observations auprès de la sv de berlin et évaluation du recrutement à distance

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1 UNIVERSITE BLAISE PASCAL UFR LANGUES APPLIQUEES, COMMERCE ET COMMUNICATION Master 1 Communication, Stratégie Internationale et Interculturalité spécialité Gestion Interculturelle des Ressources Humaines Observations à propos de la Studenten Vermittlung de Berlin et évaluation du recrutement à distance Responsable du stage M. Pierre Mathieu Etudiante Elisa Agosti

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Page 1: Observations auprès de la SV de Berlin et évaluation du recrutement à distance

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UNIVERSITE BLAISE PASCAL

UFR LANGUES APPLIQUEES, COMMERCE ET

COMMUNICATION

Master 1 Communication, Stratégie Internationale et Interculturalité

spécialité Gestion Interculturelle des Ressources Humaines

Observations à propos de la Studenten Vermittlung de Berlin et

évaluation du recrutement à distance

Responsable du stage

M. Pierre Mathieu

Etudiante

Elisa Agosti

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SOMMAIRE

Page

INTRODUCTION 1

1. DESCRIPTION DE L’AGENCE 2

1.1 Accueil chez Studenten Vermittlung 2

1.2 Une formation sur le tas 3

1.3 L’agence se présente 5

1.3.1 Fondation de l’agence 5

1.4 Le déroulement parfait 7

1.5 Stratégie d’entreprise à trois volets 7

1.5.1 Marketing 7

1.5.2 Kunde Beratung 8

1.5.3 Buchhaltung 9

1.6 Livre d’accueil (?) 9

1.7 Prise de contact avec de vrais clients 11

1.7.1 Tarifs, payements et devis 11

1.7.2 Feedback et Abrechnung 13

1.8 Apprentissage continu 14

2. DYSFONCTIONNEMENTS 15

2.1 Intégration au sein de l’agence 15

2.2 SV comme banque des données 16

2.3 Rapidité du service 17

2.4 La double face de la polyvalence 18

2.4.1 Autonomes, mais pas trop 19

2.4.2 Flexibilité comme valeur ajoutée. Ou pas ? 19

2.5 Des déroulements imparfaits 20

2.6 Conditions de travail 21

2.6.1 Espace de travail 21

2.6.2 Collègues et charge de travail 21

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3. AMELIORATIONS POSSIBLES 23

3.1 Augmenter le nombre des candidats 23

3.1.1 Pour un recrutement efficace 24

3.1.2 Etoiles étudiant 25

3.2 Contrôler et améliorer 26

3.3 Savoir communiquer 26

3.4 Motiver l’équipe 28

3.5 Valoriser l’interculturalité 28

3.6 Pour une démarche qualité 29

CONCLUSION 30

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INTRODUCTION

La recherche du poste et le séjour berlinois ont été enrichissants du point de vue

professionnel et personnel. A travers cette expérience chez Studenten Vermittlung je me suis rendue

compte, une fois de plus, que l’on peut apprendre de tout travail et de toute rencontre.

La recherche du stage m’a appris à repérer les annonces intéressantes, à bien les lire et à rédiger une

lettre de motivation en fonction des attentes de l’entreprise d’accueil. Pendant cette recherche j’ai

aussi appris qu’il faut suivre sa candidature, montrer un intérêt sincère et qu’il ne faut surtout pas se

décourager. Le stage a été très instructif, du début à la fin. Il n’a pas été comme je l’avais imaginé,

mais il m’a permis de me confronter à la complexité du monde de travail et d’observer

l’organisation d’une petite entreprise. Je pense que la durée de mon stage, trois mois et demi en

tout, a été plus que satisfaisante. Vers la fin, mon travail était devenu répétitif et je n’aurais pas

appris plus de choses si j’étais restée quelques mois de plus.

J’ai divisé la rédaction en trois chapitres : un premier chapitre de description de la fondation

et organisation de la Studenten Vermittlung, de l’accueil et de la formation que j’ai reçus à mon

arrivée. Un deuxième chapitre qui présente les dysfonctionnements et les aspects problématiques de

la vie de l’agence. Un troisième chapitre qui est consacré à quelques suggestions qui pourraient, à

mon avis, améliorer le service de l’entreprise.

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1. DESCRIPTION DE L’AGENCE

1.1 Accueil chez Studenten Vermittlung

Quelques jours avant le début de mon stage, j’avais pensé aller faire un tour dans la

Düsseldorferstrasse, la rue dans le quartier berlinois de Wilmersdorf où se trouvait l’agence qui

allait m’accueillir.

Histoire de savoir à quoi le bureau ressemblait et de savoir exactement comment y arriver, pour ne

pas me présenter en retard le premier jour.

C’était le lundi de Pâques et, même dans la Berlin très libérale, le bureau était fermé. Il devait se

situer au numéro 76, mais moi, après avoir bien cherché, je n’arrivais pas à le trouver.

Panique.

On m’a eue.

L’agence n’existe pas, j’ai fait un long voyage pour rien.

Tant pis, Berlin est une ville tellement charmante, la visite a quand même valu le coup…

C’est en me renseignant auprès d’une fille italienne qui faisait aussi son stage dans la même

entreprise et qui avait été mon contact depuis quelque temps que le mystère a pu être révélé.

Tout simplement, l’agence se situe bel et bien au 76, mais il n’y a pas de panneaux pour l’indiquer,

aucun nom sur la sonnette et quand l’agence est fermée le volet roulant cache la petite inscription

rouge « SSI Student Services International Ltd » marquée sur la vitre.

C’est ce qu’on appelle une agence discrète.

Rassurée grâce à cette bonne nouvelle, je me suis présentée ponctuelle au rendez-vous fixé

avec le patron. Devant la porte j’ai rencontré une fille. Elle commençait aussi son stage le même

jour. Plus tard j’ai découvert qu’elle était Française, de Paris. Puis nous sommes devenues de

bonnes amies.

Un garçon nous a ouvert la porte, « Vous êtes les nouvelles ? » et nous a dit de le suivre et il nous a

montré la salle de travail. Je m’attendais à un grand bureau lumineux, à un guichet d’accueil, une

salle d’attente pour les candidats.

Rien de tout cela. A l’intérieur, quelques filles au téléphone. Elles avaient des casques sur la tête,

elles n’ont presque pas fait attention à nous qui cherchions une place pour nous asseoir.

Je me sentais un peu mal à l’aise, personne ne s’occupait de nous. On a reçu des mots de passe et un

gros fascicule, die Mappe, comme s’ils étaient tombés du ciel. Ci-dessus, on reviendra sur ce

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document. On nous avait dit d’attendre la fille italienne, la même qui m’avait aidée à trouver la

bonne adresse. C’était elle qui allait s’occuper de notre Schulung, notre formation.

1.2 Une formation sur le tas

Cette fille était à la fin de son stage et n’avait malheureusement pas réussi à se faire

embaucher. Elle a travaillé avec nous pendant deux semaines seulement. Après elle est rentrée en

Italie pour retenter sa chance en Allemagne plus tard. Elle était débordée par ses derniers dossiers et

a dû aussi se charger de nous révéler tous les secrets du métier. Elle a été très gentille et toujours

très disponible. Je la remercie de tout cœur d’avoir rendu le début de mon stage le plus agréable

possible.

Les personnes qui étaient dans la salle avaient l’air très occupées. Avec leur casque sur la

tête et le regard fixé sur l’écran, c’était difficile de savoir si elles étaient au téléphone ou pas.

En attendant la fille italienne, j’essayais de leur poser des questions. Ces filles, me semblait-il,

avaient l’air tellement expérimentées, j’étais fascinée en les voyant travailler. Elles parlaient un très

bon allemand et paraissaient très sûres d’elles. Je cherchais à poser les questions brise-glace

classiques "Wie heißt du ? Woher kommst du ? „ Comment t’appelles-tu ? D’où viens-tu ? , mais à

chaque fois la conversation était coupée par un geste de la main qui voulait dire « Sorry, mon

téléphone sonne, je dois répondre ».

La première impression de l’entreprise ne me quittera jamais pendant toute la durée de mon

stage : une course contre la montre, devant réaliser plusieurs tâches à la fois, dans les plus brefs

délais, sans commettre de fautes bien sûr.

Une fois arrivée, la fille italienne s’est donc présentée à la fille française et moi. Elle s’est assise

entre nous et elle nous a initiées au travail. N’ayant pas eu le temps de se concentrer exclusivement

sur nous, elle faisait son travail réel tout en nous montrant les procédures à remplir.

Elle commençait souvent ses phrases par theoretisch, en nous présentant aussi les mille variantes

possibles qui pouvaient arriver. Quelques minutes après, le patron avait appelé. Il voulait parler

avec les nouvelles. Il nous a souhaité la bienvenue et il nous a dit qu’il allait revenir au bureau dans

deux-trois jours. En réalité, on ne fera sa connaissance que deux semaines après. Cependant, même

si physiquement loin du bureau, sa présence télématique était constante et parfois trop pressante.

J’avoue que le premier jour j’avais reçu une quantité énorme d’informations, au point de me

dire « je ne pourrai jamais faire ça, c’est trop, il y a trop de trucs dont il faut se souvenir… »

Après avoir vu en rapidité les tâches principales, on nous a demandé d’utiliser les mots de passe que

nous avions diligemment cachés dans le gros fascicule. C’est parti ! J’avais un compte Internet au

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sein de l’entreprise et un code d’accès au programme qui gérait tous nos contrats : à partir de ce

moment-là je m’appelais Vermittlung14. J’ai ouvert ma boîte mail, trouvant déjà des courriels. Chez

Studenten-Vermittlung.com ça va vraiment vite !

