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SOMMAIRE

Guillaume Postel, Theodore Bibliander et Ie Protevangile de

Jacques. ntroduction historique, edition et traduction fran-

~aisedu MS. Londres, British Library, Sloane 1411,260r-267r,

Irena BACKUS

7

L' Evangileseton es Hebreux, ourcede l'Evangile de Luc,

Christian-Bernard AMPHOUX

67

QueUe etait la langue origineUe du pseudepigrapheconserve

en corte sous e titre de Paralipomenes e Jeremieet en arabe

sous e titre de Captivite des ils d'Israel Ii Babylone ?

Rene-GeorgesCOQUIN

79

Deux homeies de Paquesen anglaisancien,

RobertFAERBER ,

93

Apocrypha, Culture Medium and Development ofDoctrine.

Some Facts in Quest of a Terminology,

MartinMcNAMARA

127

Deux home ies pseudo-chrysostomiennes our la fete mariale

du 15 aout,

BernardOU1TlER

The Genre of the Acts of Andrew,

DavidW.PAO

179

Verites et contre-verites : la vie de Mani seton es Acta Arche-

[ai,

Madeleine SCOPELLO.

203

Pour une comprehension de la signification apocryphe dans

Ie continent scripturaire ,

IsabelleULLERN-WEITE

235

The Miracles of Jesus: An Ethiopian Apocryphal Gospel,

WitoldWITAKc.WSKI

279

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APOCRYPHA

Fondee en 199

I

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APOCRYPHA

Revue Internationale des Litteratures Apocryphes

International Journal of Apocryphal Literatures

Secretaire de redaction

S. C. MIMOUNI

Comite de redaction.

P. GEOLTRAIN, R. GOUNELLE, E. JUNOD,

J -C. PICARD

Comite scientifique

B. BOUVIER, F. BOVON, J.-D. DUBOIS, Z. IZYDORCZYK,

S. JONES,A. LE BOULLUEC, J.-N. PERES,M. STAROWIEYSKI

Revue publiee avec Ie concours scientifique

de l Association pour l etude de la litterature apocryphe chretienne

(A.B.LA.C.)

et de la Societe pour l etude de la litterature apocryphe chretienne

(S.B.LA.C.)

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La Societepour l etude de la litterature apocryphe chre-

rienne, voulant assurer au Secretare de redaction de la

Revue une pleine liberte scientifique, declare qu elle

n acceptepas la responsabilitedes articles et qu elle la laisse

entierementaux auteurs.

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 R POLS

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@ 1995 Brepols

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electronic, mechanical, recording, or otherwise,

without the prior permission of the publisher.

Depot legal: 4 trimestre 1995

D/1995/0095/52

Imprime en Belgique

ISSN 1155-3316

ISBN 2-503-50399-3

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7

Irena BACKUS

Universitede Geneve

GUILLAUME POSTEL,

THEODORE BIBLIANDER ET LE

 PROTEV ANGILE DE JACQUES

INTRODUCflON HISTORIQUE, EDITION ET TRADUCflON

FRAN(:AISE DU MS. LoNDRES, BRITISH LIBRARY, SLOANE

1411,260r-267r

MS. Sloane 1411, held by the British Library in London, includes

among other Postelliana, the autograph of Postel'sLatin translation of he

Proteuangelion Jacobi, dated 1551 as well as the autograph copy of the

Greek text,copied by Postel n 1553. The Greek text,on closer inspection,

turns out to be the text Fa, consideredby Tischendorf,and later by Stryc-

ker; as completely independent of Postel's Greek prototype. The Latin

translation in MS. Sloane represents he primitive stageof the translation

published later (1552) by Bibliander who amended it considerably,

although not having a Greek text at his disposal. t is the Latin translation

of 1551 which we edit here with Bibliander's amendments n the orm of

variants. Modern editors of the Proteuangelion should henceforth work

from Postel'sprimitive Latin translation, not rom Biblianders published

version. Moreover; it is obvious that the Greek text Fa constituted one of

the two originals used by Postel or his Latin translation. His other origi-

nal (which we have called provisionally Pos.lat.) is no longer extant.Final-

ly, it appears that Postel's discovery of the Proteuangelion as well as its

publication by Bibliander constitutean important contribution to 16th cen-

tury discussions on the Biblical canon, which, it would seem, emained

uninfluenced by confessionaldifferences.

Le MS. Sloane1411 detenupar la British Library a Londres renferme

l'autographede la traduction Larine e Posteldu Protevangile aite en 1551

ainsi que le textegrec recopiepar lui en1553. Suitea un examen detaille,

le texte grec s'avereetrt; le texteFa, que Tischendorfpuis Strycker consi-

dererent comme tout a fait independant du prototype grec de Postel. La

traduction Larinequant a elle represente'etat primitif de a traduction, edi-

teepar les soins de Bibliander en1552. Nous editons ci le texte de la tra-

duction Larinede Postel d'apres le MS. Sloane 1411, en notant les rema-

Apocrypha ,1995, . 7-65

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8

I. BACKUS

niementsde Bibliander SOlIsorme de variantes.Les editeursmodernesdu

Protevangile doivent donc tenir compte desormaisde la traduction latine

de Postel telle que nous l'editons ici. Par ailleurs, on sail maintenant que

Ie texteFa est 'un desdeux originaux dont seservit Postelpour sa traduc-

tion, puisqu'il en disposait avant d'en faire la copie qui se trouve dans e

MS. Sloane1411. Lesecondoriginal de Postel (que nous avonsappelePos.

lat.) demeure nconnu. Enfin, commenous e montrons, a decouverte ar

Postel du Protevangile, ainsi que sa publication par Bibliander, constitue

un chapitre important de la discussionsur Ie canon, et ceci independam-

ment de tout differend confessionnel.

INTRODUCTION HISTORIQUE A

L'EDITION DU MANUSCRIT LONDRES,

BRITISH LIBRARY, SLOANE 1411

(260r .-267r.)

Par cette introduction, nous esperons apporter quelques ele-

ments nouveaux a noire etat de connaissances u texte grec utili-

se par Guillaume Postellors de ses ravaux sur Ie fecit qu'il bap-

tisa lui-meme ProteuangelionJacobi. Nous allons egalementexa-

miner de plus pres a traduction latine de Posteleffectuee en 1551,

editee avecdes remaniementspar Theodore Bibliander en 15521,

et editee ici pour la premiere fois d'apres l'autographe de Postel.

Entin, nous tenterons de decrire la maniere doni Postel et Biblian-

der re ,urent respectivement Ie Protevangile, a lecture qu'ils en

firent, et la place qu'ils lui accorderent, l'un et I'autre, dans Ie

canon du Nouveau Testament.

1. Proteuangelion siue de natalibus Iesu Christi et ips us matris Virgin is

Mariae sermo historicus diui Iacobi minoris, consobrini et ratris Domini

Iesu, apostoli primarii et episcopi Christianorum primi Hierosolymis.

Euangelica historia,quam scripsit beatusMarcus,Petri apostolorumprin-

cipis discipulus et ilius, primus episcopusAlexandriae. Vita Ioannis Marci

euangelistae, ollecta exprobatioribus autoribus per TheodorumBiblian-

drum. Indices rerum ac verborum, quae vicem commentarii implent,

concinnati per eundem. Basileae (Ioh. Oporinus), 1552. Ci-apres:

BIBLIANDER, roteuangelion,1552.

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UILLAUME POSTEL

Etat des travaux sur Ie texte grec de Postel

Dans son edition critique du Protevangile parue en 1961,

Emile de Strycker2, a la suite de Fabricius3, Tischendorf4 et

Amann5 (pour n'evoquer que les specialistes es plus eminents),

affirme ce qui suit au sujet du texte grec (et de la traduction lati-

ne) de Guillaume Postel:

Quand au COUTSe l'hiver 1549-50, l'humaniste fran~ais

Guillaume Postel rentra d'un voyage d'etudes d'un an et demi

a Jerusalemet a Constantinople, il rapportait dans sesbagages

Ie texte d'un ouvrage grec inconnu en Occident, mais extre-

mement repandu dans l'Orient chretien. II en fit une traduc-

tion latine que Theodore Bibliander publia en 1552, a Bale,

chez Jean Oporin, sous e titre de Protevangile,Testeusuel us-

qu'a nos ours. On ne sail ce qu'est devenu 'exemplaire grec

de Postel mais il y a peu de chancesque ce ffit un manuscrit

grec proprement dit: Ie Protevangile est une oeuvre qui se

trouve presque toujours dans les menologes, recueils litur-

giques de lectures pour les fetes du sanctoral, disposes selon

l'ordre du calendrier. II nous parait probable que Postel n'a

pas acquis un tel menologe, mais qu'il a simplement transcrit

ou fait transcrire a sonusage e seul exte qui l'interessait, celui

qu'on lisait habituellement a la fete de la Nativite de la Vier-

ge, Ie 8 septembre. II n'y a rien d'etonnant a ce qu'une telle

copie ail disparu a la mort de son proprietaire avec e Testede

sesnotes personnelles6.

Et Strycker de poursuivre en expliquant que ce fut douze aDS

apres la parution de la version latine, soit en 1564,que Michael

Neander 6dita Ie texte grec du Protevangile, d'apres des sources

manuscrites au moins en partie diff6rentes en y joignant la tra-

2. La forme la plus anciennedu Protevangilede Jacques.Recherches ur

Ie papyrus Bodmer 5 avecune edition critique du textegrec et une traduc-

tion annotee par Emile DE STRYCKER,.J. En appendice.. es versions

armeniennes raduites en latin par Hans QUECKE,S.J.,Societe des Bol-

landistes, Bruxelles, 1961 (Subsidia Hagiographica, no. 33), 3ss. Cite

ci-apres comme STRYCKER.

3. JohannesAlbertus FABRICIUS, odex apocryphusNovi Testamenti,. I,

Hamburgi, 1703,16-125.Nous nollS eferons ici a la deuxieme edition de

cet ouvrage: t. I, Hamburgi, 1719,39-126. Ci-apres FABRICIUS,719.

4. Constantinus DE TISCHENDORF,uangelia apocrypha, Lipsiae, 1853,

1-48. Ci-apres TISCHENDORF,853.

S. Le Protevangile de Jacques et ses remaniements atins. Introduction,

textes,raduction et commentaire ar Emile AMANN,Paris,1910 (Les Apo-

cryphes du Nouveau Testament ublies SOilSa direction de J. BOUSQUET

et E. AMANN). Ci-apres: AMANN.

6.STRYCKER..

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10

I. BACKUS

duction de Poster. Notons encore que Ie meme texte grec et la

meme version atine seront repris en 1569par Johann Jakob Gry-

naeus dans son vaste n-folio des Monumenta sanctorum Patrum

orthodoxographa8,et en 1703 par Fabricius dans son Codex apo-

cryphus. Ce dernier ajoute en italiques les phrases qui se lisent

dans Ie grec mais qui manquent dans a traduction latine; il met

entre parentheses es phrases qui se lisent chez Postel mais non

pas dans e grec9.Frappe par la difference entre Ie grec et Ie latin,

Fabricius ajoute encore un commentaire signalant des variantes

de la tradition indirecte.

En ce qui concerne l identification du texte grec de Postel, ni

Smid, qui publia son Protevangelium Jacobi. A Commentaryen

1965, ni Schneemelcherdans a cinquieme edition de sesNeutes-

tamentlicheApokryphen n avancent la moindre hypothese nou-

vellelO.

Intimement persuade du fait que la traduction latine de Postel

a comme base un texte grec autre que celui qui fut imprime par

Neander en 1564,Strycker, dans son edition, range la traduction

de Postel (Pos) dans Ie groupe des testes raditionis obliquae

(SBILMR Pos), qui se caracterise par de nombreuses e~ons se

detachant clairement du reste de la tradition et n ayant aucun

temoin anciencomme appui (Strycker en donne la liste aux pages

341-345). La recension du groupe remonterait selon lui au VIe

7. En appendice a son edition de la Catechesis Martini Lutheri parua grae-

co-latina, Basileae, 1564. Sur Michael Neander (Neumann), maitre d eco-

Ie, humaniste, ct. Hermann HEINECK,Aus dem Leben Michael Neanders,

Nordhausen, 1925. Voici Ie titre complet de son recueil d apocryphes de

1564: Apocrypha, hoc est, Narrationes de Christo, Maria, Joseph, cogna-

tione et amilia Christi extra Biblia, apud veteres ramen Graecos scriptores

patres, historicos et philologos reperta (inserto etiam Proteuangelio Jaco-

bi Graece, in Oriente nuper reperto, necdum edito hactenus) ex Oraculo-

rum ac Sibyllarum vocibus, gentium etiam testimoniis, denique multorum

veterum autorum libris descripta, exposita et edita graecolatine a Michae-

Ie Neandro Sorauiense... Basileae (1564). Nous nons fondons ici sur la

reimpression de 1567.

8. Quelques renseignements sur Ie recueil de Grynaeus dans: Frank HIE-

RONYMUS,Griechischer Geist aus Basler Pressen, Bale, 1993, no. 439. II

s agit de Johann Jakob Grynaeus (1540-1617), originaire de Berne, pro-

fesseur d Ancien, puis de Nouveau Testament a Bale, excellent hellenis-

te, qui devait devenir l un des fondateurs de l orthodoxie reformee a Bale.

Ct. HIERONYMUS,no. 434.

9. Ct. FABRICIUS,1719, 66--67.

10. H. R. SMID, Protevangelium Jacobi. A Commentary, Assen, 1965; W.

SCHNEEMELCHER,Neutestamentliche Apokryphen, 5. Auflage, Bd. I,

Evangelien, Tubingen, 1987,335-349.

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GUILLAUME POSTEL

siecle, e papyrus Bodmer 5, basede son edition, remontant quant

a lui au IIIe siecle.

Le texte grecde Neander/Fabricius, toujours d'apres Strycker,

n'appartient pas au groupe des testes raditionis obliquae. Visi-

blement mal a l'aise devant l'edition Neander/Fabricius (Fa),

Strycker constate que celle-<:i s'accorde avec e groupe pour plu-

sieursvariantes specifiques"mills que res rencontres soot res irre-

gulieres. De plus, note Strycker, "Fa contient de nombreuses

le~onsaberrantes, dont une bonne part seront mputables a l'edi-

teur", ce qui l'amene a formuler la conclusion suivante: "Ie texte

de Fa est eclectique et combine ceux d'au moins deux, plus pro-

bablement de trois ou quatre manuscrits, soit que Neander ait eu

plusieurs exemplairesa sa disposition, soit que sonmodele unique

ait deja integre des donnees provenant de sourcesdiverses"ll.

Le depouillement que Strycker effectua du grand ouvrage d' Al-

bert Ehrhard, Oberlieferung und Bestand der homiletischen und

hagiographischen Literatur der griechischen Kirche van den

Anfiingen his zum Ende des 16. Jhdts (I. Teil, Bd. I-III 2, 1-2,

Leipzig, 1936-52)12, e changea TieD, emble-t-il, a son hypothe-

se de base, a savoir que la traduction latine de Postel (Pos) faite

d'apres un original inconnu (proven ant selon toute probabilite

d'un menologe), et Ie texte grec que Neander mprima en vis-a-vis

de la traduction de Postel constituent deux temoins independants

l'un de l'autre.

11. Ct. STRYCKER,41-349, et specialement349.

U. Ct. Emile DE STRYCKER,Die griechischenHandschriften des Prote-

vangeliumsJacobi" in: D. HARLFlNGERg., GriechischeKodikologie und

Textuberlieferung, Darmstadt, 1980,577-612. Strycker y affirme (607):

"versio latina Gulielmi Postelli (Basileae, 1552) facta est e codice ad

manipulum 5.1.2 pertinenti. Ad editionem textus Graeci principem

Michael Neander (1564)vsus estexemplari e manipulo 3.4.2.2."Le grou-

pe 5.1.2 est considere par Strycker camille appartenant a la "Familia

Constantinopolitana" des manuscrits grecs (ibid., 604), representee

notamment par Ie MS. Vat. gr. 794 t. 71-81 (12esiecle). Le groupe 3.4.2.2

appartient (ibid., 599) a la "Familia Macedonica", dont Ie temoin Ie plus

ancien, Athon. Philotheos 83 ft. 162v.-175,date du 15esiecle. Les dos-

siersde Strycker, auxquels 'ai pu avoir acresgrace a l'amabilite de Mes-

sieurs Jean-Daniel Kaestli et Albert Frey de l' nstitut des sciences

bibliques a l'Universite de Lausanne,ne foumissent pas de donneessup-

plementaires sur Ie ou les modeles grecsde Postel, ni sur a traduction de

celui-ci.

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12

I. BACKUS

Le MS. Sloane1411

Or, la situation semble plus compliquee. Le MS. Sloane 1411 de

la British Library a Londres est un recueil de pieces de Postel

(dont certaines sont autographes) qui semble avoir echappe jus-

qu'a maintenant a l'attention tant des specialistes de Poster3 que

de ceux du Proteuangelion. Le manuscrit renferme notamment

quatre pieces autographes qui jettent line lumiere sur I' original de

Postel aussi bien que sur sa traduction latine. II s'agit des textes

suivants :

1) 253r.-259r. Titre: ' I aKw[3ov TOU aoEA</>o6EOV a1TouT6AOV ap-

XlE1TlUK61TOV LEpooOA~OV A6'Y0S 1TEpt TflS 'YEVEUEU>S' flS iJrrE-

pa'YlaS &U1TOlVllS 1')~WV 6EOT6KOV [sic].

inc. 'Ev TaLS LuToplalS TWV &{)&Ka </>VAWV TOU 11lA.

des. 86~a Kat TO KpaTOS ELS TOOO aLwvaS TWV aLWVWV,

a~-f)v.

2) 26Or.-267r.Titre en italien, barre La natiuita della glorio-

sa virgine Maria, et in generali modo de essanaesceJesunos-

tro saluatore, scritta per SanJacomo, ratello del signor, et del

volume Greco di SymeoneMetafraste cioe expositor della vita

de santi tradotta di Greco , remplace en marge par Ie titre en

latin Patris nostri Jacobi fratris domini sermo historicus de

natiuitate Deiparae .

inc. In historiis 12 tribuum Israel.

des. Cui gloria et fortitudo cum eterno patTe et bono viuifi-

coque Spiritu sancto nunc et semper et in secula seculorum.

Amen.

3) 267r.-271r.Titre Comelii centurionis actus et consumma-

tio .

inc. Post salutarem verbi super terram peregrinationem.

des. Et omnibus respondentibus amen spiritum bilans vocan-

ti tradidit [sic].

13. Franc;:ois ECRET,ui avait pourtant consulte e MS. Sloane 1411,affir-

mait en 1960: Si nous possedons e manuscrit original du Zohar, il ne

semble pas que l'original du Proteuangelionait ete conserve Notes sur

Postel in: Bibliotheque d'Humanisme et Renaissance, 2 (1960), 381).

Dix ans plus tard, Secret recensait e contenu du MS. Sloane 1411 sans

en tiler de conclusion. Ct. Franc;:ois ECRET,ibliographie desmanuscrits

de Guillaume Postel, Geneve, 1970 (Etudes de philologie et d'histoire,

t. 16), 112-121, et specialement 115. Secret se contente d'y relever les

titres sans aucun commentaire, et sans es incipit ni les desinit.

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14 I. BACKUS

Moi, Guillaume Postel, Ie restitue16,atteste solennellement

devant es disciplesde l'Eglise occidentale ou romaine que j'ai

transcrit ce qui precede d'un tres ancien codex de Constanti.

nople, deux aDS pres l'avoir traduit a Venise et apres l'avoir

appele Protevangile . Lorsque je cherchaisa savoir en toute

bonne foi de quelle autorite jouissait ce fecit, les archeveques

qui assistent e patriarche me repondirent en disant qu'il avait

exactement Ie meme poids et la meme autorite que tOllS es

ecrits sacres,car bien qu'il ne fassepas partie du canon, nean-

moins il est approuve par un consensus acite, et semble etre

des plus authentiques du fait que l'Eglise, toujours assidue

dans son recensementdes ecrits inauthentiques, ne l'a jamais

range au nombre des apocryphes.

Cela est confirme par Ie fait que, d'apres a tradition, la plus

grande partie du fecIt est parfaitement orthodoxe. En effet, il

ne contient rien de subversif, a condition d'etre lu a l'aide de

mes notes, qui expliquent tout ce qui pourrait paraitre inco-

herent.

Ajoutons encore que ce Protevangile ne contredit en rien Ie

fecit d'Hippolyte que l'on a l'habitude de joindre aux recits

evangeliquespour clarifier la genealogie du Christ. On trouve

Ie texte du fecit d'Hippolyte dans un tres anciencodex qui est

entre les mains de Nicolao Crasso. C'est ce que j'ai ecrit dans

ma traduction latine, qu'Oporin edita a Bale sans pourtant y

joindre mes annotations, choseque e deplore1?

16. C'est en 1547que Postel aurait ressenti en ui-meme la mort du vieil

homme et la renaissance une nouvelle nature. Ct. I. BACKUS, e miracle

de Laon. Le deraisonnable, e raisonnable, 'apocalyptique et e politique

dans es ecits du miracle de Laon (1566-78),Paris, 1994 De Petrarque i

Descartes,. 58), 32-37, et la litterature qui y est citee.

17. MS Sloane 1411,259r.-v.: Ego Gulielmus Postellusrestitutus fidem

facio ecclesiae occiduae siue Romanae alumnis, quod ex vetustissimo

codice Constantinopoli hoc transcripsi biennia postquam verteram et

nomine Proteuangelii inscripseram Venetiis, et summa fide quaerens n

quanam authoritate haberetur haec historia, est mihi ab illis primariis

archiepiscopis qui patriarchae assistunt esponsum, n eadem ide indu-

bitata in qua et sacra habentur conseruari et credi, licet non sit inter sacci

Canonis libros numeratum, sed tacito consensu ta approbatum, vt licet

non fuerit ascriptum canonicis, ex hoc videtur probatissimae fidei, quod

nunquam inter Apocrypha, quorum censendorum studiosissima fuit

ecclesia,numeratum. Confirmat illud quod traditione simplici maxima

pars huius historiae estreceptissima et nulla reprobata, modo secundum

adnotationes nostras considerentur quae videntur essediuersa. Adde

quod Historiae ex Hippolyto desumptae et Euangelio addi veluti ad cla-

ritatem genealogiae Christi solitae, cuius contextus in vetustissimo codi-

ce,penes Nicolaum Crassumest,hoc Proteuangelium Christi concordat.

Sic enim inscripsi in Latina versione quam Basileae edidit Oporinus, cui

multum doleD detractas essemeas adnotationes . Pour ce qui est de la

mention d'Hippolyte il pourrait bien s'agir d'Hippolyte de Thebes,auteur

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16

I. BACKUS

catholiques que des protestants. Sansdoute mettait-on deja en

cause 'authenticite du Proteuangelion. C'est donc en aout 1553,

loTsde son sejour a Venise, qu'il en recopia Ie texte grec, Oporin

en ayant imprime la traduction latine en 1552grace au travail de

Bibliander.

Mais la question de savoir si Ie texte que Postel recopia en 1553

etait bel et bien celui doni il s'etait servi pour sa traduction deux

ans plus tot Teste entiere. Par ailleurs, comment faut-il com-

prendre la premiere phrase de la note de Postel: fidem facio

quod ex vetustissimocodice Constantinopoli hoc transcripsi bien-

nio postquam verteram et nomine Proteuangelii inscripseram

Venetiis vu que ce n'est pas a Constantinople qu'il retourna en

1553,mais a Venise, oil se trouvait manifestement son original?

Deux reponses sont possibles : so t il taut comprendre codice

Constantinopoli au gensde codice Constantinopolitano (ou

 codice Constantinopoli reperto ) soit il taut considererque Pos-

tel ment deliberement et invente un voyage a Constantinople qui

aurait eu lieu en 1553, cela pour rendre son texte encore plus

authentique. Le ton hyperbolique de la note dans son ensemble

rend celle-ci quelque peu suspecte.Toutefois, leg dates donnees

(1551 et 1553)correspondent parfaitement aux deux sejoursveni-

tiens de Postel et a la date de la partition de la version latine du

Proteuangelion (1552).

Quoi qu'il en soit, nous pouvons affirmer que l'on connait

desormais 'origine du texte grec mprime par Neander en 1564 et

1567. Quant a l'hypothese selon aquelle ce texte aurait servi de

base a la version de Postel, nous allons la mettre a l'epreuve en

posant rois questions.D'abord: la version atine de Postelest-elle

assezitterale pour nous permettre de reconstituer Ie texte grec?

Ensuite : dans quelle mesure egremaniementsde Bibliander peu-

vent-jig induire en erreur si l'on ne tente de reconstituer Ie pro-

totype grec de Postel que d'apres l'edition de 1552, sans tenir

compte du manuscrit? Troisiemement, la version manuscrite de

Postelporte-t-elle trace des convictions theologiques de celui-ci,

element susceptible de fausser toute hypothese emise sur le(s)

prototype(s) grec(s)?

Pent-on reconstitner Ie texte glee de Postel d'apres sa

version latine?

En creant un prototype grec Pos, Strycker degageaun certain

nombre de caracteristiques qui Ie distinguaient du texte Nean-

der/Fabricius (Fa). L'une des particularites qui avaient frappe

Strycker est e passage e la premiere a la troisieme personnedans

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17

UILLAUME POSTEL

Ie cas de la vision de Joseph et des phrases suivantes, qui serait dft

au desir du recenseur d'uniformiser Ie mouvement du recit22. II

s'agit des lignes 37a (1-20) dansl'edition de Strycker (PJ 18,2).

Celui-ci considere que l'original de Postel, comme l'ensemble du

groupe des testes traditionis obliquae23 (compose en grande par-

tie des versions en langues orientales, relativement tardives) lisait

 ,J5 8E lTEPlElTUTEl' w<JT]<j>Joseph se promenait) au debut de ce

passage. Toujours d'apres Strycker, tollS les autres temoins, y com-

pris Ie texte de Neander/Fabricius, ont la premiere personne au

debut du meme passage: 'E'YW 8E' 1w<JT]<j>TEPlElTUTOUVor, moi,

Joseph,je me promenais). Or, letexte de Neander (1567, 380) et

de Fabricius (106-107) lit, comme Ie note ce dernier 24, E'YWBE

(AE'YEl I w<JT]<j»TEpllTaTWV"mais moi, dit Joseph, en me prome-

nant"). On trouve Ia meme le~on dans Ie MS. Sloane 1411 (257r.).

Etant donne l'introduction indirecte de la troisieme personne par

la phrase AE'YEl I wm']<j>ans I' original grec, il est tout a fait legi-

time de soup~onner que la traduction de Postel "cum autem

obambularet Ioseph" est tout simplement une paraphrase du texte

Fa. Ayant ainsi commence a raconter Ia vision de Joseph a la troi-

sieme personne, il est normal qu'il ail continue sur ce mode. Dans

ce cas, Ia modification ne representerait qu'une transition de l'ora-

tio directa veTS 'oratio obliqua.

Un probleme analogue se pose pour Ie passage Kat C:lBov

'YuvalKa KaTa~alvou{Jav (Stryckler 37a, 20; PJ 19,1), on Ie texte

renoue Ie fil interrompu par la vision de Joseph. Selon Strycker,

Ie temoin grec de Postel comporte ici une le~on a la troisieme per-

sonne. Le MS. Sloane 1411 (257\1.), tout comme Neander (1567,

380), ne connait aucune le~on autre que celIe a la premiere per-

sonne. La divergence entre grec et latin est notee par Fabricius25.

La traduction de Postel26 est toujours a la troisieme personne: "et

ecce mulier descendens a montanis ail illi". II aurait tres bien pu

paraphraser Ie texte de Fa. : "et j'ai vu une femme qui descendait

de la montagne et qui m'a dit" par "tiens, une femme descendant

de la montagne lui dit", sans autre raison que de vouloir continuer

son fecit a Ia troisieme personne.

22. STRYCKER,44-345.

23. STRYCKER,1-62, 342-345.

24 FABRICIUS, 719,106,note (b): "Gr. ego veTO,nquit Joseph,ambu-

lans suspexi n coelo". Fabricius garde a traduction de Postel (MS. Sloa-

ne 1411,264v.; Bibliander, 1552,43; Neander, 1567,381: "cum autem

obambularet Joseph").

25. FABRICIUS,719,107.

26. MS. Sloane 1411,265r.

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18

I. BACKUS

Un examen de sa traduction des lignes 37a, 13-16 (PJ 18,2) Kat

lLOOV EAaVVOI1Eva 1Tpof3aTa Kat TU 1Tp6f3aTa EOTf]KEL. Kat E1TfJpEV

() 1TOLI11']VT]V XElpa auTov TOV 1TaTa~aL alITa, Katl'J XEtp au-

TOV 'taTll avw confirme l'hypothese selon laquelle Postel n'ap-

partiendrait pas a l'ecole de traduction de verbo ad verbum. Selon

Strycker, il faudrait s'attendre ici dans l'original de Postel a la

variante Kat t8ov 1Tpof3aTa EAaVVOI1EVa ~ Kat ou 1TpoEf3aLvov

a)J.,.' '(aTaVTo27. Le MS. Sloane 1411, 257v. ne comporte aucune

variante par rapport a la le~on de Strycker que nous venons de

citer ci-dessus. II en va de meme des editions de Neander et de

Fabricius. Ce dernier (1719, p. 107) se contente de signaler par

une parenthese que la version de Postel comporte ici des elements

qui ne se trouvent pas dans Ie grec. Postel rallonge en effet la phra-

se en la traduisant par et ecce oves erant dispersae nec progre-

diebantur sed stabant (MS. Sloane 1411, 265r.), mais, ce faisant,

il n'ajoute aucune idee nouvelle; il amplifie et explicite Ie grec.

Pour Ie Teste, il n'y a aucun doute que l'orientaliste faisait par-

tie des traducteurs qui preferaient, en cas de doute, rendre un mot

grec par deux mots latins, cela pour faire ressortir toutes les

nuances de son original. Voici un exemple de ce procede. Dans Ie

cantique d' Anne (MS. Sloane 1411, 261v.; ct. Strycker, 14,2 (PJ

6,3): qaw £i>81)v;MS. Sloane 1411, 254v., Neander 1567, 364:

aLaw 4J81)V upLcy T(j) 6E(j), on lit dans la traduction de Postel can-

tabo oden laudemue domino Deo . Bibliander (30-31) elimine Ie

mot oden, ce qui donne cantabo laudem... . On trouvera bien

d'autres exemples dans notre edition (cf. mens corue , 1. 98;

 velum sell operimentum , 1.131; minister sacerdosue Dei , 1.

290-291, etc.). Etant donne la maniere de travailler de Postel, il

serait imprudent de s'aventurer dans des hypotheses concernant

son texte grec. II aurait tIes bien pu se fonder sur Ie texte Fa, du

moins en ce qui concerne la vision de Joseph.

Les remaniements e Bibliander

Comme Ie demontre noire edition, la version latine du MS.

Sloane1411 (folios 260r.- 267r., mmediatementa la suite du grec)

comporte de nombreusesdifferences par rapport a la version edi-

tee en 1552 par Bibliander. De fait, la traduction du MS. Sloane

1411 fut retravaillee par celui-ci.

Un exemple suffit a demontrer que l'edition de Bibliander ne

pent pas constituer un temoin fiable du texte grec.

27. STRYCKER,42.

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20 I. BACKUS

cus dans Ie texte latin de Postel. La difficulte de Bibliander quant

a.elle ne pent provenir que de ses tentatives de comprendre et de

dechiffrer la traduction de Postel sans la confronter avec Ie grec.

Plus precisement, Ie zurichois n'avait pas compris les mots amiav-

6ov et jauynthum , Postel ayant melange les caracteres grecs et

latins. Si Bibliander avait eu acces a.n'importe quel texte grec, il

aurait tout de suite compris de quoi il s'agissait. Par ailleurs, il

aurait certainement remarque l'absence du mot TO UlplKOVdans

la copie de Postel, comme Ie fit Fabricius quelque 150 ans plus

tard en comparant la traduction Postel/Bibliander avec l'edition

de Neander28.

Le passage que nons venons de discuter ainsi que la note de

Bibliander a. a page 35 de son edition nons amenent a. ormuler

les hypotheses de travail suivantes : Bibliander travaillait avec la

traduction de Postel telle qu'elle se trouve dans l'actuel MS. Sloa-

ne 1411 mais sans aucun texte grec. Postel, pour sa part, en reco-

piant Ie grec deux ans apres l'avoir traduit en latin, c'est-a.-dire en

1553, apres la parution de la version de Bibliander, aurait inevi-

tablement commis certaines erreurs, dont l'omission de Kat TO

UlplKOVdans Ie passage que nons venons de citer. Neander, dont

Ie texte grec contient la me-me omission, a manifestement impri-

me Ie grec d'apres Ie MS. Sloane 1411 (non sans quelques erreurs

et omissions de plus), avec la traduction latine (d'apres l'edition

de 1552) en vis-a.-vis, sans se preoccuper des divergences entre

celle-ci et l'original. Selon cette hypothese, Fa serait l'unique pro-

totype grec de Postel,

Toutefois, l'omission de la phrase Kat TO UlplKOV dans Ie MS.

Sloane 1411 et chez Neander d'une part et sa presence dans la ver-

sion de Postel d'autre part, pourrait tout aussi bien signifier que

l'original de Postel n'etait pas celui recopie par lui en 1553, ou

qu'il s'etait servi du texte recopie en conjonction avec un autre,

dont on a perdu la trace. Deux intercalations dans la version de

Postel demontrent en effet que celui-ci ne travaillait pas unique-

ment avec Ie texte grec de l'actuel MS. Sloane 1411. Notre pre-

mier exemple provient de la vision de Joseph. II s'agit de la phra-

se corrompue Et subitement toutes choses etaient de nouveau

emportees par leur cours (Strycker, 37a, 19-20; PJ 18, 2: Kat lTUV-

Ta e1']~El mO TOU8pol1ou airrwv U1T1)AawETo).a phrase manque

dans Ie texte grec du MS. Sloane 1411 (257v.) ainsi que chez Nean-

der (382). Fabricius (1719, 107) ajoute entre parentheses la tra-

duction latine de Postel d'apres Bibliander (p. 44) sed omnia sub

momento ab ipso cursu erant impulsa . Dans Ie MS. Sloane 1411,

28. FABRIOUS, 719,90.

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21

GUILLAUME POSTEL

265r., on lit: sed omnia sub momento ipso cursu erant impulsa

(id est consistebantvniuersa) . Comme Ie montre notre edition,

la parenthese ut supprimee par Bibliander, qui a en outre ajoute

la preposition ab, ce qui donne un sellS imilaire a celui de la ver-

sion de Strycker. Or, l'original de Postel devait comporter ici une

le<;ondont Ie sellSetait proche de celIe de la version georgienne

 et omnes in vno momento currebant et in admiratione retenti

sunt , relevee par Strycker.

Notre deuxieme exemple se trouve dans Ie passagequi corres-

pond aux paragraphes 11, 10-12 et 14, 1-15 de l'edition de Stryc-

kef (PJ 5, 2 et 6, 3) : Anne vient de donner naissance une petite

fille. Apres deux fois sept ours [Lev. 12,5] d'impurete, elle se

lave, donne e seina l'enfant et lui impose e nom de Marie. Le fecit

parle ensuite du developpement de l'enfant, de la fete organisee

par Anne et Joachim pour les anciensd'Israel, et de l'allaitement

d' Anne. Or, Ie fecit de Postel comprend une interpolation a cet

endroit, que l'on ne trouve ni dans Ie grec du MS. Sloane 1411,

254v., ni chez Neander. Cette interpolation a beaucoup surpris

Fabricius (1719,82) lorsqu'illa trouva dans a version de Biblian-

del, de sorte qu'illui consacreune longue note (p. 82). Ene attira

egalement 'attention de Tischendorf, qui en retrouve l'equivalent

grec dans trois manuscrits datant du XIe au XIve siecle. Voici Ie

texte de l'interpolation dans e MS. Sloane 1411,261v. PJ 6, 3);

Et reclinauit earn n lectulo sanctificationissuae.Et exiuit et

ministrabat ipsis. Completo autem conuiuio discessere aeta-

bundi et posuerunt illi nomen Mariam. Quia nomen eius non

obliterabitur depressumue rit in aeternum,et glorificauerunt

Deum Israel.

Et dans l'edition de Bibliander, 31 :

Et reclinauit earn in loco sanctificationis suae, et exiuit et

ministrabat ipsis. Cornpleto autern conuiuio discessere aeta-

bundi et posuerunt illi nomen Mariam. Quia nomen eius non

obliterabitur in aetemum. Et glorificauerunt Deurn Israel.

Fabricius note a juste titre que ce passage n'appartient pas a

cette partie du fecit, Ie nom chez les Juifs etant toujours donne au

moment de la circoncision, et non pas au moment de l'ablactatio.

Strycker pour sa part remarque que Ie fecit avait deja evoque l'im-

position du nom (11, 10-12; PJ 5, 2). Notons en marge que, dans

l'interpolation des trois manuscrits grecs relevee par Tischendorf,

on lit: Kat E1TE6TlKaVvTfj ovo~a MapLa~ BLOTL,O ovo~a aiJTfJs-

ov ~apavO1']UETaL ElS- TOV alwva, jell de mots sur Map(a et

~apa(vw (faner). Ni Postel ni Bibliander n'ont su traduire Ie jell

de mots.

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22

I. BACKUS

L'interpolation en question constitue une preuve supplemen-

taire du fait que Ie texte recopie par Postel en 1553 n'est pas Ie

seul dont il se soit servi pour sa traduction du Prateuangelian.

Ainsi, la distinction etablie adis par Tischendorl et Strycker entre

Ie texte Fa et Ie texte Pas se brouille, Postel ayant deja disposedu

texte mixte Fa, ainsi que d'un autre prototype grec, perdu

depuis lors, et que nous appellerons provisoirement Pas. at.

Tendancesdoctrinales de la version de Postel

Notons d'abord que Bibliander elimina toutes les interpolations

de Postel qui auraient pu etre considerees comme tendancieuses.

II fit de meme pour sa traduction de certains termes, supprimant

notamment Ie mot clerus (pourYEpooota) et Ie rempla~nt par des

termes plus neutres, senatus ou gerusia. Pour ce qui est des inter-

polations posteliennes, la plus tendancieuse se trouve au folio 265r.

du MS. Sloane 1411 (cf. Strycker, 38,10-16; PJ 19,2). Le contex-

te en est Ie fecit de la sage femme loTSde la naissance de Jesus.

Nous Ie citons ici dans la traduction de Strycker :

[po 155-157] Et la sage-femme dit : moll ame a ete exaltee

aujourd'hui, car roes yeux ont vu des choses merveilleuses

aujourd'hui: (ils ont vu) que Ie salut est ne pour Israel . Et

aussitot la nuee commen~ a se retirer de la grotte et une gran-

de lumiere apparut dans la grotte, de sorte que les yeux ne

pouvaient (la) supporter. Et peu a peu cette lumiere se mit a

se retirer jusqu'a ce qu'apparfit un petit enfant et il vint

prendre Ie seinde sa mere Marie.

Voici Ie meme passage dans la version de Postel d'apres Ie MS.

Sloane 1411, 265r. :

...et dixit obstetrix. Magnificata est anima mea hodie quia

viderunt oculi mei stupenda. Quia salus Israeli nata est. Repen-

te autem fuit nubes in spelunca et lux magna, ita vt oculi nos-

tri non ferrent (NOTA QUOD HIC IACOBUSDE SEFATETURQUIA

FUIT SEMPERASSISTENS ARTUIMARIAE VT HAEC SCRIBERET).

Paulatimque lux sese subduxit quovsque visus est infans et

accipiebat vbera a matte ipsius Maria.

Ce passage fut remanie par Bibliander de la fa~on suivante

(1552,44) :

...et dixit obstetrix. Magnificata est anima mea hodie quia

viderunt oculi mei stupenda [om. Quia salus Israeli nata est].

Repente autem fuit nubes in spelunca et lux magna, ita vt oculi

nostri non ferrent [om. nota... scriberet]. Paulatim veto lux sese

subduxit, quovsque visus est infans et accipiebat vb era ab

ipsius matte Mariam.

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23

UILLAUME POSTEL

Ce passage presente de nombreuses difficultes en ce qui concer-

ne la relation entre la version de Postel et son texte grec d'une

part, et entre la traduction de Postel a l'etat pur et son rema-

niement par Bibliander d'autre part.

En consultant Ie texte grec du MS. Sloane 1411, 257v. (cf. Nean-

der, 1567,382; Fabricius, 1719, 109), il convient de noter les points

suivants : premierement la phrase quia salus Israeli nata est figu-

re bel et bien tant dans Ie grec du MS. Sloane 257v. que chez Nean-

der (p. 382) et chez Fabricius (p. 109) ou on lit chaque fois : Kat

OTl T~ ' I apal'J~ aWTilPla E yEVvfj~ (Fabricius, conformement a

ses habitudes, ajoute sa traduction latine en italiques : et Israeli

salus nata est). L'omission de la phrase dans Ie latin de Bibliander

(repris par Neander) serait donc tout simplement due a une dis-

traction du savant zurichois, et ne fournit aucun indice quant au

texte grec dont s'etait servi Postel.

Notons encore la phrase suivante (Cf. Strycker 38,14-16; Pl 19,

2) Kat 1Tapaxpfjfla 1i VE<j>E~TlV1TEaTEAAETOTOll a1TTl~alO1J,Kat

E</><iVl1j><;)s-lE ya EV T~ aTrrl~al(1> et aussitot la nuee commen-

~a a se retirer de la grotte et une grande lumiere apparut dans la

grotte ). D'apres Strycker, Ie prototype grec de Postel et Ie texte

grec de Fabricius omettent quelques mots entre 1i VE<j>E~Tlt

aTrrl~al(1> t condensent chacun a sa maniere les deux phrases en

une. Or, Ie texte grec derriere toutes res versions pourrait tres bien

etre celui du MS. Sloane 1411, 257v., repris par Neander (1567,

382) et ensuite par Fabricius (1719, 109): 1Tapaxpfjfla <Sf1i VE<j>E~Tl

E yEVETOj>Gy;lE ya EV T~ aTrrlAal(1> mais aussitot la nuee devint

une grande lumiere dans la grotte). Fabricius ajoute en note que

Ie grec signifie litteralement ex nube ilIa lux magna facta est .

Faut-il vraiment voir derriere la version de Postel, reprise telle

que lIe par Bibliander, une le~on autre que celIe de

Neander IFabricius? Tischendorf (1851, p. 35) reconstruit d'apres

la version de Postella le~on grecque E yEVETOVE<j>E~TlV T~

aTrrl~al(1>Kat <j>Gy;lE ya que l'on trouve egalement dans au moins

deux temoins tardifs (cf. Tischendorf, XVIII-XIX). Toutefois, la

traduction de Postel tient tout aussi bien si l'on admet qu'elle a

ete faite a partir de la le~on de Neander, sans Ie mot Kat, Postel

vallIant simplement dire mais subitement, la flute dans la grot-

te devint egalement/simultanement (= et) une grande lumiere .

Certes, fuit pour signifier devint, ainsi que et pour signifier egale-

ment ou simultanement relevent de l'usage poetique, mais, camille

nons l'avons deja remarque, Ie but de Postel n'est pas de produi-

re une version litterale. Beaucoup plus difficile a expliquer est sa

traduction de 6<j>8aAj-LoUs-uTwv par oculi nostri, que l'on trouve

egalement chez Bibliander, tandis que Ie MS. Sloane 1411, 257v.,

ainsi que Ie texte grec de Neander, comportent la le~on auTwv

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24

I. BACKUS

(leurs yeux). D'apres Strycker (156-157) et d'apres Tischendorf,

Ie texte grec de Postel comportait ici la le~n 'i]~wv,attestee ega-

lement par d'autres manuscrits. De plus, notait Strycker, Ie revi-

senTdu groupe auquel aurait appartenu Ie temoin de Postel "a

precisementeliminetoutes legpremierespersonnes"dans a vision

de Joseph qui precede notre passage cf. Strycker,157). Or, selon

DOUg,'est Postellui- me-mequi substitua nostri a auTwv.1l s'agit

la d'une modification tendancieuse,destinee a introduire sa glose

sur la presencede l'apotre Jacquesa l'accouchementde la Vier-

ge.

Trois remarques s'imposent ici. Premierement, comme nous

esperons 'avoir demontre, il taut, en examinant a traduction de

Postel/Bibliander, se metier des "faussesvariantes". Deuxieme-

ment, en ce qui conceme a question de la premiere et de la troi-

sieme personne dans la vision de Joseph, Postel aurait tres bien

pu traduire par la troisieme personne e texte "Neander" (ou Fa),

celui-ci comportant les elements tant de l'oratio directa que de

I' oralia obliqua. En outre, en substituantnostri a aiJTwv ansnotre

passage,Postel avail eu un but doctrinal bien precis, comme Ie

montre son nterpolation. La premiere personne, pour Ie cabalis-

te chretien, ne releve d'aucun souci de remettre Ie narratif dans

la bouche de Joseph29; e nostri se refere a l'apotre Jacques

lui-meme et sert a demontrer qu'il etait presenta l'accouchement

de la Vierge. L'emploi de la premiere personne rend du coup Ie

fecit non seulement authentique mais plus ancien que tOllS es

recits evangeliques reconnus comme faisant partie du canon

neo-testamentaire

Les tendances doctrinales de la version de Postel constituent

done un element important, dont il taut tenir compte lorsqu'on

s'interroge sur sesprototypes grecs.

La reception du Protevangile au XVIe siecle

Voici quelques remarques sur Ie pourquoi et Ie comment de la

reception du fecit par Postel d'une part et par Bibliander de

l'autre. Dans Ie cas de Postel, a moins de retrouver sesmargina-

lia, jadis supprimes par Bibliander et par son imprimeur, toute

conclusion ne saurait etre qu'hypothetique. Toutefois, la theolo-

gie de Postel est bien connue par ailleurs, et l'on voit bien pour-

quoi il s'interessait au Protevangile. Rappelons sa doctrine30. A

29. Ct. STRYCKER,57.

30. Pour plus de details, ct. Irena BACKUS, e miracle de Laon. Le derai-

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25

UILLAUME POSTEL

l'origine des temps, il y a l'unite divine et l'harmonie de Dieu, de

l'homme et du monde; a la fin des temps s'effectuera la reinte-

gration a l'unite totale, qui se presente ainsi comme un retour au

point premier. Accordant une importance primordiale a la valeur

symbolique des chiffres -sept et quatre notamment -Postel

divise l'histoire du monde en quatre periodes, chacune d'une

duree approximative de 1550ans: l'age de la nature (des origines

au Deluge); l'age de la loi (de MoIse a Jesus); 'age du redemp-

leur (de Jesus usque veTS e milieu du seizieme siecle). Selon sa

propre vision, Postellui-meme vit au debut de la demiere perio-

de, qui est celle de la revelation totale. Le monde corruptible est

cense durer six mille ans, chaque millenaire correspondant a un

jour de la creation. En 1547,suite a sa rencontre avec a celebre

vierge Jeanne a Venise31,Postel elabora egalement ses heories

sur la restitution dans es deux genres, masculin et feminin. Tout

comme Ie peche originel eut sa source dans Adam et Eve, ainsi a

restitution se fera par Ie deuxieme Adam (Ie Christ) qui trans-

mettra son corps, en premier lieu a la nouvelle Eve qui restitue

la nature tout comme son epoux restitue la grace . Rapprochant

ainsi la grace et la nature, Postel ne pent qu'insister sur l'impor-

lance de la presence du corps du Christ dans l'eucharistie. Par

ailleurs, l'idee de la mater mundi, la nature, l'equivalent feminin

de Dieu, revient constammentdans es ecrits de Postelapres1547.

Notons encore que, pour Postel, la restitution entrainerait la

concorde universelle et aurait pour consequencea conversion au

christianisme des Juifs et des Maures. Ce demier point constitue,

nons l'avons vu, un autre theme-cle de l'oeuvre de Postel, et Ie

motif de sesvoyages en Orient.

L'idee de la restitution dans es deux genres mplique une valo-

risation de la femme- vierge anonyme, celle capable de restituer

ce qu'avait detruit Eve par sa camalite32.Toujours en 1547,Pos-

tel redigea Ie De natiuitate Mediatoris vltima qu'il dedia aux Peres

du Concile de Trente, alors transfere a Bologne. II y expose es

quatre naissancesdu Christ: dans a generation etemelle au sein

du Pere; dans l'union du Verbe etemel avec Ie premier Esprit;

dans l'lncamation; dans l'eucharistie. C'est a la troisieme nais-

sance,soil loTsde l'lncamation, que commence a restitution dans

les deux genres. C'est precisement la vierge Marie qui devient

alors la prefiguration de la nouvelle Eve, celle qui amorce a res-

sonnable, e raisonnable, 'apocalyptique et e politique dans es recits du

miracle de Laon (1566-78) (Paris, 1994,De Petrarquea Descartes,. 58),

p. 25-46, et la litterature qui y est citee.

31. Ct. BACKUS, e miracle de Laon, 36s. WEILL, 72-81-

32. Ct. WEILL,80.

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I. BACKUS

titution de la nature en donnant naissanceau nouvel Adam, tout

en restant vierge.

II ne restait qu'a trouver un ecrit biblique qui accordata la nais-

sancede la vierge autant d'importance qu'a celIe du Sauveur.Le

Protevangilede Jacques, ui valorise es deux evenementsplus que

n'importe quel fecit canonique, faisait admirablement l'affaire,

comme Ie demontre Ie titre en italien (barre) que l'on trouve en

tete de la version de Posteldans e MS. Sloane: La nativita della

gloriosa virgine Maria, et in generali modo de essanaesce Jesu

nostro saluatore . II est vrai que Ie titre grec ne faisait etat que de

la nativite de Marie, mais celle-ci devait etre la plus importante

pour Postel, vu la grande quantite de recits canoniquesconsacres

a la nativite du Christ. Quand on considereen outre que pour Pos-

tella restitution universelle devait passer par la conversion des

Juifs, Ie Protevangiledevient selon son point de vue Ie texte Ie plus

susceptible d'effectuer cette conversion. Les Juifs peuvent ire la

preuve de la naissance irginale du Christ dans e passageoil l'on

voit Marie subir avecsuccese test de l'eau de malediction, confor-

mement a la loi mosaique exposee en Nombres 533.Ce dernier

point figure d'ailleurs dans 'introduction de Bibliander, qui decla-

re l'avoir appris par l'adresse de Postel ala republique venitien-

fie. Voici Ie passageen question dans a censura de Bibliander :

Postel ecrit ce qui suit dans e discoursoil it dedie sonoeuvre

[= la traduction du Protevangile] ala republique venitienne:

 voila pourquoi l'Evangile dont DOllSDOllS ommesservis us-

qu'a maintenant ne peut (comme il devrait) etre tenu en esti-

me par les Juifs en particulier. IIlui manque cette base que

j'offre maintenant au monde, en ton nom, a savoir Ie fecit de

Jacques sur la naissance du Sauveur et de sa mere, la vierge

Marie, naissancequi fut approuvee publiquement par l'Eglise

juive . Et, parmi les raisons qu'il donne, Postel nsiste sur Ie

fait que les chefs du peuple juif en examinant Ie ventre de la

vierge Marie, femme de Joseph, a soumirent au test de l'eau

de malediction, conformement a ce qui est ecrit en Nombres

5,11-31 par Moise34.

33. Ct. STRYCKER, 1-35.

34. BIBLIANDER, Proteuangelion, 1552, 14-15: Et in sermone quo rei-

publicae Venetae opus dedicat, ita scribit : 'quod autem Euangelium, quo

ad hanc diem vtimur nunquam possit vt debet, ac necesse est, potissimum

apud Iudaeos, esse in precio sine hac, quam tuo nomine mundo offero

basi, Iacobi historia de Saluatoris et eius matris Virginis Mariae incuna-

bulis, fide publica munitis in corpore ecclesiae Iudaicae, his rationibus

clarum erit'. Inter alias autem rationes Postellus perpendit examussim,

quod Iudaei ei populi principes in explorando foetu Mariae, vir~s spon-

sae Josephi, adhibuerint aquas redargutionis, de quibus capite 5. Nume-

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UILLAUME POSTEL

Et Bibliander de preciser encore que l'orientaliste fran~ais

considere e Proteuangelion omme a basede tous leg ecits evan-

geliques et comme Ie debut de I' Evangile de Marc35.

Theodore Bibliander (c. 1504-64), successeur de Zwingli

comme professeur d' Ancien Testament a Zurich, partageait,

comme on Ie gait,quelques-unesdesconvictionsde Postel,notam-

ment celles sur l'hebreu comme Ursprache et celles sur la

concorde universelle qui passeraitpar la conversionpacifique des

Juifs et des Musulmans. C'est dans cette optique qu'il taut situer

son edition latine du Coran, parae en 154336. outefois, il etait

beaucoupplus modere que Postel, sanscompter qu'a la differen-

ce de ce dernier, il etait protestant et ne s'interessait donc ni au

cote feminin de la restitution de toutes choses ni aux questions

liees a la virginite. Deux preoccupations principales animent la

censurade Bibliander au Proteuangelion premierement, a place

qu'il taut accorderau fecit dans e canon (selon 'autorite de l'Egli-

se ancienne) deuxiemement, Ie statut a accorder aux nombreux

miracles decrits par Ie fecit.

La question du culte de la femme-vierge, si presente chez Pos-

tel, n'est pas meme evoquee par Bibliander.

En ce qui concerne la canonicite du texte, Bibliander note

d'abord que Ie codex du patriarche juif' Theodosius37 onne rai-

son a Postel et a l'ecrit, qu'on a diffuse sous e nom de Jacques ,

sur la coutume juive de l'epreuve de l'eau de malediction. Car,

poursuit Bibliander, on lit dans eg archives uives que leg parents

de Jesus urent convoques devant eg pretres uifs pour etre inter-

roges au sujet de leur fils. En meme temps, toujours d'apres leg

memesdocuments,on aurait convoque eg sages-femmes.Et c'est

seulementapres 'epreuve rigoureuse de l'eau de malediction que

leg pretres uifs auraient nscrit l'enfant comme Jesus, ils du Dieu

vivant et de la vierge Marie . Bibliander, comme il Ie dit

rorum Moses scripsit . On ne conserve aucune trace de l'adresse ala

republique venitienne de Postel.Elle n'est meme pas evoqueepar SECRET

dans sa Bibliographie desmanuscritsde Guillaume Postel,Geneve, 1970.

35. BIBLIANDER,Proteuangelion,1552,14: Ipse autem Postellus aesti-

mat vt gemmam inter libros theologicos et basim atque fundamentum

totius historiae euangelicaeet caput Euangelii secundumMarcum .

36. Sur Bibliander, ses ravaux et les iens entre sa penseeet celIe de Pos-

tel, cf. notamment Wolf Peter KLEIN,Am Anfang war das Wort. Theorie-

und Wissenschaftsgeschichtliche lemente riihneuzeitlichen Sprachbe-

wusstseins, erlin, 1992,230-260 et la litterature qui y est citee. La bio-

graphie standard de Bibliander est toujours celIe d'Emil EOLI: Biblian-

der in: Analecta reformatoria, II, Zurich, 1901,1-144.

37.11 s'agit du codex evoque dans Ie SuidasS.V. esus.Cf.la note 38,

infra.

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I. BACKUS

lui-meme, tire ses enseignementsdu Suidas s.v.Jesus) 'une part

et des Antiquites juives (3, 11.6)de Flavius Josephede l'autre38.

Ayant ainsi demontre, a sa satisfaction, que l'epreuve a laquel-

Ie fut soumiseMarie dans e Proteuangelion aisait partie des pra-

tiques juives courantes, Bibliander aborde la question plus deli-

cate des preuves historiques de l'existence d'un ecrit evangelique

emanant de la plume de Jacques, 'apotre et frere du Seigneur .

Son temoin principal est 'evangeliste Luc, dont Ie fecit canonique

evoque plusieurs hommes qui ont entrepris de composerun fecit

des evenements qui se sont accomplis parmi nons, suivant ce que

nons ont transmis ceux qui ont ete les ministres de l'Evangile a

sesorigines [ct. Luc 1, 1-2].

Selon Bibliander, ces ministres primitifs n'etaient ni Matthieu,

ni Jean, mais justement l'apotre Jacques. Luc lui-meme, note

Bibliander, ne traite que tres sommairementde la naissanceet de

l'enfance de Jesus,sanscontredire Ie fecit de Jacquespour autant.

Bibliander ne pouvait guere proposer une exegesesi osee de

Luc 1,1 sansse rendre vulnerable face aux accusationsd'hetero-

doxie. II devait absolument en appeler a une tradition aussi

ancienne que possible. En outre, il fallait qu'il cite non pas n'im-

porte quels auteurs anciens,mais les plus orthodoxes, et les plus

anciens.

II n'est pas etonnant de constater qu'il commence par citer Ie

De consensueuangelistarum 1, 1, CSEL 43,1-2) d' Augustin,.Ie

plus orthodoxe et Ie plus biblique des Peres aux yeux de tons les

reformateurs. Bibliander sail tres bien qu' Augustin n'a jamais

defendu la canonicite de l'ecrit que Postel devait appeler Ie Pro-

tevangile et il ne tente pas de demontrer Ie contraire. Mais Ie De

consensuapporte de l'eau a son moulin, Augustin y affirmant que

les recits evangeliques sont superieurs a la Loi et aux Prophetes

en ceci qu'ils en representent la realisation. En outre, ils sont

38.

BIBLIANDER, Proteuangelion, 1552, 15-16: Suffragatur etiam huic

traditioni Ebraeorum et huic scripto quod Iacobi nomine vulgatum est,

Theodosius Iudaeorum antistes, qui temporibus Iustiniani Imperatoris

ex Iudaeorum archiuis protulit Iesus parentes vocatos fuisse in concilium

et interrogatos de sobole, simulque vocatas mulieres quae parienti adfue-

runt. Ac post examen acre in catalogo sacerdotum adscriptum fuisse :

Iesus filius Dei viui et Mariae virginis. Quae copiosius memorat Suidas

in verbo 'I Tj(JOVS-.mitto quod Iosephus, sacerdos Iudaeorum, Iesum

confitetur esse Christum, quod multi principes viTi inter Iudaeos Iesum

esse Christum crediderunt, sed metu periculi non ausi sunt prae se ferre.

Ct. FLAVIUS JOSEPHE,Antiq. judo 3,11.6; SUIDAS, s.v. 'ITj(Jo1)s-n: MPG

96,1489, et in: ed. A. ADLER (Lexicographi graeci, Leipzig, 1928-38), t.

2, 622. Ct. aussi Apokryfy Nowego Testamentu, ed. Marek STAROWIEYS-

KI, t. 1 (Lublin, 1980), 196-197.

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UILLAUME POSTEL

l'reuvre des apotres qui ont connu Ie Seigneurdans a chair et qui

ont prig soin de se renseigner e plus minutieusementpossible sur

son enfance, sesparents et leg circonstancesde sa naissance,ariD

de pouvoir raconter sa vie a tous leg hommes de la fa~on a plus

detaillee. Et Bibliander d'ajouter, sans pour autant expliquer au

lecteur que ce ne sont plus leg paroles d' Augustin mais egsiennes

propres:

Apres Ie Christ lui-meme, et la vierge sa mere, et Joseph

l'epoux de sa mere, pourrions-nous trouver un temoin plus

digne de raconter la vie du Christ que Jacques e Mineur, fils

de Josephpar une autre femme, evequede Jerusalem,homme

dont la saintete lui valut Ie titre de defenseur (ou protecteur)

de son peuple39?

Le temoignage du plus orthodoxe representant de l'Eglise

ancienne occidentale est suivi par celui d'Epiphane de Salamine,

PeTegrec a la fois orthodoxe et tres ancien (comme ne cessede Ie

repeter Bibliander), auteur du Panarion contra octoaginta hae-

Yeses,ui avait paru pour la premiere fois en 1544chezOporin, a

Bale, dans a traduction de JanusCornarius. Le Panarion offre un

triple avantage a Bibliander : Epiphane s'y refere a des recits de

l'enfance de Jesus, ant pour attaquer ceux qui sacrifient a la Vier-

ge (Collyridiens, Hae : 79) (un tel sacrifice est heretique, les ori-

gines de la Vierge etant purement humaines) que pour contredi-

re ceux qui nient la perpetuelle virginite de Marie (Antidocoma-

riani, Hae : 78). Epiphane serait donc a la fois anti-catholique

dans sa negation du culte de la Vierge, et oppose aux anti- Trini-

taires dans son affirmation de sa virginite perpetuelle. De plus,

note Bibliander, Epiphane, dans sa refutation des Antidocoma-

riani (Haer. 78, 89.20),essaiede concilier Ie "recit de Jacques" et

la doctrine de la virginite perpetuelle de la vierge Marie avec 'af-

firmation canoniquede Matthieu 1,25: non cognouit Joseph]earn

donec perperit primogenitum suum. En abordant ce probleme

(dans ' Hae : 78, 20), Epiphane arrive a une exegesede Matthieu

1, 25 que Bibliander trouve tout a fait satisfaisante

Comment Josephaurait-il pu savoirqu'une femme recevrait

tant de grace...? Il ne savaitpas qu'un etre terrestre, et surtout

une femme, pouvait recevoir tant d'honneur. Donc, Josephne

39. BIBLIANDER, roteuangelion,1552,16-17 "Quem autem post Chris-

turn ipsurn et matrem virginem et Iosephurnmatris sponsurn,nueniemus

testem magis doneurn rerum Christi, quam Iacoburncognomento Mino-

rem, filium Iosephi, sed ex alia coniuge, episcopum Hierosolymitanum,

tam spectataesanctimoniae, t gentisarx et propugnaculumdiceretur...?".

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I. BACKUS

l'a pas reconnue usqu'a ce qu'il ait vu Ie miracle. II n'a pas

reconnu Ie miracle de Dieujusqu'a ce qu'ill'ait vu naitre d'el-

Ie. Quand elle enfanta, il reconnut alors l'honneur de Dieu40.

Ainsi, d'apres Ephiphane de Salamine (Haer:78,20), connaitre,

en Matthieu 1,25, signifie non pas avoir des rapports sexuels ,

mais simplement reconnaitre Ie miracle de la paternite de Jesus .

II est interessant de noter ici que Bibliander, en se reclamant de

l'exegese-plutot misogyne -d'Epiphane, se distancie ine fois

de plus du culte de la femme-vierge, l'un des themes-cles de la

theologie de Postel. Bibliander termine son analysed'Epiphane

en relevant, notamment, les estimations de celui-ci sur l'age de

Joseph au moment ou il epousaMarie. D'apres Epiphane (Haer:

78,8), Joseph aurait eu alors environ 80 ans, ce qui correspond

parfaitement a ses declarations dans Ie Protevangiie [19, 14].

Bibliander conclut en s'appuyant a nouveau sur Epiphane (Haer:

78,8): vu son age avance, comment Joseph, confronte au grand

nombre de prodiges et de miracles qui accompagnerent a gros-

sesse e Marie et la naissancede Jesus,aurait- il ose s'adonner a

la luxure et souiller Ie corps saint de Marie dans equel avail resi-

de Dieu lui-meme, auteur de notre purification chamelle41? Epi-

phane, docteur tres ancien, se revele etre en parfait accord avec

Ie discours evangelique de Jacqueset, plus encore, avec a tradi-

tion de l'Eglise, conclut Bibliander. L'idee qu'Epiphane lui aussi

ail pu lifer ses enseignementsdu Protevangiiene lui vient meme

pas a l'esprit. II ne lui Testeque deux difficultes a resoudre. Pre-

mierement, la tradition ecclesiastiquene se Tallie pas a Epiphane.

