI. Mongolian Foreign Relations Surge Indicates New Activist Agenda for 2014 . East-West Center. Asia Pacific Bulletin. N°254. 24/03/2014. Consulté le 19 octobre 2014. Disponible sur :
http://www.eastwestcenter.org/sites/default/files/private/apb254_0.pdf 38 Entretien. M. Jean-Christophe Langella. Ambassade de France en Corée. 20/03/2014.
Pour la réunion Japon – Corée du nord, voir :
Martin FACKLER. Years After Abduction by North Korea, a Reunion. The New York Times. 16/03/2014. Consulté le 19 octobre 2014. Disponible sur : http://www.nytimes.com/2014/03/17/world/asia/parents-of-japanese-woman-kidnapped-by-north-korea-meet-their-granddaughter.html?_r=0
20
réunification. Par le passé, des efforts importants furent faits, comme en 1991, où une seule
délégation « nord-sud » fut alignée aux championnats du monde de tennis de table ; ou lors
des défilés communs des JO d’été en 2000 et 2004, aux JO d’hiver en 2006, et aux Jeux
Asiatiques de Doha la même année39. Pyongyang a aussi déjà accueilli des coréens du Sud
pour une compétition d’haltérophilie, remportée par un sud-coréen en 2013, mais également
un tournoi de football junior en 2008 et un semi-marathon en 2005.
Le Nord apparait particulièrement actif en matière de « diplomatie sportive ». L’exemple le
plus médiatique en est bien sûr la série d’invitations qui fut faite à la star de basketball
américaine Dennis RODMAN. Néanmoins, il semblerait que ces voyages n’aient que peu
d’effets diplomatiques à court-terme, et il est difficile de savoir s’ils en auront jamais40. Par
contre, l’importance accordée au sport semble bel et bien avoir trouvé un nouvel élan depuis
l’arrivée au pouvoir de KIM Jong-Un. Pour preuve, la constitution en novembre 2012 d’une
nouvelle « Commission d’Etat pour la culture physique et la conduite des sports » dont le
premier président ne fut autre que JANG Song-thaek41. Ce dernier était l’oncle de KIM Jong-
Un et faisait figure de numéro deux du régime nord-coréen avant d’être disgracié et exécuté
l’hiver dernier. La nomination d’une telle figure à l’époque, et le fait que cette commission
compte dans ses rangs les membres les plus puissants du régime montre que la question
sportive dans toutes ses dimensions est prise très au sérieux à Pyongyang42.
Lors de la préparation de ce mémoire, l’idée selon laquelle JANG Song-thaek avait pu
rencontrer un homologue, ou un interlocuteur sud-coréen, en vue d’organiser les JO
Asiatiques de septembre était très attirante. Hélas, le Comité d’organisation des Jeux
Asiatiques d’Incheon n’a pas répondu aux sollicitations malgré les relances. JANG Song-thaek
lui-même n’a probablement pas participé aux négociations avant sa mort, mais qu’il s’agisse
39 pdw/tw/gab/jcp. Aux Jeux asiatiques d'Incheon, "Gangnam Style" contre "Pyongyang style". AFP.com. 18/09/2014. Consulté le 8 octobre 2014. Disponible sur : http://www.afp.com/fr/node/2847606 40 Le département d’état américain affirme ainsi qu’il ne s’agissait que d’un déplacement privé.
DEWEY Catlin. State Department: No position on Dennis Rodman’s North Korea trip. The Washington Post. Le 1/03/2013. Consulté le 8 octobre 2014. Disponible sur :
http://www.washingtonpost.com/blogs/worldviews/wp/2013/03/01/state-department-no-position-on-dennis-rodmans-north-korea-trip/ 41 KOREA NEWS SERVICE. Report on Enlarged Meeting of Political Bureau of WPK Central Committee . KOREAN CENTRAL NEWS AGENCY. 4/11/2012. Consulté le 8 octobre 2014. Disponible sur :
http://www.kcna.co.jp/item/2012/201211/news04/20121104-04ee.html 42 KOIKE Yuriko. Le chantage au missile de la Corée du Nord. Project syndicate. 21/12/2012. Consulté le 8 octobre 2014. Disponible sur : http://www.project-syndicate.org/commentary/the-anatomy-of-north-korean-missile-launches-by-yuriko-koike/french
21
du Nord ou du Sud, les fédérations sportives ne sont pas des acteurs autonomes. Les
discussions qui ont eu lieu pour régler les nombreux détails ont donc finement été supervisées
et donnèrent lieu à de fréquents rebondissements tout au long de la rédaction de ce mémoire.
Ce type de rencontres se déroule généralement à l’aide des ambassades et services consulaires
à Hong-Kong, Pékin, ou Shenyang43, et la participation nord-coréenne fut définitivement
acquise le 20 juillet dernier, soit moins de deux mois avant le début des jeux le 19
septembre44. Il n’y a pas de doutes que parmi les sujets abordés lors des discussions, la
question des frais ait été largement débattue. Il est aujourd’hui possible de savoir que sur le
total des 938 millions de wons que coûta la participation nord-coréenne, le Nord s’acquitta
d’environ 202 millions (191.682 $ exactement), quand le Sud déboursa environ 550 millions,
sans qu’il soit précisé comment fut réglée la différence. Par le passé, Séoul a déjà financé
dans son intégralité la participation nord-coréenne à des manifestations sportives se déroulant
sur son sol45.
Même les événements sportifs sont l’occasion de tensions, quoiqu’elles aient été minimes
cette année. La délégation sportive nord-coréenne fut fraichement accueillie, et la présence du
drapeau nord-coréen (qu’il est interdit de posséder au Sud), posa quelques problèmes vite
résolus46. Fort heureusement, les compétitions se déroulèrent sans incidents et furent même
l’occasion, on l’a vu, d’une surprenante visite d’officiels nord-coréens.
43 Entretien. M. Jean-Christophe Langella. Ambassade de France en Corée.
Shenyang est la capitale de la province chinoise du Liaoning, frontalière de la Corée du Nord.44 YORK Rob. North Korea confirms Asian Games participation. NK News – North Korea News. 20/07/2014. Consulté le 26 octobre 2014. Disponible sur : http://www.nknews.org/2014/07/north-korea-confirms-asian-games-participation/ 45 English news. Seoul to Pay Most of N.Korea's Asian Games Bill. Cheoson Ilbo. Le 17 octobre 2014. Consulté le 26/10/2014. Disponible sur : http://english.chosun.com/site/data/html_dir/2014/10/17/2014101701515.html 46 GALE Alastair. North Korean Flag Protest Hits Asian Games. The Wall-Street Journal – Korea Real Time. 11/09/2014. Consulté le 8 octobre 2014. Disponible sur : http://blogs.wsj.com/korearealtime/2014/09/11/flags-in-incheon-replaced-after-protests-over-north-korean-flags/
22
La coopération socio-culturelle
Les programmes scientifiques et culturels forment un espace de rencontre moins formel et
bien moins sujet aux aléas géopolitiques que les instances diplomatiques ou que les
manifestations sportives fortement médiatisées. De plus, à la différence du sport, ils ne sont
pas définis par une finalité compétitive, mais tentent généralement de souligner l’origine
commune des coréens. La totalité des contacts officiels comme privés fut nettement limitée,
voire suspendue, sous la présidence de LEE Myung-Bak au titre des sanctions du 24 mai 2010.
Ils sont nombreux à avoir été relancés depuis grâce à l’élection de PARK Gueun-Hye en 2012.
LEE Myung-Bak était handicapé par sa posture de président ayant mis fin à la Sunshine Policy
et par les éléments conservateurs de son parti. La nouvelle présidente et son équipe, quoique
de la même formation politique, ont eu plus de liberté pour définir leur politique vis-à-vis du
Nord et à autoriser la relance de ces « programmes intercoréens à caractère non politique »47,
quitte à déplaire aux conservateurs.
Parmi ceux-ci, les projets de rédaction d’un dictionnaire commun et celui de fouilles
archéologiques à Kaesong ont été choisis comme exemple. Ils représentent bien la relance
actuelle de la coopération après les années de tension et, bien que fondamentalement
bilatéraux, ils permettent aussi de montrer que même les programmes les plus inoffensifs ne
peuvent s’initier hors du cadre régional.
Exemple 1 : Le projet de rédaction d’un dictionnaire commun
Lancé en 2005, donc en pleine période de « Sunshine policy », le projet de publication d’un
dictionnaire commun a pour but de « compiler des mots utilisés par les deux Corées et
d’élargir la communauté culturelle pour se préparer à la nouvelle ère de réunification. » Il
s’agit donc d’une parfaite application de la « politique du rayon de soleil » qui voulait
relancer le dialogue notamment à travers la coopération. Et quoi de mieux qu’un dictionnaire
pour arriver à se comprendre ? Le projet est essentiellement symbolique, puisque les coréens
du Nord et du Sud partage une même langue et un même alphabet qui n’ont subi d’évolutions
séparées que depuis soixante ans. C’est bien peu au regard du rythme de vie d’une langue
vivante, et à titre de comparaison, le français de métropole et le dialecte québécois sont
« séparés » depuis 1763.
47 Selon l’appellation du ministère à la Réunification.23
Les dialectes coréens ont pourtant divergé dans des proportions alarmantes selon les linguistes
en charge du projet. Ceci à cause de l’interdiction de communiquer d’une part, et de
l’influence étrangère (en particulier au Sud), de l’autre ; et un sondage de 2001 montrait que
seul 24% des réfugiés nord-coréens comprenaient parfaitement ce qui se disait au Sud48.
Quant au Nord, il s’est interdit l’usage des caractères chinois (parfois utilisés au Sud pour
lever certaines ambiguïtés) dès 1946, puis a mené une stricte politique linguistique menant à
« coréaniser » le vocabulaire quitte à restaurer des termes désuets, ainsi qu’à reporter toute
réforme de l’écriture jusqu’au jour où la Corée sera de nouveau unifiée49.