J’ai commencé à suivre les indications que l’on venait de me donner. Elles me paraissaient

tellement faciles il y a 10 minutes, mais je ne savais plus ce que je devais faire. J’avais peur de me

tromper, je tapais très doucement sur mon clavier. « C’était quoi l’ordre déjà ? » Copier-coller, ok,

mais où ? Est-ce que j’ai oublié quelque chose de fondamental ? Est-ce que je vais bientôt faire une

grosse bêtise ? J’ai cherché la fille italienne avec le regard. Elle était au téléphone, elle avait l’air

très occupée. « Tu peux venir s’il te plaît ? » Ma collègue française a fait la même chose.

Heureusement, notre tutrice avait une patience infinie et nous aidait volontiers. Elle avait compris

que tout était nouveau et difficile pour nous. Peu de temps après, elle nous avait confié qu’elle

aurait bien aimé avoir une tutrice elle aussi. Elle avait dû apprendre toute seule, sans guide.

Ce jour-là on avait commencé à 10h15. On avait donc fini à 19h. On avait une pause de trois

quarts d’heure par jours. Vers midi il faisait presque beau et la fille française et moi étions sorties.

45 minutes passaient vite et une fois rentrées, nous avions fait la connaissance d’une autre fille. Elle

était embauchée, mais nous ne connaissions pas précisément ses fonctions. Nous avons bientôt

compris qu’elle avait beaucoup de responsabilités et qu’elle avait des manières assez brusques. Elle

agissait comme si elle était une sous-chef.

Cette fille nous a demandé ce que l’on avait appris jusque là et, après avoir écouté notre

explication, elle avait l’air de se dire « Que ça ? », en faisant peu d’efforts pour cacher sa déception.

La fille française et moi avions déjà pris l’habitude de parler français et cela non plus ne paraissait

pas plaire à la nouvelle arrivée. "Ihr sollt Deutsch sprechen„, vous devriez parler allemand, nous a-

t-elle dit avec un accent russe très prononcé. Avant de retourner à ses occupations, elle nous a

donné un autre fascicule à lire très attentivement : Datenschutz, protection des données sensibles.

Depuis son arrivée, l’ambiance dans la salle de travail a changé. Tout le monde est devenu

plus sérieux, on parlait moins et nous étions plus concentrés sur le travail. Je lisais ce fascicule, en

essayant de capter l’idée générale de chaque paragraphe. Je me trouvais encore face à la barrière

linguistique, face à un allemand bureaucratique que je n’avais pas l’habitude de lire et qui était

assez difficile à comprendre. Des termes allemands que je n’avais jamais vus s’enchaînaient dans

des phrases qui me paraissaient trop compliquées. Pendant le Schulung, j’avais profité de l’italien,

ma langue maternelle, que je partage avec la tutrice. J’avais la chance de lui demander si j’avais

bien compris et d’échanger plus d’informations dans un bref laps de temps… en plus mon cerveau

avait parfois envie de se reposer et d’avoir moins de difficultés à traiter.

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En même temps, je faisais très attention à ne pas abuser de cela. La fille française étant avec nous,

je ne voulais pas qu’elle se sentît écartée, d’autant plus que c’étaient des informations utiles pour

elle aussi. Je m’étais donc chargée de la traduction en français.

Ma tête n’en pouvait plus, beaucoup de choses à retenir, beaucoup de langues à parler.

Il était finalement 19h. La fin d’une première journée de stage qui m’avais paru durer mille ans !

1.3 L’agence se présente

Quelle meilleure manière de décrire l’agence, que de reprendre celle qu’elle-même avait

utilisée pour se présenter aux jeunes à la recherche d’un stage ? La description du poste, que j’avais

trouvée sur un site internet, c’est ce qui m’avais poussée à postuler pour un stage auprès de la SV de

Berlin.

Voici quelques passages : Möchten Sie ein Praktikum bei einer internationalen Personal-

Vermittlungsagentur machen? Voulez-vous faire un stage auprès d’une agence internationale qui

s’occupe du recrutement du personnel ?

Les tâches aussi étaient listées : Sie unterstützen unsere Abteilung Internal Recruiting bei der

Rekrutierung qualifizierter Kandidaten, vous soutenez notre service recrutement pour le choix de

candidats qualifiés ; Sie sind aktive Schnittstelle zwischen den Bewerbern und unseren Kunden,

vous êtes l’interface entre les candidats et nos clients ; Sie recherchieren selbständig in

verschiedenen Internetdatenbanken und führen eine Vorselektion der potentiellen Bewerber im

Hinblick auf mögliche Positionen durch, vous allez faire des recherches de façon autonome dans

différents portails internet et vous allez sélectionner des candidats potentiels qui pourraient occuper

certains postes ; Sie werden im Bereich telefonischer Kundenberatung eingesetzt, votre travaillerez

dans le domaine du conseil téléphonique aux clients.

1.3.1 Fondation de l’agence

La Student Services International (à l’international) ou Studenten-Vermittlung (entre autres,

puisqu’elle a plusieurs noms ) est une entreprise familiale assez jeune. Elle a été fondée sur l’île de

Mallorca, mais l’expérience espagnole n’a pas été des meilleures : d’après ce que j’ai pu apprendre

en parlant avec des collègues, les employés (ou les stagiaires ?), dont je ne connais pas la

nationalité, n’étaient pas productifs et la direction, chargée du bon fonctionnement de l’agence,

avait copié l’idée en ouvrant une entreprise clone. C’est ainsi que le bureau berlinois, à la base

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bureau de relais à la surcharge de travail à Mallorca, est devenu le seul bureau opérationnel à partir

de 2009.

La Studenten-Vermittlung (SV) agit en tant que médiatrice de personnel dans plusieurs

domaines, en grande partie dans le secteur des déménagements. Elle s’occupe aussi de trouver des

étudiants pour des cours de langues, l’aide aux devoirs, le babysitting. Les demandes les plus

bizarres que les clients nous envoyaient pendant ma permanence sont celles d’une entreprise qui

voulait organiser une petite fête et qui avait besoin d’un étudiant qui pouvait s’occuper du barbecue

et d’un monsieur, accro au foot, prêt à payer quelqu’un pour qu’il reste assis et lui garde sa place

devant un écran géant lors des matchs de l’Allemagne pendant la Coupe du Monde 2014. Le

deuxième secteur d’activité de l’agence est l’Excellent Event Service qui s’intéresse aux étudiants

disponibles pour participer à des foires en tant qu’hôtes ou hôtesse.

La SV est bien installée dans les principales villes d’Allemagne, affirme être bien installée en

Autriche et en Suisse, essaie, paraît-il, de s’implanter dans d’autres pays d’Europe (le Benelux ?). Si

l’on prend en considération l’Autriche et la Suisse, on remarque que c’est très difficile de trouver

des candidats en Autriche et en Suisse. Comme on disait entre nous au bureau, pour rigoler, mais

pas trop « les Suisses, il faut vraiment aller les chercher ».

Son objectif est de faciliter la recherche et les démarches, lorsqu’un particulier a besoin d’un

certain service. Que ce soit un cours d’espagnol à Hanovre, une soirée de musique classique à

Munich, un déménagement de Mönchengladbach à Rosenheim, la SV propose la solution :

…clevere Helfer von nebenan, une aide intelligente qui vient de juste à côté. Ce concept de

facilitation résume bien la volonté de se présenter aux clients comme une agence capable de

proposer rapidement une main d’œuvre à bas coût, très flexible et, selon ce que l’on dit, qualifiée.

La main d’œuvre est constituée d’étudiants, inscrits gratuitement sur le site internet de SV et

souvent prêts à tout pour gagner quelques euros. Ces étudiants sont en grande partie des garçons et

des étrangers : les habitués viennent des pays comme le Cameroun, le Maroc, la Pologne. Les

occasionnels sont des Erasmus ou des étudiants qui participent à des programmes d’échange ; ils

viennent d’Espagne ou d’Italie, mais ils ne représentent qu’une petite partie des candidats. Etant

étudiants, ils vivent principalement dans les grandes villes allemandes. En même temps, certains

d’entre eux sont prêts à se déplacer dans des endroits isolés.

Ces étudiants représentent bien l’Allemagne multiculturelle et pays de destination pour beaucoup de

jeunes en quête de travail. La disposition géographique sur le territoire allemand fait aussi référence

aux différentes zones productives du pays. Une grande partie des étudiants vit dans la Ruhrgebiet,

poumon industriel d’Allemagne, peu d’étudiants vivent à Munich, une ville où le niveau de vie est

très élevé.

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1.4 Le déroulement parfait

Imaginons donc la SV comme une boîte dans laquelle offre et demande se rencontrent.

L’offre, ce sont les étudiants, la demande, ce sont les clients.

Nous vous présentons, en résumé le déroulement parfait de l’un de nos contrats.

Le client envoie un mail dans lequel il demande de lui faire parvenir un devis pour son

déménagement. Le devis est envoyé dans les plus brefs délais. Le client réserve en ligne à partir de

notre site. Contrat simple : grande ville allemande, nombre limité d’étudiants, pas de camion, rien

de précieux à déplacer, pas d’outils à amener de la part des étudiants. Pour nous cela voulait dire :

moins de temps à choisir les mieux qualifiés, pas de réservation en ligne du camion sur le site de

notre partenaire, moins de souci pour les objets de valeurs. Son contrat est publié, on envoie au

client un mail de confirmation. Le client paie tout de suite. Les étudiants qui habitent dans la même

ville que le client candidatent en ligne (pas par téléphone, cela est interdit !). Ces étudiants ont de

bons feedbacks, ils sont fiables. Wir vermitteln diese Studenten, on envoie les données du client aux

étudiants choisis et on envoie les données des étudiants au client par mail. Les étudiants contactent

le client, fixent un rendez-vous, nous informent qu’ils ont pris contact et qu’ils iront travailler. Le

jour du déménagement, les étudiants se présentent ponctuels à l’adresse indiquée, travaillent

sérieusement et pendant le temps pour lequel ils avaient été assignés. Le client est satisfait et prêt à

recommander l’agence à son entourage.