Ainsi, Jerome et Eusebe de Cesaree (HE 6. 25, 4-13) ne disent

rien au sujet du Protevangiie.Deuxiemement, Jacques y racon-

te des miracles que l'on retrouve dans Ie Recit de ia nativite de ia

40. BIBLIANDER, roteuangelion,1552,18: Vnde cognouissetquod tan-

tam gratiam acceptura essetmulier? Aut vnde cognouisset,quod tali

gloria glorificanda essetvirgo? ...Non nouerat autem, quod tali gloria

honorandus essetaliquis in terra, maxime mulier. Non igitur cognouit

ipsam donec vidit miraculum. Non cognouit psius miraculum donec vidit

genitum ex ipsa. Quando peperit, cognouit Dei honorem. Ct. Epipha-

De, Panarion, Haer. 79.

41. Ct. EPIPHANE,Panarion, Haer., 79; TISCHENDORF,853, XII, et

BIBLIANDER,Proteuangelion, 1552,19-20: ... quomodo inquam senex

Joseph, et prouectae aetatis, tanta signa ac miracula audiens, audebat

debacchari et contumelia afficere corpus sanctum, in quo Deus habi-

tauerat... vnde sancta et impolluta carDnobis aedificata est, in deitate

Saluatoris ? Annon probe consonateuangelico sermoni JacobiEpipha-

DillS, ntiquissimusecclesiaedoctor, mo traditio et historia ecclesiae,pso

etiam Epiphanio antiquior? .

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GUILLAUME POSTEL

vierge (Euangelium pseudo-Matthaei de natiuitate beatae

Mariae42), econnu comme apocryphe par Ie decret de Gelase

[= Ie decret pseudo- gelasien]. Bibliander trouve une reponse a

toutes ces objections. Premierement, Ie sile.nced'Eusebe et de

Jerome n'indique rien et ne prouve pas du tout que l'ecrit n'exis-

tait pas, car quaedam ignorarunt etiam diligentissimi scriptores,

quaedam n ecclesiisoccultata sunt diutius 43.Au contraire, pour-

suit-iI, Ie fait que Ie Protevangile soit passesons silence au lieu

d'etre explicitementevoque parmi leg apocryphes tels leg Evan-

giles de Thomas, de Barthelemy ou de Nicodeme (= Acta Pilati)

-plaiderait plutot en faveur de son authenticite44. Quant aux

paralleles avec ' Evangile du Pseudo-Matthieu (inedit a l'epoque),

Bibliander ne legconsiderepas comme probants. Apres tout, pre-

cise-t-il, on trouve de nombreux paralleles entre leg quatre Evan-

giles canoniques et leg Evangiles apocryphes de Nicodeme, Tho-

mas, etc. On trouve egalement des paralleles entre leg quatre

Evangiles et Ie Coran45.

En ce qui concerne Ie grand nombre de miracles, poursuit Ie

zurichois, il ne saurait aucunement geneT uisque l'ecrit remonte

42. Sur les paralleles entre les deux textes, cf. notamment TISCHENDORF,

1853, 43; STRYCKER, 1-42.

43. BIBLIANDER, Proteuangelion, 1552, 20.

44. Ibid., 21 : Hoc autem potius scriptum Jacobi commendat, quod inter

apocrypha et notha nuspiam numeratur vt euangelium Nicodemi, Tho-

mae, Bartholomaei et alia . Cf.la partie 5 du Decret [pseudo-] gelasien,

 Notitia librorum apocryphorum . Le texte imprime dans Ie Dictionnai-

re d'archeologie chretienne et de liturgie 61, col. 744-745, comporte, parmi

d'autres titres, Euangelium nomine Iacobi minoris, mais, comme l'a tres

bien vu Bibliander a l'epoque, on n'y trouve pas d'evocation de 1 'Evan-

gile de Jacques, frere de Jesus , ni aucun autre titre qui pourrait faire son-

ger au Protevangile. Cf. Emile DE STRYCKER,Une ancienne version lati-

ne du Protevangile de Jacques avec des extraits de la Vulgate de Mat-

thieu 1-2 et Luc 1-2 in Analecta Bollandiana 83 (1965),365-402 et

402-410 (appendice par J. GRIBOMONT), specialement 367: Ie Decret de

Gelase, document anterieur a la fin du 6e siecle, mentionne parmi les apo-

cryphes a rejeter trois ecrits dont Ie sujet s' apparente a celui du Prot: n° 8

euangelion nomine Iacobi minoris; n° 141iber de infantia Saluatoris; n° 15

liber de infantia Saluatoris et de Maria vel obstetrice. Ii n'est pas possible

d'identifier ces ouvrages avec certitude... . Sur les editions des Actes de

Pilate au 16e siecle et leur statut par rapport au canon, cf. Remi Gou-

NELLE, Recherches sur les Actes apocryphes de Pilate . Les Actes de

Pilate Latins transmis par le ms. Bayerische Staatsbibliothek, Clm 28168

(memoire dactylographie, Universite de Geneve, 1993), 117-137.

45. BIBLIANDER, Proteuangelion, 1552,21. Non enim euangelium scrip-

tum a quatuor probatissimis Euangelistis ideo minus habet fidei et auto-

ritatis quia in multis consonant euangelia Nicodemi, Thomae, Bartholo-

maei, Nazaraeorum et Alcoranum Mahumedis .

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32

I. BACKUS

aux temps evangeliques, epoque des miracles. En outre, les

miracles du Protevangile non auocanthomines a Dei cognitione

et cultura, sed potius adducunt, quae natura est veri miraculi 46.

Ce sont de faux signes et des phenomenes sumaturels qui ame-

nent les mortels a rendre un culte a la creature et a delaisser e

Createur47.Et Bibliander termine son plaidoyer en faveur du Pro-

tevangileen attirant l'attention du lecteur sur es poilits suivants

(1) il n'y a rien dans e recit de Jacques qui contredise es recits

evangeliques; 2) 1eschretiens orientaux ant integre Ie texte a leur

tradition, et non pas pour des raisons impies (comme, par

exemple, un gout excessifpour Ie pouvoir ou les biens materiels)

pourquoi donc les chretiens d'occident l'ecarteraient-ils?

Mais, contrairement a Postel, Bibliander ne preconise pas 'in-

tegration totale du Protevangile dans Ie canon du Nouveau Tes-

tament. 11dit en effet :

Pourtant e ne trouve pas que ce fecit de Jacquesdoive jouir

de l'autorite totale, prerogative exclusivedes ivres canoniques

de I' Ancien et du Nouveau Testament par Ie consensusde

l'Eglise catholique dans aquelle veille l'esprit du Christ, et qui

lui permet de reconnaitre la voix de son berger et de son

epoux48.

Les arguments en faveur de la decouvertede Postelne suffisent

pas a l'elever au rang des ecrits approuves par Ie consensusde

l'Eglise, mais ils suffisent, aux yeux de Bibliander, pour ne pas

condamner e texte comme apocryphe.En effet, comme e montre

Ie paragraphe final de sa censura, e Protevangile assume pour

Bibliander un statut deuterocanonique avant la lettre49.Voici sa

conclusion:

Je trouve egalement ndigne de Ie rejeter parmi les contes

loufoques et farfelus des apocryphes, qui meritent d'etre

46. Ibid., 22.

47. Ibid., 22: Falsa autemsigna et portenta traducunt mortales ad colen-

dam creaturam, praetermisso creatore .

48. Ibid., 22 : Non censeo tameDhunc sermonem diui Jacobi eponen-

dum esse n apice supremaedignitatis et autoritatis, in quo libri canoni-

ci Veteris ac Noui Testamenti soli consistunt,magno consensuecclesiae

catholicae, n qua Christi spiritus viget et quae vocempastoris sui ac spon-

si agnoscit .

49. Le terme deuterocanonique fut employe pour la premiere tois en

1566 par Sixte de Sienne dans sa Bibliotheca sancta pour designer es

livres veterotestamentaires aisant partie de la LXX mais non du canon

hebralque. Ct. notre article Apocryphes a paraitre dans l' Encyclope-

die du protestantisme Geneve, Labor et Fides), . 1.

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33

UILLAUME POSTEL

cachesplutot que Ius, comme Ie dit Ie bienheureux Athanase.

Car, etant donne ~ue l'anonyme livre de Ruth selon equella

race de David seralt descenduede l'union entre Boaz et Ruth,

une femme moabite, fait partie du canondes ivres saints, l me

semble tout a fait inique de ne pas compter parmi les ecrits

ecclesiastiques sacres ce premier Evangile de Jacques, qui

contient Ie fecit de la naissancedu Christ et de sa mere, et qui

fait partie du canonbiblique desEglisesorientales.Apres tout,

la Lettre de Clementet Ie Pasteurd'Hermas furentsbadis onsi-

derescomme des ecrits saintspar toutes es Eglises , au meme

titre que l'on venere encore de nos jours les livres de Tobie,

Judith, la Sagesse e Salomon, ainsi que Ie Siracide, es Mac-

chabees, es troisieme et quatrieme livres d'Esdras. Tous ces

livres, a mon avis, sont nferieurs au fecit de Jacques, aut par

la qualite de leur argumentation que par leur style, plus com-

plique que celui du Protevangile et des loTSplus eloigne de

celui inspire par Ie Saint EspritS .

Bibliander est a notre connaissance e premier a proposer, ne

serait-{;equ'implicitement, la creation d'un "deutero--<:anon",ant

pour les ivres de I' Ancien que pour ceux du Nouveau Testament.

Le Protevangile y occuperait, Ie cas echeant, une place de choix.

Ce n'est pas pour rien que Ie zurichois fit imprimer Ie Protevan-

gile avec Ie texte de I' Evangile de Marc, valorisant ainsi I'hypo-

these de Postel selon aquelle Ie fecit de Jacquesaurait constitue

Ie debut longtemps perdu de ce fecit canonique. Bibliander, en

effet, affirme dans a preface a Johannes Gast qui precedesa cen-

sura:

J'ai mis au debut de l'Evangile de Marc Ie fecit historique

de saint Jacques, 'apotre de la naissancedu Sei~neurJesuset

de la bienheureuse vierge, sa mere, fecit consldere comme

authentique par les Eglises orientales. J'ai juge cet ecrit, tra-

50. Bibliander fait ici allusion notamment au temoignage d'Irenee Adv.

hael:, 3, 3, MPG 7, 849-852, etAdv. haer. 4,20, MPG 7,1032-1033.

51. BIBLIANDER, Proteuangelion, 1552, 22-23 : "Rursum indignum puto

reiici inter apocryphorum delyramenta, quae magis digna sunt aTfOKPV</>i'ts-

quam avayvw<JEws- vt inquit beatus Athanasius. Etenim si libellus Ruth

in canone librorum diuinorum positus est, qui genus Dauidis ex Booz et

Ruth Moabitica foemina deducit, idque oppresso nomine scriptoris, per-

iniquum mihi videtur hoc Euangelium primum diui Iacobi de natalibus

Christi et matris virginis ab ecclesiis orientalibus autenticis libris adnu-

meratum, saltern in ecclesiasticorum et hagiographorum numero non

haberl, in quo epistola Clementis et tibeT Pastoris olim constitit, hodieque

Tobias, Iudith, Sapientia Solomonis, Sapientia Iesu filii Sirach, historia

Machabaeorum, Esdrae tertius et quartus liber ab omnibus ecclesiis

habentur. Qui libri certe ab hoc germane Iacobi, argumenti excellentia,

et styli simplicitate, Spiritui sancto familiari, meo iudicio, vincuntur".

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34 I. BACKUS

duit en latin par Ie tres erudit Guillaume Postel et transmis jus-

qu'a moi pour lecture par notre Oporin, je l'ai juge, dis-je,

digne d'etre transcrit, annote et divulgue a ceux qui se pas-

sionnent pour la doctrine chretienne. Certes, Postel considere

qu'il s'agit la du debut de l'Evangile de Marc, et de la base de

tOllS es recits evangeliques52.

Comme Ie montre sa censura, Bibliander ne partageait pas l'op-

timisme de Postel concernant la canonicite du fecit. En outre, DOllS

l'avons deja vu, ce qu'Oporin avait transmis a Bibliander (a Zu-

rich) etait la traduction latine de Postel telle qu'elle se trouve dans

Ie MS. Sloane 1411 et, bien sur, sans Ie texte grec, que Postel ne

recopia qu'en 1553 d'apres un autre manuscrit, sans doute com-

plementaire de celui qui rut a la base de sa traduction en 1551.

Bibliander corrigea donc la version de Postel, apparemment sans

se referer au grec, en elimina toutes les interpolations, qu'il jugea

trop tendancieuses, et ajouta ses propres notes, peu nombreuses

et tres sobres, dont une niant categoriquement l'immaculee

conception de la Vierge53. II avait toutefois eu acres aux fameuses

notes de Postel, dont ce dernier deplorait la disparition deja en

1553, et que l'on n'a pas retrouvees depuis loTs. En effet, Biblian-

der en reproduit deux ou trois, au contenu purement historique.

Ainsi, a cote du passage on il est question des jours accomplis

d' Anne54, autrement dit de l'etat d'impurete suivant l'accouche-

ment, on lit dans l'edition de Bibliander (p. 29): A thoro coniu-

gali per dies purificationis separata. Postel .

Les autres protestants amenes a doDDer un avis sur l'authenti-

cite du Protevangile se montrerent bien plus prudents que Biblian-

der, voire carrement hostiles. Un catalogue complet de ces avis

figure dans l'edition de Fabricius et DOllSn'entendons pas Ie repe-

ter ici55. Quelques exemples suffiront. Henri Estienne, dans son

Apologie pour Herodote, accusait Postel de fraude, tandis

52. Ibid., 6-7: Nam euangelio secundum Marcum praefixi sermonem

historicum diui lacobi apostoli, de natalibus Domini lesu et beatae vir-

ginis matris ipsius qui authenticus habetur in orientalibus ecclesiis.Quem

a Guilhelmo Postello, ViTO octissimo, conuersum in Latinam linguam,

quum Oporinus noster legendum huc misisset, dignum iudicaui quem

transcriberem et annotatiunculis illustratum studiosis doctrinae Chris-

tianae communicarem. Certe Postellus caput hoc essecenset Euangelii

secundum Marcum et basim historiae euangelicae otius.

53. Ibid., 29, a cote du passagequi traite de la naissancede la Vierge, on

lit en marge: non asserithaecnarratio Mariam conceptamsine coniunc-

tione legitima parentum, vt fatui opinantur, teste Antonino etiam.

54. Ct. STRYCKER,1,5-12; PI 5, 2.

55. Ct. FABRICIUS, 719,41-65 et plus particulierement 55-57 (Henri

Estienne) et 58-59 (Abraham Scultetus,Andre Rivet).

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35

UILLAUME POSTEL

qu' Abraham Scultetus, auteur de la premiere patrologie refor-

mee, sansmettre en cause 'honnetete de Postel, releguait l'ecrit

au nombre des apocryphes sans hesitation aucune. Du cote de

l'Eglise romaine, l'accueil ne fut guere plus avorable: Extat nunc

scriptura quaedam ab haereticis nostrorum temporum typis excu-

sa, quae Proteuangelium... nscribitur , ironisait Sixte de Sienne.

 Extat nomine S. Jacobi Proto-euangelium sed ab ecclesianum-

quam receptum , affirmait pour sa part Bellarmin56.Quant a l'at-

titude du lutherien Neander, premier editeur du texte grec, on ne

peut que la qualifier de sceptique: Au lecteur de juger s'il faut

ranger parmi les apocryphes 'Evangile de Jacques ,dit-il danssa

preface5?

Conclusions

Quatre conclusions principales s'imposent, doni la premiere

conceme les editeurs modemes du Protevangile: ils doivent desor-

mais tenir compte de la traduction latine de Postel telle que nous

l'editons ci-apres, la version imprimee en 1552 comportant de

nombreux remaniements de Bibliander, qui ne disposait,

semble-i-ii, d'aucun texte grec. C'est la copie de Bibliander (per-

due de nos jours) de l'actuel MS. Sloane 1411latin qui servit jadis

de copie d'imprimeur. En deuxieme lieu, on peut dire desormais

que l'on connait la maniere doni travaillait Postel, et que l'on sait

que c'est de lui qu'emanait Ie texte grec imprime par Neander en

1564 et en 1567, et ferris ensuite par Grynaeus et Fabricius. Troi-

siemement, Ie texte grec Neander/Fabricius (Fa) est l'un des

deux originaux doni se servit Postel pour sa traduction; Ie second

original, que nous avons appele Pas. tat. ci-dessus, demeure incon-

flU. Enfin, la decouverte par Postel du Protevangile, ainsi que sa

publication par Bibliander, constitue un chapitre important dans la

discussion sur Ie canon, ceci independamment de tout differend

confessionnel. En effet, la reception du Protevangile au 16esiecle se

confond inextricablement avec les questions capitales de l'autorite

de la Bible et de la tradition de l'Eglise ancienne grecque et latine.

La tradition latine medievale du Protevangile est releguee au passe.

D'apres les donnees a noire disposition, entre Ie ~ et Ie 15e siecle,

on trouve Ie Protevangile en Occident, SOliS ne forme plus ou moins

56. Ct. ibid., 53-54 (Sixte de Sienne), 54 (Bellarmin).

57. Ct. NEANDER, 567,331-332.

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36

I. BACKUS

fragmentaire,parfois melangeavecd'autresrecits d'enfance cano-

Diquesou apocryphes) ansdes ecueilshagiographiques,reviaires

(notammentceux de Mainz et de Soyons)et autres ivres de devo-

tion. La decouvertede Postelen1551opere ine rupture totale avec

la tradition latine medievale du Protevangile58.

58. Sur a tradition latine medievale, voir notamment : E. DE STRYCKER

in Analecta Bollandiana 83 (1965),365-410;J. M. CANAL,"Antiguas ver-

siones atinas del Proteuangelio de Santiago" in EphemeridesMariolo-

gicae 18 :3-4 (1968), 431-473; F. VATTONI,Frammento latino del Van-

gelio di Giacomo" in Augustinianum 17 (1977),505-509;J. A. DEALDA-

MA, "Fragmentos de una version latina del Proteuangelio de Santiago y

una nueva Adaptacion de sus primeros capitulos" in Biblica 43 (1962),

57-74; Jan GUSEL,Les evangiles atins de l'enfance,de M. R. James" in

Analecta Bollandiana 94 (1976), 289- 302, ainsi que les dossiers t l' n-

stitut biblique de Lausanne comportant des renseignements sur des

manuscrits medievaux inedits. Notons encore Ie manuscrit Paris, Ste

Genevieve 2787, t. 198r.-20Ov. 13e siecle), l'un des premiers temoins

latins it comporter Ie texte complet du Protevangile, ui est en rain d'etre

edite par Rita Beyers de l'Universite d' Anvers (Faculte des Lettres). Je

remercie Ie professeur Jean-,Daniel Kaestli de l' nstitut des Sciences

bibliques it Lausanne d'avoir bien voulu mettre it ma disposition a trans-

cription faite par Madame Beyers. D'autre part, je remercie Marlene

Jaouich d'avoir informatise mOll exte et d'en avoir ameliore Ie fran~ais.

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UILLAUME POSTEL

EDITION DU MS. LONDRES, BRITISH

LIBRARY, SLOANE 1411,260r.-267r.

Nous avons modifie Ie texte du manuscrit Ie mains possible.

Voici la liste des quelques modifications d'orthographe destinees

a faciliter a lecture:

v initial

u au milieu ou a la fin du mot

j remplace par i, gaur dans leg noms prop res, dont l'or-

thographe d'origine a ete scrupuleusement espectee, y

compris leg ncoherences Hanna, Anna, etc.).

Nous avons nsere leg mots barres dans Ie texte entre crochets

carres avec a mention barre en taliques.

Nous avons maintenu la division en paragraphesde Fabricius

pour faciliter la consultation de son edition. La division en para-

graphesde Tischendorf est ntroduite dans notre version ran~i-

se ci-apres.

Le texte latin a ete soigneusement ollationne avec e grec dans

Ie MS. Sloane1411,253r.-259r.d'une part et avec 'edition de 1567

de Michael Neander,356-392d'autre part. Par ailleurs, DOUgvons

collationne Ie texte grec du MS. Sloane 1411 avec celui imprime

par Neander. Nous avons egalement indique leg le~ons du MS.

Sloane atin, attesteespar d'autres manuscrits grecs.

Variantes

Toutes leg variantes, signalees par leg lettres de l'alphabet en

exposant, soot celles de l'edition de Bibliander de 1552. Nous

n'avons pas tenu compte des variantes d'orthographe. Pour evi-

tel Ie systeme encombrant des "exposants doubles" al ,a2,etc.,

DOUgvons ecommence 'alphabet chaque ois de a a z. La nume-

rotation des lignes du texte permet, Ie cas echeant, d'identifier

facileme }t la variante en question (par exemple, igne 10, val. g,

ligne 50, val. b, etc.)

Notes

Les notes signaleespar les chiffres sont de deux types. Celles

precedeespar 0 sont es notes marginales de l'edition de 1552de

Bibliander, qui reprennent (en partie) les notes marginales per-

dues de Postel. Les notes sans 0 sont nos propres remarques sur

les rapports entre la version latine et Ie texte grec.

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I. BACKUS

260r. [La natiuita della gloriosa virgine Maria et in generali

modo de essanaesceJesunostro saluatore, scritta per san Jaco-

roo, fratello del Signor, et del volume greco di Symeone Meta-

fraste cioe expositor della vita de santi tradotta de [lat barre]

5 greco. Ba"e. En marge on lit:]] apatris nostri Iacobi, fratris Domi-

ni sermo historicus de natiuitate Deiparaea.

In historiis [decem ba"e] 12 tribuum Israel erat Ioachim diues

valde et offerebat bmunera ipsi Deo dupla, apud semetipsum

dicensb sint facultates meae otius populi, Cet n remissionecpec-

10 catoruml meorum apud Deum, vt misereatur mei. Appropin-

quauit2 autem dies Domini magna, offerebantque filii Israel sua

munera, et stetit contra illumd Ruben, dicens

Non licet tibi offerre munus tuum quia semen in Israel non

fecisti. Et contristatus est osephe ] Ioachim valde et accessitad

15 duodecim tribuum genealogiamdicens apud seipsumf videbo in

tribubus Israel si ego soltiS non edidi semen n Israel. Scrutans

itaque inuenitg omnes iustos semen habuisse. Meminit itaque

patriarchae Abrahami, quod in hsuisvltimis diebusDeus illi dedis-

seth ilium Isaac. Contristatus itaque Ioachim non fuit visus vxori

20 suae.Sed n heremum iseipsum ranstuliti ibique fixit3 suaj ento-

ria kieiunauitque 40. diebus et noctibusk, dicens apud seipsum

non ascendam d cibum aut ad potum ldonec me respexerit chills

ba"e] Dominusl, sed erit fficibus meusffioratio mea.

Vxor autem eius Hanna duobus nluctibus lugebatn °et duplicio

25 angebaturangustia,dicens plango viduitatem meam et meam ste-

rilitatem. Venit autem dies Domini magna et dixit Iudith p<udise-

quaPeius : quousque andem affliges animam uam? Non licet tibi

lugere quia dies Domini magna est4.Cape taque hunc peplum et

a-a) Sanctipatris nostri Jacobi, ratris Domini sermo historicus de natiui-

tate Deiparae.

b-b) ipsi Deo dupla munera, apud semetipsum.

c-c) in remissione

d)ipsum

e) om.

f-f) intra se.

g) vidit.

h-h) vltimis diebus Deus dedisset lli.

i-i) abiit.

j)om.

k-k) et ieiunauit quadraginta diebus et quadraginta noctibus.

1-1) m.

m-m) meus cibus

n-n) lugebat uctibus.

0-0) duplicique

p) ancilla.

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I. BACKUS

60

65

70

75

Cum terra componif non valeo, quia terra fert suos ructus in tem-

pore suo, et gtibi benedicitgDomine.

Et ecce angelus Domini aduolauit8 dicens ei : Hanna, Hanna,

Deus exaudiuit orationem tuam. Concipies et paries, et celebra-

bitur semenh uum in toto mundo. Dixit autem Hanna9: viuit

Dominus Deus meus,quod siue masculumsiue foeminam genue-

TO,offeram illud munus Domino Deo nostro, et isacris lli minis-

trabit omnibus diebus vitae suae. Et ecce angeli duo venerunt

dicentes illii: Joachim vir tuus venit cum [261r.] gregibus suis.

Angelus enim Domini descendit ad eumj dicens: Joachim, Joa-

chim, exaudiuit Deus orationem tuam. Descende dehinck. Ecce

Hanna, vxor tua, in vtero concipiet. Et descendit Joachim et

vocauit pastoressuosdicens: adferte mihi huc 10. agnaspuras etl

immaculatas et erunt Domini Dei mei. Et adducite mihi 12. vitu-

los mundos et erunt sacerdotum et clerim. Et ferten mihi centum

hircos et erunt 100. hirci totius populi. Et ecce Joachim venit cum

gregibus sills, et stabat Hanna in porta viditque Joachim venien-

tern cum gregibus suis, et accurrens appensa est de colo eius,

dicens nunc cognosco,quod Dominus Deus benedixit mihi vehe-

menter. Ecce enim quae vidua eram, amplius vidua non sum, et

quae eram sterilis, in vtero habebo. Et requieuit Ioachim in domo

sua prima die.

Crastino autem obtulit dona sua, dicens in seipso si Dominus

Deus benedixerit mihi laminal0 sacerdotis, oc °manifestum aciet

[hoc barre] mihio. Et obtulit dona sua Joachim et attendit Plami-

ni seuefodPsacerdotis,quum qadmissus stqad altare Domini, et

non vidit peccatum in seipso. Et dixit Joachim: nunc noui quod

Dominus fpropitiatus estf mim, et remisit mihi omnia peccatamea.

Et descendit a temploS Domini iustificatus et venit in domum

suam. Concepitll itaque Hanna et completi sunt illi mensessex.

80

85

f conferri.

g-g benedicit tibi.

h nomen.

i-i in sacris ebus illi... dicentes psi.

j ipsum.

k hinc.

I om.

m add. seusenilis ordinis gerusiae.

n adferte.

0-0 faciet mihi manifestum.

p-p laminae seuephod aut rationali.

q-q est admissus.

I-f est propitiatus.

s domo.

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UILLAUME POSTEL

Mense autem lano genuitt Hanna et dixit obstetrici : quid genuiU?

Ipsa autem dixit: feminam. Et dixit Anna: magnificata est anima

90 mea in bora ista. Et reclinauit earn. Impletis autem diebus12 iui-

sa est Hanna, et dabat vbera natae. Et nominauit nomen eius

Mariam.

De die autem in diem roborabatur puella; cum vera facta est

sexmensium, deposuit llam mater eius humi, vt experiretur illam

95 si erecta staret. EtV septem gressus ecit ambulando, et venit in

sinum matris suae.Et dixit Hanna: viuit Dominus Deus, quia non

ambulabis super terram donec te obtulero in templum Domini.

[261v.] Et fecip3 sanctificationem n cubili [ipsius barre] suo [nec

barre] et quicquid est coinquinatum Waut mmundumw satagebatX

100 segregaTe ropter illam. Et vocauit filias Hebraeorum immacula-

tas et seducebanp4earn. Factusque est puellae primus annus Yet

fecitY magnum conuiuium15 oachim et vocauit sacerdotumprin-

cipes et scribas et Zsenatum lerumuezet omnem populum Israel.

Et obtulit munera Ioachima psis sacerdotumprincipibus, et bene-

105 dixerunt illi dicentes Deus patrum nostrorum benedic huic puel-

lae et da illi nomen bnominatum celebreueb, aeternum in omni-

bus generationibus. Et dixit totus populus: amen, iat. Et obtule-

runt illam sacerdotibus et benedixerunt earn dicentes: Deus

altitudinum, respice super hanc puellam et benedic illi benedic-

110 tione quae intermissionem non habet. CEtabripuit illam mate~ et

dedit illi vber. Et fecit Hanna canticumDomino Deo dicens can-

tabo16doden audemuedDomino Deo mea, quia visitauit me, et

abstulit a me opprobrium inimicorum meorum. Et dedit mihi

Dominus Deus fructum iusticiae multiplicem in conspectueiuse.

115 Quis annunciabit filiis Reuben quod Hanna lactet? Audite audi-

te duodecim tribus Israel, quia Hanna lactat . Et reclinauit earn

in lectulof sanctificationissuae.Et exiuit et ministrabat psis.Com-

pleto autem conuiuio discessereetabundi et posuerunt lli nomen

t) peperit.

u) peperi.

v) om.

w-w) om.

x) add. ab ea.

y-y) fecitque.

z-z) toturn senaturn.

a) om.

b-b) celebraturn.

c-c) aiTipuit earn mater sua.

d-d) laudem.

e) suo.

f) loco.

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I. BACKUS

Mariam17,quia nomen eius non obliterabitur gdepressumue ritg

in aetemum, et glorificauerunt Deum Israel.120

Puellae autem apponebantur menseseius. Facta autem biennii

puella, dixit Joachim Hannae vxori suae introducamus earn in

templum Dei vt reddamus votum nostrum quod fromisimus ne

forsan a nobis auferat Deus succenseatuen nos, et sit inaccep-

turn donum nostrumh/18. Et dixit Hanna: expectemus tertium

125 annum ne forsan requirat [262r.] puella patTernauti matrem. Et

dixit Joachim: expectemus. Et facta est triennis puella. Et dixit

Joachim: vocate puellas Hebraeorum immaculatas et accipiant

singillatim lampades19, t sint accensae, ei conuertatur puella in

posteriora et kretinetur mens corue eiuskex templo Dei. Et fece-

130 runt sic donec ingressaesunt templum. Et recepit earn [principes

corrige en :] princeps sacerdotum et [osculati sunt corrige en :

osculatus est earn et dixit [dixerunt barre]: Mariam, magnificauit

Dominus Deus nomen tuum in cunctis generationibus et in vlti-

mis diebusmanifestabitDominus in te precium redemptionis suae

135 filiis Israel. Et constituit eamsuper tertium gradum altaris et immi-

sit Dominus Deus gratiam super ipsam, met exultabat pedibus

suismet dilexit earn ota domus Israel.

Et descenderuntparentes eius admirantes et laudantes Deum

quia non est conuersa puella erga illos. Erat autem Mariam Din

140 templo Domini instar columbae educatanet accipiebat20cibum

de manu angeli. Duodecim veroO annos nata corrige en :] anno-

rum facta in templo Domini, concilium sacerdotum factum est,

dicentium : ecce Mariam facta est annorum decem21 n templo

Domini; quid faciemus lli ne forteP maculetur sanctificatio Domi-

145 ni Dei nostri? Et dixere sacerdotesprincipi sacerdotum: tu sta ad

altare Domini ~t ingredere ad sanctuarium Deiq/22et ora pro ea

fet de illaf, et quodcunqueSmanifestauerit Deus, hoc faciemus.

Intrauitque princeps sacerdotumacceptododecadone23n sancta

g-g) om.

h-h) om.18

i) et.

j) nec.

k-k) abducatur mens eius.

I) om.

m-m) exultabatque subsiliendo pedibus suis.

n-n) instal columbae educata n tiemplo Domini.

0) autem.

p) forsan.

q-q) om.22

r-r) om.

s) quicquid.

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UILLAUME POSTEL

sanctorumet orauit tde ipsat. Et ecceangelusDomini astitit dicens

150 ipsi Zachariae : Zacharia exi et conuocaviduos populi et adferant

singuli virgam et cui ostenderit Deus signum, huius erit vxor in

custodiam. Exiuerunt autem praecones per vniuersam regionem

Iudeae et sonuit tuba Domini24 et occurrerunt vniuersi.

Josef autem abiecta securi exiit obuiam llis congregatiqueabie-

155 runt ad summum sacerdotem [262v.] acceptis virgis. Ab illisu

itaque accipiensvirgas ntrauit in templum et orauit. Completaque

oratione accepit virgas et exiuit. Reddidit itaque singulis eorum

et signum in illis non apparuit. Vltimam autem virgam accepit

Josef et eccecolumba exiuit exvvirga, et volauit in caputJosef. Et

160 dixit sacerdosJosefo : tu es sorte diuina electus vt accipiasvirgi-

oem Domini in custodiam apud te. Et contradixit Josef dicens:

filios habeo et sum senex, psa autem est uuencula; vnde timeo

ne forte ridiculus fiam filiis Israel. Dixit autem summussacerdos

Josefo: timeas Dominum Deum tuum et record are quanta fecit

165 Deus. Erant Datan et Abiron et Core. Quomodo apperta [ ] est

terra et deuorauit eos propter contradictionem suam.Nunc ergo

time Deum Josef ne forte et ista sint in domo tua. Territus Josef

illam accepit et dixit illi: Mariam ecce, ego waccipio e exw em-

plo Domini Deix et Ynunc derelinquo te in domo mea et vado

170 fabricaTe domas, et veniamy/25ad te. Et Dominus custodiat te

omnibus diebus26.

Factum est autem concilium sacerdotum dicentium : faciamus

velum sell operimentum pro templo Domini. Et dixit princeps

sacerdotum vocate mihi [vergines carrige en ] virgines immacu-

175 latas az domo carrige en ] tribu Dauid. Abeuntes itaque et dis-

quirentes inuenere septemvirgines et meminit princeps sacerdo-

turn ipsius Mariam, quoda essetde tribu [Juda barre] Dauid27,et

immaculata erat ante Deum. bEt inuenerunt ministri et adduxe-

runt illam et introduxere in templum Dominib/28. Et dixit prin-

ceps sacerdotum sortiamini mihi quaenamnebit aureum filum et

180 amiav8ov29, t byssum et sericum, et jaaynthum, et coccinum et

t-t) pro ea.

u) ipsis.

v) de.

w-w) te accipio de.

x) om.

y-y) derelinquam te dorni et vadam ad exercendurn neam oecodomicarn

fabrilernue altern et redibo25.

z) de.

a) add. i~sa.

b-b) om 8.

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44 I. BACKUS

veram purpuram. CEtMariam contigit [263r.] veram purpuram et

coccinumc. Et acceptis illis abiit in do mum suam. In ilia autem

tempore siluit Zacharias et factus est pro eod Samuel. Vsque ad

tee/3Docutus est Zacharias. Mariam accepta purpura et cocco

185 filauit.

Et accepta venal exiit haurire aquam. Et ecce vox dicens illi :

aue gratia plena, Dominus tecum, benedicta tu in mulieribus31.

Etg circumspiciebath Mariam in dextra et sinistra vt sciret vnde-

Dam sta vox facta esset.Et tremefacta intrauit in domum suam et

190 [quieuit barre] deposuit [venam barre] hydriam, et accepta pur-

pura sedit super sedemsuamvt operaretur. Et ecceangelusDomi-

ni stetiti in conspectueius dicens ne timeas Mariam, inuenisti gra-

tiam apud vniuersorum Dominum, et concipies ex Verba sancto

ipso. Et audiens Mariaj disceptabatapud se si concipiam a Deo32

195 et pariam vt gene at quaeuis mulier? Et dixit angelus Domini:

non sic Mariam, virtus enim Dei obumbrabit tibi, ideo et quod

nasceturex te sanctum vocabitur filius Dei et vocabis nomen eius

Jesum. pse enim ksaluum acietk populum suuma peccatiseorum.

Et dixit Mariam: ecceancilla Domini fiat mihi secundumverbum

200 suuml.

Et confecta purpura et cocco abtulitm ad sacerdotem. Et bene-

dixit illi et ait : 0 Mariam, magnificatum est nomen tuum et eris

benedicta in vniuersa terra. Acceptan autem exultatione Mariam

abiit ad Elisabet cognatam suam et pulsauit ad portam eius33.Et

205 audiens Elisabet proiecto coccino accurrit ad portam et apperuit

illi et ait : vnde hoc mihi vt veneritO mater Domini mei ad me ?

Quod enim in me est, exiliit et benedixit tibi. Latebant autem

ipsam Mariam ilIa mysteria quae locutus fuerat illi archangelus

Gabriel. Et intuens in coelum dixit: quaenam sum ego vt omnes

210 generationes Pita meP [beent barre] beatam34 icant? Et transe-

c-c Et ipsi Mariae contigit vera purpura et coccinus.

d ilia.

e add. vera 0 Maria30.

f hydria.

g om.

h add. autem.

i adstitit.

j add. cogitando.

k-k faciet saluum.

I tuum.

m adtulit.

n concepta.

0 veniat.

p-p me ita.

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45

UILLAUME POSTEL

git [263v.]qibi tres mensesq pud Elisabeth. De die autem n diem

venter eius intumescebat. Et timore perculsa Mariam abiit in

domum suam et occultauit se a filiis Israel. Erat autem annorum

sexdecimquando mysteriar haec iebant.

215 Facto autem psis sexto menge,ecce venit Josef a suis oecodo-

miis tseu abrilibus operibust.Et intrans in domum guam,vidit earn

grauidam. Et demissa facie sua35proiecit seipsum in terram et

planxit vehementerdicens quanam acie intuebor [faciem barre]

Dominum Deum? Quid autem orabo deuhac puelIa? Quia vir-

220 ginem accepi ex templo Domini Dei et non custodiui. Quis mihi

imposuit? Quis hoc mali tacit in domo mea et vitiauit virginem?

Nonne in me est recapitulatione consummata his ori a Adami?

Quoniam in bora gloriae eius intrauit serpens et inuenit Euam

solam et decepit earn. Sic sic reuera etVmihi contigit. Et surrexit

225 Josef de sacro, et accepta Mariam dixit illi : 0 quae tantae curae

Deo eras, quidWhoc fecisti? Et oblita es Domini Dei tui, tu quae

es educata in sancto sanctorum? Quid deiecisti animam tuam?

Quae cibum abx angelorum manu capiebas,quid hoc fecisti ? Ipsa

autem ftebat amarissime, dicens: munda sum et virum non

230 cognoui. Dixit autem lli Josef: et vndenam estergo quod in vtero

habes? Viuit Dominus Deus meus quod non cognoscoY nde hoc

mihi est.

Et stupefactus est Josef vehementer et persistebat cogitans:

quid de ea faciam? Et dixit Josef: si illius abscondampeccatum,

235 inueniar reus in lege Domini. Si ipsam raducam et propalem filiis

Israel, timeD ne parum aequumasit et inueniar tradens sanguinem

innocentem in iudicium mortis. Quid igitur de ilIa faciam? Equi-

dem clam ipsamb elinquam. Et occupauit eum nox. Et ecceange-

Ius Domini apparet ilIic/36dicens ne timeas hanc puellam. Quod

240 enim in ea natum est,de Spiritu sanctoest. Et vocabis nomen eius

JESUM.pse enim [264r.] saluum faciet populum suum a peccatis

q-q menses res.

r om.

s illi.

t-t om.

u pro.

v om.

w cur.

x de.

y scio.

z om.

a iustum.

b illam.

c add. in somnis36.

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46

I. BACKUS

suis. Surrexit itaque Josefa somno et glorificauit Deum Israel qui

dedit illi gratiam et custodiuit earn.

Venit autem Annas scriba ad Josef et dixitd illi: quare non

245 adfuisti ein nostrae/37 ynodo? £t ait illi Josef: fessuseram de via

et quieui prima die. £t conuersusest scriba et vidit Mariam graui-

dam [et barre] abiitque currens ad sacerdotemet ait illi: Josef cui

tuf testimonium plebes vehementer peccauit. Aitque sacerdos:

quid hoc? £t ait illi : virginem quam acceperatex templo Domi-

250 ni38 edauit et furatus est eius nuptias et non indicauit filns Israel.

£t respondensprinceps sacerdotumait: Josefhoc fecit? £t dixitg

Annas scriba : mitte ministros et inuenient ipsam grauidam. £t

abiere ministri et inuenerunt sicut dixit ipsishet adduxere llam39

et Josef in indicium et dixit sacerdos Mariam, quid hoc fecisti?

255 £t cur demisistii animam uam, quae es educata n sancia sancto-

rum, quae ex angeli manu cibum accepistij et audiuisti mysteria

ipsius et exultasti in conspectueius ? Quid hoc fecisti ? Ipsa autem

flebat amare dicens: viuit Dominus Deus mens quia munda sum

in conspectuDomini et virum non cognosco.£t dixit sacerdosad

260 Josef: quid hoc fecisti? Dixitque Josef: viuit Dominus Deus et

viuit Christus eius quia purus sum ab ipsa. £t dixit sacerdos ne

dicas falsum testimonium, sed dicito velum. Suffuratus es nuptias

eius et non manifestasti filiis Israel, et non inclinasti caput tuum

sub omnipotenti manu vt benediceretur semen uum.

265 £t rursusdixit sacerdos restitue virginem quam accepistia tem-

plo Domini. £t perfundebatur lachrymis Josef, et dixit sacerdos

potabo vas aqua redargutionis Domini4o et manifestabitur pecca-

turn vestrum in oculis [Domini barre] vestris. £t accepta aqua

sacerdos potauit Josefum. £t misit eum ad montana et rediit

270 sanus.Potauit et Mariam ipsam et misit ketiam ipsamkad monta-

na et rediit incolumis. [264v.] £t miratus est omnisl populus quod

[eius ba"e] peccatumnon sit manifestatum mseunon apparueritm

in ipsis. £t dixit sacerdon ] : Deus non manifestauit peccatum

d) ail.

e-e) om.3?

f) om.

g) ail.

h) llis.

i) deiecisti.

j) surnpsisti.

k-k) earn etiarn.

I) lotus.

ill-ill) om.

n) sacerdos.

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47UILLAUME POSTEL

vestrum, nec ego iudico vos, et absoluit eos. °Accepitque Josef

275 ipsam Mariam etOabiit in domum suam gaudens et glorificans

Deum Israel.

Factum est autemdecretum41ab Augusto Caesarevt describe-

rentur omnes qui erant in Bethlehem. Et dixit Josef: ego [descri-

barn corrige en ] describi curabo filios meos. De hac autem puel-

280 la quid faciam? Quomodo illam inscribam? Vxorem ipsam ns-

cribam? PSed psa non est vxor mea. In ipsam enim conser-

uationemPaccepiex templo Domini42. Nonne filiam? Sed noue-

runt omnes filii Israel quod non est mihi filia [mea barre]. Quid

de hac faciam? Equidem in ipsa die Domini faciam sicut voluerit

285 [Jesu barre] Dominus. Et strauit Josef asinam et fecit earn

conscenderesuper asinam.Jacobus autem et Symon43 equeban-

tur ~t appropinquabantqa milibus tribus. Et conuersus osef,vidit

ipsamrmestam et dixit in seipso: forsanquod in ea est, psamattri-

slatS.Et rursus conuersus Josef vidit earn ridentem et dixit ipsit:

290 0 Mariam quid hoc rei tibi estquod faciem tuam video quandoque

hilarem quando que mestam? Et dixit Maria Josefo: quoniam

duos populos44video in oculis meis, vnum quidem flentem et

gemebundum, Uetaliumu exultantem et ridentem. Et venit media

in viav, dixit illi Mariam: depone me ab asina, quia quod in me

295 est, me vrget vt progrediatur45.Et deposuit earn ab asina et dixit

illi: vbi te inducam et cooperiamwpudenda? Quia locus desertus

est.

Et inueniens ibi speluncam46,ntroduxit earn et praefecit illi

filium suum. ExiensqueX erquirebat obstetricem n regione Beth-

300 lehem. Quum autem obambularet Josef, vidit Ypolum stantem47

et aerem oberrantemY,et volatiliaZ [265r.]cessantia,et aspiciens

in terram vidita scafam cibariam positamb et operatores recum-

bentes quorum manus in scafa erant. Et mandentes non mande-

0-0 accepta taque Mariam Joseph.

p-p atqui vxor mea non est, psam enim in conseruationem42.

q-q om.

r earn.

s contristat.

t illi.

~-u alium autem.

v add. et.

w tegam.

x et exiens.

y-y polum coelumue stantem et aerem obterrentem.

z add. in media cursu.

a om.

b add. vidit.

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48

I. BACKUS

bant, et quit attollebant nil capiebant, et qui offerebant ori suo,

305 nil offerebantd. Sed omnium facies esursumerant intentaee. Et

ecce Dues erant dispersae nec progrediebantur, sed stabant. Et

eleuans pastor manum48suamf vt percuteret illasg cum virga,

manuseius stabat sursum. Et hvidit in torrentem fluminis et vidith

ora hircorum imminentia quidem aquae, sed non pot anti a, sed

310 omnia sub momentoi ipso cursu erant impulsa, iid est consistebant

vniuersaj.

Et ecce mulier descendensa montanis ait illi: tibi dico homo,

quo vadis? Et ait : obstetricem khebraeamquaerok. Et dixit illi :

ex Israel es tu? Aitque illi : sic. Ea autem dixit: et quae est quae

315 parit in spelunca? Et ait illi: quae mihi est desponsata.Et ait illi:

nonne est vxor tua? Dixitque Josef: non est mea vxor49,sed est

Maria educata in templo Domini, et habet conceptum ex Spiritu

sancto.Dixitque illi [Mar barre] obstetrix hocne verum est? Dixit

ei : veni et vide. Et abiit obstetrix cum pso, et stetit in conspectu

320 speluncae.Et eccenubes ucida50obumbrabat speluncam,et dixit

obstetrix : magnificata est anima mea bodie, quia viderunt oculi

mei stupenda. Quia salus Israeli nata estl/51.Repente autem fuit

nubes in spelunca et lux magna ita vt oculi nostri non ferrent.

m(Nota quod hic Jacobus de se atetur quia fuit semperassistens

325 partui Mariae vt haec scriberet52).Paulatimquem ux sesesub-

duxit quousquevisus est [puer barre] nfans et accipiebatvbera na

matTe psius Marian. Et clamauit obstetrix et ait: magna mihi

hodie dies est quia viditO [ ] hoc spectaculummagnum. Exiitque

obstetrix ex spelunca et obuiauit illi Salome, et dixit obstetrix ipsi

330 Salomae magnum tibi spectaculumhabeo narraTe virgo genuit

quem non capit natura ipsius et virgo manet virgo. Dixitque Salo-

me : [265v.]viuit Dominus Deus meus,nisi scrutata uero naturam

ipsius, Pnunquamcredam quod virgo pepereritP.

c) add. manus.

d) afferebant.

e-e) erant intentae sursum.

f) om.

g) eas.

h-h) aspiciens n torrentem tluminis vidit.

i) add. ab.

j-j) om.

k-k) quaero hebraeam.

I-I) om.51

m-m) paulatin veTO.

n-n) ab psius matTeMariam.

0) vidi.

p-p) non credam quod peperit.

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49

UILLAUME POSTEL

Et ingrediens obstetrix dixit ipsi Mariam: reclina te ipsam, qnon

335 enim paruum certamen ibi instatq. Quum autem n ipso loco pal-

pauit earn Salome, egressaest dicens: vae mihi impiae et perfi-

daeS3 uoniam tentaui Deum viuentem, et ecce manus mea igne

ardens cadit a me. Et flexit genua ad Deum et ait : Deus patrum

nostrorum memento mei, quoniam semenAbraharni sumret Isaac

340 et Jaacobs, t ne traducasme apud filios Israel, sed redde me pau-

peribus. Tu enim nosti Domine, quod in nomine tuo omnescuras,

et ope ationes meas complebam et mercedemabs e recipiebam.

Et eccetangelus Domini astitit dicens ad earn: Salome, Salome,

audiuit te Dominus: offer manum tuam puero et ubaiula ipsum,

345 et erit tibiu salus et gaudium. Et accessitSalome et gestauit eum

dicens: adorabo ipsum quia magnus rex natus est in Israel. Et

Vgestauitpuerum etV epente sanata est [manus mea barre] Salo-

me et exiit ex spelunca ustificata. Et ecce vox ad earn dicens ne

annuncies quae vidisti magna [in Jerusalem barre] donec ingre-

350 diatur puer in Jerusalem.

Et ecce Josef paratus est exire in JudaeamS4.Et tumultus

magnus factus est in Bethlehem wJudae; venerunt enimw magi

dicentes: vbi est qui natus est rex Judaeorum? Vidimus enim Xip-

SillSstellamX n oriente et venimus adorare ipsum. Et audiens

355 Herodes turbatus est et misit ministros ad magos. Et accersiuit

gummas sacerdotes et interrogabat illosY dicens quomodo scri-

bitur de Christo? Vbi nascitur? Dicunt illi : in Bethlehem Judae.

Sic enim scriptum est. Et dimisit eos. Et interrogauit magosdicens

ipsis: quodnamvidistis signumde rege genito? [266r.]Dicite mihi.

360 Et dixerunt illi magi: stella eius nata est magna, et illuxit super

stellas [mundi barre] coeli ita vt hebetarit eas, itaZ vt non vide-

rentur. Et sic nouimus quod arexmagnusnatus esta psi Israeli et

venimus adorare eum. Herodes autem dixit illisb : ite et perquiri-

te. Et si inueneritis, renunciate mihi, vt etCego veniens adorem

q-q magnum enirn tibi certamen ncumbit.

r om.

s add. sum.

t om.

u-u gesta llum, ent enirn tibi.

v-v gestato puero.

w-w inde enirn venere.

x-x stellam eius.

y eos.

z vsque adeo.

a-a flatus est rex magnus.

b om.

c om.

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I. BACKUS

365 ipsumd. Et exiere magi. Et ecce stella quam viderant in oriente,

conducebat eosequousque intrauit in speluncam. Et stetit super

caput speluncae,et viderunt magi puerum cum Maria matTeeius

et adorauerunt ilIum. Extrahentesque dona de suis marsypiis,

dederunt illi aurum, thus et myrrhan. Et responso accepto ab

370 angelo ne redirent ad Herodem, per aliam viam reuersi sunt in

regionem suam.

Videns autem Herodes quod illusus esseta magis, ratus misit

illuc homicidas occidere Dronespueros qui erant in Bethlehem a

biennio et infra. Et audiensMaria quod occiderentur pueri, timo-

375 re perculsa accepit puerum et fasciis finuoluit et reclinauit eumf

in presepio bourn. Elisabet autem audiens quod Johannes equi-

reretur55, conscendit n montana et circunspectabatvbi eum [rev

barre] absconderet,et non erat locus absconsionis.Et gemensEli-

sabetvoce magna dixit: 0 mons Dei recipe matrem cum ilio, nec

380 enim poterat ascendereElisabet. Et repente diuisus est mons et

illam recepit. Illuxit autem llis lux; angelusenim Domini erat cum

illis custodiens llos.

Herodes autem querebat Johannem56.Et misit ministros ad

Zachariam patTerneius dicens vbi abscondisti ilium tuum? Ipse

385 autem respondit dicens : ego sum gminister sacerdosueDeig et

assisto templo Domini: non noui vbi est filius meus. Et abiere

ministri et renunciarunt ista Herodi. Et iratus dixit: filius eius est

regnaturus super Israel et misit had Zachariam rursushdicens :

[266v.]dic verum, vbi est filius tuus. An nescisquod sanguis uus

390 sub manu mea est? Et iuere ministri et irenunciarunt ipsi Zacha-

riae istai. Dixit autem: testis estDeus quod jnon [cognoscobarre]

nouij vbi est filius meus. Tu si vis funde sanguinemmeum, spiri-

turn enim Deus recipiet quia sanguinem nnocentem fundis. In

templi Dei vestibulis circa interceptum Zacharias est occisus.

395 Et abierunt sacerdotes ad horam salutationis. Et secundum

consuetudinem non obuiauit illis Zachariae benedictio, et kstete-

runt sacerdotes alutare ilIum et glorificare Altissimumk. Tardan-

te autem llo timebant intrare. Vnus autem eorum audens ntrauit

et renunciauit sacerdotibus quia Zacharias est occisus. Et

400 audientesaudentesque ngressisunt et viderunt factum et laquea-

d eum.

e om.

f-f obuolutum ipsum reclinauit.

g-g sacerdosministrans Deo.

h-h rursus ad Zachariam.

i-i denunciarunt talia ipsi Zachariae.

j-j nescio.

k-k cessaruntsacerdotessalutare ilIum et benedicere altissimo.

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52

I. BACKUS

NOTES

10 Ait Eccles. 3 eleemosyna resistit peccatis, et Luc. 11 et Dan. 4.

2 0 Principium anni vel in testa Paschatis vel tabemaculorum. Pos-

tel.

3 0 Ibi greges habens.

4 0 Tentatio ex domesticis grauior.

5 0 Iurandi formula.

6 0 Sterilitatis malum per comparationem foecundae creaturae

amplificat.

7 Sloane MS. 1411, 253v.: o'l~Ol iTlVl W~OlclJeflV;OUX W~OlclJeflVEYW

TotS' iTETElVo1S'TOU oupavou OTl TU iTETElVU TOU oupavou YOVl~a

EL<JlV EVWiTlOV<JOU,o'l~Ol TLVl W~OlW~V EYW; OUX W~OlclJeflVEYW

TO'iS' UAOYOlS' (~lS' OTl aUTU QAoya (l\>a YOVl~a EL<JlV EVWiTlOV

<JOV,KUplE. Ol~Ol TLVl W~OlW~V EYW; OUX W~OlW~V EYW TO'iS'

ooa<Jl TOtrrOlS' OTl aiJTu TU v8aTa YOVl~a EL<JlV EVWiTlOV <JOV

KUplE. o'l~Ol TLVl W~OlclJeflVEYW, OUX W~OlclJeflVEYW TO'iS' KiJl a<Jl

TftS' eaAa<JO'llS', OTl Kat TU Ku~aTa yaAT)VlWVTa Kat <JKlpTWVTa

Kat Ot EV aiJTo1S' LXe1JE:S'UAOYOOOlV JE,KUplE. Neander (p. 360,

ed. de 1567) omet leg references aux oiseaux du ciel et aux eaux

avec leurs poissons.

8 0 Ita Isaac promittitur, et Samson, et Samuel.

90 Vt Anna mater Samuelis Vallet. N .B. 11. 53.55 agnas puras...

Dei mei. On en trouve l'equivalent dans MS. Sloane 1411, 254r. :

<j>EpETE~Ol 8E:Ka u~va8aS' U<JiTlAOVS- at U~W~OVS-,Kat E<JOVTal

at 8E:Ka u~va&S' KVplCV Tl\> eEl\> ~OU. Omis par Neander.

10 0 Lamina sacerdotis videtur quae in fronte pontificis nomen

lahweh praetulit. De ephod et AOYElCVn Exodo et alibi multa.

11 0 Non asserit haec narratio Mariam conceptam sine coniunc-

tione legitima parentum, vt fatui opiniantur, teste Antonino etiam.

12 0 A thoro coniugali per dies purificationis separata. Postel.

13 0 Vt quicquid prophanum esset, procul remoueretur.

14 0 Potius in alium locum, quam a via sancta morum.

15 0 In ablactatione conuiuia exhibuerunt Israelitae, vt Abraham,

Gen.21.

160 Hymnus qualis Annae matris Samuelis.

170 Mariam nomen prophetissae safaris Mosis. Sonat autem ama-

ritudinem, quam experta est virgo mater iuxta dictum Symeonis.

18Dans Ie grec de Neander et dans Ie MS. Sloane 1411, 254v.: Kat

UiTp6cr&KTOV YEVOlTO TO 8wpov l'J~WV.

19 0 Virginum gestamen symbolicum sine superstitione ethnico-

rum vel ineptientium Christianorum. Parabola x. virginibus etiam

lampades attribuit. Vt circa tabemaculum fuerunt foeminae velu-

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53

UILLAUME POSTEL

ti diaconissae, ta illo tempore etc., velut Anna prophetissa,Luc.

2.

200 Vt Christo seruierunt angeli et multis electis multifariam

ministrarunt.

21D In templo quidem. Nam tertio aetatis anno introducta fuit.

N.B. MS. Sloane1411,255r.; Neander (1567), 368 et Fabricius ont

la le<;on 8w&KaETl'IS

22Manque dans Ie MS. Sloane 1411,255r. et dans Neander, 368.

Phrasesupprimee par Bibliander -pour des raisonsstylistiques?

230 Dodec. a numero duodenario nomen habet, oraculum vel

rationale, in quo 12. apides nscripti, nomina 12. ribuum.

240 Sortibus desponsaMariam. Epiphanius paulo aliter scripsit.

25Pas d'equivalent grec de veniam ad te / redibo dans MS. Sloa-

ne 1411,255v.,ni chez Neander (1567,p. 370).

26Pas d'equivalent grec de omnibus diebus,ad lac. dansMS. Sloa-

ne 1411,255v., ni chez Neander (1567,p. 370).

270 Dauidis soboles Mariam.

28Pas d'equivalent dans e grec. a. MS. Sloane1411,255v.ad lac.,

doni la le<;on orrespond a celle de Neander (1567,p. 370). On ne

sait pas pourquoi Bibliander supprima cette phrase.

290 Haud scio an legi debeat alllavTOV,d est, non coinquinatum.

Et hyacinthum pro iacynthum.

300 De hoc silentio, Lucae 1. MS. Sloane1411,255v.Pasde varian-

te ici par rapport a Neander (1567,p. 370) et Fabricius. On atten-

dait donc : vsque ad tempus quo locutus est Zacharias . La le<;on

ad te se trouvait sansdoute dans 'autre prototype grec de Postel;

elle est egalement retenue par Tischendorl (PJ 10,2). La cor-

rection de Bibliander fut sansdoute improvisee.

310 Nuncium angelicumde Filio Dei nascituro, Matth. 1, Luc. 1.

32MS. Sloane 1411,255v.ad lac. add. (WVTOSout comme Nean-

der (1567,372).

330 Luc. 1.

340 Sicut etiam miratur super his quae dicebantur de filio Iesu.

Luc.2.

350 Lucta Josephi, Mat. 1.

36MS. Sloane 1411, 256v.: KaT' ovap de meme que Neander

373-376. La version de Bibliander est sansdoute influencee par

Ie texte canonique (Mt. 1,20).

37MS. Sloane 1411,256v.,Neander 376: auvo8lq lillwv.

380 SiquidemMessiaserat tunc in omnium expectatione, ege cau-

turn fuit vt quaecunque oemina e tribu Iuda peperisset, aut fer-

ret vterum, ad principes referretur. Vt Postellus etiam ex Iudaeo-

rum libris annotauit.

390 Mariam et Joseph n judicium producuntur ob partum.

400 De aquis redargutionis et judicio suspectaeadulterae, Num.

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54

I. BACKUS

5. Le passageconcernant a soumissionde Marie a l'epreuve de

l'eau de malediction (potauit et Mariam... incolumis)ne se trouve

pas dans Ie texte grec du MS. Sloane 1411 (cf. p. 256v.-257r.),ni

chez Neander (cf. p. 378). La le~on est toutefois retenue par

Tischendorf (PJ 16,2).

410 Luc. 2.

42Le passageSed psa / Atqui vxor... Domini ne figure pas dans

Ie grecdu MS. Sloane1411,257r.Ct. Neander,p. 378,380. L'equi-

valent de sed psa vxor mea non estest atteste par les MSS BILR.

In ipsam... Domini inconnu en dehors de la version atine de Pos-

tel.

430 Qui fratres Iesu dicuntur, Marc. 6. Iacobus Alphaei filius qui

maior. Filii Josephsed ex alia matTe.

440 Duo populi separati in Christo, alter amplectens eum, alter

respuens.Quos gemini Rebeccaeetiam figurarunt.

450 Positus est in ruinam et resurrectionem multorum.

460 Earn sitam essead oTtum oppidi Bethlehem testatur Postel-

Ius.

470 Prodigium oblatum JosephonascenteChristo, repraesentans

perturbationem mundi non agnoscentisneque recipientis serua-

toTem.

480 Plenior constructio : eleuante pastore manum.

490 Negat vxorem esseMariam, ex qua videlicet ipse procreaTe

voluerit sobolem, non autem coniugemdesponsatam.

500 Ortus Messiae per angelospastoribus ndicatus etiam prodi-

giis aliis illustratur. Quid enim magisadmirandum, aut ad salutem

necessarium, quam Dei filium esse hominem factum ex Spiritu

sancto et virgine matre?

51Dans Ie grec du MS. Sloane: 1411, 257v.; chez Neander: p.

382-384.

52Remarque de Postel, non reproduite par Bibliander, ad. loco

(1552,44).

53 ncredulitas foeminae alioquin piae non absimilis Thomae

incredulitati. Quae dum poena nflicta emendatur,omneshomines

admonet veritatem recipere.

540 Magorum adoratio, confitentium Christum, Matth. 2.

550 Fuga seruatus oannes Baptista.

560 Zachariae mars inter templum et altare. De quo Postellus

autumat Dominum loqui, 23. Matthaei. Alii tamen [ ].

570 Simeon ustus pontifex.

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55

TRADUCTION FRAN<;AISE DU MS.

LONDRES, BRITISH LIBRARY,

SLOANE 1411260r.-267r.1

1,1Dans les histoires des douze tribus d'Israel, Joachim etait fort

fiche et il presentait au Seigneur sesoffrandes en double, en se

disant: "que mes richessessoient pour tout Ie peuple et pour la

remission de mes peches aupres de Dieu afin qu'il ait pitie de

moi". Or, Ie grand jour du Seigneurapprocha et les fils d'Israel 1,2

presentaient leurs offrandes. £t Ruben se dressa devant lui,

disant :

"II ne t'est paspermis d'apporter ton offrande, parce que tu n'as

pas engendre de posterite en Israel". 1,3 t Joseph ] Joachim flit

fort afflige et alIa consulter la genealogie des douze tribus en se

disant: "je verrai dans es tribus d'Israel si e suis Ie seul a ne pas

avoir fait de posterite en Israel". £t en faisant l'enquete il trouva

que tOllS es justes avaient eu line posterite. £t il se souvint du

patriarche Abraham, comment en sesderniers ours Dieu lui avail

donne Isaac pour fils. 1,4 t Joachim, fort afflige, ne se montra pas

a sa femme, mais se rendit au desert et il planta la ses entes, et il

jeuna quarante ours et nuits, en se disant e ne monterai ni pour

mangerni pour boire jusqu'a ce que Ie Seigneur e soit toume veTS

moi; et ma priere sera ma nourriture." 2,1£t sa femme Anne se

plaignait en deux complaintes et avait [Ie coeur] serre par line

double angoisse,disant : "je me lamente sur moll veuvage et ma

sterilite." 2,2Or, Ie grand jour du Seigneurapprocha et Judith, sa

servante,dit: "jusqu'a quand humilieras-tu ton ame ?" II ne t'est

pas permis de pleurer car Ie grand jour du Seigneur est arrive.

Prends ce peplos et ome-toi la tete. Car, aussivrai que je suis ta

servante, u as 'allure royale. 2,3 t Anne dit: "eloigne-toi de moi,

car e ne ferai pas cela, parce que Dieu m'a fortement humiliee.

Pais en sorte que Ie Seigneurne m'infecte pas de ton peche". Or,

Judith, sa servante, repondit : "que faut-il que je te dise, vu que

tu n' ecoutespas mes paroles? C' est a uste titre que Dieu a ferme

ton sein pour qu'il ne donne pas de fils en Israel". 2,4 t Anne flit

fort affligee, et elle enleva sesvetements de deuil et s'oma la tete

et mil sa toilette de mariee. £t veTs a neuvieme heure, elle des-

cendit dans son jardin pour se promener. £t, voyant un laurier,

elle s'assit dessouset offrit line priere au SeigneurDieu, disant :

1. Cette traduction se donne pour but de faire ressortir a particularite du

texte grec de Postel tel qu'il transparait dans sa version atine. Elle estde

ce fait aussi itterale que possible, sans outefois devenir une veritable

traduction de verba ad verbum.

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56

I. BACKUS

 Dieu de mes peres, benis-moi et exaucema priere, ainsi que tu

as beni Ie ventre de Sara et que tu lui as donne pour fils Isaac .