Bien que le projet soit plus scientifique et culturel que politique, il souffrit néanmoins de la
rupture des échanges entre les deux pays en 2010 après le torpillage du Cheonan. Il fallut
attendre 2013 pour que les deux parties se réunissent à Kaesong afin d’envisager sérieusement
de reprendre les travaux. L’annonce de la relance officielle des travaux eut lieu en juillet
dernier à Shenyang, en Chine, le Sud participant à hauteur de trois milliards de wons (2,9
millions de dollars). Il n’a pas été fait mention des sommes que le Nord prévoit de
débourser50.
Exemple 2 : Le site archéologique de Kaesong
La ville de Kaesong, située en Corée du Nord à seulement sept kilomètres de la frontière avec
le Sud (le 38ème parallèle traverse la ville), est un haut lieu de coopération intercoréen. Outre la
zone économique spéciale destinée à faciliter les investissements des entreprises sud-
coréennes intéressées, elle abrite plusieurs programmes de coopération dont celui concernant
les « Monuments et sites historiques de Kaesong », inscrits au patrimoine mondial de
l’UNESCO depuis 2013. Capitale de la dynastie Koryo (918-1392), qui donna son nom
« occidental » à la Corée, elle abrite les ruines du palais royal de cette époque. Les deux
Corées trouvent ici le moyen de se retrouver et de commémorer leur histoire commune en
48 Choe Sang-Hun. Koreas: Divided by a common language. International Herald Tribune – The New York Times. 30/08/06. Consulté le 10 octobre 2014. Disponible sur :
http://www.nytimes.com/2006/08/30/world/asia/30iht-dialect.2644361.html 49 Association d'amitié franco-coréenne. Pourquoi un dictionnaire commun à toute la Corée ? Les nuances linguistiques entre le coréen du Nord et du Sud de la péninsule. Association d'amitié franco-coréenne – Culture. Le 29/11/2011. Consulté le 27 octobre 2014. Disponible sur : http://www.amitiefrancecoree.org/article-pourquoi-un-dictionnaire-commun-a-toute-la-coree-90623555.html 50 [email protected]. Reprise du projet intercoréen de publication d'un dictionnaire commun. Yonhap News Agency – Sport & Culture. Le 29/07/2014. Consulté le 27 octobre 2014. Disponible sur :
http://french.yonhapnews.co.kr/sportsculture/2014/07/29/0800000000AFR20140729000800884.HTML 24
plus de l’intérêt purement scientifique du projet. L’aspect symbolique est tout aussi important
puisque la dynastie Koryo est la dernière dynastie à avoir unifié la péninsule, qui le resta
jusqu’en 1945.
Ce site d’une indéniable valeur est l’objet d’un programme commun de recherches
archéologiques depuis 2007, interrompu en 2010, relancé en 2011 et interrompu de nouveau
après le décès du dictateur nord-coréen KIM Jong-Il en décembre de la même année. Or,
l’abandon du site laissé à ciel ouvert cause des dégâts irréparables aux fragiles pièces mises à
jour, ce qui reviendrait à « laisser ouverte une boite de conserve ». Les travaux ont donc été
relancés le 21 juillet dernier et treize historiens sud-coréens, membres de l’Association des
historiens « inter-coréens » ont fait le déplacement. Là encore, il n’est pas dit combien le
Nord payera, quand Séoul engage officiellement 276 millions de wons (268.000 dollars)51.
Les échanges socio-culturels paraissent donc bien reprendre, tant motivés par leur grande
valeur que par l’urgence de la situation. Mais des visites moins décisives ont également été
autorisées, comme les voyages d’une délégation de religieux bouddhistes de l’Ordre Jogye du
Sud au temple nord-coréen de Bohyeon52, des représentants de sept grandes religions sud-
coréennes, ou encore du chef d’orchestre de l’Orchestre philarmonique de Séoul se rendant à
Pyongyang pour y diriger l’Orchestre symphonique d’Etat53.
Les raisons de la reprise et de la multiplication de ces échanges sont bien entendu variées et
ne peuvent être réduites à leur moindre sensibilité politique. Il apparait surtout que les deux
parties ont plus à perdre qu’à gagner en se les interdisant. De plus, ils offrent plusieurs
avantages parmi lesquels celui de proposer un cadre idéal pour maintenir et développer les
relations, ainsi que de tester les procédures nécessaires à leur effectivité. La résilience des
liens ainsi créés permet aussi autant de tester l’état d’esprit de l’interlocuteur que sa volonté
de se lancer dans des formes de coopérations moins innocentes et plus intéressées, comme la
conclusion d’accords commerciaux. Les relations socio-culturelles entre les deux Corées
restent néanmoins récentes, et il reste de nombreux champs à explorer. Elles comportent
51 Yonhap. Koreas set to resume ancient palace project. The Korea Herald. Le 21/07/2014. Consulté le 27 octobre 2014. Disponible sur : http://www.koreaherald.com/view.php?ud=20140721000905 52 Dans la province nord-coréenne du Pyongan du nord, à ne pas confondre avec le temple Bohyeon situé dans la province sud-coréenne du Gyeongsang du nord.53 KBS WORLD Radio. Two Koreas Resume Joint Projects in Social, Cultural Areas. KBS WORLD Radio - Сегодня и завтра Корейского полуострова. Le 17/11/2011. Consulté le 27 octobre 2014. Disponible sur : http://world.kbs.co.kr/russian/event/nkorea_nuclear/now_02_detail.htm?No=1172#
25
néanmoins une fonction positive qui permet d’amorcer le dialogue sur les problèmes
économiques et politiques et servent de marchepied vers de plus profonds échanges
bilatéraux.
Les relations économiques
Kaesong n’est pas l’unique zone d’attractivité économique pour les investisseurs sud-coréens.
Son importance économique et les facilités tant logistiques que règlementaires qu’elle offre
sont incontestables ; elle souffre pourtant de sa dimension symbolique. Malgré l’importance
des devises qu’elle fait rentrer, la susceptibilité de Pyongyang pèse comme une épée de
Damoclès au-dessus de la Zone économique spéciale. De plus, l’attachement idéologique de
la Corée du Nord à la nationalisation des entreprises en font un enjeu particulièrement risqué
pour les investisseurs.
Les supporters de la Sunshine policy pensaient que le projet de Kaesong permettrait de sortir
la RPDC de son isolement, la rallierait au Sud par des liens économiques trop puissants pour
être rompus, et finirait par l’inciter à évoluer dans sa posture doctrinale. Aujourd’hui, il n’est
pas exagéré de croire que ce but à échoué. La Corée du Nord tire un bénéfice substantiel de
Kaesong (90 millions de dollars annuels), mais semble toujours aussi réfractaire à intégrer le
marché mondial et n’hésite pas à risquer la fermeture du complexe pour prouver sa fermeté54.
Pour pénétrer le marché nord-coréen, la coopération bilatérale ne suffit donc pas et, face à ces
difficultés, les entreprises du Sud ont pensé à une méthode qui s’apparente à celle du cheval
de Troie.
La Corée du Nord a désigné Rason (Pour « Rajin-Sonbong »), près des frontières russo-
chinoises, comme zone économique spéciale en 1991. Celle-ci est constituée des villes
portuaires de Rajin et de Sonbong, toutes deux reliées au réseau ferroviaire. Ces dernières
années, Rason a été particulièrement développée, en particulier via le réseau électrique
chinois, mais surtout par la rénovation du chemin de fer qui la raccorde au transsibérien russe.
Encouragées par l’« initiative Eurasiatique » de la présidente PARK Gueun-hye, qui vise à
améliorer les liens économiques sud-coréens avec les pays eurasiatiques, les entreprises sud-
54 PINKSTON Daniel. Why is North Korea Risking the Closure of the Kaesŏng Industrial Complex? In Pursuit of Peace – Blog Crisis Group. 8/04/2013. Consulté le 12 octobre 2014. Disponible sur:
http://blog.crisisgroup.org/asia/2013/04/08/why-is-north-korea-risking-the-closure-of-the-kaesong-industrial-complex/
26
coréennes intéressées55 ont monté un consortium afin d’intégrer le projet et, à terme, à relier le
Sud au réseau transsibérien. La joint-venture « RasonKonTran », créée pour mener à bien ce
projet, étant détenue à 30% par la Corée du Nord et à 70% par la Russie, le consortium sud-
coréen souhaite acquérir la moitié des parts russes. Cette démarche est donc autant motivée
par l’intérêt économique que par l’assurance qu’apporte une tierce-partie. Ainsi, toute
mauvaise volonté de la part de Pyongyang serait tout autant dommageable aux sud-coréens
qu’aux russes, quand Pyongyang souhaite justement renforcer ses liens avec Moscou56.
Moscou qui se trouve être en bon terme avec les deux Corées et qui développe sérieusement
ses projets « eurasiatiques » en incluant la péninsule dans son ensemble. Que ce soit le réseau
transsibérien ou le projet de gazoduc intercoréen sensé approvisionner le Sud (second
importateur mondial de gaz naturel), les initiatives ne manquent pas57. Elles restent malgré
tout conditionnées au bon vouloir de Pyongyang, situé géographiquement entre la Russie et la
Corée du Sud. Quoiqu’il en soit, la situation actuelle et les bénéfices qui pourrait être tirés du
« raccordement » de la Corée du Sud au reste du continent fait de la Russie l’état de la région
le plus intéressé à un apaisement de la situation58 ; voire à une réunification qui pourrait faire
contrepoids à la Chine et au Japon.
La détente écologique entre les deux Corées
Parmi les initiatives sud-coréennes pour relancer le dialogue avec le Nord, la Green detente,
ou « détente écologique » est un élément récent, mais pris très au sérieux. La Corée du Nord
se trouve dans un état écologique lamentable après plusieurs années de planification de
l’agriculture aux résultats effarants. Séoul espère qu’une aide ciblée permettra à la population
55 L’opérateur national KORAIL, le numéro un de l’acier POSCO et la deuxième compagnie maritime du pays Hyundai Merchant Marine Co.