1.5 Stratégie d’entreprise à trois volets

1.5.1 Marketing

Or, comment se faire connaître ? Comment conquérir la clientèle ?

C’est la tâche du Marketing. Là encore, des gens embauchés ou des stagiaires s’occupent de la

promotion de l’agence, qui ne se fait que sur Internet. Ils travaillent dans le même bureau, mais à un

créneau différent, de 17 heures à minuit. Pour attirer les clients, la technique est la suivante :

tromper les moteurs de recherche. De nouveaux textes, un pour chaque grande ville d’Allemagne,

sont constamment rédigés, pour que les clients potentiels qui cherchent des mots comme

« déménager » ou des mots dans le même champ sémantique trouvent en tête de liste notre agence

berlinoise. Beaucoup d’entre eux sont même surpris quand on leur révèle qu’il n’y a pas de bureau à

Cologne, ni à Francfort, on fait tout à partir de Berlin. Le contenu du texte est le même, il faut juste

changer quelques mots ou l’ordre des phrases, pour que Google reconnaisse ce texte comme

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nouveau et pour qu’il le place en tête des liens proposés. Ce processus s’appelle search engine

optimization.

Une fois la curiosité éveillée, le client peut aller sur le site Studenten-Vermittlung.com ou appeler la

ligne réservée aux clients. Beaucoup de clients appelaient pour être sûrs que ce qu’ils venaient de

lire était correct ou pour demander des explications.

C’est ici que le marketing se lie et influence les tâches de mon stage. Après la phase

d’adaptation, la plupart de mon travail, comme celui de mes collègues, correspondait à ce que les

Allemands appellent Kunden Beratung, conseil à la clientèle.

1.5.2 Kunde Beratung

Le patron avait demandé à notre tutrice de nous apprendre aussi comment on devait

répondre aux clients, quelles étaient les choses importantes à leur dire et dans quel ordre. Cela était

assez bizarre, puisque cette fille n’avait jamais dû discuter au téléphone avec les clients. Faute de

temps et de moyens, elle s’est prêtée à ce rôle qui n'était pas vraiment de sa compétence. Elle a fait

de son mieux, mais le patron n’était pas satisfait.

Le deuxième jour de stage, il s’est donc chargé lui-même de notre telefonische Schulung für Kunde,

le conseil téléphonique aux clients. N’étant pas encore rentré au bureau, il appelait individuellement

à distance, en nous prévenant avant de commencer.

Ainsi, il se transformait en client méchant, impatient, impoli. Il posait des questions difficiles,

auxquelles ni mon amie française ni moi n’avions de réponses. Je me sentais encore plus jetée à

l’eau pour cet apprentissage sur le tas. Il avait presque réussi à m’effrayer ! Heureusement

qu’ensuite j’ai découvert que nos vrais clients étaient généralement plus gentils et compréhensifs

que lui !

Comme on vient de le voir, l’accueil téléphonique constituait une grande partie du travail.

Dans une journée normale, le téléphone sonnait sans arrêt. A appeler, soit les étudiants, soit les

clients. Eh oui, parce que les clients se contentaient rarement de ce qu’ils lisaient sur Internet et les

étudiants ne respectaient absolument pas la règle selon laquelle on ne candidatait pas par téléphone.

La fille française et moi avons commencé par le côté facile, c’est-à-dire par répondre aux questions

des étudiants. Plusieurs cas de figure : « Je voudrais bien obtenir le contrat que vous venez de

publier, j’habite très près et je travaille toujours très bien chez vous » ; ou bien « Pourquoi je ne

reçois jamais de travail chez vous ? Y a-t-il quelque chose qui ne va pas dans mon profil ? », ou

encore « Je n’ai pas encore reçu les données du contrat. Pouvez-vous me les envoyer par SMS ? ».

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On a eu affaire avec des: «Le client ne répond pas », mais le pire cas de figure c’était lorsque l’on

entendait: « Le clients a annulé le contrat ».

On verra plus loin ce qui se passe dans un cas de ce genre. Pour l’instant, il suffit de dire que,

lorsque le client annule son contrat chez SV, il peut bénéficier du kostenfreie Storno, annulation

sans frais, ou subir le kostenpflichtige Storno, annulation avec frais. La décision est normalement

prise par le troisième grand volet de l’agence, la Buchhaltung.

1.5.3 Buchhaltung

A côté du Marketing et de mon Kunde Beratung, il existait la Buchhaltung, la comptabilité.

Disons que tout le monde faisait un petit peu de comptabilité, à des niveaux différents. La fille russe

s’occupait de l’étape supérieure à la nôtre, elle faisait une sorte de contrôle. Une autre fille était

embauchée pour répondre aux réclamations des clients et prenait aussi des décisions concernant une

annulation avec ou sans frais.

Mais la véritable Buchhaltung, à vrai dire, moi, je ne l’ai jamais vue. Elle ne se trouvait pas dans

notre bureau, même pas à Berlin. C’était, en fait, la mère de notre chef. Elle habitait apparemment à

Düsseldorf et ne communiquait avec nous que par mail ou par téléphone. Elle était une dame avec

une voix calme et posée, mais qui savait se faire respecter et imposer ses décisions. Son numéro de

téléphone était le 19. Lors que ce numéro s’affichait à l’écran de quelqu’un, cette personne savait

que, très probablement, il y avait eu un problème. La dame appelait pour nous expliquer comment

le résoudre ou pour nous dire qu’elle l’avait déjà résolu elle-même. Si cela était le cas, elle prenait

quelques minutes pour expliquer quelle était la bonne façon de se comporter si cela arrivait à

nouveau. Elle nous répétait souvent que l’on avait le droit de demander comment faire si nous ne le

savions pas et qu’une erreur de notre part entraînerait plus de travail pour elle et pour les autres

comptables. Parfois, c’était elle qui appelait les clients difficiles et qui essayait de leur faire

comprendre que les AGB, allgemeine Geschäftsbedingungen, (conditions générales de l’agence)

étaient valables pour tout le monde. Parfois elle appelait aussi pour regagner la confiance de

certains clients. Elle devait sûrement se dire, que, si c’était la direction qui appelait et pas un jeune

étudiant ou stagiaire, le client devait se sentir plus important.

1.6 Livre d’accueil (?)

Die Mappe, le gros fascicule que l’on nous a donné le tout premier jour, était la chose la plus

proche d’un livre d’accueil que nous avions reçue. Un livre d’accueil est un document qui est donné

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aux nouveaux employés et qui les informe à propos de l’entreprise dans la quelle ils commencent à

travailler, même si pour une période de temps limitée. Le but est de faciliter l’intégration des

nouveaux et de réduire au maximum les questions qu’ils pourraient poser. La décision de distribuer

un livret d’accueil est prise par la direction. Chaque entreprise conçoit son propre livret d’accueil et

décide quelles sont les informations que ce livret doit contenir.

Dans notre Mappe, la présentation de l’entreprise est complètement absente et ne se

concentre que sur la partie effective du travail. Disons que les parties historique et familiale sont

passées sous silence et la présentation parlait business.

Voici, en résumé, ses parties principales :

- qui contacter en cas de besoin ;

- comment répondre au téléphone lorsqu’un client appelle ;

- déménagements et travaux de rénovation à la maison : tarifs relatifs aux salaires des

étudiants ;

- comment réserver un camion chez notre partenaire ;

- comment proposer et envoyer un devis ;

- comment s’adresser aux clients qui parlent anglais ;

- comment faire pour assurer les étudiants

- comment se comporter lors des plaintes

- comment clore un contrat et le facturer

- autres services et activités (babysitting, dogsitting, tâches administratives)

- marketing et Facebook ;

- foires, hôtes et hôtesses.

La fille russe nous avait chaleureusement conseillé de le lire et, si possible, d’apprendre par cœur

les procédures contenues dans la Mappe. Pendant les premiers jours de notre stage, elle n’a pas

manqué de nous faire remarquer que les réponses à nos questions se trouvaient dans ce fascicule et

que cela était un signe manifeste du fait que nous n’avions pas respecté les consignes.

J’avoue que je croyais pouvoir me passer de cette lecture qui me paraissait presque inutile.

J’ai vite compris que je m’étais trompée.

Page 14: Observations auprès de la SV de Berlin et évaluation du recrutement à distance

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1.7 Prise de contact avec de vrais clients

Pendant la Kunde Beratung téléphonique avec le patron, je me suis vite aperçue que j’étais

chaleureusement obligée de connaître le contenu de ce document. Une fois avoir vaincu ma

répulsion envers cette lecture, je l’ai lu et j’ai souligné les informations importantes. J’ai trouvé cela

vraiment très utile et depuis je n’ai plus quitté ma Mappe. Je le laissais au bureau, mais tous les

matins j’allais le chercher et je le mettais à coté de mon ordinateur. C’était mon support pour

répondre à toutes les questions.

Le patron avait particulièrement insisté sur l’ordre dans lequel il fallait présenter les services

au client. Tout d’abord, salutations polies et une présentation standard :“Studenten-

Vermittlung.com. Schönen guten Morgen/Tag/Abend, (Frau Agosti) mein Name. Was darf ich für

Sie tun?„ Studentent Vermittlung.com. Bonjour/bonsoir, je suis Mme Agosti. Que puis-je faire

pour vous?. Il nous avait demandé d’écouter attentivement les questions des clients.

La Kunde Beratung, selon notre patron est comparable à une visite chez le médecin. Le médecin

pose des questions afin de connaître les symptômes et proposer un diagnostique. Dans notre cas, il

fallait connaître les besoins du client pour lui proposer une solution adaptée.

L’une des questions que les clients posaient était, bien évidemment, combien notre service

allait leur coûter. La question était posée à différents moments de la conversation, très tôt ou après

d’autres questions d’ordre logistique. Chaque culture a un rapport à l’argent et d’après ce que j’ai

vécu chez SV et en général en Allemagne, je pense que les Allemands parlent librement et

tranquillement de l’argent et des coûts et ne se font aucun souci pour dire "das ist viel zu

teuer„(c’est beaucoup trop cher).

