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Geneva Hub for Democracy
Policy Papers
No.5 / 2016
Dans le prolongement de la Journée mondiale des réfugiés, le Geneva Hub for Democracy – une initiative du Centre européen de la culture soutenue par le Ministère suisse des Affaires étrangères – a organisé un Forum d’une journée intitulé « Les migrations: défi de la mondialisation ? » dont l’objectif a été de tracer quelques pistes de réflexion quant aux défis actuels et futurs que l’Europe se doit de relever en matière de migrations.
Le Forum a souhaité placer le débat autour des enjeux migratoires en s’intéressant à plusieurs dimensions: l’action des Organisations internationales et l’intégration des personnes migrantes vue par le prisme des associations locales, notamment à Genève; l’Union européenne et les politiques migratoires; et enfin, la possibilité d’un « choc culturel ».
Résumé
Geneva Hub for Democracy 40, Rue Le-‐Corbusier CH -‐ 1208 Geneva Email: [email protected] Website: www.genevahub.ch
Les migrations: défi de la mondialilisation ?
Rapport de la Journée sur les migrations organisée le 23 juin 2016 à l’OMM, à Genève
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Sommaire
Introduction
I. Première partie
L’action des Organisations Internationales face aux vagues migratoires
II. Deuxième partie
L’intégration des personnes migrantes. Quelles approches ? Quelles perspectives ?
III. Troisième partie
L’Union européenne et les politiques migratoires
IV. Quatrième partie
La femme, la langue, l’étranger: discorde des cultures ?
Conclusion
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Introduction
On ne parle plus beaucoup des réfugiés, et pourtant… Près de 300'000 migrants sont arrivés sur le sol européen depuis le début de l’année 2016, selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM)1. Ce nombre fait référence aux arrivées majoritairement par la Méditerranée, notamment en Italie, en Grèce, à Chypre et en Espagne, mais également par voie terrestre. Au-‐delà de la nécessité de l’aide d’urgence, ces flux migratoires soulèvent différentes interrogations et posent indéniablement la question de leur intégration sur le long terme, aussi bien du point de vue des Etats et des sociétés locales, que des migrants eux-‐mêmes.
Dans le prolongement de la Journée mondiale des réfugiés, le Geneva Hub for Democracy – une initiative du Centre européen de la culture soutenue par le Ministère suisse des Affaires étrangères – a organisé un Forum d’une journée intitulé « Les migrations: défi de la mondialisation ? » dont l’objectif a été de tracer quelques pistes de réflexion quant aux défis actuels et futurs que l’Europe se doit de relever en matière de migrations.
Le Forum a souhaité placer le débat autour des enjeux migratoires en s’intéressant à plusieurs dimensions: l’action des Organisations internationales et l’intégration des personnes migrantes vue par le prisme des associations locales, notamment à Genève; l’Union européenne et les politiques migratoires; et enfin, la possibilité d’un « choc culturel ». Il a débuté par un mot d’accueil du Responsable du projet Geneva Hub for Democracy, le Dr François Saint-‐Ouen, d’introduction et de mise en contexte de la Journée.
La matinée a été consacrée à l’action des Organisations Internationales et à celle des associations locales. Elle a donné la parole à quatre intervenants: Peter Van der Auweraert, Special Operations Support Officer for the European and Mediterranean Migration Crisis auprès de l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM); Isabel Obadiaru, Consultante indépendante en Droits de l’Homme, Genre, Migration et Membre de la Plateforme de la Société Civile Suisse sur la Migration et le Développement; Laetitia Carreras, du Centre de
Contact Suisses-‐Immigrés (CCSI) de Genève; et Dr Théogène-‐Octave Gakuba, Adjoint scientifique auprès de la Haute Ecole de travail social de Genève, HES-‐SO.
Les deux parties de la matinée ont été modérées par Emmanuel Deonna, Conseiller municipal de la Ville de Genève et Président de la Commission « migration, intégration et Genève internationale » du Parti socialiste genevois.
L’après-‐midi a permis d’aborder la question de l’Union européenne et des politiques migratoires ainsi que celle de la possibilité d’un « choc culturel » induit par les migrations. Quatre intervenants y ont prêté leur concours. Pour la partie Union européenne et politiques migratoires, modérée par Dr François Saint-‐Ouen, il y a eu Sandra Lavenex, Professeure en Science politique et relations internationales auprès de l’Université de Genève et Alexandrina Iremciuc, assistante de recherche pour le projet Geneva Hub for Democracy et doctorante en sociologie des migrations à l’Université de Genève.
Quant à la problématique de la possibilité d’un « choc culturel », elle a été assurée par les interventions de Jenaro Talens, Professeur honoraire de Littérature comparée à l’Université de Genève, et de Dr Morena La Barba, Chargée d’enseignement en Sociologie visuelle à l’Université de Genève. Elle a ensuite été discutée par Charles Méla, Président du Centre européen de la culture et ancien doyen de la Faculté des Lettres de l’Université de Genève.