NAM K-S. S.Korean team to survey N.K.-Russia project next week. Yonhap News Agency. 8/07/2014. Consulté le 12 octobre 2014. Disponible sur :
http://english.yonhapnews.co.kr/northkorea/2014/07/08/31/0401000000AEN20140708008700320F.html 56 SHIN Hyon-Hee. N.K. seeks closer Russia ties. The Korea Herald. 2/07/2014. Consulté le 12 octobre 2014. Disponible sur: http://www.koreaherald.com/view.php?ud=20140702000935 57 Toloraya Georgy. Inter-Korean Dialogue and Reconciliation Prospects. Russian International Affairs Council. Le 16/07/2014. Consulté le 29 octobre 2014. Disponible sur : http://russiancouncil.ru/en/inner/?id_4=2118#top 58 LEVEAU Arnaud. Corée du Nord. Opportunités économiques pour la Russie. Lettre confidentielle Asie21-Futuribles n°72- avril 2014. P. 9.
27
nord-coréenne de combattre la malnutrition, sinon de retrouver un semblant d’abondance, et
aussi de réduire les coûts de la réunification.
Après l’effondrement du bloc de l’Est et les difficultés économiques, Pyongyang a tenté
d’augmenter les surfaces cultivables par la déforestation. L’ampleur de celle-ci (près de deux
millions d’hectares de forêts disparus en quinze ans) eut comme effet direct d’affaiblir les sols
et de les laisser sans protection face aux sécheresses et aux inondations. L’érosion des sols et
la vulnérabilité des cultures est une cause majeure des famines et des catastrophes naturelles
que subit la RPDC59. Le régime communiste a pris la mesure de la catastrophe et autorisé une
entorse à son idéologie pour permettre aux agriculteurs de cultiver leur propre lopin de terre.
Pourtant, là aussi la réforme agraire « à petite échelle » eut l’effet inverse, les bénéficiaires
exploitant maintenant au maximum la moindre surface disponible60. Toute image de la
campagne nord-coréenne montre donc un paysage désolé, qui laisse une amère sensation de
désertification artificielle dont les ravages sont visibles depuis l’espace (Voir Pièces jointes
N° 2, 3 & 4).
Régénérer la forêt nord-coréenne représente un immense défi que le Sud estime à 29 milliards
de dollars, mais le danger que fait peser le Nord sur l’écosystème de la péninsule toute
entière, et le fait que le coût ne fera qu’augmenter si rien n’est fait, semble justifier des efforts
en la matière. La désertification du Nord est si inquiétante qu’un ancien ambassadeur sud-
coréen en Chine l’estime plus menaçante que les armes nucléaires. La situation est pourtant
dégradée à tel point que reboiser ne suffira pas. Les populations ayant un besoin vital de bois
pour se chauffer et d’espace pour cultiver, le reboisement doit être accompagné d’aides
énergétiques et alimentaires. Le reboisement de la Corée du Nord, un projet là encore ancien
d’une dizaine d’années, revêt une importance croissante pour la Corée du Sud.61. La Corée du
Sud jouit d’une expertise reconnue pour avoir mené la régénération de ses forêts avec brio
depuis la seconde moitié du XXème siècle et, depuis la fin de l’année 2013, plusieurs
fondations et ONG du Sud coopèrent avec la Pyongyang University of Science and
59 MUNDY Simon. Seoul plans ‘green détente’ with Pyongyang. Financial times. 25/03/2014. Consulté le 13 octobre 2014. Disponible sur :
http://www.ft.com/intl/cms/s/0/49254874-951f-11e2-a4fa-00144feabdc0.html#axzz3G2glfFqW 60 MCKENNA Phil. Inside North Korea’s Environmental Collapse. NovaNext | PBS.org. 6/03/2014. Consulté le 13 octobre 2014. Disponible sur : http://www.pbs.org/wgbh/nova/next/nature/inside-north-koreas-environmental-collapse/ 61 The Dong-a Ilbo. Reforestation of N. Korea is precedent for `Green Reunification`. The Dong-a Ilbo. 19/03/2014. Consulté le 14 octobre 2014. Disponible sur :
http://english.donga.com/srv/service.php3?bicode=050000&biid=2014031930648 28
Technology ainsi que l’Université chinoise de Yanbian pour monter la Green Asia
Organisation réunissant des experts des deux Corées et de la Chine62, fondée en mars dernier.
Dans la continuation de la Green Detente, la Corée du Sud a envoyé une invitation au Nord le
11 septembre 2014 à participer à une conférence sur la biodiversité. Tous ces gestes sont
autant motivés par une volonté de préparer une future, mais toujours hypothétique
réunification, que par une réelle inquiétude de Séoul. La position de la Corée du Sud, à
l’extrémité de la péninsule coréenne, en fait un territoire coupé du monde, presque insulaire,
puisque les seuls modes de transports pour en sortir sont l’avion ou le bateau. Elle est donc
extrêmement influencée par la dégradation écologique de son voisin du Nord, par lequel
transitent de nombreuses espèces migratoires, notamment les oiseaux. Les espèces aviaires
sont d’ailleurs nombreuses à faire escale dans la DMZ, dont le statut en fait une réserve
naturelle « accidentelle »63.
La nature se joue bien des frontières, et celle entre les deux Corées n’échappe pas à la règle.
Toute détérioration de la situation environnementale ou sanitaire en Corée du Nord impacte
donc le Sud, en plus de rehausser le coût de la réunification. La malaria, par exemple, avait
disparu de la Corée du Sud dans les années 70. Elle est pourtant réapparue en 1993, en
provenance du Nord, ce que les épidémiologistes sud-coréens ont démontré. Le fait que la
majorité des cas de malaria en Corée du Sud se déclaraient dans les provinces frontalières
(Gyeonggi, Incheon et Kangwon) laissait peu de doute.
En réponse à ce problème, l’Organisation non-gouvernementale Korean Sharing Movement et
la province frontalière de Gyeonggi ont lancé un projet humanitaire visant à apporter une aide
adaptée (utilisation de camions rustiques pour supporter le carburant nord-coréen, tests de
dépistages rapides pour pallier l’absence de microscope électronique, etc.). L’efficacité de ce
programme humanitaire et l’indéniable intérêt qu’en tirent les deux Corées ont même permis
qu’il continue (difficilement) malgré la suspension de bien d’autres après l’épisode du
torpillage du Cheonan en mars 2010. Ce fut également le premier à être autorisé à continuer
ses opérations64. Les ONG internationales ou sud-coréennes sont nombreuses à vouloir
62 The Dong-a Ilbo. 2 Koreas, China to cooperate in reforestation of N. Korea. The Dong-a Ilbo. 2/11/2013. Consulté le 29 octobre 2014. Disponible sur : http://english.donga.com/srv/service.php3?biid=2013110218108 63 Hiroyoshi Higuchi. The Meaning of the 38th Parallel: Bird Migration and the Demilitarized Zone (DMZ). Nature Interface. Consulté le 14 octobre 2014. Disponible sur : http://www.natureinterface.com/e/ni05/P060-061/ 64 Au sujet de ce programme, voir :
29
s’investir en Corée du Nord, mais cette aide dont les nord-coréens ont tant besoin n’est pas
toujours désintéressée.
ONG & médias, techniques de Soft Power
Le Soft Power, tel que théorisé par Joseph Nye65, est un outil de puissance régalien au même
titre que l’usage de la force et peut être défini comme l’utilisation de toutes les méthodes non-
coercitives permettant d’amener l’autre à partager votre point de vue sur un sujet, voire à
accepter la solution que vous proposez à un problème donné. Ce concept est largement utilisé
pour qualifier toutes les politiques culturelles et s’applique particulièrement bien au
phénomène du Halyu, la « vague coréenne », qui a vu les produits culturels sud-coréens
remporter un franc succès d’abord en Asie, puis sur tous les continents. Le cinéma sud-coréen
connait aujourd’hui une reconnaissance internationale, les séries télévisées dramas comptent
des millions de fans à travers le monde, le clip vidéo « Gangnam style » est le plus visionné
de l’histoire d’internet avec plus de deux milliards de vues, et la musique K-pop est une
véritable industrie de masse.
Séoul n’a pas attendu internet pour soutenir la production culturelle, et tout le spectre du Soft
Power est largement utilisé. La manière forte a montré son inefficacité dans les années
cinquante, et il est peu probable qu’elle ait de meilleurs résultat au début du XXIème siècle ;
par contre, le Soft Power a bien efficacement contribué à la chute du mur de Berlin. Son effet
sur la population nord-coréenne est reconnu depuis plusieurs décennies, et cette partie
montrera l’usage qui en est fait dans le conflit intercoréen.
Les ONG dans les relations intercoréennes rassemblent une grande disparité d’organismes,
couvrant un large champ d’applications, environnemental, humanitaire, militant, etc. La
Croix-Rouge représente un cas particulier, de par la longévité de son activité mais aussi par
son installation des deux côtés de la frontière. Elle a fréquemment été utilisée comme relais
pour relancer un dialogue rompu et a même été à l’origine des premiers rapprochements
effectifs des deux Corées dans les années 1970.
JAE S. Hwang. Malaria Control Project in the DPRK. Korean Sharing Movement. 08/2011. Consulté le 15 octobre 2014. Disponible sur : http://vtncankor.files.wordpress.com/2011/09/malaria-control-project-in-the-dprk.pdf 65 NYE Joseph. Bound to Lead: The Changing Nature of American Power, New York, Basic Books, 1990
30
Encore récemment, en 2013, la Croix-Rouge a joué un rôle dans la réouverture du complexe
industriel de Kaesong. Celui-ci avait été fermé après de vives tensions suite au troisième essai
nucléaire nord-coréen. Le Sud a donc formulé une proposition de dialogue en passant par le
canal de l’organisation. Les négociations se sont déroulées tant bien que mal, prévoyant une
délégation sud-coréenne composée de membres de la Croix-Rouge et du ministre de la
réunification comme représentant du gouvernement. Pourtant elles n’ont pu aboutir, le Nord
s’étant plaint que la qualité des représentants sud-coréens n’était pas au niveau des siens. Les
deux Croix-Rouge coréennes sont donc largement manipulées par les régimes des deux
parties, qui trouvent un intérêt à utiliser ce canal « semi-officiel ». En particulier celui de
permettre des rencontres sans implication directe du gouvernement66.