1.7.1 Tarifs, payements et devis

Voici les tableaux de référence pour le calcul du prix de la Vermittlung et du salaire des étudiants

pour les déménagements et les travaux de rénovation :

Salaire des étudiants :

DE et AT CH

Temps d’embauche des étudiants Prix €/h Prix CHF/h

Moins de 2 heures Forfait 20,00 € Forfait 35,00 CHF/h

Moins de 3 heures 12,50 €/h 30,00 CHF/h

A partir de 3 heures 10,00 €/h 25 CHF/h

Page 15: Observations auprès de la SV de Berlin et évaluation du recrutement à distance

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Pour simplifier les calculs, un étudiant qui travaille lors d’un déménagement, qui est embauché pour

peindre les murs d’une maison, qui aide à poser le parquet, etc., reçoit 20 Euros pour une heure de

travail, 25 Euros s’il travaille deux heures et 10 Euros de l’heure à partir de trois heures de travail (3

heures = 30 Euros, 4 heures = 40 Euros et ainsi de suite).

Commission pour la médiation (VG) :

Temps d’embauche des étudiants VG pro étudiant

Jusqu’à max 2 heures 18,95 €

De 2 jusqu’à max 4 heures 29,95 €

De 4 jusqu’à max 6 heures 37,95 €

Plus de 6 heures (tarif journalier) 42,95 €

2 étudiants pour > de 4 heures

Forfait 69,95 € ;

chaque étudiant en plus 24,50 €

2 mêmes étudiants/2 jours Forfait 97,50 € ;

chaque étudiant en plus 32,50 €

L’argent étant un thème sensible, le patron nous avait sollicités pour expliquer d’abord combien les

étudiants devaient recevoir et après quel était le bénéfice de l’agence. Les étudiants devaient être

payés sur place en espèces. Boissons, permission de faire des pauses et pourboires étaient à la

discrétion du client. La commission pour la médiation était payée par virement bancaire. Une fois le

contrat clos, le client recevait une Rechnung, une facture.

L’explication des tarifs et des modalités de paiement était, à mon avis, le moment le plus délicat de

la Kunde Beratung. Certains clients notaient ces tarifs sur un bout de papier ; peut-être que nous

n’étions pas la seule agence qu’ils avaient contactée et leur objectif était celui de trouver le meilleur

prix. Après avoir présenté les échelons au téléphone, nous devions demander si le client voulait

recevoir un devis par mail. Le patron avait beaucoup insisté sur ce point. CAO, le logiciel que nous

utilisions pour nos contrats, permettait aussi de compléter des trous dans un texte préconçu et

d’envoyer un mail au client. La plupart des clients acceptaient volontiers. Certains d’entre eux,

souvent âgés, n’avaient pas d’adresse mail. Dans ce cas, le devis pouvait aussi être envoyé par la

poste. Un support écrit laissait une trace plus visible dans la mémoire du client et assurait une

meilleure compréhension du fonctionnement du contrat. Le client n’était pas obligé de rappeler ou

de faire une nouvelle recherche sur notre site. Prix et conditions étaient stockés dans sa boîte mail.

Page 16: Observations auprès de la SV de Berlin et évaluation du recrutement à distance

16

Dans son souci de perfection, d’augmentation des bénéfices et de réduction de plaintes, le

patron a aussi organisé des contrôles qualité. Il nous informait qu’il allait écouter nos conversations

au hasard pour voir si notre façon de discuter avec les clients était la bonne et si l’on n’oubliait pas

quelque chose d’important. Ces procédures n’étaient pas difficiles en soi et, une fois la langue et le

vocabulaire maîtrisés, même les étrangers devenaient de bons conseillers. Rares sont les cas où un

client ait demandé à des étrangers de les mettre en communication, car il n’était pas sûr d’être

tombé sur quelqu’un de compétent.

1.7.2 Feedback et Abrechnung

Quelques jours après le déroulement du contrat, nous devions recueillir les informations à

propos du travail réalisé. Elles étaient nécessaires pour la clôture du contrat et pouvaient être

recueillies par mail ou par téléphone. Ces informations concernaient la présence physique des

étudiants que le client avait commandés, la durée du travail, le niveau de satisfaction du client par

rapport au service et aux capacités des étudiants et l’adresse (postale ou mail) à laquelle nous

devions faire parvenir la facture. Aux yeux des Allemands cette dernière question était souvent peu

claire. Quand on leur demandait „Möchten Sie die Rechnung per Email oder per Post bekommen ?“

voulez-vous recevoir la facture par mail ou par la poste, ils nous répondaient „Ich hab doch schon

bezahlt!“, mais moi, j’ai déjà payé ! Il suffisait de leur dire que « oui, nous le savons, mais la

facture vous est envoyé quand même ». Je n’ai jamais compris le motif de leur étonnement, mais

cette réponse suffisait à les rassurer.

Pour un déroulement vraiment parfait, nous souhaitions entendre (ou lire) que les étudiants

s’étaient présentés ponctuels au rendez-vous, qu’ils avaient trouvé l’adresse sans problème, qu’ils

avaient bien travaillé et que le client était satisfait. Le temps de travail communiqué par le client

devait être le même que celui communiqué par l’étudiant, ou du moins, ne pas dépasser l’échelon

du tarif. Cela posait parfois des soucis : je vous laisse imaginer ce qui pouvait se passer quand

l’étudiant disait avoir travaillé deux heures et demie, alors que le client affirmait que l’étudiant était

resté seulement deux heures. Dans ce cas, soit l’on cherchait un compromis, c’est-à-dire on

recontactait l’étudiant ou les étudiants et le client pour savoir s’il y avait eu des pauses ou si par

hasard ils s’étaient trompés. Lors que le temps de travail était confirmé par les deux côtés (client et

étudiant(s)), et qu’il ne correspondait pas, on transmettait ces informations à la Buchhaltung. Parfois

on se fiait aux étudiants et on augmentait le tarif pour le client. Parfois, on laissait le même tarif.

Parfois, on ne savait pas comment cette incongruité avait été réglée.

Page 17: Observations auprès de la SV de Berlin et évaluation du recrutement à distance

17

1.8 Apprentissage continu

A la fin de ma première journée, je n’avais pas compris la globalité du travail de l’entreprise.

Ce que j’avais appris durant cette première journée c’était l’ordre normal et theoretisch qu’il fallait

suivre. Chaque contrat avait un numéro et toutes les informations concernant les contrats devaient

apparaître dans le contrat. Le système CAO permettait de copier des textes ou d’écrire des

remarques. La première chose à faire après être arrivé au bureau et avoir allumé l’ordinateur c’était

la lecture des mails, qui venaient des clients et des étudiants.

D’habitude, les clients écrivaient pour changer des données du contrat, ajouter des informations ou

bien nous informer que les étudiants ne les avaient pas encore contactés ; les étudiants nous

contactaient pour nous dire qu’ils n’avaient pas reçu les données du client, que le client n’était pas

joignable, qu’ils avaient mal lu l’annonce et que donc ne pouvaient pas être présents lors du travail.

Quand tout se passait bien client et étudiant nous écrivaient que le travail avait été réalisé avec

succès et le nombre d’heures de travail communiqué par le client et le(s) étudiant(s)

correspondaient.

C’est compliqué d’affirmer à quel moment je me suis aperçue que je maîtrisais mon travail.

Je ne suis pas sûre qu’un tel moment ait existé pendant le stage. Je suis plutôt devenue de moins en

moins dépendante de mes collègues, de plus en plus consciente de mes capacités.

Ça a été un processus par étape. Je sais que souvent je me disais avoir tout découvert, alors qu’il y

avait encore des exceptions à voir ou des leçons à apprendre. Ce n’est que petit à petit que je me

suis rendu compte de ce en quoi cela consistait. Cependant, je pense pouvoir affirmer avoir atteint

un niveau plus avancé un mois après mon arrivée. A ce moment-là, je m’étais habituée à ouvrir les

trois programmes que l’on utilisait, Office 365 (pour les mails), CAO (pour les contrats format

numérique) et TIM SIP (le téléphone), je m’étais habituée à parler avec un casque sur la tête avec

les étudiants et avec les clients, je publiais mes contrats et je faisais mes Abrechnungen

(comptabilité niveau basique, bien entendu) sans trop de problème.

J’avoue que la technologie nous a beaucoup aidés : un travail pareil ne serait possible sans internet,

sans téléphone et sans un programme capable de stocker des milliers de contrats. Je me suis rendu

compte du nombre de choses que l’on peu faire à partir d’un ordinateur, très loin de l’endroit où le

travail réel est effectué.

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2. DYSFONCTIONNEMENTS

2.1 Intégration au sein de l’agence

Comme on l’a déjà dit, je n’ai eu le plaisir de faire la connaissance du patron que deux

semaines après mon arrivée au bureau. D’après ce que mes collègues nous ont raconté, cela n’était

pas du tout la normal. En fait, jusqu’à ce moment là le chef avait pratiquement vécu dans son

bureau. Ce changement imprévu et rapide avait eu un impact sur le fonctionnement de l’entreprise,

puisque son absence avait mis les collègues embauchés en condition de recevoir des directives à

distance et de ne pas pouvoir compter sur son aide immédiate.

J’avoue que, sauf à quelques rares occasions où sa présence aurait permis de résoudre plus

rapidement des problèmes, nous n’étions pas nostalgiques. Quand il était au bureau, l’ambiance

était tendue et il ne fallait surtout pas rater les appels. Un client potentiel auquel on n’avait pas

répondu et auquel on n’avait pas proposé nos services était pour notre patron une perte inacceptable.