La Journée s’est terminée sur un débat relatif aux perspectives du défi migratoire, aussi bien sur le court que sur le long terme. À savoir, la nécessité d’une meilleure réponse de l’Union européenne à l’actuelle crise, mais également le besoin de commencer à s’interroger davantage sur les modalités à mettre en œuvre afin d’intégrer les populations arrivées sur le territoire européen et celles qui continuent de venir.
Le présent rapport restitue les grandes lignes des interventions des experts invités. Il s’articule autour des quatre parties constitutives de la Journée.
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I. Première partie
L’action des Organisations Internationales
face aux vagues migratoires
Sous le titre L’action des Organisations internationales face aux vagues migratoires, les concepteurs de la Journée ont souhaité mettre en parallèle deux acteurs qui sont rarement associés directement dans les débats qui ont notamment lieu dans la Genève internationale, en offrant ainsi une nouvelle approche de cette thématique complexe: les organisations internationales d’une part, et les sociétés civiles locales d’autres part.
L’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM), représentée à l’événement par Peter Van der Auweraert, a ouvert le débat en suivant trois axes principaux: (1) un bref rappel historique de cette organisation née de l’initiative de quelques pays européens en réponse aux déplacements de population après la Deuxième guerre mondiale et du rôle majeur qu’elle joue depuis, sur la scène internationale; (2) les grandes lignes des tendances migratoires actuelles avec un accent sur la crise que traversent l’Europe et la Méditerranée, (3) la réponse de l’OIM à celle-‐ci du point de vue opérationnel.
En l’absence d’une politique migratoire européenne commune, les politiques nationales restrictives mises en place par les pays de la « route des Balkans » ont une incidence directe sur la crise migratoire. Selon l’OIM, actuellement plus de 60'000 personnes sont bloquées en Grèce, en Macédoine, en Serbie, en Hongrie, en Croatie, en Slovénie ou encore en Bulgarie où sa frontière avec la Turquie garde un intérêt constant pour les personnes voulant se rendre en Europe2. D’où, selon Peter Van der Auweraert, la nécessité d’ouvrir plusieurs voies légales afin de permettre aux migrants d’arriver sur le sol européen. Cela contribuera à une meilleure gestion de ce phénomène naturel qu’est la migration, qui n’est pas nouveau mais qui néanmoins surprend aujourd’hui davantage par son ampleur (mal gérée par les institutions européennes) que par son existence. Bien que désormais fermée, la « route des Balkans » reste donc d’une actualité avec
laquelle il faut composer, en dépit des quelques changements relatifs au nombre de réfugiés que chacun des pays de cette région reçoit ou voit transiter.
Pour ce qui est de la Méditerranée, le nombre de migrants et de réfugiés qui empruntent cette voie a augmenté au deuxième trimestre 2016 par rapport au premier trimestre, selon les chiffres avancés par l’OIM3. Cela revient à dire deux choses: qu’elle reste la principale porte d’entrée sur le continent européen pour les migrants qui continuent d’arriver, malgré la dangerosité de la traversée; et que le phénomène migratoire vers l’Europe que nous observons depuis 2015 continuera, comme le constate Peter Van der Auweraert. Il est dès lors indispensable de mettre en place des moyens adéquats pour y faire face, au niveau des politiques européennes, des sociétés d’accueil, ainsi qu’en matière d’aide humanitaire dans les pays d’origine des migrants.
Les réponses de l’OIM face à cette crise sont multiples. Elles vont de l’approvisionnement en nourriture, en eau et en produits de première nécessité dans les centres d’accueil des requérants d’asile (p.ex. à Zagreb, Croatie) et pour les migrants et réfugiés secourus par les garde-‐côtes (p.ex. à Dikli, Turquie) aux cours de langues dans les centres d’accueil (p.ex. en Croatie) ; de la formation aux compétences interculturelles pour les représentants des organisations gouvernementales et non-‐gouvernementales locales (p.ex. à Maribor et à Ljubljana, en Slovénie) à la mise à disposition d’interprètes de langue arabe (p.ex. en Macédoine) ; de l’assistance juridique aux migrants et réfugiés qui arrivent par la mer à l’identification des populations vulnérables (p.ex. en Sicile, en Calabre, à Lampedusa, Italie); de l’information sur les procédures de pré-‐enregistrement et les dispositifs de protection internationale, de regroupement familial et de relocalisation dans un autre Etat membre de l’UE (p.ex. en Grèce) au conseil relatif au retour volontaire (p.ex. en Serbie)4.