Pourtant, la Croix-Rouge demeure une exception. Les ONG humanitaires ou militantes ne
sont pas utilisées comme canaux de diplomatie parallèle, d’une part parce que la Corée du
Nord ne leur accorde que peu de crédit, quand elle ne s’en défie pas ouvertement, et d’autre
part car les acteurs privés restent peu fiables par rapport à une administration67.
La Corée du Nord ne peut comprendre la liberté d’expression. Etat totalitaire contrôlant tous
les médias et jusqu’à la vie intime des individus, elle ne peut accepter que des organisations
sud-coréennes agissent sans l’aval de Séoul, et encore moins admettre que Séoul puisse les
laisser s’exprimer sans interférer.
Sous la précédente mandature sud-coréenne, le président LEE Myung-Bak, tenant d’une ligne
dure, avait fait des ONG militantes un bras armé sud-coréen destiné à déstabiliser le Nord. En
faisant connaitre la situation du monde extérieur aux populations du Nord, les tenants d’une
stratégie d’influence de type Soft Power espère les amener à porter un nouveau regard, plus
critique, sur leur situation. Le but étant de faire changer le régime totalitaire de la RPDC de
l’intérieur. Les lâchers de ballons, vus comme une véritable agression par le Nord,
bénéficiaient du soutien gouvernemental. Ces ballons sont lâchés près de la frontière et, portés
par les vents, sont sensés délivrer le message qu’ils transportent directement aux populations
nord-coréennes ; suscitant immanquablement l’ire de Pyongyang. Encore récemment, le 10
octobre dernier, un tel lâcher a généré des échanges de coups de feu entre les deux Corées,
sans faire de victimes (Voir pièces jointes 5 & 6).
66 Entretien. M. Pierre Coulange. Ambassade de France en Corée. 25/03/201467 Entretien.
31
D’autres ONG déploient leurs activités dans le nord-est de la Chine, plaque tournante de
l’économie officielle et parallèle de la Corée du Nord, d’où elles ont un accès facilité aux
nombreux nord-coréens qui s’y trouvent. Parfois de confession protestante, bénéficiant
d’important fonds américains, elles posent de nombreux problèmes, en particulier dans les
rapports de la Corée du Sud avec la Chine. Les ONG moins revendicatives restent néanmoins
précieuses. Entretenant des liens directs avec des nord-coréens, elles permettent un certain
« journalisme d’intérieur » extrêmement risqué (donc bien rémunéré), en utilisant notamment
les nord-coréens passés au Sud qui acceptent de coopérer68.
La nouvelle présidente PARK Gueun-Hye tente de calmer le jeu de ces organisations dont les
agissements indépendants perturbent les rapports officiels intercoréens et plusieurs lâchers de
ballons ont ainsi été interdits ces derniers mois69. Il est donc surprenant d’en voir un autorisé
quelques jours après la visite de hauts dignitaires du Nord aux JO Asiatiques, et après les
inévitables mises en garde de Pyongyang. Pourtant ces lâchers de ballons sont plus
symboliques qu’effectifs ou menaçants, et les tentatives d’atteindre la population du Nord
directement sont quotidiennes. En particulier par les biais des radios, telles que Voice of
America, NK Free Radio, etc.
L’usage des radios dans des buts de propagande et leur brouillage en retour date du début de
la Guerre Froide. Le Sud soutient la liberté d’expression, et autorise des initiatives
(indépendantes ou non) en vue d’émettre vers le nord ; voire introduit des radios
« camouflées » pour émettre et inciter à la désobéissance depuis l’intérieur même du territoire
de son voisin70. En Corée du Nord, l’indépendance des médias n’existe pas, et le régime tente
par tous les moyens de contrôler l’information mais, fatigués de la propagande, les nord-
coréens sont friands de contenus audiovisuels nouveaux. La région du nord-est de la Chine,
dont la frontière est incomparablement plus poreuse que la DMZ, joue ici aussi un rôle central
de lieu d’approvisionnement, voire de « blanchiment » de contenus culturels. En
réinterprétant et en enregistrant sur cassette audio des chansons du Sud, les artistes locaux
68 Entretien. M. Jean-Christophe Langella. Ambassade de France en Corée. 20/03/201469 AFP. South Korea Stops Anti-North Leaflet Launch. The Human Rights Foundation. 29/06/2013. Consulté le 21 octobre 2014. Disponible sur : http://humanrightsfoundation.org/news/south-korea-stops-anti-north-leaflet-launch-00179 70 La Radio « L’écho d’espoir » a ainsi été créé par un service audiovisuel du Bureau de la sécurité nationale Sud-coréenne. Voir Hong Seok-Kyeong. L’enjeu audiovisuel entre les deux Corées. in La mondialisation des médias contre la censure. Chap. 8 p. 253-278. INA. Bruxelles. 2002
32
permettent par exemple aux nord-coréens d’en profiter tout en pouvant prétendre ignorer qu’il
s’agissait à l’origine d’une chanson du Sud.
Si la RPDC se montre si sensible à l’influence d’un Soft Power sur sa population, c’est bien
sûr parce qu’elle a pu constater la puissance de celui-ci et son rôle dans l’effondrement du
bloc de l’Est. Le contrôle de l’information est donc un impératif pour limiter au maximum
l’attirance qu’exercent les images d’une Corée du Sud riche et prospère. A ce titre, les nord-
coréens ont développé une « lecture entre les images », leur permettant de relever des détails
incontrôlables. Les manifestations, ou tout évènement survenant au Sud susceptibles de servir
la propagande nord-coréenne, étaient auparavant diffusées avec un discours adapté. Mais la
curiosité des nord-coréens leur faisait bien remarquer que leurs compatriotes du sud
paraissaient mieux portants, mieux équipés en biens de consommation, plus libres dans leurs
styles vestimentaires. Pyongyang a donc renforcé la censure depuis les années 1990, et a
réduit drastiquement le nombre de reportages montrant la vie courante en Corée du Sud71.
A contrario, la population sud-coréenne, bien que peu intéressée à l’idée de regarder une
chaîne nord-coréenne parmi le foisonnement de chaînes câblées disponibles, a elle aussi pu
subir les effets inattendus d’images de la Corée du Nord. Ainsi, lors du sommet intercoréen de
l’an 2000, l’image d’un KIM Jong-Il affable y a suscité un véritablement engouement, quoique
de courte durée.
L’influence des médias n’est donc pas à sous-estimer dans les relations intercoréennes. Les
contre-mesures menées par la RPDC peuvent se montrer efficace, et la plus efficace de toutes
est sans doute l’endoctrinement de sa population, mais elle n’est pas infaillible. Sa plus
grande faiblesse semble même être la propre propension du régime à utiliser le commerce
parallèle ; offrant un véritable boulevard aux trafics.
71 Hong Seok-Kyeong. L’enjeu audiovisuel entre les deux Corées. in La mondialisation des médias contre la censure. Chap. 8 p. 253-278. INA. Bruxelles. 2002
33
Les relations interpersonnelles, et les relations non gouvernementales.
Bien que strictement divisée depuis 1953 et l’installation de la zone démilitarisée, la Corée est
une seule et même nation, peuplée d’un seul et même peuple très homogène ethniquement.
Entre la fin de l’occupation japonaise et la fin de la guerre de Corée, cette démarcation n’était
pas aussi marquée, et les mouvements de populations dans un sens comme dans l’autre
n’étaient pas impossible. Depuis, des liens subsistent, quoique forts affaiblis par le temps et
par l’impossibilité de communiquer. Par ailleurs, les défections de nord-coréens prouvent
l’impossibilité pour la dictature communiste de contrôler totalement sa population. Ces
relations intercoréennes qui échappent plus ou moins au contrôle des états seront donc
abordés ici.
Les relations personnelles
Les attachements individuels des coréens pour « l’autre côté » demeurent forts, malgré les
décennies de séparation. Quoiqu’un certain désintérêt envers leurs compatriotes du Nord
gagne les populations les plus jeunes de Corée du Sud et que le scepticisme règne quant à la
réalisation de la réunification, les coréens des deux camps ont conscience de faire partie d’un
seul et même peuple. Au Nord comme au Sud, une élite issue de la bourgeoisie traditionnelle
a su conserver des liens plus durables que ceux noués entre les hommes politiques qui, au sud,
changent rapidement. Ces élites entretiennent un dialogue plus facilement entre elles qu’avec
l’étranger72.
L’exemple de la famille CHUNG, propriétaire du groupe Hyundai, l’une des plus grosses
fortunes de Corée du Sud montre que les initiatives privées aboutissent parfois, quoiqu’on
puisse douter de leur efficacité sur le long terme.
Le fondateur de Hyundai a activement participé à resserrer les liens entre les deux Corées,
allant jusqu’à offrir 1001 vaches au Nord durant la période de la Sunshine Policy en signe de
solidarité. C’est également lui qui fut à l’origine de l’ouverture du complexe touristique des
monts Kumgang. Les liens forts qu’il tissa avec le régime de Pyongyang se perpétuent
72 Entretien. M. Pascal Dayez-Burgeon. Le 6/03/201434
aujourd’hui, comme le montre la présence de sa belle-fille aux obsèques de KIM Jong-Il en
2011.
Un autre exemple de ce type de relations personnelles est celui du révérend MOON, le
fondateur de la secte du même nom. Celui-ci a longtemps été actif vis-à-vis du Nord, dont il
était originaire. Il a rencontré personnellement KIM Il-Sung, le fondateur de la « dynastie
communiste », et a été invité à ses funérailles. Les liens du révérend MOON avec la RPDC lui
ont également permis d’être à l’origine de l’accord entre deux entreprises automobile sud et
nord-coréennes pour produire des voiture au Nord sous licence Fiat73. Décédé en 2012, il fut
honoré à titre posthume du « Prix de l’unification nationale » nord-coréen74. Les réseaux du
révérend MOON ont longtemps servi de « passerelle » entre les deux Corées, mais il
semblerait qu’ils ne soient plus actifs.
