pakistan, la nuit des qawwals / the night of the

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Pakistan LA NUIT DES QAWWALS Mehr Ali et Sher Ali • Faiz Ali Faiz et Rehmat Ali Pakistan THE NIGHT OF THE QAWWALS Mehr Ali and Sher Ali • Faiz Ali Faiz and Rehmat Ali INEDIT Maison des Cultures du Monde

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PakistanLA NUIT DES QAWWALSMehr Ali et Sher Ali • Faiz Ali Faiz et Rehmat Ali

PakistanTHE NIGHT OF THE QAWWALS

Mehr Ali and Sher Ali • Faiz Ali Faiz and Rehmat Ali

Mali • Les Dogon W 260089Guinée • Musiques des Kpelle W 260086Niger • Peuls Wodaabe W 260081Polyphonies vocales des Pygmées Mbenzele W 260042Cameroun • Royaume Bamum W 260074Rwanda • Médard Ntamaganya, chants à l’inanga W 260075Tanzanie • Chants des Wagogo et des Kuria W 260041Madagascar • Anthologie des voix W 260076Comores • Musiques de l’île d’Anjouan W 260058Ethiopie • Chants d’amour W 260080Aïcha mint Chighaly • Griote de Mauritanie W 260078Hazanout, chants liturgiques juifs W 260005Liturgies juives d’Ethiopie W 260013Chants judéo-espagnols W 260054Géorgie • Polyphonies vocales de Svanétie W 260090Kasbek • Klezmer à la russe W 260066Chants des femmes de la Vieille Russie W 260018Chants cosaques par l’ensemble Volnitza de Rostov W 260057Voix des pays baltes (Lettonie, Lituanie, Estonie) W 260055Lettonie • Musiques des rites solaires W 260062Albanie • Polyphonies vocales du pays lab W 260065Grèce • Epire W 260020Calabre • Musiques de fêtes W 260051Malte • Ballades et joutes chantées W 260040Abida Parveen • Chants soufis du Pakistan W 260003Jafar Husayn Khan • Qawwali de l’Inde du nord W 260048Musiques de l’islam d’Asie W 260022Shahjahan Miah (Bangladesh) W 260039Orgues à bouche des Murung (Bangladesh) W 260084Java • Tembang Sunda W 260056Sumatra • Musiques des Batak W 260061Cambodge • Musique classique W 260002Viêt-Nam • Ca trù, tradition du nord W 260070Viêt-Nam • Musiques de Huê W 260073Viêt-Nam • Musique bouddhique de Huê W 260082Aborigènes de Taiwan W 260011Chine • Musique ancienne de Chang’an W 260036Opéra chinois : le Pavillon aux Pivoines (2 CD) W 260060Munir Bachir en concert à Paris W 260006Munir Bachir • Maqâmat W 260050Munir Bachir • Méditations W 260071Le Maqâm irakien par Yusuf Omar (2 CD) W 260063Arabie Saoudite • At Tawhîd W 260001Arabie Saoudite • Musique de ‘Unayzah W 260087Jordanie • Chants de mariage, chants bédouins W 260083Wasla d’Alep par Sabri Moudallal W 260007Eglise Syriaque Orthodoxe d’Antioche W 260072Liban • Matar Muhammad (buzuq) W 260068

Turquie • Musique soufie W 260021Turquie • Chants des As,ık W 260025Maroc • Anthologie Al-Âla, musique arabo-andalouse

Nûba gharîbat al-husayn (6 CD) W 260010Nûba al-‘ushshâq (6 CD) W 260014Nûba al-isbihân (6 CD) W 260024Nûba al-rasd (6 CD) W 260027Nûba al-istihlâl (7 CD) W 260028Nûba rasd al-dhîl (6 CD) W 260029Nûba ‘irâq al-‘ajam (7 CD) W 260030Nûba al-hijâz al-kebîr (7 CD) W 260031Nûba ramal al-mâya (8 CD) W 260032Nûba hijâz al-msharqî (5 CD) W 260033Nûba al-mâya (7 CD, parution 2000) W 260034

Maroc • Musique gharnati W 260017Maroc • Anthologie d’al-Melhûn (3 CD) W 260016Maroc • Anthologie des Rwâyes (Vallée du Sous) (4 CD) W 260023Tunisie • Anthologie du malouf

Nûba al-dhîl W 260044Nûba al-ramal W 260045Nûba al-asbahân W 260046Nûba al-‘irâq W 260047Nûba al-sîka W 260059

Lotfi Bouchnak • Malouf tunisien W 260053Musiques de la toundra et de la taïga W 260019Voix de l’orient soviétique W 260008Davlatmand • Musiques du Tadjikistan W 260038Turkmenistan • Chants des femmes bakhshi W 260064Chants épiques et diphoniques W 260067Anthologie du Mugam d’Azerbaïdjan

vol. 1, Alem Kassimov W 260012vol. 2, Alem Kassimov W 260015vol. 3, Hâjî Bâbâ Huseynov W 260026vol. 4, Trio Jabbâr Garyaghdu Oghlu W 260037vol. 5, Sakine Ismaïlova W 260049vol. 6, Aqakhân Abdullaev W 260052vol. 7, Djanali Akberov, (2 CD) W 260069vol. 8, Gandab Gulieva W 260077vol. 9, Melek Khanom Eyubova W 260088

John Dee Holeman • Piedmont blues (USA) W 260043Brésil • Candomblé de Angola W 260091

DANS LA MÊME COLLECTION

101, Bd Raspail7 5 0 0 6 P a r i stél. 01 45 44 72 30fax 01 45 44 76 60www.mcm.asso.fr

INEDITMaison des Cultures du Monde

INEDITMaison des Cultures du MondeW 260092

Couverture (1 & 4) 28/06/06 17:11 Page 1

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ENSEMBLE MEHR ALI ET SHER ALIMehr AliSher AliAmjad AliSharafat AliFateh AliJamal AkbarMuhammad Fazal RasoolMaqsood HussainRiaz HussainAbdul Rashid

ENSEMBLE FAIZ ALI FAIZ ET REHMAT ALIFaiz AliRehmat AliSardar Ali JaffariRazwan AliNadeem AkhtarKaleem AkhtarIqbal HussainQaiser Abbas

Collection fondée par Françoise Gründ et dirigée par Pierre BoisEnregistrements effectués par Pierre Bois le 16 avril 1999 au Théâtre Équestre Zingaro (Aubervilliers)lors de « La Nuit des Qawwals », une cérémonie-concert conçue et organisée par Martina Catella à la demande de la Maison des Cultures du Monde dans le cadre du troisième Festival de l’Imaginaire. Notice, Adam Nayyar et Martina Catella. Traductions, M. C. et Awena Burgess. En couverture, dessin original de Françoise Gründ. Photographies, Marie-Noëlle Robert. Prémastérisation, Frédéric Marin / Alcyon Musique. Pressage, Distronics. Réalisation, Pierre Bois. © et Op 1999 MCM.