3,1Et regardant veTSe ciel, elle vit dans e laurier Ie Did d'un petit

oiseau. Et elle se mit a se lamenter en elle-meme, disant : helas,

a qui puis-je etre comparee et qui m'a mise au monde? Et quel

sein m'a engendree pour que je sois nee si maudite aux yeux des

fils d'Israel? Car ts me blament, ts se moquentde moi et its m'ont

bannie du temple du SeigneurDieu. 3,2Helas, a quai suis-je sem-

blable? Je ne peux pas etre comparee aux oiseaux du ciel, car

meme es oiseaux sont feconds SallSes yeux de leur Seigneur I].

De fait, Seigneur,ce qui est en moi, je te Ie remets. Helas, a quai

puis-je donc etre comparee? Je ne peux pas etre comparee aux

betesde la terre, car elles aussisont econdesdevant oi, Seigneur.

Helas, a quai est-ce que je ressemble?Je ne peux pas etre com-

paree aux animaux prives de raison, car ils sont feconds devant

toi, Seigneur.Mais a quai serai-je comparee? Je ne peux pas etre

comparee aux eaux car elles aussi sont fecondes devant toi. De

fait, ces eaux, tan ot calmes, tantot bondissantes, e louent par

leurs poissonsde mer. 3,3Mais, helas, a quai puis-je etre compa-

ree? Je ne vaux pas aut ant que la terre, car la terre produit ses

fruits en temps opportun et te benit, Seigneur .

4,1Et voici qu'un ange du Seigneurvola veTS lle, disant: Anne,

Anne, Dieu a exauce a priere. Tu concevras et tu enfanteras, a

posterite sera repandue dans Ie monde entier . Et Anne dit:

 aussi vrai que vit Ie Seigneurman Dieu2, si ' enfante,que ce soit

un gar<;on u une fille, j'amenerai cette offrande au Seigneurnotre

Dieu et l'enfant sera a sonservicedans e temple to us es ours de

sa vie . 4,2Et voici qu'arriverent deux anges ui disant: Joachim,

ton marl, vient avecses roupeaux . En effet, un ange du Seigneur

descendit veTSui, disant: Joachim, Joachim, Dieu a exauce a

priere. Descends d'ici. Voici que ta femme, Anne, va concevoir

dans son sein . 4,3Et Joachim descendit et il appela sesbergers,

disant: apportez-moi ici dix agnelles sans ache et sansdefaut,

et elles seront pour Ie Seigneurman Dieu; et apportez-moi douze

veaux propres et ils seront pour les pretres et pour Ie clerge; et

apportez-moi cent chevreaux et les cent chevreaux seront pour

tout Ie peuple. 4,4Et voici que Joachimarriva avecses roupeaux,

et Anne etait postee a la porte et elle vit Joachim arriver avec ses

troupeaux; et, courant veTSui, elle se suspendita son Call,disant

maintenant je saisque Ie Seigneur Dieu m'a grandementbenie.

Voici que, ayant ete veuve, e ne Ie suis plus, et ayant ete sterile,

2. Lit. : vit Ie Seigneur mon Dieu.

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57UILLAUME POSTEL

je concevrai en moD sein". Et Joachim se reposa, e premier our,

dans sa maison.

5.1Et Ie lendemain l apporta sesoffrandes disant en ui-meme : si

Ie Seigneur Dieu benit pour moi Ie petalon du pretre, ce sera un

signe pour moi3. Et Joachim apporta sesoffrandes et il fit atten-

tion au petalon ou a l'ephod4 du pretre lorsque celui-ci fut admis

a l'autel du Seigneur,et il ne vit pas de faute en ui-meme. Et Joa-

chim dit: "maintenant e saisque Ie Seigneurm'a fait grace et qu'il

m'a remis taus mespeches." Et il descenditdu temple du Seigneur

justifie et il vint dans sa maison. 5.2Ainsi Anne con~ut et il s'ac-

complit pour elle six mois. Et Ie neuvieme mois Anne enfanta, et

elle dit a la sage-femme: "qu'ai-je enfante ?" Et celle-ci dit: "une

fille." Et Anne dit: "mon ame a ete exaltee en ce our." Et elle la

coucha. Et quand ses ours furent accomplis, Anne quitta5 [la

chambre nuptiale] et donna Ie sein a la nouvelle-nee, et elle lui

donna Ie nom de Marie.

6,1Et de jour en jour la petite fille se fortifiait; et quand elle fut

agee de six mois, sa mere la mit a terre pour voir si elle se tenait

debout. Et elle fit sept pas en marchant et vint veTSe giron de sa

mere. Et Anne dit: "aussi vrai que vit Ie Seigneur man Dieu, tu

ne marcheraspas6sur cette terre jusqu'a ce que e t'emmene dans

Ie temple du Seigneur". Et elle fit une purification dans sa

chambre et elle se donna de la peine pour eloigner out ce qui etait

impur ou pollue, a caused'elle. Et elle appela es filles pures des

Hebreux et elles l'emmenerent. 6.2Et la petite fille arriva a l'age

d'un an et Joachim fit un grand festin et invita les princes des

pretres et les scribes et Ie conseil, autrement dit Ie clerge, et tout

Ie peuple d' srael. Et Joachim apporta les offrandes a cesprinces

des pretres et ils la benirent, disant: "Dieu de nos peres, benis

cette enfant et donne-lui un nom renomme ou repandu eternel-

lement, dans outes les generations." Et tout Ie peuple dit : "amen,

ainsi soit-il". Et ils la presenterent aux pretres et ceux-ci la beni-

rent, disant : "Dieu des hauteurs, ette les yeux sur cette enfant et

benis-la d'une benediction permanente". 6,3 t sa mere l'empor-

ta et lui donna Ie sein. Et Anne fit un cantique au SeigneurDieu,

disant: "je chanterai un cantique, ou une louange, au Seigneur

mODDieu, parce qu'il m'a visitee et qu'il a enleve de moi l'outra-

ge de mes ennemis. Et Ie Seigneur Dieu m'a donne un fruit de sa

justice, multiple devant lui. Qui annoncera aux fils de Reuben

qu' Anne allaite? Apprenez, apprenez, es douze tribus d' srael,

3. Lit.: il me rendra a chose vidente.

4. Ct. Exode25,7.

S. Lit. : sesepara.

6. Lit. : c'estque u ne marcheras as.

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58

I. BACKUS

qu' Anne allaite". Et elle la deposadans e lit de sa sanctification,

et soffit et se mit ales servir. Quand Ie festin fut termine ils se dis-

perserent pleins de joie et lui donnerent Ie nom de Marie, parce

que son nom ne tombera pas en oubli et ne sera pas efface, pour

l'etemite. Et its chanterent es louanges au Dieu d' srael.

7,1Or, pour l'enfant sesmois s'ajoutaientaux mois. Et lorsque 'en-

fant eut deux aDS, oachim dit a Anne sa femme: "menons-la au

temple de Dieu pour accomplir Ie voeu que DOllS vons fait, de

peur que Dieu ne l'enleve a DOllS t qu'il ne se mette en colere

contre DOllS t que notre offrande ne soit rejetee." Et Anne dit:

"attendons la troisieme annee pour qu'il ne lui arrive pas de cher-

chef sonpeTeou sa mere". Et Joachimdit: "attendons". 7,2Et 'en-

fant eut trois aDS.Et Joachim dit : "appelez es filles sanssouillu-

re des Hebreux et qu'elles re~oivent chacune une lampe et que

ces ampes soient allumees, pour que l'enfant ne se retoume pas

en arriere et que son creur ne soit pas retenu en dehors du temple

de Dieu." Et elles firent ainsi usqu'a ce qu'elles fussent entrees

dans Ie temple du Seigneur. 7,3Et ilIa mit sur Ie troisieme degre

de l'autel et Ie SeigneurDieu fit descendresa grace sur elle et elle

dansait avec sespieds et toute la maison d' sraell'aima.

8,1Et sesparents descendir:ent, dmirant et louant Dieu parce que

la fille ne s'etait pas retoumee contre eux. Et Marie etait elevee

dans Ie temple du Seigneurcomme une colombe et elle recevait

de la nourriture de la main de l'ange. 8,zMais orsqu'elle atteignit

l'age de douze aDS ans Ie temple du Seigneur, l se fit une deli-

beration des pretres, qui disaient: "voila dix aDS ue Marie est7

dans e temple du Seigneur; que devons-Dolls aire d'elle, de peur

que la sanctification du Seigneur notre Dieu ne soit par hasard

souillee ?" Et les pretres dirent au prince despretres: "mets-toi

pres de l'autel de Dieu et entre dans e sanctuairede Dieu et prie

pour elle et a son sujet; et tout ce que Dieu aura revele, DOllSe

ferons". 8,3Et Ie prince des pretres, ayant pris Ie vetement aux

douze clochettes, entra dans Ie saint des saints et pria a son sujet

Et voici qu'un ange du Seigneurparut disant a Zacharie: "Zacha-

rie, SOTSt convoque les veufs du peuple et qu'ils apportent cha-

CUD ne baguette: et celui auquel Dieu montrera un signe, a

celui-ci reviendra a garde de la jeune femme". Et les herauts sor-

tirent a travers toute la region de Judee et la trompette du Sei-

gneur retentit, et taus accoururent.

9,1Et Joseph, ayant ete sa hache, soffit lui aussiau-devant d'eux

et, reunis en groupe, ils se rendirent chez e grand pretre, ayant

re~u eursbaguettes.Et, recevantd'eux les baguettes, l entra dans

7. Lit.: Voila queMarie a eu dix ans

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UILLAUME POSTEL

Ie temple et pria. Et quand il eut acheve sa priere, il prit les

baguettes et sortit. Illes leur donna a chacun et il n'y avait pas de

signe en elles. Or Joseph e~ut a derniere baguette et voici qu'une

colombe sortit de la baguette et se percha sur la tete de Joseph.

Et Ie pIetTe dit a Joseph: "c'est toi qui es ire au sort pour prendre

en garde chez oi la vierge du Seigneur". 9.2EtJosephprotesta, en

disant: "j'ai des fils et je suis un vieillard, tandis qu'elle est une

jeune fille: c'est pourquoi je crains de me TeDdIe idicule devant

les fils d' srael". Et Ie grand pIetTe dit a Joseph: "crains Ie Sei-

gneur ton Dieu et souviens-toi de tout ce qu'il a fait quand il y

avait Datan et Abiron et Core: comment a terre se fendit et les

engloutit pour lui avoir resiste.Et maintenantcrains Dieu, Joseph,

que cela n'arrive egalementdans a maison. 9,3 oseph, rempli de

crainte, la prit pour lui et lui dit: "voici, Marie, je te re~ois du

temple du Seigneur Dieu et maintenant e te laissedans ma mai-

son et e m' en vais construire desbatiments et e viendrai veTSoi.

Que Ie Seigneur e garde tOllS es ours".

10,1Or il se fit une deliberation des PIetIeS, disant : "faisons un

voile ou une couverture pour Ie temple du Seigneur." Et Ie prin-

ce des pIetIeS dit: "appelez-moi les vierges sanssouillure de la

tribu de David". lis s'en allerent et, en cherchant, ilstrouverent

sept vierges. Et Ie pIetTe se souvint de Marie, qu'elle etait de la

tribu de David, et qu'elle etait sanssouillure devant Dieu. Et les

messagers a trouverent et l'amenerent dans Ie temple du Sei-

gneur. Et Ie prince despIetIeS dit : "tirez-moi au sort laquelle file-

ra Ie fil doTe et l'amiante, Ie liD et la soie, et Ie bleu, et l'ecarlate

et la pourpre veritable." Et la pourpre veritable et l'ecarlate echu-

rent a Marie. Et elle les prit et partit pour sa maison. A ce

moment-la, Zacharie perdit la parole et Samuelle rempla~a.Jus-

qu'a toi a parle Zacharie [ ]. Et Marie, ayant pris la pourpre et

l'ecarlate, se mit a filer.

11,1 t elle prit sa cruche et sortit puiser de l'eau. Et voici qu'une

voix lui dit : "rejouis-toi, pleine de grace, e Seigneurest avec oi;

tu es benie parmi les femmes." Et Marie regardait a droite et a

gauche pour voir d'ou venait cette voix. Et toute tremblante, elle

entIa dans sa maison et deposa sa cruche. Et apres avoir pris la

pourpre, elle s'assit sur sa chaise pour travailler. 11.2 t voici que

l'ange du Seigneur parut devant elle en disant: "n'aie pas peur,

Marie, tu as rouve grace aupres du Seigneurde toutes choses,et

tu concevras de son Verbe saint." Et Marie, ayant entendu ces

paroles, hesitait en elle- meme, disant: "si je con~ois de Dieu,

enfanterai-je comme enfante n'importe quelle femme?" 11,3Et

l'ange du Seigneurdit: "non, pas ainsi, Marie, car a puissancede

Dieu te couvrira de son ombre; c'est pourquoi Ie saint fruit qui

naitra de toi s'appellera fils de Dieu et tu lui donneras e nom de

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I. BACKUS

Jesus. Car c'est lui qui sauvera son peuple de ses peches." Et

Marie dit: "voici la servantede Dieu, qu'il en soit fait de moi selon

sa parole".

12,1 t apres avoir travaille la pourpre et l'ecarlate, elle les rap-

porta au pretre. Et ilIa benit et dit: "Marie, ton nom est magni-

fie et tu serasbenie sur oute la terre". 12,2t, pleine de joie, Marie

partit chez sa cousine Elisabeth et frappa a sa porte. Et Elisa-

beth, ayant entendu, eta l'ecarlate, courut a la porte, lui ouvrit et

dit: "d'ou me vient que la mere de man Seigneur vienne chez

moi? Car voici que ce qui est en moi a tressailli et t'a benie." Or

les mysteresdont l'ange Gabriellui avait parle etaient cachespour

Marie. Et elle regarda Ie ciel et dit: "qui suis-je, moi, que toutes

les generations me proclament bienheureuse ainsi ?" 12,3 t elle

passa rois mois la-bas, chez Elisabeth. Et de jour en jour son

ventre grossissait. Et, saisie de crainte, Marie se rendit dans sa

maison et se cacha des enfants d' srael. Or elle avait seize ans

quand ces mysteres s'accomplirent.

13,1 t son sixieme mois arriva, et voici que Joseph entra de ses

chantiers, ou de ses ravaux en batiment. Et il entra dans sa mai-

son et la trouva enceinte. Et il baissa e visage et se eta par terre

et pleura amerement, disant "de quel front regarderai-je veTSe

SeigneurDieu ? Quelle priere ferai-je au sujetde celie jeune fine?

Car je l'ai re<;ue ierge du temple du Seigneur Dieu et je ne l'ai

pas gardee. Qui m'a trompe? Qui a commis ce forfait dans ma

maison et m'a ravi la vierge? Serait-ce que l'histoire d' Adam s'est

repetee en man cas? En effet, au moment ou Adam se trouvait

au sammet de sa gloire, Ie serpent entra et trouva Eve seule et la

seduisit. De meme, de meme [dis-je] en est-il advenu pour maio

13,2 t Josephse releva de sa priere8, appela Marie et lui dit : "toi

que Dieu a entouree d'une si grande sollicitude, pourquoi as-tu

fait cela? As-tu oublie Ie Seigneur on Dieu, toi qui as ete elevee

dans e saint des saints? Pourquoi as-tu avili ton ame? Pourquoi

as-tu fait cela, toi qui recevais de la nourriture de la main des

anges?" Et elle pleura amerement, disant: "je suis pure et je ne

connais pas d'homme." Et Joseph ui dit: "d'ou est alors ce fruit

que tu as dans ton sein ?" "Aussi vrai que vit Ie Seigneur man

Dieu que je ne sais pas d'ou il est en moi".

8. Lit. : de son rite. Latin: de sacra, ne correspond a aucune variant1

connue dans e grec. La difference entre Ie grec de Neander et Ie latin d1

Postel avait deja frappe Fabricius. (1719,p. 96,note q).

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UILLAUME POSTEL

14,1 t Joseph fut fort effraye et continuait de reflechir: "que

dois-je faire d'elle ?" Et Josephdit: "si je cache sonpeche, e serai

considere coupable selon la loi du Seigneur, Si e la trahis et la

defiance aux fils d' srael, e crains qu'une injustice soil faite et que

je sois trouve coupable de livrer un sang nnocent it une condam-

nation it mort, Que dois-je donc faire d'elle? Assurement, je la

repudierai sansbruit," Et la nuit.Ie surprit, 14,2 t voici que I' ange

du Seigneur ui apparait, disant : "fie crains pas cette jeune tille,

car ce qui est ne en elle est de l'Esprit-Saint, Et tu lui donneras e

nom de Jesus; car c'est lui qui sauvera sonpeuple de sespeches",

Et Josephse leva de son sommeil et glorifia Ie Dieu d' srael qui

lui avail donne sa grace, et il garda la jeunefille, 15,1 r Ie scribe

Anne vint it Joseph et lui dit: "pourquoi n'as-tu pas paru it notre

reunion ?" Et Joseph ui dit: "j'etais fatigue apres Ie voyage et e

me suis repose Ie premier jour," Et Ie scribe se retourna et vit

Marie enceinte, 15,2 t il partit en courant veTSe pretre et lui dit :

"Joseph, que tu appuies de ton temoignage, a commis un grave

peche," Et Ie pretre dit: "qu'est-ce que c'est ?" Et illui dit: "la

vierge qu'il avail re~ue du temple du Seigneur, ll'a souillee et il

a furtivement consomme son mariage avec elle et il ne l'a pas dit

aux fils d' srael", Et Ie prince des pretres lui repondit: "Joseph

a-t-il fait cela ?" Et Ie scribe Anne dit : "envoie des messagerset

ils la trouveront enceinte," Et les messagerspartirent et la trou-

verent comme ill'avait dit, Et ils l'emmenerent avec Joseph

devant e tribunal. 15,3 t Ie pretre dit : "Marie, pourquoi as-tu fait

cela? Et pourquoi as-tu avili ton arne, toi qui as ete elevee dans

Ie saint des saints, qui as re~u de la nourriture de la main de l'an-

ge, qui as entendu sesmysteres et qui as clausedevant ui? Pour-

quai as-tu fait cela? Et elle pleura amerement, disant "aussi vrai

que vit Ie Seigneur man Dieu, je suis pure devant lui et je ne

connais pas d'homme," 15,4 t Ie pretre dit it Joseph: "pourquoi

as-tu fait cela ?" Et Joseph dit: "aussi vrai que vit Ie Seigneur

Dieu et que vit son Christ, e suis pur de commerce avec elle", Et

Ie pretre dit : "fie rends pas de faux temoignage, mais dis la veri-

te, Tu as consomme urtivement sonmariage, et tu ne l'as pas fait

savoir aux fils d' srael, et tu n'as pas incline ta tete salls la puis-

sante main pour que ffit benie ta descendance",

16,1 t Ie pretre dit encore: "rends la vierge que tu as re~ue du

temple du Seigneur," Et Joseph ondit en armes, et Ie pretre dit:

"je valls ferai boire l'eau de l'epreuve du Seigneuret volfe peche

apparaitra it vas yeux," 16,2 t, prenant l'eau, Ie pretre fit boire

Joseph et l'envoya it la montagne, et il revint sain et sauf, Et il fit

boire aussi Marie et l'envoya, elle aussi, it la montagne, et elle

revint saine et sauve,Et tout Ie peuple fut dans 'etonnement que

la faute ne ffit pas apparue ou ne rut pas rendue manifeste en eux,

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I. BACKUS

16,3 t Ie pIetTe dit : "Dieu n' a pas fait apparaitre votre faute, moi

non plus je ne vous juge pas." Et illes renvoya. Et Joseph prit

Marie et partit pour sa maison plein de joie et glorifiant Ie Dieu

d' srael.

17,1 t il arriva un oldIe de l'empereur Auguste que se fissent ns-

crire tons ceux qui habitaient a Bethleem. Et Joseph dit: "pour

moi, je ferai inscrire mes fils. Mais a l'egard de cette jeune fille

que dois-je faire? Comment la ferai-je inscrire? Comme ma

femme? Mais elle n'est pas ma femme. Car e l'ai re<;uedu temple

du Seigneur,pour la garder. Alors, camille ma fille ? Mais taus leg

fils d' srael savent que je n'ai pas de fille. Que dois-je faire d'el-

Ie? Dans cette journee du Seigneur, e ferai selon la volante du

Seigneur. 17,2 t Josephsella son finesseet ilIa fit asseoirdessus.

Et Jacob et Simon suivaient, et ils s'approchaient, a une distance

de trois milles [ ]. Et Josephse retourna et la vit triste; et il se dit

en lui-meme : "peut-etre ce qui est en elle la rend triste". Et Jo-

sephse retourna de nouveau et la vit qui riait; et illui dit : "Marie,

qu'as-tu donc la, que je vois ton visage tan ot riant tantot assom-

bri ?" et Marie dit a Joseph: "c'est que devant mes yeux e vois

deux peuples, l'un qui pleure et se lamente, et l'autre qui fit et

exulte." 17,3 t il arriva a mi-chemin et Marie lui dit: "fais-moi

descendre de l'ane, car ce qui est en moi me presse pour appa-

raitre". Et ilIa fit descendrede l'anesse et lui dit: "ou t'emmene-

rai-je et abriterai-je ta pudeur? Car l'endroit est desert".

18,1 t il trouva la une grotte, l'y conduisit et la confia a son fils, et

partit chercher une sage-femme dans la region de Bethleem.

18,2 t Josephen se promenant vit Ie ciel mmobile et l'air qui bou-

geait et leg oiseaux qui ne bougeaient pas. Et, regardant la terre,

il vit une terrine deposee et des ouvriers couches, et leurs mains

etaient dans la terrine. Et ceux qui machaient ne machaient pas,

et ceux qui soulevaient ne prenaient rien, et ceux qui portaient a

la bouche n'y portaient rien. Mais leg visagesde taus regardaient

en haut. Et voici que leg moutons etaient disperseset qu'its ne pro-

gressaientpas mais etaient immobiles. Et Ie berger leva la main

pour leg frapper avec son baton, et sa main s'arreta. Et il regarda

Ie courant de la riviere et il vit leg bouches des chevreaux qui

etaient tout cantle l'eau mais ne buvaient pas. Et toutes choses

etaient subitement emportees par leur cours, c'est-a-dire toutes

chasesetaient arretees [ I].

19,1 t voici qu'une femme qui descendaitde la montagne lui dit:

"l'homme, ou vas-tu ?" Et il dit : "je cherche une sage-femme

juive". Et elle lui dit: "es-tu d' srael ?" Et illui dit: "oui". Et elle

dit : "et qui estcelIe quienfante dans a grotte ?" Et illui dit : "celIe

qui est ma fiancee". Et elle lui dit: "n'est-elle pas ta femme ?" Et

Josef dit: "elle n'est pas ma femme, mais Marie qui a ete elevee

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63UILLAUME POSTEL

dans Ie temple du Seigneur, et qui porte un fruit con~u du

Saint-Esprit . Et la sage-femme lui dit: cela est-il vrai ? Et

Joseph lui dit: viens voir . Et la sage-femme partit avec lui

19,2et 'arreta it l'endroit de la grotte. Et une nuee umineuse cou-

vrait la grotte, et la sage-femme dit: mon ame a ete exaltee

aujourd'hui, car mes yeux ant vu des chasesmerveilleuses; c'est

que Ie salut est ne pour Israel . Et aussit6t a nuee dans a grotte

devint une grande lumiere, de sorte que nos yeux ne pouvaient

pas la supporter. (Note que Jacquesparle de lui-meme ici, car il

assist it l'accouchementde Marie du debut it la fin pour pouvoir

ecrire ces chases) Et peu it peu la lumiere se retira jusqu'it ce

qu'apparut un petit enfant; et il prenait Ie sein de sa mere Marie.

Et la sage-femme poussa un cri et dit : comme il est grand pour

moi Ie jour d'aujourd'hui; c'est qu'il a vu celie grande merveille .

19,3 t la sage-femme sortit de la grotte, et Salome a rencontra,

et la sage-femmedit it Salome: j'ai it te raconterune grandemer-

veille: une vierge a mis [un fils] au monde, ce dont sa nature n'est

pas capable, et la vierge Teste ierge . Et Salome dit: aussi vrai

que vit Ie Seigneurman Dieu, si e n' examine pas sa nature, e ne

croirai jamais que la vierge a enfante.

20,1 t la sage-femme entIa et dit it Marie: couche-toi, car ce

n'est pas un mince debat qui va it ton encontre . Et Salome ou-

cha sa nature, et sortit en disant malheur it man iniquite et it ma

mauvaise oi, parce que j'ai tente Ie Dieu vivant, et voici que ma

main, consumeepar Ie feu, se detache de moi. 20,2 t elle flechit

leg genoux devant Dieu et lui dit: Dieu de nos peres,souviens--toi

de moi, de ce que je suis la posterite d' Abraham, d'Isaac et de

Jacob. Et ne me donne pas en exemple aux fils d'Israel, mais

rends-moi aux pauvres. Car tu sais, oi, Seigneur,que c'est en ton

nom que 'accomplissaismes guerisonset mes goinget que e rece-

vais man salaire . 20,3 t voici que l'ange du Seigneur parut, lui

disant: Salome, Salome, Ie Seigneur a exauce ta priere.

Approche ta main de l'enfant et prends-le dans es bras, et il sera

pour toi salut et joie. 20,4 t Salome approcha et Ie prit dans ses

bras, en disant: je l'adorerai car c'est lui qui est ne comme grand

roi en Israel . Et elle prit l'enfant dans sesbras et aussit6t Salo-

me fut guerie et elle sortit de la grotte justifiee. Et voici qu'une

voix lui dit: n'annonce pas eg chasesmerveilleuses ue tu asvues

jusqu'it ce que l'enfant gait entre dans Jerusalem .

21,1 t voici que Josephse prepara pour partir pour la Judee. Et il

se fit une grande agitation it Bethleem de Judee. En effet, leg

magesvinrent, en disant : ou est celui qui est ne comme roi des

Juifs? Car no us avons vu son etoile en Orient et nous sommes

venus 'adorer . 21,2 t Herode, en entendant cela, fut trouble et

il envoya desserviteurs aux mages.Et il convoqua aussi egprinces

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64

I. BACKUS

des pretres et illes interrogea en disant: qu'est- il ecrit a propos

du Christ? Oil doit-il naitre ? ils lui dirent: a Bethleem de

Judee; car c'est ainsi qu'il est ecrit . Et illes renvoya. Et il inter-

rogea leg magesen leur disant : quel signe avez-vous vu au sujet

du roi qui vient de naitre? Dites-le moi . Et leg mages dirent:

 son etoile fut grande a sa naissance,elle a eclaire leg etoiles du

ciel au point d'amortir leur eclat, de sorte qu'on ne leg voyait plus.

Et ainsi DOUg vons reconnu qu'un grand roi est ne pour Israel, et

no us sommes venus l'adorer . Et Herode leur dit: allez a sa

recherche, et si vous Ie trouvez, annoncez-le moi pour que moi

aussi e vienne l'adorer . 21,3 t leg magessortirent. Et voici que

l'etoile qu'ils avaient vue en Orient leg guida usqu'a ce qu'elle ffit

entree dans la grotte. Et elle s'arreta au bout de la grotte, et leg

mages virent l'enfant avec sa mere, Marie, et ils l'adorerent. Et

tirant des dons de leurs bourses, ls lui donnerent de l'or, de l'en-

cens et de la myrrhe. 21,4Etayant accepte a decision de l'ange de

ne pas retourner a Herode, ils retournerent par une autre route

dans leur pays.

22,1 lors, Herode, voyant qu'il avail ete oue par leg mages,se mil

en colere et envoya sesassassins our tuer tOllS eg petits enfants

qui etaient a Bethleem, depuis l'age de deux aDSet en dessous.

22,2EtMarie, apprenant qu'on tuait leg enfants, saisiede peur, prit

l'enfant et l'emmaillota et Ie coucha dans une mangeoire a betail.

22,3 t Elisabeth, apprenant qu'on recherchait Jean, monta dans

la montagne et elle cherchait aut our d'elle un endroit pour Ie

cacheT,et il n'y avail pas de cachette. Et, poussant un gemisse-

ment, Elisabeth cria : montagne de Dieu, re~ois a mere avec son

fils . Car Elisabeth etait incapable de monter. Et aussitot a mon-

tagne se fendit et la re~ut. Et la lumiere brilla pour eux, car l'an-

ge du Seigneur etait avec eux, qui veillait sur eux.

23,1Or Herode continuait a chercher Jean; et il envoya des servi-

leurs a Zacharie, son peTe,disant : oil as-tu cache ton fils ? Et

il repondit en disant : moi, je suis un ministre, ou un pretre de

Dieu et e demeure dans Ie temple du Seigneur; e ne saispas oil

est moo fils. 23.2 t leg serviteurs partirent et rapporterent cela a

Herode. Et it se mil en colere et dit : son fils va regner sur Israel .

Et illes envoya de nouveau a Zacharie, en disant: dis la verite,

oil est ton fils? Ne sais-tu pas que ton sang est a portee de ma

main ? Et leg serviteurs partirent et rapporterentcela a Zacha-

fie. Or, il dit: 23,3Dieu m'est temoin que e ne saispas oil est moo

fils. Toi, tu peux verser moo sang si tu veux, quant a moo esprit,

Dieu Ie recevra parce que c'est un sang nnocent que tu verses.

Dans Ie vestibule du temple du Seigneur, pres de la barriere,

Zacharie fut assassine.

24.1 t leg pretres partirent a l'heure de la salutation. Et la bene-

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65

UILLAUME POSTEL

diction de Zacharie ne vint pas a leur rencontre comme a l ac-

coutumee. Et les pretres resterent pour saluer Zacharie et pour

glorifier Ie Tres-Haut. 24,2 t, comme il tardait, ils avaient peur

d entrer. L un d eux, pourtant, s enhardit pour entrer et rapporta

aux pretres que Zacharie avail ete assassine.24,3 t quand ils

eurent entendu [cela] ls s enhardirent a entrer, et ils virent ce qui

etait arrive. Et les lambris du temple gemirent et ils etaient fen-

dus depuis Ie haul jusqu au bas. Et son corps ne fut pas trouve,

mais son sang ut petrifie dans e vestibule du temple. Et, saisisde

frayeur, ils sortirent et annoncerent a tout Ie peuple que Zacha-

rie avail ete assassine. t les tribus au peuple l entendirent et elles

Ie pleurerent et se lamenterent trois jours et trois nuits. 24,4 ais,

apres trois jours, les pretres tinrent conseil [pour decider] qui ils

mettraient a sa place. Et Ie sort tomba sur Symeon. C etait lui, en

effet, qui avail ete averti par une prophetie du Saint-Esprit qu il

ne verrait pas a mort sansavoir vu d abord Ie Christ dans a chair.

25,1 t moi, Jacques, qui ai ecrit celie histoire, lorsque Ie trouble

qu Herode suscitaeclata a Jerusalem, e me retirai dans e desert

jusqu a ce que Ie trouble a Jerusalemse soil apaise.Et je glorifie

Dieu qui m a donne Ie don d ecrire cette histoire. 25,2Eta grace

soil avec ceux qui craignentnotre Seigneur esus-Christ,a qui soil

la gloire et la puissance, vec e PeTeetemel et Ie bon Saint-Esprit

vivifiant, maintenant et toujours et dans les siecles des siecles.Amen.

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Christian-Bernard MPHOUX

CNRS

L EV ANGILE SELON LES HEBREUX

SOURCE DE L EV ANGILE DE LUC

Among the apocryphal gospels, he Gospel according to the Hebrews

shows he unusualparticularism to be classifiedby Eusebiusof Cesarean

a group of intermediate writings between hoseof the New Testament nd

thosewhich have been ejected asheretical. Does what is left of this book

allow us to put it on the same evel with some apostolical writings (as the

Didache), or neotestamentary the Revelation of John)? Two old refer-

ences,he gnaceof Antioch s and the Papias , nvite us to consider hat this

book wasamongst he sources of Luke, which ustifies, obviously, he Euse-

bius classification.

Parmi les evangilesapocryphes, Evanglie selon es H6breux presente

la particularite remarquable d etre classe ar Eusebede Cesaree ans une

categoried ecrits intermediairesentre ceux du Nouveau Testament t ceux

qui sont rejetes ommeheretiques.Ceque nous conservons e ce ivre perdu

nous permet-il de rendre comptede cettemisea egaliteavec certainsecrits

apostoliques comme a Didache), voire neotestamentairesI Apocalypse

deJean)? Deux references nciennes, une chez Ignaced Antioche, l autre

chez Papias, nvitent a considererque ce ivre a figure parmi lessourcesde

Luc, ce qui justifie, evidemment,e classement ropose par Eusebe.

Apocrypha 6,1995, p. 67-77

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68

C.-B. AMPHOUX

L Evangile selon les Hebreux est Ie nom d un ecrit ancien doni

il ne nous est parvenu aucune copiel, mais doni il subsisteun cer-

tain nombre de mentions et de citations, de Clement d Alexandrie

a Jerome, qui laissent ouverte la question de la place de ce livre

parmi leg ecrits judeo-chretiens2. Mais l interet de ce livre est

ailleurs. D une part, Eusebe reserve a cet « evangile » une place a

part en Ie classant,non parmi leg ivres a rejeter, comme a plupart

des ecrits apocryphes,mais parmi ceux qui ne sont ni canoniques

ni heretiques et qui jouissent d une certaine consideration, sans

avoir leg qualites de ceux qui entrent dans Ie corpus du Nouveau

Testament3.D autre part, leg deux plus anciennesmentions de ce

livre semblent Ie rattacher a la tradition de Luc plutot qu a celIe

de Matthieu ; si bien que ce livre perdu demeure une enigme,

quant a sonorigine et son contenugeneral. Aussi nous proposons-

nous d examiner ici plus specialementeg deux mentions qui appa-

rentent ce livre a la tradition lucanienne et d en tirer quelques

enseignementsquant a l origine probable du livre.

1. 11n est pas raisonnable, dans ces conditions, de vouloir porter un juge-

ment d ensemble sur l reuvre. Appartient-elle, pendant un moment de

son existence au moin~ au courant que I on appelle «judeo-chretien» ?

Se confond-elle avec I bvangile des Nazoreens, sur lequel on est ii. peu pres

aussi mal informe? La question DOllS parait de pure forme. En dehors

des evangiles canoniques, on ne petit guere parler precisement que de

trois ecrits portant Ie nom d evangile : Ie Protevangile de Jacques, l E-

vangile selon Thomas et I Evangile de Nicodeme ; ajoutons encore, tout

au plus, leurs descendants directs, et remarquons qu aucun d eux ne con-

cerne Ie fecit du ministere de Jesus. Y a-t-il eu tine quatrieme tradition

concernant ce rninistere, qui soit distincte de celIe qui va former les evan-

giles canoniques ? Nous ne Ie croyons pas. L autonomie des fragments

d evangiles non canoniques presentant des episodes du ministere de Jesus

Teste ii. etablir. Mais, pour autant, ce ne soot pas necessairement des

reuvres qui dependent des evangiles canoniques, et c est Iii. tout leur inte-

ret ; dans certains cas, elles peuvent etre Ie temoin de sources des evan-

giles. Et nous croyons en tenir deux exemples.

2. Cf. P. VIELHAUER -G. STRECKER, ewish-Christian Gospels, dans W.

SCHNEEMELCHER Ed.), New Testament Apocrypha, Louisville (Kent.),

1991, 134-165 et 172-178; M. ERBETTA,Gli Apocrifi del Nuovo Testamento,

t. 1/1, Turin, 1975, p.111-136. Voir aussi: A. F. J. KLIJN, Patristic eviden-

ce for Jewish Christian and Aramaic Gospel tradition, dans E. BEST -R.

McL. WILSON (Ed.), Text and Interpretation, Cambridge, 1979, p. 169-177.

3. Dans son Histoire ecclesiastique (III, 25,4-5), Eusebe mentionne comme

V6~Ol, «batards », entre les livres reCtUS t les livres rejetes, les Actes de

Paul, Ie Pasteur d Hermas, I Apocalypse de Pierre, I Epftre de Barnabe,

les Instructions des apotres, I Apocalypse de Jean et, ajoute-t-il encore, I E-

vangile selon les Hebreux.

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69

L'

EVANGILE SELON LES HEBREUX

Un bref rappel des principaux manuscritsde la tradition textuel-

Ie des evangilesestnecessaire. es onciauxB.03 (Vaticanus) t S.Ol

(Sinai ticus) oot des Bibles grecquesdont Ie texte a ete recenseet

pourvu d'une division numerotee,ls representent eseditions reali-

sees ers e milieu du We siecle, Alexandrie (B) et a Cesaree(S)4,

et soot la base du texte du Nouveau Testament imprime d'au-

jourd'hui. Oe plus, pour leg evangiles, e texte de B reproduit sim-

plement une edition plus ancienne, egalementalexandrine, reali-

see vers 175, andis que celui de S utilise une recension de la fin

du llIe siecle (celIe de Pamphile ?) qui subit diverges nfluences,

et en particulier celIe d'un type de texte dit « palestinien », cou-

vrant en realite une aire geographiqueplus large et correspondant

plutot a un texte «courant », c'est-a-dire non recense -d'ou la

diversite du texte, d'un temoin a l'autre -, et represente par des

manuscrits medievaux : l'oncial 0.038, ou Codex de Koridethi, leg

familIes f et f3, leg minuscules28, 565 et 700,notamment. L'edi-

lion alexandrine de 175 est encore representee,pour Luc et Jean,

par Ie papyrus p75 Bodmer XIV-XV) et suivie plus librement par

p66 Bodmer II) et p45 Chester Beatty I), tous trois copies vers

200. Avant cette edition, une autre a eu lieu a Smyrne,vers 120, et

n'est plus representee que par un manuscrit bilingue, 0.05, Ie

Codex de Beze, copie au Ve siecle avec une version latine (itd),

mais elle est encore attestee dans de nombreusescitations, chez

Justin, Marcion, Heracleon, Tatien, Celse, Irenee, Tertullien,

notamment. Cette chronologie servira de base de comparaison

entre leg evangilesdits « canoniques » et leg autres ecrits.

1. Le temoignage 'Ignaced'Antioche

Dans la lettre d'Ignace Aux Smyrniotes,nous isons cette paro.

Ie du ressuscite :

3,1-2 : Apres la resurrection, je sais et je craig qu'il etait lui-

meme dans a chair. Et lorsqu'il vint veTS eux qui etaient autour

de Pierre, illeur dit: «Prenez, touchez-moi et voyez ('I'TlA.u(f)il-

crute ~E Kut '(OEtE) ue je ne suis pas un demon incorporel ».

4. II existe en grec trois systemesde division numerotee des evangiles,et

chacundes grands onciaux, A, B et S, en contient un ; cela contirme I'ob-

servation des variantes qui permet de conclure que cesmanuscrits attes-

tent les trois principales editions realiseesau IVe siecle,celie d'Antioche

(A) etant un peu plus tardive que les autres. Ct. C.-B. AMPHOUX, Les

divisions du texte grec des Evangiles dans I' Antiquite », dans Actes du

colloque de Chantilly, decembre 1994 a paraltre).

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70

C.-B. AMPHOUX

La parole a un contexte narratif, a la difference des paroles de

Jesus eunies dans es discours evangeliquesde Matthieu,de Luc,

ou dans ' Evangile selon Thomas.L'origine estdonc probablement

differente. Or, cette parole, ne figurant pas dans es evangiles en

termes identiques -ce qui est assez commun pour les lettres

d'Ignace, contenantplutot desallusionsaux Evangilesque descita-

tions litterales -, a dans Luc un equivalent tout a fait remarquable

qui, de plus, commence par les memesverbes :

24,39 : «... Touchez et voyez (\JfllAa<p1'jcratE at 'LDEtE), 'es-

prit n'a pas des os et des chairs (ocrtEa Kat crapKas-) omme vous

observez «(3AE1tEtE) ue j'ai» (D). A partir de cette premiere

redaction, Marcion mutile Ie texte en supprimant les mots qui

heurtent son docetisme, «toucher» et « chairs» ; et Ie verbe

« observer» «(3AE1tEtE)st corrige en «contempler» (~E(J}pEltE5.

Apres Marcion, les mots supprimes sont retablis; «chairs »,

encore au pluriel dans p75 (crapKas-Kat ocrtEa), passe ensuite au

singulier, plus abstrait, et « contempler » est maintenu :« ...Tou-

chez-moi et voyez, un esprit n'a pas de chair et d'os (crapKa Kat

ocrtEa) comme vous contemplez (~E(J}pEltE)que j'ai» (B).

Les deux paroles expriment une idee commune: Jesus est cor-

porellement ressuscite, idee que l'on trouve egalement chez Paul,

en lCo15. L'expression OU1J.1°Vl0V1crroJ.1u'tov,demon incorpo-

reI », e&i commentee a deux reprises, apres Ignace: Origene, qui

la critique dans l'introduction du De principiis (ou llEpi l1pxwv),

la dit provenir d'un ecrit qu'il appelle Instruction de Pierre -Ie latin

Doctrina Petri recouvre un probable L110Uxl'J'tou) llE'tpOU, mais

ce livre d'Origene ne nous est pas parvenu en grec- ; et Jerome,

dans la preface de son Commentaire sur Isai e, a dit provenir de

l' Evangile seiGn les Hebreux. Ce double commentaire souleve au

mains deux questions: les deux titres recouvrent-ils Ie me me

ecrit? Et peut-on dater l'attestation d'Ignace?

-La Doctrina Petri est un ecrit qui n'est pas connu autrement:

TieD ne permet un rapprochement avec les KllPuyJ.1u'tu llE'tpOU,

«Predications de Pierre », l'une des sources des Homelies clemen-

5. D'apres Tertullien, Adversus Marcionem 4,43; De carne Christi 5; et

Epiphane, Scholie78; voir A. VONHARNACK,Marcion, das Evangelium

vom remden Gott, Leipzig, 1924,p. 239* ; et C.-B. AMPHOUX, Le chap.

2 de Luc et l'origine de la tradition textuelle du Codex de Beze (D.O5 du

NT) », dans Filologia neotestamentaria (1991),p. 21-49,ct. plus particu-

lierement p. 36-37.

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71

  EVANGILE SELON LES HEBREUX

tines6; mais il se situe dans line tradition se rattachant au nom de

Pierre. L Evangile seton les Hebreu.x, au contraire, par ses autres

attestations, s inscrit plutot dans la tradition de Matthieu, qui n est

pas sans rapport avec celie de Pierre; l une et l autre, en revanche,

semblent plus eloignees de celie de Luc, si bien que Ie titre Doc-

trina Petri, a premiere vue, n aide pas a elucider Ie rapport avec la

tradition de Luc.

-La date des lettres d Ignace d Antioche est, a juste titre, fort

discutee. On en retient surtout, aujourd hui, leg passages concer-

nant l autorite de l eveque, pronee par leg lettres, et qui ne sem-

ble pas avoir d autre attestation avant 150, alors que la redaction

des lettres d Ignace se situe, selon Eusebe, SOliSTrajan (98-117)7,

c est-a-dire vers 110. De fait, leg lettres contiennent des allusions

aux evangiles qui out un caractere archalque et ne peuvent, sans

difficulte, etre situees vers 150, c est-a-dire a l epoque de Justin.

Nous avons resolu cette difficulte de date de la maniere suivante :

Ignace aurait bien ecrit ses lettres vers 110, mais son intention

aurait ete de proner l autorite d un livre en projet, non celie d un

arbitre de la communaute ; Ie projet en serait visible dans la let-

tre Au.x Ephesiens. One generation plus lard, leg conditions out

change; au moins a Jerusalem, l echec politique de Bar Kocheba,

soutenu par Rabbi Aquiba (135), a montre que l autorite du livre

que s etaient donne leg pharisiens ne suffisait pas. Et c est a Smyr-

ne que serait nee, chez leg chretiens, l idee de se doDDer un arbi-

tre qui prend Ie qualificatif d E7tlOlCo7tOC;,«veque ». Peu apres leg

evenements tragiques de Jerusalem, Polycarpe aurait rassemble

et edite leg lettres d Ignace, et introduit a cetle occasion leg passa-

ges concernant l episcopat monarchique, modifiant ainsi l autori-

te pronee par Ignace. Et c est de cetle edition que viendrait Ie texte

d Ignace que no us connaissons. En somme, pour ce qui est des

allusions evangeliques, DOUgmaintenons la date de 110. L ecrit que

cite Ignace existe a cetle date, c est donc un livre du Ier siecle ;

mais pourquoi Ignace se refere-t-il a lui plutot qu a Luc? Si DOUg

n avons pas d indice de l existence de Luc avant Ignace, c est peut-

etre que celui-ci a cite un autre livre, parce que Luc n est pas enco-

re connu de lui. Notons que Ie livre cite est assez ancien pour

qu Ignace Ie connaisse deja, et qu il a assez d autorite pour etre

considere par lui comme rapport ant line parole authentique de

Jesus ressuscite.

6. A. SIOUVILLE, es Homelies clemen ines,Paris, 1933,p. 9-13.

7. Eusebe de Cesaree,Histoire ecclesiastiqueII, 33 [Trajan] et 36 [Igna-

ce].

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C.-B. AMPHOUX

2. Le temoignage de Papias

L'autre temoignage est celui de Papias, egalement apporte par

Eusebe : celui-ci se ermine, en effet, par une allusion a un episo-

de introduit par Papias dans ses prop res ecrits et emprunte a

l' Evangile seton les Hebreux; il s'agit de l'histoire de la «Femme

adultere »

3,39,17 : Le meme Papias (...) expose aussi une autre histoi-

re a propos d'une femme(1tEpi yuvatK6~) accusee de nombreux

peches (&1ti 1toJ..J..al~1~aprlat~ Ota(3J..ll~Ei(Jll~)devant Ie Sei-

gneur, que renferme l'E'vangile selon les Hebreux (to Ka~'

'E(3paiou<; EuaYYEJ..tOV).

Le rapport entre celie histoire et l'episode de la« Femme adul-

tere » est etabli dans la traduction latine d'Eusebe, faite par Rutin,

qui traduit 7tEP\ YuvatK6~ t.7t\ 7tOAAai:~ il aptiat~ par de muliere

adultera. On peut songer a contester celie interpretation, mais elle

presente un appui textuel ; la premiere mention de la femme en

question, dans l'episode qui se trouve ordinairement (mais pas

dans tOllS les manuscrits) en In 7,53-8,11, se fait dans les termes

suivants :

In 8,3 :« Les scribes et Ies pharisiens amenent une femme sur-

prise dans Ie peche» (tn 1I~up't1<;t YUVULKU U'tE1ATl~~EVTlV),

selon D. Les papyrus p66et p75 gnorent I'episode, de meme que

Ies onciaux du IVe siecle (B S) et Ies temoins du type de texte

alexandrin (L T W 33) ou du texte « courant » avant 300 (0565).

La premiere tradition d' Antioche (Avid) est incertaine ; mais plus

tard, celIe de Byzance integre I'episode, avec une correction du

passage mentionne : « Les scribes et Ies pharisiens amenent une

femme surprise dans l'adultere» (YUVULKU n j.101XE1<;t

KU'tE1ATlj.1j.1EVTlV).a vieille Iatine se partage entre I'absence de

I'episode (ita f I q) et Ies traductions mulierem in adulterio

(itaurcer'), qui est aussi Ia Ie<;onde Ia Vulgate, ou mulierem moe-

cationem (itff2), qui supposent, I'une et I'autre, j.101XE1<;t,adulte-

re », contre 1Ij.1up't1Q,peche », Ie<;on e D (in peccato muliere, itd).

La correspondance entre Ie ton aJ: apn<;t e D et Ie ton noAAaI~

aJ: aptiat~ du temoignage de Papias autorise a considerer qu'il

s'agit bien du meme episode. II y a donc, dans I' Evangile seton les

Hebreux que connait Papias, un episode correspondant a celui de

la Femme adultere, qui a une redaction sans doute un peu diffe-

rente, mais un contenu equivalent.

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L EVANGILE SELON LES HEBREUX

73

Or, il est clair que l episode n est pas a sa place, dans Jean.Deux

exemples suffisent a montrer qu il n en a ni Ie vocabulaire ni Ie

style: Ie premier conceme es personnagesen presence«< es scri-

bes et les pharisiens » soot un couple employe dans les Synopti-

ques, mais jamais dans Jean) et Ie second, es particules (0£ est

employe abondamment dans l episode, alors que Jean prefere

oov). Autrement dit, l episode n appartient pas au ivre dans equel

il DOllS st parvenu. Le vocabulaire et Ie style, en revanche, res-

semblentdavantageaux Synoptiques.Mais cela ne suffit pas a eta-

blir un rapport avec Luc. Il taut, pour cela, prendre en compte

l une des variantes concernant episode : dans a famille j13, qui

groupe une dizaine de minuscules (13 69 124346543 788 826 828

983, selon l Edition IGNTP, Oxford, 1987), episode prend place

non dans Jean,mais dans Luc, a la fin du ministere, uste avant a

Passion,soit entre les chap. 21 et 22. Celie variante est nexplica-

ble par les reglesordinaires de la critique textuelle: ce n est ni une

variante harmonisante,comme il s en rouve dans celie famille de

manuscrits (par ex. Lc 22,43-44ransposeapres Mt 26,39,de l epi-

sode de Gethsemane dans Lc a son correspond ant dans Mt), ni

une variante explicative, puisque cet episode intervient dans un

contexte oil il ne s integre pas, mais demeure autonome de ce qui

l entoure. Nous y voyons donc un nouveau type de variantes : il

peut s agir d une survivance d un etat du texte des evangilesante-

rieur a celui que represente D comme a toute la tradition ulterieu-

re, et c est a tout son nteret.

Ainsi, on peut faire etat de deux elements ndependants pour

etablir un lien entre I Evangileselon esHebreux et Luc: d un cote,

une parole de Jesus essuscite nvitant sesdisciples a constater sa

corporalite, avecune formulation plus concise,dans un, mais rre-

cevable selon Origene, et un enonce qui commence de la meme

fa~on puis se complique comme pour contoumer une difficulte,

dans autre ; et de l autre cote, un episode issu du premier livre,

qui entre ensuite par interpolation dans Jean,mais que l on trou-

ve encore dans Luc, grace a la petite tradition de la famille f 13,

Deux elements, ce n est pas beaucoup pour etablir Ie contenu de

ce livre perdu et determiner son rapport avec Luc; mais analyse

des genres itteraires de ce dernier peut DOllS aider.

3. Lessources e Luc

La redaction de Luc combine, a tout Ie moins, trois genres it-

teraires distincts : un fecit de naissance, soIenneI et poetique

(chap. 1-2); un fecit du ministere de Jesus, ait d episodes inde-

pendants ou correIes, mettant en presenceJesusavec divers nter-

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74

C.-B. AMPHOUX

locuteurs, adversaires ou malades (chap. 3-9 et 18-24); entin, un

ensemble de paroles depourvues de cadre narratif, reunies en un

enseignementcentral dispose entre les episodes sur la rencontre

des enfants, situes en 9,46-48 et 18,15-17 chap. 10-17,y compris

quelques fares episodesnarratifs, ainsi que la fin du chap. 9 et Ie

debut du chap. 18). Et nul ne songea contester,aujourd hui, que

ces parties distinguees par Ie genre litteraire correspondenta des

sourcesdifferentes reunies par Ie redacteur.

Le fecit du ministere se prete a une deuxieme distinction: on y

trouve, d une part, un ensembled episodes qui ant dans Matthieu

et dans Marc la meme disposition relative et qui torment, une fois

reunis separement,une structure si forte qu on doit envisager u ils

ant constitue,d abord, une sourcepropre8; et, d autre part, un reli-

quat d episodes dont Ie statut estplus divers: les uns sont propres

a Luc, d autres se trouvent dansMarc et Luc, d autres encore dans

Luc et Matthieu,mais avecune disposition relative toute differen-

te9.L unite de ce reliquat n est pasevidente; il a pourtant une orga-

nisation interne que l on peut mettre en evidence et qui permet

d envisagerque cet ensemble narratif provienne d une quatrieme

source, distincte des trois precedentes.Ce reliquat a, en somme,

une qualite qui Ie distingue des autres : il se definit negativement,

une fois reconnues et rassemblees es parties qui constituent les

autres ensembles.Le reliquat parait ainsi correspondre a la partie

du livre autour de laquelle se sont agreges es trois ensembles

mieux caracterises,selon e projet du redacteur.

Or, c est a ce reliquat que DOllSmenent les deux temoignages

sur I Evangile selon es Hebreux. Et plus precisementa la fin de ce

reliquat: l episode de la Femme adultere, selon a place attestee

par f3, terminait Ie ministere, et la parole du ressuscite,d apres Ie

parallele de Lc 24,39,prenait place dans e dernier episode du ivre,

qui mettait ainsi accent sur a corporalite de la resurrection.Ainsi,

tout ou partie de ce reliquat a un rapport avec un livre dont DOllS

savons, par ailleurs, qu il existe avant Ignace, a pour lui quelque

autorite, et se rattache alors a la tradition de Pierre, avant de se

rapprocher,peut-etre seulementau ie siecle,de celIe de Matthieu.

Ce livre a deja des caracteristiques de vocabulaire et de style

appartenantaux Synoptiques,et il a en communavec Luc une idee

8. Ct. C.-B. AMPHOUX, «La composition de Matthieu inscrite dans dix

propheties de la Bible grecque », dans G. DORIVAL -O. MUNNICH (Ed.),

Kurd rol >l;6, SeLon LesSeptante, Paris, 1995, p. 333-369 (et specialement p.

347).

9. C.-B. AMPHOUX, «op. cit. », dans G. DORIVAL -O. MUNNICH (Ed.),

Kurd roVt; 6, SeLon Les Septante, Paris, 1995, p. 349. Nous presentons ci-

apres tine lisle corrigee de ces episodes.

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75

  EVANGILE SELON LES HEBREUX

qui ne se trouve pas dans es autres evangiles la corporalite de la

resurrection.

A ce point de nolle etude, il sembleque Ie nom d Evangileseton

les Hebreux corresponde a une source de Luc plutot qu a un ecrit

qui en soil derive; et ce n est pas n importe queUesource, mais

eUe concerne la partie de Luc autour de laqueUe es autres sont

venues s ajouter, au moment de la redaction. Les deux elements

qui permettent d etablir un rapport avec Luc sont independants

et complementaires,mais ils ne suffisent pas a rendre compte du

contenu de cet ecrit qui intervient dans a partie qui forme Ie cceur

de Luc; on peut, en revanche, a partir de Luc, dessinerprecise-

ment les contours de cette partie; en tenant compte de la presen-

ce de la Femme adultere a la fin du ministere, on aboutit a un

ensemble de vingt quatre episodesque voici :

Mc

Lc

Mt

1,21-39

3,13-19

8,14-17

10,1-4

5,3-12/ 10,21-25

8,5-13

11,2-19

4,21-25

5,15 10,26

4,35-41

5,1-20

5,21-43

6,6b-13

9,38-41

8,23-27

8,28-34

9,18-26

10,5-8

(12,30)

8,18-22

9,35-38; 10,9-16

11,20-27

Echec de Jesus a Nazareth

Succesde Jesusa Capharnaum

L appeL desDouze

Enseignement aux Douze

Guerisons de 2 hommes

Jean Ie prophete et Jesus

Simon Ie pharisien et Jesus

La vraie famille (a)

La Lampeet e secret

La vraie famille (b)

La tempeteapaisee

Guerison du demoniaque

Guerisonsde 2 femmes

Mission des Douze

Pour ou contre nous

La route de Jerusalem

Enseignement en mission

Retour de mission

Appel de Zachee Ie peager

Parabole des mines

Pleurs sur Jerusalem

Aumone de Laveuve

La Femme adultere

Les signesdu ressuscite

La corporalite du ressuscite

(25,14-30)

12,41-44

4,16-30

4,31-44

6,12-16

6,20-49

7,1-17

7,18-35

7,36-50

8,1-3

8,16-18

8,19-21

8,22-25

8,26-39

8,40-56

9,1-6

9,49-50

9,51-62

10,1-16

10,17-24

19,1-10

19,11-27

19,41-44

21,1-4

[ap.21,38]

24,13-35

24,36-49

(28,16-20)

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76

C.-B. AMPHOUX

Cet ensembles etend du debut a la fin du ministere de Jesuset

en couvre un peu moins de la moitie ; les referencesdes paralleles

de Marc attestent que ceux-ci ont la meme disposition relative et

se repartissent sur tout Ie ministere; ceuxde Matthieu, au contrai-

re, sont groupes dans la premiere partie du ministere de Galilee

(chap. 3 a 11) et presentent une organisation differente.

Le lien qui existe entre Marc et Luc, pour cesepisodes,merite

d etre approfondi, mais ce n est pas ci notre objet; qu il nous suf-

rise de rappeler que la premiere redaction marcienne est situee,

par deux temoins ndependantset complementaires,dans entou-

rage de Pierre, lequel est porteur de traditions venantde sonexpe-

rience passee,au temps de Jesuset de la communaute primitive 1°.

Et les deux premiers episodesmentionnes de Marc reposent, us-

tement, sur une telle tradition. Ainsi, les deux titres « Instruction

de Pierre » et « Evangile selon es Hebreux » disent quelque chose

de cet ensemblede Luc ; Ie rapport reste a preciser, mais on doit

noter que la source de Luc a laquelle ils correspondent apparait

comme une amplification en milieu paulinien (peut-etre en Asie)

d un ecrit plus ancien redige dans entourage de Pierre.

Conclusion

11existe au debut du lIe siecle, et depuis un certain temps pro-

bablement, un ecrit evangelique dont nous gnorons presque out,

sauf deux elements qui proviennent de la fin du livre: un episode

racontant I histoire de la Femme adultere, connu de Papias,et une

rencontre de Jesus essusciteavec sesdisciples dont Pierre est Ie

premier, au COUTSe laquelle illeur revele sa corporalite, par une

parole que connait et cite Ignaced Antioche. Cet ecrit se ransfor-

me, au COUTSu lIe siecle, et devient un livre de tradition mat-

theenne dont on connait plusieurs citations, et notamment une

parole de Jesusattribuee par Clement d Alexandrie a I Evangile

10. Ces emoins sont Papias, oujours d apres Eusebe (Histoire ecclesias-

tique III, 39,15) et Ie Pseudo-Clementd Alexandrie a qui I on doit la let-

tre sur I Evangile secret de Marc; lettre publiee et commentee par son

inventeur, M. SMITHClement ofAlexandria and a secretGospel of Mark,

Cambridge/MA, 1973. Ct. aussi mainenant I.-D. KAESTLI,« Evangile

secretde Marc. Une version longue de l Evangile de Marc reservee aux

chretiens avances dans l Eglise d Alexandrie », dans I.-D. KAESTLI

D. MARGUERATED.), Le mystereapocryphe Introduction ii une ittera-

ture meconnue,Geneve, 1995,p. 85-106 (traduction fran~aise de cette

lettre aux p.103-106).

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L' EVANGILE SELON LES HEBREUX

77

selon les Hebreuxll, nom que ce livre avail deja pour Papias et qu'il

garde jusqu'a Jerome.

Des indices patristiques et textuels nons amenent a conclure

que, dans sa forme du ler siecle, cet ecrit constitue une des sour-

cesde Luc. Plus precisement,une des sourcesnarratives du minis-

tere de Jesus.Le lieu oil ce livre est connu est ' Asie, c'est-a-dire

la region de Smyrne et d'Ephese. Le lieu de sa premiere utilisa-

tion reperee est celui de la redaction de Luc, probablement aussi

l' Asie. Est-illui-meme originaire d' Asie? L'idee de la corporalite

de la resurrection est un indice favorable, mais Ie rattachement a

la tradition de Pierre signifie qu'une partie au moins a une autre

origine. II pourrait s'agir, en somme, d'un ecrit emanant, dans un

premier stade, de l'entourage de Pierre, puis remanie et amplifie

en Asie. On pense, ainsi, au « Marc primitif », atteste par Papias,

puis a une redaction amplifiee que Luc ou un autre Asiate aurait

produit ; on en formule ici l'hypothese, en attendant de pouvoir

la conforter par de nouveaux ndices.L' Evangile selon es Hebreux,

cite par Ignace et mentionne par Papias, se presente, en somme,

comme la premiere source de la redaction lucanienne de l'Evan-

gile, utilisant elle-meme un ecrit primitif redige dans 'entourage

de Pierre, peut-etre Ie livre de Marc. Cette sourceva constituer la

partie principale de Luc, celIe autour de laquelle s'organiseensui-

te la matiere puiseedans d'autres livres, et que l'on distingue dans

Luc, parce qu'ils sont a l'origine d'ensemblesbien caracterises.Et

quand, au Ye siecle,Eusebe mentionne ce ivre dans une catego-

rie intermediaire entre les ecrits canoniqueset heretiques, l attes-

te que Ie souvenir de cette origine remarquable ne s'est pas com-

pletement efface.

11. Citee en Stromates II, 9,45 : t<\lKa~' 'E/3pmou<; EuaYYEAirp,6 ~aul1a-

cra<; 3acrlAEuEl, YEypantal, Kai b /3acrlAEucra<; vanaTjcrEtal, «dans l' E-

vangile seton les Hebreux, Celui qui s'etonne regnera , est-il ecrit, et

celui qui regne trouvera Ie repos . Parole qui rappelle la deuxieme de l' E-

vangile seton Thomas (EvTh 2), en partie conservee en grec (Pap. Oxy.

654) : 111'1aucracr&o 6 ~ll<tmv toU ~lltEl v £<0<;v> EUPt;1, ai otav EUPt;1

<9al1/31l9TjcrEtal, Kai ~al1>/3ll~Ei<; /3acrlAEucrElKa<i /3acrlAEucra<; va-

na>ucrEtal, «que celui qui cherche ne cesse de chercher jusqu'a ce qu'il

trouve, et quand il aura trouve, il sera stupefait, et stupefait il regnera, et

regnant il trouvera Ie repos» (la partie restituee l'est d'apres la parole

copte). On rejoint ainsi la tradition mattheenne des paroles.

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i5ene-Georges COQUIN ,

Ecole Pratique des Hautes Etudes, Paris

QUELLE ETAIT LA LANGUE ORIGINELLE

DU PSEUDEPIGRAPHE CONSERVE EN

COPTE SOUS LE TITRE DE

PARALIPOMENES DEJEREMIE ET EN

ARABE SOUS LE TITRE DE CAPTlVITE

DES FILS D ISRA£L A BABYLONE?*

Thepresent studydealswith the CopticArabic and Garshuni versions f

the Paralipomena of Jeremiah.After an extensive onfrontation of theses

versions, he following resultscan be suggested:1. the original should be

written in Egypt as well as the Coptic and Arabic versions,. . according o

several arguments, t appears hat the Coptic version s the translation of a

Greek original.

La presente etude traite des versions coptesarabes et karchounies des

Paralipomenesde Jeremie.Apres un examenapprofondi de ces versions,

il resulte espropositions suivantes: 1. l original aurait ete ecrit en Egypte

aussibien les versionscoptesqu arabes;2. suivant plusieurs arguments, l

apparau que la version copte est a traduction d un original grec.

Comme Ie titre de cet article Ie fait supposer, e ne parlerai ici,

que desParalipomenesde Jeremie ransmis en copte sous un titre

equivalent a l ouvrage de meme ntitule, parvenujusqu a nous en

grec.

Depuis l edition du texte copte accompagnee une traduction

anglaise par K.H. Kuhn1, on gait que leg Paralipomenesde Jere-

mie nous ont ete conservesau complet dans un manuscrit decou-

vert au Fayoum (Egypte), en 1910, et aujourd hui depose a la

* Le lecteur voudra bien excuser auteur de donner certains extes orien-

teaux en transcription.