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Phénomène d’une grande importance pour le développement de nombreux pays et lieux d’origine, de transit et de destination, la migration implique de profonds changements et appelle au
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dialogue parmi tous les acteurs de la scène internationale – organisations internationales, gouvernements et sociétés civiles – afin de mieux l’appréhender. Cette tendance qui est de plus en plus visible depuis une décennie, est notamment illustrée par l’instauration d’un Forum Mondial sur la Migration et le Développement (FMMD) en 2007 et d’un Dialogue de Haut Niveau des Nations Unies sur la Migration et le Développement.
Consultante indépendante en Droits Humains, Genre et Migration, Isabel Obadiaru a soulevé l’importance du rôle joué par la société civile impliquée dans les actions de plaidoyer auprès des forums et rencontres mondiales qui réunissent les acteurs clés de la gouvernance en terme de migration et développement: gouvernements, organisations internationales, experts, société civile, secteur privé etc..
En élaborant un plan d’action sur cinq ans, suite au Deuxième Dialogue de Haut Niveau des Nations Unies sur la Migration et le Développement en 2013, la société civile a su proposer aux Etats des actions concrètes afin de progresser efficacement sur les questions relatives aux huit points suivants: (1) l’agenda post-‐2015 du développement; (2) l’engagement de la diaspora et des associations de migrants; (3) la protection des migrants en détresse; (4) les droits des femmes migrantes; (5) la promotion des bonnes pratiques ainsi que la promulgation et l’application de la législation nationale; (6) la redéfinition de l’interaction des mécanismes internationaux de protection des droits des migrants; (7) la création et l’application des normes pour réglementer le recrutement de main-‐d’œuvre migrante; (8) l’instauration des mécanismes garantissant que les droits du travail pour les employés migrants soient égaux aux droits des ressortissants nationaux. Ce plan d’action a été salué par de nombreux gouvernements et les Nations Unies dans diverses discussions portant sur la gouvernance et le développement des politiques au niveau global et national.
Dans le contexte suisse, la société civile a participé et continue à apporter sa contribution aux débats internationaux, notamment au sein du FMMD. En 2011, la Suisse a présidé le FMMD et posé les bases d’une étroite collaboration entre la Direction suisse du développement et de la coopération (DDC) et les acteurs de la société civile active dans
ce domaine, menant en 2015 à la création de la Plateforme de la société civile suisse sur la migration et le développement.
Isabel Obadiaru a donc présenté à l’audience la Plateforme de la société civile suisse sur la migration et le développement (mdplatform)5, qui envisage, entre autres, d’approfondir les discussions autour de la migration et du développement parmi les acteurs concernés et à encourager une participation coordonnée de la société civile suisse dans les débats politiques au niveau national et international. Son intention a été de mettre en exergue l’importance de la contribution apportée par la société civile et la nécessité de lui assurer un rôle central dans les processus décisionnels qui affectent les migrants ainsi que dans l’établissement des partenariats avec les divers acteurs concernés (p.ex. Etats, organisations internationales etc.).
D’un point de vue organisationnel, la Plateforme de la société civile suisse sur la migration et le développement est mise en œuvre par un consortium pour le compte du Programme Global Migration et Développement (PGMD) de la DDC. Le consortium a pour membres Caritas Suisse et Helvetas Swiss Intercooperation, et pour partenaires stratégiques le Forum suisse pour l’étude des migrations et de la population (SFM) – rattaché à l’Université de Neuchâtel – et Terre des Hommes6.
La Plateforme est composée de membres ordinaires, à l’exemple de différentes ONGs (p.ex. Amnesty international, Service Social International (SSI) etc.) ou associations (p.ex. Association de la migration africaine (MIRAF), Association pour la promotion des droits humains (APDH) etc.), ainsi que de membres affiliés, à savoir les membres individuels ou organisations non inscrites en Suisse (p.ex. OIM Berne).
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II. Deuxième partie
L’intégration des personnes migrantes.
Quelles approches ? Quelles perspectives ?
La crise migratoire actuelle demande certes des réponses immédiates, que les organisations internationales apportent comme on l’a vu dans la première partie de ce rapport, mais elle pose tout autant des questions sur le long terme, notamment celle de l’intégration des personnes migrantes qui sont arrivées et continuent d’arriver sur le sol européen.
En prolongement de l’action des sociétés civiles au sein du débat international sur les migrations, la partie consacrée à L’intégration des personnes migrantes. Quelles approches ? Quelles perspectives ? a souhaité apporter un éclairage sur les initiatives citoyennes dans les pays d’accueil, à l’exemple des associations de migrants en Suisse, qui remplissent simultanément plusieurs rôles: d’interface entre les migrants et les populations locales, de défenseur des droits et des intérêts des migrants, et de relais des revendications collectives de ceux-‐ci auprès des instances politiques.