Ces relations politico-religieuses trouvent une autre démonstration, plutôt surprenante, sous la
forme de la secte Cheondo-gyo. Cette secte confucianiste du XIXème siècle a subi une
étrange mutation au Nord, en devenant le parti politique minoritaire « Cheondo Chongu »,
membre du Front démocratique pour la réunification de la patrie75. Au Sud, il s’agit toujours
d’un mouvement confucianiste, dont le chef fit d’ailleurs défection pour se réfugier au Nord
avec sa femme dans les années 1990.
Ces canaux, pour certains tombés en désuétude, seraient toujours entretenus à toute fin utile76.
Par ailleurs, de nouveaux liens se sont créés à l’occasion du sommet intercoréen de
Pyongyang en l’an 2000, et la veuve du président KIM Dae Jung a été autorisée à se rendre au
Nord77.
73 Entretien74 Korean central news agency. Moon Sun Myung Awarded National Reunification Prize. kcna.co.jp. 7/09/2012. Consulté le 22 octobre 2014. Disponible sur : http://www.kcna.co.jp/item/2012/201209/news07/20120907-10ee.html 75 Cette organisation rassemble les partis autorisés (reconnaissant le leadership du Parti des travailleurs) de Corée du Nord.76 Entretien. M. Jean-Christophe Langella. Ambassade de France en Corée. 20/03/201477 KOO Jun Hoe. Former First Lady Likely to Visit North Korea. DailyNK. Le 29/10/2014. Consulté le 30 octobre 2014. Disponible sur : http://www.dailynk.com/english/read.php?num=12485&cataId=nk00100
35
Les communautés coréennes à l’étranger
La population coréenne peut facilement être réduite aux coréens peuplant la péninsule.
Pourtant, une histoire mouvementée a fait que de significatives minorités coréennes se
trouvent à l’étranger. Il n’y a pas lieu ici de relever tous les éléments de la diaspora coréenne à
travers le monde, d’autant plus que les nationaux sud-coréens sont largement majoritaires.
Trois situations méritent cependant d’être notées. Il sera tout d’abord fait état de la minorité
coréenne au Japon, puis de la petite population de réfugiés londonienne de New Malden,
avant d’aborder plus profondément le cas des populations coréennes du nord-est de la Chine.
Les relations entre la Corée et le Japon n’ont jamais été simples, et 35 années d’annexion de
la Corée et de la Mandchourie (où se trouvaient de nombreux coréens) par le Japon dans la
première moitié du XXème siècle ont laissé des traces profondes. Aujourd’hui encore, la
détestation de l’impérialisme japonais est un des rares sujets capable de mettre toute l’Asie
d’accord, et les deux Corées comme la Chine ne ratent aucune occasion de lui rappeler ses
crimes de guerre. Bien que les relations soient aujourd’hui apaisées en apparence, en
particulier depuis le geste nord-coréen sur la question des enlèvements de citoyens japonais
dans les années 1970 – 1980, les stigmates de ces terribles années d’occupation demeurent. La
situation de la minorité coréenne au Japon en est un exemple.
Pendant la colonisation japonaise, les coréens furent considérés comme des citoyens japonais
de seconde zone, sujets de discriminations, quoique les coréens résidants au Japon aient
bénéficié du droit de vote. Dès la fin de la seconde Guerre Mondiale, ils perdirent cette
citoyenneté et nombreux furent ceux qui retournèrent sur la péninsule avant 1950, début de la
guerre de Corée. Environ un million de coréens restèrent dès lors sur l’archipel nippon où ils
furent forcés de s’enregistrer comme étrangers (aliens, et non foreigners selon la traduction
anglaise). En 1965, un traité nippo-sud-coréen permit à ceux qui le demandèrent d’obtenir la
citoyenneté sud-coréenne ; quant à ceux qui ne se manifestèrent pas, il leur fut attribué la
nationalité nord-coréenne d’office. Le ratio était alors d’environ de deux « nord-coréens »
pour un sud-coréen, quoique les immigrés soient majoritairement originaires du sud de la
péninsule, géographiquement plus proche du Japon. Néanmoins, au fil des années, de
nombreux nord-coréens résidant au Japon choisirent de demander la nationalité sud-coréenne,
et le ratio s’est aujourd’hui inversé78.
78 MUN Gyongsu (MOON Gyungsoo). Origins of the Current Problems of Korean Residents in Japan. Kyoto Bulletin of Islamic Area Studies. 07/2009. Consulté le 27 octobre 2014. Disponible sur :
36
Les deux Corées ont largement utilisé les avantages que pouvait leur apporter cette
communauté coréenne plus prospère que la population de la péninsule, dévastée par les
guerres ; en particulier grâce aux transferts d’argent qu’elle offrait. Par le passé, l’Association
des résidents nord-coréens du Japon Chosen Soren a régulièrement envoyé cadeaux et argent
en RPDC, et dans les années 1960-1970, plus de 90.000 coréens émigrèrent vers la Corée du
Nord79. Aujourd’hui, la communauté coréenne est active et bien implantée au Japon, quoique
subissant toujours des discriminations, et sans que coréens du Nord ou du Sud ne se mêlent
particulièrement. Les coréens restent essentiellement fidèles à leur patrie d’origine, qu’il
s’agisse du Nord ou du Sud et maintiennent des liens étroits avec elle. L’exemple le plus
frappant de la force de ce lien reste la domiciliation à Tokyo de l’agence de presse officielle
de la RPDC, la Korean Central News Agency80. Tous les coréens résidants à l’étranger ne sont
pourtant pas aussi fidèles, comme le montre l’exemple des réfugiés coréens de New Malden, à
Londres.
Certains nord-coréens, ainsi que des coréens du Sud et des Joseon-Jok81 trouvent parfois
refuge en occident, comme par exemple la communauté de coréens réfugiés à Londres, dans
le quartier de New Malden. Les nord-coréens réfugiés à New Malden représentent la plus
grande communauté de réfugiés nord-coréens en dehors de Corée. La population totale est
estimée à environ quatre mille sud-coréens, quatre mille Joseon-Jok, et quatre cents nord-
coréens ; qui bénéficient tous des mêmes aides sociales de Londres. La politique d’accueil de
Londres est très favorable aux réfugiés, et accepte donc les coréens en danger potentiel. Sur
place, les nord-coréens et les Joseon-Jok ont la possibilité de bénéficier aussi de l’aide des
groupes d’amitié qui leur sont dédiés par le ministère sud-coréen de la Réunification, qui ne
divulgue pas leur identité.
La société que forment ces réfugiés est toujours en évolution, mais des différences sont
toutefois notables. Les trois groupes s’invitent parfois à l’occasion d’évènements significatifs
ou en se rendant dans les restaurants des uns et des autres, mais se mêlent finalement assez
http://www.asafas.kyoto-u.ac.jp/kias/1st_period/contents/pdf/kb3_1/13mun.pdf 79 BERKOFSKY Axel. Japan-North Korea Relations. Institut für Strategie- Politik- Sicherheits- und Wirtschaftsberatung (ISPSW). Aout 2009. Consulté le 27 octobre 2014. Disponible sur : http://www.isn.ethz.ch/Digital-Library/Publications/Detail/?id=103891&lng=en 80 Voir la page d’accueil : http://www.kcna.co.jp/ Consultée le 27 octobre 2014.81 Les Joseon-Jok sont une minorité ethnique coréenne de Chine, peuplant ce qui était la Mandchourie avant la fin de la seconde Guerre Mondiale. Voir plus bas.
37
peu. Le dimanche matin, par exemple, les Joseon-Jok se rendent à la messe avant les nord-
coréens, qui assistent à la suivante. Les réfugiés nord-coréens ont un fort sentiment
d’appartenance à leur groupe, et apportent un soin particulier à leur communauté. De plus, ils
cultivent un puissant esprit de compétition pour leurs enfants, par exemple à travers l’usage de
tutorats privés très demandés. Ils conservent un lien avec la RPDC qui dispose sur place d’une
ambassade et paraissent même éprouver un sentiment de gratitude à son égard, voire un
soulagement de se trouver toujours en vie82.
Les Joseon-Jok, sont une minorité coréenne du nord-est de la Chine présente depuis la fin du
XIXème siècle83. Depuis les années 1990, la Chine s’est largement ouverte au monde
extérieur et cette région est aujourd’hui librement parcourue par les coréens du Sud. Les nord-
coréens ont également la possibilité de s’y rendre, fortement encadrés, pour y travailler. Les
Joseon-Jok qui s’y trouvent entretiennent des rapports avec le Nord comme le Sud et il est
donc tentant d’utiliser cette « troisième Corée » pour toute sorte de trafics. Véritable « arrière-
cour » nord-coréenne84, cette région est utilisée aussi bien par le régime de Pyongyang, qui y
entretient trois consulats et bénéficie de facilités au port de Dalian, que par les défecteurs qui
tentent de fuir la RPDC.
La minorité coréenne sur place fait fructifier une économie lucrative difficilement évaluable,
qui alimente une économie parallèle avec la Corée du Nord via des intermédiaires (Brokers en
anglais), voire directement. Les Joseon-Jok n’ont pas les mêmes restrictions que les sud-
coréens et ont la possibilité de se rendre en Corée du Nord, ce qui facilite l’introduction de
téléphones portables, de contenus culturels, d’aliments ou de marchandises de toutes sortes.
82 Entretien.83 LANKOV Andrei. Manchuria The third Korea. NK News – North Korea News. 9/10/2014. Consulté le 23 octobre 2014. Disponible sur : http://www.nknews.org/2014/10/manchuria-the-third-korea/ 84 Entretien. M. Pascal Dayez-Burgeon. Le 6/03/2014.