1. K. H. KUHN, « A Coptic Jeremiah Apocryphon », in Le Museon 83

(1970),p. 95-135et p. 291-350. e suis sa division en chapitres et celIe des

ver~etsproposee par J -M. Rosenstiehldans sa hese de doctorat, encore

inedite.

Apocrypha 6, 1995,p. 79-92

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80

R.-G. COQUIN

Pierpont Morgan Library de New York (= Copte'f. II existe un

deuxieme temoin copte, partiel celui-la, provenant de la celebre

bibliotheque du Monastere ronde par Chenoute, pres de Slihag

(Haute-Egypte), connu sous son nom populaire et tardif de

«Monastere Blanc », doni quelques euillets (6 apparemment)ont

echappe a la destruction et soot conservesdans certaines biblio-

theques d'Europe ou d'Egypte (a Paris, Bibliotheque Nationale-

fonds copte; a Vienne, Nationalbibliothek-fonds Copte et au

Caire, Institut Fran~ais-fondscopte). J'ajouterai qu'un folio -Ie

Paris BN copte, 13zt, P17 (= Copte2), provenant certainement de

la meme bibliotheque du Monastere de Chenoute -appartenait

peut-etre au meme codex, mais un doute subsiste encore a ce

sujet3.Enfin, it convient de mentionner un dernier feuillet de papy-

rus, qui provient d'un codex date du VIle siecle -Ie Londres,

British Library, E. A. 105784ce qui DOUgonne un terminus ante

quem non; disons, d'ailleurs que leg autres temoins copies soot

dates, par l'editeur, du Ixe siecle5.

D'autre part, DOUgvons un certain nombre de manuscritsd'une

version arabe, soit transmis en caracteresarabes, soit en caracte-

res syriaques (karchouni). G. Graf, dans sa monumentale Ges-

chichte der christlichen arabischen Literatur, enumere vingt-trois

manuscrits6: so t vingt manuscrits dans Ie corps de l'ouvrage, a

quoi on doit ajouter trois autres qu'il cite dans ses Nachtriige-

d'apres leg catalogues qu'il avait pu depouiller a l'epoque.

2. II s'agit du manuscrit Pierpont Morgan M 578, ffo 97v-13Ov. a plus

recenteanalysecodicologiquede ce manuscritestdonneepar L. DEPUYDT,

Catalogueof Coptic Manuscripts in the Pierpont Morgan Library, Lou-

vain, 1993,n° 173 (praes, . 358), qui Ie date du lxe siecle(entre Ie 14 avril

891 et Ie 29 aofit 893) d'apres Ie colophon conserve au Musee Corte du

Caire, repondant ainsi aux doutes ormules deja par A. ALCOCK, he Life

of Samuelof Kalamun, by Isaac the Presbyter, Warminster, 1983,p. vii.

3. K. H. KUHN, « or. cit. », in Le Museon 83 (1970), p. 96-97, e croit du

meme codex. Si es ignes ont Ie meme nombre de lettres, es colonnesde

ce feuillet n'ont pas un nombre de lignes equivalent a celles des autres

folios (cf. Paris, Vienne, Le Caire) -soit 30/311ignes -mais un nombre

neUementplus grand -soit 33/341ignes.

4. Ct. K. H. KUHN,«op. cit. », in Le Museon 83 (1970), p. 97 (descrip-

tion); p. 334-336 edition); p. 339 (traduction). II est en dialecte fayoumi-

que.

5. K. H. KuHN, «op. cit. » in Le Museon83 (1970),p. 95-97.

6. Pour ce qui concerne I' Histoire de la Captivite des enfants d'Israel ii

Babylone (il s'agit du titre de la version arabe des Paralipomenesde ere-

mie en corte) ct. G. GRAF,Geschichte er christlichen arabischenLitera-

fur, t. I, Vatican, 1944,p. 213-214et t.lI, Vatican, 1947,p. 487. Dans la

reimpressionde 1959,es Nachtriigeont ete placesen fin du tome I, p. 671,

lignes 24-26.

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81

ARALIPOMENES DE JEREMIE

Sansdoute, es catalogues, estesmanuscrits,dresses ar Y. ' Abd

al-Masih, pour les bibliotheques des monasterespres de la Mer

Rouge, dedies a saint Antoine et saint Paul, n'en revelent pas?,

mais, en revanche, l'inventaire etabli par Ugo Zanetti8, pour la

bibliotheque du Dayr Abu Maqar au Wadi al-Natrfin (Egypte) fait

apparaitre trois nouveaux temoins: les 394 (= Hag. 28), 395 (=

Hag. 29) et 400 (= Hag. 34) -ce qui porte a vingt-six Ie nombre

connu de copies arabes ou karchounies, nombre fort respectable

pour l'ensemble de la litterature arabe-chretienne.

Certes, il est possible que des bibliotheques (eglises ou monas-

teres) non encore inventoriees (ou insuffisamment) puissent en

contenir d'autres, mais t y a peu de chances ue ce chiffre de vingt-

six soit de beaucoupdepasse.

Repartition probable de ces emoins arabes 00 karchoonis

Cet ensemble compte tenu de l'echantillonnage a ma portee,

deux etant edites et traduits9,un troisieme estmis a ma connaissan-

ce par une traduction qui en revele leg caracteristiques peut etre

classeen deux recensionsprincipales :

1.- La syrienne : principalement, Ies manuscrits ecrits en kar-

chouni (arabe en caracteres syriaques), qu'on petit grouper d'une

part: a) Ies Paris BN SrI. 65, 273 et 276, Ie premier etant seul edite

(en caracteres arabes, et traduiPO) ; b) Ies Mingana arabe-chretien

20 (28)11,SrI. 24012, 6913et 500, auxquels on adjoindra Ie Londres

7. C'est la meme chose pour leg bibliotheques de trois eglisescairotes,

publiees par A. KHA1ER O. H. E. KHs-BuRMEs1ER, aint-Menas,Sain-

te-Vierge, dite Qasriyat al-Rihan, et Saints-Serge-et-Bacchus,e Caire,

1967-1977.

8. U. ZANElTI, Les Manuscrits de Dair Abu Maqar. Inventaire, Geneve,

1986,p. 58-59.

9. Voir ci-dessous, otes 10 et12.

10. L. LEROY-P. IB,« Un apocryphe carchouni sur a captivite de Baby-

lone », n Revuede l'Orient chretien15 (1910),p. 255-274et p. 398-409;16

(1911),p. 128-154.

11. Selly Oaks College (Birmingham, Royaume Uni).

12. A. MINGANA,«A Jeremiah Apocryphon », in Woodbrooke Studies1,

Cambridge, 1927, p. 125-233 -reproduit in The Bulletin of the John

Ryland's Library, 11 (1927),p. 352-341 je cite cette demiere edition, plus

courante. L'editeur a utilise deux manuscrits, e Paris BN gyro 5 (mais ne

parait pas connaitre I'edition de Leroy-Dib) et Ie Mingana gyro 40.

13. Collationne sur tirages aimablementprocures par I'Inter Documenta-

tion Companyde Leyde (Pays-Bas)qui detient leg microfilms de tOllS eg

manuscrits Mingana, et que je remercie.

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82

R.-G. COQUIN

BL Or. 359914 t Ie Beyrouth, Univ. Amer. 280, no 26, 6. Cette recen-

sion se caracterise surtout, par une modification, d origine proba-

blement palestinienne : Ie remplacement d Astarte par Zeusl5.

2.- L egyptienne: ecrite en caracteres arabes, qu on doit, sans

doute, repartir en deux sections:

a) la premiere comprenant es manuscrits de Cambridge Univ.

syr. Add. 2886 (incomplet), de Dublin, Trinity CoIl. 1531,9

et de Strasbourg BNU or. 4180 (ar. 33);

b) la seconde, lus nombreuse, eunit les copiesencore en Egyp-

te, soit: Le Caire Musee corte, Lit. 43 (olim 42) (= G. Grat,

n° 59; Simayka, n° 159); Le Caire Musee corte, Hist. 478 (=

Grat, no 721; Simayka, no 112); Le Caire Musee corte, Hist.

159 (Grat, n° 706; Simayka, n° 120); Le Caire, Patriarcat

Corte, Hist. 30 (Grat, n° 468; Simayka, no 622); Le Caire,

Patriarcat Corte, Hist. 76 (Grat, manque; Simayka,n° 666);

Le Caire, Patriarcat Corte, Hist. 88 (Grat, manque; Simay-

ka, n° 683)16.

14. Inedit, mais traduit en francais par E. AMELINEAU,Conteset Romans

de l Egyptechretienne, ome 2, Paris, 1888,p. 97-151; Amelineau indique

rarement ses sources. La base de cette traduction a ete donnee par C.

RIEU, Supplement o the Catalogueof the Arabic Manuscripts in the Bri-

tish Museum, Londres, 1894,p. 28-29 (on relit remarquer que E. Ameli-

neaua traduit sept extes conserves ansce manuscrit)et plus lard, par W.

E. CRUM,n Journal of Royal Asiatic Society 1937,p.326-330, raes.p. 329

(dans sa recension du catalogue de Mingana). Je note que C. Rieu donne

Iii une bonne descriptionde ce manuscrit.E. A. W. BUDGE, gyptian Tales

and Romances, ondres, 1931,qui a beaucoupexploite ce recueil d Ame-

lineau, n a pas retenu ce exte.

15. Devenant ros dans e Londres BL Or. 3599,d apres a traduction de E.

AMELINEAU, p. cit., ome 2, Paris, 1888, . 98-99 et p. 113; E. Amelineau,

n ayant pas connu d autres temoins, n a pas compris que Ie manuscrit de

Londres etait defectueux: rUs ii la place de zUs (difference d un point dia-

critique): celie graphie fautive, je ne l ai retrouvee dans aucun autre

temoin de la version arabe.

16.J ai examine en detail, e manuscritdu Caire Musee Copte Lit. 43 (olim

42), mais non leg autres manuscrits cairotes, ni ceux du Dair Abu Maqar,

ni Ie Jerusalem,Sainte-Anne 52; pour celie raison, mODclassementest

partiellement hypothetique, bien que leg manuscrits encore en Egypte,

ont peu de chance d avoir subi des nfluences syro-palestino-mesopota-

miennes.

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83

ARALIPOMENESDE JEREMIE

Une place a part doit Sire faite au Paris BN gyro 3817fD 115r-

137r (date de 1474A.D.; outre qu il est Ie temoin Ie plus ancien

date pour ce lexie, il donne une redaction ires proche du caple

(surtout du CopteZ) it est ecrit en caracteresarabes usqu au para-

graphe 29 (soit 26 pagesdonc environ leg2/3 de l ouvrage) Ie Teste

etant transcrit en caracteressyriaques (karchouni). Bien plus, de

nombreuses le~ons sont conformes au caple et contraires aux

manuscrits karchounis ou arabes, comme Ie tableau qui suit Ie

montrera; de plus, par deux fois, il reproduit, assezmaladroite-

ment, Ie chiffre 40, en chiffre cursif caple (~ ) ce qu illisait sans

doute sanscomprendre, dans son modele egyptien (plus loin, ce

chiffre est transcrit en tallies lettres (arba in : fo 129r)18: ll avait

deja (fO 115v) donne en tallies lettres arabes et ici (fO 129r) en

caracteressyriaques.

De cet examen, l apparait main enant possible de preciser que

l archetype etait egyptien et que de lui derivent deux recensions,

l une egyptienne, naturellement plus fidele a l original, l autre

syrienne, ayant subi des nfluences palestino-mesopotamiennes

suivant en cela A. Mingana, qui supposait «two recensions...an

Egyptian recension, and a Syrian, Palestinian or Mesopotamian

recension»19.

17. Decrit brievement par H. ZOTENBERG, atalogues sic) des Manus-

crits syriaqueset Sabeens e a Bibliotheque Nationale,Paris, 1874, .191a;

j ai pu I etudier a loisir, sur des reproductions fournies par Ie Servicepho-

tographique de la BN.

18. Ces chiffres cursifs coptes sont reproduits dans quelques grammaires

coptes, par exemple : celles d A. Mallon (40ed.), a la page 234; de L.

Stern, en face de la page 470; de W. Kosack, p. 148 (a cote de la forme

« ivresque ») et aussidans Ie Catalogue des Manuscrits de Simayka (au

tome 2 [Patriarcat Copte], p. 509 (tableau reproduit dans The Coptic

Encyclopedia,New York, 1991, ome 6, p. 1821 a-b).

19.A. MINGANA,« op. cit. », n The Bulletin of theJohn Ryland s Library

11 (1927),p. 352.

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,

..

84 R.-G. COQUIN

Paris BN syr. 65 (= Min-

gana gyro 69 et 240,

Londres BL Or. 3599,

Cartel ou Copte2 Paris BN syr. 238 Strasbourg BM or. 4180,

et Le Caire Mus. Copt.

; lit. 43)

"., . '

§ 4,5: porte de Benja- (1" 117') porte de Benja- (1" 231') :... porte du Soleil

min... min...

§ 9, 2: ...illes conduisit a (1" 117'): ...ils allerent (1" 233') : ils Ie trouverent

un caveau, ls trouverent avec Baruch, a I'exterieur dans un naos...

Jeremie, qui s'y tenaiL. de la ville... et ils Ie trou-

verent dans une grotte ,

assisa tresser des euilles

de palmier...

§ 11,6-7: pendant qua- (1" 118'): ~ (= 40) ans (1" 233'): quarante ans

rante (deux fois). (deux fois). (une fois).

§ 11, 16 (Copte2): et a la (1" 118'): a la place... des (f 234'): au lieu de la

place du troupeau de cailles,que je fig descen- manne et des cailles que

cailles... dre sur VallS du ciel... Dieu envoya a vas peres...

§ 13, 12 (Copte2) coupes (1" 120'): et I'odeur de (f' 235'): ...les anges et

remplies du parfum des I'encens manta devant Ie les saints ntercederent et

prieres...le feu du parium Seigneur, et il huma la seprostemerent devant e

<des prieres des saints> bonne odeur <du parfum Seigneur, II agrea e par-

manta devant Ie PeTe. des prieres> des saints... fum de leurs gemisse-

mentset de eurs supplica-

tions...

§ 13, 13: lesperes du peu- (1" 120') et les peres du (1" 235') et il eut pitie du

pie, Abraham, Isaac et peuple, Abraham, Isaac, peuple d'Abraham, Isaac

Jacob se prosternerent Jacob et Moise seproster- et Jacob; il retira sa cole-

devant e voile du Vivant nerent adorant devant Ie re et ne Ie perdit pas...

voile...

§ 14, 11: 'Veux-tu que (1" 120'): veux-tu que je (1" 235'): Je vais ordonner

j'envoie du ciel Mistrael, fasse descendre,Mistrael, a Satanael, 'ange de la

l'ange de la colere...' l'angede la colere,sur eux colere de les perdre...

§ 19, 2 et 4: ...Cyrus et (fO 122') Cyrus et (1" 236') : ...les generaux

Amisaros, les generaux <A>misaeos, les gene- et es chefsCyrus et Isaris

en chef. raux en chef...

§ 21, 7-13: il avait fait (1" 123'): et il ordonna (1" 237'): om.la mention

apporter un foie de che- qu'on apporte un foie de du "foie de chevre..."

vre... il plafa Ie foie de chevre... et, il plafa Ie foie

chevre ..et, il rosa Ie foie de chevre a sa gauche...

de chevre a sa droite... "

-

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PARALIPOMENESDE JEREMIE 85

§ 26, 5 : il fit trainer 12.{XXJ (£0 126V) : il fit comparai- (£0 239') : il se fit amener...

jeunes gens par tribu. tre 12.000 jeunes gens de au nombre de 220.000...

chaque tribu...

§ 27,2 et 4: ...sur les mar- (fO 129V): ...sur les mar- (£0 239V) : om. istas nota-

ches de l'autel... (precision ches du temple... sur les tiones.

repetee deux fois). marches de l'autel...

§ 29, 1: il enleva sa robe (£0 127') : il ota son vete- (£0 240'): Jeremie se

prophetique... (Copte2): il ment de prophetie... il se depouilla de ses vete-

se ceignit d'une ceinture ceignit d'une ceinture de ments de lumiere... et

de lin... il prit <de> devant 1m.. et il prit de la poussie- ayant... passe un voile de

Ie sanctuaire de la poussie- re <de> devant Ie sanc- lin... (£0 24Or) : des que Ie

re et la posa sur sa tete... tuaire et la jeta sur sa tete... peuple vir Jeremie... la tete

couverte de poussiere...

§ 30, 5: Ie Dieu d'Abra- (£0127'): Ie Dieu de mon (£0 240V): Ie nom de mon

h

'

t ' '

Abh  

S

..,

m VI pere ra am Vlt elgneur... est vivant30, 2: II (Nabuchodo- (£0 128V): il revetit un (£0 241'): om.istas notatio-

nosor) revetit un manteau manteau royal et s'assit nes.

royal.. de la crainte et de sur son tr6ne avec crainte

la comprehension entou- et quietude (1).

raient son tr6ne...

§ 31, 4: ils avaient dimi- (£0 128V): ils avaient dimi- (£0 241 ,) : il trouva qu'ils

nue de 225.000 hommes. nue de 22 myriades et avaient diminue de...

demi, soit 200 mille et 25 220.050 personnes.

mille.

§ 35, 1: et, Jeremie se (£0 132r) : et, Ie prophete (£0 243V) : om. istas nota-

tenait dans un caveau, a Jeremie se tenait dans un nones.

l'exterieur de Babylone. naos... dans une des grot-

tes... a l' exterieur de Baby- -,

lone... c.

§ 36, 17: que leur dieu (fO 133V): ce qu'll a fait (£0 244V): Voulez-vous...

fasse avec nous comme aux Egyptiens et aux que Ie Seigneur vous fasse

avec les hommes d' Egyp- Amorrheens? comme aux Amorrheens 1

te... (Copte2) avec les rois

des Amorrheens 1

Ce tableau comparatif -il pourrait etre allonge -montre au

lecteur que la recension primitive est representee par trois

temoins:

a/ Ie Coptel, manuscrit complet Pierpont Morgan;

b/ Ie CopteZ,malheureusement artiel, mais tres important pour

les quelqueseuilletsconserves;

c/ entin, cet unique manuscrit (Paris BN syr. 238) de la version

arabe, qui est res voisin des e~onsdes manuscrits coptes, et se

distingue nettement des autres temoins de la version arabe.~

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86

R.-G. COQUIN

De cetteconfrontation,on peut retenir espointssuivants:

1.- L'original doit avoir ete egyptien, soit redige en grec, soit en

copte; il serait llusoire de supposer,du fait qu'il y a de nombreux

manuscrits karchounis, un original syriaque : outre la presencede

deux codicescoptes, la version arabe est, a l'evidence d'origine

egyptienne, meme si certains manuscrits presentent des influen-

ces syro-palestino-mesopotamiennes Ie mot arabe birba , trans-

litteration du copte n + p n E (= temple) que l'on rencontre dans

de nombreux manuscrits karchournis, et d'autres termes d'origi-

ne egyptienne, comme la presencede chiffre copte cursif (~), Ie

montrent assez.

2.- Le Copte2doit avoir ete la redaction a plus repandue, puis-

que Ie Paris BN gyro 38 a nombre de le~onscommunes avec ui;

il semblerait, d'apres l'analyse, preparee par J.-M. Rosenstiehl,

que ces e~ons ont quelque chanced'etre fideles a l'original.

3) Le Paris BN syr. 238 confirme plusieurs points en discussion

dans Ie Copte1 a/ au § 8, 5 : suit Ie copte et n'a pas l'addition des

manuscrits karchounis, a propos d'un hypothetique emprisonne-

ment (pour la 3 fois) de Jeremie ; b / au § 11,11 : place ce verset,

conformement a l'hypothese de J.-M. Rosenstiehl qui suppose ci

un deplacementdans e Coptel, ce qui confirme qu'on doit s'ecar-

tel du temoin copte complet; c/ au § 11,16: appuie la le~on du

Copte2, elative a la mention des cailles, que passesoussilence, e

Copte1; d/ aux §§ 29, 2 et 41, 1: confirme la confusion probable

qu'on est amene a supposerentre T (il s'agit de l'article feminin)

TOY 0 M T E (= tour) et TOY 0 0 T E (= colonne)19bis.

Lieu de composition u pseudepigraphe

Ayant ainsi etabli les familIes de manuscritscoptes,arabes (soit

en caracteresarabes,soit en caracteressyriaques),on doit mainte-

nant se poser la question importante, qui consiste a preciser la

patrie originelle de ce texte.

Le fait que nous disposionsd'un assez rand nombre de manus-

crits, oil la version arabe a ete transcrite en caracteressyriaques

pourrait nous faire illusion, en nous faisant prejuger d'un original

syriaque. Cependant, nous devrons tenir compte de la double ori-

gine des manuscrits karchournis : d'une part, quantite de manus-

crits syriaques ant dli etre transposesen arabe, mais en caracteres

19bis.Cf. W. E. CRUM,Coptic Dictionary, Oxford, 1939, p. 447a-bet 480a

(racine oymot).

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87

ARALIPOMENES DE JEREMIE

syriaques (afin d eviter qu ils ne tombent sous les yeux des occu-

pants ottomans), ce qui etait devenu necessaire, dans la mesure

ou la langue, parlee par les chretiens de Syrie ou du Liban, n etait

plus Ie syriaque, mills l arabe; d autre part, a partir du xye siecle les

chretiens syriaques emprunterent a leurs coreligionnaires chre-

tiens coptes ou meme nestoriens, quantite de traites, originelle-

ment composes en arabe (ceci fut Ie cas des nombreux ouvrages

des XlIe-XIIIe siecles -l age d or de la litterature arabe-chretienne

d Egypte), parmi ces documents figuraient des versions arabes de

textes composes en Egypte, ou bien en grec, ou bien en copte;

ceux-ci se reconnaissent aisement, nombre de termes etant pro-

pres a l arabe-chretien egyptien; un bon connaisseur de ces parti-

cularismes, comme l etait A. Mingana, lui-meme d origine chal-

deenne, l a remarque, comme ille note, dans son edition2O; cette

double origine est bien connue21. II semble que la provenance de

la Captivite des fils d Israel a Babylone soit a placer dans cette

seconde source des manuscrits karchoumis; d ailleurs, les deux

manuscrits dates, les plus anciens (Ie Paris BN syr. 238 (date de

1474) et Ie Mingana syr. 369 (date de 1481) soot du xye siecle, les

autres appartiennent aux XVIe,XVIlIe ou meme au XIxe siecles; ceux

qui ne portent pas de date precise, remontent, selon les caracte-

res paleographiques, aux xve XVlIe, XVIlIe, OUXIXesiecles; comme

par hasard, aucun ne parait ante rieur au xve siecle.

Par consequent, on peut admettre que cette version arabe ait

pour origine un texte primitivement elabore en Egypte. Bien plus,

on peut preciser que Ie substrat de cette version arabe etait un

texte copte (original ou lui-meme version du grec). Outre les indi-

ces, que j ai releves dans Ie Paris BN syr, 238, je noterai ci-dessous,

les« copticismes »qui apparaissent dans ces manuscrits, pourtant

ecrits en caracteres syriaques :

I) au § 13,1, nous isons dans I edition Leroy-Dib22,ce qui suit:

« Sedechias, e roi,... retira (du temple) les deux colonnes de mar-

bre qui eclairent sans lambeau et es mil dans(Ie texte arabeporte

20. A. MINGANA, Op. cit. », n The Bulletin of theJohn Ryland s Library

11 (1927),p. 356,note 5; p. 357,n. 4;p. 381,n. 5;p. 384,n.12; p. 392,n.3

et p. 393,n. 4 et 8.

21. Par exemple on verra l edition de Su-MIN RI, La Cavernedes tresors,

Louvain, 1987 (CSCO, 486-487); voir aussi, a liste etablie par H. ZOTEN-

BERG, p. cit., Paris, 1874,p. 234-243 1 auteur note les manuscrits ecrits

en karchouni.

22. a. L. LEROY-P. IB, «op. crt. », n Revuede l Orient chretien15 (1910),

p. 263 (texte): lignes 18 et 21 et p. 272 (traduction): lignes 20 et 25.

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R.-G. COQUIN

fl) to piscine qui se trouvait devant les idoles de Baal et de

Zeus... », et plus loin: « il fit placer pour lui-meme une table pres

de (Ie texte arabe porte fl ) to piscine de Baal et de Zeus... ».

Cette «piscine» est incongrue dans ce contexte, et l on com-

prend qu un copiste ail eprouve Ie besoin de corriger Ie texte qu il

lisait; or, il faut savoir :

a) que parmi les fares mots empruntes au copte, dans arabe-

chretien d Egypte, se rouve Ie mot birba (= n (art. copte mas-

culin) + p n E (= temple), ce qu un arabophone non egyptien

ne pouvait comprendre;

b) que ce mot a simplement ete translittere en caracteressyria-

ques,ce qui donnait t<:J ~ ; or, il faut savoirque es deux ettres

(forme mediane) ~ et ~ sont tres semblables et peuvent aise-

ment etre confondues; un copiste, ne comprenantpas e sensde

ce mot, a tente de Ie carriger, en ecrivant Ie terme Ie plus voisin

quant a la graphie23,mais a presence nsolite d une birka (= pis-

cine) dans ce contexte aurait dfi l empecher d admettre cette

lecture.

Nous sommesdonc ici devant une erreur du copiste, qui avait

lu ~;~ mais a corrige en birka, creant ainsiune veritable distor-

sion du texte car tOllS eg manuscritsque j ai pu examiner de cette

version arabe, portent birba soit ecrit en caracteres arabes, gait

transcrit en caracteres syriaques. On notera que dans certains

manuscrits Ie mot, bizarre pour un etranger a l Egypte, est rem-

place par un banal bayt (= maison) ainsi, dans e Mingana gyro 40,

fo 8r: wa a bihim ila bayti al-ladi (ou al-ladhi) fihi al-asnamu

Ba ali wa Zlisi, qu il traduit «illes apport a dans la maison oil

etaient eg doles de Baal et de Zeus »24; l retient ainsidans sa ra-

duction Ie texte du manuscrit de Paris.

L utilisation d un tel mot, propre a l arabe chretien egyptien,

montre bien qu un copiste syrien, palestinien ou mesopotamien,

23. Je sais gre a G. Troupeau, d.avoir eu la gentillesse d examiner sur ce

point precis ce manuscrit karchouni; ce dernier est tres clair: il est bien

ecrit: ~ ;~ .Toutefois, Mingana, qui cite ce manuscrit, raduit « emple »

(A. MINGANA,«or. cit. », in The Bulletin of theJohn Rylands Library 11

(1927),p. 363 -deux fois); aurait-il compareavec e Mingana,syr. 369, qui

porte bien, au f 132v par deux fois, sansambiguite .<:3 ~ .A. Mingana

connaissait-ille sensde ce terme propre aux chretiensegyptiens? En tout

cas, l avait du etre intrigue par l intempestif ~;~ du Paris BN syr. 65.

24. Ct. A. MINGANA,« or. cit. », in The Bulletin of the John Ryland s

Library 11 (1927),p. 402 (texte) et p. 363 (traduction).

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89ARALIPOMENESDE JEREMIE

avait sous eg yeux une copie venant d Egypte ou pour Ie moins,

un modele ayant scrupuleusement ecopie un archetypeegyptien.

2) au § 9, 1 et 35,125, auteur DOUg epeint Jeremie, assisdans

un «naos» (version arabe), alors que Ie texte corte parle d un

caveau ou grotte (E 2 Mo.o. Y); au Teste,quelques manuscrits

precisenta exterieurde Babylone,.or, Ie mot corte E 2 Mo.o. Y

est souvent equivalent de ta<po<;,e qui DOUgonduit a supposer

une confusion en arabe (oules graphiessoot Ies semblables) ntre

tlifUset nliwUs (= grotte et temple): ceci DOUgmeneencore a sup-

poser un substrat egyptien plutot que syriaque (oula translittera-

tion de ta<po<;est pas donnee dans eg dictionnaires, et a toutes

chancesd etre fort rare.

3) A la fin du § 39, 14, e nom d un mois egyptien, Barmuda est

cite; quelques manuscrits karchounis gardent Ie nom egyptien,

d autres donnent Ie nom syrien du mois a peu pres equivalent

(Nisan); ce faisant, es premiers trahissent eur source,sinon mme-

diate, du moins celIe de leur archetype, car, on ne lirait pas un tel

nom de mois dans un texte redige par un chretien de langue syria-

que.

On peut ajouter que la version arabe a ete faite sur un texte

copte, proche de notre Copte2comme a comparaison aite ci-des-

sus entre les deux temoins coptes et Ie Paris BN syr. 238 a bien

montre; precisonsque bien des e<;ons e ce Copte2se retrouvent

dans une ou l autre copies,soit en caracteresarabes,soit en carac-

teres karchounis, de cette version arabe. En particulier, elle men-

tionne les caillesenvoyeespar Dieu, aux Hebreux, (§ 11, 16) par

exemple dans Ie Paris BN syr. 65, fo 234 mais aussidans Ie Min-

gana syr. 369, fO132 , igne 1 et dans e Mingana syr.240, fo 7 , ligne

15, etc...

Pour terminer avec ces emprunts coptes, e dirai encore -ce

qui n avait pas echappe a E. Amelineau26 -que Ie traducteur

arabe transpose a topographie, bien connue, d Alexandrie dans

celIe de la Jerusalemantique, en parlant de la« porte du Soleil »

la oil Ie copte disait« la porte de Benjamin »27.C est a de nouveau

un indice de la patrie du traducteur.

25. Sansdoute, Ie mot copte E 2 M Q. Q. Y se it encore au § 31, 13, mais,

dans ce contexte, la plupart des manuscrits de la version arabe rende Ie

terme par un vague abal (= montagne), ainsi, e Paris BN syr. 238, 129 .

26. E. AMELINEAU, p. cit., tome 2, Paris, 1888,p. 101,n. 1.

27. Ct. The Coptic Encyclopedia,New York, 1991, ome 1, p. 96, et tome

8,p.4.

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90

COQUIN

Languede composition u pseudepigraphe

Dans l'etat actuel de la documentation, on dispose d'une edi-

tion du texte copte -ce qui faisait defaut aux premiers editeurs de

la version karchounie (Leroy-Dib et Mingana) -ou il est clair que

Ie copte est «premier» -selon l'expression de K.H. Kuhn28,qui,

toutefois admet que celui-ci puisseetre seulementune version d'un

document grec. C'etait aussi l'opinion de A. Mingana29; mais

aucun de ces deux critiques n'a cherche a donner un debut de

demonstration a celie proposition. Je vais tenter de Ie faire ici; si

chaque element Testesujet a discussion,'ensemble m'apparait suf-

fisant pour entrainer l'adhesion du lecteur:

§1,2:ETETNOYE2 NOBE EAM NOBE:on

s'attendrait a lire un article indefini 0 y devant N 0 BEet ensui-te

precedant 0. N 0 Mi" 0. : il est vrai qu'il s'agit la d'une citationbiblique,

et chacun sail que la langue de l'original (hebreu ou grec)

a influence Ie copte.

§ 6, 3 : E T E 0. r pin n 0. C n P po: celie phrasenomi-

native demanderait, semble-t-il une copule (n E); elle est

d'ailleurs en contradiction avec une phrase semblable de § 12, 5,

comme l'a note K.H. Kuhn3O; elle quelle, cette phrase parait

incomplete31.

§9,2:dttAITOY EZOYN EYEZMddY(=il

leg conduisit a un caveau): plusieursmanuscritsde la version arabe

mettent ici, au lieu de « caveau », Ie mot nawUs : ce qui revele une

confusion entre leg deux termes nawus et tatus, comme il a deja

ete dit. Cette meprise a pu etre commisesansdoute en corte ou en

arabe, de toute fa~on elle etait possible en grec.

§ 10, 2: A E Ej"O 0 Y H PEN P 0 M n E Ej"O

M n P 0 III H T H C M n N 0 Y T E (=quoiquej'aieteprophe-

te de Dieu d'innombrables annees): on ne s'explique pas celie

repetition de E "j0 , sinon par une maladressedu traducteur, ayant

commence sa traduction, l'interrompant, puis la reprenant.

K. H. KUHN,« op. cit. », in Le Museon 83 (1970),p. 103.29.

A. MINGANA,«op. cit. », n The Bulletin of theJohn Ryland's Library,

11 (1927),p. 353.

30. K. H. KUHN,«op. cit. », in Le Museon 83 (1970),p. 113,n. 19.31.

11est vrai que la photo du manuscrit semble permettre de lire N T E

avant a.r pin n &. Faut-il suppleer <E n Z M Z a. ~> comme au §

12,5? De toute fa<;:on,e copiste a omis quelque chose

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91

ARALIPOMENES DE JEREMIE

§ 14,6: d r w n d 8 r C I dC T H P ION d rIM p 1MW P tt

(= et, ils ont detruit mODsanctuaire): c'est, peut-etre line inver-

sion pour TeDdIeun passif dont Ie copte est depourvu, ce qui don-

nerait« et, mODsanctuaire (ou« autel ») a ete detruit », mais

cette inversion fait penser a un original grec qui, beneficiant de

flexions, a line syntaxe Ies souple.

§14,9:o.YW ttco EnEI1\o.OC ETo.KO'l(=

Je surseois11'aneantissementde ce peuple): on ne s'explique pas

la place de n E I 1\ 0. 0 C, qui est,d'apres Ie sensde cette phra-

se, complement non de t t C 0, mais bien de T 0. K 0 'I, si ce

n'est par la traduction servile d'un original grec, qui pourvu de

flexions, permet de telles inversions.

§ 20, 6: 0. '( W n A I B 0. N 0 C 0. tj To.o. tj E 2 po.I

(= et, l'encens, ll'offrit [a Baal]): de nouveau,une inversion nha-

bituelle en corte, je suis ente de la comprendre, comme un « pas-

sif» corte, a savoir: «et l'encens rut offert [a Baal] ».

§29,7:EnEIAH conc filM EPE EPEMlo.C

E I P E M M 0 tt (= chaque mploration, que faisait Jeremie, il

la faisait [pour Ie peuple de Dieu]): comme a phrase qui suit, est

construite de maniere identique, on ne peut se defendre de voir Iii.

une veritable syntaxe,alors que Ie copte manie plutot la parataxe.

§ 31, 19: n p p 0 A E E Z E A E Kid C dYE N T lj

E Z P diE T B d BY W N E lj M H P (= on fit monter

aussi e roi Sedechias t Babylone, attache...): cette inversion du

complement suggereun passifgrec, t savoir « e roi Sedechias ut

emmene, attache, t Babylone... ».

§ 32, 17: n E A 0. INN E I E PHI (= se disaient-ils, les

uns aux autres): une telle incise, requente en grec, ne l'est pas du

tout en copte; elle serait nsolite, si Ie texte a ete composeen copte.

§ 36, 17 : M H E T N E 0 Y w 1M N TEn E Y N 0 Y T E

E I pEN M M 0. N N 8 E N N E P M M N K H M E (= est-ce

que vous voulez que leur dieu, nous fasse; camille avec leg hom-

mes d'Egypte?) : pareille construction, plutot maladroite en corte,

fait davantage songer a une traduction malhabile (d'autant que Ie

Copte2 fait etat, avec leg Egyptiens, des Amorrheens).

De tous ces ndices, il apparait que, seton oute vraisemblance,

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92

R.-G. COQUIN

la version arabe depend d un texte copte, assezdifferent de celui

qui nous est parvenu, et que ce dernier etait lui-meme une traduc-

tion, parfois approximative, d un original grec.

Ma conclusion est breve:

1. la comparaison des diverses recensionscoptes et arabes des

Paralipomenes e Jeremieou de la Captivitedes ils d ]srael a Baby-

lone me conduit a considerercomme premier Ie copte par rapport

a l arabe.

,

2. je puis admettre, comme une hypothesenon denuee e onde-

ment,que la version copte repose sur un original grec.

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Robert FAERBER

Universite de Strasbourg II

DEUX HOMELIES DE PAQUES

EN ANGLAIS ANCIEN

A French translation with notesand commentaries of two Old-English

Easterhomilies probably rom the middle of he xth century, opied n man-

uscriptsof the end of the xth and the xlth centuries.They combine themat-

ically in an original way he themeof the Harrowing of Hell and the theme

of heJudgement.No direct Latin sourcehas yet been ound for either. The

Harrowing sectionsbelong o the general tradition of theActs of Pilate,but

do not derive rom them directly. That in the irst one especially ontains

elementsunknown elsewhere, uch as the ong speeches f Adam and Eve

to the Lord, but found in other Old-English texts of the Ixth centuryand

evenbefore. TheJudgementsectionsare n the tradition of the Apocalypse

of Thomas seeR. FAERBER,L Apocalypsede Thomas en vieil-angiais »,

Apocrypha 4 (1993),p.125-139). Both homilies areprobably original com-

positions, with a Hiberno-English background.

Traduction en franfais, avecnoteset commentaires, e deux homeliesen

anglais ancien, composeesveTs e milieu du J( siecle, copiees dans les

manuscritsde la fin du J( siecleet du XI siecle,qui associent hematique-

ment, d une maniere originale, les themesde la Descente ux enterset du

Jugement dernier. Aucune source atine directen en a ere trouvee usqu il

present.La partie Descente ux enters,bien que sesituant dans a tradition

generaledes Actes de Pilate, n en derive pas directement.Elle comprend

des elementsoriginaux, en particulie1; dans une des home ies, es longs

discoursd Adam et d Eve demandant ardon au Seigneu1: a partie Temps

derniersetJugementderivegeneralement e l Apocalypsede Thomas,dont

il existeune versionen anglaisanciendu J( siecle ct R. FAERBER,L Apo-

calypsede Thomas en anglais ancien », Apocrypha 4 (1993), p.125-139),

mais aussi avec des elementsoriginaux ou puises dans d autressources. i

estprobable qu il s agit de compositions originales anglaises;car nous en

retrouvons despassagesdentiquesdans d autres textesanglais anterieurs,

en particulier dans des compositions poetiques du debut du /J( siecle. i

n estpas impossiblequ il l arriere-plan il y air une tradition hibemo-anglai-

se.

Apocrypha 6, 1995,p. 93-126

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94

R. FAERBER

Nous presentons ci une traduction fran~aiseavec commentai-

re de deux homelies de Paques composees en vieil-anglais, qui

associentd une maniere originale Ie theme de la Descente aux

enters et celui du Jugementdernier.

II s agit, d une part de l homelie VII du recueil d homelies appe-

Ie Blickling Homilies , d autre part d une homelie copiee dans es

margesdes pages297s du manuscrit41 du Corpus Christi College

de Cambridge (CCC 41), dont il existe une deuxieme version dans

Ie manuscrit CCC 303.

Les Blicking Homilies sont un recueil de dix-huit home ies

dont Ie manuscrit date de la fin du Xe siecle ou du debut du XIe1 ;

huit de ces extes sont uniques, dont l homelie VII, leg autres ont

des paralleles dans d autres manuscrits.Leur date de composition

est difficile a determiner: leg criteres linguistiques permettent de

leg sittler entre 875 et 925, bien qu il soit tout a fait possible que

certaines soient encore plus anciennes,et leur lieu de composition

en Mercie2. Le recueil a ete publie par R. Morris avec une tra-

duction en anglais moderne3.

Le manuscrit CCC 41 est une copie de Bede du Xle siecle, et

dans es marges de certaines pages ont ete copies par la suite un

certain nombre de textes, dont six homelies; notre homelie se rou-

ve aux pages297s, aisant suite immediatement a une home ie sur

Ie Jugement dernier selon l Apocalypse de Thomas4.Elle a ete

publiee par W.H. Hulme5.

Le manuscrit CCC 303 est une collection tardive d homelies et

de vies de saints, la plupart d £lfric et onze anonymes, dont la

secondeversion de l homelie, donnee par CCC 41.

1. Les homelies sont appelees Blickling Homilies parce que Ie manus-

crit se rouvait au Blickling Hall, Norfolk (Angleterre); il est maintenant

a la Princeton University Library, W.H. ScheideCollection.

2. H. SCHABRAM,uperbia . Studienzum altenglischenWortschatz,Miin-

chen 1965.R. VLEESKRUYEREd.), The Life of St. Chad.. an Old Engli-

sh homily, Amsterdam 1935.R.J. MENNER,« he Anglian vocabulary of

the Blickling Homilies »,T.A. KIRBYand H.B. WOOLF Ed.), Philologia..

the Malone anniversary studies,Baltimore, 1949,56-64.

3. R. MORRISEd.), The Blickling Homilies of he Tenth Century,Londres,1874-1880.

4.Cf. D.G. SCRAGG,«he corpus ofvemacular homilies and prose saints

lives before l£lfric », Anglo-Saxon England 8 (1979),p. 236. Cf. M. FORS-

TER,« A New Version of the Apocalypse of Thomas in Old English »,

Anglia 73 (1955).

5. Cf. W.H. HULME,«The Old English Gospel of Nicodemus », Modem

Philology 1 (1903-1904), . 32-36.

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EUX HOMEUES DE PAQUES

Les deux homelies ant en commun Ie fait qu'elles associent,a

l'occasion de Paques, a Descente aux enfers et Ie Jugementder-

nier. Cette association thematique est unique et ne se trouve

(semble-t-il) que dans ces deux homelies anglaises.

Elles ont ete partiellement commenteesdans e cadre du theme

de la Descente aux enfers6 et dans celui de l' Apocalypse selon

Thomas7.

D'autre part, nous presentons en annexe une autre homelie de

Paques, qui a certains traits communs avec Blickling VII; elle se

trouve dans Ie manuscrit CCC162.

BLICKLING HOMILY VII

  Dominica Pascha

Tres chefs freres, ce temps pascalnous offre un signe manifes-

te de la vie etemelle, comme nous allons a present l'entendre et

l'apprendre, afin que personnene soit plus dans e doute que c'est

en cette meme saison de l'annee que s'accomplira Ie grand eve-

nement, celui oil Ie meme Seigneur siegera sur Ie trone du juge-

ment : devant lui se tiendront toute la race des anges et toute la

race humaine et toute la foule des esprits maudits, et les actesde

chaque etre humain seront passesen revue, et celui qui mainte-

nant est obeissantet prend a coeur a passionet la resurrection du

Seigneur ecevra a recompenseceleste; et celui qui neglige d'ob-

server es commandementsdu Seigneur ou oublie sa misericorde

sera uge avecseverite et puis habitera dans es tourments etemels

qui n'auront pas de fin.

Et puis ce temps (pascal) est de tous les temps Ie plus eleve et

Ie plus sacre, et ce temps veut nous donner la joie divine comme

aussi a joie terrestre, car Ie Seigneur est ressuscite des molts

6. J. J. CAMPBELL,« o Hell and Back: Latin Tradition and Literary Use

of the Descensus ad Inferos in Old English », Viator (Medieval and

RenaissanceStudies)13 (1982).

7. M. McC. GATCH,«Eschatology n the Anonymous Old English Homi-

lies », Traditio 21 (1965). M. FORSTER,op. cit. », Anglia 73 (1955). M.

CLAYTON, Delivering the Damned: A Motif in OE Homiletic Prose »,

Medium Aevum 55.Cf. aussi M. McC. GATCH, Two Uses of Apocrypha

in OE Homilies », Church History 33 (1964). R. FAERBER, L' Apocalyp-

se de Thomas en vieil-anglais », Apocrypha 4 (1993),p. 125-139.

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R. FAERBER

comme modele pour les hommes, apres sessouffrances et apres

les entraves de la mort et apres es liens des tenebres de l'enfer;

et il a plonge Ie prince des demons dans es tourments et a exerce

sur lui la vengeanceetemelle, et il a delivre l'humanite, selon ce

qu'a dit Ie prophete David, qui a prophetise ce temps, disant :

'Notre Seigneurnous a liberes', et it a execute es menacesdont il

avait menacedepuis longtemps es demons maudits. Et il a mani-

teste devant es hommes maintenant tout ce qui avait ete prophe-

tise depuis toujours par les prophetes, par sa passion et sa resur-

rection et par sonravagedes enters et par la foule des miracles qui

avaient ete annonces tout cela, ll'a accompli.

Ecoutons donc et reflechissons it ce qu'il a fait et par quels

moyens l DOllS liberes. Il ne l'a pas fait par contrainte, mais il est

venu sur terre de par sa propre volante et il y a souffert de nom-

breux trahisons et pieges de la part des juifs et des mechants

scribes, et puis it la fin il a laisse clouer son corps sur une croix et

il a subi la mort pour DOllS, ar il voulait DOllS oDDer a vie eter-

Delle. Et puis il envoya son glorieux esprit dans es abimesde l'en-

fer, et il enchainaet ecrasa e prince des enebreset de la mort eter-

nelle, et il tourmenta cruellement sesassocies, t il brisa les partes

de l'enfer et taus sesverrous d'airain, et il fit sortir taus seselus,

et de sa lumiere eclatante, il vainquit les tenebres des demons.

Et ceux-ci urent effrayes et s'exclamerent,disant : D'ou vient

cet etre si fort, si brillant et si terrible? Le monde qui nons etait

soumis depuis ongtemps, et la mort nons payait de grands ributs,

jamais auparavant il n'est arrive que l'on ail mis fin a la mort,

jamais auparavantune telle terreur ne s'estempareede nons et de

l'enferB.Helas, qu'est cet etre qui penetre sanscrainte dans notre

domaine? Et non seulement il n'a pas penTdes tourments que

nons infligeons, mais il vent aussi delivrer les autres de nos liens.

Nous pensionsque c'etait lui par la mort duquel oute la terre nons

serait soumise.Tu nons entends,notre prince? C'estcelui-la meme

dont tu as depuis si ongtemps essayede provoquer la mort, et tu

8. C'est a traduction litterale du texte; il est evident qu'il y a des erreurs

de scribes ou de traduction. Le texte latin source (ct. commentaire) dit

ceci mundus ille qui nobis subditus fuit semperquenostris usibus mor-

tis tributa persolvit nunquam talem mortuum misit . Aussi, M. FORSTER,

«Altenglische Predigtquellen »,Archiv 116 (1906),propose-t-il d'amen-

der Ie texte anglais (en particulier en corrigeant 'geendod' / mis fin, en

'gesended' / envoye) : Le monde qui nons etait soumis depuis si long-

temps et nons payait de grands ribus par la mort -jamais auparavant un

tel mort ne nons a ete envove ... .

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R. FAERBER

Celie priere fut entendue sansdelai, et immediatement a foule

innombrable des ames saintes fut elevee, sur ordre du Seigneur,

hOTSes ourments de l'enfer, et il abattit l'ancien ennemi et Ie eta

enchaine dans es abimes de l'enfer. Les amesdes saints remplies

d'une joie ineffable s'adresserentau Seigneur,disant: Remonte,

maintenant, Seigneur,Sauveur,Christ, voici que tu as ravage 'en-

fer et enchaine dans ces ourments Ie prince de la mort. Manifes-

te maintenant a la terre la joie que, par ta resurrection, tous tes

elus puissentse rejouir de ta resurrection et y mettre leur espoir.

Adam et Eve n'etaient pas encore liberes, ils etaient encore

enchaines.Adam, d'une voix remplie de pleurs et de lamentations,

s'adressaau Seigneur,disant Aie pitie de moi, Seigneur;aie pitie

de moi au nom de ta grande misericorde et efface ma faute, car j'ai

peche contre toi seul et j'ai fait Ie mal devant toi. J'ai erre comme

la brebis qui perit. Jette ton regard sur ton serviteur, Seigneur,car

tes mains m'ont cree et fa~onne; n'abandonnepas mon ame parmi

leg habitants de l'enfer; manifeste moi ta rnisericorde et libere moi

de ceschaineset de cette prison et de l'ombre de la mort. Le Sei-

gneur et Sauveur eut pitie d' Adam et seschaines s'ouvrirent sur

Ie champ,et, embrassanteg genoux du Seigneur, l dit : Mon ame

benit Ie Seigneur et tout ce qui est en moi son saint nom. Toi qui

as montre de la misericorde pour roes autes, toi qui as gueri tous

roesmaux, tu asdelivre ma vie de la perdition etemelle, tu as satis-

fait roesdesirs de bonte .

Eve etait toujours enchaineeet, en pleurs, elle dit : Tu es uste,

Seigneur, et juste est ton jugement; il est uste que je subisseces

souffrances; j'etais en honneur au paradis et je n'en etais pas

consciente; j'etais devenue comparable et semblable a une bete

sans raison1°.Mais toi, Seigneur, bouclier de ma jeunesse, moo

bouclier, ne te souvienspas de ma folie11, e me rejette pas oin de

ton regard, ne detoume pas ta misericorde de moi, ne te detour-

ne pas en colere de ta servante ecoute, Dieu plein de grace, ma

10. Exactement, la phrase veut dire :'...j'etais devenue perverse et sem-

blable a...'; selon M. FORSTER op. cit. », Anglia 73 (1955), il Y aurait une

erreur scribale concernant Ie mot traduit ici par 'perverse., ( witherme-

de ), et il faudrait lire wiffmede = 'comparable'.

1L Ici egalement, Forster pense qu'il y a une erreur de scribe. Le mot tra-

duit ici par 'bouclier', scyld devrait etre son homonyme scyld , 'peche',

prendre la forme du genitif ( scylde ), comme Ie mot traduit par 'folie'

 onunwisdomes , et etre rattache a 'fie te souviens pas' (qui demande Ie

genitif), donc : '...ne te souviens pas du peche de ma jeunesse et de ma

fnlip ,

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DEUX HOMELIES DE PAQUES

99

voix, avec aquelle moi, ta pauvre servante, e te supplie, car ma

vie et mes anneesse sont consumeesen soucis et en amentations.

Seigneur, tu sais ce dont je suis taite, que je suis poussiere et

cendres, si tu retiens mes autes. Je te supplie a present, Seigneur,

au nom de ta servante, sainte Marie, que tu as honoree de gloire

celeste; tu as rempli son sein pendant neuf mois du tresor du

monde; tu sais que 1u es ne, Seigneur,de ma fille; et que sa chair

est de ma chair et sesos de mes os. Accorde-moi ta faveur, Sei-

gneur, pour l'honneur de sa gloire, accorde-moi a faveur a moi la

plus malheureuse des femmes, man Createur, aie pitie de moi et

delivre moi des liens de la mort. Et Ie Seigneur et Sauveur eut

pitie d'Eve et ses iens s'ouvrirent sur e champ.Elle s'ecria,disant:

 Que ton nom, Seigneur, soit beni dans Ie monde; car ta miseri-

corde est grande devant moi; tu as de ivre man ame de cet enfer.

Alors Abraham, Ie patriarche, et toutes les ames des saints qui

etaient enchainees epuis a creation du monde eleverent eur voix

pleine de joie, disant : Nous te rendons grace, Seigneur,et nous

te louons, car tu nous as delivres de l'auteur de la mort et tu nous

as remplis de joie par ta venue.

Alors Ie Seigneur,avec e butin qu'il avail pris dans l'enfer, sor-

tit immediatement, vivant, du tombeau, ressuscitepar sa propre

puissance,et puis revetit son corps mmacule, et il se mantra a ses

disciples, car il voulait enlever tout doute de leur coeur. Et il mon-

tra les blessures et les marques des claus a ceux qui ne croyaient

pas, car il voulait que personne ne soil dans Ie doute quant a sa

resurrection; et ensuite, aUKyeux de nombreuses personnes, il

manta au ciel et s'assita la droite de Dieu Ie Pere, d'ou il n'avait

jamais ete absentetant donne sa divinite, car il y etait toujours eta-

bli. Que tons les croyants soient dans a joie et se rejouissent, car

Ie sangdu Christ a ete verse pour nons. Rejouissons-nousdans e

Seigneur,nons qui celebronssa resurrection, car il n'a en rien dimi-

Due sa divinite en prenant Ie corps humain et il nollSa delivres de

la puissancedu diable.

Nous entendons ainsi, chefs freres, combien de souffrances Ie

Seigneur a endurees pour DOUg, n DOUgachetant avec son sang

des chaines de l'enfer. Examinons donc quelle recompense DOUg

avons a lui offrir, lorsqu'il en fera leg comptes ce meme our, lors-

qu'il siegera sur Ie trone du jugement; alors DOUg evrons avec

notre propre ame rendre compte et faire amende de to utes leg

chasesque DOUg vons faites contre sescommandements ou que

no us n'avons pas faites comme DOUg urions du. Reflechissons

avec combien de crainte toutes leg creatures devront aborder ce

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R. FAERBER

moment oil Ie jugement sera proche; la venue de ce jour sera er-

rible pour toutes les creatures.

Ce jour-la, Ie ciel et la terre et la mer et tout ce qu'ils contien-

Dentpasserontet, ce our-la, de meme Ie soleil et la lune passeront

et leg etoiles n auront plus de lUI1liere.£t la croix du Seigneursera

dressee parmi leg etoiles, cette croix qui a mis en fuite tous leg

esprits damnes sur terce. £t ce our-la, Ie ciel sera plie comme un

livre et, ce our-la, la terre sera reduite en cendres et, ce our-la, la

mer sera assechee t, ce our-la, toute la puissancedu ciel serabou-

leversee et secoueeet, six jours avant ce our, se manifesteront,

chaque our, leg signessuivants

Le premier jour, a midi, il y aura de glandes lamentations de

toutes les creatures, et on entendra une voix forte au ciel, comme

Ie bruit d'une armee qui se rassemble et se met en rangs; et puis

un nuage de sang se levera au nord et recouvrira tout Ie ciel; et

apres ce nuage, viendront des eclairs et dutonnerre toute la jour-

nee, et, Ie soil, il pleuvra du sang.

Le deuxieme jour, on entendra, venant du ciel, Ie grand bruit

d'une armee qui se prepare au combat et la terre sera deplacee et

Ie ciel s'ouvrira en partie a l'est et, par cette ouverture, sortira une

grande armee et elle couvrira et cachera e ciel, Ie soil, et une pluie

de sang et de feu se mettra a devorer et a consumer a terre et Ie

ciel tombera sur eg quatre coins de la terre12;et toute la terre sera

plongee dans l'obscurite, a la onzieme heure de ce our. Et alors

Ie peuple dira : Que Ie SeigneurDOUgpargne et ait pitie de DOUg,

lui que leg angesont loue lorsqu'il estne a Bethlehemdisant: Gloi-

re a Dieu dans eg ieux tres hauts et aux hommes sur erre qui soot

de bonne volonte .

Le troisieme jour, la terre au nord et la terre a l'est se parleront,

et les profondeurs rugiront et voudront devorer la terre. Alors

toutes les puissancesde la terre seront renverseeset il y aura un

grand tremblement de terre, ce our-la.

Le quatrieme jour, apres a tJoisieme heure, il y aura de grands

coups de tonnerre dans Ie ciel; et toutes les idoles tomberont; et

puis ce sera Ie coucher du soleil et pourtant aucune umiere n'ap-

12. Forster propose de corriger gefeaIIen 'tomber' en gefealden

'plier'; mais,dans e poeme riandais Saltair na Ran (cf. commentaire), il

est bien dit, sembIe-t-iI,Que e ciel tombera sur Ia terre.

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DEUX HOME-LIES DE PAQUES

paraitra; et la tune sera eteinte et la terre sera plongee dans les

tenebres; et les etoiles iront a contresens13oute la joumee ; et les

hommes pourront les voir aussiclairement que la nuit lorsqu'il fait

tres froid; et its halront les richessesde ce monde et to utes les

chosesqu'ils aiment.

Le cinquieme jour, a la troisieme heure, Ie ciel eclatera de l'est

a l'ouest; et tous les anges egarderont par cette ouverture la race

des hommes. Et alors tous les hommes verront que Ie moment de

la fin du monde est arrive. lIs fuiront dans les montagnes et se

cacheront devant a presencedes angeset ils diront a la terre et la

supplieront de les engloutir et de les cacher et ils souhaiteront

qu'ils n'eussent amais ete engendres par leur pere et leur mere.

C'est ce qui a ete prophetise autrefois dans les livres du Christ:

 Heureuses celles qui sont steriles, heureux les ventres qui n'ont

jamais engendre et les seins qui n'ont jamais allaite , Et puis ils

diront aux colliDes et aux montagnes : Tombez sur nous et cou-

vrez et cachez-nous,pour que nous ne subissionsplus la terreur

que nous inspirent ces anges.Maintenant tout ce que nous avons

tenu cache devient manifeste.

Le sixieme our, avant a troisieme heure, des quatre extremites

de la terre, Ie monde entier sera rempli d'esprits damnes, qui

essaierontde faire un grand butin d'ames humaines,comme ' An-

techrist l'avait fait auparavant. Et quand il viendra, il menacera

d'envoyer dans leg tourments eternels leg ames qui ne lui obeis-

sent pas; et puis a la fin lui-meme sera chassedans leg douleurs

eternelles. Ce jour-1ft donc, saint Michel viendra avec une armee

celeste d'esprits saints et il tuera tons leg damnes et leg chassera

dans eg abimes de l'enfer a causede leur desobeissance ux com-

mandements de Dieu et a cause de leurs peches. Et alors toutes

leg creatures verront la puissance de notre Seigneur, bien que

maintenant l'humanite ne veuille pas a reconnaitre.

Apres ceschoses, e septieme our seraproche. Et saint Michel,'Archange,

ordonnera de sonner es quatre trompettes aux quatre

13. Le mot anglais withersynes est un hapax; Morris, dans son glossai-

re des Blickling Homilies, Ie traduit par a cross he sight ? , et les autres

lexicographes ont adopte ce sens. M. FORSTER,«p. cit. », Anglia 73

(1953), se fondant sur une etymologie possible, approche Ie mot du mot

allemand 'widersinnig', 'qui est contraire au bon sens,absurde..'; notre

phrase pourrait dans ce cas signifier que 'les etoiles prennent un COUTS

contraire a leur COUTSabituei'.

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102

R. FAERBER

extremites de la terre et tons les corps ressusciterontde la mort,

qu'ils aient ete cachesdans a terre ou noyes dans l'eau ou devo-

res par les animaux sauvagesou enleves par les oiseaux ou dechi-

quetespar les poissonsou qu'ils aient quitte cette terre d'une autre

maniere. Tous devront se relever et aller au jugement, dans la

forme dont ils s'etaient pares de leur vivant. Mais ce n'est pas d'or

ou de vetementsde pourpre, mais de bonnes et saintesactionsque

nons devonsetre pares, si nons voulons etre it la droite du Seigneur

et SauveurJesus-Christavec es ames ideles et elues, qu'il enver-

ra dans a lumiere etemelle.

Aussi devons-nonssonger, ant que nons Ie pouvons, ace dont

notre ame a besoin, de penTde manquer cette occasion avorable

et de vouloir nons repentir quand ce sera trap tard. Sayans

humbles et misericordieux et charitables, debarrassons-nousde

tout ce qui est frauduleux et mensongeret haineux et chassons-le

de notre coeur et sayans ustes es uns envers es autres. Car Dieu

lui-meme ne tiendra pas compte de la penitencede qui que ce soit,

et aucune ntercessionne servira a TieD, ar il sera alors plus cruel

et plus impitoyable qu'aucune bete sauvage ou que ne pent Ie

devenir n'importe que Ie humeur violente. Et plus la puissance

d'un homme aura ete grande et plus il aura ete fiche sur cette erre,

plus Ie luge supreme sera exigeanta son egard, lorsqu'il sera sou-

mis a un jugement strict, comme il est dit : "Celui qui jugera les

pauvres sansmisericorde, sera soumis a un jugement severe."

Reflechissonsdonc, ires chers freres, avec sagesse t discerne-

ment, aces choses,pour que, grace a nos oeuvres de justice et a

noire misericorde, nollS rouvions un uge clement et que, par l'hu-

milite et par l'amour veritable de Dieu et des hommes,nous acce-

dions au bonheur eternel avec noire Seigneur a on il vit et regne

d'eternite en eternite. Amen.

HOMELIE CCC41

[Etant donne la mediocrite du manuscrit, nons avons fait appel

a la version de CCC303, bien meilleure, bien qu'elle presente elle

aussides difficultes d'interpretation.]

Hec estdies quam ecit Dominus, exultemuset letemur ea

Treschers reres,on nousparle dansce ivre du grandevene-

menp4 qui s'est produit cette nuit : notre Seigneur et Sauveur

14. CCC303 dit "wundre" = 'miracle'

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103

EUX HOMELIES DE PAQUES

Jesus-Christ, elie nuit, celIe d'aujourd'hui, est essuscite esmarts

1'1 inuit et il est descenduchez es habitants de l'enfer, car il vou-

lait ravager 'enfer -et c'est ce qu'il a effectivement ait -et vaincre

Ie prince des demons. Et c'est ce qui lui est en eifel arrive15.Le

diable est appele et nomme Satan, c'est 1'1ire Ie prince du mal, et

il regne et demeure dans es profondeurs de l'enfer. Nore Seigneur

est descendudansl'enfer pour delivrer les amesdes saints. Il est

dit, dans ce livre, qu'accourut aux partes de l'enfer line foule

d'hommes affreux et horribles 1'1oir. Et il est dit que ceshommes

etaient les gardiens des habitants de l'enfer et des partes de l'en-

fer, et qu'ils voulaient fermer celles-ci pour empecher que noire

Seigneur vienne et entre. Il est dit qu'ils furent terrifies, lorsque

noire Seigneurvint aux partes de l'enfer celie nuit, et que les ver-

rOllS e briserent et tomberent 1'1erre 1'1 on approche. Et il entra,

noire Seigneur, et il mil l'enfer en pieces et delivra les ames des

saints qui etaient pendant si ongtemps dans es tourments. Et les

diables se dirent les tins aux autres : "Oh qui pourrait bien etre

ce guerrier qui penetre chez nous? Est-ce que nos gardiens dor-

maient, lorsque ce heros est venti chez nous?16ou bien aurait-il

fait un pacte contre noire chef? ou bien l'aurait-il tue et ainsi pu

penetrer chez nous ?"

Le chef des diables avait quitte sescomparsesde l'enfer? pour

inciter les uifs it.clouer Ie Christ sur a croix, et il n'etait pas enco-

re revenu, helas, pour voir quel carnage etait reserve it. 'enfer.

Et notre Seigneurpenetra plus avant dans 'enfer avec 'eclat de

sa umiere, jusqu'a ce qu'il vit Adam, notre peTea tons, avec ons

ses descendants. Et Adam prit la parole et dit: "(Nous nons

demandons) Quelle est celie lumiere qui brille si fortement dans

cet enter a travers ce monde terrible ?"18Et les diables se dirent

les uns aux autres : "Quel est cet etre si brillant et si eclatant qui

nons accable de sa lumiere? On nons vent du mal. Jadis nons

avons ete condamnesa nons cacheT ans nos cavernespour qu'il

ne nons tourmente pas avecsa errible force. Oh, nons savonsque

jamais personnen'a eu 'audace auparavantde penetrer cheznons

vivant. Est-ce qu'il partira d'ici sansque nons ne puissions nons

15. Litteralement : 'et celui-ci a vraiment fait l'experience que c'etait bien

Iii-son ntention'.

16. Ces questions sont en discours indirect, introduites par: "talia5 we",

'nous nous demandons'; dans CCC 303, a formule est "wene we".

17. CCC303 : "wresof 5rerehelle gefaran" : 'etait paTtide l'enfer'.

18. Ct. note 16.

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104

R. FAERBER

venger?19Nous savonsque amais auparavant ] 2°.Jamaisune

lumiere si belle n'est venue dans ce lieu aveugle, dans ce noir

abime. Et DOUg ntendons et voyons que ces affreux tourments

eternels soot rendus muets, que ce lieu infernal et ces ortures sont

rendus aveugles, ce qui ne s'est amais produit auparavant. Ces

amesne tremblent plus sousnos coups, elles ne tressaillentplus et

ne sont plus terrifiees. Et DOUgoyons que cet etre brillant est venu

ici pour delivrer ces ames. I ravage l'enfer; il ne veut pas rester

avec DOUgans ces ourments.