INEDIT est une marque déposée de la Maison des Cultures du Monde (direction, Chérif Khaznadar).

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LA RENCONTREChassés de leurs centres culturels, autrefoisflorissants, par l'avancée des armées mongolesde Gengis Khan, des groupes de musulmanslettrés : mystiques, musiciens et ascètes,durent chercher refuge en des lieux plus pai-sibles. Ce flot continu de réfugiés venus d'Asiecentrale à partir du XIIIe siècle, trouva asile enInde et s'y installa définitivement. L'inté-gration de cette diaspora entraîna une fusionpoétique, musicale et philosophique quidonna naissance à de nombreux genres, dontle qawwali.Parmi ces lettrés et mystiques, nombreux sontceux qui se donnaient le nom de « soufi ».L'origine du terme est obscure. Il dérive appa-remment de l'arabe suf (laine) en référence auxvêtements de laine traditionnels portés par lesmystiques et les ermites dans certaines régionsdu monde musulman. Certains soufis se sont,à l'occasion, abstenus d'observer les rites fon-damentaux imposés par l'islam. Abu Said,mystique persan du xe siècle, était célèbre pouravoir interdit à ses disciples le pèlerinage à laMecque, pourtant recommandé à tout musul-man capable d’effectuer le voyage. « Il importepeu que vous parcouriez un millier de kilomètres àpied pour visiter une maison de pierre ». Maiscette attitude n'est pas représentative de tous

les soufis qui respectent, en général, les règlesde l'islam tout en introduisant au rituel ortho-doxe des éléments hétérodoxes, propres à leurdémarche spirituelle.

LE QAWWALILa forme musicale du qawwali s'est développéeen Asie du Sud depuis le XIIIe siècle en mêlant,dès le départ, les traditions indiennes et turco-iraniennes. Le terme est dérivé de l'arabe qaulqui signifie « ce qui est dit, professé ».Le qawwali s'exprime à travers une multipli-cité de langues et de références culturellesdans un système musical appartenant pourl’essentiel à la tradition de l'Inde du Nord.Réponse des soufis aux peuples polyglottes etpolythéistes de cette région, le qawwali étaitun présent unique : il proposait un principed'Unité dans la diversité.Le nom d'Amir Khusrau (1253-1325), poète,mystique, musicien, danseur, guerrier et cour-tisan est inséparable de l'histoire du qawwali.Né dans une famille turque de la tribu Sachinà Delhi, Amir Khusrau créa le qawwali telqu'on le connaît aujourd'hui. Aucune séancede qawwali (le terme désigne à la fois un genrepoético-musical et le contexte dans lequel ilest entendu) ne peut se dérouler sans qu'un deses textes, au moins, ne soit chanté d'autant

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PAKISTANLa nuit des Qawwals

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que la poésie d'Amir Khusrau s'exprime dansun large spectre linguistique allant du persanà l'ensemble des idiomes de l'Inde du Nord. Àtravers cette forme syncrétique, Khusrauincarne d'une manière exemplaire le dialoguemusical et philosophique que l'hindouisme etl'islam ont entretenu dans le sous-continent.Durant le règne du sultan de Delhi Ala ud DinKhilji (1296-1316), un prêtre hindou éruditarriva à la cour du sultan, entouré d’unesoixantaine de musiciens. Il demandaaudience en ces termes : « Sultan j'ai une ques-tion religieuse à vous soumettre » et aussitôt,tout son entourage se mit à chanter. Le visi-teur qui se nommait Naik Gopal demanda àce que lui soit accordée chaque jour uneaudience tant qu'une réponse ne lui aurait pasété donnée. Les religieux attachés à la courdédaignèrent cette question qu'ils jugeaientabsurde. Le sultan cependant fit appel à AmirKhusrau qui, le jour suivant, se cacha derrièrele trône pour écouter la question. La nuitvenue, il rassembla douze musiciens et les fitrépéter jusqu'au matin. Le troisième jour, laréponse musicale était prête. Elle fut donnéesous la forme du qawwali. On raconte que leprêtre fut si enchanté d'entendre ainsi expriméel'Unité suprême qu'il s'en retourna satisfait.C’est ainsi que naquit le premier ensemble deqawwals.

L'URS OU LE MARIAGE DU SAINTDans l'Asie du Sud musulmane, la coutumeveut que l'on célèbre l'anniversaire du décès

d'un saint soufi avec joie ; car le saint n'est pasmort, il a simplement abandonné son enve-loppe charnelle pour s'unir à l'Éternel. Cetteunion du saint avec l'Univers est célébrée pen-dant un jour et une nuit par des danses et deschants. Elle est auréolée de lumières vives, deguirlandes de roses et de jasmin, d'encens par-fumé à la rose et au bois de santal. On y dis-tribue également des tchadors chamarrés etdes friandises. On appelle ce jour urs. Leterme, qui vient de l'arabe, signifie mariage.L'urs célèbre l'union sacrée du saint avec ladivinité. Ceux qui se rassemblent autour decette fête sont animés du désir de devenir« Un » avec l'objet de leur amour, la nature ducœur étant, pour eux, intuitive et non pasémotionnelle ou intellectuelle. Selon lessoufis, seul le cœur est capable de connaîtrel'essence de toute chose au contraire de l'in-telligence qui ne donne accès à aucune véri-table connaissance. Ainsi, lorsqu'il est éclairépar la Foi et la connaissance, le cœur reflètetout ce que contient l'esprit divin. Les intel-lectuels restent à la surface, aussi attirantesoit-elle, tandis que ceux qui pensent avec lecœur s'envolent au-delà de la connaissance.Comme l'écrit Amir Khusrau : « C'est le courage de chacun, Le pouvoir de voler de chacun.Certains s'envolent et restent dans le jardin,D'autres s'en vont au-delà des étoiles ».Si le savoir ordinaire s'obtient grâce à l'étudeet à l'effort, le savoir soufi procède d'une touteautre recherche. Tous les soufis suivent des

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chemins différents vers la connaissance maisils se considèrent comme étant les maillonsd'une longue chaîne.