Je ne sais pas si ma première journée se serait passée de la même façon si le chef avait été au

bureau. J’ose dire que non, que cela n’aurait rien changé. Le résultat est qu’il n’y a eu aucune

journée d’intégration et personne ne s’est soucié de nous présenter officiellement l’activité de

l’entreprise. Une stagiaire, débordée de travail et qui n’avait pas été formée à son tour pour ce

qu’elle était censée m’apprendre, avait été chargée de toute la partie d’intégration et de formation,

Disons que la fille française et moi avions eu peu de chance, étant tombées au bureau à un moment

de changement qui avait causé un peu de chaos, mais que nous avions eu beaucoup de chance en

rencontrant une tutrice ouverte et très disponible.

A mon avis pourtant, le fait de compter sur la bonne foi et sur la bonne volonté d’un stagiaire pour

en former d’autres n’est pas une marque du bon fonctionnement de l’agence. Cela peut créer des

dysfonctionnements, car une bonne formation initiale est primordiale pour une bonne réussite du

stage. Si les nouveaux arrivés ne reçoivent pas d’informations précises et si personne ne leur

indique ce que l’on attend d’eux, on risque de devoir leur répéter les choses plusieurs fois après, en

perdant du temps et en les mettant dans la condition de devoir continuellement demander ce qu’ils

doivent faire. Cela est désagréable autant pour eux que pour les collègues et peut rendre la période

d’intégration difficile et plus longue.

Page 19: Observations auprès de la SV de Berlin et évaluation du recrutement à distance

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2.2 Studenten Vermittlung comme banque des données

La Studenten-Vermittlung est ce que l’on peut appeler une banque de données. La traduction

en français du terme allemand Vermittlung est difficile et elle ne permet pas d’envelopper toute la

force du terme dans la langue source. Le premier sens est « médiation », mais, ne trouvant pas de

traduction satisfaisante, nous proposons de penser à ce terme comme la relation tripartite qui existe

entre demande, offre et banque de données. En gros, c’est le recrutement.

Une banque de données est une grosse boîte numérique où les informations de beaucoup de

candidats sont stockées. Ces informations constituent une vraie richesse pour l’agence qui en

dispose et qui peut proposer leurs capacités à l’extérieur. Elle offre un service aux étudiants, qui

n’ont pas besoin de déposer plein de CV partout, mais qui peuvent le télécharger sur Internet et

attendre que les offres de travail arrivent chez eux. Les deux côtés sont satisfaits.

L’une des grosses difficultés pour ceux qui sont à la recherche d’un service est de mettre en relation

l’offre et la demande. Le client qui ne sait pas où chercher, s’adresse à une Vermittlungsagentur,

une agence de recrutement. Il paie et il s’attend à la bonne qualité du service. L’agence de son côté

possède un grand nombre de profils, les sélectionne et envoie au client celui qui correspond à la

description du client. Ce que le client veut, c’est un service rapide, fiable, sans souci.

Une bonne agence devrait s’occuper de ses profils et de leur développement. Elle demande

de l’argent au client et devrait tout faire pour fournir des informations précises et correctes. C’est

pour cette raison qu’un véritable recrutement devrait avoir lieu pour chaque nouvelle personne qui

se présente à l’agence et qu’une connaissance plus ou moins approfondie devrait être la base de la

relation candidat-banque de données. Cela n’était pas le cas dans cette agence berlinoise.

La SV s’est exclusivement préoccupée d’augmenter le nombre de clients et n’a jamais mis

en place des stratégies pour améliorer la connaissance ou la sélection des candidats.

Mon stage devait s’intéresser au recrutement, mais je pense qu’il existe une grande différence entre

l’interprétation que je fais de ce terme et celle du chef de l’agence de mon stage. Nous qui y

travaillons n’avons rencontré aucun étudiant et nous n’avions aucun moyen de savoir si les réponses

que l’on nous donnait au téléphone correspondaient à la vérité. Certains étudiants voulaient être

sélectionnés à n’importe quel prix , assuraient d’avoir toutes les qualités requises et d’être la

personne la mieux préparée pour accomplir la tâche.

Cette connaissance est encore plus nécessaire lors des travaux physiques. Très souvent les clients

qui déménageaient voulaient être sûrs que les étudiants étaient « erfahren, handwerklig begabt und

kräftig » c’est-à-dire qu’ils avaient de l’expérience, qu’ils possédaient des capacités manuelles et

qu’ils étaient forts. « Ma machine à laver est très lourde et nous n’avons pas d’ascenseur. est-ce

Page 20: Observations auprès de la SV de Berlin et évaluation du recrutement à distance

20

que vos étudiants pourront la transporter ? » « Mon armoire doit être démonté, vos étudiants feront

ça aussi, n’est-ce pas ? » étaient des questions que l’on nous posait assez souvent.

Nous ne connaissons que quelques informations concernant l’étudiant, entre autres, son nom, son

prénom et son âge, et nous ne pouvions lire que quelques brefs commentaire écrits, laissés sur son

profil par un autre membre du personnel de l’agence qui avait reçu un feedback de la part du client

sur le travail de l’étudiant. Les commentaires étaient courts et souvent répétitifs : “Kunde

zufrieden„, “alles in Ordnung„ , “super, tolle Arbeit„ , “die Jungs haben sehr gut eingepackt„,

c’est-à-dire client satisfait, tout s’est bien passé, très bien, très bon travail, les garçons ont réalisé

une performance exceptionnelle.

2.4 Rapidité du service

Comme on l’a dit, la rapidité était la clé du succès, le critère qui servait à convaincre la

clientèle à choisir SV et pas une véritable agence de déménagement. Il fallait être rapide, au point

d’accepter ce que j’appellerais des « cas désespérés » : des contrats dès le départ difficiles, pour ne

pas dire impossibles, à cause de leur lieu d’implantation (un village d’une vallée au milieu des

Alpes suisses) ou à cause d’un délai trop court (quelqu’un qui appelle à 22 heures un dimanche soir

pour savoir si des étudiants peuvent passer chez lui à 8 heures du matin le lundi suivant).

Trop de rapidité risque de compromettre la bonne réussite du contrat, car elle ne permet pas aux

étudiants d’avoir le temps de lire l’annonce et de candidater après avoir réfléchi au poste, elle ne

permet pas au recruteur de prendre son temps pour bien faire son choix et risque de précipiter les

choses. On sait bien que quand on est sous pression on peut se tromper plus facilement, décevoir le

client et même solliciter des étudiants pour un contrat qui, finalement, n’aura pas lieu.

Il nous est arrivé de publier des contrats très kurzfristig, avec un délai très bref (réservation

dans la même journée, avec une augmentation de 10 Euros pour le client et aucune augmentation

pour l’étudiant) ou de répondre au premier appel de la journée et entendre que le contrat prévu pour

le matin même ne se passait pas bien, car l’un des étudiants requis ne s’était pas présenté chez le

client et n’était pas joignable. Dans ce cas, on essayait de trouver un remplaçant so bald wie

möglich ! le plus tôt possible ! On était donc obligé d’appeler des étudiants vers 8h30 du matin et de

leur demander s’ils étaient disponibles et s’ils avaient envie de se rendre sur le lieu du

déménagement. Une bonne partie d’entre eux n’était pas joignable (il faisait quand même tôt), une

autre partie était à l’Université pour des cours ou en train de réviser pour des examens, certains

avaient d’autres occupations, quelqu’un demandait si cela valait le coup. Cette question, traduite en

Page 21: Observations auprès de la SV de Berlin et évaluation du recrutement à distance

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termes concrets voulait dire : « C’est pour combien d’heures ? ». Ils avaient tout à fait le droit de la

poser.

Moi, sincèrement, je n’aimais pas le fait de devoir appeler des gens pour demander s’ils pouvaient

se presser pour se rendre à une adresse en sachant que, si l’étudiant arrivait trop tard, le client

n’aurait plus besoin de lui et il l’aurait renvoyé chez lui, sans le payer. Une éventualité qui nous est

arrivée plus d’une fois. Le remplaçant nous appelait pour savoir si nous pouvions lui rembourser

son billet de train ou l’essence, mais le paiement ne concernait que le client et l’étudiant. Si le client

n’était pas prêt à rembourser les frais du voyage, c’était, malheureusement, tant pis pour l’étudiant.

Ça faisait mal au cœur d’entendre que la grande flexibilité de l’étudiant n’avait pas été

récompensée.

2.4 La double face de la polyvalence

Ce que la description que j’avais lue sur Internet n’indiquait pas était la caractéristique la

plus remarquable du stage : la polyvalence. J’ai l’impression que polyvalent est un mot que les

Français aiment beaucoup, car il donne un caractère spécial à une personne ou à une activité.

La polyvalence a été sans aucun doute un facteur positif du stage, quoiqu’en pratique elle pouvait

causer des difficultés. Le « tout le monde touche un peu à tout » a rendu le stage intéressant, varié et

instructif, mais en même temps il faut dire que tout le monde ne s’y prenait pas de la même façon et

que chacun avait créé et suivait sa propre façon de travailler.

De plus, les clients préféraient avoir une personne qui s’occupait de leur contrat du début à la fin,

puisque cela leur évitait, entre autres, de devoir répéter à chaque fois leur histoire et leur(s)

problématique(s). Quand le téléphone sonnait, ceux qui étaient actifs pour recevoir les appels des

clients (concrètement presque tous), voyaient une petite fenêtre s’afficher à l’écran. Ceux et celles

qui étaient disponibles devaient répondre. On faisait cela à tour de rôle et, en cas de besoin, on

faisait remarquer que tout le monde devait décrocher. Nous n’avions pas la possibilité de savoir si à

l’autre bout du fil un étudiant ou un client avait décroché, mais cela faisait partie du travail. Etre

prêt(e) pour toute demande. Le client qui se rappelait le nom de la première personne avec laquelle

il avait parlé, pouvait demander à être mis en relation avec celui ou celle-ci. Si la personne en

question n’était pas disponible, on disait au client que l’on pouvait également l’aider.