Et puis, est-il dit, alors que les diables se lamentaient ainsi, la

foule des premiers etres humains et Ie peuple en detresse,Adam

et sa descendance, omberent aUKpieds du Seigneur et en pleurs

lui direntZ1: Seigneur, delivre-nous de ces tourments, pour

qu'apres toi il n'y ail plus de diable pour nous opprimer. Et

lorsque Ie puissant Satanse precipita sur lui avec orce, noire Sei-

gneur viot et lia Ie prince desdiables et Ie fouta aUK ieds et detrui-

sit sa puissance.Et noire Seigneurprit Adam par la main et Ie lira

de l'enfer avec toutes les ames ustes qui se trouvaient la. Et ce

jour-la, Ie jour d'aujourd'hui, il oonduisit a grande oule dessaints

avec ui hors de l'enfer et la mena au ciel et fit asseoir es ustes sur

les siegesqui etaient restes noccupes pendant si ongtemps.

Nous devons donc avoir present a l'esprit, tres chefS reres, dit

l'auteur de ce livre, que notre Seigneuravait 'intention, cette pre-

miere nuit de Paques,de revenir sur cette terre, pour mettre fin a

ce monde, comme ille dit lui-meme: Je viendrai et j'apporterai

avec moi les recompenses. I reviendra dansce monde, il viendra

et ce sera errible. Le soleil et la lune s'obscurciront, et les etoiles

tomberont sur terre, et les cieux seront replies comme un livre. Et

notre Seigneur enverra quatre anges et ceux-ci souffleront dans

quatre trompettes aux quatre coins de la terre. Puis [il est dit] que,

lorsque les trompettes auront sonne, ni poisson, ni oiseau, ni eau,

ni bete, ni feu, ni les nombreusescreatures le

corps de l'homme sur cette terrt (dans l'eclat de son regard) (en

19. Ct. note 16. /

20. Le texte semble dire: jamais auparavant sur terre nous n'avons vu

un tel etre dans notre lieu de securiti (selon e manuscrit; la phrase eta-

blie par Hulme n'a guere de sells).Le texte de CCC 303dit: jamais aupa-

ravant la terre ne nous a envoye un tel etre dans notre lieu de securite .

21. L'analysesyntaxiquede cetle phrase, elle que Hulme l'a etablie,pose

probleme: CCC 303 nous a permis d'en retablir la structure.

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DEUX HOMELIES DE PAQUES

105

un clio d'oeil)Z2,alors a terre sera aussineuvequ'elle l'etait Ie jour

oil Dieu l'a creee. Alors l'ame et Ie corps seront reunis, et

ensemble ls sortiront de la terre et iront au ugement; et puis la

terre brulera avec tOllSses resors et elle se consumera et fondra

et s'enfonceradans 'enfer (?). Et notre Seigneurseraassissur son

traDe et il aura dans eg mains sa croix et elle brillera sur toute la

terre et elle sera couverte de sang,comme elle l'etait Ie jour de sa

passion; et leg blessuresseront ouvertes et aussi raiches qu'elles

l'etaient Ie jour oil Judas (sic) en a afflige a soncorps. Du feu bru-

lera devant Ie traDe du Seigneur,et toute la race humaine brulera

dans ce feu, avant de se presenter au ugement, afin que chacun

soit d'autant plus brillant et clair aux yeux du Christ. Et puis leg

anges de Dieu examineront leg oeuvres accomplies par chaque

homme, qu'elles aient ete bonnes ou mauvaises.Les hommes se

tiendront devant Ie jugement, ceux qui ne lui auront pas obei, ni

observe sesenseignementsmaintenant. Ils seront a tremblant et

pleurant, et leur valeur ne serapasplus grande qu'ici sur erre celie

du plus viI esclave. Quant aux princes et aux rois qui maintenant

prennent et saisissentpar a force leg biens des pauvres, ls hale-

teront23et respireront fortement et du sangcoulera sur leur visa-

ge et il ne leur sera donne aucune purification ni repos.

Helas, ce sera un jour amer et un jour terrible. Ce sera,helas, e

jour du malheur et Ie jour de la sonnerie des COTS,e jour des

grands cris et Ie jour de l'anxiete. Ce sera, helas, Ie jour de la

detresseet Ie jour de l'affliction; et ce sera,helas, e jour tremblant

du jugement qui attend tOllS eg hommes. Et leg anges de Dieu

viendront et separeront eg bong des pecheurs, et ils placeront leg

bong a droite et leg pecheursa gauche. Et notre Seigneurse tour-

nera alors veTSa gauche et il s'adresseraa tOllS eg pecheurs, out

comme s'il parlait a chacun en particulier, et il dira: "0 homme,

je t'ai forme de mes mains pour que tu sois a moo image Je t'ai

place au milieu des delices du paradis, et tu as meprise leg beaux

22. Le sells de ce passageest difficile a determiner et meme Ie texte de

CCC303ne permet pas de resoudre Ie probleme. L'enumeration semble

rappeller ce qui est dit dansBlickling VII a propos des diversescausesde

la mort des hommes. Est-ce que Ie sellSpourrait etre : 'ni..ni...ni-- ne

detruiront plus Ie corps de l'homme et en un clin d'oeil tout sera aussi

neuf qu'au jour de la creation'? ou bien: 'il n'y aura plus de distinction

entre poisson, oiseau et en un clin d'oeil etc.' ? D'autre part, CCC 303

dit: 'en un clin d'oeil', et CCC 41 dit : 'dans l'eclat de sesyeux'.

23. Le manuscrit lit: "hisworccettap" que Hulme a decompose en "his

worc cettap", ce qui ne donne pas de sens; il faudrait Ie decomposeren:

"hi sworc(c)ettap",ce qui signifie "ils haletent ou haleteront", dont l'idee

est reprise dans Ie verbe suivant.

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106

R. FAERBER

commandements et tu as prefere suivre Ie seducteur plutot que

celui qui t'a cree. Tu t'es exclu du destin que je t'avais offert et tu

as rejete la gloire et choisi la mort. Alors je me suis abaisseafin

d'entrer dans un sein virginal, et je suis ne par une naissance

humaine 24 our toi, et j'ai supporte les inconvenients de la petite

enfance et j'ai souffert les souffrances humaines, j'ai endure les

gifles qu'on me portait sur Ie visage et l'on a crache sur ma face et

j'ai bu du vinaigre et du fiel; et l'on m'a frappe de verges et l'on

m'a place une couronne d'epines sur a tete et j'ai laisse ransper-

cer moo cote, pour t'arracher a fa mort.

Regarde maintenant et vois les cicatricesde mes blessureset les

marques des clous dont moo corps a ete transperce. Tout cela, e

l'ai souffert pour toi, lorsque 'ai voulu que tu regnesau ciel. Pour-

quoi, 0 homme, as-tu oublie tout ce que j'ai souffert pour toi, et

pourquoi reponds-tu a tout cela avec ngratitude? Je ne me plains

pas de ma mort25mais rends-moi ta vie, pour laquelle j'ai donne

la mienne. Pourquoi me souilles-tu avec tes peches moi et Ie

temple que je m'etais consacre en toi? Tu as donne au diable la

maison dans aquelle je pensaisreposer. Pourquoi te depouilles-

tu maintenant de la joie du royaume ces cieux? Plus lourde etait

la croix de tes pechesque la croix sur aquelle j'ai ete tue.

Et voila je vous dis, eloignez-vousde moi, maudits, dans Ie feu

eternel; et je ferme devant vous aujourd'hui les portes du royau-

me des cieux, comme vous avez ferme la porte devant les mal-

heureux qui vous ont supplies en mon nom. Je ne veux plus

entendre voile voix aujourd'hui comme vous ne vouliez pas

entendre la voix de ces pauvres.

Les diables se saisiront alors de ces ames et les meneront en

enter. Puis sainte Marie se evera et s'avancera et s'agenouillera

devant notre Sauveur et Ie suppliera de pardonner au tiers de la

foule des condamnes: et ill'exaucera et il iTa separer un tiers de

ces ames et placera es bolls a sa droite.

Puis saint Michel se evera et s'avanceraet s'agenouilleradevant

noire Sauveur et Ie suppliera de pardonner a un tiers de la foule

24. Le texte dit mines ece gebyrd = 'ma naissanceetemelle'; CCC 303

parle de mrennescgebyrd = naissancehumaine'.

25. Le texte semble res corrompu a cet endroit. CCC 303 est plus clair et

correspond a la source atine (ct. commentaire): non tibi ego de morte

mea queror (je ne me plains pas a toi de ma mort). Un des poemes sur

Ie jugement demier s'inspire de la meme source et dit : Ne ascige c nu

owiht bi pam bitran dea~e minum , qui traduit la phrase atine.

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DEUX ROMP-LIES DE PAQUES

107

des condamnes.Et ill'exaucera et iTa separerun tiers de ces ames

et placera les bons a sa droite.

Puis saint Pierre se Ievera et il s'avancera et s'agenouiIIera

devant notre Sauveur et Ie suppliera de pardonner a un tiers de Ia

foule des condamnes.Et iII'exaucera et il iTa separer un tiers des

ces ames et placera Ies bans a sa droite.

Et leg diables se saisiront de ceux qui resteront et leg meneront

en enter, et saint Pierre leg suivra et il fermera l'enfer et ettera la

cl6 dans leg profondeurs, pour que jamais plus Dieu ne s'en sou-

vienne26.

Et alors notre Seigneur se tournera veTS es bans et dira:

'Lorsque 'avais faim, VallSm'avezdonne a manger; orsque 'avais

soif, VallSm' avez donne a boire; lorsque j' etais nu, VallSm' avez

vetu; lorsque j'etais un etranger, valls m'avez recueilli; lorsque

j'etais malade, valls m'avez visite.' Et ils diront: 'Domine, quand

etait-ce que tu etais dans e besoin?' Et notre Seigneur eur repon-

dra: 'Lorsque VallSavez fait l'aumane aux pauvres, c'est moi qui

l'ai re<t'ue.'Et il se evera, notre Seigneur,de son trane et il mon-

tera au ciel et avec lui taus ceux qui maintenant ici sur terre aspi-

rent au royaume et qui Ie meritent et qui obeissentaux comman-

dementsde notre Seigneur.Et Ie Seigneurvit et regne,PeTeet Fils

et Saint Esprit, d'eternite en eternite. Amen.

COMMENTAIRE

Les deux homelies font partie de ce qui a ete appele les home-

lies anonymesvernaculaires , pour les distinguer des homelies et

sermonsdes deux grands predicateursde la fin du Xe siecle, Elfric

et Wulfstan. D'autre part, laplupart de ceshomelies ont ete com-

posees avant la reforme benedictine du milieu du Xe siecle, bien

que les manuscrits dans lesquels elles ont ete copiees datent au

plus tot de la fin du Xe siecle et surtout des XIe et XlIe siecles.

Nos deux homelies sont des sermons composites a caractere

parenetique, les exhortations etant integrees dans Ie fecit de la

Descente aux enters et de la resurrection et dans celui des temps

derniers et du Jugement, et non pas fondees sur des passages

bibliques explicites; il n'y a guere d'elements exegetiques.

26. Ici egalement, DOllS vons choisi Ie texte de CCC 303.

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R. FAERBER

C'est d'ailleurs une des caracteristiquesde la plupart des home-

lies anonymes ...l'accent est presque entierement tropologique.

La preoccupation mmediate des predicateurs etait de convaincre

leurs auditeurs pour qu'ils vivent une vie moralement droite dans

ce monde. La dimensioneschatologiqueres importante deshome-

lies est un moyen d'exhortation en dressant un tableau vivant et

direct des recompensesde la vertu et des punitions de l'iniquite.

Les predicateursne s'interessentpas, semble-t-il, aux aspectsdog-

matiques ou n'ont pas eg connaissances ecessaires,ls ne specu-

lent pas sur egdifferents mystereschretiens et ne font aucun effort

exegetique 27.Nos deux homelies en sont une bonne illustration.

Et cela explique aussi pourquoi on a recours dans ces home ies

anonymesa des sourcesautres que bibliques, aux grands predica-

leurs du passe,mais surtout aussia des sourcesapocryphesplus

ou moins orthodoxes.

Comme dit dans l'introduction, la particularite de ces deux

homelies est l'association hematique explicite de la Descente aux

enters et du Jugementdemier. Cette associationn'a rien de vrai-

ment original au plan theologique. II y a un lien evident entre Ie

jugement qui a lieu dans l'enfer -liberation des ames ustes et

enchainementde Satan -et Ie jugement de l'humanite a la fin des

temps; leg deux sont des evenementssoteriologiques fondamen-

taux. Mais ce n'est, semble-t-il, que dans ces deux textes anglais

que ce theme re~oit un traitement homiletique original.

 L'association typologique de la Descente et du Jugement est

tres nettement au creur de cette homelie. La Descente est en fait

presenteecomme un exemple ou un paraUeledu Jugement,et dans

leg deux mouvements, 'accent est mis sur Ie salut des ustes. Nous

ne savonspas s'il existait une homelie latine comportant tOllSces

elements; si Qui, 'auteur de notre homelie n'aurait fait que tra-

duire sa source. I me semble plus probable, pourtant, que l'asso-

27. ... the emphasis s almost entirely tropological. The preachers are

concerned with the immediate problem of convincing their hearers o live

moral lives in this world. The considerable eschatological dimension in

the homilies is a means of exhortation and of making vivid and immedia-

te to the audience the rewards for virtue and the punishment for iniqui-

ty. The homilists seemuninterested or unable to explore points of dogma,

to speculate Christian mysteries,and to develop ntricate exegetic argu-

ments . Cf. M. A. DALBEY,«Themes and Techniques in the Blickling

Homilies », in P. E. SZAMACHB. HUPPE Ed.), The Old English Homi-

ly and its background, New York, 1978,p. 221.

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DEUX HOMELIES DE PAQUES

109

ciation de la litterature sur a Descente ...avec du materiel apoca-

lyptique ait ete faite en premier par lui. 28

Mais DOUgaissons aux specialistes Ie so n d'en faire l'analye

theologique et exegetique. Le commentaire qui suit ne concerne

que leg textes, leurs sources eventuelles, leurs rapports avec

d'autres textes contemporains. Nous traiterons leg deux homelies

separement, car malgre leur identite thematique, elles soot nde-

pendantes 'une de l'autre.

L'homelie Blickling VII

Dans Ie manuscrit, cette homelie fait suite a quatre homelies

pour quatre dimanches du Careme, qui soot fortement parene-

tiques et qui mettent l'accent sur l'action salvifique du Christ, et

l'homelie de Paquessemble couronner cela en proclamant la vic-

toire definitive du Christ sur Satan et la liberation des ustes. Et

cette action est annonceedeja dans ceshomelies.Ainsi, dans celIe

pour Ie dimanche des Rameaux, il est dit que la victoire procla-

mee ce our signifie la victoire que Ie Seigneur riomphant a rem-

portee sur Ie diable [...] lorsqu 'il descendit (aux enters) et devas-

ta l'enfer et emmena es amesdes ustes et delivra de la puissance

du diable tousceux que, depuis Ie commencementdu maude, il y

avail mis en servitude , et 'homelie conclut par: Les justes, avant

la venue du Christ, crurent en lui et l'aimerent et parlerent de sa

venue; par sa Passion, ls furent liberes des tourments de l'enfer

et furent sauvespar sa resurrection... et DOllS ayansaussiqu'il va

revenir DOllSuger et mettre fin a ce maude. II taut donc qu'il DOllS

trouve prets, et DOllS ayansque dans ce bref espacede temps il

28. The typological associationbetween he Descent and the Judgment

is clearly at the very heart of this homily. In fact the Descent s created as

an extended exemplum or parallel for the Judgement, with the final

emphasis in both sections on salvation of the just. We do not know, of

course, whether a Latin homily existed which contained all of this mate-

rial, in which case he Blickling homilist was merely translating. It seems

more likely to me, however, that this combination of Descent ore... and

Apocalypse material was first made by this homilist for this homily .

J. CAMPBELL, op. cit. », Viator (Medieval and RenaissanceStudies)13

(1982). Cf. M. A. DALBEY«Patterns of preaching in the Blickling Easter

Homily», TheAmerican BenedictineReview 24 (1973).

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110

R. FAERBER

DOUgaut meriter Ie repos eterneI, et puis DOUgejouir dans a oie

angelique avec notre Seigneur Iii. 011 l vit et regne iI. amais.

Amen 29.

Notre homelie commence par sittler Ie theme: la relation inti-

me entre l'evenement pascalet Ie Jugementdernier. Celui-ci aura

lieu un jour de Paques.Et a ce moment seront presents devant Ie

trone du Seigneur la race des anges, a race deshumains et la race

des diables . Ce detail est un motif frequent dans es homelies et

dans a poesie sur Ie Jugement demier et il semble particulier a la

tradition anglaise3O.I est vrai que l'on trouve one representation

semblable dans one homelie de Saint Ephrem (ou plutot pseudo-

Ephrem), oil il est dit : II tela apparaitre devant lui Ie ciel et la

terre pour les uger. Les habitants du ciel et es habitantsde la terre

se tiendront tremblants devant ui. La foule de ceux en haul et la

foule de ceux dans es lieux inferieurs seront remplies de frayeur

face au jugement qui les menace... 31.Mais lien ne permet d'eta-

blir un lien entre Ie pseudo Ephrem et les homelies anglaises il

n'etait pas nconnu, mais l y a trop peu de traces pour pouvoir par-

ler d'influence32.

La Descente aux enters

Comme Ie souligne Campbell (1982),dans aucunautre texte en

prose en vieil-anglais Ie fecit de la descenteaux enfers n'a ete trai-

te de maniere si detaillee. Apres une sorte de resume de l'action

du Christ dans sa descente, il y a un long discours des diables

effrayes s'adressanta leur chef Satan 'accusant d'avoir mal cal-

cule son coup. Puis, il yale discours des amesdes ustes s'adres-

sant au Christ liberateur, Ie glorifiant pour sa venue et son acte de

29. R. MORRIS, p.cit., Londres, 1874-1880, . 63.

30. M.R. GODDEN,« n Old English penitential motif» dans Anglo-Saxon

England 2 (1973). A part les exemples cites par Godden, on peut citer

trois autres occurenceshomiletiques, signaleespar C. A. LEES, Theme

and Echo in an anonymous Old English Homily for Easter », Traditio 42

(1986),p.115-142: dans 'homelie de Cotton Junius 121,dont il seraques-

tion en annexe,dans une homelie du manuscrit de Corpus Christi Colle-

ge Cambridge 162 (publiee par H.L.C. TRISTRAM, ier altenglischePre-

digten aus der heterodoxen Tradition mit Kommental; Uebersetzung nd

Glossar, Freiburg im Bresgau, 1970) et dans l'homelie, In die Sancto

Pasce,publiee par C. A. LEES, op.cit. », Traditio 42 (1986).

31. Selon a traduction allemande de E. BECK,CSCO, vol. 321,Sermo I,

p. 9, ignes 341-346.

32. Cf. J.D.A. OGILVY,Books known to the English 597-1066,Cambrid-

ge/MA,1967.

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DEUX HOME-LIES DE PAQUES

111

liberation. Ensuite, c'est Ie tour d' Adam et d'Eve de supplier Ie

Seigneur de leur pardonner leur faute initiale. Enfin, c'est Ie brei

chant de louange d' Abraham et des ames delivrees.

On a mis ce fecit, jusqu'a present, en rapport direct avec un ser-

mon pseudo-augustinien, Ie Sermo 160 dans Migne PL 39.33Ce

sermon a comme titre dans Migne De Pascha . C'est un sermon

composite que Migne subdivise en 5 sections et que Ie Diction-

naire de theologie catholique34decrit en ces termes : ..(Le ser-

mon) est comme Ie canevasdetaille d'un drame en cinq actes.

Au premier point, un recitatif met en relief la liberation du Sau-

veur, montre qu'il est a mort de la mort et la morsure de l'enfer.

Au second point, ce sont les exclamations du Tartare a l'arrivee

du Christ. Au troisieme, les objurgations de l'enfer au diable son

chef. Au quatrieme, les supplications des ustes a leur Sauveur.

Au cinquieme, par une permission de Dieu, les justes se retour-

nent contre leurs bourreaux, et chantent la victoire du Verbe

incarne.

En note, Migne indique que Ie texte est consarcinatus ex Gre-

gorii et Eusebii sententiis , une compilation d'extraits de Gregoi-

re et d'Eusebe; d'autre part, il met certaines sections entre cro-

chets et dit en note quae minime reperiuntur in manuscriptis et

 quibus distractis, caetera inter se aptius cohaerent , que cespas-

sagesne se trouvent que rarement dans leg manuscrits et que, si

on leg enlevait, Ie reste constituerait un tout coherent.

En effet, leg parties non mises entre crochets torment un ser-

mon coherent sur la Descente aux enters. Or ce sermon existe

effectivement dans 3 manuscrits anglais du XlIe siecle B.M. Har-

ley 652; Cambridge University Library I 1,2.19 et Gonville and

Gaius College Cambridge 149/199. II a aussiete utilise par Mar-

33. Cf. M. FORSTER,Altenglische Predigtquellen I », Archiv fUr das Stu-

dium der neueren Sprachenund Literaturen 116 (1906),p. 301-307.D.N.

DuMVILLE, « Liturgical Drama and panegyric responsory from the eigth

century? A fe-examination of the origin and contents of the ninth-cen-

tury section of the Book of Ceme », The Journal of Theological Studies,

23 (1972), p. 374 -406. J.J. JACKSON, op.cit. », Viator (Medieval and

RenaissanceStudies)13 (1982).

34. Rubrique: Descente aux enfers, vol.4/1, p. 607.

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112

R. FAERBER

tinus Legoniensis35. 1est attribue a Augustin.36 Nous Ie designe.

rODS ar la suite par 'homelie Harley'.)

Le SerIno 160de Migne Ie reproduit en l'amalgamanta d'autres

homelies, dont une qui a probablement servi pour l'homelie

CCC41, comme nous Ie verrons plus loin. La partie Descente aux

entersde Blickling VII est ondee sur ce sermon et en est une tra-

duction partielle, parfois litterale.

Ce qui est pourtant original et remarquable, ce sont es discours

d' Adam et d'Eve, qui ne se trouvent pas dans l'homelie Harley.

Aucune source n'en ete trouvee jusqu'a present.

Mais une source a dfi exister it. 'epoque de la composition de

noire homelie, car quatre autres textes de l'epoque vieille-anglai-

se y ont puise, l'un en latin, les trois autres en anglais.

Le texte latin se trouve dans ce qui a ete appele The Book of

Cerne , Cambridge University Library Ll.I.lO, un manuscrit du

debut du IXe siecle.37C'est une Descente aux enfers qui semble

avoir la forme d'un drame liturgique et doni Ie texte reproduit en

partie exactement l'homelie Harley, mais qui, comme Blickling

VII, continue par les supplications d' Adam et d'Eve; Ie discours

d'Eve est tronque, car il manque un feuillet a cet endroit du

manuscrit.

Le meme sermon Harley a ete utilise dans une home ie qui se

trouve dans e manuscrit Junius121 a la Bodleian Library Oxford.

Le manuscrit est une collection d'homelies d' Elfric avecquelques

home ies 'anonymes' dont une pour Paques, In Die resurrectio-

35. Sermo 25, PL. 208,col. 926s. Notons que Martinus Legoniensis XIIe

siecle)prolonge Ie fecit de Ia Descente aussidans une perspectiveescha-

tologique : per triumphum passioniset resurrectionis Christi, Deus res-

taurabit omnia quae in coelis et in terris per peccatumprimi hominis sen-

serunt detrimenta , et ainsi a ouvert nobis portas caelesti regni . Et il

conclut par I'exhortation: debemus ambulaTe n quantum possibile est

sicut Christus ambulabit .

36. M. R. JAMES, ans son Descriptive Catalogue of he Manuscripts n the

Library of Gonville and Caius College,Cambridge, 1907,par exempIe, e

decrit camille sermon de Aureli Augustini Doctoris Egregi Yponsenis

episcopis,avec six autres textes d' Augustin .

37. Le manuscrit a ete publie par A.B. KUYPERS,The Prayer Book of

Aetheluald the Bischop, commonly called the Book of Cerne,Cambridge,

1892.La section qui nous nteressea ete publiee et commentee par D. N.

DUMVILLE,«op.cit. », The Journal of Theological Studies23 (1972).

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114 R. FAERBER

Hwret, pu tram minre dohtor, drihten, onwoce

idee ne se trouve pas dans Junius 121.

' .

Notonsquecette

Voici une traduction de la supplication d'Eve de Junius 11:

...Evene pouvait pas encore lever es yeux sur a gloire (du Christ)

et elle prit la parole et dit : Je t'ai offense autrefois, Seigneureter-

nel, lorsque Adam et moi nons avonsmangedeux pommes, nduits

par la malice du serpent, ce que nons n'aurions pas dfi faire. Le

detestable etre, qui maintenant brule a jamais dans cet abime de

feu, nons instruisait, disant que nons aurions la gloire, un sejour

bienheureux, Ie ciel, en notre possession.Et nons avons cru aux

paroles de cet etre maudit et nous avons cueilli Ie fruit brillant sur

l'arbre sacre. Mal nons en prit, lorsque nons avons dfi entrer dans

ce gouffre de feu et sejourner des milliers d'anneesdanscette ter-

rible chaleur. Je te supplie maintenant, Seigneur des cieux, par

cette armee,cette foule d'angesque tu asameneeavec oi jusqu'ici,

permets-moide sortir de la avec es miens. Et elle tendit les mains

au roi des cieux et supplia Ie Seigneur de lui accorder sa bien-

veillance au nom de Marie: N'est-ce pas de ma fille que tu es

venn sur terre pour Ie saint des hommes? Et maintenant, il est

devenumanifeste que tu es DieD, Ie Createur etemel de toutes les

creatures.

Une comparaisonentre Harley, Ceme, Junius 121 et Blickling

permet d'etablir les rapports suivants entre les quatre textes, en

prenant comme base Harley: Harley comprend 4 parties: (1) la

descente aux enters du Christ, (2) la complainte des diables

effrayes, (3) la supplication et la louange des ustes, en deux par-

ties separeespar une section recitative, (4) l'exhortation de l'ho-

meliaste.

Ceme reprend a partie (3) ; completant a supplicationdes ustes

par une serie de versets de psaumes, l remplace la louange des

justes par une autre sene de versets de psaumeset ajoute les sup-

plications d' Adam et d'Eve.

Junius utilise Harley (2) (complainte des diables) et continue

par Ie texte tel qu'on Ie trouve dansCeme.

Blickling traduit Harley en ajoutant les supplications d' Adam

et d'Eve.

La Martyriology et Christ et Satan ont puise a cette meme

source.

Cette source atine a ete composeeprobablement en Angleter-

Ie, et, comme Ie plus anciendes extes, Ceme, est du VIIIe siecle.

11 e peut qu'elle date de la meme epoque et que Ie lieu de com-

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115EUX HOME-LIES DE PAQUES

position soit la Mercie. 11n'est pas impossible qu'il y ait eu une

influence irlandaise; Dumville41 aborde Ie probleme a propos de

Cerne, mais ne fournit aucune reponse precise.

Ce qui est nteressanta noter estque Ie materiel ajoute par l'au-

leur de Cerne, ainsi que leg supplications d' Adam et d'Eve, sont

une compilation de versets des Psaumes.Dumville leg a identi-

fies42,et il precise que Ie Psautier utilise etait Ie Psautier dit

Romain43.Selon Dom Robert Weber44Ie plus ancien manuscrit

de ce Psautier est anglais,copie au VIIIe siecle; au IXe siecle ont

ete ajoutees des gloses nterlineaires en vieil-anglais (mercien);

cette version glosee se trouve dans Ie manuscrit British Library

Cotton VespasiusA I .45 es versets atins de Cerne et leg textes

anglais de Blickling et de Junius correspondent presque exacte-

ment au texte de ce Psautier glose. II est donc possible qu'il ail

servi aux auteurs de ceshomelies.

Ce qui est certain, c'est que la Descente aux enfers dans ces

textes, homelies et poemes, ne derivent pas du texte de I' Evan-

gile de Nicodeme Actes de Pilate,mais, comme Ie montre Camp-

bell, d'une tradition homiletique -voire liturgique -parallele.

En effet, comme Ie note Fernand Cabrol46, de bonne heure les

liturgies firent une place a la descente aux enfers, generalement

dans es offices de la semaine sainte ou du temps de Paques , ce

qu'il illustre par quelques citations de textes liturgiques dont Ie

contenu rappelle tout a fait certains aspectsde nos homelies et

poemes.

L' Evangile de Nicodeme etait connu en Angleterre, mais pro-

bablementplus tardivement. Une traduction anglaiseen a ete faite

au XIe siecle, dont il existe trois manuscrits Cambridge Univer-

41. D.N. DUMVIUE, « op.cit. », The Journal of Theological Studies 23 (1972).

42. D.N. DUMVILLE, « op.cit. », The Journal of Theological Studies 23

(1972) p. 379-380.

43. R. WEBER, Le Psautier Romain, Rome, 1953.

44. R. Weber, op.cit, Rome, 1953.

45. Publie par H. SWEET,The Oldest English Texts, Londres, 1885, sous Ie

titre « The Vespasian Psalter », p. 182-420. Ce meme Psautier glose a ete

recopie au XIe siecle dans un manuscrit de I' University Library de Cam-

bridge, ff 1-23, et pub ie par K. WILDHAGEN,Der Cambridge Psalter, Ham-

bourg, 1910.

46. F. CABRaL, « Le 'Book of Ceme' -Les liturgies celtiques et gallicanes

et la liturgie romaine », Revue des questions historiques 37 (1904), p. 210-

222.

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117

EUX HOMELIES DE PAQUES

Jesus.Une autre particularite est au 3eme our, ou Ie nord et l'est

de la terre separlent et au 4eme our, ou les etoiles vont a contre-

sens 53.

La particularite du 6eme jour est I'arrivee de I' Antechrist a la

tete d'une armee de diables et celIe de saint Michel avec sonarmee

d'anges et la grande bataille qui se ermine par la victoire de saint

Michel. Cela correspond aux autres versions, sauf e fait que dans

celles-ci ni I' Antechrist ni saint Michel ne sont mentionnes.Notre

homelie est a seule a specifier que Ie demier signe avant-coureur

est a venue de I' Antechrist. On retrouve cela plus explicitement

dans une autre homelie Blickling (Blickling XI), oil I'on dit:

 (Le Jour dujugement) n'est pas oin, car tous leg signesavant-

coureurs clout parlait notre Seigneur se gout produits, a l'excep-

tion du demier, l' Antechrist, qui n'est pas encore venu sur terre.

Mais Ie moment n'est plus tIes loin 011 ela se produira, parce que

celie terre est destinee a prendre fin dans notre ere, car cinq des

signesavant-coureurs se gout produits deja dans notre ere Vne

grande partie de celie ere est deja revolue, c'est-a-dire dix des971

,

annees...

Dans Blickling VII, Ie 7eme jour est marque par la defaite de

l' Antechrist et c'est Ie Jour du jugement. Cette defaite complete

la victoire du Christ sur Satanau coursde sa descenteaux enfers.54

Le 7eme our est e Jour du jugement avec a sonneriedes rom-

pettes et la resurrection de tOllS es corps, avec a precision que les

corps ressuscitentquelle qu'ait ete la maniere doni ils ont perdu

la vie; nousrencontrons cette precision dansd'autres homelies sur

53. Si c'est bien la Ie sens du texte; cf note dans a traduction.

54. En ce qui concerne a defaite de I' Antechrist, il y a deux traditions:

selon 'une, c'est e Christ lui-meme qui intervient, dans 'autre, c'est saint

Michel. Bede, par exemple, dit dans son De ratione temporum : per-

cusso autem llo perditionis filio ab pso domine sive Michaelo archange-

10 (cite selon W. BOUSSET, er Antechrist in der Ueberlieferung des

Judentums,desneuen Testamentes nd der alten Kirche, Gl)ttingen, 1885,

p. 152). Cette reference ai' Antechrist estpuisee dans a legendede I' An-

techrist, qui sera exploitee au debut du XIe siecle par Wulfstan, qui y

consacreplusieurs homelies (cf. A. NAPIER,Wulfstan,Berlin, 1883),avec

comme source probable Ie Libellum de Antichristo de l'abbe Adso de

Montier-en-Der (Entre autres : R. KONRAD,De artu et tempore Anti-

christi, Munchener Historische StudieD,Abt. Mittelalterliche Geschich-

te, vol. I, 1964).

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118 R. FAERBER

Ie Jugement, comme par exemple dans Vercelli II et dansune des

home ies attribuees a Wulfstan, dans pratiquement les memes

termes: ...ce jour, les trompettes sonneront aux quatre coins de

la terre et alors tOllS es hommes ressusciterontde la mort, que la

terre les ail engloutis, ou que Ie feu les ail consumesou que la mer

les ail noyes ou que les animauxsauvageses aient devoTes u que

les oiseaux les aient emportes, tOllSressusciteront ce jour-la...

(Vercelli 11)55. ette idee se trouve egalement dans une homelie

attribuee a saint Ephrem, oil il est dit que les morts ressusciteront

ala sonnerie des rompettes, ceux que la mer a engloutis, que les

animaux sauvagesont devoTes, ue les oiseaux ont dechires,que

Ie feu a consumes, OllSseront ressusciteset viendront se presen-

ter devant Ie juge 56.

Le Jugement ui-meme n'est pas decrit comme dans es autres

home ies fondees sur l' Apocalypse de Thomas ou comme dans

l'homelie CCC 41 (cf. plus loin). Ce qui est souligne, c'est qu'en

ce our de ugement, la repentanceviendra trop lard, que c'est des

maintenant qu'il taut se convertir et mener une vie droite, si l'on

veut etre de ceux qui seront a la droite du Seigneur: Ie predica-

leur reprend ici ce qu'il a deja dit au debut de son sermon et en

conclusion du fecit de la descenteaux enters. Ces trois passages

d'admonition, comme Ie souligne Campbell nouent ensemble es

differentes sources et ils sont formules dans un langage si proche

de celui que l'on trouve dans de nombreusesautres homelies de

Blickling que Ie tout semble former une unite soudee caracteris-

tique de cet homeliaste 57.

L'homelie CCC 41 (CCC 303)

Cette homelie n'est incorporee dans aucune anthologie de ser-

mons; elle est solee, copiee dans les marges du manuscrit avec

d'autres textes. Celui qui Ie precede est une desversionsde l' Apo-

calypse de Thomas 58.Mais il n'y a aucun lien textuel entre les

deux; de meme la langue et Ie style different considerablement.

55. M. FORSTER,er Vercelli Codex CXVII, Halle, 1913.

56. Cf. CSCO,vol. 139, Sermo I, p.13, lignes 510-514.

57. ... splice the various sources ogether (and are) worded in language

so closely o that found in many other Blickling homilies that the whole

seems welded into a unity particularly characteristic of this homilist

J. J. CAMPBELL, op. cit. », Viator (Medieval and RenaissanceStudies)13

(1982),p. 138.

58. Cf. R. FAERBER, op.cit. », Apocryphe 4 (1993).

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119EUX HOME-LIES DE PAQUES

C'est un texte mediocre a tout point de vue -langue, style, com-

position -au point que Campbell59en dit : ...etant donne la mau-

vaisequalite de cette homelie, je ne pense pas que l'on se donne-

ra la peine d'en rechercher es sources . C'est un texte copie d'une

source elle-meme defectueuse sans efforts de la part du copiste

pour l'harmoniser. Le scribe de CCC 303 a fait cet effort en partie

et a adapte a langue a son propre dialecte. L'un et l'autre contien-

nent des traits de langue qui permettent de deduire que l'original

premier appartient probablement a l'aire dialectale du mercien du

IXe siecle. Et l'on peut supposerqu'il est de la meme origine gene-

Taleque Blickling VII.

Du point de vue de sa structure, c'est, comme Blickling, une

homelie ou plutot un sermon composite, puisant dans des sources

diverses; a cinq reprises il est fait reference a 'un (des) livre(s)',

mais ce sont en partie probablementdescitations de memoire, sur-

tout dans a section sur la Descente aux enfers. C'est un sermon

pour Paquescomme Blickling et, comme dansBlickling, il y a deux

parties, un recit de la Descente aux enfers et un recit des temps

derniers et du Jugement dernier.

La Descenteauxenfers

Elle comporte trois parties: l'arrivee du Christ dans es enters

avec un premier discoursdes diables effrayes, sonentree dans 'en-

fer avec la supplication d' Adam et un deuxieme discours des

diables effrayes, la supplication de la foule des ames ustes, la

defaite de Satan et la delivrance des ustes.

Notons quelques particularites : les deux discours des diables

sont introduits par exactement la meme phrase: hi wreron ffa

sprecende, fa helwara, him betweonum and hi cwredon. Le pre-

mier discours est une serle de questions ndirectes ntroduites par:

 taliaffwe... (dans CCC 303: welle we... ): 'DOllSDOllS eman-

dons... 60. e deuxieme estune serle de phrasesexclamatives ntro-

duites par l'adverbe exclamatif: hwret . Par contre, les ames

justes n'ont droit qu'a deux phrases, 'une dans a bouche d' Adam

qui s'exclame avec exactement a meme structure de phrase que

les diables: taliaff we... , l'autre la supplication au Seigneur de

les delivrer.

59. J.J. CAMPBELL,« p.cit. », Viator (Medieval and RenaissanceStudies)

13 (1982),p. 142.

60.Cf. note dans la traduction.

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120

R. FAERBER

Les deux discours des diables contiennent des phrases qui pro-

viennent du discoursdes diables dans e sermonDe Paschale ttri-

hue a Cesaire d' ArIes61,qui a aussiete utilise pour Ie Sermon 160

dans Migne (c' est Ia partie mise entre crochets avec comme titre:

 Voces tartari ad adventum Christi ).

Dans Ie premier discours

-Ubinam putatis janitores nostri dormierunt cum ste bellator

claustra nostra vexebat?

Taliga~ we hwa?lJere ssegeatweardasslapen Oa Jesyhtling

in to us eode?

(Est-ce que nos gardiens dormaient lorsque ce guerrier est

venu chez DOUg)

-Nunquidam iste cum auctore nostro composuit aut forte ipsum

agressusvicit et sic nostra regna transivit ?

O~lJe taliga~ we hwa?lJer e ha?bbehis ware gesttewi~ usne

ordfruma? O~lJehe hine ofslegeneand ~urh lJethe into us

eode?

(Ou bien aurait-il fait un pacte contre notre chef? ou bien 'au-

rait-il tue et ainsi pu penetrer chez nous?)

Dans Ie deuxieme discours

-Male turbati sumus.

Yfele we sindon her in gebegane

(On DOllS eut du mal)

-Nullus huc vivus intravit

nfRnig ifigende into us eode

(personne (n'a eu l'audace) de penetrer chez no us vivant)

On peut egalement Doter l'allusion a un vrai combat entre Ie

Christ et Satan, se terminant par la defaite de celui-ci et son

enchainement.

Le Jugement emier

Les temps demiers et Ie Jugement soot rattaches a. 'evenement

de Paques par la me-me dee que dans Blickling VII, c'est-a.-dire

que Ie Jugementdecoule de cet evenement,que ce qui s'estpasse

lors de la Descente aux enters est pour ainsi dire Ie prelude du

Jugement.

61. PL. 67. col. 1041-1043.

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DEUX HOMELIES DE PAQUES

121

II Y a deux parties: les signesavant-coureurs et Ie jour du Juge-

ment lui-meme.

Les signes avant-coureurs sont une liste de phenomenes clas-

siques,mais sans 'ordre chronologique des septjours de l'Apoca-

lypsede Thomas.On peut en relever certaines caracteristiques. I

y a l'insistance sur Ie role du feu: Ie feu estd'une part Ie feu devo-

rant de la fin du monde, l'incendie universel -comme dans Ie

Christ III de Cynewulf; d'autre part il est Ie feu purificateur bru-

lant devant Ie trone de Dieu, qui rend les etres humains d'autant

plus pUTS evant Ie regard du Christ . Cette idee se trouve dans

d'autres homelies sur e ugement, comrne par exempledansBlick-

ling 1162: ...alors les marts se leveront et leur enveloppe corpo-

relle sera aussi ransparente que du verre et lien de ce qui est mal

en elle ne pourra plus etre cache. Ou bien dans une des homelies

de Wulfstan63 ...toute la terre brulera ce jour-lit et taus les etres

humains ressusciteront de la mort et traverseront ce feu veTSe

jugement et celui qui passera a travers es flamrnessansetre brUle

sera purifie de tout peche.

L'idee de l'incendie universel et du feu purificateur devant Ie

traDe du jugement est un theme traditionnel dans la litterature

apocalyptique, bien que ne figurant pas dans l'Apocalypse de

Jean64.

L'autre particularite est l'effet de la sonnerie des trompettes:

rendre laterre aussineuve que Ie jour ou Dieu l'a creee en effa-

~ant outes les differences entre les creatures et la matiere (1. 60-

63)65.Cette idee ne se trouve dans aucune des homelies sur Ie

Jugement du moins dans Ie corpus anglais. On pourrait peut-etre

la mettre en rapport avec 'autre idee qu'aumoment dujugement

la terre redevient plate66. Vne idee semblable se trouve, par

exemple, dans a meme homelie sur Ie Jugementdemier attribuee

a saint Ephrem: De meme que Ie createur a cree (les enfants

d' Adam) egaux l'un a l'autre, illes reveillera egaux. II n'y aura

personne qui sera plus grand physiquement ou plus petit... 67.

62. R. MORRIS, p.cit., Londres, 1874-1880, .110-111.

63,A. NAPIER, p. cit., Berlin, 1883,Homelie n° 3 p. 25.

64. Sur cette tradition voir: W. BOUSSET,p.cit., Gottingen, 1885,p. 159s.

65. Si c'est bien la Ie sensde la phrase: cf. note dans a traduction.

66, TH. HILL, «The Old World, the Levelling of the Earth, and the Bur-

ning of the Sea », Notes and Queries 19 (1972), p. 323-325.G. D. CAIE,

The Judgment Day Theme in Old English Poetry, Copenhague, 1976.

67. Cf. CSCO,vol. 139,p. 15.

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122

R.FAERBER

Le jour du Jugement sera terrible: il est decrit par une liste

d'expressionsredondantes, comme dans d'autres homelies, dont

la source est peut-etre Sophonie 1,15-16: Jour de fureur que ce

jour, jour de detresse et d'angoisse, our de desastreet de desola-

tion, jour de tenebres et d'obscurite, jour de nuee et de sombres

nuages, our de sonneriesde cor et de cris de guerre...

CCC 303 a simplifie cette partie: il n'y a pas celie Iiste, une

exhortation Ia remplace Comprenez bien, chers reres, que des

choses erribles vous assaiIIeront et vous menaceront Ie jour oil

noire Seigneur viendra pour juger tous ceux qui ont ete crees

depuis Ie premier homme Adam jusqu'a aujourd'hui: tous vien-

dront pour etre juges...

Le Jugement comprend cinq etapes:

-la separation des boos et des mechants (selon Matthieu 25),

-Ie discours de Jesusaux mechants a sa gauche,

-les intercessionsde Marie, Michel et Pierre,

-Ie diable enmenant es damnes en enter accompagnede Pier-

re avec a cle

-Ie discours de Jesusaux boos et leur montee au ciel.

Le discours de Jesus aux mechants est une traduction presque

litterale du Ego te homo du sermon 57 de Cesaire d' Arles68.

Quant aux intercessions de Marie, Michel et Pierre et la cle de

Pierre, ces elements se retrouvent presque identiques dans I'ho-

melie Vercelli VII, la version anglaise de I' Apocalypse de Tho-

mas69.

CCC 303 ne contient pas es intercessions: il se pent que selon

S. Cutforth 7°,cette omission reflects scribal ntention designed o

remove a passagewhich was theologically problematic... (reflete

l'intention du scribe d'omettre un passage heologiquement dou-

teux...); en effet lElfric avait condamne cette croyance comme

heretique, et Ie scribe en copiant 'homelie s'estconforme a lElfric.

68 M.J. DELAGE,Cesaired'Arles. Sermonau peuple, Paris, 1986,p. 25 et

suivantes (SC 330).

69. Ct. R. FAERBER,op.cit. »,Apocryphe 4 (1993).

70. S. CUTFORTH,Delivering the damned in Old English Homilies -An

additional note », Notes and Queries238 (1993),p. 435-437 S. Cuttorth

sepropose de taire des recherchessur es deux extes de CCC 41 et CCC

303 dans Ie cadre d'une dissertation). Ct. aussiR. FAERBER, op.cit. »,

Apocryphe 4 (1993).

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DEUX HOME-LIES DE PAQUES

II est interessantde noter que dans Christ et Satan nous trou-

vans la meme sequenced'evenements pour Ie jourdu Jugement:

la sonneriedes rompettes; la reunion du corps et de l'ame; la croix

couvertede sanget es blessuresdu Christ; Ie feu qui consume 'uni-

vers; Ie feu qui revele et brule les peches; et surtout Ie discours de

Jesusaux pecheurs,selonCesaired' ArIes, developpe en 134vers71.

ANNEXE

Comme la plupart des homelies anglaises,surtout les home ies

dites anonymes, sont des sermons appelant a la repentance, a une

vie vertueuse, soulignant les tourments de l'enfer et les joies du

paradis, et insistant sur a puissance alvifique du Christ. Les motifs

de la Descente aux enters et du Jugement dernier y apparaissent

tout naturellement, mais ne sont pas associesau plan thematique,

comme dans es deux home ies Blickling 7 et CCC 41.

L'une de ceshomelies merite d'etre signalee, car c'est aussiune

homelie de Paques.Elle se rouve dans e mansucrit Corpus Chris-

ti College Cambridge 162,parmi des homelies d' /Elfric. Le manus-

crit est du XIe siecle. L'homelie est unique; il n'y a pas d' autre

copie. Elle a ete publiee une premiere fois par K.G. Schaefer2;un

fragment en a ete publie par R. Willard73.Elle a ete publiee une

seconde ois avec un commentaire par Clare A. Lees74.

C'est une homelie tres composite sansveritable structure the-

matique, alignant des motifs plus ou mains disparates,puisesdans

la Bible, dans des ecrits apocryphes et probablement dans la

memo re collective. Lees en analyse les themes: Ie paradis ter-

restre, les maux du 6eme our, les joies du dimanche, la descente

aux enfers, Ie jugement dernier, un choix anarchique et naIf

d'elements... une massed'informations concernant Paques sans

vrai messagepour les auditeurs 75.

71. A.S. COOK,The Christ of Cynewulf, Boston, 1909.

72. K.G. SCHAEFER,n edition of Five Old English Homilies for Palm

Sunday,Holy Saturdayand Easter Sunday,Columbia, 1972 Ph. D. Diss.).

73. R. WILLARD,Apocrypha in Old English Homilies,' the Apocrypha of

the SevenHeavens,Leipzig, 1935.

74. C. A. LEES, op. cit. », Traditio 42 (1986),p. 115-142.

75. An undiscriminate and unsophisticatedselection of material... a mass

of information loosely based on Easter without any clear message or the

audience . C.A. LEES, op.cit. », Traditio 42 (1986),p. 142.

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124

R.FAERBER

La Descente aux enters contient les motifs traditionnels : les

partes de l'enfer fracassees, 'irruption de la lumiere eblouissan-

te, l'enchainement du diable, des discours. Mais il y a deux ele-

ments originaux : Ie diable est appele Leviathan et il est fait men-

tion du sort de Judas: Et ce our-la, Ie jour d'aujourd'hui, Ie Christ

alIa aux enters et brisa et abattit les partes de fer et enchaina

Leviathan, Ie prince des diables, et precipita Judas dans es pro-

fondes tenebres. Et puis il prit Adam et Eve et les emmena avec

leurs enfants et leurs descendants. Comme pour Blickling VlIet

CCC 41, a sourcedirecte de tout cela n'est pas ' Evangile deNico-

deme.

Quant au Jugementdemier, il a lieu, comme dans Blickling VII,

un dimanche de Paques: ... de me-mequ'aujourd'hui il est res-

suscite des marts, de me-me l viendra ce me-me our de Paques...

et ce our-Iii. ressusciteront aus les marts et ils se tiendront devant

Ie siege du Christ confessant eurs peches...

Et comme signale plus haut, au jour du Jugementse presente-

ront devant Ie Seigneur a race des habitants de l'enfer, celIe des

habitants de la terre et celIe des habitants des cieux .

SelonLees, l'isotopie thematique semble ndiquer que la com-

pilation a ete faite par un auteur parfaitement au courant des

themes et des motifs propres a l'homelie anonyme 76.C'est a dire

qu'il s'est constitue une sorte de tradition apocryphique home-

litique concernant entre autres a Descente aux enters et Ie Juge-

ment dernier, fondee sur la Bible et sur des textes plus ou moins

orthodoxes et legendaires retravailles par l'imagination des

auteurs.

CONCLUSION

Les home ies que DOUg vons presentees et commentees ainsi

que leg poemes qui en partagent la thematique sont fortement

marques par la dimensionparenetique, par l'exhortation a la peni-

tence et a une vie vertueuse, ondee sur 'histoire du salut avecses

deux poles fondamentaux, la liberation des ustes au cours de la

Descente du Christ aux enters et Ie Jugementdernier. Plus gene-

76. The range of thematic echo suggests hat the compilation is by a wri-

ter thoroughly aware of the themesand motifs common o the anonymous

homily (cf. C.A. LEES,«op. cit. », Traditio 42 (1986),p.l40).

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125

EUX ROMP-LIES DE PAQUES

ralement on peut dire, au plan dogmatique, que ce qui domine (et

c'est Ie cas pour bon nombre d'homelies anonymes, en particu-

lier celles de Blickling), c'est a dimensioneschatologique: e salut

que Ie Christ apporte n'est complet qu'avec a consommation ina-

le.

Certes, cela laisseouverts et sans eponse de grandsproblemes,

comme par exemple l'etat des amesentre la mort et Ie jugement,

ou bien Ie critere de saintete pour ceux que Ie Christ a liberes de

l'enfer au moment de sa Descente et menes au ciel. Mais, comrne

Ie souligne McC Gatch, cesproblemes ... ne sontpas au centre de

la conception du salut... Car c'est a qualite de la vie dans 'ordre

present qui range la personne parmi celles qui suivent Ie uge qui

delivre de l'esclavage du diable, et qui lui donnera accesa l'ordre

divin plus tard. Le probleme concernant la nature de ce qui se

passeentre la mort et Ie jugement, n'exige donc pas une investi-

gation theologique urgente 77.

11est d'ailleurs probable que cette perspective soit liee a la vie

liturgique. En particulier en ce qui conceme a tradition de la Des-

cente aux enters, comme Ie note Femand Cabrol (ct. plus haut)78.

11est aussi nteressantde noter que l'association du theme de la

Descente et de celui du Jugementse retrouve dans l'art religieux.

Etje cite Graham Caie79, ui se retere aD. Milosevic: De meme

que la Descente aux enters est l'image centrale dans l'homelie

eschatologique de Paques dans Blickling, de meme la Descente

est a scenecentrale dans a mosalque de Torello sur Ie Jugement

dernier. L'oeuvre est en grande partie inspiree par Ephrem, Ie

Syrien, et la juxtaposition des deux scenes ignifie que, tout comme

Ie Christ est descendupour liberer tons les tideles, il redescendra

pour ranimer les benis. Dans les deux scenes, l est un heros

conquerant, arme de la croix en guise d'epee, sauvant 'homme

des mains de l'ennemi, et, comme la Descente est placee au-des-

77. periphical to the view of salvation... For it is the quality of one's

life in the present order which associatesone with the followers of the

judge who has procured his release from the bondage of the devil and

which will procure his admissionby the judge to the divine order in the

future. The question of the nature of individual experiencebetween death

and judgement, herefore, s not really a pressingone for theological nves-

tigation (cf. M McC GATCH,«op. cit. », Traditio 21 (1965),p.131).

78. F. CABRaL, «op. cit. », Revue des questions historiques 37 (1904),

p.210-222.

79. G. D. CAIE,op. cit., Copenhague,1976.

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R. FAERBER

du Jugement.fuge so.

mage du Sauveur prend Ie pas sur celIe du

Nous avons mentionne it plusieurs reprises Saint Ephrem, Ie

Syrien, chez lequel on trouve des themes sembIabIes t tel ou tel

element hematique de nos homelies.Certes, t lire sesmemre apo-

calyptiques, on y touve la meme nsistanceque dans es homelies

apocalyptiques anglaisesanonymes sur les horreurs de la fin des

temps et du jugement, ainsi que sur la penitence et la vie droite

qu'il faut mener taut qu'il estencore emps.Mais il serait aux d'en

conclure qu'Ephrem pourrait etre une source pour nos homelies.

Ephrem n'etait guere connu dans I' Angleterre de l'epoque qui

nous conceme, du moins selonOgilvy81. I estvrai que M. Schmidt

affirme que presque toutes les bibliotheques de l'Europe , tous

les monasteresen talie, Allemagne, France, rlande, Angieterre,

Espagne,possedaientun corpus latinum de saint Ephrem depuis

Ie VIIIe siecle 82.Le seul texte dont il existe une copie dans un

manuscrit conserve en Angleterre est e De compunctione cordis,

Lambeth Palace204.

Les sourcesdirectes de nos textes ont probalement ete compo-

seesen Angleterre ou eventuellement en rlande par compilation

de sermons de la tradition gallicane qui dominait l'Europe occi-

dentale jusqu'a la reforme carolingienne... et qui ne faisait pas la

distinction entre ecrits canoniques et ecrits apocryphes et parfois

preferait ces derniers parce que leur contenu etait plus proche des

representations que l'on se fl1isait et en appelaient plus a la fan-

taisie 83,

so. Just as the Descent into Hell is the central image in the eschatologi-

cal Blickling Homily on Easter, so the Descent is the central scene in the

Torello mosaic on the Last Judgement. The work is largely inspired.. by

Ephraem of Syria, and the juxtaposition of the scenes implies that, just as

Christ descended to free all the faithful, so he will descend again to resur-

rect the blessed. In both scenes, he is a conquering hero, armed with the

cross as a sword, saving man from the ennemy and, as the Descent is pla-

ced above the judgement, the image of Saviour takes supremacy over the

Judge . Cf. D. MILOSEVIC, The Last Judgement, Pictorial Library of Eas-

tern Church Art, Recklinghausen, 1964.

8L Cf. J.D. A. OGILVY, Books known to the English 597 -1066, Cambridge

/MA.1967.

82. M. SCHMIDT «Influence de Saint Ephrem sur la litterature », Parole

d'Orient 4 (1973), p. 325 ; « Irdisches und Himmlisches Gericht », III. Sym-

posium Syriacum, 1980, Rome, 1983, p. 287s.

83. H. L.C. TRISTRAM,Vier altenglische Predigten aus der heterodoxen Tra-

dition, Inaugural Dissertation zur Erlangung der Doktorwtirde der Albert-

Ludwigs-Universitat zu Freiburg im Bresgau, 1970, p. 6.

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Martin McNAMARA

Milltown Institute, Dublin

MIDRASH, APOCRYPHA, CULTURE

MEDIUM AND DEVELOPMENT OF

DOCTRINE

SOME FACfS IN QUEST OF A TERMINOLOGY

Le Midrash, traditionnellement, a ere considere comme un genre litte-

raire juif et rabbinique. Plus recemment, sa presence a ere reperee deja dans

la Bible hebraique et maintenant aussi dans le Nouveau Testament. Les

recents debars autour de la nature du Midrash sont examines ici dans le

contexte plus large de ['interpretation de la Bible par la Bible et sur [' arriere-

fond du processus canonique. Quelques-unes des caracteristiques et des

techniques midrashiques sont presentees et analysees aussi comme faisant

partie de la litterature apocryphe chretienne, et de la litterature exegetique

patristique. Dans ce cadre, on traitera aussi de la reflexion sur ['au-dela se

trouvant dans la litterature apocryphe et theologique irlandaise.

Midrash has been traditionally regardedas somethingspecifically Jew-

ish and rabbinic, but later as a reality ound already in the Hebrew Scrip-

tures and present also in New Testamentwritings. In this essay he more

recent debates egarding he nature of midrash are examined n the arger

contextof inner-biblical exegesis nd against he background of canonical

process.Somemidrash-type eaturesor techniques re examinedand these

are seen o be found also in apocryhal and traditional Christian commen-

tary iterature. In the light of this there s a consideration of the reflection

on the afterlife in Irish apocrypha and Irish theological treatises.

Some years ago after reflection on the matter I wrote an essay

under the title "Midrash, Culture Medium and Development of

Doctrine. Some Facts n Quest of a Terminology" . In that essay

1. Published in Proceedingsof the Irish Biblical Association 11 (1987

published 1988),p. 67-87.

Apocrypha 6, 1995,p. 127-164

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128

M. McNAMARA

noted that a certain amount of what I had observed concerning

midrash would hold good as well with regard to some at least of

the apocryphal literature and to the mentality that produced it.

What I intend to do here is to go over some of what I have said

concerning midrash and develop the principles involved with

regard to the apocrypha.

We can begin with a rapid glance on some writings on midrash

over the past six decades.

1. Traditionalunderstanding f midrash

Traditionally the term midrash was associatedwith Rabbinic

Judaism and with it alone, and this even when authors were not

quite at one in the definition or description of midrash. After all,

the term for one thing describedone of the major divisions of rab-

binic literature. The word has been so defined in dictionaries of

the English language.Thus in The Shorter Oxford Dictionary on

Historical Principles2we are told that it comes from the Hebrew,

and means commentary (with reference to its use in the 1613

Revised Version of 2 Chron. 24 27). The dictionary defines it as

an ancient Jewishhomiletic commentary on some portion of the

Hebrew Scriptures, in which allegory and legendary illustration

was freely used.Hence Midrashic . The StandardDictionary of the

English Language. nternational Edition of the EncyclopaediaBri-

tannica (1954)defines the word as: Jewish exegetical reatise on

the Old Testament,dating from the 4th to the 12thCentury,specif-

ically the Haggadah , noting that it derives from the Hebrew, with

meaning explanation .

Essayson midrash in earlier times made the samepoint. In his

entry on the word in 1908 in L. Vigouroux's Dictionnaire de la

Bible H. Lesetre defines he term (which under German nfluence

he writes as midrasch ) as commentaire rabbinique du texte de

la Sainte Ecriture 3, and goeson to say hat this commentarywhich

is both on the legal and the historical and moral parts of the sacred

books has as purpose to study the text not merely in itself but also

2. Oxford University Press,1944; revised with addenda, 1953.Likewise

Chambers20th CenturyDictionary. New edition. Edinburgh 1983, . 796

Midrash. The Hebrew exposition of the Old Testament -in two divi-

sions,Haggada and Halachah .

3. LEsETRE. 908.col. 1077.

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129

ID RASH, APOCRYPHA

with the help of comparisonswith other passages, f various com-

binations and of allegorical explanations. t never occurred to him

that midrash could be anything other than rabbinic.

Jewish scholars, more familiar with the rabbinic sources,have

been more nuanced in their definitions and descriptions, but nat-

urally take midrash as something abbinic. In his Dictionary of the

Targumim, he Talmud Babli and Yerushalmi,and the Midrashic

Literature4 Marcus Jastrow explains the Hebrew and Aramaic

word as textual interpretation, study , but especially,with capi-

tal M. homiletic book . Similarly J. Levy in his dictionaries of Tal-

mudic Literature and of the Targumim5. n 1934 he Jewishschol-

ar Umberto Cassuto wrote an essay on Midrash for the

Enciclopedia Italiana. In this contribution he notes that the term

has as meanings: 1) the exegeticalexamination of the sacred exts

which was carried out by the Hebrew teachers rom the talmudic

period (indicated as the last centuries before Christ and the first

five centuries after Christ) and by the teacherswho continued their

work; 2) the results of this examination. Cassutorecalls that the

term bet ha-midrash, house of the midrash , is found in Ecclesi-

asticus51 :23 to designate the school where the sacred texts are

studied, although it is not easy o determine what kind of study s

intended in the passage. n the specific sensesisted by him, Cas-

suto notes that the term is very frequent in the rabbinic literature,

which in itself, in fact, is in good part midrash. He further notes

that this research,close examination, in the matter of the biblical

texts became particularly intense and active in the circles of Phar-

isaic Judaism, and then in those of rabbinic Judaism which con-

tinued Pharisaism, n so far as hese circles, animated by the most

passionate ove and deep veneration for the Bible, tended to make

the Bible the fundamental norm of all forms of the life of Jewish

societyand of the individual Jew and saw n it the exclusivesource

of all wisdom. He continues as ollows6

This gave rise to assiduous and zealous, loving reverent,

detailed and subtle study of the biblical text, a study which

tended to closely examine and precisely determine its mean-

ing, even ts most hidden meaning or that which was believed

to be such, in order to draw from this norms for life and for

teaching on religion and morals. From this also derived the

4. New York and London, 1886-1903;many later editions (with preface

1903).

5. LEVY,1925 (1963),p. 34; 1867-1868 1959),vol. 2, p. 12f.

6. Enciclopedia Italiana, vol. 23, Rome 1934,p. 239.

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M. McNAMARA

 interpretation of the word of scripture, an interpretation

which, quite unconsciously ame o modify its meaning, adapt-

ing it to changed imes and to changed socialand political con-

ditions. Thereby also s explained the intense effort to connect

with the Bible, through a more or less artificial exegesis, he

traditional juridical and religious customs, and the new insti-

tutions or the new norms of law and of religious ife which were

coming nto being within Judaism or which were penetrating it

from without -all this in order to give them that official con-

secration which alone could derive from the connection with

revealed law, he one sourceof (human) aw. From this besides

is explained the analogous ntense activity to connect n a sim-

ilar fashion with the text of the Bible ancient traditions, his-

torical or legendary, relating to biblical personagesand to the

events of biblical history; likewise the traditional or newly

formed teachings n matters of religious beliefs and moral oblig-

ations, of the national and human awareness,of the religious

expectation concerning the future of Israel and of humanity.

All this was midrash. And just as midrash was the complex of

all this exegetical activity on the texts of the Bible, so also the

teaching of this midrash, and the individual norm or the indi-

vidual point of teaching resulting from this exegesis was

midrash (in this senses with the plural form midrashot).

Midrash halakah or halakic midrashwas that with juridical con-

tent; midrash haggadahor haggadicmidrash hat of non-juridi-

cal content. And the expression bet ha-midrash, house of

midrash (plural butte midrashot) becomes the customary

denomination for the Pharisaic and rabbinical schools.

2. Newerviewpoints

i. ReneeBloch. In the Supplement o Dictionnaire de la Bible,

vol. 5 (1957)7, there appeared posthumously an essay on

 Midrash by Renee Bloch. (She herself had perished on her way

to Israel in a plane shot down over Bulgaria in July 1955). It was

a study that was to prove extremely influential in the modem his-

tory of midrash. In this essayBloch studies the meaning of the

term, the characteristics of rabbinic midrash, the biblical origins

of midrash (with examples taken from the Bible), midrash in the

biblical milieu. This essayof Bloch was he culmination of a num-

ber of studies by her on the subject. She recognised he need for

7. BLOCH,1957,col.1263-1280;English translation p. 29-50.

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MIDRASH, APOCRYPHA

an exact definition of midrash, sinceshe realised that the term had

taken on the pejorative meaning of fable, legendary tale, a fact

which in her view was keeping scholars away from studying

midrash in its relation to Scripture, and from examining ts scrip-

tural origins. In the essay eferred to she examines he meaning of

the terms midrash and related words in the Bible and in rabbinic

literature. In the latter, she notes, the term midrash has taken on

a technical meaning, and alwaysused n relation to Scripture, in

the senseof to seek, o bring oneself o understand he sense, he

content, of the scriptural text; to explain, to bring out in public,

the senseof the Scripture 8. As the essential haracteristicsof rab-

binic midrashshe nstances he foUowing9 it has ts point of depar-

ture in the Scripture; it is of a homiletic nature; it is an attentive

study of the text, and adaptation to the present; it is of two kinds

-haggadah and halakah. She writes1O

This intense activity of the practical study and interpreta-

tion of the Torah, carried out over severalcenturies,gave birth

to a collection of explanations and commentaries, which after

they had first been ransmitted orally from generation o gen-

eration by the teachers,came finally to be edited and to form

a corpus of halakic commentaries -the tannaitic midrashim

-which contain very old materials and which have in good

part retained the simple interpretative methods of the ancient

teachers, limiting itself to a very literal interpretation of the

biblical text.