LE SAMA‘L'un de ces chemins est celui ouvert par lechant et la musique. Il est appelé sama’, duterme arabe désignant l’audition. Il constituele principe directeur du qawwali qui est à lafois un concert spirituel et une nuit de dévo-tion musicale. Le sama’ désigne un état d'ex-tase induit par la musique, visant à rappro-cher l'homme de l'expérience de la véritéintérieure en lui transmettant grâce à ce vec-teur, une poésie transcendentale. Les concepts essentiels développés pendant lesama’ sont l'Amour divin (ishq), la douleur dela séparation d'avec l'Être aimé (firaq) et la joiede l'Union éternelle (wisal).Le concert est dirigé par un maître soufi ayantune profonde connaissance du sens des textesmystiques chantés et des modes musicaux quiles véhiculent.La dimension spirituelle de la cérémonie estencore plus forte sur la tombe du saint oulorsqu'une relique accompagne l'événement.Ceux qui expérimentent la transe durant leqawwali en rapportent l'impression d'unenvol. L'image du vol est souvent utilisée parles soufis pour exprimer l'Union divine avecl'Éternel et le dépassement des frontières quiempêchent les hommes d'atteindre leur but.La conférence des oiseaux, une épopée allégo-rique écrite au XIIe siècle par le soufi iranien

Farid ud Din Attar, est un bel exemple de l'uti-lisation de cette métaphore. Dans ce récit, ungroupe d'oiseaux de toutes les espèces, vole devallée en vallée à la recherche de l'Éternel. Lesoiseaux qui s'entraident dans cette quête sym-bolisent le travail des soufis.Les « Amis », ainsi que se nomment les soufisentre eux, se réunissent le jeudi soir (jour fastecar il précède le vendredi, jour de prière) pourparticiper à un sama’ sous la direction d'unchef spirituel. L'importance de cette réunionimplique un respect absolu des convenances :des vêtements propres et amples, des piedslavés, une haleine douce et enfin, une attitudeaimable et respectueuse. La soirée s'ouvre par un hymne à l'Éternel(hamd), suivi du qaul dont le contenu et letexte sont donnés plus loin. La suite duconcert spirituel fera entendre des poèmesprincipalement en persan, en punjabi ainsiqu'en ourdou (langue officielle du Pakistan).Des danses à caractère mystique sont égale-ment introduites par des poèmes aux rythmessoutenus, issus de recueils plus contempo-rains écrits dans les langues du Pakistan. Cesrythmes, comme celui du dhamal, peuventconduire les danseurs à la transe.Le rang marque la fin de la cérémonie et laséparation des amis qui se lèvent respectueu-sement pour entendre nommer les principauxsaints soufis de l'ordre chishti.Si le texte principal de chaque qawwali pro-vient d'un seul auteur soufi, des citationsd'autres maîtres peuvent y être introduites afin

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d'en souligner et développer le sens. Ces incur-sions poétiques sont appelées girah (nœuds).Comme dans un tapis, elles ont pour fonctionde tisser le concept en l'embellissant.

LES QAWWALSLe qawwali est interprété par un ensembleexclusivement masculin composé d'un chan-teur principal auquel répondent des solistesaccompagnés de deux harmoniums et unchœur. Le nombre des musiciens peut varierde trois à treize, bien que l'on s'accorde à pen-ser que l'ensemble originel comprenait douzemembres. Le rythme explosif des vigoureuxclaquements de mains mêlé au discours mélo-dique et rythmique d'une paire de percussions(tabla), fait naître un état d'exaltation prochede la transe. Les musiciens doivent s'efforcerde trouver dans l'assistance un écho à ladémarche spirituelle engagée dans le traite-ment d'un texte. Cette interaction est essen-tielle. Aussi, la compétence des musiciens est-elle mise à rude épreuve dans le cadre d'uneprestation hors contexte telle qu'un concert àl'étranger. Quoiqu'il en soit, un maître doitêtre capable d'émouvoir son public, aussihétérogène soit-il, et de véhiculer le sensmême si celui-ci n'est pas en mesure d’encomprendre un mot.

LA NUIT DES QAWWALSLa Nuit des Qawwals, organisée en avril 1999par la Maison des Cultures du Monde dans lecadre du Festival de l'Imaginaire, recréait le

cadre et, dans une certaine mesure, le dérou-lement d'un rituel soufi. L'authenticité del'événement était assurée par la présence d'unmaître soufi de la confrérie chishti, PirSahibzada Ghulam Qutab ud Din, égalementchef sprituel des musiciens. Une relique deBullhe Shah, célèbre saint soufi punjabi duXVIIe siècle fut placée dans le lieu de la céré-monie, le Théâtre Équestre Zingaro, judicieu-sement choisi pour sa ressemblance avec l'ar-chitecture des lieux dévotionnels soufis, lastructure en bois rappelant le hasht-pehluoctogonal des cloîtres soufis turco-iraniens.Par déférence pour ce rituel ancestral, la scèneet la salle étaient recouvertes de pétales deroses bénies, cultivées dans les jardins deLahore pour cet usage particulier. À l'entrée,un petit kiosque improvisé, tenu par les musi-ciens, proposait des soies parfumées rouges etvertes et des tissus calligraphiés à caractèresacré. Comme autour des sanctuaires, on ytrouvait aussi des bagues serties de pierressemi-précieuses et des bracelets d'argent venusdu mausolée de Bullhe Shah. Car La Nuit desQawwals célébrait le départ du poète pour lelieu de l'Être aimé, un poète qui laissait der-rière lui un trésor de textes punjabi, puissantset rythmés, simples et si profonds à la fois,défiant toute traduction.C'était la première fois que certains aspects durituel était rendus publics hors de l'Asie duSud. Au paroxysme de la nuit, des centainesd'auditeurs touchés par l'ensemble, répondi-rent par une ovation chaleureuse.

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La plupart d'entre eux n'était pas étrangère auxconcerts de qawwali mais c'était la premièrefois que le contexte était restitué avec l'en-semble de ses dimensions « sensuelles », l'odo-rat, le visuel, l'auditif et même le gustatif, don-nant une vision de son expression habituelle.