Ainsi, Laetitia Carreras a présenté l’action du Centre de Contact Suisses-‐Immigrés (CCSI)7, acteur clé dans le débat sur les migrations à Genève et des questions d’immigration. Cette association travaille à la défense des droits des personnes migrantes, avec ou sans autorisation de séjour, depuis plus de 40 ans. Deux axes de travail sont fortement imbriqués: la dimension individuelle (consultation et accompagnement) et les dimensions collective et politique (groupes de travail, sensibilisation auprès de différents publics, dénonciation des conséquences de certaines lois, revendications). Après un bref rappel du contexte politique dans lequel le CCSI a été créé et évolue, elle a fait mention des enjeux actuels et a donné quelques éléments de réflexion.
Ceux-‐ci ont fait principalement référence au cadre législatif suisse, notamment à « la fabrication » d’une absence de statut à moyen et à long terme pour les personnes des pays « tiers » dont les conditions de séjour sont régies par la LEtr (la Loi
sur les Etrangers). Celles-‐ci se trouvent en effet dans l’impossibilité de régulariser leur situation, sauf si elles sont hautement qualifiées ou par le biais du regroupement familial, du mariage, ou encore du permis B « humanitaire » – très restrictif et aléatoire. Leur nombre en Suisse se situe entre 70'000 (selon les estimations du Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM)) et 300'000 (selon celles des syndicats et des associations de défense), et entre 8'000 et 12'000 sur le canton de Genève dont plus de 2’000 enfants et jeunes. Dans cette situation, comment parvenir à s’intégrer ? À négocier des conditions de travail ? À défendre des droits ?
Laetitia Carrera s’est ensuite attachée à la dimension individuelle de l’activité du CCSI, dans le cadre des différentes consultations (Permis de séjour; Ecole et suivi socia ; Assurances sociales et Petite enfance, santé et genre): notamment l’accès à l’école, aux soins, aux appuis juridiques et administratifs.
Concernant l’action collective et politique du CCSI, des pas importants ont été accomplis ces dernières années. Par exemple les campagnes nationales8 Aucun enfant n’est illégal (2008-‐2011) et Aucune employée de maison n’est illégale (2013-‐2014) ont revendiqué des droits fondamentaux: l’accès à l’apprentissage (qui demeure problématique), l’accès aux tribunaux du travail et aux assurances sociales dans toute la Suisse, sans risque de dénonciation, ni d’expulsion. Quant à la motion au Grand Conseil genenvois Pour une meilleure protection des personnes sans statut légal victimes de violences (M 2331)9, elle dénonce les obstacles à l’accès à la justice. Une affaire à suivre…
Pour conclure, Laetitia Carreras souligne que seule l’obtention d’une autorisation de séjour permettrait de diminuer la vulnérabilité et l’exploitation des personnes sans statut légal. Toute personne qui travaille devrait avoir droit à une autorisation de séjour, quel que soit son pays de provenance. En 2005, l’Etat de Genève avait du reste déposé auprès du Conseil fédéral une demande de régularisation collective, refusée à l’époque. Il serait temps que des démarches similaires aient lieu dans différents cantons, estime Madame Carreras.
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Prenant appui sur cet exemple concret, le Dr Théogène-‐Octave Gakuba, adjoint scientifique auprès de la Haute Ecole de Travail Social de Genève, l’a complété avec quelques éléments théoriques et politiques en élargissant ainsi le débat au cadre général suisse.
Pour ce faire, il a d’abord rappelé les différentes conceptions de l’intégration, en mettant l’accent sur le fait que celle-‐ci est davantage un processus plutôt qu’un état, qui implique une dimension psycho-‐sociale et par conséquent, la nécessité d’une période d’acculturation.
Il s’est ensuite penché sur la politique suisse en matière d’intégration et sur la spécificité de la répartition des compétences entre la Confédération, les Cantons et les Communes, dont la base légale est constituée par la loi fédérale sur les Étrangers (LEtr) du 16 décembre 2005 et l’ordonnance sur l’intégration des étrangers (OIE) du 24 octobre 2007. Elles précisent que « l’intégration doit permettre aux étrangers dont le séjour est légal et durable de participer à la vie économique, sociale et culturelle (…). L’intégration vise à établir l’égalité des chances entre Suisses et étrangers dans la société suisse » (§2 al. 1 OIE, § 4 et 53 LEtr).
La LEtr définit les principes de l’intégration et les mesures d’encouragement. Ces dernières font principalement référence à l’apprentissage de la langue et à la promotion professionnelle, à la prévention en matière de santé et la création de conditions propices à l’égalité des chances ainsi qu’à la participation des étrangers à la vie publique. Elles sont définies dans les Programmes cantonaux d’intégration (PIC) 2014-‐201710.
Monsieur Gabuka a conclu sur des considérations consacrées aux obstacles et défis de l’intégration en Suisse, à savoir: l’accès difficile au marché du travail pour les migrants en raison d’une non-‐reconnaissance des diplômes; le statut précaire de séjour des personnes qui ne bénéficient pas des mesures d’intégration; ou encore l’arrivée des personnes âgées migrantes et les jeunes suisses d’origine étrangère qui se sentent en marge de la société, voire carrément exclus du pays dans lequel ils vivent.