The haggadah,she continues, has given birth to an mmense it-

erature which comprises homilies and continuous commentaries

on biblical books. It makes ts appearance irst as a form of popu-

lar instruction where the biblical text occasionally serves as a

spring-board o raise oneself o meditation of the divine mysteries.

In her section on the biblical origins of midrashll Bloch consid-

ers the historical background of the birth of the midrashic process

-during the exile (Ezekiel, Isa 40-55), he Persianperiod (the for-

mation of the Canon and the consequences f this for midrash, he

role of the Torah in life and cult). She begins the section on the

evolution of the literary genres by recalling that the origin of the

midrashic genre in inseparable from the formation and the life of

the sacred books. The first developments of midrash are to be

8. BLOCH,1957,col. 1265; trans.p. 31

9. ibid., col. 1265-67; rans. 31-34.

10. ibid., col. 1267; trans. 33-34.

11. ibid.. col. 1267-1276: rans. 34-44.

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132

M. McNAMARA

sought within the Bible itself and in the literature attached o it -

the versions, apocrypha. The later literature of purely midrashic

character will remain in continuity with the Bible and the rabbinic

literature. Bloch devotes attention to the anthological process

or style, which A. Robert had identified in certain books such as

Proverbs 1-9, n which words or formulas of earlier books of Scrip-

ture are seenasreemployed n later books, either literally or equiv-

alently. As examples of midrashic processeswithin the Bible she

instances Chronicles, Ezekiel 16, sa 60-62,Prov 1-9, Canticle of

Solomon, Ecclesiasticus 24 and 44 :1-50 24, the Wisdom of

Solomon, Ps 132 (which she regards as apparently a midrashic

reflection on the oracle of Nathan), Ps 88 and some further exam-

ples of a minor nature. She goes on the consider midrash in later,

non-biblical, writings: the apocryphal literature (midrash and

apocalyptic), the versions of the Bible, the Palestinian Targum,

which in her view cannot be considered a translation but rather

originally a kind of homiletic midrash or simply the outline of a

series of homilies on Scripture, given in the synagogue after the

public reading of the Torah. She ends her inquiry into this history

by a consideration of midrash in the New Testamenp2.Quite nat-

urally, she remarks, the tendencieswhich she has described n cur-

sory fashion are to be found in the New Testament.She adds ur-

ther that the study of the midrashic procedures in the New

Testament which, she sadly emarks,were up to then almostcom-

pletely ignored) would be of the greatest nterest. She ists some

of the New Testament exts which are of interest from this point

of view: the Gospelsof Matthew, Luke (especially he infancy nar-

ratives), but also Paul, Hebrews, the Apocalypse of John. All the

forms of midrash, she concludes,are thus found in the New Tes-

tament : the close examination of a biblical personage,of an event

or a group of scriptural texts, the midrashic development with a

given text (sometimes composite) as its point of departure, the

midrashic actualisation of ancient texts so as o apply them to the

present (Matthew, Acts 1 :15-22,etc.), the homiletic midrash, even

the halakic midrash (see Mat 5 :32; 19:9 regarding divorce; 1 Cor

9 :8-10 on Deut 25 :4). One could also mention certain non-bibli-

cal midrashic traditions which have entered the New Testament,

and certain loca classicaof the apostolic preaching which equally

belong to the midrashic genre.

12. ibid., 1279-1280; rans. 48-49.

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M. McNAMARA

...rabbinic midrash s a literature concerned with the Bible;

it is a literature about a literature. A midrash is a work that

attempts to make a text of Scripture understandable, useful,

and relevant for a later generation. It is the text of Scripture

which is the point of departure, and it is for the sake of the text

that the midrash exists. The treatment of any given text may

be creative or non-creative, but the literature as a whole is pre-

dominantly creative in its handling of the biblical material. The

interpretation is accomplishedsometimesby rewriting the bib-

lical material, sometimesby commentingupon t. In either case

the midrash may go as far afield as it wishes provided that at

some stage at least there is to be found some connection,

implicit or explicit, between the biblical text and the new

midrashic composition. At times this connection with the text

may be convincing, at times it may be desperate; t is sufficient

merely that a connection be there. Frequently the midrashic

literature is characterisedby a careful analysisof and attention

to the biblical text.

The study goes on to give examplesof pre-rabbinic midrashim,

tending to exclude the Gospel Infancy Narratives from the genre

midrash. The fundamental criterion in regard to both Luke's and

Matthew's accounts n this regard is : do the narratives in question

actualise biblical texts? It is hard to see how Luke's narrative does

while the citations in Mat 1-2 seem o be used not to direct atten-

tion to the OT material so that it might be explained but to explain

the person of Jesus 18.

iii. R. Le De-aut. n a review essayof Wright's work, under the

title A propos d'une definition du midrash , published in 196919,

Roger Le Deaut has made what in fact is a major contribution to

the understanding of midrash, a contribution that was to become

highly influential in later discussionof the subject. Le Deaut cites

the texts of Wright given above, and objects o his practical reduc-

tion of midrash to a literary genre. For Le Deaut midrash s much

more2O

When we try to discoverand to classify he literary genresof

the Bible we use the categories which are attested in a great

number of literatures, especially hose of the West(history, eg-

18. WRIGHT, 1967, p.139-142, at 141.

19. LE DE-AUT, 1969; English translation 1971

20. ibid., p. 400-402; trans. 267-269.

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135

IDRASH, APOCRYPHA

end, parable). But in the caseof midrash one is in the presence

of a Jewish category for which there is no equally compre-

hensive analogy in our Western categories and vocabulary...

It [i.e. midrash] is part of a specific mental constellation in

which it is endowed with an emotional and religious charge

which, we think, obliges us to reserve o it exclusively ts tradi-

tional meaning. But it is a very broad meaning which has been

adopted by the Jewish and christian authors who have dedi-

cated the most important studies to it. Midrash is in effect a

whole world which canbe discoveredonly by accepting ts com-

plexity at the outset. It is pervasive throughout the whole Jew-

ish approach o the Bible, which could in its entirety be called

midrash. Technique and method cannot be separated, even if

they ead to different literary genres.Midrash may be described

but not defined, for it is also a way of thinking and reasoning

which is often disconcerting to us. One may best perceive its

nature, therefore, by listing its characteristics,as Zunz, Bloch,

Seeligman,and others have done. Studies ike Wright's can then

sharpen he literary structuresand their different forms in order

to classify them in precise genres. But reducing midrash itself

to a very definite and limited literary genre would ...be com-

parable to cutting down a forest in order to make a box of

matches.Ancient hermeneutics,and that of the Semites n par-

ticular, is often diametrically opposed to modern scientific

requirements; but in order to understand hem one must adopt

their point of view, and midrash represents a privileged form

of it.

3. Reflectionson newapproaches

One gets the impression, Le Deaut remarks21,hat the primary

aim of Wright's researchwas to furnish christian exegeteswith a

rigorous terminology and that problems raised by the Infancy Nar-

ratives have been at the background of the inquiry. He had not the

intention of studying midrash for its own sake, as otherwise his

study of the rabbinic literature would be quite insufficient. In his

observations on the understanding of the use of the Scripture in

the New Testamentand of what Le Deaut would call Christian

Midrash, and Wright's position on Mat 1-2,Le Deaut speaksof the

 Copernican revolution that has been brought about by the incar-

nation, sinceGod has now spoken o us through his Son (Heb 1 :2).

21. ibid., p. 395; trans. 265.

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M. McNAMARA

He cites C. Perrot's words in his study on Infancy Narratives in the

Haggadah: if the older midrashim always have the Scripture as

the basic point of reference, he first (Christian) oral tradition and

the Gospels effect a complete reversal of the situation. The basic

point of reference is the Christ 22.Christ becomes he key to the

Scriptures.The quest , inquiry (recherche)s henceforthcentered

on him and the Spirit is the tanna and the amora who recalls his

doctrine and reveals ts deepestmeaning.This radicalchange,how-

ever, n Le Deaut's view altered nothing, or next to nothing, of the

methods involved and thus we find Paul in 2 Cor 3 constructing a

Christian midrash after the fashion of a Jewish abbi23.

i. G. Porton. Studies on the nature of midrash and of its pres-

ence in the New Testament continued to appear even in greater

numbers in the quarter century that followed. In an essayon the

subjectpublished in Aufstieg und Niedergangder romischen Welt,

volume 19.1 n 1979,and in a revised form in 198124,he Jewish

scholar Gary Porton begins with the telling sentence: The schol-

arly study of midrash is in its infancy . He notes that although

there have been a number of studies n the last few decadesdeal-

ing with midrash, many have complained about the vague manner

in which the term is defined. At the same imes, he continues,oth-

ers have warned against too narrow a definition which would

exclude material which is probably midrashic. He gives nstances

of the variety of definitions given over the preceding decades.

Among other tendencieshe notes the Jewishscholar's Meir Gert-

ner's distinctiow5 between covert midrash in which neither the

scriptural text nor the midrashic dea, nor the midrashic echnique

is defined or mentioned and covert midrash in which the verse,

idea, and most often the technique are explicitly stated. He also

notes J. Sander'ssimilar opiniow6 arguing that any definition of

midrash which limits its scope o the citation and use of an actual

biblical Passages deficient . It is difficult, he continues27,o bring

these various comments made on midrash into relationship with

one another. Frankel and Brownlee derive their descriptions of

midrash from the content of some midrashic texts. Lieberman,

22. See ibid., p. 407; trans. p. 275; citing C. PERROT,1967.

23. LE DEAUT, 1969, p. 408; trans. 276.

24. G. PORTON,1979 and 1981.

25. PORfON, 1979, p. 110; 1981, p. 60; with reference to M. GERTNER,1962,

268-269.

26. ibid. 1979, p. 110; 1981, p. 60; with reference to J. SANDERS,1972, p.

xiv.

27. PORTON,1981, p. 60-61.

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IDRASH,APOCRYPHA

Childs, Wright, Zunz, Vermes,and Bloch seem o focus their atten-

tion on the process hrough which some midrashic texts were cre-

ated or the function certain midrashic passages layed in the life

of the community. Le Deaut has argued that midrash s an attitude,

and Sandershas written that midrash is a way in which a commu-

nity finds its identity. Gertner, Sandersand Wright have also dis-

cussedmidrash in terms of literary features, that is, how does it

relate literarily to the canonical text and traditions. In brief, these

severalwriters do not seem o me to be describing he samephe-

nomenon in a similar manner . After a little further discussionof

the matter he gives his own definition of midrash as follows28

In brief, I would define midrash as a type of literature, oral

or written, which stands n direct relationship to a fixed, canon-

ical, text, considered to be the authoritative and the revealed

word of God by the midrashist and his audience,and in which

this canonical text is explicitly cited or clearly alluded to.

Before he comes o discuss he different midrashic collections,

as he sees hem, he makes the poinf9 that the Torah was not the

sole source of religious authority before 70 CEo During the

intertestamentalperiod there were two possiblesourcesof author-

ity, two parallel but possibly conflicting paths to God: the priest-

hood/priestly tradition and the Torah. Until the destruction of the

Temple in 70 CE, it is likely that the former were the more impor-

tant. There was some limited midrashic activity among Palestin-

ian Jewsbefore 70. The supposedwork of the scribes, he earliest

parts of the targumim and some early material from Qumran fall

into this category. However, he remarks further, claims that the

Bible as a closed, revealed text was the central force within the

Jewish communities and that this fact necessitated extensive

midrashic activity fail to recognise the importance of the priest-

hood and its traditions or the wide variety of ideas and sourcesof

authority within the Jewishsociety.Those who argue that the reg-

ular readings of the Torah within the synagogueservice gave rise

to the midrash find little evidence upon which to base their theo-

ry. In short, he continues, we have little which suggests hat the

creation of midrashwas of central importance for PalestinianJews

before the first century of our era.

28. ibid., p.. 62.

29. ibid., p. 63-65; 1979,p.114-115.

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M. McNAMARA

On the assumption hat his definition of midrash s accepted,he

states hat post-biblical midrash ncludes more than the rabbinical

collections. There are, he says,at least four classes f Palestinian,

Jewish midrashic activity in the post-biblical period: translation

(with targumim as the example), the rewriting of the biblical text

(the most important examples being the Liber Antiquitatum Bib-

licarum and the [Qumran] GenesisApocryphon), the (Qumran)

pesherand rabbinic midrash3°.

ii. J. Neusner. n his work Midrash in Context. Exegesisnfor-

mative Judaism (1983)31, acob Neusner generally avoids he term

midrash despite the title of his work. He explains why32

Midrash stands for at least hree specific things, as well as a

great many hings in general. It refers, first, to a particular kind

of book, a compilation on biblical exegeses, mplifications, and

compositions, as n GenesisRabbah... It speaks,second, o an

activity of explaining or applying he meaningof a biblical verse

(or group of verses), as in the midrash of this verse is... In

this sense, he Gospel of Matthew is not a midrash but it con-

tains much midrash.

He goes on to note that a word so rich in ambiguities is best

avoided; other words, eachof them standing for some one thing,

will prove more useful. This is still clearer, he continues, when we

realize that the word midrash may stand for yet a third thing:

hermeneuticsof a particular kind. As a mode of interpretation,

people use the word midrash to mean the reading of one thing in

terms of some other. The usage s so general as to defy concrete

application, as in the statement, Life itself is a midrash on the

Torah . That is to say, hings that happenconstitute amplifications

and applications of statements made in Scripture. He then

remarks33

The range of defihitions of the word midrash, of the modes

of exegesisencompassed within that word (as well as those

excluded by it, if there are any), of the sort of books that con-

stitute midrash (and those that do not) -those are so vast as

30. ibid., p. 70.

31. J. NEUSNER,1983. See also M. McNAMARA, in Irish Biblical Studies 9

(1987),146-148.

32. NEUSNER,1983, p. xvi.

33. ibid., p. xvi.

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139

IDRASH,APOCRYPHA

to make the word, by itself, more of a hindrance than a help in

saying what we mean.

He notes Porton's essayon the subject, and cites his definition

of midrash given above, and comments34

That definition encompasses vast range of Judaic and early

Christian literature -as Porton says... "broad enough to

include a large variety of treatments of the canonical exts and

traditions, and yet narrow enough to distinguish this activity

from other literary activities".

Since Neusner finds these statements accurate, he cannot use

the word midrash at all, becausehe addresseshe genre of writing

and thinking known as midrash in only one context, namely that

of Rabbinic Judaism.

Thus has it come about that due to the extended meaning of a

term drawn from Rabbinic Judaism, a leading authority on this

same Judaism inds that he can no longer profitably use t at all in

this samearea

A few years ater Neusner eturns to the same opic with a book-

let entitled What is Midrash ?35He opens the work in the preface

by noting that many people these days refer to "Midrash", but few

tell us what they mean. The reason or prevailing confusion about

Midrash, he continues, s that a common English word "exegesis",

meaning "interpretation and explanation", is replaced by an

uncommon Hebrew word. The result is that people obscure mat-

ters that should be clear. In this book he sets outs three types of

midrash, meaning simply "biblical exegesis by ancient Judaic

authorities". The three types of Midrash-exegesis,deriving from

three distinct Judaisms or Judaic religious systems n Antiquity,

involve the interpretation of Scripture in one of three ways: as (1)

prophecy, characteristic of the Judaism set forth in the Dead Sea

Scrolls as well as of the Judaism aid out by the schoolof Matthew,

the (re )reading of Scripture through (2) systematic paraphrase,

accomplished by the translators of Scripture into Aramaic and

Greek, and the reconsideration of Scripture as (3) parable, nclu-

sive of allegorising tendencies,characteristic of the biblical inter-

pretation of the Judaismof the dual Torah. In his considerationof

34. bid.,p. xvii.

35. NEUSNER,987.

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140

M. McNAMARA

definition, he observes that the word Midrash stands for many

things, but is mainly understood in three ways36.f one says the

Midrash says , his may refer to Midrash as (1) a concreteunit of

scriptural exegesis; 2) a compilation of the results of that process;

(3) a processof interpretation of a particular text (i.e. Midrash-

process: paraphrase,prophecy, parable). It follows, he goes on to

say, hat for clear speech he word Midrash , standing by itself,

bears no meaning. In place of the word Midrash , he prefers to

use the following compound designations: (1) midrash exegesis;

(2) Midrash-compilation of exegeses or compilation of Midra-

shim); (3) Midrash-process or a particular way of reading Scrip-

ture in general or a discrete verse. The best definition of Midrash

known to him derives from Gary G. Porton (part of which I have

cited earlier).

The third part of this work of Neusner,and over half the book-

let, is entitled When Things are not what they seem and is on

what he calls parable or allegory , reading one thing in terms

of another. Here he deals with the treatment of the biblical text in

the great compilations GenesisRabbah,LeviticusRabbah and Sifre

on Numbers. Midrash, as produced by the Judaism of the dual

Torah, appeals o some other set of values or considerations than

those contained within the verse or topic at hand. For this reason

he classifies rabbinic Midrash as allegorical, in the sense hat it

compares something o something else, as does a parable37.Rab-

binic Midrash readsScripture within the principle that things never

are what they seem. What changed he sages'world between he

advent of the Mishnah in 200 and the making of the major

Midrash-compilations at the end of the fourth century was the

challenge of Christianity, specifically three challenges: (1) the

claim that Jesus of Nazareth was the Messiah; (2) the Church's

claim to be the successor f Israel as God's people; (3) the appeal

to Scripture to demonstrate these two propositions38.

In the epilogue Neusner sharessome of his reflections with us :

Midrash shows us how the Judaic sagesmediated between God's

Word and their own world, equally and reciprocally invoking one

as a metaphor for the other. They learned from Scripture about

what it means for humanity to be in our image, after our like-

ness . In the dual Torah of Judaism, but also in the Gospel of the

36. ibid., p.9.

37. ibid., p.44.

38. ibid., p.47-48.

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MIDRASH, APOCRYPHA

incarnate God, Scripture, read in the prism of Midrash, forms a

commentary on everyday ife -as much as everyday ife brings

with it fresh understanding of Scripture. That theological convic-

tion, moreover, frames a theology of culture, one that constantly

refers to Scripture in the interpretation of everyday life, and to

everyday ife in the interpretation of Scripture. Sucha theology of

culture invokes both the eternal and continuing truths of Scripture

and the ephemeral but urgent considerationsof the here and now.

Midrash then forms that bridge, defines that metaphor, holds in

the balance hose wo worlds of the here and now and the always39.

iii. P. S. Alexander. In recent years, other scholars too have

become uneasy with the use of the term, and this for a variety of

reasons.Some have objected to its application to New Testament

literature40. They do not believe that there is midrash in the

Gospels. In 1982 Philip S. Alexander read a paper on Midrash

and the Gospels at the Gospel Conference, Ampleforth, York.

The first part of this conferenceappearedunder he heading Rab-

binic Judaism and the New Testament in 198341. his part was

intended as a preamble to the body of his study and is concerned

to identify and define in a generalway someof the weaknesses till

in evidence in many New Testament scholars' handling of Rab-

binic literature, such as the state of Jewish texts being used, the

understanding of the texts, the problems of dating the texts, the

accuracyof the attributions of sayings o a given rabbi, the mas-

sive and sustainedanachronism on the part of many New Testa-

ment scholars n their use of Rabbinic sources,who time and again

quote texts from the third, fourth or fifth centuries AD, or even

later, to illustrate Jewish teaching in the first century, and finally

parallelomania.

The body of Alexander's paper, entitled Midrash and the

Gospels appeared in 198442. e notes the confusion concerning

the definition and states he principles that, in his view, the cor-

rect procedure in the definition of midrash should be to isolate a

corpus of midrashic texts; to examine these texts in order to dis-

cover their characteristics; and then to consider the question of

whether there are texts outside the corpus which possesshe same

39. bid., p.102.

40. See, for instance, B. CHILTON, 983; also R. T. FRANCE, 983a and

1983b.

41. ALEXANDER, 983.

42. ALEXANDER, 984.

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M. McNAMARA

features . In establishinga corpus of midrash on which to base our

investigations, priority should be given to early Rabbinic litera-

ture43, ince midrash as a technical term in modem scholarshipwas

borrowed from Rabbinica, having been first applied to Rabbinic

literature. He believes t is necessaryo make a distinction between

midrashic form and midrashic method. Texts suchas BereshitRab-

bah are in midrashic form and exemplify midrashic method,

whereas the Targums, for example, could be described as

midrashic in method, but with regard to form must be classedas

translation. With regard to form, the basic iterary form of midrash,

he notes, s biblical lemma (i.e. the text of scripture for comment)

plus commentary.The commentary reveals he following five fea-

tures44: (i) it quotes freely verses of scripture as proof-texts; (ii)

the darshan s particularly fond of stringing biblical verses ogeth-

er; (iii) he quotes freely named authorities -Rabbi Ishmael, etc.;

(iv) he cites different and sometimes contradictory interpretations

of the same verse; (v) he commonly employs meshalim ( para-

bles ), especially o resolve theological problems. This set of char-

acteristics, Alexander believes, s sufficient to set midrash off from

targum and Mishnah. It is problematic whether we can differenti-

ate midrash from Gemara (i.e. the commentary on the Mishnah in

the Talmuds), since the formal similarities between midrash and

Gemara are unquestionably great. But this may indicate that the

Mishnah had been elevated to the status of a canonical text.

He admits that defining midrashic method is much more diffi-

cult than defining midrashic orm, and stresseshe importance here

of twofold Torah, written and oral, in the rabbinic scheme of

things. The oral torah was Tradition. Somehow a way had to be

found in meshingScripture and Tradition which would make them

in a senseone, while at the same ime preserving their individual

identity. The Rabbis achieved this by presenting Tradition in the

form of midrash on Scripture. By so doing they were implying that

Scripture had priority over Tradition. This priority was logical or

symbolic: formally at least it was Tradition that was brought into

relationship with Scripture, and not vice versa. New ideas and

developments within Judaism have to be legitimated by being

brought into relationship with Scripture: it must be shown that

they are somewhere present in Scripture. At first sight this condi-

tion imposes severe restraints on the development of Judaism; it

limits its options for change. In practice, however, the only limit-

43. ibid. p. 2.

44. ibid., p. 3-4.

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143IDRASH, APOCRYPHA

ing factor has proved to be the ingenuity of the interpreter. So

although at a formal, superficial, level it is Tradition that is accom-

modated to Scripture, at a deeper evel Scripture is accommodat-

ed to Tradition45.Midrash becomes he means whereby Scripture

canbe made over in the image of the Tradition. Midrash s the link

between Holy Writ, fixed by the Canon, and the Tradition. It is the

flexible joint which keeps he Oral and the Written Torah in con-

stant alignment. It enables he sacred text to be brought to bear

upon and made relevant to changing historical circumstances.

The darshan, he Jewish eacher nvolved in the midrashicexpla-

nation of Scripture, had, then, as a major aim- perhaps, Dr

Alexander notes, one might say the major aim -to find ways of

convincingly validating Tradition in terms of Scripture. He had

other aims as well, related specifically to his view of the nature of

the Written Torah. On these aims Alexander writes46

Scripture contained God s supremely authoritative revela-

tion to Israel: above all other texts, therefore, it was worthy of

study and meditation. Its teachings had to be searched out,

explained, and applied to the heart and conscienceof the Jew.

It was divine utterance, and its content had originated in the

mind of God. It was, in consequence,not like other texts. The

darshan was continually looking for evidence of Scripture s

unique character, and trying to draw out its glory and beauty.

From his belief in the divine origin of Scripture the darshan

made three important deductions.First, the text of Scripture is

totally coherent and self-consistent.This meant that any part

of Scripture may be interpreted in the light of any other part

and harmonized with it. Contradictions in Scripture can only

be apparent, not real. The darshanim spend much time weav-

ing together diverse Scriptures, and reconciling Scripture with

Scripture. Second, he text of Scripture is polyvalent. It con-

tains different levels and layers of meaning. It is not a question

of finding one, true, original meaning of Scripture: Scripture

can mean several -sometimes seemingly contradictory -

things at once...Third, Scripture is inerrant. It is the darshan s

business o explain away any apparent errors of fact.

The writer goes on to note that the darshanim are adept at

exploiting real problems in the text as a way of reading their own

45. ibid., p. 6.

46. ibid., p. 7.

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144

M. McNAMARA

ideas

into Scripture. In any given instance it will probably beimpossible

to say whether the interpretation was suggestedsimply

by meditation on Scripture, or devised deliberately as a way of

attaching certain ideas to Scripture. The darshanim are so inge-nious

at finding points of contact for Tradition in Scripture, and

argue their case with suchverve and conviction, that it is very easyto

suppose that their whole interpretation has simply emerged

from pious meditation on Scripture. His strong suspicion s, that,

despite appearances, he dynamo which drives midrash forward is

located not in pure and disinterested meditation on Scripture, but

in the need to validate the tradition47.

After consideration of the function of midrash and its aims,

Alexander treats of the means to achieve these aims. The dar-

shanim had a whole array of techniques: wordplay, etymology,

numerical value of words. He notes the middot (hermeneutical

rules) of Hillel, Ishmael and Eliezer ben Yose Ha-Gelili, noting

that if they were intended as actual rules for midrash of Scripture,

they bear ittle relationship to the actual exerciseof midrash as his

is known to us from the texts48.

He then highlights four generalcharacteristicsof early Rabbinic

Bible exegesis49.t is in no sense a substitute for Scripture, or a

rewriting of it. Midrash is argumentative, frequently setting out

different options and debating heir merits. Under this heading he

 crypto-midrash of New Testament scholars, in the senseof an

interpretation of someunquoted text of Scripture, s rejected.Thus

understood, the notion is seenas decidedly odd in the context of

Rabbinic midrash. The third characteristic s that normally midrash

has a point of contact, a peg in the text on which it hangs.Final-

ly, the darshanim felt that they were working within a very defi-

nite, ongoing, tradition of scholarship. They seemed to regard

themselves primarily as ransmitters of the tradition.

After his definition of midrash, Alexander asks whether in the

light of it it is possible to identify midrash outside Rabbinic liter-

ature. He is inclined to say,No : midrash is best confined to early

Rabbinic Bible exegesis5O.he differences he perceives between

the Rabbinic and the non-Rabbinic texts are more important than

47. ibid.,p. 8.

48. ibid.,p. 9.

49. ibid.,p. 9-11

50. bid.,p. 11.

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145

IDRASH, APOCRYPHA

the similarities. To call these other, non-Rabbinic interpretations

of the Bible midrash is, to his mind, highly tendentious. The only

effect of a lack of discrimination betweenBible exposition in such

texts as Chronicles, the Testaments of the Twelve Patriarchs,

Enoch, Jubilees, Philo, Josephus, he LXX and Targumim, the

Qumran Pesharim, the Genesis Apocryphon, the Mekhilta of

Rabbi Ishmael, is to evacuate midrash of any real meaning:

midrashbecomessimply a fancy word for Bible interpretation 51.

If midrash meansno more than this, then it would be advisable o

drop the term. Dr Alexander ends his section on midrash proper

by noting that the way forward lies in trying to define these dis-

tinctive styles of Bible interpretation, rather than in treating them

as an undifferentiated mass.

4. Inner-biblical development: interpretation, exegesis

At the beginning of the period with which we began our survey

(1934) Andre Robert published a study in which he drew atten-

tion to the reuse of earlier biblical texts in later canonical writ-

ings52,n what he called a style anthologique . In 1954and later

R. Bloch was arguing that midrash was present already in the

Bible53. nner-biblical interpretation, or exegesis,has become he

subject of detailed study by various scholars during the past

decade, especially by Michael Fishbane54.

Fishbane speaks both of inner-biblical exegesis and (inner-bib-

lical) interpretation. Since part of our concern here is terminolo-

gy, a caveat can be entered with regard to the use of either of these

two terms in this context. Their use depends somewhat on what

one means by either of the terms. For some, each of these terms

would imply examination of a text with the intent of determining

what its author had in mind. With regard to the biblical data the

later author may not have been particularly interested in what the

original sense of a text or tradition was, but rather in what mes-

sage the traditional passage or tradition had for the later genera-

tion recalling it. Another point to be noted is that exegesis and

interpretation imply a fixed text to be interpreted or exegeted.

Undoubtedly, in many cases the reformulations we find in later

51. ibid., p. 12.

52. A. ROBERT,934-1935;1944; 1957,esp. p. 413-416.

53. See iterature indicated in note 13 above.

54. M. FISHBANE,980; 1985; 1986.

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M.

McNAMARA

biblical tradition are based on earlier written texts. Nonetheless,

it is not always necessary o postulate a text, and a certain amount

of what we find in this regard in the Hebrew Scriptures could also

have taken place at the level of oral tradition.

From our present point of view what is important is that we

examine the evidence provided by the books of the Hebrew Bible

on the later re-presentation of earlier material. How we designate

such ater use (re-use, exegesis,nterpretation, or whatever) s less

important. In this present context by Bible I mean the books ofthe

Hebrew Canon. We must recognise,of course, that laws oper-

ating with regard to these books may have been presentbefore the

tradition in these works was written down, and that they may alsobe

found in later Jewish texts, not accepted as part of this canon

(for instance Sirach and the Wisdom of Solomon). It must also be

noted that even in the inner-biblical period it is not always easy o

determine whether we are dealing with a fixed written text, or an

evolving oral tradition. And even when we are dealing with a fixed

text, it is not always clear whether what appears o be re-use, nter-

pretation etc. really has reference to an earlier fixed text, or is

merely the articulation of a religious tradition in the light of belief

in a living God, in his word and the promises that he has made in

the past.

Fishbane examines inner-biblical interpretation (or exegesis)

under four headings: scribal comments and corrections; legal exe-

gesis; aggadic exegesis; mantological exegesis. While other

approaches could be taken to the subject, the biblical evidence

seemsclear that our present text of the Hebrew Bible came about

through a lengthy processof re-use, reformulation, re-interpreta-

tion of the earlier tradition. A few examples will suffice to illus-

trate, showing how the biblical tradition is in dialogue with its past.

The principle of individual responsibility in Ezek 18 :1-4and Jer31

:27-30 seems o be a reformulation of the earlier principle of

God's vengeance extending to the children and grandchildren of

sinful parents (Exod 20 5-6; 34 6-7; Deut 5 :9-10).

We have evidence on the growth of tradition in the expanded

editions of certain canonical books, for instance Jeremiah in the

Hebrew Text, which is longer by some 2700words than the Greek

Septuagint.

Within Jeremiah we can see the development in messianicprophecies,

for instance Je;remiah's prophecy of the righteous

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IDRASH,APOCRYPHA

Branch (23 :5-6) expanded in the Hebrew Text, absent from the

Greek of Jer 33 :14-22. Similarly, Jeremiah's words on king

Jehoiachin (Koniah) as signet ring are reapplied, with reference

to Zerubbabel, in Hag 3 :23.

We may also note the expansions n the Book of Sirach. While

Sirach's original Hebrew text seems o have the older and Penta-

teuch view regarding he afterlife (that is without assertioneither

of immortality or of bodily resurrection), other forms are found in

Greek texts, in the Latin and Syriac versions and also in some

Hebrew manuscripts. In these we have a later, more developed

(Essene?) view of an afterlife of bliss for the just and of darkness

for the sinner. In the words of C. Kearns, the expansions,above

all, supplement the rudimentary eschatologyof the Primary Text

by stressing he ideas of judgment at or after death, of conscious

survival in the next world, in the moral aspectsof human mmor-

tality, of lasting punishment and reward beyond the grave 55.

5. Inner-biblical evelopment: anonical rocess; omparative

midrash

Analysis of the biblical evidence seems o make clear that with-

in the Hebrew Scriptures themselves here is a development, and

a later re-use of earlier material (written, and possibly also oral),

and that in this re-use here are certain eatures ound also in what

is commonly known as midrash. The transmission (traditio) of the

earlier accepted body of beliefs (the traditum) nvolved interpre-

tation, reformulation, and recasting or a new age.

While there is general agreementon what appear o be the facts

of development, scholars differ on how present what is agreed on

in a theoretical manner, how describe t and how work it into a syn-

thesis. The phenomenon s examined in tradition criticism and in

canonicalcriticism, generally associatedwith the name of Brevard

S. Childs. Speaking of the canonical process Childs writes56:

55. C. KEARNS, 953,p. 512; in a more nuanced manner n KEARNS, 969,

p. 549 (with separate reatment of The eschatologyof (Sirach) Greek II

and VL , and The Eschatology of Syr (the Syriac version); the Esse-

nian origin of the expanded ecensions(s).SeealsoA. A. DI LELLA,1987,

p. 86f., with indication of the studies of M. Fang Che-Yong in the biblio-

graphy (p. 101).

56. B. S. CHILDS, 979,p. 60.

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M. McNAMARA

The heart of the canonical process lay in transmitting and

ordering the authoritative tradition in a form which was com-

patible to function as scripture for a generation which had not

participated in the original events of revelation. The ordering

of the tradition for this new function involved a profoundly

hermeneutical activity, the effects of which are now built into

the structure of the canonical ext.

JamesA. Sandershas reflected on the same biblical evidence,

the same process, he re-use of earlier biblical tradition by later

biblical writers, but uses a different terminology to describe it.

Writing on canonical hermeneutics in 197657 e says that in this

process he most common hermeneutical rule employed was that

of historical analogy or typology. In other writings he will refer to

the process as comparative midrash . In 1972, in Torah and

Canon,he wrote58

One of the results of form criticism was a special type of

investigation of the appearanceof certain crucial traditions in

the works of more than one early biblical author, editor,

prophet, or psalmist. The name given to such exercises s tra-

dition criticism... Tradition criticism traces he life or history of

an early idea or concept n the hands of more than one editor,

composer,or writer, or in more than one segmentor period of

the ongoing ife of the believing community.

A delicate question arising out of an extensionof suchwork,

which is called comparativemidrash59,s when the use of a tra-

dition ceases o be tradition-critical and becomes midrashic.

Renee Bloch wrote a remarkable article published in 1955 on

the origins of midrash within the Old Testament tself. There

are those who feel that tradition criticism and comparative

midrash are one and the same discipline, the first concentrat-

ing on the use and function of early raditions (suchas he Reed

Sea crossing) n preexilic times, the midrashic study coming in

with early Judaism in exilic and post-exilic biblical materials.

57. J. A. SANDERS,1976, at p. 404.

58. J. A. SANDERS,1972, p. xii-xiii. See also J. A. SANDERS,1984, p. 26:

 A new approach to the study of early Jewish interpretation of Scriptu-

re, comparative midrash, began to emerge in the 1950s (italics in the ori-

ginal). See M. FISHBANE, 1985, p. 7, note 231: In the past decade J. San-

ders has frequently articulated the link between tradition-history and

 midrash (by which is meant what is here called inner-biblical exegesis,

as well as what post-biblical Judaism called midrash ) .

59. Italics added by present writer.

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149

IDRASH, APOCRYPHA

Certainly the two disciplines are related, tradition criticism

being he older and more establishedand comparative midrash

the younger, still groping for sound methods and controls.

We need not here enter the debate concerning canonical criti-

cism. Objections have been aised o the use of canon n suchstud-

ies, as if the perception of a text as canonicalwas operative in the

original process.True, the process n question did give rise to the

canon, and once books were acceptedas canonicaland closed, he

results of the process that gave them birth could no longer be

included as part of the canon, but must remain foreign to it.

Canonisation, however, does not mean that the original process

was brought to an end. Furthermore, there is disagreement on

what exactly constitutes the canon of the Old Testament, and

whether it includes such work as such Old TestamentApocrypha

as Sirach, the Wisdom of Solomonetc.

Objections can be raised, too, to the designationof the process

in question as comparative midrash . The term midrash has

sufficient problems attached to it that it is best reserved for rab-

binic literature and the process that produced this. Rather than

designate earlier biblical, or later Christian, literature as

 midrash , it may be better to identify certain characteristics un-

ning through these, which we may describe as midrash-type fea-

tures . To these we now turn.

6. Somemidrash-typeeaturesor techniques

Here I wish to examine some eatures of biblical and postbibli-

cal Jewish iterature, which we may refer to as midrash-type tech-

niques , techniques used in the effort to have the community reli-

gious message ransmitted and transformed. The list I give is, as s

to be expected, selective.

i. Ideal (or idealized) figures. In biblical and postbiblical Jewish

literature certain persons, apart from what historical existence they

may have had, are also presented as carriers of particular messages,

e.g. Moses as lawgiver, recipient of revelation, intercessor; Samuel

as udge, ruler, prophet, intercessor; David; Daniel and so on. As

J. J. Collins and G. W. E. Nickelsburg put it60:

60. J. COLLINS n COLLINSand NICKELSBURG, 980, p. 5. See also M. FISH.

BANE, 1985, p. 372-379 ( Typologies of a biographical nature ).

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150

M. McNAMARA

While tradition plays a part in the portrayal of all ideal fig-

ures, it never determines them full. Traditional conceptions

undergo modifications to reflect more closely the circum-

stances, urposes,and ideals of the authors.Ultimately, all ideal

figures are generated by the ideals of the day.

Among these deal (or preferably idealised) igures we may also

include the villains, or those made so in the processof tradition,

as for instance Balaam. Tradition may also create personalities to

carry its message.The Books of Chronicles contain good exam-

ples of the transformation of earlier biblical tradition, and the oth-

erwise unknown prophet Azariah ben Oded of 2 Chron 15 :1-7

may be sucha creation.

Needless o say, his phenomenon of ideal or idealised figures

holds true also for the New Testament, and later Christian litera-

ture.

ii. Midrashic reflection on biblical texts of similar nature. One

characteristicof Jewishmidrashic reflection seems o be the bring-

ing together in a creative manner a chain of biblical texts on a sim-

ilar subject. Two example of this can be given.

One concerns biblical texts with reference to some event in the

past having occurred, according to the Bible itself, on the third

day , with which rabbinic reflection sometimescombines he sig-

nificance of biblical reference to rain or dew 61. Showers of

Hos 6 :3 and dew of Isa 26 19 are taken as referring to the res-

urrection. Hos 6 :2 speaks also of the third day , and also else-

where, e.g. Gen 22:4 (Isaac on Moriah), Gen 42 :17 Joseph),Jona

2:1; Exod 19:6 (The Sinai event), Esther 5,1. Midrash Rabbah 9,2

(on Esther 5 :1) remarks: The Rabbis noted that in all these here

is question of rescuing Israel from distress . With such a Jewish

reflection behind it the Targum thus paraphrasesHosea 6 :2 : He

will give us life in the days of consolation that are coming; and in

the day of the resurrection of the dead (HT: on the third day )

he will revive us so that we will live before him . There seems o

be general agreement hat at leastone of the principle texts behind

1 Cor 15:4 (Christ raised from the dead on the third day in accord

with the Scriptures) s Hos 6 :2. This is all the more probable when

the Jewish midrashic interpretation of this text is taken into con-

sideration.

61. See McNAMARA, 1983,p.183-185.

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MIDRASH,APOCRYPHA

Another chain of texts brought together by rabbinic tradition

are those with the keywords oz ( strength , bulwark ), babes ,

 sucklings , fount , womb 62. The texts occur at Ps 8:2 (3);

Exod 15 :2,4; Job 3 :16; Joel 2 :16; Ps 68 26(27); Ps 29 :1. Israel's

fountain (Ps 68 :26) is the mother's womb. These texts were

brought together in a midrash that spoke of babes (even in the

wombs) praising God. The praise was believed to have been ren-

dered by the babesand sucklings n the very womb and at the first

redemption of Israel at the crossingof the Red Sea Exod 15 :2,4)

and at Sinai. Thus already for the Red Sea Wisdom of Solomon

10 21 (and naturally the Palestinian Targums of Exod 25 :2,4).

Such a midrash, inked with Ps 8 :2, may stand behind the events

of Matt 21 :15-16,with its reference to Ps 8 :2.

iii. Basing ater doctrine on the Bible, particularly the Pentateuch.

The desire to link with Moses and the Pentateuchparticular doc-

trines (as well as laws) formulated only after Moses's ime would

have been natural for Pharisaicand Rabbinic Judaism. t may have

been hard to envisagea Pentateuchwithout having suchdoctrines

in some orm, implicitly or explicitly. A typical example would be

the resurrection (or in rabbinic terminology vivification ) of the

dead. In a debate on the matter Jesus efers to Exod 3 :6 ( the pas-

sageabout the [burning] bush ). In rabbinic sourcesa given Rabbi

is given as asking: How do you prove the vivification of the dead

from the Torah? ( Torah in this context sometimesmeaning the

Scriptures , or the Psalms ). The Scripture texts adduces often

differ (Deut 33 6; Exod 15:1; Ps 84 4; Gen 3 :19).

In this regard it is quite interesting to find in 4 Mac 18 :16-19

(probably first cent. CE) an attempt to base the doctrine of the

immortality of the soul (not bodily resurrection) on the Scripture,

on the Law, the Prophets and the Writings, adducing he follow-

ing texts: Prov 3 :18; Ezek 37 2-3; Deut 32 :3963.

iv. Adding later doctrine to earlier incomplete formulation or

understanding n the biblical text. As an nstance of this I may give

God's words to Adam in Gen 3 :19: For your are dust and to dust

you shall return . The PalestinianTargumsadd to this: But from

the dust you are to arise again o giver an account and a reckon-

ing of all that you have done . In our own Roman Catholic burial

62. See ibid., p. 185-188.

63. See ibid., p. 180-183.

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152

M. McNAMARA

rite, I may note, the words of Gen 3 :19 are also used, ollowed by

the statement: "But the Lord will raise you up on the last day".

v. Adding messianic eferences o the biblical text. Of the many

examples hat could be given I instanceGen 3 :15,with the obscure

passagen the Hebrew Text hu yesupkar'os, "it (the seed; or "he")

will crush (?) your head". The Greek LXX rendered as masculine

(autos). The Aramaic Palestinian Targums paraphrase at some

length, with a reference to "the days of King Messiah" at the end.

The Vetus Latina, followed by the Vulgate, has a feminine subject,

ipsa, she will crush your head", paving the way for the later Mar-

iological interpretation, if not already emanating from such an

Mariological understanding.

7. Midrashmind-set ewish nd Christian

If it is proving nigh well impossible to define or even accurate-

ly describemidrash, it would seem hat it will be much more so for

the larger but related phenomenon to which I believe midrash

belongs, he question we have been examining.

I believe that in the whole question of midrash we are in the

presenceof a complex phenomenon of religious psychology,and

probably with the atmosphere,ambient, projected around itself by

the religious mind in an effort to better achieve self-articulation.

Since he desire for self-articulation in line with a clear conceptof

self-identity need not be restricted to the religious mind, much of

what we say n this regard could also be applied to other traditions,

whether religious or philosophical. For the moment, however, we

can restrict our attention to religious psychologyM.

64. See M. FISHBANE, 985,p. 1 : "One of the most remarkable features

of the great world religions is the emergence o independent dignity of

traditions and commentaries which supplement he original authoritati-

ve teachings-be these latter the product of divine revelation or human

wisdom. The phenomenon s not restricted to religious literature, of cour-

se,as he commentariesand supercommentaries o Aristotle in the midd-

le Ages, or to Freud in modernity, fully attest. But it is in the classical

expressionsof Judaism,Christianity, and Islam on the one hand, and Hin-

duism, Buddhism, and Confucianism on the other, that interpretation has

become a cultural form of the first magnitude -transforming the foun-

dational revelations of the first group and the metaphysical nsights of the

second.and determininl the fateful historical uaths of both".

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153IDRASH, APOCRYPHA

Discussing the question once with me, a French-speaking col-

league spoke of midrash as the bouillon de culture required by the

mind to develop its concepts. The French words I render as culture

medium . Microbiologists speak of a culture medium required for

the growth and development of micro-organisrns. Midrash, in a sense,

might me considered as such a medium for the religious mind, a pro-

jected atmosphere facilitating quiet reflection on God, on the truths

revealed by him, on his law and the demands it makes for believers

in the changing fortunes of the centuries and of everyday life.

Together with this, in the midrashic mind-set there is an element

of immediate contact with the earlier sacred text or tradition. The

sacred text or tradition is taken as speaking directly to the later

generations. When there is an unacceptable distance in expression

or formulation, when non-canonical the earlier text or tradition is

recast and reformulated; when canonical it can be rephrased in

translation or supplemented by a new understanding in the inde-

pendent midrashic-like compositions.

There is good evidence hat sucha mentality transcends he cen-

turies. It is present in the Hebrew Scriptures, in the New Testa-

ment interpretation of the Old, in the New Testamentarticulation

of its own tradition, in post New Testament Christian tradition,

whether in the mainstream theological reflection and treatises or

in the apocrypha.

In both the Old and New Testaments, efore a tradition became

text and canon, he inner-biblical development becameenshrined

as part of the text. After canonisation he sacred text was closed

and fixed, but articulation went on.

In fact, within Christian tradition we have since early times the

presenceof two schools of thought in this regard: the allegorical

and the historical, representedchiefly by Alexandria and Antioch.

The Alexandrians were suspiciousof the Antiochenes in matters

Christological, since they tended to believe that the Antiochenes

were too much bound by older Christo logical concepts and for-

mulation, beyond which they were loathe to move. In the exeget-

ical field the Antiochenes avoured an historical approach, espect-

ing the distance in time between text and interpreter. The

Alexandrians, through allegorisation, more easily ound doctrines

and practices close o their hearts in the biblical texts themselves.

The attitude continued down through the Middle Ages, and at

one level of the believer's being it can be present even with high

regard for historical interpretation. At the Reformation period it

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154

M. McNAMARA

characterised heologians on either side of a denominational reli-

gious divide, who took their own beliefs to the Scriptures and

believed they found them there. As the situation is described n a

saying of uncertain attribution:

Affert ad eam (i.e. Scripture) sua quisquedogmata

lnvenit in eadogmata quisquesua.

8. Someexamplesof midrashic Jewishand Christian

i. Trinitarian and Christological doctrines. Passingbeyond the

Bible into Christian tradition, I believe we can find a similar use

of Scripture in earlier Trinitarian and Christological debates and

also in later instancesof doctrinal development. The Trinitarian

and Christo ogical debatesas a sort of culture medium had Greek

philosophical syntheses,such as are found in middle Platonism,

but had likewise the Old TestamentWisdom synthesis.Central to

the entire process,however, was the perception on the person of

Christ. The syntheses,whether they be Greek or Jewish,were but

the backdrop, the wall on which to bounce their developing con-

cepts in order to better formulate both concept and expression.

ii. Synthesisrom a combination of relatedScripture texts. have

earlier drawn attention to such collections of texts (on the third

day ; on infants in the womb) in Jewish writings65.As a similar

phenomenon from Christian writings I may nstance Gregory the

Great's description of the Last Judgmentscene,with four groups:

two to be udged, two others not for judgment; two to be damned,

two for eternal bliss. The scenario s built up from Scripture cita-

tions (Matt 25:42,43; 25:41; Jn 3:18; Rom 2:12; Matt 25:35;

25 :34; Matt 19 18; Isa 3 :14; Prov 31 :23)(Gregory, Moralia in lob

26,27,50; on Job 36 6; PL 75, 378-379).

iii. The Intermediatestateand Purgatory. We have noted above

the midrashic situation with regard to the resurrection of the dead

and immortality. The belief can be presumed o have arisen nde-

pendent of any particular text. Belief in bodily resurrection was

later linked with different texts. Similarly with the belief in the

intermediate state, later referred to as Purgatory. Belief in the

value of prayers for the faithful departed is an old one in Chris-

tianity, and with it belief in some ntermediate state, distinct from

65. McNAMARA, 1983,p.183-185;185-188.

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155

IDRASH,APOCRYPHA

Hell in the strict sense.This belief was nvoked in solving he prob-

lem of the threat of Gehenna in Mat 5 :22 (Gehenna of this text

being understood as ignis purgatorius) and was also linked with

other Bible texts, principally 2 Macc 12 :42-45 and 1 Cor 3 :15.

9. Midrash, apocrypha,biblical commentaries,heological reatises

What essentially constitutes an apocryphal writing is probably

less easy o define than midrash. And the apocrypha differ con-

siderably one from the other. Apocrypha in general, however,dif-

fer from midrash in that (a) they stand over against a canon of

scripture and (b) as a consequence they can elaborate themes

freely without need to refer to a biblical text.

In the approach to their themes the apocrypha may have much

in common with biblical commentaries and theological treatises.

These writings, particularly with regard to the afterlife and to Mar-

ian doctrine and devotion, should not be too clearly set off one

against the other.

In the relation of midrash to a biblical text the question has been

asked as to where the dynamo lies -in the biblical text control-

ling the midrashic interpretation or in the midrash which has the

biblical text say what the darshan wants expressed. For the author

of at least some apocrypha, the problem would not appear to exist,

since the message intended to be conveyed is central. I illustrate

with some examples on Marian doctrine.

i. The Protevangelium Jacobi. In Oscar Cullmann's words with

regard to this66: The whole work is written for the glorification

of Mary. Not only are Jewishcalumnies by implication vigorously

refuted; all the themes of future Mariology are propounded:

although, it is true, the Immaculate Conception of the mother

of Jesus s not taught, her miraculous birth is recorded .

ii. Continued Mariological reflection and later re-working of the

Protevangelium acobi. It would be misleading o consider he Pro-

tevangelium of Jamesas a Christian midrash67. t has in common

66. O. CULLMANN, 1963, p. 373; 1991, p. 425.

67. In an earlier writing E. Cothenet refers to motifs of Jewish haggadah

in Protevangelium Jacobi (COTHENET,1972, at col. 1382. In his later wri-

ting (COTHENET, 1988) he designates it a midrash: Le Protevangile de

Jacques: Origine, genre et signification d'un premier midrash sur la nati-

vite de Marie ; ( Le genre litteraire : un midrash chretien , p. 4259-4263).

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156

M. McNAMARA

with midrash that it is not impeded by canon and can freely devel-

op insights with regard to Mary. Reflection on the same themes

will continue in the Church, in suspect apocrypha and in main-

stream orthodox circles.The PJ will be freely updated in later cen-

turies, in keeping with developing Mariological doctrine and Mar-

ian devotion, to give us the Gospel of Pseudo-Matthew (sixth

century?) and later (9th-11th century) the De nativitate Mariae.

During the Middle Ages from the eighth century onwards, Mari-

ological doctrine was articulated in differing contexts and against

varying backgrounds68 in the liturgy, in the interpretation of the

Songof Songs, n apocryphal writings and in theological treatises.

The perceptions concerning Mary were the same, but were

expressed n different media. In this particular context it seemsdif-

ficult to single out anyone of these as more important than the

other.

10. Irish apocrypha, theological reflection and theological trea-

tises on the afterlife

In treating of the resurrection of the body in 1 Cor 15 Paul can

be regarded as being in the tradition and of using techniques of

Jewish midrash. Christian theologians inherited his teaching,

together with other biblical texts, and had to attempt o work them

into a synthesis, n keeping with what they regarded he essentials

of Christian belief and their own particular philosophical and the-

ological views. Augustine treated in extenso of the bodily resur-

rection, with an eye to critics of the Christian faith. He allows him-

self to be drawn into details as o the nature of the risen body and

the many questions arising from belief in the material nature of

this body. Gregory the Great also treats of the question, and had

to enter into open debate on the issue at Constantinople with

Eutyches, bishop of the city. From these two Christian Fathers

there was developed a synthesis on the matter which was trans-

mitted to the Middle Ages.

We find an early form of this synthesis n the Irish Reference

Bible , a one-volumecommentary on the Bible composed owards

the end of the eighth century. We have an Irish text, Scelana hEs-

ergi, Tidings of the Resurrection (probably of the tenth centu-

ry), which is heavily dependent on the writings of Augustine and

68. SeeE. Ann MATTER, 990,p. 151-178 The Woman who is all'

also R. BEYERS, 990.

See

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157

IDRASH,APOCRYPHA

Gregory, apparently through an ntermediate writing rather than

directly. The work is to be regarded as a theological reatise rather

than as an apocryphal text69.

 Tidings of the Resurrection is a semi-canonical theological

text, representing an acceptedsynthesiswhich scarcelypermitted

much personalspeculation.For this, further use of a culture medi-

um , free from chains,would be indicated.

In another medieval Irish text, Scela Lai Bratha, Tidings of

Doomsday , we have a text which at first sight appears o be less

in the tradition of Patristic or medieval theology. R. Flowero was

of the opinion that this text probably representsa lost Questions

of Matthew resembling he part of the Book of John the Evange-

list dealing with the last things as printed by James 71. his Irish

text is currently being critically studied. It was probably composed

in the eleventh century. In part it depends on the verse composi-

tion Saltairna Rann ( Psalter of the Quatrains ), composed n 988.

It divides those gathered for judgment into four classes: he very

good, the not very good, he very bad, he not very bad (boni valde,

boni non valde,mali valde, mali non valde). In this (terminology

apart) it depends on a text of Gregory's Moralia in lob. It is in the

form of a homily, with exordium and final peroratio as in a series

of eleventh-century Irish homilies, of which it may have formed

part. It may represent, however, a mixed genre, part homily, part

apocryphon, or with a sectionof an apocryphal writing worked in

as part of the homily. In any case t representsa less ormal, stereo-

typed, medieval Irish approach o eschatology72.

Th. Silverstein has noted73 hat the vision of Saint Paul became

 one of the chief formative elements in the developments of the

later legends of Heaven and Hell which culminated in the Divina

Commedia of Dante . While the Latin texts go back to the fifth

and the sixth centuries, he original long Latin text gaveway from

the ninth century forward to shorter Latin versions and vernacu-

lar adaptations. The Latin Version VI represents a complete

69. For text and editions seeM. McNAMARA,1975 (1984),p. 141 (#107).

For source analysis see M. McNAMARA, 1995, at 263-264, 276-281.

Although listed among the Irish Apocrypha in McNAMARA,1975, ource

analysisndicates hat the work s a theological reatise ather than an

apocryphon.

70. R. FLOWER, 926 (reprint Dublin, 1992),p. 502,note.

71. In The Apocryphal New Testament,Oxford, 1953,pp. 191-193.

72. See further, McNAMARA, 1995,p. 265-270.

73. TH. SILVERSTEIN,935; p. 3. See also P. PIOVANELLI,993.

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158

M. McNAMARA

rewriting of the Apocalypse, and has close similarities in the

description of Hell with a group of early Irish revelations: the

Visions of Laisren, the Vision of Adamnan, The Voyage of Vi

CorraoThere is an Irish translation of the Visio Pauli, of the Recen-

sion IV type, and there are other vernacular Irish texts clearly in

the tradition of the Visio Pauli.

It seems clear, then, that from the ninth or tenth century

onwards Irish eschatological hinking was changing from the for-

mal semi-canonical reatise to the more amenable(and midrashic)

Vision type. Noteworthy in this regard is the Vision of Adamnan,

probably from the early eleventh century (it seemsdependent on

Sa/tair na Rann,composedas said988). Using the freedom o spec-

ulate arising from the Vision genre, t also shows clear dependence

on the apocrypha: the Visio Pauli, he SevenHeavensapocryphon,

such Irish apocrypha as The Two Sorrowsof the Kingdom of Heav-

en,and the TransitusMariae. It remains for future research o see

how dependent t is on the Irish patristic-homiletic tradition going

back to Gregory and Augustine.

We may finish our rapid survey of the Irish Vision literature with

the Visio Tnugdali. This was written down in 1149 n Regensburg,

Bavaria, by an Irishman named Mark (undoubtedly a monk), and

is presented as he Latin translation of the accountof a nobleman

called Tnugdal (or Tundale). In the vision of the other world he

mentions the various classes,among them explicitly the mali non

valde and the boni non valde. The author was evidently conver-

sant with earlier Irish with earlier Irish apocrypha: the homiletic-

theological synthesis dependent on Gregory the Great. The view

has been put forward that Mark in Visio Tnugdali is engaging n

the twelfth-century debate on the nature of purgatorial existence

and in the nature of the soul, and furthermore taking sides with

the position of Hugh of Saint Victor (in Paris) and William of Saint

Thierry against he position of Origen and John Scottus Eriuge-

na, whose writings were being promoted by Mark s contemporary

Honorius Augustodunensis74.

The Vision genre came o Ireland from outside. The VoyageLit-

erature was another genre in which eschatological deas were pro-

moted in medieval Ireland. In the view of some, this genre was

basically pre-Christian, although later widely used for Christian

compositions. t, too, was free from the restraints of canon and the

74. SeeC. CAROZZI, 981.

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159

IDRASH, APOCRYPHA

restrictions of semi-canonical heological treatises.

It will be a matter for the research currently now being con-

ducted to determine how much of this medieval Irish material

belongs o the genre of apocrypha,and can egitimately be includ-

ed in the publications of AELAC. In any event we can safely say

that the Irish Vision and Voyage genres provided that mental

ambient, the culture medium, in which speculation on the After-

life, the Otherworld, could flourish, producing works that had

influence on national literatures and on theological speculation.

11.Conclusions

This paper set out to examine the links which appeared o the

writer to exist between midrash, some Christian apocrypha, and

the frame of mind that produced both. The paper was ntended to

explore this particular field.

Perhaps he results of the enquiry have been meagre.The field

of apocrypha s immense, ncluding writings of many kinds: gnos-

tic, encratite, Judaeo-Christian etc. Only a very small portion of

the corpus of apocrypha has been explored in the paper.

The central position put forward, however, seems o warrant

consideration, namely that midrash s a many-sided affair and that

some of its concernsand techniquesare already very much part of

biblical literature, both of the Old and of the New Testaments.

Midrash and apocrypha o a certain extent have in common that

they presupposea fixed and unalterable text, be it biblical canon

or in the caseof some apocrypha) Conciliar statements, Church

doctrine or semi-canonical heological treatises.

Midrash and apocrypha have to do with a spiritual ambient

where reflection on revealed truths can take place without the

constraints of canon, in an atmosphere in which the messageof

traditional texts in changedcircumstancescanbe reflected on and

new nsights deriving from old truths developed.

The mentality, the mind-set, of midrash and the apocrypha has

existed side by side with Canon, and with historical exegesis to the

extent that this was there) almost from the beginning. Today, after

the contributions of suchdiverse disciplines as tradition criticism,

canonical criticism, the new hermeneutic, here is a greateraware-

ness hat biblical books and biblical tradition had a long and cre-

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.

.

160 M.McNAMARA

ative history of transmission; there is an awareness hat approach-

es o the biblical text other than the historical, were part of the bib-

lical tradition itself. In the ongoing hermeneutical quest, it might

be well to consider that the apocrypha and the religious mentality

that produced them, could have a very valid contribution to make.

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Bernard OUTTIER

CNRS

DEUX HOMELIES PSEUDO-

CHRYSOSTOMIENNES POUR LA FETE

MARIALE DU 15 AOUT

In this paper, two homilies known only in Georgian and attributed to

John Chrysostomare introduced and translated.Their relations to homi-

lies composed n Jerusalemare discussed; o is their dateof composition,

tied with their subject: Praise of Mary, or the east of her commemora-

tion, the 15th ofAugust.

Presentationet traductionde deux homeliesattribueesengeorgien i saint

Jean Chrysostome. eur appartenancei l'homiletique de Jerusalemestdis-

cutee,ainsi que leur date de composition, liee i leur objet.. la Fete de la

Memoire de la Vierge, e 15 aoat.

.On a l'habitude de compter parmi les temoins des raditions lit-

teraires sur Ie sort final de Marie les homelies, en particulier celles

sur Ie transitusde la sainte Mere de Dieu, et cela est bien ustifie.

Deux de ceshomelies n'ont pu,jusqu'a maintenant, etre prises en

consideration, parce que, d'une part, leur langue de transmission

les rendait difficilement accessibles t que, d'autre part, elles n'en-

traient pas dans es essaisde classification de la litterature relati-

ve aux textes itteraires sur a dormition et l'assomptionde Marie1.

Ce sont ces deux homelies, conserveesuniquement, semble-t-il,

en georgien, ou elles sont attribuees a saint Jean Chrysostome -

patronagedesplus accueillants que nollSdesirons aire connaitre.

1. Voir M. VANESBRffiCK,Les Textes itteraires sur l' Assomption avant

Ie xe siecle », n Les Actes apocryphesdesApotres. Christianismeetmonde

pai en,Geneve, 1981,p. 265-285;S.C. MIMOUNI,Dormition et Assomption

de Marie. Histoire des raditions anciennes,Paris, 1995.

Apocrypha 6, 1995,p. 165-177

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B. OUTI1ER

Nous presenterons es manuscrits2,donnerons un bIer aperc;u

des deux textes avant d'en proposer une traduction encore provi-

soire,car elle ne reposepas sur 'edition de l'ensembledes emoins,

puis nons essayerons e dater et localiser cesdeux homelies, que,

par convention, nons appellerons home ie I et home ie II, sans

vouloir aucunement prejuger de l'unite d'auteur ni d'une quel-

conque priorite.

Homelie I

1. -Cette homelie estpresente dans e manuscrit Athos, Iviron

georgien 11, copie probablement au moot Olympe de Bythinie

dans a secondemoitie du xe siecle. Voici la traduction du titre:

«Le 15 (correction, sur: 14), aoDt, repas de la sainte Theotokos.

Lecture. Sermon de notre saint PeTeJean Chrysostome, arche-

veque de Constantinople, pour la louange de notre sainte Reine ~~.

Elle y est suivie de l'homelie II et de la Dormition du Pseudo-Jean

(CANT 170); ces rois pieces n'ont pas ete editees.

2. -Un deuxieme temoin est e plus ancienhomeliaire georgien

date, qui a ete copie au monastere de Saint-Sabasen l'an 864; il

porte la cote Sinal, Monastere de Sainte-Catherine, georgien 33.

L'homelie I estsuivie de l'homelie II. Voici son itre: «Le 15 aoDt,

fete de Marie. Sermon de noire saint et bienheureux PeTeJean

Chrysostomepour Ie trepas pour la sainteTheotokos ~~. e manus-

crit a ete integralement edite par A. Sani3e3.

3. -De celie homelie, il ne Teste, ans e manuscrit Tbilisi, Ins-

titut des manuscrits A-II09, que deux feuillets. La piece est donc

lacunaire du debut et de la fin; elle a ete identifiee par M. van

Esbrreck. Elle etait suivie de l'homelie II. Ce manuscrit du Ixe

siecle provient de Georgie du sud-ouest; nedit.

4. -Le quatrieme temoin date de la secondemoitie du xe siecle

et provient egalementde Georgie du sud-ouest. C'est lui qui a Ie

cycle Ie plus developpe sur la Dormition : pour Ie 13. VIII, un

«Sermon du prohete Jeremie ~~4;our Ie 14,noire homelie II; pour

Ie 15, Dormition du Pseudo-Jean, es ragments de Transitus5, n

2. Pour taus les details concernant es manuscrits, on se reportera a M.

VANESBRffiCK, es Plus ancienshomeliairesgeorgiens.Etude descriptive

et historique, Louvain-la-Neuve, 1975.