LES INTERPRÈTESMEHR ALI ET SHER ALI se situent dans lalignée de l'École classique de musique hin-doustanie Talvandi. Leur père était chanteurclassique à la cour de Patiala, une petite prin-cipauté sikh, aujourd'hui en territoire indienpunjabi. Les deux frères sont nés au début desannées 50 dans la ville de Kasur, à la frontièrede l'Inde et du Pakistan. Ils reçurent très tôtune éducation musicale classique. Leur pèreavait été disciple de Fateh Ali Khan, père ducélèbre Nusrat Fateh Ali Khan, et le jeune SherAli étudia auprès de Bakhshi Salamat AliQawwal, également disciple de Fateh AliKhan. C’est pourquoi Mehr et Sher Ali consi-dèrent la famille de Nusrat Fateh Ali Khancomme leur « Ustad Gharana » ou « Maisondu maître », terme qui exprime une marquede respect considérable chez les musiciens duPakistan et de l'Inde du Nord. Mehr Ali quantà lui, reçut également l’enseignement deMuhammad Ali Fareedi, un qawwal ordonnésoufi et appartenant au sanctuaire de BabaFarid, un maître soufi du XIIIe siècle. Il lui doitsa maîtrise exceptionnelle des textes philoso-phiques et poétiques soufis ainsi qu'uneconnaissance approfondie des rites.

Chaque qawwal doit avoir une profondeconnaissance des textes poétiques soufis.Cette préoccupation du sens conduit souventles qawwals à sacrifier la qualité musicale,jugée secondaire, au profit de la pureté tex-tuelle. Grâce à leur double formation, Mehr etSher font partie des rares qawwals qui accor-dent la même importance à ces deux dimen-sions. Sher est connu pour son sens proso-dique (lai-kari). Il est aidé dans cettearticulation rythmique du texte par un tablanawaz exceptionnellement sensible au sensdu verbe, Amjad Ali, qui se définit lui-mêmeen ces termes : « Je m'efforce de réciter lespoèmes avec mes mains ».Sher Ali est également célèbre pour sa puis-sante voix de poitrine et sa rigueur classiquedans le développement des modes, peu fré-quente chez les qawwals, tandis que Mehr sereconnaît à la stridence bouleversante de sesaigus qui, dès que le poème aborde le thèmede la souffrance, s’élèvent et brisent le cœur(zarb-ul-qalb).Les membres du groupe pensent que leurmusique contribue à l'harmonie et à la paix del'âme et transmet un message d'amour etd'Unicité. « Il arrive que nous entrions en transependant notre performance, tant le texte et lamusique nous touchent » dit Mehr Ali. Poureux, le qawwali dépasse les limites de l’ortho-doxie religieuse et constitue une invitationuniverselle à partager l'émotion puissante del'amour pur, la douleur infligée par la sépara-tion originelle et la joie de l'union.

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FAIZ ALI FAIZ est issu d'une famille où se sontsuccédées sept générations de qawwals. Né en1962 à Sharaqpur, entre Lahore et Faisalabad,Faiz Ali commence à chanter professionnelle-ment en 1978. La même année, il forme sonpropre groupe de qawwals. Bien qu'il soit origi-naire de Lahore, il pratique le style doaba de l'estdu Pakistan. Il reconnaît également les influ-ences de Sham-chaurasi, célèbre École de chantkhayal qui accueillit Ustad Salamat Ali Khan.Faiz Ali a appris la musique classique auprès deUstad Ghulam Shabbir Khan et Ustad JafarKhan, et le qawwali avec Muhammad Ali Faridiet Abdur Rahim Faridi Qawwal. La voix de Faizse caractérise par une étendue exceptionnelle etun timbre particulièrement riche qui n'est passans rappeler le célèbre Nusrat Fateh Ali Khandont il aime d'ailleurs chanter les compositions.En dépit de son jeune âge pour un qawwal, FaizAli rencontre un succès croissant auprès de sesauditeurs.

LES CHANTS1. Allah Hu(Allah est)Langue : ourdouPoète : inconnuChanteurs : Faiz Ali Faiz, Rehmat Ali et leurensembleSuivre la voie du soufisme, c'est devenir Un,c'est naître à nouveau et prendre conscience dece qui a toujours été depuis l'Éternité (azal)sans qu'il soit possible de le réaliser avant quela conscience de cela se manifeste. La Voie

soufie se caractérise par une intense préoccupa-tion de la Réalité Ultime et la conscience de saproximité en même temps que de sa distance.On peut approcher cette Vérité à travers desmétaphores, grâce au rayonnement d'un regardou par la musique. Car elle stimule l'intelli-gence et les sens en éludant toute explicationrationnelle, historique ou même intuitive.Dans ce premier chant qui s'adresse à l'Éternel,le concept est abordé à travers un texte simple :

Quand il n'y avait ni terre,Ni Univers, ni lune, ni soleil, ni paradis,Quand le secret de l'existence

n'était pas encore révélé,Quand il n'y avait rien, il y avait Toi.

2. Qaul : Man Kunto Maula(Je suis le Guide !)Langue : arabe mêlé de persan et d’ourdouPoètes : Amir Khusrau (arabe),

Bu Ali Qalandar (persan) Bedam Warsi (ourdou)

Chanteurs : Mehr Ali, Sher Ali et leur ensembleC'est le chant rituel le plus fondamental pourles Chishti, le seul grand ordre soufi à s'êtredéveloppé dans le sous-continent. Il est rarequ'un sama’ (assemblée d'audition) ait lieusans que le qaul ne lance la partie du« concert » consacrée aux principales ques-tions du soufisme. Ce chant mystérieux est attribué à l'éminentsoufi, poète et musicien, Amir Khusrau. Ils'ouvre sur un texte en arabe dans lequel leProphète déclare « Je suis le guide et, après moi,

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Ali est le guide ». Les musiciens répètent plu-sieurs fois la première partie du texte afin detransmettre l'idée contenue dans la méta-phore : l'humanité est son propre guide. Laseconde partie est chantée une seule fois àvoix basse, comme pour révéler un secret. Le qaul est suivi par une suite de propos éso-tériques, chantée sur un rythme de plus enplus rapide et appelée tarana. Il s'agit d'unesuite de syllabes, apparemment dénuées desens mais dont la vigueur révèle un réel enga-gement et, dit-on, une profonde sagesse. Letexte principal est constamment enrichi devers en persan et en ourdou.

Je suis de Haider, un intoxiqué et un mystique brûlant.