Ces obstacles et défis ouvrent quelques pistes de réflexion quant à la nécessité d’améliorer la lutte
contre la discrimination, les préjugés et le racisme à l’encontre des migrants, et par extension, la nécessité, selon le Dr Octave-‐Eugène Gakuba, de pondérer les critères d’intégration imposés aux migrants avec l’effort de la population locale de les accueillir et de leur faire une place dans la société.
III. Troisième partie
L’Union européenne et les politiques
migratoires
La Suisse fait-‐elle figure de cas à part sur le continent européen, notamment par rapport à l’UE et ses Etats membres qui semblent mis à rude épreuve ?
En conséquence des faiblesses de l’UE et de l’absence d’une véritable politique migratoire commune, les institutions européennes ont recours à l’externalisation de la gestion migratoire, notamment en Turquie. Plus précisément, cela signifie délocalisation de l’accueil, du traitement des demandes et de l’hébergement des requérants d’asile. Pourquoi l’Union européenne n’arrive-‐t-‐elle pas à mieux gérer la crise migratoire ? Qu’est-‐ce qui fait qu’elle peine à sortir de cette impasse ? Pour répondre à ces interrogations, Prof. Sandra Lavenex, Professeure en Science politique et relations internationales auprès de l’Université de Genève, a apporté quelques éléments-‐clés.
Selon son analyse, les facteurs explicatifs sont de plusieurs ordres. Premièrement, il y a la différence entre ce que les textes relatifs à la politique européenne commune en matière d’asile11 prévoient et la complexité de leur mise en œuvre concrète. Si leur objectif initial a été d’offrir un cadre légal à la migration et des règles de répartition claires entre Etats membres afin d’éviter l’effondrement des politiques nationales d’asile, leur application bute justement sur la responsabilité en matière de répartition des migrants. Sur les 160'000 personnes migrantes censées être relocalisées à travers les pays membres, tel que décidé par la Commission européenne en septembre 201512, uniquement 3'856 l’avaient été dans les faits une année plus tard, en août 201613.
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Deuxièmement, il y a le cumul de toute une série de contradictions de plusieurs types, dont celles qui sont de nature institutionnelle: une communautarisation hésitante et des politiques inefficaces, mais qui sont néanmoins maintenues; une codification normative, mais qui demeure évasive; une exacerbation de la souveraineté et des attitudes protectionnistes des Etats membres qui se limitent à une politique commune dans le domaine de la lutte contre l’immigration irrégulière. En d’autres termes, il y a conflit entre souveraineté et solidarité parmi les pays membres de l’Union européenne alors que la crise migratoire est globale et appelle une responsabilité européenne commune.
La Prof. Sandra Lavenex a enfin relevé les paradoxes de la pression légale et politique pour plus de cohérence au sein de l’Union européenne. Elle a notamment fait mention du Conseil de l’Europe qui (1) a qualifié la détention des requérants d’asile dans des hotspots incompatible avec la Cour européenne des droits de l’homme; et (2) le refoulement des Syriens ou d’autres nationalités en Turquie – considéré comme « pays sûr » – contraire au droit européen et/ou au droit international14, alors qu’en même temps, le refoulement à Ceuta et Melilla a été « légalisé » en Espagne en mars 201515.
Ces paradoxes sont, selon Sandra Lavenex, révélateurs de l’interdépendance entre la dimension « extérieure » de l’Union européenne et l’engagement « intérieur » de ses membres qui fait largement défaut dans la tentative de réponse de l’Europe d’aujourd’hui à la crise migratoire.
Cette crise implique deux temps: celui de l’immédiateté et de la nécessité de gérer l’urgence, celui du long terme qui renvoie aux politiques migratoires et d’intégration dont les pays européens disposent ou qu’ils vont devoir développer.
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Ainsi, en adoptant la perspective du long terme, Alexandrina Iremciuc a formulé l’hypothèse suivante: la plupart des personnes migrantes essaieront de s’installer, suivant toute probabilité, durablement en Europe. Deux éléments constituent le socle de cette hypothèse: (1) les politiques de régulation mises en place par les
Etats membres de l’UE pour gérer les vagues migratoires ne remplissent qu’un rôle limité, voire inverse de l’effet escompté, en profitant notamment à la criminalité organisée sans parvenir à stopper l’arrivée des migrants. Il faut donc s’attendre à d’autres vagues qui vont arriver sur le sol européen, notamment par les voies illégales; (2) la longueur, les risques encourus et la pénibilité du voyage pour arriver jusqu’à destination en Europe sont des facteurs déterminants, bien que sous-‐estimés, dans la volonté d’installation durable d’une population migrante dans le pays d’accueil, d’où la nécessité de commencer à s’intéresser aux mesures d’intégration. Et subsidiairement, à celles de réintégration dans le pays d’origine des populations qui échouent dans leur tentative d’établissement en Europe occidentale. Pour illustrer son hypothèse, Alexandrina Iremciuc a pris l’exemple des Balkans.