3. A. SANI3E,Sinuri mravaltavi 864 c'lisa (L'homeliaire sinai tique e l'an

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167

EUX HOME-LIES PSEUDO-CHRYSOSTOMIENNES

Transitusacephale6,notre homelie I: «Lecture 6. De saint Jean

Chrysostome pour Ie trepas de la sainte Theotokos » et, pour finir,

Ie debut de la deuxieme homelie de saint Jean Damascene sur

l Assomption (CPG 8062). Les Testesde cet homeliaire ant ete

integralement edites7.

5. -K . K ek eli3e signale encore un temoin: l actuel manuscrit

georgien 250 b de l Institut Oriental de l Academie des Sciences

de Russie a Saint-Petersbourg; DOUg avons aucune nformation

sur ce manuscrit nedit.

Homelie II

1. -Est presente dans Ie manuscrit 1:« Sermon du meme pour

Ie trepas de Ia sainte Theotokos}} (inedit).

2. -Egalement dans e manuscrit 2 : « Sermon du meme pour Ie

trepas de Ia sainte Theotokos }} (edite).

3. -Grace a un calcul de proportions, M. van Esbrrecka pu res-

tituer la piece dans Ie manuscrit 3, apres homelie I.

4. -Dans Ie manuscrit 4, elle precede homelie I: «Le 14aout.

A Bethleem, reunion des saintsApotres, quand trepassait a sain-

te Theotokos. Lecture de Ia vigile (Iitt. : avant-fete). Sermon de

saint Jean Chrysostome (edite).

On pent conclure de cette breve presentation des temoins

manuscritsde cesdeux home ies que nons ne sommespas dans de

trop mauvaises onditions d accesau exte, puisque deux des rois

temoins complets des Ix-xe siecles sont edites.

II convient maintenant de presenter brievement Ie contenu des

deux home ies « purs hymnes a la louange de la Vierge »8.

Hometie I

Elle s ouvre par une invitation ala louange (1; nons renvoyons

a la division en paragraphes ntroduite pour faciliter leg renvois),

justifiee par leg annoncesprophetiquesde l incarnation d une vier-

ge (2); leg chairetismoi (4) sont introduits par Ie message de

Gabriel, qui affirme la realisation des annoncesdes Prophetes 5),

puis il y a une reprise des chairetismoi 6). La premiere conclusion

(7) est sylistiquement parallele a l introduction:

6. M. VANESBRffiCk, Op. cit. », in Analecta Bollandiana 91 (1973).

7. T. MGALOBLISVILI,larjuli mravaltavi (L homeliaire de K larjeti), Tbi-

lisi, 1991 avecone mportante introduction,resumeeen anglaisp. 466-490).

8. M. VANESBRffiCK,p. cit., Louvain-la-Neuve, 1975,p. 345.

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168

B. OUTflER

(1) ...Ia Iouange de

Ie sainte Vierge...

Mais je parlerai...

(7) Je veux me taire et me con-

tenter de cette louange de la

sainte Vierge Marie, mais... it

ne me laisse pas me contenter.

Le § 8 introduit un theme nouveau: «Aujourd hui, la Vierge est

transfereede terre en ciel ». 11est d ailleurs necessaire e defendre

l objet de la fete (9). One breve conclusion revient a la «memoi-

re de la toute-sainte Vierge » (10).

Tout se passedonc comme si nous avions une structure concen-

trique presque reguliere (3 et 4 sont inverses) avec, au centre, Ie

mystere de l Incarnation, mais qu un nouveaucontenu, 8-9, avait

dfi etre greffe sur ce texte pour un reemploi :

1 Louange

2 Propheties

3 Gabriel

4 Chairetismoi

5 Propheties

6 Chairetismoi

7 Louange

HomeIie II

Cette fois, nous avons un developpement lineaire, avec t peu

pres les memeselements que dans homelie I.

Le mystere de la fete est enonce, mais des a quatrieme excla-

mation, il n est question que de la matemite de la nouvelle Eve,

avec a citation de Lc 1,28,comme en homelie I 3. Suiventdeschai-

retismoi, au nombre de 25, Ie temoignage des prophetes (II 3,

comme I 2 et 5) et une conclusion sur Ie role de Marie.

Voici a traductionde homelie

Sermon de saint Jean Chrysostome

sur Ie trepas de la sainte Theotokos

i. invitation Ii la louange

Bien-aimes, venez et ecoutez a louange de la sainte Vierge;

comment l enfant a glorifie celIe qui l a engendre, e fils de Dieu

et Dieu, sa mere. Que dirons-nous, oes reres? Avec quelle langue

ou quelle bouche pourrons-nous dire quelque chose qui equivale

a la louer? Car cette Vierge est arrame plus elevee que les cieux

et les traDes et a causede cela, celie mienne langue de la terre ne

pent l exprimer. Mais je parlerai et ne me tairai pas.

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DEUX ROMP-LIES PSEUDO-CRRYSOSTOMIENNES

169

2. Temoignages rophetiques

En effet, au sujet de cette Vierge, MoIse, Ie grand prophete, a

parle ainsi par l'Esprit Saint: «Je viendrai habiter parmi leg

hommes, etc (Lv 26,11-12) ».

Le prophete Osee a dit: «J'ai vu un enfant dans Ie sein d'une

vierge (?) ».

Et Ezechiel vit une porte fermee que personnene franchira, sauf

Dieu, et elle restera fermee (Ez 44,2).

Daniel a dit : « De la montagne, une pierre detacheesans main

d'homme (Dn 2, 34,45»>: c'est l'enfantement sanshomme.

Mais Isale a connu la parole de MoIse aux desobeissants et

nuques-raides (Ex 33,3) qui dit que: «Cette generation est

devoyee, ils n'ont pas de foi (Dt 32,5); c'est pourquoi il clama

ouvertement et dit: «Voici : une vierge concevra et enfantera un

fils et on l'appellera Emmanuel, qui est: Dieu avec nous (Is 7,14;

Mt 1,23) ».

Le message e Gabriel

Quand Dieu vit la race des hommes perdue et assisedans leg

tenebres et leg ombres de la mort (Ps 106, 10; Lc 1,79), l envoya

l'archange Gabriel ala vierge Marie pour lui annoncer a bonne

nouvelle. II vint et illui dit : «Rejouis-toi, comblee de grace Le

Seigneur est avec toi (Lc 1,28). Tu es en effet devenue emple de

l'Esprit-saint et Ie Christ naitra corporellement de toi ».

Chairetismoi

Voila que j'ai ete emu par la bonne nouvelle, surtout par la

bonne nouvelle portee par un archange,et 'offre celie louange a

la sainte Vierge, je dis a l'incorrompue:

Rejouis-toi, pleine de grace Le Seigneurest avec toi (Lc 1,28),

sainte Theotokos Marie

Rejouis-toi, reine eclatante

Rejouis-toi, Vierge, mere de noire SeigneurJesusChrist

Rejouis-toi, arche de la Loi

Rejouis-toi, tente du temoignage

Rejouis-toi, temple du Seigneur

Rejouis-toi, trone du Christ

Rejouis-toi, vasenoble

Rejouis-toi, urne d'or, pleine de manne, de roseeceleste

Rejouis-toi, nuee lumineuse

Rejouis-toi, rempart solide

Rejouis-toi, colonne inebranlable

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170

B. OU1TIER

Rejouis-toi, source de purete

Rejouis-toi, demeure de verite

Rejouis-toi, territoire de foi

Rejouis-toi, perle de verite

Rejouis-toi, pierre precieuse

Rejouis-toi, cherubin et trone du Seigneur

Rejouis-toi, sainte Vierge et demeure du Christ, fils de Dieu, car

Ie prophete Habacuc a dit de toi: «Le soleil s'est eve et la lune

est demeuree a son rang (Ha 3,11) », c'est: «Ie soleil s'est eve»:

Dieu sera enfante par une vierge, « et la lune est demeuree a son

rang » : la vierge demeurera vierge.

5. Predictionsprophetiques

David a dit: «II descendra comme la pluie sur la toison, et

comme la rosee qui mouille la terre (Ps 71,6)».

Jadis MoIse te vit sur Ie mont Sinal comme un buisson non-

consume (Ex 3,2) et Gedeon te connut comme toison (Jg 6) et

David vit comme une rosee qui descendait Ps 71,6), Osee e pro-

clama vierge incorrompue (?), Ezechiel, porte de saintete (Ez

44,2), Daniel, montagne inebranlee (Dn 2,35), Isale te proclama

racine de Jesse Is 11,1), Nathan dit: «Toute chair se rejouira de

l'enfant de la vierge (?), comme te l'a annonce l'archange:

« Rejouis-toi, temple de l'Esprit-saint, trone du Seigneur ».

6. Chairetismoi

Maintenant, no us taus, croyants, rendus sages par Dieu et

savammentenseignes ar les saintesEcritures, nous te confessons

Theotokos et t'adorons, nous clamons et redisons «Rejouis-toi,

pleine de grace, e Seigneur est avec toi (Lc 1,28)

Rejouis-toi, buissonnon-consume (Ex 3,2)

Rejouis-toi, ciel visible et trone du Seigneur, duquel a brille Ie

soleil de justice (Mal 3,20)

Rejouis-toi, paradis de saintete, qui nous as produit immortali-

te et vie

Rejouis-toi, arbre de vie, par lequel nous vivons tous Car au

commencement e la creation deshommes, e protoplaste, du fruit

de l'arbre qu'il prit pour connaitre Ie bien et Ie mal, il fut trompe

par la femme et en mangea et il fut chassedu paradis, lui et nous

taus. Mais quand a sainte Vierge accueillit de l'ange Ie : «Rejouis-

toi », aussitot e protoplaste, notre peTe,se releva de sa chute et la

malediction de notre premiere mere Eve fut detruite, et elle dit

avec oie : « Tu es benie, fille, car nous, es dechus,avons ete rele-

ves par toi ».

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172

B. OUTnER

qui ment Mais relisons es commandementsde Dieu, que Ie Sei-

gneur nons enseigne: «Honore ton pere et ta mere (Mt 15,4; 19,9

= Ex 20,12)». Le Seigneur ui-meme, plus que tons, n'aurait-il pas

honore sa mere?

Et ce que nons avons dit de la gloire de la sainte Vierge, nons

avons dit un pen de beaucoup, mais l' mmaculee est parvenue a

line plus grande gloire, que ma langue ne pent dire, comme e l'ai

deja dit.

10. Peroraison

Mais, tres chefs,venez, rejouissons-nouset soyons oyeux en a

memoire de la toute-sainte Vierge, car es anges,dans es cieux, se

rejouissent, et nous, sur terre, fils d'hommes, liberes de l'erreur,

faisons ete et offrons gloire et louange du Pere, du Fils et du Saint-

Esprit, a qui est gloire et honneur, puissanceet force de siecle en

siecle. Amen.

Voici maintenanta traductionde 'homelie I

Discours de Saint Jean Chrysostome

1.

Le mysterede la fete

Je vois un mystere,mes reres bien-airnes,etonnant, naccessible

et ires insondable, car aujourd'hui la sainte Vierge est ransferee

de terre au ciel dans une gloire indicible, et leg armees celestes

s'etonnent et disent avec crainte: «Une fille d' Adam, venant de

la terre, devient plus elevee que DOUg.

Les archanges et leg armees des anges contemplent la sainte

Vierge plus elevee que toutes leg principautes et s'etonnent.

Le Cherubin qui se tient et garde l'arbre de vie (Gn 3,24) vit la

sainte Vierge elevee au ciel et dit : « Voila que e me liens et garde.

Est-ce qu' Adam aurait mangede quelque part de l'arbre de vie et

aurait trouve la vie? ».

Les Seraphinsdisaient: «Comment est-cequ'une fille d' Adam

a con~u eur createur, et a causede cela, ceux qui etaient dechus

du paradis ont repris vie? ».

La Vierge devient un Cherubin et n'est plus elevee sur Ie che-

min du paradis, mais sur Ie chemin du ciel. Adam est releve de sa

chute.

Aujourd'hui, Ie deuil, la tristesseet l'affliction d'Eve sont rans-

formes en oie.

Aujourd'hui, l'archangeporte la bonne nouvelle a la sainteVier-

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173EUX HOMELIES PSEUDO-CHRYSOSTOMIENNES

ge et lui rut : « Rejouis-toi, pleine de grace (Lc 1,28), ar tu as con~u

Dieu et Ie Fils de Dieu, tu as gueri la plaie du monde et tu as llu-

mine la race entenebree des hommes ».

2. Chairetismoi

Or moi maintenant,bien-aimes, omme aible de voix et lourd de

langue (Ex 4,10), e proclamebienheureusea sainteVierge, e berns,

glorifie et loue la lampe allumee, nextinguible, et e lui dig :

Rejouis-toi, Marie, sainte vierge, mere de la Lumiere et vase

immacule

Rejouis-toi, Marie, mere et vierge, salvatrice, parce que tu as

enfante Dieu sanscorruption; servante,parce qu'il s'est revetu de

toi de l'image du serviteur En effet, Ie Roi est venu en ta ville et

en est ressorti comme ll'a voulu, et la porte estdemeuree ermee.

Tu as con~usanscorruption et tu l'as enfante de la divinite.

Rejouis-toi, Marie, temple indestructible et saint, comme dit Ie

prophete David: « Ton temple est saint, etonnant de ustice (Ps 64,

5-6)

Rejouis-toi, Marie, colombe sans ache et sansdefaut

Rejouis-toi, Marie, flambeau inextinguible, car par toi DOUg

avons vu Ie Soleil de justice (MI3,20)

Rejouis-toi, Marie, qui as contenu l'Incomprehensible, qui as

porte Ie Fils unique de Dieu sanssemenceet as produit un fruit

qui ne se fletrit pas

Rejouis-toi, Marie, toi que chantent leg prophetes et glorifient

leg pasteurs; eg angesdisent un chant redoutable : « Gloire aDieu

dans eg hauteurs, paix sur terre, bon plaisir parmi leg hommes (Lc

2,14) ».

Rejouis-toi, Marie, par qui leg angessoot en fete, leg archanges

se rejouissent et Ie saint archange Gabriel te porte la bonne nou-

velle et te dit : « Rejouis-toi, pleine de grace, e Seigneur est avec

toi (Lc 1,28) ».

Rejouis-toi, toi qui la premiere enfantes un enfant qui libere de

la malediction

Rejouis-toi, pour la joie de toute ta race

Rejouis-toi, toi qui as enfante la vie du maude entier

Rejouis-toi, vierge incorrompue et bienheureuse, mmaculee

Rejouis-toi, toi qui as enfante sansmariage

Rejouis-toi, toi qui as enfante sanssemence

Rejouis-toi, toi qui as enfante Ie Sauveur,createur de ton peTe

Adam

Rejouis-toi, toi qui sans abeur es mediatrice entre leg hommes

mortels et la divinite

Rejouis-toi, toi qui as enfante un Dieu parfait et un homme par-

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174

B. OUTTIER

fait, que les Mages ant adore, guides par l'etoile

Rejouis-toi, Marie, sainte vierge, car alors que Jean etait enco-

re dans Ie sein de sa mere, il tressaillait, et la lampe adora la

Lumiere sans declin (Lc 1,41)

Rejouis-toi, Marie, sainte vierge, par qui nous a ete donnee la

grace neffable au sujet de laquelle l'apotre Paul a dit: «La grace

de Dieu est apparue pour sauver to us les hommes (Tt 2,11) ».

Rejouis-toi, Marie, sainte Theotokos, de qui est sortie la vraie

Lumiere, notre Seigneur Jesus Christ, qui disait et annon~ait:

«Moi, je suis a lumiere du maude (Jo 8,12) ».

Rejouis-toi, Marie, sainte vierge, de qui ant resplendi lumiere

et salut pour ceux qui siegeaient dans les tenebres et les ombres

de la mort, comme dit Isaie: «Ceux qui siegeaient dans les

tenebres ant vu une grande lumiere (Is 9,2) ». Quelle lumiere?

Notre Seigneur Jesus Christ, lumiere veritable qui illumine tout

homme (Jo 1,9).

Rejouis-toi, Marie, sainte vierge, de qui il est proclame dans Ie

saint Evangile: «Beni soil qui vient au nom du Seigneur (Mt

21,9) ».

Rejouis-toi, Marie, sainte vierge, de qui est sarti Ie vainqueur

de la mort et Ie briseur de l'enfer

Rejouis-toi, Marie, sainte Theotokos, de qui est sarti Ie createur

du protoplaste, Ie destructeur de la seduction et l'acquereur du

royaume des cieux

Rejouis-toi, Marie, sainte vierge, qui as produit la fleur de la

resurrection des marts

Rejouis-toi, Marie, sainte Theotokos, par qui nous avons ete

illumines et qui as fait jaillir pour nous a benediction du Jourdain,

par laquelle Jean et Ie Jourdain soul llumines

Rejouis-toi, Theotokos Marie, par qui toute ame des croyants

en Christ trouve la vie, la multitude des demons est chassee

Propheties

Les prophetes se devancent les uns les autres pour te lauer,

comme dit Ie prophete MoIse; «Un buissonembraseet non-consu-

me etait embrase et ne se consumait pas (Ex 3,2) »; c'est: elle a

enfante Dieu et Ie seinne fut pas corrompu; elle con~ut, et la Vier-

ge demeura vierge ; II sortit, laissa e sein erme. Elle porta sur ses

bras un fils, et personne ne connaissait Ie pere de l'enfant. Elle

devint mere d'un nourrisson, et elle n'avait jamais ete epousee.

L'enfant etait nourri, et on ne trouvait pas de pere. Le champ

devint fertile, dans equel un ouvrier n'avait pas ravaille. La mois-

son advint, et fut moissonneen qui semencen'avait pas ete semee.

Le fleuve coulait, et la source du fleuve etait close. Elle devint

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DEUX HOMELIES PSEUDO-CHRYSOSTOMIENNES

175

mere de l'Unique-enfante, mais ne subit nullement a passion emi-

nine. La Vierge re~ut Ie Roi de tOllSdans sa porte, et il en ressor-

tit et, ni a la conception ni a l'enfantement du grand Roi, la porte

ne s'ouvrit.

II t'a appelee toi, sainte Vierge, «jardin clog et fontaine scelee

(Ct 4,21»>: jardin clog, parce que la faucille de l'ouvrier ne t'a

absolument pas approchee; qu'il pousse comme fleur de Jesse

pour la vie de la race des hommes II t'a appelee «fontaine scel-

lee », parce que Ie fleuve de vie est sorti de toi et a empli Ie monde

entier, et la source n'a jamais manque.

Car Ie prophete Michee clamait a ton sujet et disait : « Et toi,

Bethleem, maisonde Juda, tu n'es nullement Ie moindre parmi leg

princes de Juda, car de toi sortira un prince qui paitra moo peuple

Israel (Mi 5,2) », c'est-a-dire notre Seigneur Jesus Christ, que

Marie, l'epousee du ciel, enfanta a Bethleem, elle Ie temple et la

demeure de l'Esprit-Saint, traDe de la divinite, ineffable tresor du

paradis.

4. Le role de Marie

Car jadis, les anges blamaient Eve, mais maintenant, ils glori-

fient Marie, car elle a gueri 'infirrnite des emmes,a releve sa mere

tombee et a accompagne sur Ie chemin du ciel Adam chassedu

paradis, elle qui a ouvert Ie paradis ferme et y a fait demeurer Ie

larron (Lc 23,43), car par toi, Ie mur-barriere a ete supprime (Ep

2,14), par toi encore, sainte Vierge, la paix du ciel a ete accordee

aux extremites de la terre, par toi, les fils d'hommes sont devenus

des anges et par toi, Ie bois de la croix a resplendi dans Ie monde

entier. Ton enfant y fut cloue, noire SeigneurJesusChrist, et par

toi aussi, a mort fut foulee aux pieds, l'enfer devint captif et par

toi, les idoles tomberent dans Ie monde, la verite a germe de la

terre et la justice est apparue du ciel (Ps 84,12) et par toi, DOllS

comprenons Ie Fils de Dieu Unique-Engendre, que les anges, et

DOllSes hommes, adorons et DOllS isons: « Pere sanscommen-

cement, Fils sans commencement, Esprit-saint sans commence-

ment, une seule divinite, DOllSe glorifions, te louons et t'adorons,

maintenant et toujours, de siecle en siecle. Amen.

*****

Maintenant que nous avons fait connaissanceavec ces textes,

nous pouvons nous poser plu;sieursquestions. D'abord: I'auteur

en est-il Jean Chrysostome? Quiconque connait tant soil peu son

style n'hesitera pas a repondre: «Non », mais ajoutera aussitot:

« Cet auteur -ou : ces auteurs -connaissent Chrysostome et des

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177

EUX HOMELIES PSEUDO-CHRYSOSTOMIENNES

retismoi extraits de CPG 6680, homelie attribuee a Antipater de

Bostra. Les propheties II 3 font se succederun emprunt a Hesy-

chillS de Jerusalem (CPG 6569) -demarque par Chrysippe de

Jerusalem (CPG 6705) -puis la fin de l homelie attribuee a Epi-

phane, CPG 3771.

II faut probablement conclure de ces faits que noire auteur ou

nos auteurs soul des pseudo-Chrysostomepalestiniens, sinon hie-

rosolymitains.

Cela DOllSnvite a comparer es textes bibliques de nos homelies

avec les lectures de la liturgie de Jerusalem. Peu de points de

contact -et ils soul obliges -avec les textes pour Ie 15 aoilt: Is 7,14

et Ez 44,2 horn. I 2; Lc 1,41-horn. II 2. Par contre, les references

abondent avec l Annonciation et la Noel. II y a un parallelisme

interessant entre nos homelies et les textes du Iadgari georgien -

traduction de la liturgie grecque de Jerusalem, ci, des hymnes-

pour Ie 15 aoilt: «Aujourd hui, Ie temple terrestre du Dieu- Verbe

est ransfere dans a Jerusalemd en-haut... il devient nvisible a ce

monde-ci» et horn. 18; «Un sein a compris l lncomprehensible»

(Sanctus) et horn. II 2.

Nous sommesdonc amene a formuler l hypothese suivante : ces

deux homelies out ete primitivement des homelies de la Memoi-

re de la Vierge: «Fetons la memoire de la sainte Vierge (I 7) ;

Soyons joyeux en la memoire de la toute-sainte Vierge (I 10) ».

Puis, quand la fete est devenue un natalis,qu on a eu un vrai Tran-

situs, es textes out ete adaptes « Aujourd hui, la Vierge est rans-

feree de terre en ciel (I 8); Aujourd hui, la sainte Vierge est rans-

feree de terre au ciel (II 1) »1°.

En conclusion, nous devons etre reconnaissantsa la tradition

georgienne, a genIea nous avoir conserveces home ies de la tra-

dition de Jerusalem, qui nous montrent ce qu a dO etre la predi-

cation courante : comment un homeliste pouvait piller habilement

sespredecesseurs t transformer la matiere qui lui venait de la tra-

dition, pour l adapter au developpement de la liturgie vivante.

hypothese repose sur S.C. MIMOUNI,op. cit., Paris, 1995.

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David W PAD

Harvard University

THE GENRE OF THE ACTS OF ANDREW

Les Actes apocryphesdesApotres sont generalement lasses ans a cate-

gorie desnouvelles.Dans cet article, ' auteurse demande i une telle conclu-

sion est toujours fondee en examinant un de cesActes -les Actes d'An-

dre. Utilisant un modele relationnel commegenrede classification,l essaye

de situer lesActes d'Andre dans a lignee desbiographies desphilosophes.

Des aspects e la structure et du contenu desActes d'Andre sont analyses;

et e Sitz im Leben de ce travail estaussidiscuteen relation avecsongenre.

Dans la derniere partie, la relation generique entre les biographies et les

nouvellesest notee.

The Apocryphal Acts of the Apostleshave generallybeen ocated with-

in the genre of novels. In this paper, the author attempts to question the

validity of sucha conclusion by examining one of theseActs -the Acts of

Andrew. Utilizing a relational model of genre classification,he attempts o

locate the Acts of Andrew within the trajectory of the biographies of

philosophers. Aspects of both the structure and content of the Acts of

Andrew are examined;and the Sitz rn Leben of his work is also discussed

in relation to its genre. n the inal section, he generic relationshipbetween

biographies and novels s noted.

L Introduction

In his introduction to the second and third century Acts of the

Apostles, Schneemelcher oncludes hat theseActs "are connect-

ed in various ways with the hellenistic novel" and one "probably

cannotregard the Vitae of the philosophersasa model for the Gat-

tung of the AGG [Apocryphal Acts of the Apostles]" . While

most, f not all, of the scholarsworking on the texts of these Apoc-

1. W. SCHNEEMELCHER, Second and Third Century Acts of Apostles:

Introduction", in W. SCHNEEMELCHER- . McL. WILSON (ED.), New Tes-

tament Apocrypha, vol. 2, Louisville, 1992, p. 82-83.

Apocrypha 6, 1995, p. 179-202

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180

D. W. PAD

ryphal Acts agree with Schneemelcher concerning the genre of

these Acts2, his consensuss by no meansbeyond dispute. In this

paper, I shall examine one of these Acts, the Acts of Andrew

(AA), and attempt to make an appeal o scholars o reconsider he

possibility of including this work within the genre of biography

and more specifically biography of philosophers . In doing so, I

do not claim to have obtained proofs that AA is indeed a biog-

raphy of a philosopher; nevertheless, I hope that this study will

show that we should not eliminate the genre of biography in our

consideration of the genre of the individual Acts. Furthermore, I

do not intend to present a comprehensive discussion of every

aspectconcerning he genre of AA; my goal is simply to examine

the relevant material in an attempt to highlight a neglected aspect

in the previous discussionof the genre of AA3.

First, the generalpractice of genre criticism will be discussed. n

the main section of this paper, I shall attempt to locate AA with-

in the trajectory of the biography of philosophers. In doing so, I

shall provide a brief introduction to the Greco-Romanbiographies

of philosophers, ollowed by a discussionof the genre and the Sitz

im Leben of AA as a biography of a philosopher. Finally, the

generic relationship between ancient novel and biography will be

briefly discussed.

2. For a detailed discussionof the history of research,seeJ.-D. KAESTLI,

 Les principales orientations de la recherchesur es Actes apocryphesdes

Apotres, , in F. BOYaN ED.), Les Actes apocryphesdesApotres: chris-

tianisme et monde palen, Geneve, 1981,p. 57-67; and V. BURRUS, hasti-

ty asAutonomy: Women n the Stories of he Apocryphal Acts, Lewiston,

1987,p. 7-24. Pervo's conclusion (Profit with Delight: The Literary Genre

of the Acts of the Apostles,Philadelphia, 1987,p.135) represents he opin-

ion of many when he concludes hat generically, they [AAA] are repre-

sentativesof a subgroup within the broad category of the ancient novel .

3. In this paper I shall follow the reconstruction of J.-M. PRIEUR,Acta

Andreae, 2 volumes, Turnhout, 1989, n treating the AA and the Acts of

Andrew and Matthias (AAMt) as two separateworks. For further infor-

mation concerning the reconstruction of the text of AA, see he discus-

sion between D. R. MacDonald and Jean-Marc Prieur in Semeia 38

(1986), p. 9-39. Prieur has provided a further defense of his reconstruc-

tion in Acta Andreae.

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181

E GENRE OF mE ACfS OF ANDREW

2. Genre Classification

In general erms, genre can be understoodas a contract between

the author and the reader to guide the interpretation of the text4.

It provides a context in which signals can be communicated and

interpreted. With a proper understandingand agreementbetween

the author and the readers through a common recognition of the

generic form, the readers can derive meaning out of the signals by

means of such proper expectations.

More specifically,genre refers o a group of literary works relat-

ed to one another by some kind of shared resemblance.There is

little agreementamong iterary theorists, however, concerning he

criteria that determine generic memberships. n this paper, both

formal and thematic elementswill be noted in highlighting he sim-

ilarity between AA and biographies of philosopher.The study will

begin, however, by concentrating on an examination of the text of

AA; and a detailed list of criteria with which to measure the text

of AA will not be used.

A strict set of external criteria can be used only if one maintains

a static understanding of genre classification. It should be noted,

however, that genres continue to mix in their development.

Despite the presence of strict rules about purity of genres, both

classicaland neo-classicalworks witness o the mixing of genres6.

Here, Downing's question s most appropriate: the question must

be asked whether many or indeed any first-century hellenistic writ-

ers once out of school paid more than lip-service to such ideal

recipes and theoretical distinctions ?

Instead, generic definitions should be understood in relational

terms where the relative similarities between literary works are

noted. We should note not only that authors go beyond the strict

4. For the definition of genre, I am indebted to W.G. DoTY, The Con-

cept of Genre in Literary Analysis , in SBL Proceedings 1972),p. 413-

448.

5. For a discussion of the history of genre criticism, see P. HERNADl,

Beyond Genre: New Directions in Literary Classification, Ithaca, 1972.

6. SeeA. FOWLER, inds of Literature: An Introduction to the Theory of

Genresand Modes,New York-Oxford, 1982,p. 170-90.

7. F.G. DOWNlNG, Contemporary Analogies to the Gospels and Acts:

'Genres' or 'Motifs' ? , in C.M. TUCKElT (ED.), Synoptic Studies,

Sheffield, 1984,p. 53.

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182

D. W. PAa

rules of literary genres, but also that various genres develop

throughout history. The complexity of suchdevelopmentsshould

be highlighted and the frequent intersections between different

genres should be expected. Here, one must agree with Doty who

suggests hat the primitive Christian literary genres can best be

comprehended by the approach which locates them not in terms

of absolute generic identity but as positioned upon particular

generic trajectories prevailing in Greco-Roman Hellenism 8.

Only with such an understandingof genre classificationcanone

begin to examine he genre of AA. First, when one argues hat AA

belongs o the genre of biography, his does not imply that AA will

fit the ideal type of this genre. It only suggests hat AA can be

understood as an extension of the works that have been consid-

ered as biographies. Second, n light of the fact that generic dis-

tinctions are vague, he presenceof novelistic elements n AA does

not necessarily ule out the possibility that it belongs o the genre

of biography.One can evenargue that AA is a biographicalnovel9.

The purpose of this paper is simply to highlight the affinities of

AA with Greco-Roman biographies of philosopher (although its

differences with the ancient novels will also be noted when appro-

priate )1°.

3.The Location of Acts of Andrew within the Trajectory of the

Biographies of Philosophers

3.1.

Greco-Roman iographies ofPhilosophers

In the words of Cox, ancient biography is unique in concen-

trating on the life of a single personality and its panegyrical ten-

dencies o exaggerate he accountof that person'sachievements 11.

8. W.G. DoTY, op. cit. , in SBL Proceedings 1972),p. 414.

9. This point will be further developed in section four of this paper.

10. It should be noted here that the role of the oral traditions behind the

individual units and the influence of the oral structure of these units on

the literary form of the Apocryphal Acts should also be examined. Due

to the limit of this paper,a further discussionof the relationship between

orality and generic analysiswill not be provided here. SeeC.M. THOMAS,

 Word and Deed: The Acts of Peter and Orality , in Apocrypha 3 (1992),

p. 131ff.

11. P. Cox, Biography in Late Antiquity.. A Quest or Holy Man, Berke-

lev. 1983. D. XIII.

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183

IB GENRE OF mE ACTS OF ANDREW

Hellenistic and Greco-Roman biographers wrote lives of politi-

cians, emperors, generals,philosophers and other significant fig-

ures. Lives of politicians tended to remain close o political histo-

ry while lives of philosopherswere idealized and often used by one

school of philosophy as propaganda against other groups12.

Although some form of biographical writings is attested in the

fifth century BCE, the word biographia does not appear until

Damascius' Life of Isidorus, written in the fifth century CEoThe

description used from the Hellenistic age onwards was simply f3LOL

or vitae13.Greco-Roman biographies that circulated alone and for

which we have significantportions include: Satyrus,Life of Euripi-

des (3rd c. BCE); Andronicus, Life of Aristotle (ca. 70 BCE);

Nicolaus of Damascus,Life of Augustus (1st c. BCE); Tacitus, Life

of Agricola (98 CE); the anonymous Life of Aesop (2nd c. CE);

Lucian's Life of Demonax,Life of Alexander,and Passing of Pere-

grinus (ca. 180 CE) ; Philostratus, Life of Apollonius of Tyanna

(216 CE); and Porphyry's Life of Pythagorasand Life of Plotinus

(3rd c. CE). Greco-Romancollectionsof biographies nclude: Cor-

nelius Nepos, Lives of Great Generals 1st c. BCE); Plutarch, Par-

allel Lives (100 CE) ; Suetonius, Lives of the TwelveCaesars 120

CE) and Lives of Illustrious Men (110 CE); and Diogenes Laer-

tius, Lives of Eminent Philosophers 3rd c. CE)14.

Concerning the subject of the biographies of the philosophers,

the divine statusof the philosophercan be seen n many of these

works 15. n the words of Talbert, the proper model for under-

standing the role of a founder of a philosophical school in antiq-

12. P. Cox, op. cit., Berkeley, 1983, p. IV The earliest known propagan-

distic biography was written by Aristoxenus of Tarentum, a fourth-cen-

tury BCE Pythagorean whose life of Pythagoras was written in conscious

opposition to the Platonists. For a further discussion of this aspect of the

function of biographies, see section 3.3 of this paper.

13. See A. MOMIGLIANO, The Development of Greek Biography., Cam-

bridge/MA, 1993, p. 12ft. This nomenclature is clear from its use on man-

uscripts (Satyrus' B[wv 'Avaypa<jlll) and in ancient references to such

works, e.g., Eunapius' comment that Lucian AllI1WVaKTOS jIlAOcr6<j>OU...

f:I[ov avEypaI/JEv Eun. VS 454).

14. For a more detailed list which includes Jewish and Christian biogra-

phies, see C.H. TALBERT, Once Again: Gospel Genre , in Semeia 43

(1988), p. 54-55.

15. For a detailed discussion, see R. GOULET, Les Vies de philosophes

dans l' Antiquite tardive et leur portee mysterique , in F. BOVON (ED.),

Les Actes apocryphes des Apotres : christianisme et monde pai'en, Geneve,

1981, p.161-208.

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D.

W. PAO

uity is a religious, not an academicone"16.For example, Pythago-

ras was claimed to be no ordinary man, but God17; and he was

believed to have been born of immortal seed18. his understand-

ing of the philosopher is also reflected in Laertius' Lives of Emi-

nent Philosophers19.n thesebiographies, here is no development

of character but the subject s treated as a finished product2O. ur-

thermore, through the mouths of these figures, the teachings of

the philosophical schools are also presented21,

In terms of the form of thesebiographies, t seems hat the struc-

tural framework of ancient biography is simple as it is based pri-

marily on the account of events in a man's life22.The individual

episodesare only loosely inked by chronological notices that pro-

vide a narrative transition from one event to another3.

The boundaries between 3l0~and other genresare flexible, and

the development of 3l0~ tself in the Greco-Roman period pre-

vents us from using a strict set of "generic criteria" in measuring

these works. Therefore, without providing a further discussionof

the boundaries of the biography genre, I shall proceed with the

discussionof AA and examine elements of the text that are simi-

lar to some of the Greco-Roman biographies.

16. C.H. TALBERT, iterary Patterns,Theological Themes, nd the Genre

of Luke-Acts, Missoula/MT, 1974,p. 125.

17. Iamblichus, Life of Pythagoras 28 140-42.

18. Porphyry, Life of Pythagoras2.

19. See, for example, Laertius, Lives of Eminent Philosophers, 2.100; 3.45;

8.66,68,70; 8.41.

20. For a discussion of the portrayal of the subject in these biographies,

see D. R. STUART, Epochs of Greek and Roman Biography, Berkeley,

1928, p.178f.

2L See, or example, Laertius, Lives of Eminent Philosophers,7.1.38,68,

71,79,87,89, 120,121.

22. See P. Cox, op. cit., Berkeley, 1983,p. 55-60 for a discussion of the

forms of these biographies.

23. Scholars such as C.H. TALBERT, Biographies of Philosophers and

Rulers as Instrument of Religious Propaganda n Mediterranean Antiq-

uity", in ANRW 11.16.2 1978), p. 1619-1651,claim to have detected a

more detailed narrative framework in certain biographies of philosophers.

His attempt, however, has been rightly criticized by D. AUNE, The New

Testament n Its Literary Environment, Philadelphia, 1987,p. 79f., since

the framework Talbert uncovered can only be detected in a very limited

number of ancient biographies of philosophers. Similarly, P.Cox, op. cit.,

Berkeley, 1983,p. 54, also claims that "attempts to discern a formal bio-

graphical pattern have failed because the biographies do not fit the

abstract ormulation".

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185

rn GENREOF nrn ACTSOF ANDREW

3.2.

TheActs ofAndrewas a Biography ofa Philosopher

3.2.1. The Role of Andrew in the Acts of Andrew

In AA, Andrew was portrayed as a divine man with the vener-

ation of the crowd. In AAgr 3.9-11, we read those who already

had met Andrew and had seen him at work gave ground, fearing

him like some god (Ws TLVL 6E~ </>O(30VI.lEVOL) 24.uch emphasis

on the adoration Andrew received can be found throughout Gre-

gory's Epitome (GE). For example, in GE 9.9-10, we read the

blessed apostle passed by with his entourage unscathed, for the

entire throng threw away their swords and adored him 25.

Furthermore, the passage n AAgr 37.1-4should also be noted

as one discusseshe portrayal of Andrew as a divine man:

At the usual time, Maximilla again went with Iphi-

dama to Andrew. Putting his hands on her eyes and

then bringing them to her mouth, she kissed them and

began to seek his advice about every aspect of

Aegeates' ultimatum.

In this passage,with the comparison with other texts26, ne can

detect an attempt by Maximilla to establisha direct contact with

the hero, to participate in his divine power, and to obtain some

part of the supernatural hat emanated rom the apostleAndrew27.

Again, the portrayal of Andrew as the divine man can be seen.

It seems hat the adoration and the understanding of Andrew

as a divine man are rooted in the miraculous deeds Andrew per-

formed. These acts were best summarized by the words from the

mouth of a servant of Aegeates (AAgr 25.1-5)

There is a certain stranger sojourning here who has

become renowned not only in this city but throughout

24. In this paper, will use Prieur's designation of AAgr as referring his

reconstructed Greek text of AA and I will follow his division of chapters

and lines. For the English translation, I will use MacDonald's translation

(The Acts ofAndrew and theActs of Andrew and Matthias in the City of

the Cannibals,Atlanta, 1990,p.181-449) when his reconstruction agrees

with Prieur.

25. See also GE 4.30-31; 11.15-16; 12.2-3,39-40; 13.17-18;15.16-17.

26.E. JUNOD-J.-D.KAESTLI, cta Iohannis,vol. 2, Turnhout, 1983, . 436-

437.

27. See J.-M. PRIEUR,Acta Andreae,vol. 2, Turnhout, 1989,p. 302-303.

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186

D. W. PAO

Achaea. He performs great miracles (8UVclJ.lEll;

J.lEYLcrtal;)nd cures exceedinghuman strength,as I in

part can corroborate in that I was presentand sawhim

revive corpses.

Such emphasis on the divine power of the hero is an element

one frequently finds in biographies of philosophers. In the words

of Cox, biographers of Late Antiquity thought divinity to be a

distinguishing characteristic of the philosopher 2B. n one sense,

the philosopher. ..had become a holy man in the eyesof his fel-

lows, and his prestige was such that admirers were able to make

extravagant claims for his abilities 29.As a result, the great wis-

dom and noble character of the philosopher are augmented,and

sometimesovershadowed,by specific qualities and talents linking

him to divinity 3°. The similarities between the depiction of the

lives of philosophers n biographiesand Andrew in AA should not

be underestimated. In both cases,one finds a divine man per-

forming miracles and being adored and honored as one who pos-

sesses pecialpower31.

While Junod doesacknowledgehe presence f dramaticelements

in the Apocryphal Acts, he makes the distinction between the

philosopher and the apostle in that the apostle simply utilizes his

power to accomplish he divine plan32. urthermore, Junod argues

that unlike the philosophers n the biographiesof philosopherswho

are becomingdivine, the apostle s only assisted by God33. hese

28. P. Cox, op. cit., Berkeley, 1983,p.17.

29. P. Cox, op. cit., Berkeley, 1983,p. 19.

30. P. Cox, op. cit., Berkeley, 1983,p. 19.

31. Outside of miracles, Andrew is presented with remarkable character-

istics. In GE 11.18we read that the face of the blessedapostleshone ike

the sun to such a degree that all were amazed and honored him. Fur-

thermore, in AAgr 59.7-10, we find the following description: they

observed his [Andrew's] nobility, the adamanceof his thought, the sheer

abundance of his words, the value of his exhortation, the stability of his

soul, he prudence of his spirit, the firmness of his mind, and the precision

of his reasoning .

32. E. JUNOD,Les Vies de philosophes et les Actes apocryphes on des-

sein similaire ? , in F. BOVON ED.), Les Actes apocryphes desApotres:

christianismeet monde palen, Geneve, 1981,p. 215: Le philosophe,dans

sonetre propre, s'assimileau divin; il disposede pouvoirssurnaturelspour

se es etre acquis.L' apOtre,en revanche, sed one 8walllS' qui est iee, non

a sa propre personne,mais a l'accomplissement de l'economie divine .

33. E. JUNOD, op. cit. , in F. BOVON ED.), Les Actes apocryphes des

Apotres: christianisme et monde paien, Geneve, 1981,p. 218: Dans les

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THE GENRE OF mE ACTS OF ANDREW

187

distinctions between he subjectof the biographiesof philosophers

and the subjectof AA with regard o the utilization and appropria-

tion of divine power cannotbe maintained,however.From the text

of AA, one cansee hat Andrew is portrayed asutilizing the divine

power and was himselfhonored assomeone ike God. Furthermore,

in the case of AA, the role of the divine plan is not sufficient to

explain he prominenceof the role of the apostleAndrew34. n short,

one can only agree with Achtemeier in concluding hat the apos-

tles, however much their power may be attributed to Christ, never-

thelessoccupycenterstage n the drama 35. his may n turn explain

the lack of an explicit Christology n the text of AA.

The Revealer n theActs ofAndrew

Not only is Andrew portrayed as a divine man, he is also a

revealer whose speeches orm a major part of AA36. Andrew's

unique role as a revealer again shows he importance of Andrew

as more than merely an ordinary character. Such revelation

requires Andrew to be a unique revealer : I have handed over to

you words which 1 pray you received in the way the words them-

selveswould want (AAgr 48.7-9). Furthermore, the divine origin

of Andrew's message is reflected from the statement that

 although he has eaten nothing, he has glutted us with his words

(AAgr 57.18-19)37.

Vies de philosophes, on voit un homme devenir divin; l'assimilation it

Dieu estune assomption.Dans les Actes apocryphes,on voit deshommes

secouruspar Dieu .

34. In examining the Acts of Paul, R. BAUCKHAM,The Acts of Paul as a

Sequel o Acts , in W.W. Bruce-A. Clarke (Ed.), The Book ofActs in its

First Century Setting,Grand Rapids, 1993,p.142, essentially eaches he

sameconclusion.

35. P.J. ACHTEMEIER,Jesusand the Disciples as Miracle Workers in the

Apocryphal New Testament , in E. SCHOSSLERIORENZAED.), Aspects

of Religious Propaganda n Judaism and Early Christianity,Notre Dame,

1976,p. 174.

36. Since Gregory's Epitome has intentionally eliminated Andrew's

speech, his section will be based on the Greek text for the account of the

ministry and martyrdom of Andrew at Patras.

37. This point is made by F. BOYaN, The Words of Life in the Acts of the

Apostle Andrew , p. 8 (Unpublished translation of F. BOYaN, Les

paroles de vie dans es Actes de l'Apotre Andre , in Apocrypha 2 (1991),

p.99-117).

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189

IB GENRE OF nIB ACfS OF ANDREW

Further Platonic nfluencecanbe detected n other speeches.

This s apparentn the followingpassageAAgr 47.5-13):

I have urged you to pursue things that are stable,

and to flee from all that undulates. Look, not one of

you stands irm, but everything-including human con-

ventions-is in flux. This happensbecauseof the une-

ducated soul'swandering into nature and retaining the

pledges of its mistake. Therefore, I consider blessed

those who have obeyed the words preached and who

through them observe, as in a mirror, the mysteries

concerning their proper nature, for the sake of which

all things were constructed.

Such a speech certainly reminds one of the philosophical dis-

course. The role of Andrew as a type of philosopher and the inter-

est of AA in philosophical activities are also reflected from a num-

ber of texts. In GE 17.16, we are told that even philosophers

would come and debate with him [Andrew], and no one could

oppose his teaching. In AAgr 1, Stratocles was portrayed as a

philosopher and Andrew's comment on Stratocles inner self

implies a comparison between Stratocles' beliefs and Andrew's

true philosophy (AAgr 7.16-18):

Whatever his [Stratocles' inner self's] former phi-

losophy «j>lAooo<j>la),e now knows that it was hollow.

He sees that it is destitute and worthless. Now he learns

that it promises nothing essential. Now he admits that

it pledges nothing useful.

From this, one can see that while Andrew is portrayed as a

unique revealer,he is also depicted as a philosopherwhosespeech-

es convey he true philosophy.

In the previous section (3.2.1), we have examined the unique

portrayal of Andrew as a divine man. In this section, the impor-

tance of speechesand the role of Andrew as a revealer is high-

lighted. These wo sectionscomplement each other as he life and

activities of the subject are combined with his teachings n order

to illuminate the essence f the person. This emphasison both the

lives/ activities and teachings of the subject s a typical feature of

the biographies of philosophers.Furthermore, in the words of Tal-

bert, in antiquity juxtaposition of a philosopher's ife and teach-

ing/works served as an inte~retative clue and as a legitimation

for his philosophical stance 4

42.C.H. TALBERT,Biographies of Philosophersand Rulers as Instrument

of Religious Propaganda n Mediterranean Antiquity , in ANRW 11.16.2

(1978),p. 1642.

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190

D. W. PAO

The Martyrdom Narrative in the Acts of Andrew

In AA, the emphasis on the martyrdom of Andrew cannot be

ignored. Like the Gospel of Mark, one can almostdescribe AA as

a passion narrative with a long introduction43. Parallels to this

emphasis on the martyrdom can be more easily located in bio-

graphical iterature than in ancient novels. Historically, in the late

Hellenistic and early Roman periods there was an ncrease n the

emphasis on violent death and martyrdom in biographical itera-

ture44. his is reflected in the numerousanonymous ives of Greek

poets, in the lives of philosophers by Dionysius Laertius (ca. 3rd

c. CE), and in the depiction of Israelite prophets in the anonymous

Lives o/the Prophets (ca. 1st c. CE). Plutarch's life of Coto the

Younger ocuses on his death, and other short lives emphasizing

the death of famous men (a kind of martyr literature) were writ-

ten at the end of the first century CEo

According to Aune, one of the forerunners of biography was

the epic tradition celebrating the valiant deedsof the hero whose

death had rescued him from oblivion and made him memorable,

thus giving him 'individuality '45. The exemplary deathof Socrates

in particular had a powerful impact on ancient biographical iter-

ature. It is these Socratic traditions that one can find behind the

passionof Andrew in AA.

Already in the earlier passages AAgr 1-50), one can ind par-

allels to some Socratic discourses.The Theaetetusprobably lies

behind Andrew's maieutic speeches o Stratocles (AAgr 7-9 and

42-43) and his discussionof the Lord's seal (AAgr 11-12). phi-

dama's visit with Andrew in prison (AAgr 28-30) and Stratocles'

inquiries about the spiritual development of one's soul after

Andrew's death (AAgr 44) call to mind the Phaedo46.

43. The similarities between the Gospel literature and the Apocryphal

Acts should not be ignored. See F. BOYON, La vie des apotres: Tradi-

tions bibliques et narrations apocryphes , n F. BOYON ED.), Les Actes

apocryphesdesAp6tres: christianisme et monde palen, Geneve, 1981,p.

141-58; and D.R. MAcDoNALD, Apocryphal and Canonical Narratives

about Paul , in W.S. BABCOCK, aul and the Legacies of Paul, Dallas,

1990,p. 55-70.

44. See D.E. AUNE, Greco-Roman Biography , in D.E. AuNE (ED.),

Greco-RomanLiterature and the New Testament, tlanta, 1988, . 122-23.

45. D.E. AuNE, op. cit. , in D.E. AUNE (ED.), Greco-Roman Literature

and the New Testament, tlanta, 1988,p. 123.

46. I am indebted to MacDonald for these parallels. See D.R. MACDo-

NALD,ChristianizingHomer: The Odyssey,Plato,and theActs of Andrew,

New York-Oxford, 1994,p. 211-239.

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191

E GENRE OF mE ACTS OF ANDREW

In the later passages f the passion narrative (AAgr 51-64),

one can find further parallels between AA and Phaedo.The par-

allels include the charges againstAndrew, his laughter in spite of

his execution, his teachings on the immortality of the soul, his

refusal to escape rom his death, and the weeping of his friends.

The follow list provides a clearer picture of the parallels between

the two texts47

Plato's Phaedo

84d-e

64-81

64c

64d

96c

64d

64d

64e

67a

67b-c

80d-81a

81a-b

AAgr 55-63

55

56-58

56

56

56

56

56-57

57

57

57

58

58

67d-68a

61-62

The Laughing Martyr

The Immortality of the Soul

-Separation of the body and soul

-Pleasures of eating

-Food and bodily bulk

-Pleasure of sex

-Possessions

-Care for externals

-Fellowship with the body

-Teacher going ahead o afterlife

-Fate of pure souls

-Fate of impure souls

Philosopher Longing for

Release of the Soul

The Death of the Hero and

the Weeping of Friends

117c-d

63

From this comparison,one can probably conclude that the mar-

tyrdom narrative of AA is to a certain extent influenced by the

narrative concerning the death of Socrates.Therefore, while the

presenceof an extended martyrdom narrative points to the affin-

ity with Greco-Roman biographical literature, the parallels

between AA and Phaedo points to a portrayal of Andrew in the

type of a philosopher.This strengthensour evidence n placing AA

within the category of biographies of philosophers.

The Epilogue of the Acts of Andrew

Unlike all other Apocryphal Acts, AA concludes with a post-

script written by the author himself (AAgr 65) :

Hereabouts I should make an end of the blessed

tales (8lll'Y1l~aTWV), cts (TTpa':Ewv),nd mysteries

47. This list is taken from (with modifications) D.R. MACDoNALD, p. cit.

New York-Oxford. 1994.P. 274.

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192

D. W. PAO

(I100TllPlWV)ifficult--or should I say mpossible-to

express. Let this stroke of the pen end it. I will pray

first for myself, that I heard what was actually said,

both the obvious (crVI1cj>avES-)nd also the obscure

(dcj>avwv), omprehensible only to the intellect

(8lavol~). Then I will pray for all who are convinced by

what was said, hat they may have fellowship with each

other, as God opens the ears of the listeners, n order

to make comprehensibleall his gifts in Christ Jesusour

Lord, to whom, together with the Father, be glory,

honor and power with the all holy and good and life-

giving Spirit, now and always, orever and ever,amen.

The epilogue, written in the first person singular,confers on the

work a value of revelation, initiation, and unveiling of the mys-

teries 48.Furthermore, to underline the importance of this work,

the author concludeswith two prayers.The first concerns he accu-

racy for that which have been written down. The secondconcerns

the gifts and the communion of those having received the words.

The content of the work is highlighted by the author's empha-

sis on the distinction between the obvious (aUI1<t>avEr;)nd the

 obscure «i<j>avwv).hese realms (and the distinction between

the two) are comprehensible only to the intellect (8luvOlq).This

phrasepoints to the existenceof a deeper meaningbehind the dra-

matic narratives as they appear on the surface of the text of AA.

Such a use of external forms to express nternal meaning is not

unusual among he biographies of philosophers49.

In addition to the content of this epilogue, the narrative form

also needs to be noted. In his work on narrative asides n Luke-

Acts, Sheeleymakes a comparison between he voice of narrator

in romance novels and biography5O.According to Sheeley, the

most interesting trend in self-consciousasides o be noted is the

strong emphasis on self-consciousnarrators in the genre of biog-

raphy 51.Unlike the narrative asides n biography, the narrative

48. F. BOVON, The Words of Life in the Acts of the Apostle Andrew ,

p.11.

49. E. JUNOD,Les Vies de philosophes et les Actes apocryphes: un des-

sein similaire ? , in F. BOVON ED.), Les Actes apocryphesdesApotres :

christianismeet monde pai en,Geneve, 1981, . 211: Tout comme es Vies

de philosophes, ls utilisent la forme du fecit pour rapporter une expe-

rience religieuse et interieure .

SO.S.M. SHEELEY, arrative Asides n Luke-Acts, Sheffield, 1992.

51. S.M. SHEELEY,p. cit., Sheffield, 1992,p. 94.

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THE GENRE OF THE AcrS OF ANDREW

193

asides of romance show an emphasis on necessarymaterial and

inside views, with less emphasis on self-conscious narration 52.

Therefore, in examining the epilogue of AA (AAgr 65), the sig-

nificance of this self-conscious voice of the narrators should be

understood as an important generic signal53.

Response o Objections

Before concluding his section, I must presenta response o cer-

tain objections concerning designating AA as a biography of a

philosopher. Suchresponse will also provide necessary larifica-

tion concerning he genre itself.

First, based on the issue of authorship, Junod has argued that

there is a major difference between AA and the biographies of

philosophers. According to Junod, the biographies of philosophers

are works of philosophers hemselveswho are disciplesof the sub-

ject of the biography but the same cannot be said of Apocryphal

Acts54. n response o this objection, two points should be made.

First, it is highly questionable whether authorship should be con-

sidered as a generic criterion for biographiesof philosophers. Sec-

ond, Junod's criticism cannot be applied equally to all the Apoc-

ryphal Acts. For AA, we have two important external witnesses

to the authorship of the Acts. Philaster of Brescia (prior to 385

CE) attributed AA to disciples who followed the apostle (PL

12 1200).Another piece of evidencecomes rom Innocent I (early

5th c. CE), in a letter to an Exuperius of Toulouse,who claims that

AA was the work of the philosophers Xenocharides and

Leonidas (Epistle 6.6)55.Taken together, these wo pieces of evi-

dence show that the author(s) of AA may well be disciples of

Andrew who were philosophers hemselves.Although this cannot

be certain becauseof limited evidence, he force of Junod's criti-

cism s thus limited.

52. S.M. SHEELEY,p. cit., Sheffield, 1992,p. 95.

53. Of course,one cannot reacha conclusionconcerninggenreby the pre-

sence of an individual unit alone. Nevertheless, he significance of this

 self-conscious narration should also be considered when one is to dis-

cuss he genre of AA.

54. E. JUNOD, op. cit. , in F. BOVON ED.), Les Actes apocryphes des

Apotres.. christianismeet monde pai en,Geneve, 1981,p. 214.

55. See he discussion n D.R. MACDONALD, he Acts of Andrew and the

Acts ofAndrew and Matthias in the City of the Cannibals,Atlanta, 1990,

p. 48-51.

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194

D. W. PAO

Another objection is the absenceof birth narrative in AA. This

objection again ails since he presenceof the birth narrative is not

an essential element in ancient biographies. Some biographies

begin with the hero's adult ife (for example, Nepos , Miltiades ,

 Aristides , Pausanias )56. he extent of the life portrayed in the

biography is not important as long as he essence f the person s

revealed.

Similarly, the objection that AA does not contain a basic/com-

plete outline of Andrew's life is equally unjustified. Biography does

not aim to give exhaustive historical reporting. It accomplishests

task by selecting whatever events serve to illustrate best the

essenceof the character57.

Finally, there are some who have argued that the individuality

of the main character fails to emerge when one compares the var-

ious Apocryphal Acts. In other words, the failure to see the real

Andrew behind AA has been used as an argument against under-

standing AA as a biography58. This criticism also originates, how-

ever, from a misconception of the genre of biography. In bio-

graphical writings, the author has the freedom to create the

character by the molding of a man's character to a preconceived

model 59. The formation of the subject's character was based on

its propagandistic value. Therefore, the failure to detect the real

Andrew behind the text of AA does not exclude AA from the

biographical genre.

From the above discussion (3.2.1-3.2.5), one can see the simi-

larities between AA and the biographies of philosophers.

Although it is not possible to respond to all possible objections

and to show that AA is indeed a biography through the applica-

tion of a strict set of generic criteria, the above discussion does pro-

vide enough basis for us to reconsider the generic affinities

between AA and the biographies of philosophers.

56. C.H. TALBERT, hat s a Gospel? The Genre of he Canonical Gospels.,

Philadelphia, 1977,p. 56. P. Cox, op. cit., Berkeley, 1983,p. 53,notes that

the heroes of biographies have reached the pinnacle of glory [which] is

evident from the beginning of their biographies,and the stories n the nar-

rative serve to document their multifaceted perfection .

57. See P. Cox, op. cit., Berkeley, 1983,p. 12.

58. See, or example, E. JUNOD,op. cit. , in F. BOVON ED.), Les Actes

apocryphesdesApotres: christianisme et monde paien, Geneve, 1981,p.

214.

59. P. Cox, op. cit, Berkeley, 1983,p. 15.

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195

E GENRE OF THE ACTS OF ANDREW

3.3. The Sitz im Leben of the Acts of Andrew as a Biography of

a Philosopher

In this section, I shall limit myself to a discussionof the Sitz m

Leben of AA as mplied through its generic designation as a biog-

raphy of a philosopher.

The Greco-Roman Biography as Propaganda

In the Greco-Roman era, biographers of philosophers contin-

ued to emphasize he achievements f the mastersof various philo-

sophical schools. Suchdepictions of philosophers not only served

as the models for the perpetuation of particular philosophical

schools, hey were also polemics employed in developing one tra-

dition against he others. Cox has rightly emphasized hat biog-

raphy was from its inception a genre that found its home in con-

troversy 60.Furthermore, since the authors of biographies were

fighting each other, we could say that their heroes had become

emblems in a holy war 61.

This polemical setting can be found in numerous biographies.

For example, in Laertius treatment of Epicurus, the author says

that the biography was written that you may be in a position to

study the philosopher in all sides and know how to judge him 62.

This statement s made in an attempt to defend Epicurus against

attacks regarding such ssuesas he philosopher's overindulgence,

poor writing style, and hostility to other people63.n tqe middle of

his defense,Laertius says, And, as we go on, we shall know this

better from his doctrines and his sayings 64. his is followed by the

summary of doctrine in the three letters and forty maxims. The

polemical/ apologetic intent of such a work is apparent.

Ancient biographies often presuppose worshipping commu-

nities -communities attached to the subject of the biography. It is

to these communities that the lives of the philosophers become

meaningful.Thesebiographiesprovided the basis or the existence

of the community, and they gave directives for the life of the com-

60. P. Cox, op. cit., Berkeley, 1983,p. 135.

61. P. Cox, op. cit., Berkeley, 1983,p. 135.

62. Laertius, Lives of Eminent Philosophers,10.29.See he discussion n

C.H. TALBERT, iterary Patterns, Theological Themes,and the Genre of

Luke-Acts, Missoula/MT, 1974,p. 128ft.

63. Laertius, Lives of Eminent Philosophers, 10.6-14.

64. Laertius, Lives of Eminent Philosophers,10.12.

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198

D. W. PAO

dynamic (or relational) model, however, a particular work can be

located within a particular trajectory without having o fulfill a cer-

tain set of external criteria that were derived from the examina-

tion of some ideal types of sucha genre. Furthermore, an over-

lapping of genre erritories is an expectedphenomenonwithin this

model. It is within this framework that I make an appeal to the

majority of the scholarswho find similarities between ancientnov-

els and the Apocryphal Acts to reconsider he affinities between

one of these acts (Acts of Andrew) and the biographiesof philoso-

phers. Such an appealshould not be taken as a rejection the value

of the works of the scholarswho have worked on this area, since

a strict either / or perspectiveshould be abandonedwhen we exam-

ine at least one of theseActs.

First, many have recognized he difficulty of defining the genre

novel. Pervo has provided us with a working definition72:

Prescriptively defined, the ancient novel was a rela-

tively lengthy work of prose fiction depicting or derid-

ing certain deeds hrough an entertaining presentation

of the lives and experiences of a person or persons

whose activity transcends he limits of ordinary living

as known to its implied readers.

The usefulnessof this definition to delineate the novel genre s

questionable. Bauckham's statement represents the opinion of

many when he states that Richard Pervo, in his attempt to clas-

sify apocryphal and canonical Acts alike as historical novels,

defines he novel so broadly as o include any kind of narrative fic-

tion 73.Pervo himself, however, recognizes he difficulty in pro-

viding a strict set of criteria since here is greater variety in plot,

structure, tone, and style within the group of Greek romantic nov-

els alone than some surveyswould suggest 74.he problem is fur-

ther complicated by the fact that the ancientauthorswere not con-

72. R.I. PERVO, rofit with Delight: The Literary Genreof the Acts of the

Apostles,Philadelphia, 1987,p.10S.

73. R. BAUCKHAM,The Acts of Paul as a Sequel o Acts , in B. W. WIN-

TERand A. CLARKE. ED.), The Book of Acts in its First Century Setting,

Grand Rapids, 1993,p. 140.Seealso the criticism in D.E. AUNE,The New

Testamentn Its Literary Environment, Philadelphia, 1987,p.1S3.

74. R.I. PERVO, p. cit., Philadelphia,1987,p. 105. Similarly, B.E. PERRY,

The Ancient Romances: A Literary-Historical Account of their Origins,

Berkeley, 1967,p. 29,also states hat of all the recognized iterary forms,

the romance, or novel, is by nature the most unbounded and the least

confined in the range of what it may nclude .

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200

D. W. PAO

5. Conclusion

In this paper, I have attempted to (re )introduce the importance

of the biographies of philosophers behind the structure and con-

tent of AA. In utilizing the dynamic model of genre classification,

I am convinced that AA can be justly located within the trajecto-

ry of the biographiesof philosophers,while I do admit that certain

novelistic motifs do exist. In this paper, he conclusionconcerning

the exact generic designation of AA is intended to be ambiguous

since he purpose of this paper s not to prove that AA should not

at the same ime be considered a novelso. n order to draw further

conclusions, a detailed comparison between AA and the ancient

novels is necessary.This, however, is beyond the limit of this

paperS .

so. Nevertheless, did provide some evidence n section3.2 of this paper.

81. There are indeed significant differences between AA and ancient

novels. Due to the limit of this paper, can only refer the readers o the

further discussionn works suchas D.E. AUNE,op. cit., Philadelphia, 1987,

p. 153ff.

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Madeleine COPELLO

CNRS

VERITES ET CONTRE- VERITES

LA VIE DE MANI SELON LES

ACTA ARCHELAI*

The key to understand Mani's life as counted n Acta Archelai ch. 62-

66, is to be found in ch. 61. Here the authot; talking in the iterary fiction

through bishopArchelaos,defineshisparty (the Great Church) and, mpli-

citely, he opposing one (heresy), by using heresiological ools. A mapof

heretic is so layed out in thepolemical speech ofArchelaos. Mani's life, as

countedby the heresiologist, ontains ruths and untruths. By relieving each

elementof its polemical coating, we obtain a quite reliable picture of the

main facts of Mani's life as well as informations on his missionary work.

La clef de l'interpretation de la vie de Mani (Acta Archelai ch. 62-66)

est ournie par la mise au point qui la precede (ch. 61). Maniant des outils

heresiologiques,'auteul; qui dans afiction litteraire s'exprimepar la voix

de l'eveque Archelaus, difinit son camp (la Grande Eglise) et implicite-

ment, e campadverse l'heresie). Une cartede l'heretique,visant ci Mani,

est raceedans e discourspolemique d'Archelaus. La vie de Mani que 'he-

resiologuemet en scene, ontient desveriteset descontre-verites.En debar-

rassant haqueelementde saganguepolemique,on obtientune mageassez

fidele deschafnonsessentiels e a vie de Mani ainsi que des enseignements

sur sa mission.