Je suis l'esclave de Ali Murtaza.Je suis le roi de tous les buveurs.Je suis le guide des fervents de la sagesse.Et le chien des rues du Lion.Je suis le guide.Après moi, Ali est le guide.(tarana : ) dardil dardil dardaniham tom tanananana tananana riya lali ya lala yala yala ri yalalala yalalala yalalala ri.Je suis le guideLa tradition rapporte cette parole du Prophète :« Prends le nom de Muhammad

et celui de sa famille ».Ali est mon guide.Ali est mon nom, je suis l'esclave d'Ali.Un millier de vies honorables

sont dédiées au nom d'Ali.

Ali est mon guide.Au-dessus des cieux, il est écrit :

« le Prophète d'Arabie »,Sur chaque branche, il est écrit :

« Ali, le maître »,Sur les feuilles vertes

et les bourgeons : « Zehra »,Et sur les fleurs rouges :

« Husayn, le fils d'Ali ».Ali est mon guide.Chacun appartient à l'autre,Mon guide est Ali.Je jure par Dieu que personne

n'est aussi royal que moi !Je n'ai aucune crainte, Ali est mon guide.Ali est mon guide.Chacun de mes souffles dit : « Ali, Ali ! »Ma langue profère sans cesse : « Ali, Ali ! »Quand je mourrai, on inscrira

sur mon suaire : « Ali, Ali ! »Ali est mon guide,Je suis le guide.

3. Dhamal Lal Shahbaz Qalandar(Danse extatique du Faucon Rouge)Langue : punjabi Poète : inconnu (ancien chant traditionnel) Chanteurs : Mehr Ali, Sher Ali et leur ensembleSolo de tabla : Amjad Ali Les soufis de l'ordre des Qalandari ont laréputation d'être si absorbés par leur quêtespirituelle qu'ils en oublient totalement lesusages de la société. Ignorant les inhibitions etles tabous du commun des mortels, ils se

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consacrent à la contemplation de la DivineBeauté et de sa Majesté. Un des membrescélèbres de cet ordre était Uthman Marwandi(mort en 1274), un Azerbaïdjanais du village deMarwand. Il s’était établi dans le quartier desprostituées de la ville de Sehwan, dans la bassevallée de l'Indus. Vêtu exclusivement de rougeet dansant sans répit, il gagna le cœur des popu-lations locales grâce à son immense sincérité.C'est son guide spirituel qui lui donna le nomde « Faucon Rouge » en hommage à la hauteurde son envol spirituel. Son véritable nom estaujourd'hui inconnu de la majorité des pèlerinsqui se pressent aux portes de son sanctuaire,construit au bord de l'Indus. Ils parlent de luicomme du Faucon Rouge (Lal Shahbaz). De lui-même, le Faucon Rouge dit un jour : « Je nedemeure nulle part, je suis toujours en vol, aucunlieu, aucune forme, aucun symbole ne me retient ».Quand l'urs de ce grand soufi est célébré,hommes et femmes déferlent de toutes lesrégions du Pakistan vers Sehwan dans leSindh (sud du Pakistan). Centre de la dansesoufie en Asie du Sud, le sanctuaire de Sehwanpossède un ensemble de grands tambours(naubat) qui est joué en permanence. La danseainsi que le rythme sur lequel elle se fonde senomment dhamal. Le dhamal est une danseeffrénée dans laquelle le dévôt s'abandonnetotalement, au point d'atteindre un état detranse et de se perdre dans l'Ultime.Basé sur un chant traditionnel populaire, cemorceau rend hommage au Faucon Rouge.L'importance du tambour dans ce sanctuaire

impose qu'un solo de percussion soit inclus àla performance pour rendre hommage à laplace prioritaire que le maître accordait à ladanse. Rythmiquement puissant, ce morceausimple est l'une des formes que l'expressionpopulaire peut prendre pour exprimer sonheureuse dévotion pour un saint soufi.

Ô Faucon Rouge, Maître Rouge, Protège mon honneur, Maître Rouge dansant,Faucon du Sindh, de Sehwan,Respire, maître de l'ivresse,Chaque souffle est Ali.Puissent tes quatre lampes brûler éternellement,J'allumerai la cinquième. / RefrainSous ton sanctuaire élevé, Maître,S'écoule la rivière. / RefrainTu réunis la mère et le fils,Tu rends aux sœurs leurs frères perdus. /RefrainTes crotales sonnent à travers l'Inde

et le fleuve Indus,Et ton tambourin résonne. / Refrain

4. RangLangue : hindi Poète : Amir Khusrau Chanteurs : Mehr Ali, Sher Ali et leur ensembleLe point culminant d'une cérémonie chishti estmarqué par le rang pour lequel l'assistance etles musiciens se lèvent respectueusement. Onpense que la mélodie composée par AmirKhusrau n'a pas été modifiée depuis sacréation, il y a six cents ans. Écrit dans un desidiomes populaires de l'époque, le texte salueles quatre grands maîtres de l'ordre chishti. Il

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est dit que pendant l'audition du rang, les corpsphysiques des saints apparaissent à ceux dontle regard spirituel n'est pas aveugle.

Oh, lampes d'argile, écoutez ce que je dis.La couleur emplit la maison de mon Roi,

il veille toute la nuit.Il y a de la couleur aujourd'hui

dans la maison de mon bien-aimé.J’ai trouvé mon maître, Nizam ud Din Auliya,J’ai trouvé mon maître, Farid ud Din Auliya,J’ai trouvé mon maître, Qutub ud Din Auliya,J’ai trouvé mon maître, Muin ud Din Auliya.Ô Nizam ud Din Auliya,Quel que soit ton désir,

sur la pierre qui est tienne,Il y a de la couleur.Des amis se réunissent en ce lieu aujourd'hui.

Khwaja Nizam ud Din, très haut dans le monde,Au plus haut de l'univers,Quel que soit ton désir,

sur la pierre qui est tienne,Il y a de la couleur.Je ne verrai jamais une couleur

comme la tienne, Nizam ud Din. J'ai cherché dans tous les pays

et j'aime ta couleur, Nizam ud Din. Quel que soit ton désir,

sur la pierre qui est tienne,Il y a de la couleur.