Elle a entamé son intervention en présentant les caractéristiques du récent « choc » migratoire, et parmi elles, la capacité d’auto-‐organisation des migrants et l’utilisation des réseaux sociaux.
En prenant appui sur le premier élément de son hypothèse, elle s’est interrogée sur la fermeture des frontières extérieures de Schengen comme manne pour la criminalité dans les Balkans. Si des milliers de réfugiés fuient les conflits au Moyen-‐Orient, les pays des Balkans fournissent aussi leur lot de migrants. Parmi eux, les Kosovars se rangent, de par leur nombre à demander l’asile notamment en Allemagne, juste derrière les Syriens.
Pays le plus pauvre d’Europe avec 40% de chômage et plus encore parmi les jeunes de moins de 25 ans, le Kosovo a enregistré en 2015 environ 150'000 départs, c’est-‐à-‐dire à peu près 10% de sa population16. L’accord signé entre Belgrade et Pristina au printemps 2013, qui a mené à l’ouverture des frontières avec la Serbie, a été une aubaine pour les candidats au départ, dont les groupes criminels à l’exemple de passeurs Kosovars, ont tiré profit sur fond de crise migratoire pour les faire passer de Subotica (au nord de la Serbie) en Hongrie.
Alexandrina Iremciuc a ensuite abordé la question du « retour » dans les pays « sûrs », et plus précisément des problèmes générés par celui-‐ci dans les pays d’origine des migrants. Ainsi, elle a interrogé la capacité financière d’absorption de
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cette population qui rentre chez elle et le manque à gagner, avec une baisse des remittances pour les pays d’origine.
En 2015 l’Allemagne a déclaré le Kosovo (aux côtés d’autres pays des Balkans et du Maghreb) comme « pays d’origine sûr »17 et décidé de renvoyer chez eux les près de 150'000 Kosovars arrivés sur son territoire. Ce retour massif requiert une participation financière des deux pays, notamment du pays d’origine qui doit supporter la charge financière de la réinstallation. En l’occurrence, le Kosovo dispose d’un budget de 3,2 millions d’euros par année pour absorber le retour de cette population, ce qui revient à 21 euros par année par personne. Ces returnees constituent dès lors un problème de taille pour le Kosovo, renforcé encore davantage par le manque à gagner pour le pays du fait de la diminution du volume des remittances: en effet, sur les quinze dernières années l’argent envoyé par les Kosovars qui ont quitté leur pays a représenté en moyenne près de 30% du PIB selon les chiffres du Central Bank of the Republic of Kosovo18.
Le deuxième élément de l’hypothèse a été développé à l’aide d’un exemple particulier d’intégration civique des migrants, qui concerne la Suisse. Il s’agit du projet pilote porté par l’association de migrants Forum pour l’intégration des migrantes et des migrants (FIMM Suisse)19. Il s’intitule « Sessions parlementaires régionales et fédérale pour les migrants », et s’inspire de l’exemple du Parlement des jeunes. Il s’étend sur trois ans (2013-‐2016) et a été mis en place dans deux villes particulièrement sensibles à la question migratoire: Bâle (BS) et Lausanne (VD). Le Grand Conseil de Bâle a le plus grand nombre de députés issus de l’immigration alors que 29% de la population résidente de Lausanne est étrangère et que la commune de Lausanne a accordé le droit de vote et d’éligibilité aux étrangers, chose rare dans le système fédéral suisse. Si les premiers résultats de cette initiative sont attendus pour le début de l’année 2017, on peut d’ores et déjà lui attribuer un mérite: celui d’être un projet novateur en matière d’intégration civique des migrants.
Alexandrina Iremciuc a conclu en rappelant le besoin d’une vision du phénomène migratoire qui dépasse celle du provisoire et de l’urgence. Et par extension, la nécessité de développer la réflexion
sur l’intégration culturelle et sociale, professionnelle et civique des personnes migrantes déjà arrivées et celles qui continuent d’arriver sur le sol européen.
IV. Quatrième partie
La femme, la langue, l’étranger:
discorde des cultures ?
L’intégration des migrants signifie implicitement entrer en contact voire échanger culturellement avec les pays d’accueil, en l’occurrence européens, chose pas toujours aisée car cela fait appel à des réactions personnelles mais également à des données de l’actualité sociale et politique nationale et internationale. Qu’elles soient réelles ou artificielles, les différences culturelles ressortent inévitablement, et peut-‐être de manière encore plus exacerbée, dans le contexte de la crise migratoire actuelle. Dès lors, le but de cette partie était de mettre le doigt sur quelques éléments susceptibles de créer la discorde parmi les cultures – la femme, la langue, l’étranger – mais qui dans certains cas, réussissent à produire l’effet inverse et à les faire dialoguer. C’est cette approche qui a été privilégiée lors des présentations des deux intervenants, Jenaro Talens et Morena La Barba, discutées par Charles Méla.