„Haben Sie ein Angebot erhalten oder haben Sie schon einen Auftrag bei uns erteilt ?“ Avez-vous

reçu un devis ou avez-vous déjà un contrat chez nous?, c’était la formule pour comprendre de quel

type de question il pouvait s’agir. Certains clients n’étaient pas au courant de la différence, mais,

s’ils étaient assez patients, on réussissait toujours à répondre à leurs questions. J’ai personnellement

Page 22: Observations auprès de la SV de Berlin et évaluation du recrutement à distance

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eu affaire à des clients compliqués et arrogants, mais je dirais que la grande majorité était

disponible et compréhensive. Ils comprenaient les difficultés d’une étrangère (notamment mon

accent et mes fautes de grammaire, je savais qu’ils comprendraient tout de suite que je n’étais pas

une Allemande native) et ils s’amusaient parfois à trouver des noms bizarres quand on leur

demandait d’épeler leur nom de famille ou leur adresse. C’est une autre technique pour éviter des

dysfonctionnements, car l’adresse était très importante pour que les étudiants soient au bon endroit

lors de leur rendez-vous avec le client.

Ce « toucher un peu à tout » a été dans certains cas un point faible, pour mon stage et pour

l’organisation générale de l’entreprise. Tout le monde s’occupait de plusieurs tâches à la fois et tous

les collègues pouvaient toucher aux contrats d’autrui.

2.4.1 Autonomes, mais pas trop

Le patron aussi y mettait du sien. Lors de notre discussion sur Skype pour décider si j’allais

obtenir ce poste, il avait souligné le fait que ses employés et stagiaires étaient responsables de leurs

propres contrats et autonomes dans leurs choix à propos des étudiants. Cela était globalement vrai,

mais avec des limites.

Le patron, même quand il n’était pas physiquement au bureau, faisait remarquer sa présence à

travers les mails, les appels ou en entrant directement dans le système pour choisir lui-même des

étudiants pour un travail. Il arrivait que, pendant que l’on attendait la/les candidature(s) d’un ou de

plusieurs candidats avec des caractéristiques déterminées, il choisissait des étudiants qui avaient

postulé depuis quelques heures (ou quelques minutes), même si le contrat n’avait eu lieu qu’une

semaine après. Cela était un risque, car le client avait exprimé des souhaits pour des compétences

assez spécifiques que la personne choisie par le patron ne possédait pas. Le problème était qu’il ne

lisait pas les commentaires que l’on écrivait et qu’il se jetait sur le premier candidat disponible.

Son diagnostic, après tout, n’était pas si approfondi que cela.

2.4.2 Flexibilité comme valeur ajoutée. Ou pas ?

La polyvalence était donc synonyme de flexibilité. Travailler avec des étudiants permet

d’avoir une grande flexibilité, puisque ce ne sont que les étudiants qui pourraient être contactés et

sortir de chez eux dix minutes après pour rejoindre un inconnu et déplacer ses cartons. La flexibilité

en soi est une bonne chose, quelque chose que tout le monde aime et attend de ses collaborateurs.

Nous, jeunes étudiants, savons bien que c’est une compétence qu’il faut développer pour entrer dans

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le monde du travail. Je pense cependant, que quand on demande trop de flexibilité de la part des

gens on commence à profiter d’eux. La SV n’aurait pas pu exister sans ces étudiants engagés et

disponibles, qui avaient besoin de gagner de l’argent et qui par conséquent ne se souciaient pas

toujours de la norme basique de toute relation de travail : le respect mutuel.

Dans le bureau, personne n’était spécialiste de la formation ou de la facturation. En fait, tout

le monde faisait de son mieux et essayait d’aider les autres quand cela était possible. Nous avions

souvent dû nous débrouiller et trouver une solution rapide à plusieurs situations : des problèmes

concernant nos contrats en premier lieu, en passant par l’arrivée de nouveaux stagiaires, jusqu’aux

pannes techniques et coupures d’électricité. Nous avions travaillé sous pression et avec des

ressources limitées : pendant notre permanence chez SV, nous avions tous appris à être très

flexibles, aussi flexibles que les étudiants que nous recrutions

2.5 Des déroulements imparfaits

Dans la quotidienneté chez SV, il y a peu de contrats qui se déroulent parfaitement. Voyons

donc deux exemples de dysfonctionnement qui ont eu lieu pendant mon stage. Il s’agit d’un petit

mélange d’exemples tirés de mon expérience personnelle ou des récits des collègues. Un

dysfonctionnement est tout écart des procédures normales, prévues et souhaitées. Dans nos

exemples cela concerne à la fois, la prise de commande, l’explication du déroulement du contrat au

client et à l’étudiant, le choix des candidats, l’attitude face à une annulation du contrat et le recueil

d’informations après la fin du travail.

1. Un client pressé appelle pour avoir des informations concernant un déménagement. On

explique brièvement nos conditions, mais on a l’impression qu’il ne nous écoute pas, étant trop

concentré sur le temps qui passe vite. Son stress est contagieux et on oublie peut-être des détails

importants. Cependant, on n’oublie pas de lui dire que s’il effectue une réservation à partir de notre

site Internet il aura droit à 5 Euros de réduction. Le client dit qu’il préfère réserver en ligne, cela lui

prendra moins de temps, se dit-il. Une lecture peu attentive l’amène à oublier de marquer qu’il a

besoin d’un étudiant conducteur et d’un étudiant qui puisse se déplacer avec sa propre voiture. Le

collègue responsable des réservations en ligne publie le contrat dans le profil CAO de l’un des

stagiaires. Pour le recrutement le stagiaire a à sa disposition les informations écrites par le collègue

qui a publié le contrat sur son profil. Ces informations proviennent du client lui-même. Résultat : le

client n’avait pas indiqué des informations relatives au profil des étudiants (permis de conduire pour

l’un, voiture personnelle pour l’autre) et cette désinformation cause des problèmes et est un obstacle

au bon déroulement des tâches.

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2. Un client appelle et décide que 5 Euros de réduction ne vont pas lui changer la vie. Il

décide donc de passer une commande par téléphone. Il a besoin de 4 étudiants, forts et compétents à

30 kilomètres de Munich. Ils doivent l’aider à démonter une cuisine et la charger dans un camion.

On lui dit que beaucoup d’étudiants de Munich sont enregistrés sur notre site et qu’ils ont de

l’expérience dans ce domaine. On lui rappelle qu’ils ne sont pas des professionnels, mais qu’on lui

enverra des jeunes avec de bonnes capacités manuelles. Le client demande s’ils vont amener des

outils. On lui répond que cela dépend de l’étudiant, certains en ont, d’autres n’en ont pas. Comme

on vient de le dire, ce ne sont que des étudiants. Le client paraît satisfait, il n’a pas compris que la

plupart de ses demandes ont un « peut-être » comme réponse. Les clients entendent souvent ce

qu’ils veulent entendre. Le jour J les étudiants qui se présentent n’amènent pas d’outils et cassent le

petit meuble sous le lavabo. Dommage que chez nous ni les étudiants, ni les biens ne soient

assurés…

2.6 Conditions de travail

2.6.1 Espace de travail

L’espace de travail ne facilitait pas nos tâches : tout le monde travaillait dans la même petite

salle, sur une seule table sur laquelle plusieurs ordinateurs étaient rangés sur deux files, de telle

sorte qu’on était face à face. Pas vraiment d’open space, il s’agissait plutôt d’une solution qui avait

pour but d’exploiter au maximum l’espace disponible. Résultat ? Plusieurs personnes qui parlaient

en même temps au téléphone et qui cherchaient à comprendre ce que l’interlocuteur disait, peu

d’espace pour mettre les feuilles et prendre des notes.

Le climat berlinois était très variables, autant que la température dans le bureau. Froid

pendant les jours pluvieux, chaud pendant les jours ensoleillés. Il ne restait plus qu’à allumer le

chauffage qui chauffait trop ou ouvrir la porte qui donnait sur la rue, en laissant entrer les bruits de

la Düsseldorferstraße, moteur des voitures et conversations dans le bar qui était juste à côté.

2.6.2 Collègues et charge de travail

D’après ce que j’ai pu constater, l’entreprise se basait sur un taux très élevé de turn-over.

Pendant mon stage, j’ai fait la connaissance de beaucoup de stagiaires qui effectuaient leur stage à

la SV. La période minimale pour les stages était de 3 mois et je pense pouvoir dire que la période la

plus longue était autour de 6 mois, pas pour la volonté du chef, mais plutôt pour celle des stagiaires

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ou des universités partenaires. Il existait quelques possibilités de faire carrière, mais ce qui pouvait

décourager la plupart était le fait qu’il n’y avait pas une grande différence entre les tâches des

stagiaires et celles des employés. Le salaire n’augmentait pas non plus d’une somme considérable.

Le taux élevé de turn-over et les conditions de travail avaient de fortes conséquences sur la

formation effectuée en particulier au tout début et pendant les premières semaines. Former des

étudiants qui ne vont rester que pendant quelques mois, n’est pas rentable. Voilà pourquoi le patron

ne se préoccupait pas trop de rédiger une Mappe plus complète et riche, voilà pourquoi

l’apprentissage des règles et des procédures était fait de façon rapide et que ce qui comptait c’était

de répondre le plus vite possible au téléphone, bref d’être tout de suite productif.

La fille russe, qui avait plus de contact avec notre chef avait une fois dit que le patron était au

courant de certains dysfonctionnements, mais qu’il ne faisait rien pour les corriger. La gestion de

l’entreprise était hiérarchique et, quoique les employés étaient plus proches des clients et des

étudiants et donc en mesure de proposer des améliorations et solutions, le chef ne prenait pas en

considération leur suggestions.

Cela voulait tout simplement dire qu’un petit pourcentage de clients insatisfaits et même

enragés pour les dégâts subis ne constituait pas un élément à tenir sous contrôle et à perfectionner.

L’agence suivait une stratégie qui donnait plus d’importance à la quantité qu’à la qualité.