ADAM NAYYAR & MARTINA CATELLA

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Sher Ali

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Ensemble Mehr Ali & Sher Ali

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Pir Sahibzada Ghulam Qutab ud Din,maître spirituel de la cérémonie /spîritual master of the ceremony

Tabla

Harmonium

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Ensemble Faiz Ali Faiz & Rehmat Ali

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THE ENCOUNTERDriven from their once-flourishing culturalcentres by the expanding Mongol armiesunder the powerful Chengiz Khan, groups ofMuslim scholars, mystics, musicians and asce-tics from Central Asia sought refuge in morepeaceful parts. This steady stream of refugees,which flowed out of Central Asia from the13th century onwards found sanctuary inIndia and made it their home. The integrationof this diaspora resulted in a fusion of poetic,musical and philosophical elements on SouthAsian soil. Many of these scholars and mysticsreferred to themselves as Sufi. The origin ofthe word sufi is unclear, but it apparentlyderives from Arabic suf, ‘wool’ after the coarsehomespun woolen garments favoured by mys-tics and hermits in parts of the Muslim world.Sufis have occasionally dispensed with thetraditional observances of Islam. The 10th cen-tury Persian mystic Abu Said was reputed tohave forbidden his disciples to make the pil-grimage to Mecca, commonly regarded as anobligation for every Muslim able to undertakethe journey: “It is no great matter that youshould tread under your feet a thousand miles inorder to visit a stone house”. But this attitude isnot typical of all Sufis, who have in generalobserved the customary rules and regulations

of Islam, while transcending all orthodoxritual in their spiritual outlook.

THE QAWWALIQawwali evolved in South Asia from the 13th

century as a musical form created through themingling of Indian and Turco-Iranian tradi-tions. The term is derived from the Arabicword qaul, meaning ‘creed’ or ‘that which issaid or professed’. The qawwali renders multi-lingual and polycultural texts and settingsblended into an essentially North Indianmusical base. It was the response to the mul-tilingual and polytheistic milieu of India thatthe Sufis encountered and qawwali was theirunique gift, offering unity in diversity.One name is an integral part of qawwali, thatof Amir Khusrau (1253-1325), mystic, poet,musician, dancer, warrior and courtier. Bornto a Turkic family of the Sachin tribe in Delhi,Amir Khusrau created qawwali in the form itexists today, and it is impossible to have a tra-ditional qawwali without singing at least oneof his texts, which cover a broad spectrum oflanguages, from Persian to most North Indianlanguages.Khusrau best embodied the musical and phi-losophical dialogue between Hinduism andIslam. During the reign of the Delhi sultan

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PAKISTANThe Night of the Qawwals

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Ala ud Din Khilji (1296-1316), a Hindu reli-gious luminary arrived at the sultan’s courtwith an entourage of three score musicians.He was granted an audience with the sultan,to whom he said, “Sultan! I have a religiousquestion for you”, upon which his entireentourage burst into song. Naik Gopal (forthat was the name of the priest) insisted thathe would seek an audience every day until hisquestion was answered. The perplexed reli-gious scholars of the court did not deign torespond to what they perceived as nonsense,but the sultan was able to summon AmirKhusrau, who heard the musical question onthe following day hidden behind the throneof the sultan. That night, he assembled agroup of twelve young musicians and coa-ched them all night. On the third day, a musi-cal answer was given to the musical questionin the form of a qawwali. It is said that thepriest was so enchanted by this musical invi-tation to the ultimate Unity that he wentback satisfied. Hence was born the firstensemble of qawwals.

THE URS: THE MARRIAGE OF THE SAINTIt is the custom in Muslim South Asia to cele-brate the death anniversary of a Sufi saint in ajoyous manner, for the saint is not dead, buthas merely left the empty shell of his body tomerge with the Eternal. This union with theuniverse is celebrated with a day and a nightof dancing and singing, bright lights, garlandsof rose and jasmine flowers, rose and sandal-

wood incense and the distribution of sweets.The day is called the urs (an Arabic word mea-ning ‘marriage’, and the anniversary signifiesthe marriage of the saint with Divinity).The people who gather are charged with anintense desire to become one with the objectof their love. They believe that the nature ofthe heart is perceptive rather than emotionalor intellectual. While the intellect cannotgain real knowledge of God, the heart iscapable of knowing the essence of all things,and, when illuminated by faith and know-ledge, the heart reflects the whole content ofthe divine mind. People of intellect stay in abeautiful garden and people of the heart gobeyond the stars. As Khusrau says:“It is courage of each, It is the power of flight of each.Some fly up and stay in the garden Others go beyond the stars”While ordinary knowledge is obtained bystudy and hard work, Sufi knowledge cannotbe obtained this way. Sufis follow differentpaths to knowledge, and all Sufis see them-selves as links in one continuous chain.

THE SAMA’One path of this continuous chain is that ofsong and music, called the sama’ (Arabic‘audition’) and this is the driving principle ofthe qawwali, a spiritual concert and a night ofmusical devotion. As in other parts of MuslimAsia, Africa and Europe, Sufi mystics of SouthAsia practice the sama’ (of which qawwali is a

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part), a musically induced state of ecstasy,bringing humanity closer to the experience ofinner truth by presenting transcendental poe-try in the vehicle of music. The key conceptsare divine love (ishq), the pain of separationfrom the beloved (firaq) and the joy of eternalunion (wisal).The concert is conducted by a Sufi masterwith a deep knowledge of the inner meaningof the mystic texts that are sung and of themusical modes which are the vehicle. Thesense of spirituality is enhanced with eitherthe saint’s grave or the presence of a relic.Audiences experiencing the trance broughton by qawwali often feel a sense of flight.Flight is also the imagery used by Sufis toattain divine union with the Eternal, to gobeyond all boundaries that hinder humansfrom achieving this goal. The best example ofthis is the allegorical Conference of the Birdswritten by the 12th century Iranian Sufi Attar,where a group of befriended birds fly togetherfrom valley to valley in search of the Eternal.In this work, the birds who have befriendedeach other symbolise Sufis in their search.A spiritual leader invites the “Friends” (as theSufis call themselves) to an evening of sama’,usually on Thursday, considered auspicious asit is the eve of the Muslim holy day, Friday.There is great emphasis on good manners forsuch a gathering: clean and loose garments,washed and perfumed feet, sweet-smellingbreath and a pleasant and respectfuldemeanour.

The evening opens with a hymn to theEternal (hamd), followed by the qaul, a 13th

century composition with mystical utte-rances. Compositions in Persian and SouthAsian languages are sung. The element ofmystical dance (raqs) is introduced in inten-sely rhythmic poems from more contempo-rary texts in Pakistani languages. The danceelement is strengthened through the vigorousrhythms of ecstatic dance beats: the dhamal.Finally, the audience rises in respect duringthe rang, a paean praising Sufi saints of theChishtiya order and the culminating song ofthe evening.While the main text of each qawwali piece isfrom one Sufi master, other phrases from thepoetry of diverse Sufi masters that highlightthe main text are introduced. Each lateralintroduction of a supportive text is called agirah (knot), like a knot in a silk carpet thatembellishes the main pattern.