38
Les relations clandestines et les défecteurs
La relative porosité de la frontière avec la Chine, en comparaison de l’hermétique zone
démilitarisée, est une aubaine pour les trafiquants comme pour les nord-coréens, civils ou
militaires, qui se procurent ainsi de quoi améliorer leur ordinaire85. Mais comme tous
commerces clandestins, de bien plus obscures marchandises y transitent, et en particulier la
drogue en provenance du Corée du Nord. La RPDC ne considère pas la marijuana et l’opium
comme des drogues, et trouve de nombreux avantages à leur culture, thérapeutiques, par
exemple. Ceci ne pouvait manquer de générer un marché noir de la drogue utilisant la région
chinoise frontalière comme lieu de passage. Cette activité illégale et dangereuse est pratiquée
aussi bien par les coréens du Nord que du Sud, et il n’y a pas de raison de croire que les
Joseon-Jok s’en tiennent tous écartés. La Chine est pourtant très sévère avec les trafiquants, et
trois sud-coréens ont été exécutés cette année pour avoir trafiqué de l’opium et des
metamphétamines86.
La production de stupéfiants en Corée du Nord est ancienne, et activement supportée par le
régime malgré ses dénégations. Dans les années 1970, l’opium était la drogue la plus
largement exportée et tous les moyens, même la valise diplomatique, étaient mis à
contribution. Depuis, les metamphétamines semblent avoir la prédilection de Pyongyang, et la
région au-delà de la frontière chinoise est aujourd’hui autant une zone de trafics qu’un marché
pour les trafiquants87. En 2010, 60 millions de dollars de stupéfiants ont ainsi été interceptés
par la Chine en provenance du Nord88. Le marché noir est estimé rapporter 2,24 milliards de
dollars à Pyongyang chaque année89, représentant environ 15% de la richesse nationale
annuelle (voir pièces jointes 7 & 8).
85 McKenzie David. At the heart of China's legal (and illegal) trade with North Korea. edition.cnn.com. 17/10/2014. Consulté le 24 octobre 2014. Disponible sur : http://edition.cnn.com/2014/10/17/world/asia/china-dandong-north-korea-mckenzie/ 86 KIM Jack. China executes two South Koreans for smuggling drugs from North Korea. Reuters. Le 6/08/2014. Consulté le 28 octobre 2014. Disponible sur : http://www.reuters.com/article/2014/08/06/us-southkorea-china-idUSKBN0G60VP20140806 87 STONE FISH Isaac. North Korea's Meth Export. Newsweek. Le 19/06/2011. Consulté le 28 octobre 2014. Disponible sur : http://www.newsweek.com/north-koreas-meth-export-67869 88 The Dong-Aa Ilbo. NK’s massive drug trafficking angers China: source. English Donga. Le 5/07/2011. Consulté le 28 octobre 2014. Disponible sur : http://english.donga.com/srv/service.php3?biid=2011070521408 89 Havoscope global black market information. North Korea. North Korea Security Threats – Data and Infos. 2014. Consulté le 28 octobre 2014. Disponible sur : http://www.havocscope.com/tag/north-korea/
39
Les activités commerciales illégales de la Corée du Nord sont supervisées par le bureau 39,
sous l’autorité directe du secrétariat du comité central du parti90, à la tête duquel se trouve KIM
Jong-Un. Cette discrète administration a pour mission d’alimenter la RPDC en devises
étrangères, ainsi que de gérer les biens de la famille KIM et ceux du parti. Le bureau 38, quant
à lui, gérerait les transactions à l’étranger, entre autres celles relatives à la chaîne
internationale (Asie et Asie du sud-est) de restaurants Pyongyang, mais cette activité pourrait
avoir été transférée à un nouveau bureau Moranbong91. Les recherches n’ont pas permis de
relever quelque relation que ce soit entre des coréens du Sud et ce réseau. Seul le témoignage
d’un médecin sud-coréen traitant occasionnellement le personnel d’un restaurant Pyongyang
nous permet de dire qu’il existe des relations accidentelles et apparemment bien innocentes92.
Ces nombreux trafics ne bénéficient que peu à la population nord-coréenne malgré les
millions de dollars qu’ils rapportent chaque année. Quant à l’utilisation qui est faite de ces
fortunes, il est supposé qu’elle sert à financer les programmes illégaux, comme le nucléaire,
ainsi qu’à acheter la fidélité des haut-serviteurs du régime à l’aide de cadeaux. L’Etat
communiste aurait ainsi importé pour 644 millions de dollars de produits de luxe en 2013, soit
le double des 300 millions de dollars annuels sous le règne de KIM Jong-Il93. L’inflation de
ces échanges pourrait autant refléter l’amélioration de l’économie nord-coréenne, que le
besoin de KIM Jong-Un d’assurer son assise encore récente.
Quant aux défecteurs nord-coréens qui transitent par la région, ils payent les services de
passeurs similaires aux Snakeheads, mafias chinoises fameuses pour faciliter les migrations
clandestines. Les réfugiés nord-coréens tentent d’échapper aux forces de sécurité chinoises,
qui les renvoient régulièrement en RPDC où ils risquent le bagne pour eux et leur famille,
sinon un sort encore plus tragique. Ce périlleux voyage les amène parfois à traverser la Chine
90 SEIFF Martin. North Korea maintains special office for crime empire. Asia Pacific Defense Forum in English. Le 24/09/2013. Consulté le 28 octobre 2014. Disponible sur :
http://apdforum.com/en_GB/article/rmiap/articles/online/features/2013/09/24/anorthkorea-kim-drugs 91 North Korea Leadership Watch. Office #38 Repurposed? North Korea Leadership Watch. Le 18/10/2012. Consulté le 28 octobre 2014. Disponible sur : http://nkleadershipwatch.wordpress.com/2012/10/18/office-38-repurposed/ 92 BUTLER Ed. The mystery of North Korea's virtuoso waitresses. BBC News | News magazine. Le 8/06/2014. Consulté le 28 octobre 2014. Disponible sur : http://www.bbc.com/news/magazine-27439119 93 LEE Sang Yong. Kim Jong Un a dépensé 644 millions de dollars en produits de luxe l’année dernière . DailyNK. Le 14/10/2014. Consulté le 29 octobre 2014. Disponible sur :
http://www.dailynk.com/english/read.php?cataId=nk04003&num=12424 40
entière et à rallier les pays de l’Asie du sud-est, d’où ils pourront plus facilement se rendre en
Corée du Sud.
Tous les nord-coréens qui tentent de s’échapper ne passent pas par la Chine, et certains sont
prêts à prendre tous les risques pour quitter la RPDC par tous les moyens. Les frontières
maritimes sont bien moins contrôlables que le 38ème parallèle et, avant les sanctions de 2010,
il existait de petits contacts commerciaux. De là à affirmer l’existence de contacts plus
intimes, fidèles à la réputation des marins, il n’y a qu’un pas que certain franchissent
sérieusement94, mais cette question n’a pas été abordée dans les entretiens suivants.
Mais une fois arrivés sur place, la liberté se révèle particulièrement difficile à maîtriser pour
des gens habitués à ce que l’Etat se mêle pratiquement de tout. Il leur faut apprendre à gérer
un budget, à ne pas succomber aux sirènes de la publicité, à apprivoiser un compte bancaire,
etc. Le petit pécule qui leur est offert (environ 30.000$95) peut sembler une somme fabuleuse
pour le petit-peuple nord-coréen, mais dans un pays aussi développé que la Corée du Sud où
le salaire moyen annuel selon l’OCDE était de 36.000$ en 201396, il leur faut s’adapter
rapidement pour vivre. Par ailleurs, ils sont souvent méprisés pour leur accent et leur
vocabulaire suranné, quand ils ne sont pas simplement victimes d’arnaques97. Les autorités
sud-coréennes forment également de forts légitimes soupçons envers eux, étant donné les
fréquentes affaires d’infiltration et d’espionnage en provenance du Nord. La politisation
excessive de ses services est néanmoins dangereuse, comme le prouve une récente affaire.
Dans celle-ci, des membres des services de renseignement ont été jugés coupables d’avoir
forgé de fausses preuves contre un réfugié nord-coréen afin de le faire accuser d’espionnage98.
Pourtant, seule une insignifiante fraction des 25.00099 réfugiés nord-coréens tente de retourner
au Nord. Le 31 mai dernier, par exemple, plusieurs bateaux de pêche ont dérivé vers le sud.
94 Entretien. M. Pascal Dayez-Burgeon. Le 6/03/201495 Entretien96 Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE). Corée. OCDE Data. Le 9/09/2014. Consulté le 27 octobre 2014. Disponible sur : http://data.oecd.org/fr/coree.htm 97 Kim Young-jin, Kim Jae-won. Int'l sex trafficking - Korea's open secret. The Korea Times. Le 14/10/2013. Consulté le 28 octobre 2014. Disponible sur :
http://www.koreatimes.co.kr/www/news/nation/2013/10/116_144301.html 98 PARK Sojung. (LEAD) NIS agent gets 2.5 years for faking evidence to frame defector . Yonhap news Agency. Le 28/10/2014. Consulté le 28 octobre 2014. Disponible sur :
http://english.yonhapnews.co.kr/news/2014/10/28/0200000000AEN20141028005151315.html 99 DICKLER Paul The Korean Peninsula: Yesterday and Today. Foreign Policy Research Institue. Juin 2014. Consulté le 28 octobre 2014. Disponible sur : http://www.fpri.org/articles/2014/06/korean-peninsula-yesterday-and-today
41
Les autorités sud-coréennes ont pris en charge ces personnes une fois dans les eaux
territoriales et, sur les neuf personnes recueillies, trois choisirent de rester et six de repartir
d’où ils venaient100. Mais là encore, sachant les risques qu’ils font peser sur eux-mêmes et sur
leurs proches, cette décision est compréhensible. Quant à faire le chemin inverse pour
retourner au Nord, il s’agit d’un choix peu avantageux. Considérant qu’échapper au régime
totalitaire de Pyongyang revient à tout abandonner derrière soi, il s'agit d’une décision
engageant l’individu à tout risquer pour tenter une vie nouvelle, et elle ne saurait être prise à
la légère.
