01.02.13 acteurs publics la chasse aux normes absurdes est ouverte

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N° 92 février 2013 Pages 84, 85 EXPERTISE—SUR LE TERRAIN La chasse aux normes absurdes est ouverte ! L'enjeu Quelque 400 000 normes entravent l'action des collectivités et les élus locaux en ont ras le bol. Après que François Hollande a promis à l'automne que toute nouvelle norme serait désormais assortie de la suppre- ssion d'une norme existante, le gouvernement vient de confier au maire du Mans, Jean-Claude Boulard (PS), et au sénateur de l'Orne Alain Lambert (MoDem) une mission d'allègement et de simplification des normes existantes. Les deux élus devront proposer, avant le 15 mars, une liste de normes à supprimer. Les rabatteurs Alain Lambert et Jean-Claude Boulard entendent s'appuyer sur des « rabatteurs » pour organiser leurs chasses. Les associations d'élus sont invités à s'exprimer sur un blog (www.missionnormes.fr) pour pointer les « normes absurdes », tel ce décret de 2011 régissant scrupuleusement la place « des merguez, des chipolatas et des saucisses de Francfort » dans les cantines scolaires. C'est ce que le maire du Mans appe- lle « l'incontinence normative ». Engrenage fatal… Des circulaires se transforment en arrêtés, des arrêtés en décrets et des décrets en lois. Tel est « l'engr- enage fatal » pointé par l'ancien ministre du Budget Alain Lambert, qui juge urgent de déclasser certains textes. Une loi relative aux bâtiments publics s'applique ainsi à tous les équipements, ceux pouvant accueillir 200 personnes comme ceux abritant 20 personnes, ce qui pénalise certaines petites co- mmunes. « Des normes s'élèvent au-dessus de leur condition », regrette Alain Lambert. L'Europe en cause La faute à l'Union européenne ? Les directives et règlements européens s'invitent allègrement dans le droit des collectivités. S'il est diffi cile de s'opposer à la Commission européenne, particulièrement sur des textes liés à la sécurité ou à la santé publique, la France ferait du zèle en traduisant trop méticuleusement certaines directives. « Il serait souvent possible de les traduire plus simplement », s'agacent Jean-Claude Boulard et Alain Lambert. Et demain ? A u - d e l à d u s t o c k d e s q u e l q u e 400 000 no rmes existantes, le gouvernement promet de réguler à l'avenir la production normative. Les sénateurs Jean-Pierre Sueur (PS) et Jacqueline Gourault (MoDem) ont rédigé une proposition de loi qui prévoit de transformer la Commission consultative d'évaluation des nor- mes en une haute autorité baptisée « Conseil national d'évaluation des normes », qui serait obligatoire- ment saisie par le gouvernement sur ses projets de loi concernant les collectivités locales. « Nous allons agir !» promet la ministre de la Réforme de l'État, Marylise Lebranchu.

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Page 1: 01.02.13 acteurs publics la chasse aux normes absurdes est ouverte

N° 92février 2013Pages 84, 85

EXPERTISE—SUR LE TERRAIN

La chasse aux normes absurdes est ouverte ! L'enjeuQuelque 400 000 normes entravent l'action des collectivités et les élus locaux en ont ras le bol. Après que François Hollande a promis à l'automne que toute nouvelle norme serait désormais assortie de la suppre-ssion d'une norme existante, le gouvernement vient de confier au maire du Mans, Jean-Claude Boulard (PS), et au sénateur de l'Orne Alain Lambert (MoDem) une mission d'allègement et de simplification des normes existantes. Les deux élus devront proposer, avant le 15 mars, une liste de normes à supprimer.

Les rabatteurs

Alain Lambert et Jean-Claude Boulard entendent s'appuyer sur des « rabatteurs » pour organiser leurs chasses. Les associations d'élus sont invités à s'exprimer sur un blog (www.missionnormes.fr) pour pointer les « normes absurdes », tel ce décret de 2011 régissant scrupuleusement la place « des merguez, des chipolatas et des saucisses de Francfort » dans les cantines scolaires. C'est ce que le maire du Mans appe-lle « l'incontinence normative ».

Engrenage fatal…Des circulaires se transforment en arrêtés, des arrêtés en décrets et des décrets en lois. Tel est « l'engr-enage fatal » pointé par l'ancien ministre du Budget Alain Lambert, qui juge urgent de déclasser certains textes. Une loi relative aux bâtiments publics s'applique ainsi à tous les équipements, ceux pouvant accueillir 200 personnes comme ceux abritant 20 personnes, ce qui pénalise certaines petites co-mmunes. « Des normes s'élèvent au-dessus de leur condition », regrette Alain Lambert.L'Europe en causeLa faute à l'Union européenne ? Les directives et règle  ments européens s'invitent allègrement dans le droit des collectivités. S'il est diffi cile de s'opposer à la Commission européenne, particulièrement sur des textes liés à la sécurité ou à la santé publique, la France ferait du zèle en traduisant trop méticuleusement certaines directives. « Il serait souvent possible de les traduire plus simplement », s'agacent Jean-Claude Boulard et Alain Lambert.Et demain ? A u - d e l à d u s t o c k d e s q u e l q u e 400 000 no rmes existantes, le gouvernement promet de réguler à l'avenir la production normative. Les sénateurs Jean-Pierre Sueur (PS) et Jacqueline Gourault (MoDem) ont rédigé une proposition de loi qui prévoit de transformer la Commission consultative d'évaluation des nor-mes en une haute autorité baptisée « Conseil national d'évaluation des normes », qui serait obligatoire-ment saisie par le gouvernement sur ses projets de loi concernant les collectivités locales. « Nous allons agir !  » promet la ministre de la Réforme de l'État, Marylise Lebranchu.