Il y a ainsi d’abord eu l’intervention de Jenaro Talens, Professeur honoraire en Littérature comparée à l’Université de Genève. Egalement écrivain en langue espagnole et catalane, Jenaro Talens est l’auteur d’une vingtaine de livres de poésie, traduits et publiés dans plusieurs langues européennes.
Lors de sa présentation, il a insisté sur le fait qu’à la différence des Etats-‐Unis, fondés sur l’idée de « melting pot », l’Europe n’existe pas sans affirmation culturelle. En pratique, il a aussi montré la difficulté de promouvoir la culture européenne à travers les films et les réalisations audiovisuelles. En effet, beaucoup de films, réalisés en co-‐production avec une part européenne très faible, sont néanmoins considérés comme
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européens et peuvent ainsi être diffusés comme films européens.
Jenaro Talens a surtout voulu, par un exemple tiré de son expérience personnelle, montrer l’importance de la traduction dans le dialogue des cultures. Ainsi, lorsqu’il était Professeur à la Faculté des Lettres de l’Université de Genève, il a mobilisé les compétences de ses collègues pour éditer des fragments de grands auteurs (à commencer par Le Petit Prince de Saint-‐Exupéry) avec leurs traductions dans le maximum de langues possibles. Ces ouvrages ont été d’un grand succès et il se souvient de réactions très positives de gens, notamment de migrants, qui voyaient que leurs langues n’étaient pas oubliées. Car traduire, c’est faire circuler la différence. Il conclut que cela contribue à édifier une autre Europe que celle de l’économie et du droit, et qui est tout aussi indispensable, sinon plus: une Europe de la culture ayant la pluralité comme valeur.
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La touche féminine a été apportée au débat par Morena La Barba, chargée d’enseignement auprès de l’Unité de Sociologie Visuelle de l’Université de Genève. S’intéressant depuis longtemps aux questions reliées à la représentation de la migration ainsi qu’à la culture et à la citoyenneté migrante – aussi bien dans ses recherches que dans les méthodes audiovisuelles qu’elle emploie, notamment filmiques – Morena La Barba a présenté sa dernière production en date: Globlivres.
En quelques mots, Globlivres20 est une bibliothèque interculturelle publique et associative gérée par l’Association Livres sans frontières. Sise à Renens (VD), Globlivres est une réussite en terme de passerelle entre pays d’origine et pays d’accueil, un pont entre les différentes cultures, d’ici et d’ailleurs, et les langues (30'000 livres dans 280 langues), marqué d’une forte empreinte féminine, d’où son intérêt pour la thématique abordée lors de la Journée sur les migrations.
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Ces deux présentations ont fait montre, comme l’a résumé Charles Méla, de plusieurs idées qui ont enrichi le vif débat créé avec l’audience. Il y a d’abord le fait que l’altérité participe de l’identité
et de la structure de langage qui nous définit comme êtres parlants: « l’Autre est le lieu duquel notre parole s’adresse et qui nous renvoie la question de ce que, ce disant, nous désirons » affirme Charles Méla. En d’autres termes, la langue est au principe de toute culture apparue dans l’Histoire et héritière, au niveau collectif, de tout ce qui l’a précédée et de tout ce qu’elle s’est appropriée, notamment d’autres cultures. Ne pas reconnaître ni intégrer cette dimension de l’altérité, tant au niveau individuel que collectif, reviendrait à ouvrir la voie à tous les conflits.
La deuxième idée est celle que l’étranger suscite d’autant plus de haine qu’il nous renvoie – chacun d’entre nous, quelle que soit notre origine – à ce que nous ne voulons pas savoir de nous-‐mêmes, à une autre manière de nous regarder et de nous percevoir, notamment sous nos expressions les plus tristes: antisémite, homophobe, misogyne etc.. Maîtriser, dominer, posséder, l’étranger, la femme, devient alors une manière de surmonter notre angoisse la plus intime et la plus non-‐avouable, c’est la raison pour laquelle la question de la place de la femme dans nos sociétés est, comme le constate Charles Méla, « la source principale de la discorde des cultures et semble cristalliser tous les enjeux ». Des événements de l’actualité, comme la question du voile islamique dans les sociétés occidentales ou encore les faits de Cologne la nuit de Saint-‐Sylvestre 2015, appuient ces dires.