Les affaires d’espionnages continuent de malmener les relations intercoréennes, et d’alimenter
la suspicion parfois maladive des services de sécurité du Sud. Le cas de LEE Seok-Ki, député
du parti d’opposition Parti progressiste unifié (PPU) en est la démonstration la plus
spectaculaire. Celui-ci a été accusé d’avoir organisé une « Organisation Révolutionnaire »
supposément en rapport avec Pyongyang, avec le but de déstabiliser le Sud et de fomenter une
insurrection. Il a ainsi été enregistré lors d’une réunion secrète devant environ 130
sympathisants où il semblait indiquer les actions à mener pour renverser le gouvernement en
cas de guerre, notamment en détruisant certaines installations stratégiques. Après avoir été
condamné à douze ans de prison en première instance, la cour d’appel l’a finalement
condamné à neuf ans de prison pour incitation à l’insurrection et violation de la loi sur la
sécurité nationale. La cour d’appel n’a pas retenue la charge de « préparation à
l’insurrection » et a refusé de reconnaitre l’existence d’une véritable « Organisation
Révolutionnaire ». La nature des liens supposés avec la RPDC n’est pas connue, mais il est
clair que ce type de contacts non-autorisés est intolérable pour la Corée du Sud et constitue
une véritable atteinte à sa sécurité.
100 SHEN Qing. DPRK man defects to S. Korea in western border island. English.news.cn | xinhuanet.com. 3/07/2014. Consulté le 24 octobre 2014. Disponible sur : http://news.xinhuanet.com/english/world/2014-07/03/c_133457692.htm
42
***
Les deux Corées sont séparées depuis plus de soixante ans, et ont maintenant fait leur cette
division qui leur fut imposée. Il est indéniable que la responsabilité de cette séparation
appartient aux grandes puissances, URSS et Etats-Unis d’Amérique en tête et dans une
moindre mesure la Chine. Et au XXIème siècle encore, le jeu des grandes puissances fait
progresser ou s’effondrer les négociations ; le discours sur « l’Axe du Mal » américain, ou
l’intransigeance japonaise sur la question des japonais enlevés par la Corée du Nord ont fait
capoter bien des réunions des « pourparlers à six ».
Mais on ne peut pour autant exonérer les régimes des deux camps d’avoir perpétué la division
jusqu’à aujourd’hui. Il est bien sûr tentant de blâmer le Nord pour le déclenchement de la
guerre de Corée, pour son intransigeance dogmatique et pour son régime totalitaire. Mais n’a-
t-il pas fallu attendre 1993, quarante ans après la fin de la guerre, pour que soit élu le premier
président civil au Sud, en la personne de KIM Young-Sam ? Et la loi sur la sécurité nationale
sud-coréenne, en interdisant tout contact avec les nord-coréens, pose un sérieux handicap à
l’enrichissement du dialogue. Naïvement, on pourrait même la penser aussi dépassée que les
institutions nord-coréennes ; après tout, quel sud-coréen pourrait envier l’état policier,
l’économie en faillite, et la situation effroyable que l’on trouve au-delà du 38ème parallèle ?
Il ne s’agit pas de faire preuve de complaisance envers la RPDC que de dire cela. La Corée du
Sud est un pays infiniment plus démocratique et plus libre que la Corée du Nord dont le
régime est proprement infâme. Mais simplement de soulever une incohérence essentielle : on
ne peut s’accorder et encore moins s’unir avec qui que ce soit en s’interdisant tout rapport
avec lui. Cette négation de l’autre, consubstantielle aux deux états, interdit de trouver une
solution concertée au problème de la division de la péninsule. Et l’usage de la force ayant
échoué à résoudre le problème (il l’a même empiré), cette posture ne laisse d’autre méthode
que l’attente, en espérant que le vide se fasse.
Or, parier sur l’effondrement de la seule dictature stalinienne qui ait survécu à la chute du
mur, dont la transition dynastique semble se dérouler sereinement, et qui dispose de
suffisamment de soutien pour tenir tête à la première puissance mondiale parait risqué. De
même, vu du Nord, comment croire que les sud-coréens pourraient abandonner un système
qui les a hissés au quinzième rang mondial ? Comme dans toutes négociations, si les
43
discussions sont dans l’impasse et qu’il n’y a rien que l’on puisse céder pour les faire avancer,
ce sont les positions des protagonistes qui doivent évoluer.
Des efforts ont donc été menés pour ouvrir un dialogue avec la Corée du Nord, avec des hauts
et des bas, et de manière parfois maladroite. La Sunshine Policy a eu des résultats mitigés,
malgré les spectaculaires images des deux chefs d’états côte à côte, et est aujourd’hui
controversée. N’a-t-elle pas consisté à fournir un blanc-seing à KIM Jong-Il ? A contrario, la
politique intransigeante de LEE Myung-Bak a probablement mené à passer à côté de
précieuses occasions d’apaiser les tensions. Sachant cela, le choix de l’actuelle présidente
PARK Geun-Hye d’ouvrir une « nouvelle ère » dans les rapports avec la Corée du Nord
apparait autant comme un appel à Pyongyang que comme le souhait de trouver une méthode
plus efficace.
En élargissant le nombre des acteurs investis dans des relations avec la Corée du Nord, Séoul
souhaite s’assurer une stabilité et une pérennité dans les liens créés en nouant des partenariats
que Pyongyang ne saurait rompre. Le Club de la Paix, créé en ce sens, pourrait se révéler
d’une grande efficacité en engageant des projets concrets impliquant les deux Corées et les
pays partageant son point de vue (les Like minded countries). Il permet en effet de répondre
aux intérêts du Nord comme du Sud, tout en utilisant la « caution » d’un état tiers qui apporte
une garantie de sécurité : même la Corée du Nord ne peut se brouiller avec tout le monde.
L’avenir nous dira quelle sera l’attitude des Etats-Unis et du Japon, de facto exclus de ce club
qui requiert une ambassade dans les deux capitales coréenne comme condition d’accès. Car ce
club, et le lancement de « l’initiative Eurasiatique » semble rapprocher singulièrement la
Corée du Sud de la Chine, mais surtout de la Russie ; tout en l’éloignant du Pacifique. Les
liens unissant la Corée du Sud aux Etats-Unis sont bien sûr trop étroits pour être réellement
menacés, mais il est peu probable que ces derniers voient d’un bon œil ces partenariats
multiples dont ils ne font pas partie.
La principale inconnue reste néanmoins la réaction de Pyongyang. Dans son allocution pour
la nouvelle année101, KIM Jong-Un qualifiait de « Trahison humiliante » le fait de vanter les
mérites de la coopération internationale dans la résolution du problème intercoréen.
101 KIM Jong-Un. Supreme Leader Kim Jong Un's New Year Address. kcna.co.jp. Le 1/01/2014. Consulté le 30 octobre 2014. Disponible sur : http://www.kcna.co.jp/item/2014/201401/news01/20140101-01ee.html
44
La sensibilité à fleur de peau de la RPDC n’aide en rien à résoudre ce problème. Elle reflète
par contre la profonde inquiétude du régime, son complexe de persécution et son incapacité à
se réformer. L’exemple de l’effondrement de l’URSS a autant marqué la Chine que la Corée
du Nord, et c’est un scénario qui terrifie l’élite de Pyongyang. Et la réunification allemande ne
peut non plus leur convenir. Les allemands ne se sont pas fait la guerre entre eux, et les
allemands des deux bords n’avaient donc rien à se reprocher. Par ailleurs, alors que le régime
de Pyongyang est aujourd’hui mis au ban des Nation-Unies pour son mépris des droits de
l’Homme, KIM Jong-Un et ses complices pourraient-ils échapper à un procès si la Corée était
réunifiée ? Le maintien au pouvoir de l’élite en place demeure donc un impératif essentiel
pour la RPDC.
Si la question de la réunification n’est pas à l’ordre du jour, les deux Corées peuvent pourtant
s’accorder pour mener en bonne intelligence quelques projets communs, ou pour participer
ensemble à de mêmes évènements sans que cela ne pose de problème. Il a été montré à quel
point le sport pouvait rapprocher les deux régimes, et combien cela pouvait leur offrir comme
occasions de faire un geste. Ces occasions ne sont pas les seules, fort heureusement, mais
l’atmosphère dépolitisée des rencontres sportives apporte un climat propice au dialogue. A
l’heure actuelle, les réunions qui avaient été prévues à la suite du déplacement d’officiels
nord-coréens à la cérémonie de clôture des Jeux Olympiques Asiatiques d’Incheon semblent
avoir été annulées.
Les raisons de cette annulation concernent le dernier lâcher de ballons dénigrant le régime de
Pyongyang. Cette initiative d’une association, que les autorités sud-coréennes se sont refusé à
interdire montre bien qu’au Sud, la question des relations avec le Nord est directement saisie
par une partie de la société civile. De même, le maire de Séoul, ancien secrétaire général
d’une association citoyenne, n’a pas hésité à appeler le gouvernement à autoriser les échanges
directs entre les deux capitales. Pourtant, une grande partie de la population, et en particulier
les jeunes, ne s’intéressent tout simplement pas au problème nord-coréen. La Corée du Nord
est pour eux une épée de Damoclès avec laquelle il faut bien vivre, mais l’ayant connue
depuis leur naissance, ils sont nombreux à ne pas s’y intéresser davantage.
L’activisme de la société civile sud-coréenne concerne donc une minorité de la population qui
s’investi dans des associations ou des ONG, dont les plus vindicatives sont souvent
45
religieuses et financées par des mouvements protestants américains. La disparité, tant dans les
objectifs que dans les méthodes, des ONG sud-coréennes en font un élément difficilement
contrôlable par Séoul, ce que l’épisode du lâcher de ballons montre bien. Elles restent
néanmoins incontournables, d’une part pour l’aide bien réelle que les ONG sérieuses peuvent
apporter au Nord, mais aussi parce qu’une société démocratique ne saurait les museler.
Ces ONG sont donc une arme à double tranchant pour la Corée du Sud. Bien utilisées, elles
peuvent se révéler d’une grande efficacité en accompagnement de sa politique de Soft Power,
et contribuer à alimenter l’aspiration des nord-coréens à profiter de l’abondance qu’offre le
modèle capitaliste du Sud. Mais les débordements de certaines peuvent aussi ruiner un mois
entier de difficiles négociations.