THE QAWWALSThe qawwali ensemble is exclusively male andcomprises a lead singer with answeringsoloists and chorus with two harmoniums.The number varies from a minimum of threeto thirteen musicians, though twelve is dee-med to be the original number. Explosive,vigorous and forceful hand-clapping togetherwith a powerful drum pair tends to produce atrance-like state in the audience. The musi-cians must strive to find a resonant spiritualchord in the audience, as the dialogue between

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the audience and the musicians is essential.When a certain piece of music or phraseignites an audience, the musicians build on it,developing more complex variations. Theskill of the musicians is severely tested beforean international audience, and a master isable to move the most heterogeneousaudience, even if they do not understand asingle word.

THE NIGHT OF THE QAWWALSThe Night of the Qawwals in Paris in April 1999recreated a Sufi ritual. Authenticity of localewas ensured by the presence of a living Sufi ofthe Chishtiya Order, Pir Sahibzada GhulamQutab ud Din, who was also the spiritual mas-ter of the performers, the relics of BullheShah, a notable 17th century Sufi saint and thesetting of the Théâtre Équestre Zingaro, care-fully chosen for its architectural similarity toSufi places of devotional music: a woodenstructure reminiscent of the Turco-Iranianhasht-pehlu octagonal Sufi cloister.In deference to age-old ritual, the stage andseating area was carpeted with thirty kilo-grams of fresh rose petals flown in from thegardens of Lahore, gardens from which bles-sed roses are usually plucked for such rituals.A small impromptu kiosk at the entrance runby the musicians traded in perfumed sacredred and green silk and cotton sheets inscribedwith calligraphed mystic verses. Also on salewere silver bracelets and rings set with semi-precious stones, all from the mausoleum of

Bullhe Shah. The Night of the Qawwals cele-brated his passing from this world, leavingbehind a treasure of powerful and rhythmicPunjabi texts, so simple and yet so profoundthat they almost defy translation. This wasthe first time that such a ritual was publiclyperformed outside South Asia.An enraptured audience of hundreds respon-ded to the culmination of the night with astanding ovation. Most were not strangers toqawwali concerts, but this was the first timethat the entire context of qawwali had beenreplicated, exposing the audience to fra-grance, vision and sound in a ritual settingoutside South Asia.

THE PERFORMERSThe musical origins of BROTHERS MEHR ALI

AND SHER ALI come from the Talvandi clas-sical school of Hindustani music. Their fatherwas a classical court singer at the small Sikhprincipality of Patiala, now in India. The bro-thers were born in the Pakistani border townof Kasur in the early 1950s and received theirfirst training in classical music. Their fatherwas a disciple of Fateh Ali Khan, the father ofthe famous Nusrat Fateh Ali Khan, and youngSher Ali became the student of BakhshiSalamat Ali Qawwal, who was also a discipleof Fateh Ali Khan. Mehr Ali and Sher Ali thusacknowledge that the family of Nusrat FatehAli Khan is their "Ustad Gharana" or "TeacherHouse", a term imbued with venerationamong musician circles in Pakistan and North

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India. Mehr Ali was taught by Muhammad AliFareedi, an ordained Sufi qawwal of the shrineof the 13th century Sufi Baba Farid, thanks towhom he masters Sufi poetry, texts andrituals.All qawwals must have a deep knowledge ofSufi poetic texts. In practice, this often meanssacrificing musical quality to retain purity oftext. Mehr and Sher have achieved the rarecombination of both musical quality andauthentic text rendition: Sher is known forhis ability to understand the importance ofprosodic rhythm (lai-kari) and render classicalmodes in a strong voice, while Mehr's high-pitched voice strikes the heart (zarb-ul-qalb)when the poetry contains words of entreatyor sorrow. Amjad Ali on the tabla generatesmore classical details than is normally expec-ted of a qawwali tabla player and says: "I striveto recite poetry with my hands".The group feels that their music brings har-mony and peace to the soul and projects themessage of love and unity for all. "We sometimesgo into a trance during our performance, so movedare we by the text and music" says Mehr Ali.They believe that qawwali goes beyond thelimitations of orthodox religion and is a uni-versal invitation to all living beings to sharein the feeling of the powerful emotion of purelove, the pain of separation and the joy ofunion.FAIZ ALI FAIZ comes from a family of qaw-wals from seven generations. Born in 1962 inSharaqpur, between Lahore and Faisalabad,

Faiz Ali started his professional career in 1978,creating at the same time his own qawwaliensemble. Although from Lahore, he uses thedoaba style which comes from East-Pakistan.He admits Sham-Chaurasi's influences, afamous khayal singing school where UstadSalamat Ali Khan belongs to. Faiz Ali learnedclassical music with Ustad Ghulam ShabbirKhan and Ustad Jafar Khan and received aqawwali training with Masters MuhammadAli Faridi and Abdur Rahim Faridi Qawwal.Faiz’s voice is characterised by its large rangeand a specially rich tone. It reminds us of thevoice of late Nusrat Fateh Ali Khan whosecompositions are often sung by Faiz Ali.Despite his young age, for a qawwal, Faiz Ali isgetting quite famous among his listeners.

THE PIECES1. Allah Hu(Allah is!)Language: Urdu Poet: Unknown Singers: Faiz Ali Faiz, Rehmat Ali and theirEnsemble.To follow Sufism is to become one-Self, to beborn anew and to become aware of what hasalways been from Eternity (azal) without one’shaving realised it until it has happened. TheSufi way is an intense preoccupation with theUltimate Reality and an awareness of its close-ness, which is at the same time its distance. Itcan be broached in metaphors, radiated in aglance or diffused in music. It allures the mind

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and the senses, while remaining beyond ratio-nal, historical or even intuitive explanation.This opening hymn to the Eternal addressesthe concept with a simple text:

When there was no earth,No universe, no moon and sun, and no heaven,When the secret of being was not revealed, When there was nothing there was only Thee.