Il est dès lors d’autant plus important, conclut Charles Méla, en faisant écho aux présentations de Jenaro Talens et Morena La Barba, d’être conscient de la nécessité de développer un authentique dialogue des cultures. Plus précisément, il est indispensable, pour tout un chacun: (1) de parler la langue de l’autre et de s’exercer à la tâche de traduire, pour saisir les différences de mentalité entre les civilisations, (2) d’intégrer en nous-‐mêmes ce sens de l’altérité au cœur de notre identité, et enfin, (3) de cerner dans ce qui fait nos différences l’irréductibilité de nos modes de jouir.
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Conclusion
Cette journée de présentations et de débats sur les migrations a permis de soulever plusieurs points importants, non seulement par rapport à l’actualité de la crise migratoire que l’Europe et la Méditerranée traversent, mais aussi dans une perspective tournée vers la recherche de solutions pour l’avenir.
On a mentionné d’abord l’action des organisations internationales et des associations de la société civile, qu’elles soient internationales ou locales. Leur intervention et leur expertise du terrain soulignent la nécessité de ne pas oublier que la crise migratoire est une réalité avec laquelle il faut composer au présent, mais qu’il faudra aussi conjuguer au futur, car la migration est un phénomène qui traverse l’histoire d’hier, d’aujourd’hui et de demain.
Il convient donc de rappeler leur rôle majeur dans l’aide apportée aux populations migrantes ou réfugiées mais aussi en tant qu’acteurs principaux de la compréhension entre le local et l’ailleurs, et par extension, de la cohésion au sein des sociétés européennes de plus en plus pluri-‐culturelles et pluri-‐identitaires, où l’intégration devrait être un élément à part entière des politiques migratoires européennes.
Ces dernières, comme nous l’avons vu, font encore défaut dans cette Europe qui se découvre divisée, renfermée sur elle-‐même face à l’Autre qui lui demande de se remettre en question et de se redéfinir en tant qu’entité formée de plusieurs membres aux intérêts à la fois singuliers et communs.
Cela devrait aussi passer par la découverte et l’appropriation du « langage » (au sens large) de l’Autre, non seulement en termes de langue parlée mais surtout de normes culturelles, bases de tout dialogue entre êtres appartenant à des horizons différents. Il convient dans ce domaine de repérer les points les plus importants afin de construire une stratégie à long terme qui aille au-‐delà des seules réponses administratives ou technocratiques.
Le Geneva Hub for Democracy est une initiative du Centre Européen de la Culture, développée grâce au soutien de la Confédération suisse (DFAE). Responsable du projet: Dr François Saint-‐Ouen Assistante de recherche: Alexandrina Iremciuc.
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Notes de fin 1 Chiffres du 21 août, 2016 http://migration.iom.int/europe/ 2 Flows Report Q2–2016, http://dtmodk.iom.int/docs/Q2_Flows_Compilation_Report.pdf 3 http://migration.iom.int/europe/ 4 Europe/Mediterranean Migration Response. Situation Report 16 June 2016 http://dtmodk.iom.int/docs/Europe%20Med%20Migration%20Response_Sitrep%2023%20-‐%2016%20June.pdf 5 http://mdplatform.ch 6 http://mdplatform.ch/wordpress/wp-‐content/uploads/2015/12/mdplatform-‐Charter_2015_fr.pdf 7 www.ccsi.ch 8 www.sans-‐papiers.ch 9 http://ge.ch/grandconseil/data/texte/M02331.pdf 10
https://www.sem.admin.ch/sem/fr/home/themen/integration/foerderung/spezifisch/kip.html 11 Convention de Dublin (1990), Règlement Dublin II (2003) 12 Gestion de la crise des réfugiés: mesures opérationnelles, budgétaires et juridiques immédiates au titre de l’agenda européen en matière de migration. Communiqué de presse, Bruxelles, le 23 septembre 2015 http://europa.eu/rapid/press-‐release_IP-‐15-‐5700_fr.htm 13 Weekly Flows Compilation No. 22, 11 August 2016 http://migration.iom.int/docs/WEEKLY%20Flows%20Compilation%20No22%2011%20August%202016.pdf 14 Résolution 2109 (2016) de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, 20 avril 2016. La situation des réfugiés et des migrants selon l’accord UE-‐Turquie du 18 mars 2016. http://assembly.coe.int/nw/xml/XRef/Xref-‐XML2HTML-‐en.asp?fileid=22738&lang=en 15 Décision de la Cour européenne des droits de l’homme, N.D. and N.T. v. Espagne, Application Nos. 8675/15 and 8697/15. http://www.ohchr.org/Documents/Issues/Migration/ThirdPartyIntervention.pdf 16 François Saint-‐Ouen, Alexandrina Iremciuc « La démocratie en Europe face au défi migratoire », Policy paper no.3, 12 avril 2016 17 http://eurojournalist.eu/lallemagne-‐declarera-‐le-‐kosovo-‐et-‐lalbanie-‐pays-‐dorigine-‐sur/ 18 Kosovo Remittances 2004-‐2016 19 www.fimm.ch 20 www.globlivres.ch