L’abondance et la liberté dont jouissent les sud-coréens, et le succès indéniable de son
économie et de sa culture sont déterminants dans la prise de décision de faire défection chez
de nombreux nord-coréens. On ne peut qu’espérer qu’un jour les nord-coréens ne supportent
plus la propagande et deviennent suffisamment informés pour saper l’adhésion au régime,
mais force est de constater que le Soft Power s’est jusqu’à présent avéré peu efficace. Les
nord-coréens sont pourtant conscients de vivre plus chichement que leurs compatriotes du Sud
et, depuis les famines des années 1990, la propagande officielle ne tente plus de leur faire
croire qu’ils vivent dans un « paradis socialiste ». Elle reste néanmoins suffisamment
puissante pour générer un véritable soutien au régime.
La Corée du Nord est pourtant largement infiltrée par les produits culturels du Sud, en
provenance de la région frontalière entre la Chine et la RPDC où s’est développé un véritable
marché noir de l’information. Mais l’influence culturelle du Sud, si elle autorise les nord-
coréens à rêver à un monde meilleur, n’est pas suffisante à elle seule. Les dramas sud-coréens
ont beau être visionnés, ils n’en restent pas moins uniquement accessible à une élite disposant
du matériel nécessaire ; élite dont la solidarité au régime a déjà été soulignée. Par ailleurs, ce
genre d’activité constitue un jeu dangereux. Une cinquantaine de personnes aurait déjà été
exécutée cette année sous ce prétexte, ce qui est on ne peut plus dissuasif et limite donc
l’audience des productions sud-coréennes.
Tout n’est heureusement pas sombre, et la politique pragmatique de Séoul autorise la reprise
de projets intercoréens. Bien que légère, cette reprise est un petit pas en avant qui permet un
46
certain optimisme. Il est difficile d’imaginer maintenant que les relations puissent subir de
profonds changements à court-terme, les deux Corées étant diamétralement opposées. Elles
laissent pourtant penser que les contacts pourraient s’installer de manière plus durable et
ouvrir la voie à des rapports plus confiants. Pour ce faire, il faudrait néanmoins de la
constance dans les politiques sud-coréennes vis-à-vis du Nord, que ce dernier évite d’agresser
son voisin du sud comme en 2010, et bien sûr que l’environnement géopolitique ne vienne
bousculer ce fragile équilibre.
L’influence que peuvent avoir les relations intercoréennes qui échappent aux états est plus
difficile à cerner. Le cas des relations personnelles de personnalités médiatiques ne sont bien
sûr pas hors de contrôle des deux régimes. L’un ou l’autre peuvent refuser d’autoriser la
rencontre, ou de recevoir la visite. Elles ont néanmoins l’avantage de persister malgré
l’alternance politique au Sud, et les successions générationnelles au Nord. De plus, elles
instaurent des canaux de communication parallèle qui permettent d’obtenir des indices quant à
l’état d’esprit de l’autre camp, à ses intentions, ou à ses positions. Elles conservent donc un
intérêt suffisant pour être entretenues, et si elles ne résolvent rien par elles-mêmes, du moins
ne nuisent-elles pas.
Ce n’est pas le cas des trafics établis au nord-est de la Chine. Les activités illégales qui se
déroulent dans cette région sont le moyen pour de nombreux nord-coréens frontaliers de se
procurer de la nourriture et des biens dont ils manquent cruellement. Tout comme les produits
culturels sud-coréens qui pénètrent au Nord par ce biais, ces marchandises paraissent bien
innocentes et il serait inhumain de vouloir en priver une population aussi démunie que celle
de la Corée du Nord.
Hélas, le marché noir est intrinsèquement malsain et ceux qui en profitent le plus sont avant
tout les mafias chinoises et le pouvoir nord-coréen. La population, quant à elle, doit s'acquitter
de sommes conséquentes et courir de gros risques pour se fournir en biens de première
nécessité auprès de profiteurs. Et en plus de gangréner la région et de rendre la population
nord-coréenne dépendante de malfaiteurs, le trafic et l'usage de stupéfiants s'est largement
répandu chez les nord-coréens, inconscients des dangers de ces substances.
47
La situation particulière du nord-est de la Chine, où peuvent librement se côtoyer coréens du
Nord et du Sud ainsi que les Joseon-Jok laissait croire que de véritables contacts avaient pu
s'établir, mais rien n'a pu le prouver dans les recherches effectuées. Deux raisons étayent un
certain scepticisme sur ce point :
Tout d'abord, l'analyse des communautés coréennes émigrées, au Japon ou à Londres, laisse à
penser qu'elles ont assimilé la séparation et qu'elles préfèrent éviter une trop grande
proximité ; même débarrassées de la tutelle de leur état d'origine.
Ensuite, les témoignages d'habitants de la région (tels que rapportés par des journalistes qui
s'y sont rendus), montrent des gens extrêmement prudents, n'acceptant de témoigner que sous
couvert d'anonymat, et faisant état d'une forte présence des services de renseignement nord-
coréens.
Il n'y a donc aucune raison de croire que des relations stables et durables n’aient jamais pu
s'établir, même dans la clandestinité.
L'avenir des relations intercoréennes reste encore à écrire, mais l’étude de ces relations à
l'heure actuelle permet déjà de conclure que le multilatéralisme pourrait bien se développer.
L'essor de la Chine et le renouveau d'intérêt de la Russie pour la région devrait relativiser
l'écrasante supériorité américaine. Et la Corée du Sud, quoique bien moins puissante que ses
voisins, est aujourd'hui un acteur avec lequel il faut compter, et non plus un petit pays du
tiers-monde.
Dans un autre registre, la loi sur la Sécurité nationale sud-coréenne est un véritable frein au
développement de relations entre coréens du Nord et du Sud à l'étranger. Pourtant, la Corée
du Sud est de nos jours en position de force vis-à-vis de son voisin du nord sur tous les plans
autres que militaire. Tolérer, voir favoriser de telles relations ne pourrait que renforcer son
attrait aux yeux des nord-coréens.
La question des relations intercoréennes est un véritable tabou en Corée du Sud. Les sud-
coréens n’ont pas grande difficulté à parler de la Corée du Nord en elle-même, mais ils sont
extrêmement discrets au sujet des relations établies, même les plus innocentes. Mener des
entretiens à ce sujet requiert de gagner leur confiance, ce qui prouve une fois de plus à quel
point il s’agit pour eux d’un sujet sensible.
Quant à la réunification, qui n'a cessé de transparaitre tout du long des recherches qui furent
faites, elle pourrait faire l'objet d'une autre étude. Elle soulève moult questions, parmi
48
lesquelles : « En cas de réunification, que ferait Séoul de la bombe nucléaire nord-
coréenne ? »
49
PIÈCES JOINTES
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octobre 2014. Disponible sur :
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2 MCKENNA Phil. Des agriculteurs préparent un champ pour la saison des semailles près de
la ville de Wonsan, Corée du Nord, à l'ombre d'une colline dénudée. (Traduction
personnelle). Le 6/03/2013. Consulté le 28 octobre 2014. Disponible sur :
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51
3 MCKENNA Phil. La teinte rougeâtre de la terre exposée en Corée du Nord indique un
manque de matière organique, vitale pour l’agriculture. (Traduction personnelle). Le
6/03/2013. Consulté le 28 octobre 2014. Disponible sur :
http://www.pbs.org/wgbh/nova/next/nature/inside-north-koreas-environmental-collapse/
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4 SCHMALTZ Jeff, MODIS Rapid Response Team, NASA/GSFC. Korea. NASA Visible
Earth. 1/05/2003. (Modifié). Consulté le 14 octobre 2014. Disponible sur :
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5 REUTERS/LIM Byung-sik/Yonhap, Le 10 octobre, un lâcher de tracts hostiles au régime
nord-coréen, dispersés à l'aide de ballons dans la zone frontalière, avait déclenché un
échange de tirs de mitrailleuse de part et d'autre de la frontière des deux Corées . rfi.fr.
25/10/2014. Consulté le 30 octobre 2014. Disponible sur :
http://www.rfi.fr/asie-pacifique/20141025-coree-sud-nord-lacher-tracts-ballons-kim-jong-un-
regime-pyongyang/
54
6 EVANS Stephen, Defectors released a poster saying Kim Jong-un "turns aid into rockets,
not food". bbc.com. 24/10/2014. Consulté le 30 octobre 2014. Disponible sur :
http://www.bbc.com/news/world-asia-29751650
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7 PARK John S. North Korea Inc.Gaining insights into North Korean Regime Stability from
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56
8 NOLAND Marcus. Arms and Illicit Exports as a Share of Commercial Goods Exports. North
Korea: Witness to Transformation | North Korean Illicit Activities. Consulté le 28 octobre
2014. Disponible sur : http://blogs.piie.com/nk/?p=9650
57
Liste des abréviations
RPDC : République populaire démocratique de Corée
URSS : Union des républiques socialistes soviétiques
DMZ : Demilitarized Zone (eng.) | Zone démilitarisée
USA : United states of America (eng.) | Etats-unis d’Amériques
ONU : Organisation des Nations Unies
FAO : Food and agriculture organization (eng.)| Organisation des Nations Unies pour
l’agriculture et l’alimentation
UNESCO : United Nations educational, scientific and cultural organization (eng.) |
Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture
OMS : Organisation mondiale de la santé
ONG : Organisation non-gouvernementale
TNP : Traité de non-prolifération
AIEA : Agence internationale de l’énergie atomique
GCSP : Geneva Centre for Security Policy (eng.) | Centre de politique de sécurité de Genève
JO : Jeux olympiques
NK : North Korea (eng.) | Corée du Nord
DPRK : Democratic People's Republic of Korea (eng.) | République populaire démocratique
de Corée
KCNA : Korean Central News Agency of DPRK (eng) | Agence central de presse nord-
coréenne
58
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Non lus :
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