2. Qaul: Man Kunto Maula(I am the Guide!) Language: Arabic, with Persian & Urdu additions Poets: Amir Khusrau (Arabic),

Bu Ali Qalandar (Persian) Bedam Warsi (Urdu)

Singers: Mehr Ali, Sher Ali and their Ensemble.This is the central hymn of the only large Sufiorder to have grown on South Asian soil, theChishtiya. Every formal meeting of audition ofthe Chishtiya order must start with the qaul.Said to have been composed by the great Sufischolar and musician Amir Khusrau himself,this mysterious piece opens an Arabic textbased on a tradition of the Prophet, in whichhe said, “I am the Guide / After me Ali is theGuide”. The musicians repeat the first part ofthe text many times to convey a metaphor,one interpretation of which is that mankindis its own guide. The second part is sung onlyonce in a low voice, as if a secret is beingdivulged. This Arabic text is called the qaul(“that which is said”, “creed”).The qaul is followed by a set of esoteric utte-rances delivered with increasing tempo called

the tarana. The meaning of these apparentlymeaningless words is experienced only by lis-tening to them, and they are said to contain adeep inner knowledge. Additions in Persianand Urdu serve to highlight the key text.

I am of Haider, an intoxicated fiery mystic,I am a bondman of Ali Murtaza,I am the king of all drinkers,I am the Guide of the devotees of wisdom,And the dog of the streets of the lion,I am the Guide,After me, Ali is the Guide.(tarana:) dardil dardil dardaniham tom tanananana tanananariyalali yalala yala yalariyalalala yalalala yalalalariI am the Guide,Traditions of the Prophet say :"Take the name of Muhammad

with his family".Ali is my Guide,Ali is my name, I am a slave of Ali,A thousand honourable lives

are dedicated to the name of Ali,Ali is my Guide.On the heavens above is written:

"the Prophet from Arabia",On each branch is written: "Ali the Master",On the green leaves and buds: "Zehra",And on the red flowers:

"Husayn, the son of Ali".Ali is my Guide.So and so belongs to someone,

another to another,

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My Guide is Ali.I swear by God, no-one ias royal as me !I feelno fear, Ali is my Guide,Ali is my Guide.Every breath says "Ali, Ali".The tongue utters "Ali, Ali".And when I die, write on my shroud: "Ali, Ali".Ali is my Guide,I am the Guide.

3. Dhamal Lal Shahbaz Qalandar(Ecstatic Dance of the Red Falcon)Language: Punjabi Poet: Unknown (old folksong) Singers: Mehr Ali, Sher Ali and their Ensemble.Tabla solo: Amjad Ali The Qalandari order of Sufis is known to be sospiritualised that they are free from the usualsocial and customary inhibitions and taboos,with little respect for social etiquette. Theylive a life free from worldly strictures and areentirely absorbed in the contemplation ofDivine Beauty and Majesty.One such man was Uthman Marwandi(d. 1274), an Azerbaijanian from the villageof Marwand, who settled in the disreputablebrothel area of the city of Sehwan in theLower Indus Valley. Dressed in red and dan-cing incessantly, he won the hearts of thepeople through his fiery sincerity. He wasgiven the title “Red Falcon” by his spiritualguide because of his soaring flight in the spi-ritual domain. His real name is now unknownto most of the people who throng to his

shrine (built over the Indus River), who onlyknow him as Lal Shahbaz (“the Red Falcon”)today. Of himself, the Red Falcon said, “I haveno fixed abode, I am constantly in flight. Noplace, form or symbol can contain me”.Men and women from all over Pakistanconverge to the city of Sehwan in Sindhduring the urs of this great Sufi. The largestSufi centre for dancing in South Asia, theshrine has large kettle drums (naubat) playingall the time. Both the beat of the drums andthe ecstatic dance of the devotees is called thedhamal, a wild dance of utter abandon, wherepeople lose themselves in the Ultimatethrough a trance brought on by the dance.Based on a popular folk song, this piece payshomage to the Red Falcon. The importance ofthe drum at the shrine requires that a drumsolo be included in the performance to payhomage to the importance to dancing thatthe Master accorded. Rhythmically powerful,this is a simple piece of joyous folk expressionof devotion for a Sufi master:

Oh Red Falcon, Red Master,Keeper of my honour, dancing Red Master,Falcon of Sindh, of Sehwan,Breathe, intoxicated Master.Ali in every breath.May your four lamps burn forever,I will light the fifth. / RefrainHigh is your mausoleum,And below flows the river, Red Falcon. /RefrainMother and son you bring together,Sisters find their lost brothers. / Refrain

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Your kettledrum beats in India and on the Indus River,

And your tambourine resounds, Red Falcon. / Refrain

4. RangLanguage: Hindi Poet: Amir Khusrau Singers: Mehr Ali, Sher Ali and their Ensemble.The culminating song of Chishtiya ritual, therang requires the audience and musicians tostand up in respect. The tune composed byAmir Khusrau is believed to have remainedthe same over 600 years. The text is in thesimple popular idiom of the age, and joyouslyacknowledges the four great masters of theChishtiya order in South Asia. It is believedthat singing of the rang results in the actualcorporeal (though invisible to the spirituallyblind) manifestation of these masters.

Oh lamps of clay, listen to what I say.There is colour in the house of my Khwaja,

stay awake all night,There is colour today,There is colour in my beloved's courtyard,Today, my colour is the colour of my Khwaja.I have found my master, Nizam ud Din Auliya,I have found my master, Farid ud Din Auliya,I have found my master, Qutub ud Din Auliya,I have found my master, Muin ud Din Auliya.O, Nizam ud Din Auliya,Wherever I look, you are with me,At home and in foreign lands I have searched.I like your colour, Muin ud Din!Nowhere else did I find such a colour,

Muin ud Din.Today, my colour is the colour of my Khwaja.

ADAM NAYYAR & MARTINA CATELLA

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Faiz Ali Faiz

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THE NIGHT OF THE QAWWALS

INEDITMaison des Cultures du Monde

3 298492 600922 >

Catalogue disponible sur demande / Ask for the catalogueMaison des Cultures du Monde • 101 Bd Raspail, 75006 Paris • Francetél. +33 (0)1 45 44 72 30 • fax +33 (0)1 45 44 76 60et sur internet / and on internet : www.mcm.asso.fre-mail : [email protected]

W 260092 AD 090distribution AUVIDIS

OP 1999 INEDIT / MCM

Made in France

Collection fondée parSeries founded by Françoise Gründ

dirigée par / headed byPierre Bois

ENSEMBLEFAIZ ALI FAIZ & REHMAT ALI1. Allah Hu ..........16’38”

ENSEMBLEMEHR ALI & SHER ALI2. Qaul..................33’29”3. Dhamal ............18’54”4. Rang ...................4’58”

durée totale / total time ....74’02”

Enregistré en concert / Live recording • 16/4/1999 • Théâtre Equestre ZingaroNotice / Liner notes : Adam Nayyar & Martina Catella