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3. AMELIORATIONS POSSIBLES

La méthodologie quantitative s’appliquait tout d’abord au recrutement des étudiants. Ces

étudiants constituaient, si l’on peut dire comme ça, la matière première de l’agence et il était tout à

fait normal de vouloir augmenter le nombre de profils de la banque de données.

Cela, cependant, aurait dû être fait selon des critères qualitatifs.

3.1 Augmenter le nombre de candidats

On a dit qu’il n’existait pas de marketing étudiant et que la stratégie d’entreprise se

concentrait exclusivement sur l’acquisition de nouveaux clients. Dans une certaine mesure, le

nombre d’étudiants augmentait à travers Facebook ou grâce au bouche à oreille, une méthode qui

reste très efficace pour la diffusion des informations.

Les nouveaux inscrits étaient aussi les étudiants les plus flexibles. Une fois de plus, la politique de

l’entreprise n’était pas claire à propos de l’initiation et le choix de leur donner une première chance

était basé sur le jugement personnel du recruteur. Envoyer des étudiants erfahren, compétents,

c’était le choix le plus facile. Cela prenait moins de temps et demandait moins d’effort. Les

étudiants qui avaient déjà travaillé chez nous connaissaient les règles du jeu et étaient, de ce point

de vue, plus fiables. Les nouveaux avaient peut-être travaillé dans d’autres agences comparables,

mais n’avaient pas de feedback dans notre banque de données. On ne pouvait donc pas tester leurs

compétences.

Chacun était responsable de ses propres contrats et clients, ne serait-ce que parce que si l’étudiant

ne s’y connaissait pas du tout, on aurait eu affaire à un client insatisfait. Personne ne voulait

s’occuper des complications des collègues. Cependant, la règle tacite voulait que, de temps en

temps, et à certaines conditions, les nouveaux inscrits eussent la possibilité de montrer ce de quoi ils

étaient capables. Il fallait juste les choisir pour des contrats faciles, des déménagements simples,

sans montage/démontage de meubles. Le mieux était d’envoyer un seul nouvel étudiant à la fois et

qu’il y eût au moins un autre étudiant expert sur place.

Une tactique assez simple pour éviter des dysfonctionnements était d’appeler l’étudiant qui selon le

système n’avait pas encore été choisi pour l’un de nos contrats. Il arrivait que les commentaires

n’eussent pas été enregistrés ou que l’étudiant en question n’eût pas proposé sa candidature pendant

quelque temps et que ses commentaires eussent été effacés.

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Quand on tombait sur un nouvel étudiant on lui demandait s’il avait déjà effectué des tâches lors

d’un déménagement. La réponse était toujours du style « mais oui, mais bien sûr ! » avec un ton du

type « quelle question ! ». Dans notre bureau de la Düsseldorferstraße de Berlin n’avions aucun

moyen de savoir si c’était la vérité ou un petit mensonge afin de décrocher un mini job intéressant.

On ne pouvait que le croire. On pouvait ensuite décider de l’activer, en lui expliquant qu’il allait

recevoir un mail avec les données du client et qu’il devait le contacter, par mail ou par téléphone.

Une fois la réponse du client reçue, il devait nous prévenir, pour que l’on sache qu’il allait

travailler. Cette explication, comme bien des procédures, était facultative. Certains collègues se

donnaient la peine d’informer l’étudiant et de lui conseiller de profiter du premier contrat qu’on lui

assignait.

Autrement on pouvait aussi lui dire que c’était une question de routine pour s’informer à propos des

nouveaux inscrits. Si cela était le cas, on écrivait sur son profil des remarques comme “nett am

Telefon, hätte gerne eine erste Chance, bitte bevorzug vermitteln !!„, gentil au téléphone, aimerait

avoir sa chance, svp priorité d’activation !!.

Au téléphone, il était aussi possible de repérer quelques petites informations concernant l’étudiant.

3.1.1 Pour un recrutement efficace

En appelant on comprenait d’abord si la personne avait donné un numéro de téléphone

valable et si elle était facilement joignable. Le fait de rappeler après avoir vu un appel manqué de

notre part ou pour certains un numéro inconnu, c’était un point positif et une marque d’intérêt.

Quand on réussissait à parler avec cette personne on pouvait tester son niveau d’allemand. La

majorité des clients étaient germanophones et, sauf si explicitement spécifié et justifié, ils ne se

souciaient pas trop de la provenance et du niveau de langue de l’étudiant que l’on leur envoyait. Un

niveau basique était bien entendu indispensable, pour que l’étudiant comprenne la description de la

tâche et puisse communiquer avec le client. Nous n’avions pas le droit de discriminer les étudiants

selon leur provenance, ce qui transparaît assez clairement dans leurs prénom et nom de famille.

Tout ce que l’on pouvait marquer dans la description du poste c’étaient des phrases comme « bon

niveau d’allemand requis » ou « allemand langue maternelle ».

En troisième lieu on pouvait aussi se faire une idée de l’étudiant. Sa voix et sa façon de parler

étaient le seul contact direct que l’on pouvait avoir avec lui ou elle. On ne peut pas nier que la voix

d’une personne, son débit de parole, le choix de ses mots montrent une partie de son caractère. En

tant que recruteur forcé à recruter à distance, on devait se baser sur ces détails. Certains étudiants

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semblaient sympathiques et inspiraient confiance, d’autres semblaient être tête en l’air. Il s’agissait

d’un critère très aléatoire, mais, faute d’autres critères de sélection, cela nous rendait service.

Disons qu’en général, les règles n’étaient pas toujours claires et que nous, employés ou simples

stagiaires avions du mal à prendre la bonne décision dans certains cas.

Tout d’abord, la meilleure décision existe-t-elle ? Il est très difficile de choisir et de trouver la

bonne association entre candidat et client. Cela est encore plus difficile lors qu’on ne voit ni l’un, ni

l’autre.

Dans ce stage j’ai dû me fier à mon instinct et faire confiance à ma capacité de jugement. Il

n’a pas été agréable de choisir une personne plutôt qu’une autre. Certains collègues choisissaient

selon l’ordre des candidatures, ce qui pouvait différer d’une minute ou un peu plus. Moi j’avais

essayé de développer mes propres critères, qui restaient cependant aléatoires. Je m’intéressais à

l’âge des étudiants et je donnais la priorité aux plus jeunes. A parité de commentaires, je recherchais

celui qui avait des contrats plus anciens que les autres. Cela demandait un peu plus d’effort, mais

cela me donnait l’impression de bien faire mon travail, de me soucier des étudiants et de tout faire

pour qu’on eût une Vermittlung de qualité. Un effort qui, à mon avis, aurait dû être fait par tout le

monde et à tous les niveaux de la hiérarchie.

3.1.2 Etoiles étudiant

Il y a quelque temps, notre chef avait essayé de faire de la publicité auprès des étudiants à

travers la distribution de flyers. Cette technique n’avait pas donné les résultats espérés et avait été

abandonnée. L’un de nos collègues du marketing, qui venait travailler le matin de temps en temps,

nous a raconté que le groupe marketing s’inquiétait aussi du fait que le nombre de clients

augmentait sans que le nombre des étudiants n’augmentât à son tour. Il avait aussi développé un

système d’application facile : il avait pensé transformer les commentaires des clients à propos des

étudiants en étoiles. Beaucoup d’étoiles signifiaient que c’était bon étudiant, peu d’étoiles

signifiaient que l’étudiant avait eu des soucis lors de ses contrats. D’une simple lecture permettant

une compréhension immédiate, ces étoiles auraient aidé les recruteurs à sélectionner les étudiants de

qualité.

Les étudiants qui se comportaient mal sur le lieu de travail et qui causaient des problèmes étaient

parfois bloqués. Pendant un certain temps, ils ne pouvaient pas être activés. Ils pouvaient quand

même candidater, mais ne pouvaient être débloqués que par le chef ou sa mère. A mon avis, le

blocage aussi bien que la durée de ce repos forcé dépendaient de l’humeur de la direction. Le

système d’étoiles aurait pu poussé la séparation entre les bons et les mauvais. Un nombre très limité

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d’étoiles ou un nombre élevé d’un autre symbole signalant des performances négatives auraient pu

servir, par exemple, à supprimer les profils des étudiants qui causaient des problèmes à l’agence.

De plus, la charge de travail étant irrégulière, puisque la plupart des déménagements s’effectuaient

pendant l’été, il aurait été possible de se concentrer sur l’évaluation par étoile pendant les périodes

moins chargées. Toutefois, ce système n’a jamais été mis en place.

3.2 Contrôler et améliorer

L’idée du chef d’améliorer l’accueil téléphonique était, après tout, une bonne idée. S’assurer

que les informations données aux clients étaient correctes et précises était et est la base du bon

fonctionnement de l’agence. A ce propos, la formation devrait être fait de façon plus progressive et

en donnant la chance aux nouveaux d’assimiler les consignes reçues. La Mappe fournissait un cadre

complet des sujets à traiter quand un client appelait pour se renseigner sur nos prix et conditions. Je

me suis aperçue que la chose la plus importante était la plus difficile aussi. C’est le fait d’être

prêt(e) à recommencer en continu la même procédure. En termes concrets, cela veut dire qu’il faut

se rappeler que la personne qui appelle ne sais rien à propos du service de SV et qu’il faut la guider

pas à pas, pour qu’elle puisse comprendre son fonctionnement. Après quelque temps, cela était

devenu un peu ennuyeux..

Cependant, le bon conseiller téléphonique et le bon recruteur doivent assimiler cette

souplesse et savoir répéter les mêmes choses de façon un peu mécanique. Nous sommes bien

évidemment autres que des machines. C’est pour cela que la personne peu y mettre du sien, en

essayant de mettre le client à l’aise. Elle ne devrait pas exprimer de jugement à propos de leurs

questions ou réponses, répéter plusieurs fois si nécessaire, ne pas s’énerver, même si l’on est

confronté à l’impatience de certains clients.

Se rapprocher de cette vision de sa tache pourrait aider à améliorer le service.

3.3 Savoir communiquer

La communication était présente à tous les niveaux dans l’agence et le travail de ses

employés et stagiaires. Notre travail était la communication, écrite et orale.

A l’écrit, elle touchait au site internet et aux mails. Le site était notre premier contact avec

l’extérieur. Il faut dire que beaucoup de clients avaient cru comprendre autre chose et quand ils

appelaient pour réserver des étudiants ils avaient eu de mauvaises surprises.

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Je ne connait pas très bien le site et je ne peux donc pas dire qu’il est mal fait. Cependant, si

plusieurs personnes m’informent que le site sous-entendait autre chose, je ne peux que tenir compte

de cette information. Cela était embêtant pour nous aussi, en tant que recruteurs, obligés de corriger

la source principale de notre publicité, qui d’ailleurs semblait promettre un service quasi-

professionnel. On laissé entendre au client que l’impossible était possible, que leur plus grands

souhaits pouvaient être exaucés. Notre Kunde Beratung commençait souvent par « nous ne sommes

pas une agence de déménagement », pour que les attentes des clients soient tout de suite

redimensionnées.

La mauvaise information concernait, dans la plupart des cas, le prix. Le site indiquait simplement

“Helfer ab 10€ „, « Aide étudiante à partir de 10€ ! », mais comme on l’a vu dans le tableau en

1.7.1 les 10 Euros comptaient à partir de trois heures de travail. commencer la conversation

telephonique en précisant qu’en fait pour une heure de travail chaque étudiant recevait 20 Euros et

pour deux heures il en recevait 25, ne jouait pas en notre faveur.

Le site ne précisait pas non plus que les étudiants et les biens qu’ils devaient transporter étaient

assurés. Comme on l’a brièvement annoncé à la fin des déroulements imparfaits en 2.5, le client qui

n’avait pas assuré lui-même les étudiants qui allaient travailler chez lui, ne pouvait pas se tourner

vers notre agence pour un remboursement. C’était une autre situation très délicate, qui concernait

aussi les recruteurs qui n’avaient pas informé le client au préalable. Quand on parlait avec un client

ou quand on recevait un mail de plainte, on devait répondre par une phrase standard de ce type :

“Wir sind eine reine Personal Vermittlungsagentur und wir haften nicht für Schäden, die bei dem

Umzug passieren können.„, nous ne sommes qu’une agence de recrutement de personnel et nous ne

sommes pas responsables des dégâts qui pourraient avoir lieu lors du déménagement.

La majorité des clients acceptaient la situation telle quelle, mais de temps en temps on tombait sur

des clients qui criaient au scandale et qui nous menacer d’envoyer leurs avocats. Dans ce cas, on

leur proposait tout simplement de contacter la Buchhaltung, de préférence par mail. Et puis, on

oubliait ce contrat, sauf si le numéro 19 appelait pour nous dire comment elle (la mère du patron)

avait résolu la question ou si nous-mêmes devions recontacter le client. Si c’était la mère qui

s’occupait des contrats compliqués, c’était elle qui prenait des mesures et qui les terminait. Si c’était

son fils, il avait plutôt tendance à nous laisser faire le sale travail.

Après réflexion, je peux dire que le site internet de l’entreprise aurait du mieux préciser prix et

conditions et qu’il fallait explicitement marquer qu’une assurance n’était pas comprise dans le

service. Au bureau on a eu l’impression de jouer un peu trop sur la pression que le déménagement

exerçait sur les clients. Les clients qui appelaient dans des conditions d’urgence, n’avaient pas le

temps de lire toutes les conditions et les AGB. Je ne veux pas les excuser, le fait de ne pas bien lire

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est de leur faute. Ce que je veux faire remarquer c’est que c’est aussi la faute de l’agence de ne pas

faciliter le repérage des informations importantes aux clients.

Des clients plus attentifs, une agence plus transparente et plus humble, des recruteurs

conscients de l’importance de leur rôle et des informations qu’ils étaient sensés fournir auraient

permis de réduire les dysfonctionnements.

3.4 Motiver l’équipe

Quand notre patron avait appelé lors de mon premier jour de stage, il avait conclu la

conversation par « j’espère que vous vous sentirez bien chez nous ». Sur le coup, je n’avais pas

prêté attention à cette phrase, j’étais assez occupée pour ne pas rater les mots qui sortaient trop

rapidement du téléphone. Cependant, après avoir fait sa connaissance et après l’avoir vu quelques

fois au bureau, je me suis aperçue que ce genre de questions faisaient partie de son répertoire quand

il s’adressait à ses stagiaires. Je ne sais pas s’il faisait la même chose avec les employés.

Sa question „Fülhen Sie sich wohl bei uns ?“, vous sentez-vous à l’aise chez nous?, n’entraînait pas

de réponse détaillée sur nos conditions de santé ou sur nos difficultés au bureau. Je pense qu’il ne

s’attendait qu’à une réponse brève. A mon avis, l’important pour lui, c’était d’avoir posé la

question, pas la réponse en soi. Parler de sentiments, ou de quelque chose de semblable, avec son

propre chef, qui, de plus, n’était jamais au bureau, avait pour moi un aspect comique. Il était devenu

un petit jeu, une petite satisfaction pour un chef surchargé de travail.

Je pense aussi qu’un intérêt plus sincère et un suivi plus constant de sa part aurait fait du bien à

l’équipe. Le travail étant répétitif et monotone, on aurait eu tous besoin de recevoir un peu de

motivation de la part de la direction. Des remarques sur la bonne conduite de nos contrats, sur le

nombre élevé de contrats que l’on avait mené à terme auraient tous remonté le moral et poussés à

faire mieux.

Une agence qui veut agrandir son marché doit prendre bien soin de ses employées et

collaborateurs. Une équipe qui partage la mission de la direction et sa volonté de progrès sera en

mesure d’être plus efficace et productive.

3.5 Valoriser l’interculturalité

Ce qui m’a surtout plu pendant le stage c’était l’ambiance qui s’était instaurée dans le

bureau. Mes collègues étaient tous des jeunes et venaient de pays différents. Des Allemands, deux

d’entre eux avaient des origines vietnamiennes, une Française, une Polonaise, une Bulgare, des

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Ukrainiens, des Jordaniens, des Italiens. La langue principale de communication était l’allemand,

mais on parlait aussi un peu français, un peu italien, on entendait des mots en russe, polonais ou

vietnamien.

Cette expérience a été très enrichissante du point de vue culturel. Quand j’ai dit que tout le monde

ne touchait pas aux choses de la même façon, j’ai peut-être donné une impression de supériorité. Il

est vrai qu’il serait beaucoup plus facile si tout le monde travaillait comme nous le souhaitions. Il y

aurait moins de malentendus, on saurait à quoi s’attendre du travail des autres. Au travail comme

dans la vie, les différences entre les personnes sont grandes, encore plus grandes si ces personnes

ont grandi dans des pays éloignés géographiquement et culturellement parlant.

J’ai pu apprécier ces différences, en essayent de le valoriser. Les stéréotypes sur les pays et

sur leurs populations sont très présents en Europe et peut-être dans d’autres continents aussi. Une

fois de plus j’ai rencontré des jeunes qui luttaient contre ces préjugés et qui s’efforçaient de montrer

le bon côté de leur pays d’origine. Les Allemands ne travaillent pas comme les Français, les Italiens

ne travaillent pas comme les Russes, mais je vous assure que des Allemands, des Français, des

Italiens, des Russes et des gens de bien d’autres nationalités peuvent travailler ensemble avec

succès.

3.6 Pour une démarche qualité

Toutes les remarques de ce dernier chapitre concourent à la mise en place d’une démarche

qualité, c’est-à-dire d’une gestion de l’agence ayant comme objectif l’amélioration des processus à

chaque phase du service. Dans le cas de la SV cette gestion devrait être plus attentive à la

compétence des étudiants-travailleurs, au contrôle approfondi des contrats, à la communication à

tous les niveaux au sein de l’agence, essayant d’assurer de bonnes conditions de travail et de garder

une ambiance amicale entre collègues. Trop de détails étaient sous-estimés et beaucoup de

procédures étaient vagues. Je ne souhaite pas non plus une standardisation et des processus trop

mécaniques, mais je souhaite une formation qui guide l’étudiant vers un accomplissement

satisfaisant de ses tâches et qui lui laisse la liberté, une fois son travail maîtrisé, d’apporter sa

touche personnelle et ses propres idées.

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CONCLUSION

La direction de notre entreprise était focalisée sur l’augmentation du nombre des contrats,

mais cela l’empêchait de voir que même de petites améliorations auraient pu rendre le travail plus

agréable pour toute l’équipe.

L’ambiance dans le bureau était bonne, mais chacun travaillait de son coté et les interactions entre

collègues étaient rares et avaient lieu seulement si on répondait au téléphone et on tombait sur un

client ou un étudiant qui appelaient pour des informations concernant les contrats de quelqu’un

d’autre. Il nous est arrivé de discuter entre collègues et de remarquer que certaines pratiques de la

Studenten Vermittlung ne favorisaient pas notre travail. Cependant, ces discussions s’arrêtaient au

niveau « plante », car personne n’avait jamais pensé d’aller en parler au chef. D’une part, il n’était

pas là et quand il l’était, il n’avait ni le temps ni l’envie de nous écouter. De l’autre nous n’avions

aucun intérêt à lui en parler. Notre séjour étant limité à quelques mois, on attendait juste que le

stage finisse.

Grâce à ce stage, je me suis aperçue qu’une communication efficace, une stratégie partagée,

la reconnaissance de la part du patron pour le travail exécuté par ses employés, une écoute plus

attentive à leurs remarques sont des caractéristiques nécessaires au bon fonctionnement de toute

entreprise.