Les Acta Archelai1 soot Ie premier temoignage connn de I'he-

resiologie chretienne cantle Ie manicheisme2.Rediges, vraisem-

* Cet article est ire d'une communication presentee au College de Fran-

ce Ie 6 avril 1994au Seminaire du ProfesseurMichel Tardieu sur Ie mani-

cheisme.

1. Les Acta Archelai ont ete edites par C.H. BEESON, egemoniusActa

Archelai, Leipzig, 1906 GCS 16). Cette edition tient compte d' un nou-

veau manuscrit latin (Monacensis), decouvert dans une bibliotheque de

l'Italie du Sud par L. Traube en 1903.La bibliographie modeme sur es

Acta Archelai est oin d'etre fiche. Je signale ci un article recent et docu-

mente de S.N.C. LIEu, Fact and Fiction in the Acta Archelai , in Mani-

chaean Studies, n Proceedings of he First International Conferenceon

Apocrypha 6, 1995, fJ.203-234

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M.SCOPELLO

blablement en grec, vers 340, ils sont attribues a Hegemonius,

selon e temoignaged'Heraclien de Chalcedoine,cite par Photius3.

Hegemonius est par ailleurs inconnu.

Le texte grec des Acta Archelai n'a pas ete conserve,mis a part

quelques extraits transmis par Epiphane de Salamine, dans son

Heresie66 contre leg manicheens, edigee en 3764.

En revanche, e texte integral de cette oeuvre a survecu en une

traduction latine, faite vers 365. C'est sur la version latine que se

fonde cette etude5.

Les Acta Archelai connurent un grand succesdans 'histoire de

l'heresiologie anti-manicheenneoccidentale. Le premier Pere de

l'Eglise qui leg cita fut Cyrille de Jerusalem,dans sa Sixiemecate-

chesecontre les manicheens, rononcee en 3486.Les Acta Arche-

lai furent composespeu avant cette date. Leur influence ne faisait

que commencer: la plupart des heresiologuesde langue grecque

et latine se sont inspires de ce texte, et ce jusqu'au Moyen Age7.

L'image qu'eut l'Occident de Mani et du manicheisme a ete en

eifel celIe, malveillante et polemique, construite par l'auteur des

Acta Archelai. Trois elements en ant ete principalement retenus :

Ie portrait de Mani, brosse, tout au fil de l'oeuvre, aux sombres

couleursde l'heretique8,sa vie9 et l'expose d'introduction a la doc-

trine manicheenne du disciple Turbon1O.

Les Acta Archelai se presentent comme la transcription d'un

debat public qui eut lieu dans la ville de Carchara (Carrhe), en

Mesopotamie romaine, dans a deuxieme moitie du IIIe sieclell.

Dans ce debat, l'eveque chretien de la ville, Archelaus, s' oppose

Manichaeism,August 5-9, 1987,Department of History of Religions,Lund

University,Sweden,Lund, 1988,p. 69-88.

2. La refutation du philosophe neoplatonicienAlexandre de Lycopolis est

anterieure (entre 277 et 297). Cf. A. VILLEY,Alexandre de Lycopolis,

Contre la doctrine de Mani, Paris, 1985, . 22.

3. Bibliotheca 85.

4. L' Heresie66a ete traduite et amplementcomrnenteepar C. RIGGI,Epi-

fanio contro Mani, Rome, 1967.

5. Comme es Acta Archelai n'ont pas fait jusqu'a ce our l'objet d'une tra-

duction ni d'un commentaire suivi, j'ai prepare une traduction, accom-

pagnee d'une introduction et de notes, a paraitre aux Editions du Cerf,

Paris,dans a collection Sourcesgnostiques et manicheennes .

6. PG 33,col. 535-604.

7. Parmi les auteurs qui se sont inspires des Acta Archelai, on peut men-

tionner Ie Pseudo-Jerome,Augustin, Theodoret de Cyr, Filastre de Bres-

cia et plus lard, Photius, Psellus et Pierre de Sicile.

8. Voir surtout ch. XIV; 3-4.

9. Ch. LXIV, I-LXV, 9.

10. Ch. VII-XIII.

11. Cf. M. TARDIEU,Art. Archelaus , in Encyclopaedia ranica, vol. II,

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205

A VIE DE MANI SELON LES ACTA ARCHELAI

a Mani, devant quatre juges de religion palenne et une tres gran-

de foule12.

Mani, disent eg Acta Archelai, avait reussia se faire inviter par

un homme tres en vue de la ville, un certain Marcellus13, I espe-

fait Ie convertir et, par son..biais, iffuser son message ans toute

la region. Apres avoir envoye une lettre a Marcellus, annon~ant

quelques points de sa doctrine14, Mani obtient une invitation

pour se rendre a Carchara et se met en route. Pour calmer la

fureur de l'eveque Archelaus, nullement satisfait de la venue de

Mani, Marcellus decide d'organiser un debat public entre leg

deux, de fa~on a ce que l'on juge de la valeur de leurs theories

respectives15.

L'arrivee de Mani a Carchara fait sensation: il est habille a la

mode des Mages perses.L'heresiologue decrit la sceneavec sar-

casme et ironie : Mani, par sa fa~on vestimentaire, revele sa veri-

table nature: c'est un Perse,un barbare, un etranger,un ennemi16

tasc. 3, London-Boston, 1986,p. 279-281;M. SCOPELLO,Notes de geo-

graphie manicheenne les Acta Archelai" [Exposepresentea l'Ecole Pra-

tique des Hautes Etudes, Sectiondes sciences eligieuses,mai 1988dans

le Seminaire de M. Tardieu], in Annuaire de l'Ecole Pratique des Hautes

Etudes, Section des sciences eligieuses96 (1987-1988),p. 301; M. Sco-

PELLO,Simon e Mage prototype de Mani dans es Acta Archelai", Revue

de la SocieteErnest Renan 37 (1989), p. 67-79, surtout p. 69-71 (sur les

toponymes attestesdans es Acta Archelai); voir aussiS. N.C. LIEu, "Fact

and Fiction", p. 76-78.

12. Archelaus n'est pas mentionne dans les listes episcopalesde Meso-

potamie des premiers siecles.La mise en place du debat est racontee au

ch. XIV; les noms des uges sont : Manippus, Aegialeus, Claudius, Cleo-

bulos.

13. Les ch. I-IV tracent la personnalite de Marcellus.

14. Voir le ch. v: Le debut de la lettre rappelle celui de l'Epistula Funda-

menti, transmise par Augustin. Cette lettre fut ameneea Carchara par Ie

disciple de Mani, Turbon, apres un voyage perilleux.

15.Ch.VI.

16. Ch. XIV, 3-4: "Quo ille visa, admiratus estprimo habitus indumenta,.

habebatenim calciamentigenus,quod trisolium vulgo appellari solet; pal-

lium autem varium, tamquam aerina specie,.n manu vera validissimum

baculum tenebatex ligna ebelino; Babylonium vera librum portabat sub

sinistra ala; crura etiam bracis obtexeratcolore diverso,quarum una ruta,

alia velut prasini coloris erat; vultus vera ut senis Persaeartificis et bello-

rum ducisvidebatur." Ct. aussich. XL, 5 : "Persa barbare,non Graecorum

linguae, non Aegyptiorum, non Romanorum, non ullius alterius linguae

scientiamhabere potuisti; sed Chaldaeorum salam, quae ne in numerum

quidem aliquem ducitur" p. 59,19-22... "0 barbare sacerdosMithrae et

conlusor" (p. 59, 27). Sur cette description de Mani, ct. M. SCOPELLO,

"Simon Ie Mage...", p. 73-76.

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206

M. SCOPELLO

Le debat s'engage ch. XV-XLIII) : tout au long de la joute ora-

taiTe,Archelaus assaisonne esargumentscontre Mani d'insultes

parfois tres lourdes. L'eveque est neanmoins conscientde l'indis-

cutable talent de son adversaire.III'admet a contre-creur: Mani,

d'une voix forte et claire savait s'imposer a l'auditoire et Ie capti-

ver 1? .

Archelaus sort vainqueur de ce premier debat. Tout au long de

la dispute, il n'a cessede peindre son ennemi aux redoutablescou-

leurs de la ruse et de la tromperie. Faux Christ et faux prophete,

Mani incame, aux yeux de la cite, Satan en personne.Comparesa

Mani, meme Valentin, Basilide et Marcion doivent etre reevalues18.

Les juges donnent, cela va de soi, la palme de la victoire a

l'eveque Archelaus (ch. XLIII).

Mani est chassede Carchara. II se refugie alors dans un village

des environs, Diodoris, ou il engageun debat avec e pretre de ce

lieu. Ayant pris un mauvais depart -ne se sentant pas de taille a

affronter Mani en one dispute theologique -Ie pretre appelle son

eveque au secours ch. XLIII-LII). Une deuxieme dispute s'enga-

ge alors entre Mani et Archelau$ : l'eveque en sortira encore vain-

queur.

C'est au terme de sa deuxiemedispute contre Mani que l'eveque

Archelaus brosse, pour la foule qui l'ecoute, un portrait de son

adversaire, dans lequel il resume, a sa fa~on (ch. LXII-LXVI), la

vie et les oeuvres ( genus vobis dicam et actum )19. I avait deja

annonce son ntention, par one formule analogue ( quis et unde et

qualis sit ), loTsde sa premiere dispute avecMani20.Toutefois,pris

par la tougue du debat, il n'avait pas tenu parole.

Le compte Tendode la vie de Mani estpreceded'une breve mise

au point (ch. LXI) dans aquelle Archelaus, avant de rentrer dans

Ie vif du sujet, s'adresseau public des ideles, amasses ur a place

du village de Diodoris, dans un but precis: asseoirsapropre auto-

rite, en se situant dans Ie sein de la Grande Eglise, dans sa suc-

cession egitime, dans a tradition apostolique.

Sesarguments aissententendre,meme s'il ne prend pas a peine

de les expliciter, que celui dont il va rapporter les faits et gestesse

17. Ct. aussi e jugement du pretre de Diodoris sur Mani : Re vera enim

vir valde vehemens am sermonequam opere, sed et adspectu pso atque

habitu adparet (ch. XLIV, 4).

18. Ch.XLII, 1 : Et ego quidem beatifico Marcionem et Valentinianumac

Basilidem aliosque hereticos, icut istius comparatione,qui velut intellectu

aliquo usi sunt, qui viderentur sibi omnem scripturam posse ntellegere,et

ita se ductoresstatueruntqui se audire voluissent .

19. Ch. LXII, 1 = p. 90, 9-10.

20. Ch. XXX, 2 = p. 43,2-3.

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207

A VIE DE MANI SELON LES ACTA ARCHELAI

situe en dehors de cette structure ecclesiale,de cette legitimite, de

cette tradition.

11suffit, en effet, de lire a l'envers, les tins apres es autres, les

arguments d' Archelaus pour voir se dessiner ine carte de l'he-

retique.

Dans la premiere partie de cette etude 'entends analyser a mise

au point faite par Archelaus (ch. LXI). Cette analyse n'est pas

inutile: elle fournit en effet les nstruments pour interpreter la sec-

tion suivante de l'expose de l'eveque (ch. LXII-LXVI): consacree

a la vie de Mani, elle constitue la deuxieme partie de cette etude.

I. LA MISE AU POINT

Le ch. LXI21 est un texte tres dense oil I' auteur des Acta Arche-

Lai se sert de nombreux outils heresiologiques pour donner une

definition de son camp (la Grande Eglise). C'est de cette defini-

tion que decoule implicitement celIe de l'heresie, a laquelle est

identifiee la doctrine de Mani.

Le discours de l'heresiologue, qui dans a fiction litteraire s'ex-

prime par la voix d' Archelaus, vise non seulement a personne et

la doctrine de Mani mais aussi a structure qui se dessinederriere

lui, son Eglise.

On rappelle tout d'abord en ce texte l'authenticite de la doctri-

ne d' Archelaus (veritas doctrinae)22, cclame par la foule: il a en

effet remporte a deux reprises,a Carchara,puis a Diodoris, la vic-

toire sur Mani. Doctrina signifie, en ce contexte, a doctrine scrip-

turaire, l'enseignement onde sur eg Ecritures23. a dispute entre

l'eveque chretien et Mani, relatee dans leg Acta ArcheLai, s'est

faite, en effet, a coups de citations bibliques dont leg deux adver-

sairesproposaient, chacun, son nterpretation.

La veritasdoctrinaed' Archelaus implique et sous-entend,a l'in-

verse, Ie mensonge de la doctrine de Mani. Le theme n'est pas

21. Le texte latin du ch. LXI, 2-8 se rouve aux pages89-90de l'edition de

Beeson.

22. Ch. LXI,1= p. 89,5-6. La veritasd' Archelaus a ete auparavant econ-

nue par les quatre juges de religion palenne : Et ideo ipsa veritate edo-

centeclaruit his quae ab Archelao dicta suntpalmam nos debere onferre

(ch. XXIX, 4 = p. 42, 29).

23. En ce sellS,doctrina equivaut au grec didake, didaskalia,qui petit indi-

quer l'enseignement religieux des apotres (par ex., Tertullien, De praes-

criptione 44), mais aussicelui des evequeset des pIetIeS (Jerome,Epftre

46,9,1).

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208

M.SCOPELLO

explicite ici, la terminologie de I'erreur, empruntee a la tradition

heresiologique, est toutefois I un des fils conducteurs des Acta

Archela;z4 et se retrouve egalement dans la vie de Mani qui va

suivre. On peutmettre en opposition25

veritas

#

[mendacium, alsitas, error]

Une grande foule se reunit p()ur ecouter I'eveque. Ces gensne

viennent pas seulementdu village oil se deroulent Ies evenements,

mais de toute Ia province et des regions avoisinantes

Ayant fait faire silence,Archelaus entreprit de par-

ler de Mani en ces ermes : vous avezappris quelle est

notre doctrine et vous avez saisi es argumentsde notre

foi. Dans la mesureou j'ai pu comprendre es Ecritures,

je les ai exposees devant vous. Mais, maintenant, je

vous supplie de m'ecouter dans Ie silence, car e veux

parler tres brievementpour que vous appreniezqui est,

d'ou vient et de quelle sorte est cet homme qui est arri-

ve ici (p. 89, 11-16).

Archelaus souligne trois points au debut de son discours: c'est

par lui que ses ideles ant appris a doctrine, notre doctrine ; par

lui ils ant egalement saisi 'apprentissage de la foi, notre foi ;

enfin c'est toujours par lui qu'ils ant ecoute l'interpretation des

Ecritures.

L'eveque rappelle ainsi a ses auditeurs leg fonctions de son

magistere: l'enseignement heorique des Ecritures (doctrina), la

mise en pratique de l'enseignement (experimentafidei)26 et l'in-

24. Par ex., p. 39, 16; p. 45,16; p. 90, 14; p. 94,28 et passim. L' heresio-

logue lie Ie mensongede Mani it la tuse et it la tromperie heretique. Mani,

quant t lui, accuseegalementde mensongesesadversaires hretiens voir

la Iettre qu'il adresse t Marcellus (ch. V, 2-4), surtout p. 6,21-22: prop-

ter quod ad emendationemgenerishumani missuset subvenienshis qui se

seductionibus atque erroribus tradiderunt haec scripta ad te necessarium

duxi transmittere .

25. Je deduis Ie deuxieme terme de l'opposition, en cet exemple comme

dansceux qui vont suivre,de l'argwnentation d' Arch6laus. Comme l n'est

pas present,de fa~n explicite, dans e texte que e commente, e l'indique

entre crochets CarTes.

26. La formule experimentaidei est d'origine neo-testamentaire.Elle est

calquee sur Ie grec to dokimion respisteosde Jacques1, 3 et de la Prima

Petri 1,7.

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A VIE DE MANI SELON LES ACTA ARCHELAI

terpretation desEcritures. 11 eposedonc non seulementen maitre

(didaskalos)mais en exegete.

Dans l'enchainement qu'il fait entre la doctrine et la foi, Arche-

laus evoque mplicitement Ie dangerque constitue Mani aussibien

pour l'une que pour l'autre. Mani est en effet celui qui a tente de

 devertere Marcel/urn a nostra doctrina et a ide (p. 78, 23). Ce

riche notable chretien etait l'enjeu de la dispute: s'il se convertis-

gait a la doctrine de Mani, toute la province l'aurait suivi27.

A lafides d' Archelaus et des sienss'oppose 'irnpietas (p. 78, 23)

ou la perfidia (p. 90, 16) de Mani. Ces ermes soot ypiques du lan-

gage heresiologique28.

On peutmettre en opposition

(impietas, perfidia]

Archelaus rappelle egalementa son public Ie probleme de l'in-

terpretation des Ecritures (intellegerescripturas: p. 89, 14). Ses

paroles laissent entendre qu'il est autorise a pratiquer l'exegese

scripturaire, puisque, etant eveque, il se situe dans a succession

apostolique. Cet argument mplique, a contrario, que Mani ne l'est

aucunement: son exegesen'a, par consequent,aucune egitimite.

Mani s'insere dans la filiere de l'erreur9, dont il est Ie plus dan-

gereux representant, Archelaus,en revanche, dans a filiere de la

verite.

27. Ainsi au ch. IV, 2 = p. 4, 25-26; ct. ch. LIII, 6 = p. 78,23-26 istum ego

no vi tunc cum ad loci mei partes nprobus advenissetMarcelli viri inclita

gratia, volenseum deverterea nostra doctrina et a fide, videlicet,quo inpie-

tatis huius idoneus efficeretur adsertor . On sait par les sourcesdirectes

que Mani s'adressesouvent aux puissantsdans Ie but de diffuser sa doc-

trine. Ct. M 7 I, en parthe (conversion de Mihrshah) et M 48 I (conver-

sion deTuran Shah et de la noblesse).

28. Pour l'impietas heretica,voir Augustin, De GestisPelagii 5, 15; ct. la

sabelliana impietas dont parle Jerome dans 'Epitre 17,2,2. L'impietas,

l'impiete, l'heresie, s'oppose t la pietas, 'orthodoxie. La perfidia, oppo-

see it la fides, caracterise egalement l'heretique et Ie palen: par ex.

Ambroise (ariana perfidia), De Fide 4,11,154; Jerome, Adversus Rufi-

num 1, 16. Archelaus appelle Maniperfidus en XXVI, 5 = p. 39,4: nolo

moretur hic perfidus, sed am confiteatur dualitatis suae n unum refusam

esse ubstantiam .

29. Sur la diadoke de l'erreur opposee it celIe de la verite, voir A. LE

BOULLUEC, a notion d'heresiedans a litterature grecque, Ie-IIIe siecles,

I-II, Pa.ris,1985,p. 89 ; ct.l'index it erreur .

fides

#

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M.SCOPELLO

AI'

s'oppose

[interpretatio errata

Les paroles d' Archelaus revelent qu'il est conscient du danger

que representaient eg manicheens,subtils exegetesde la Bible30,

pour l'Eglise.

L'insistance sur ce qui est notre , notre doctrine , notre foi ,

doit etre egalement elevee. Par ce martelement d'adjectifs et de

pronoms possessifs,'eveque souligne l'union de sa communaute

et renforce son esprit de cohesion ace a.une menaceexteme, celIe

de Mani et de ses heories. Ceci mplique et sous-entendune atti-

tude d'exclusionvis-a.-vis e l'adversaire: Mani l'heretique est eje-

te hoTS es canting de la communaute chretienne ou il essayaitde

s'infiltrer31, car il est I'autre par excellence. Ses heories en effet

sont alienae.Archelaus ne developpepas ci ce theme, un classique

de l'heresiologie32.lI'avait toutefois fait precedemment,au COUTS

de la dispute:

  Manes adsereret peregrina quaedam et aliena a paterna

traditione (p. 64, 6).

  Scientiam aliam praeter earn quae apostolicaet

ecclesiasticantroducere cupiebat (p. 67, 3).

C'est cette opposition

Nous

#

L'autre

qui permet de classeregalement eg autres elements du discours

d' Archelaus.

Apres ces quelques propos, Archelaus revient au sujet qu'il

envisageaitde traiter : la vie de Mani. 11commence par indiquer

sessourcesd'informations. EIles sont de deux sortes des rensei-

30. Voir M. TARDIEU, Principes de l'exegesemanicheenne du Nouveau

Testament , in M. TARDIEU ED.), Les regles de l'interpretation, Paris,

1987,p.123-146.

31. A ce propos,ch. XLII, 8 = p. 62, 30-32 Et quomodo nunc adstat ste,

persuadenset rogans unumquemqueManichaeum effici et circum venit et

ingreditur domos,deciperequaerensanimas oneratas eccatis? L'activi-

te de la manicheenneJulie a Gaza estdecrite en des ermes analoguespar

Marc Ie Diacre, Vita Porphyri 85.

32. Voir A. LE BOULLUEC, p.cit., II, p. 460-488et index a alterite .

interpretatio vera

#

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M.SCOPELLO

A

harmonia soutenue par l'Eglise

#

[diaphonia] de l'heresie39.

'opposea

L'argument qu'il aborde ensuite (p. 89,32) est celui du nom de

chretien, nom qu'il revendique pour lui et sa communaute ( nous

avons ete appeleschretiens ). Trois autorites soot citees a l'appui

de cette revendication: Ie Sauveur ui-meme, la terre entiere40 t

l'autorite apostolique.Theme classiquede l'heresiologie, a reven-

dication du nom de chretien41, igne de cohesion et de reconnais-

sance a l'interieur de la communaute, implique, par opposition,

que l'heretique, en ce casprecis Mani, n'a pas e droit de porter ce

nom. Il est ainsi exclu, rejete a l'exterieur de la communaute.L'ex-

clusion de Mani est mplicite dans Ie raisonnement d' Archelaus :

on peut mettle en opposition

l'inclusion

#

[I' exclusion]

Cet argument est repris par la suite (ch.LXV, 21-24): les mani-

cheens lit-ii, cherchenta s'infiltrer chez es chretiens, en mettant

en avant Ie nom du Christ. Mani a revetu ses heories d'un vernis

chretien pour persuader es gens d'adherer a sa doctrine42o

Afin de prouver a legitimite du nom de chretien, Archelaus rap-

pelle l'autorite apostolique (p. 89, 33). Ceci lui sert d'enchaine-

ment pour introduire l'argument suivant: Paul (po 90, 1-7).

L'apOtre est decrit par une terminologie emprunteea I Corinthiens

3,10 ( optimus architectusetfundamentum nostrum )43.Le fon-

dement pose par Paul est Ie fundamentum nostrum, d est eccle-

39. Par ailleurs l'heresie, avec sesdissensionsmultiples, est, elle-meme,

aUK eux des Peres,symbole de diaphonia.One seule et unique verite est,

en revanche,symboliseepar l'union de 'Eglise. Sur a diaphonia entre leg

sectesheretiques, voir l'index de A. Le BOULLUEC, p.cit., a ce mot. Cf.

J. MANSFELD,Diaphonia : the Argument of Alexander De Jato Cbs. 1-

2 , in Phronesis33 (1988),p. 181-207.

40.11 s'agit d'une allusion a l'universalisme de l'Egiise.

41. Voir leg pages de A. LE BOULLUEC, p.cit., index a nom (nom des

chretiens) avec eg principales referencesheresiologiques.

42. Homo astutus coepit in nostris Libris occasionesnquirere duaLitatis

suae et ex nostris Libris...adsertionemuamproferre, quaedam n his accu-

sans,quaedampermutans,soLoChristi nomine adiecto .

43. L'optimus architectuspeut evoquer une expressionanalogue,celIe du

Grand architecte, ils de l'Esprit vivant, du pantheon manicheen.Je dois

cette suggestiona Jean-Daniel Dubois.

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213

A VIE DE MANI SELON LES ACTA ARCHELAI

siae (p. 90, 1). L'identification nous-Eglise reprend Ie theme de

l'exclusion de l'heretique de la communaute des chretiens. La

mention qu' Archelaus fait de Paul est egalement significative:

l'auteur des Acta Archelai ne devait en effet pas ignorer l'impor-

tance de l'apotre dans a religion de Mani44.C'est a Paul qu' Ar-

chelaus attribue l'organisation de la structure et de la hierarchie

ecclesiale, dans les moindres details ( il a transmis la loi et il a

ordonne en elle les diacres, es presbytres et les eveques )45.Cet

argument mplique et sous-entend, ar opposition, une critique de

l'organisation ecclesialemanicheenne.Eglise tres structuree, dont

Mani fixa lui-meme les statuts46, lle est source d'inquietude pour

les responsablesde la Grande Eglise :

Ala Grande Eglise

#

[Eglise manicheenne]

'oppose

De la hierarchieecclesiastique, t c'est son argument inal, Arche-

laus souligne a conforrnite a la regie et les elementspermanents p.

90, 5-7), ce qui implique et sous-entendqu'il en va tout a fait autre-

ment dans e campde l'adversaire.A la stabilite de la regle47 'op-

44. Ce texte est t.comparer avec a p. 55, 22-24 Qui senim nostrum spe-

rare poterat persecutoremPaulum et inimicum ecclesiae efensoremeius

ac furorem uturum? et non solum hoc, verum etiam et magistrum,eccle-

siarum conditorem et architectorem . Sur le role de Paul dans Ie mani-

cheisme,voir H.-Ch. PUECH,Saint Paul chez es manicheensd' Asie Cen-

trale , in Sur le Manicheismeet autres essais, aris,1979 l'article remonte

it. 1958), p. 153-167. A Paul s'inspire l'ideal missionnaire manicheen,

exemple de l'apotre itinerant.

45. Ct. 1 TlIDothee 5,17-19; Actes 1,23.

46. Selon M. TARDIEU,Le manicheisme,Paris, 1981,p. 31, Mani compo-

se it.Ctesiphon, en 262-263, es statuts definits de son Eglise. Ct. Kepha-

laion 154 (traduction par M. Tardieu, op.cit.,p. 33): Celui (Jesus)qui a

elu son Eglise en Occident, son Eglise n'a pas atteint l'Orient. Celui

(Bouddha) qui a elu son Eglise en Orient, son election n'est pas arrivee

en Occident. Quant it.mODespoir, e l'administre de fa~on it.ce qu'il par-

vienne en Occident et qu'il soil porte pareillement en Orient mODEgli-

se, e l'administre de fa~on t.ce qu'elle parvienne dans outes les villes et

que sa bonne nouvelle atteigne tout pays . Voir aussiM 5794,en moyen

perse: la religion de Mani est superieure aux autres car il a lui-meme mis

par ecrit ses ondements.

47. Le texte latin fait ressortir Ie cote technique des termes employes:

 Quae omnia bene nobis et recte disposita usque in hodiernum statum

suum custodiunt et permanent apud nos huius regulae disciplinae . Les

chapitres 6, 15, et 21 du De pudicitia de Tertullien presentent tine termi-

nologie identique it.celle employee ci.

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214

M.SCOPELLO

pose en effet l'instabilite de l'heresie qui, selon egPeres,n'a pas de

DOrIne orthOS)48. la duree et a la continuite de la Grande Eglise

s'oppose e cOteephemere et changeantde 'heresie:

[ephemere]

II. LA VIE DE MANI

a. Scythianuset Terebinthe

Ayant assis son autorite, Archelaus arrive enfin au coeur du

sujet: Mani. Je valls exposerai dit-il-l'origine et la conduite de

cet homme qui a jailli it gros bouillons49 usqu'it nous, provenant

de la province des Perses, et qui s'appelle Mani, avec lequel j'ai

desormaisengage,pour la deuxieme fois, une discussion.Mais je

montrerai aussi res clairement d' ou provient sa doctrine (ch.

LXII, 1 = p. 90, 8-11). Puis il ajoute, avec une phrase t effet: cet

individu n'est pas e premier ni l'unique auteur de cette doctrine .

Quel artifice va inventer Archelaus pour etayer son affirmation

et discrediter ainsi Mani? 11va fabriquer de tallies pieces des

devanciersque celui-ci n'aurait fait que copier. Le but d'une telle

demarcheestclair: depossederMani de sapropre doctrine, en 'ac-

cusant de plagiat. Cette accusation ait partie du bagageheresio-

logique50, uquel Archelaus puise volontiers.

L'eveque emprunte ainsi un detour supplementaireet construit,

devant sesauditeurs, a vie des soi-disantpredecesseurs e Mani :

48. Cette critique rut souvent adresseepar les Peres,et tout particuliere-

ment par Irenee de Lyon, aUK nostiques.

49. P. 90,8 : Ex Persarumprovincia ebullivit . Ebullio, jaillir en bouillon-

nant, est employe, au sens figure, pour indiquer les heresies qui se met-

tent a pulluler : Augustin, Contra duas epistulasPelagianorum ad Boni-

fatium 4, 12,32 et Jerome, Commentariorum n epistulamad Galatas312

d. La vermine qui pullule dans es mondes nfemaux, decrits par es textes

manicheens,n'est peut-etre pas etrangere a l'emploi de ce terme dans e

discoursheresiologique.Ebullio pourrait egalementevoquer es rniasmes

de l'heretique (suggestionde M. Tardieu loTS e la discussion e ce texte

au College de France). La formule des Acta Archelai n'est pas sans ap-

peler celIe de 2 Macchabes 1, 12 (V g): ebullire fecit de Perside eos qui

pugnaverunt contra nos .

50. Sur e plagiat heretique, voir A.. LE BOULLUEC,p.cit.,a plagiat . Ire-

nee de Lyon, par exemple,accuse es heretiques d'avoir plagie les philo-

sophes et les pbetes (Adversus Haereses 1,14,1-7).

continuite,duree

#

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A VIE DE MANI SELON LES ACTA ARCHELAI

Scythianus(ch. LXII, 3-7 = p. 90, 12 -p. 91, 11) etTerebinthe (ch.

LXIII, 1-6 = p. 91, 12 -p. 92, 15). Ces personnages,probablement

imaginaires, sont chargesde symboles.

Non une mais trois vies, emboitees I'une dans I'autre, sont

contees par Archelaus devant Ie public qui I'ecoute:

"Un certain Scythianus,au temps des apotres, rut Ie

fondateur et Ie chef de cette secte, comme Ie furent

bien d'autres apostatsqui, poussespar la convoitise de

revendiquer pour eux la primaute, ant ecrit des men-

gangesau lieu des verites, en entrainant dans l'erreur

leg plus simples,selon eur caprice, et dont Ie temps ne

me permet pas, maintenant, de mentionner leg noms

et leg doctrines heretiques. Ce Scythianus, donc, avait

introduit cette dualite qui se contredit d'elle-meme,

concept qu'il tira de Pythagore,comme taus leg autres

partisans de cette fausse doctrine, qui defendent taus

la dualite, se detournant du droit chemin de l'Ecritu-

reoMais ils ne tireront pas davantage de profit. Per-

sonne toutefois n'obtint impudemment plus de credit

que ce Scythianus. I avait introduit, en effet, l'hostili-

te entre leg deux (principes) nengendres et tout ce qui

decoule d'une affirmation de cette sorte. Ce Scythia-

nus etait de gauchesarracene et il prit comme femme

une captive de la Thebaide Superieure, qui Ie persua-

da d'habiter en Egypte plutot que dans egdeserts.Ah

si Ie ciel avait voulu que cette province ne l'eut jamais

accueilli, car, habitant en elle, ayant appris la sagesse

des Egyptiens... il etait en effet, a dire vrai, tres fiche

de dons naturels et de biens, comme ceux qui l'ont

connu nous l'ont aussi temoigne oralement. n eut

d'autre part un disciple, qui ecrivit pour lui quatre

livres, dont il appela 'un Des mysteres,'autre, Des cha-

pitres, Ie troisieme, en revanche, L'evangile et enfin il

appela Ie dernier de taus leg livres, Le tresor. II avait

ces quatre livres et un seul disciple dont Ie nom etait

Terebinthe. Ayant concerte taus leg deux entre eux

pour un certain temps, Scythianus rut d'avis de par-

courir seulla Judee pour aller y trouver taus ceux qui

avaient en ce lieu une reputation de maitre. Mais il

advint qu'il mourut subitement et on n'en fit rien" (p.

90,12-91,11).

La vie de Scythianus,comme celIe de Terebinthe qui va suivre,

meriterait un commentaire detaille; je Ie ferai ailleurs, me limitant

ici a quelques remarques utiles dans Ie cadre de cet article.

Archelaus a recours au angagepolemique qu'il affectionne pour

racorrter a vie de Scythianus.Ce pretendu fondateur et chefSIde

51. P. 90, 13: "sectaehuius auctor etprinceps'

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M.SCOPELLO

secte,qui aurait ete contemporain des apotres, est nsere dans une

filiere heretique jalonnee d'apostats52,au service du mensonge

 falsa pro veris conscripserunt . Leur but a eux tous fut de dever-

teTe impliciores,c'est-a-dire Ie peuple des chretiens53.

Faire remonter aux empsapostoliques'origine d'une hairesiY st

un argumentutilise par es Peres.C'esta cette epoque,par exemple,

qu'aurait vecu Simon e Magicien, ancetre,seloneux, de toute secte

gnostique.Archelaus fabrique ici, vraisemblablementpar analogie

avec Ie gnosticisme, un chef fondateur du manicheismequi serait

contemporain des apotres. Par ailleurs Ie montage que firent les

heresiologues u personnage e Simon,a pu influencerceluide Scy-

thianus dans es Acta Archelai: certains elementsde sa vie recou-

pent en effet de pres ceux de la vie du Magicien54.On note toute-

fois une incoherencechronologique dans e discoursd' Archelaus :

celui-ci,quelques ignes plus bas,affirme qu'il a recueilli des emoi-

gnagesoraux sur Scythianuspar desgensqui l'ont personnellement

connu.Or, res evenements e deroulent veTSa moitie du llIe siecle

comment 'eveque aurait-il pu entendre des emoins ayant vecu au

courant du ler siecle? Cette contradiction vient peut-etre du fait

qu' Archelaus cherche a tout prix a rendre plus credible son argu-

mentation, en faisant etat de preuves et de temoignagesdirects.

De Scythianus, Archelaus brosse un tableau qui veut rendre

compte, a la fois, de sa doctrine et de sa vie. La doctrine est fon-

dee sur la notion de dualitas55, ue Scythianus aurait tiree de

Pythagore.Rendre Ie philosophe responsabledes deviations here-

tiques est un theme que l'on rencontre frequemment chez les

Peres.Qui soot es autres sectatores ui se rallient a la meme orme

de pensee,en s'eloignant de la via directades Ecritures56?Arche-

laus ne rentre pas ici dans Ie detail, mais dans es dernieres pages

52. L'accusationd'apostasie est egalementadresseea Mani dans es Acta

Archelai. Sur I'apostasie heretique, voir A. LE BOULLUEC,p. cit., index

a ce mot.

53. Ce sont en effet les simpliciores l'enjeu ultime de la dispute: cf. aussi

p.6,25.

54. Ceci ressort surtout avec evidence de la version sur a vie de Scythia-

nus donnee dans I' Heresie66 d'Epiphane. Ce dernier brode sur les ele-

ments des Acta Archelai et les enrichit de details romanesquesqui font

songera ceux de la vie de Simon: par exemple, a femme captive des Acta

Archelai devient ici une prostituee comme 'Helene de Simon.

55. Sur Pythagore ancetre des heresies (par ex., pour Clement d' Alexan-

drie et Irenee de Lyon), voir l'index a ce mot de A. LE BOULLUEC,p.cit.

56. Cf. Augustin, De Baptismo 6, 44,86 : sectatores aeresum. a via direc-

ta des Ecritures implique, dans e raisonnement heresiologique,que celie

de l'heretique ne I'est pas. Elle a un caractere ortueux: sur ce theme, e

renvoie a mon article Le renard, symbole de I'heresie dans les pole-

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A VIE DE MANI SELON LES ACTA ARCHELAI

de l'ouvrage (ch. LXVII-LXVIII), il s'etend longuement sur Basi-

lide qui dualitatem istam voluit adfirmare (p. 96, 14) et develop-

pe en ce sellS e systemede ce maitre a penser. Par ailleurs, dans

Ie catalogue d'heresies que Ie manuscrit Monacensis accole aux

Acta Archelai, et qui fait tres probablement partie de cette

oeuvre57,e fil qui unit les heretiquesentre eux estcette meme dee

de dualitas qui impregne aussi bien les ecrits de Cerdon que de

Marcion, de Valentin que de Basilide58.L'opinion selon aquelle

les speculations heretiques, dont celIe de Mani, proviennent de

Pythagore, est ici egalement affirmee: Huius heresisde Pytha-

gorae fonte libatur et commixta magicisartibus astrologia quoque

utuntul; siGutet ipse Pythagorasde his exordium sumit (p. 99, 8-

10).

Archelaus liquide en quelques mots Ie contenD de la doctrine

de Scythianus - il introduit l'hostilite (inimicitias) entre les deux

inengendres, et tout ce qui decoule d'une affirmation de cette

sorte - pour se pencher sur sa vie, aventureuse a souhait. On y

trouve plusieurs ingredients des romans heresiologiques59:'ori-

gine etrangere du penseurheretique (Scythianusest d'origine sar-

racene) une femme aupasse rouble (une captive) d'origine egyp-

tienne60;un sejour en Egypte, pays des sciences e l'au-dela, terre

d'astrologueset de magiciens,oil Scythianusaurait appris a sages-

se du cru61.Ajoutons a cela que Scythianus est un homme fiche -

Archelaus ne dit mot sur 'origine de sesbiens- mais ausside vive

intelligence, donc, doublement dangereux aux yeux du pasteur

chretien62.Meme Ie disciple de Scythianus,Terebinthe63, st decrit

de fa~onambigue: d'abord il en eut un seul. Ensuite, ce fut lui qui

ecrivit pour son maitre quatre livres. Faut-il entendre par la que

ce fut Ie disciple Ie veritable auteur des ouvrages,ou alors qu'illes

ecrivit pour son maitre SODSa dictee? Scythianus, dit toujours

Archelaus, intitula ces ivres Des mysteres,Des chapitres,L'evan-

gile et Le tresor. On reconnait ici les titres de trois des oeuvres de

Mani, attestees aussi bien par les sources ndirectes que par les

miques patristiques contre leg gnostiques , in Revue d'histoire et dephi-

losophie religieuses 1 (1991),p. 73-88 (voir p. 86-87).

57. Ce catalogue se rouve aux p. 98-100de l'edition de Beeson.

58. P. 98,24-27.

59. L'expressionde roman heresiologique est de Michel Tardieu.

60. On developpera ailleurs ces hemes c,?ncemantScythianus.

61. A propos de l' Egypte, la reprise qu'Epiphane fait de cet extrait des

Acta Archelai est haute en couleurs: cf. heresie 66,1-2, trad. C. RIGGI

op.cit.,p. 7-13.

62. Selon la version d'Epiphane, Scythianus est un fiche commer~ant.

63. Cf. C. RIGGI, op.cit.,p.18-23 et notes.

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M.SCOPELLO

temoignages irects64:Mysteres,Evangile, Tresor.Les chapitres ,

mieux connuscomme Kephalaia, ont en revanchepartie de la tra-

dition manicheenne. La mort subite qui frappe Scythianus, a la

veille de son depart pour la Judee, rentre, elle aussi,dans e cadre

des vies des heretiques qui se terminent, souvent, par une issue

fatale65.

Quanta Terebinthe,Archelaus 'exprimeainsi

 Ce disciple-la, en verite, ayant ramasse outes les

affaires de l'autre, prit la fuite et gagna a Babylonie,

province qui est actuellementhabitee par les Perseset

qui esta une distance d'environ six ours et six nuits de

marche de notre pays. Btant arrive en ce lieu, ce meme

Terebinthe fit courir un grand bruit autour de sa per-

sonne, en disant qu'il etait comble de route la sagesse

des Bgyptiens et que, des maintenant, il ne s'appelait

plus Terebinthe mais Budda et que ce nom lui avait ere

impose. Or, il fit semblant d'etre ne d'une vierge et

d'avoir ere nourri par un ange sur les montagnes. Or

un certain Parcus, prophete, et Labdacus, fils de

Mithra, l'accusaient de mensonge et chaque jour il y

avait entre eux un debar tres passionnesur cette affai-

re. Mais pourquoi en dire plus? Bien qu'il fur tres sou-

vent critique, il ne cessait outefois pas de leur expli-

quer ce qui etait avant e temps et au sujet de la sphere

celeste et des luminaires, mais aussi et comment les

ames se separent des corps et de quelle fa~on a nou-

veau elles y retoument et bien d'autres arguments de

cette sorte et encore plus infames de ceux-ci,- c'est-a-

dire qu'une guerre avait ere suscitee contre Dieu au

commencement -, afin qu'on Ie rienne pour un pro-

phete. Du moment qu'il avait ere refute a causede ses

theories, il se retira avec ces quatre livres chez une

veuve. En effet, il ne s'etait fait aucun disciple en ce

lieu a l'exception de cette seule vieille femme qui

devint sa complice. Par la suite, un marin tres tot, il

monta sur une haute terrasse pour invoquer certains

noms que Turbon nous a dit n'etre connus que par les

seuls septelus. Btant donc monte, e ne sais pour quel-

Ie ceremonie ou que ie pratique magique qui etaient

les siennes il monta d'ailleurs seul pour n'etre accuse

par personne,puisque,dans e cas oil il eut menti ou on

l'eut juge un rien, il pensait qu'il aurait ere soumis au

chatiment des archontesde l'air. Comme il remuait ces

chosesen son for interieur, Ie Dieu tres juste ordonna

qu'il soit precipite sous erre par un esprit et, ayant ere

64. Sur ce point, M. TARDIEU, e manicheisme, . 64-67,

65. Par exemple,celIe de Simon e Magicien.

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A VIE DE MAN SELON LES ACTA ARCHELAI

subitementjete du sommet, e corps sansvie rut preci-

pile en bas. La vieiIIe femme alors, compatissante, e

recueiIIit et l'ensevelit au cimetiere" (p. 91, 12-92,5).

La vie de Terebinthe est encore plus mouvementeeque celIe de

Scythianus. Sur elle plane Ie soup~ondu vol66 Terebinthe s'em-

pare des effets de sonmaitre et fuit d'Egypte en Babylonie. Parmi

ces effets il y a, bien sur, les quatre livres. Terebinthe fait ej ,ale-

ment passerpour sienne a sagesse ue sonmaitre apprit en Egyp-

te. Pare de ces connaissances, cquisespar la fraude sinon par ses

propres moyens, l se construit une nouvelle identite dans Ie nou-

veaupays qu'il va desormaishabiter. Son but etant de se aire croi-

re prophete67,l insere danssa biographie desevenementsqui rele-

vent du miraculeux (la naissance 'une vierge et l'education re~ue

par un ange 68. I en va de meme pour son changementde nom:

Ie nouveau, dit-il, lui a ete impose69, robablement par Ie vouloir

d'un dieu. En Babylonie, il s'adonnea des outes theologiquesavec

les depositairesde la culture zoroastrienneet es pIetIes de Mithra.

Ne parvenant pas ales convaincre, il a recours a la magie (invo-

cations de nomina barbara, levitations), mais encore une fois il

echoue et il peTit tragiquement. Archelaus ironise sur Ie peu de

succesqu'eut Terebinthe en Babylonie. Seul une vieille femme,

veuve de son etat, devint sa disciple et sa complice (particeps)7o.

On n'hesitera pas a reconnaitre dans es theories de Terebinthe

rapportees par Archelaus, une esquissede la doctrine des trois

temps de Mani71.Si l'on y ajoute ce qu' Archelaus avait attribue a

Scythianus,on obtient un resume assezprecis du systeme heolo-

gique de Mani.

Par ailleurs, les elements fondamentaux de la penseedes deux

devanciers ecoupent es glandes articulations de l'expose de Tur-

bon sur a doctrine de Mani (Acta Archelai ch. VII-XIII)72. C'est

dans ce texte que l'heresiologue a puise les elements necessaires

pour batir la doctrine des soi-disant "predecesseurs" de Mani.

Quelques elements de leurs vies trouvent une explication dans

celle de Mani. J'y reviendrai, apres avoir illustre la vie de ce der-

flier selon ce qu' Archelaus va enfin raconter.

66. Epiphane developpe l'episode du vol des effets de Scythianus.

67.P. 92,5.

68.P.91,18-19.

69. P. 91, 17 "sed Buddam nomine sibique homen impositum".

70. P. 92, 7.

71. Sur ce point fondamental de la doctrine manicheenne,e renvoie a H.-

Ch. PUECH, e manicheisme, . 284 Ie lecteur y trouvera les principaux

textes, ires des sourcesdirectes et indirectes, occidentales et orientales,

sur la doctrine des deux principes et des rois temps.

72. P. 9-22.

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M.SCOPELLO

b. Mani

On pent illustrer, d une fa~on schematique, eg elements de la

vie de Mani dans ordre donne par Ie fecit d Archelaus. Je leg pre-

sente,divises en quatre sections,sur a colonne de gauche du sche-

ma qui suit. J ai repris textuellement leg termes employes par

Archelaus, en leg liberant toutefois du carcande la narration.

Sur la colonne de droite se trouve, en revanche, moo interpre-

tation des aits exposespar Archelaus : en eg debarrassantde leur

ganguepolemique, on voit se dessiner,avec ine certaine clarte, leg

chainons essentielsde la vie de Mani.

Presque tons ces elements trouvent un echo dans leg sources

directes du manicheisme Mais si certains font allusion a des faits

reels de la vie de Mani, prouves par ailleurs, d autres, en revanche,

ne contiennent qu une part de verite, d autres encore soot des

contre-verites, d autres enfin soot confirmes par d autres textes

mais soot volontairement deplacesdans ordre chronologique par

l heresiologue.

FAITS

TRANSMIS PAR LES

ACTA ARCHELAI

INTERPRETATION

I

La veuveacheteun petit esclave

de 7 aDS:Corbicius.

L ENFANCE

Elle l affranchit et instruit.

L enfant a 12 ans quand la veuve

meurt. II en h6rite les biens et les

4 livres de Scythianus.

LA RUPTURE

11quitte I endroit. 11profite de

I heritage. 11s en va au centre

de Ia vine oil reside Ie roi.

II change de nom: il va s appeler

Mani.

A l age de 60 ans,devenu res savant

dans a sagessee cette egion,

il medite eg4 ivres herites.

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221

A VIEDEMANISELONLESACTAARCHELAI

LES PREMIERS

DISCIPLES

LA REDACTION

DES LIVRES

11 e fait 3 disciples: Addas,

Thomas, Hermas.

11 astiche es livres avec des

theories de son cru ( des contes

de vieille femme ).

11Y appose son nom, ayant efface

Ie nom de Scythianus.

LA SIGNATURE

DES LIVRES

II envoie les disciples avec es livres

a- vers les lieux les plus eleves de

cette province b- vers villes et villages

pour faire des proselytes.

LES

PREMIERES

MISSIONS

LE PARTAGE

DE L'OIKOUMENE

Thomas va en Egypte

Addas en Scythie

Hermas Testeavec Mani

II

Ie depart des disciples

Ie fils du roi tombe malade;

Ie roi pub ie un edit pour Ie faire

soigner(recompense).

MANI

MEDECIN

LARENCONTRE

AVEC LE ROI

Mani se presente devant Ie roi,

assurequ'il guerira l'enfant.

Le roi l'accueille avec bienveillance.

Mais l'enfant meurt dans es mains de

Mani (ou plutot il fut tue).

LA PRISON

e roi jette Mani en prison,

et ordonne qu'on Ie charge d'un talent

de chaines.

LA DIFFUSION

DE LA

DOCTRINE

Le roi fait rechercher es disciples

pour les punir mais ils s'enfuient et

introduisent, lieu par lieu, la doctrine.

Les disciples retournent chez Mani

ils font un compte rendu de leur

mission: ils ont endure des peines

en chaque ieu. Mani les exhorte it

ne lien craindre.

LE COMPTE

RENDU DE LA

MISSION

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222 M.SCOPELLO

III

LA PLACE DU

CHRISTIANISME

LES LIVRES

Par la suite, toujours en prison,

Mani se eve pour parler. II ordonne

qu'on lui achete es livres de la

loi des chretiens.

En effet, les disciples avaient rencontre une

tIes grande opposition surtout en milieu

chretien.

Les disciples se dirigent veTs es lieux ou

l'on ecrit les livres des chretiens. is se

font passerpour des novices. is achetent

tous les livres "de nos ecritures", ils les

amenent t.Mani.

Mani cherche dans ces ivres leg pre-

textes de son dualisme. Il rejette certains

textes, il en altere d'autres.

Puis il exprime son affirmation en ayant

ajoute Ie seul nom du Christ. ("c'est une

ruse pour appater es chretiens"). Ainsi

sesdisciples ne sont plus chasses.

11 eprend l'idee de Paraclet dans e

Nouveau Testament et dit qu'il est

Ie Paraclet.

Apres avoir fabrique ces heories, Man

envoie a nouveau sesdisciples sur es

routes ("ce sont des erreurs forgees de

toutes pieces").

IV

LE SUPPLICE

ET LA MORT

Le roi, apprenant que Mani continue de

diffuser sa doctrine, veut Ie mettre a mort.

Mani s'echappe e prison,ayant

soudoyees geoliers.Un songe'a averti

du danger.

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223A VIE DE MAN SELON LES ACTA ARCHELAI

II se cache dans Ie bourg fortifie

d'Arabion, d'ou il ecrivita Marcellus.

Le roi Ie recherche oujours pour l'arreter.

Par la suite Arch61aussaura que

Mani, capture, a ete amene devant Ie roi.

Voulant venger a mort de son ils et du

gardien, Ie roi ordonne de l'ecorcher,

de suspendre son corps aux portes de

la ville, de goofIer sa peau a l'aide de

drogues, de doDDerson cadavre en

proie aux rapaces.

Les quatre partiesde ce schemameritent quelquespoints de com-

mentaires.

Premierepartie

L'ENFANCE

La premiere information donnee par Archelaus concerne 'en-

fance du petit esclave. Celui-ci a sept aDS uand la veuve, heritie-

re des biens de Terebinthe, l'achete pour son service. Elle l'af-

franchit aussitot.n resteraavec a veuve usqu'a la mort de celle-ci:

il aura alors douze aDS. e nom qu'il porte, Corbicius, derive, peut-

eire, du moyen perse Kirbakkar (celui qui est pieux, charitable).

Ce nom est par ailleurs un des itres donne a Jesuscomme a Mani

dans les sources manicheennes orientales73.Corbicius, Ie futur

Mani, est presentecomme etant de condition servile: il s'agit vrai-

semblablementd'un renseignement olemique, en opposition aUK

legendes qui circulaient en Orient sur l'origine royale de Mani74.

L'enfance de Corbicius se deroule dans un endroit clos, prote-

ge, a maison de la veuve, et elle est consacreea l'etude. La vieille

femme en effet lui donne une instruction litteraire75.

73. A ce propos H.-Ch. PUECH, e manicheisme,n. 73. Pour Ie titre de

qyrbkr donne a Mani, voir M 6031 recto: "Patecius vit un autre signe et

parla ainsi e vois que Ie Pieux ([ qy rbkr) estmonte et que pour sept ours

Ie tigre..." et M 6033 ecto: "En ce temps-la,quand Ie Pieux quitta Ia viIIe

de Ctesiphon et avec e roi BaL.".

74. Ct. H.-Ch. PuECH, e manicheisme, . 36 et n.; M. T ARDIEU, e mani-

cheisme, . 5.

75. P. 92,22: "litteris erudivit".

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224

M.SCOPELLO

Quant au lieu oil reside la veuve, il s'agit de la Babylonie, ainsi

que DOUg'a precedemment appris la vie de Terebinthe76.

LA RUPTURE

Quand Corbicius atteint l'age de douze aDs, l se produit une

rupture, marquee par la mort de la veuve. Corbicius quitte l'en-

droit oil il avait usqu'alors vecu, muni de la totalite des biens que

la vieille femme lui avait legues en heritage, mais aussides ivres

de Scythianus. Archelaus DOUg pprend qu'il s'agit de quatre

petits livres dont aucun n'avait beaucoup de lignes 77.Avant de

quitter la maison, Corbicius ensevelit sa maitresse, tout comme

Terebinthe l'avait fait pour Scythianus, et la veuve, pour Tere-

binthe.

Cette rupture est marquee par un changementde nom: Corbi-

crusva desormaiss'appelerMani. C'est un nom iranien, dit Arche-

laus, en evoquant a l'appui leg declinaisons de la langue perse78.

En quittant la maison de sa protectrice, Mani-Corbicius se diri-

ge veTSe centre de la ville, la oil reside Ie roi. Puisque a maison

de la veuve est en Babylonie, la ville dont il s'agit ici est donc

Seleucie-Ctesiphon, capitale sassanidesur leg rives du Tigre. Le

palais du roi des rois se trouvait sur a rive gauchedu fleuve, a Cte-

siphon. De Qesiphon partaient leg routes veTSe Nord, l' Armenie

et Ie Khorasan. Quant a Seleucie,elle se trouve sur a rive en face.

Les manicheens avaient coutume, dans leurs textes, d'appeler

Seleucie-Ctesiphon les villes (ai poleis,. al Madain )79.

Cet episode est a comparer avec Ie Codex manicheen de

COlOgneBO,ourcede premiere main de type hagiographique Mani,

en quittant la communaute oil il avait vecu avec son peTe, ongea

traverser Ie pont pour se rendre aux villes 81.C'est Ie debut d'une

nouvelle periode de sa vie, car Mani fait ainsi son entree dans e

monde iranien, en se rendant a la capitale, et precisement a oil il

76.P. 91, 13;p. 92,7.

77. P. 92, 24-25: quattuor illos libellos quos Scythianus scripserat,non

multorum versuumsingulos .

78. P. 93, 2-4: et commutato sibi nomine Manen semel psumpro Corbi-

cia appellavit, nec Manen, sed Manes,.Persarum enim lingua tali utitur

declinatione .

79. Sur les villes et Ie pont, ct. CMC~. 109,14-111,18.

80. Codex Manichaeus Coloniensis,Ed. A. HEINRICHS t L. KOENEN,n

Zeitschrift fur Papyrologie und Epigraphik 19 (1975),p. 1-85; 32 (1978),

p. 87-199; 44 (1981),p. 201-318;48 (1982),p.1-59.

81. Le texte du CMC relatif a ce point a ete etudie par M. Tardieu dans

son seminaire du College de France sur Ie manicheisme (1994).

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225

A VIE DE MANI SELON LES ACTA ARCHELAI

y a la cour du roi des rois 82.Le renseignementque donne ici l'au-

teur des Acta Archelai est donc historiquement onde.

L'information qui suit illustre l'erudition de Mani: il devient

 tres savantdans a sagesse ui a COUTSans cette region -je dirai

presqueplus que taus les autres ajoute a contre coeur Archelaus.

Qu'est-ceque cette sagesse?I s'agit res probablement du zoroas-

trisme. Donc, l'instruction que l'enfant Corbicius avait rec;uepar

la veuve portait sur d'autres domaines du savoir. S'agissait-ilde la

sagesseuive et chretienne, compte tenu de la repugnance de la

veuve face aux pratiques magiquesde Terebinthe83?

Mani, dit Archelaus, etudie alors encore plus consciencieuse-

ment les theories qui etaient contenuesdans es quatre libelli. Ce

renseignement ait peut-etre allusion a la periode oil Mani medi-

te sur a fac;onde mettre son messagepar ecrit. Un detail est ou-

tefois surprenant et historiquement ndefendable cesevenements

auraient eu lieu quand puer ille annorum prope sexaginta : de

l'enfance, Archelaus passe directement a la vieillesse de Mani84.

Deux dates fondamentales de la vie de Mani sont mentionnees

ici. Connues par ailleurs, elles sont toutefois chargeesd'une signi-

fication differente. Selon e Codex manicheende Cologne,c'est a

douze ans que Mani rec;oit a premiere revelation par son suzugos

celeste.Ce texte parle aussid'une rupture, ainsi que nous 'avons

note auparavant Mani quitte sa communaute baptiste et se rend

a la capitale. Celie rupture toutefois se consommequand Mani a

vingt-quatre ans, et non douze comme dans es Acta Archelai 85.

Enfin, pourquoi ce detail de l'age de soixante ans? L'on sait par

ailleurs que Mani serait mort a cet age86.

LES PREMIERSDISCIPLES

Archelaus parle ensuite des premiers disciples de Mani, com-

plices de ses delits87. Addas et Thomas sont attestes dans leg

82. L'expression est de M. Tardieu dans son seminaire sur Ie manicheis-

me au College de France (1994).

83. P. 92, 16-19.

84. SelonH.-Ch. Puechcette expressionest quelque peu ridicule.

85. Ct. Ibn al-Nadim, Kitab al-Fihrist: Quand il eut douze ans, l vint a

lui la revelation (trad. B. DODGE,The Fihrist of al-Nadim, t. II, New

York-London, 1970,p. 774-775.En CMC 18,1-161a evelation survient a

24 ans. Ct. W. SUNDERMANN,Mani's Revelations in the Cologne Mani

Codex and in Other Sources in Codex Manichaicus Coloniensis,Atti del

Simposio lnternazionale (Rende-Amantea3-7 settembre1984), Cosenza,

1986,p. 205-214.

86. Sur cette date, H.-Ch. PUECH,e manicheisme, . 74.

87. P. 93, 10-11: habebat ergo tres istos discipulos consciosmalorum suo-

rum .

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226

M.SCOPELLO

sourcesdirectes, Hermas en revanche n'est pas connu ailleurs 88

LA REDACTION DES LIVRES

Celie information est teintee de polemique: Mani pastiche

(transfert eos) eg ivres ecrits par Scythianusqu'il a re~us en heri-

tage. Le terme transfero89ait partie du langageheresiologique et

indique la falsification et Ie remaniementdes textes,dans esquels

excellaient eg heretiques.Les theories que Mani ajoute au conte-

nu des ivres sont compareesa des contes de vieille femme : celie

expressionest un lieu commun de l'heresiologie90.

Degage du revetement polemique, ce renseignementpeut faire

reference au moment ou Mani commence a mettre ses dees par

ecrit, etape suivant celIe de la reflexion, de la meditation.

88. Ct. H.-Ch. PUECH,e manicheisme, . 76 et M. TARDIEU, Seminaire

sur e manicheisme, onsacreaux disciplesarameens e Mani , in Annuai-

re du College de France, 1991-1992,Resume des cours et travaux, 92e

annee,p. 506-509.Hermas n'est pas atteste dans es sourcesdirectes. II

apparait toutefois dans une abjuration imposee aux Pauliciens(Parisinus

grec 1372). Quant a Adda(s), il etait a la tete de la missionmanicheenne

en Egypte (cf. M 2). Thomas aida Papposdans 'organisation d'une equi-

pe de traducteurs et de copistes, oujours en Egypte : a ce propos, voir A.

VILLEY,Alexandre de Lycopolis...,p. 108-114.

89. Sur l'habilete heretique a pasticher les textes, voir Irenee de Lyon,

Contre es heresies , 8,1 (traduction de A. Rousseau,Paris, 1984,p. 53-

54): Tout en alleguantdes extes etrangersaux Ecritures et tout en s'em-

ployant, comme on dit, a tresserdes cordesavec du sable, ls ne s'eneffor-

cent pas moins d'accomodera leurs dires,d'une maniere plausible, antot

des paraboles du Seigneur, tantot des oracles de prophetes, tantot des

paroles d'apotres, afin que leur fiction ne paraisse pas depourvue de

temoignage. lIs bouleversent 'ordonnance et l'enchainement des Ecri-

tures et, autant qu'il depend d'eux, ls disloquent es membresde la veri-

te. lIs transferentet transforment , et, en faisant une chosed'une autre, ls

seduisentnombre d'hommes par Ie fantome inconsistant qui resulte des

paroles du Seigneur ainsi accomodees. ..C'est exactement de la meme

fa~on que ces gens-la,apres avoir cousu ensemble des contes de vieille

femme, arrachent ensuite de-ci de-la des textes,des sentences, es para-

boles et pretendent accomodera leurs fables es paroles de Dieu .

90. P. 93, 10: anilibus fabulis similia sunt . L'expression,d'origine neo-

testamentaire (1 Timothee 4, 7: Quant aux fables profanes, contes de

vieille femme, ecarte-Ies ), revient souvent chez renee (cf. n. 89 in fine)

et chezEpiphane.

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LA VIE DE MANI SELON LES ACTA ARCHELAI

227

LA SIGNATURE DES LIVRES

Mani remplace, sur les livres, Ie nom de Scythianus par Ie sien,

comme s'illes avail composes ui seul91.Complementaire a celIe

du plagiat, fournie auparavant par Archelaus, cette information,

hoTspolemique, se revele exacte: Mani signe es livres qu'il ecrit.

L'une des glandes ntuitions de Mani avail ete, en effet, celIe de

mettle lui-meme par ecrit les principes de sa religion et de faire

circuler ses ivres pour diffuser sa doctrine. II voulait se distinguer

ainsi de Buddha et de Jesusdont les paroles avaient ete ecrites par

des disciples, ce qui impliquait, deja a l'origine, une alteration de

la pensee du fondateur92.

PREMIERESMISSIONS

Le renseignementqu' Archelaus donne ici concerne eg modali-

tes et la direction de la mission.

Le detail sur leg disciples qui partent avec leg libelli est tIes

important et tout a fait exact. Les missionnairesmanicheensvoya-

geaient en effet avec eg livres du maitre (des livres etaient aussi

envoyes aux communautes ointaines)93.Non seulement a parole

91. P. 93, 11-13: "Nomen veTOibellis proprium adscribit, prioris nomine

deleto, amquam si eossolus ex semet pso conscripserit".

92. Voir la preface aux Kephalaia, p. 7,6-8,12 Ed. K. SCHMIDT, tuttgart,

1940): les predecesseursde Mani, Jesus,Zarades et Buddfia, n'ont rien

ecrit, eurs doctrines ant ete ainsi sujettes t la corruption i ct. aussiKepha-

laion 154 et fragment pehlevi M 5794.

93. Par exemple, e fragment M2 (moyenperse): "...devient familier avec

les livres lIs allerent dans Ie royaume des Romains et its assisterent t

nombre de disputes avec les religions. Beaucoup d'elus et d'auditeurs

furent choisis. Pateg y resta une annee, puis il fit retour (et apparut)

devant I'Apotre. Alors Ie Seigneur i.e. Mani) envoya rois scribes, 'Evan-

gile et deux autres livres it Adda Adda travailla durement en ces

contrees, onda plusieurs monasteres,choisit nombreux elus et auditeurs,

composa des ivres et fit de lasagesse son arme. IIlutta contre les dog-

mata avec ces livres-lit et il remporta la victoire en toute circonstance".

En M 5815 (parthe), lettre d'un dignitaire manicheen -peut-etre de Mar

Sisin t Mar Ammo, il est questionde livres que Mar Ammo a amenesavec

lui au Khorasan Ie Livre des geants et l' Ardahang. II est aussi question

de copies de ces deux livres, it I'usage des fideles, faites it Marw. En

M 216c (parthe) on lit: "Et quand I' Apotre etait it Veh-Ardashir, alors [it

envoya]...le maitre, Adda l'eveque... [et] d'autres scribes t Byzance [et il

leur donna] quatre instructions... et des ecrits de lumiere... il refuta lesdogmata"

(textes tires de J. P. ASMUSSEN,anichaean Literature, New

York, 1975,p. 21-23).

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228 M.SCOPELLO

mais aussi 'ecriture sont a la basede la diffusion de la religion de

Mani.

Archelaus ndique egalement a direction de la mission -veTSes

lieux les plus eleves de cette meme province -puis il souligne, a

juste titre, ses amifications en tout lieu: a travers diversesvilles

et villages. Les manicheensetaient, on Ie sail, desvoyageurs nfa-

tigables et des missionnaires avises. Nous trouvons, dans ces

quelquesphrases,une indication d'une mission qui se dirigea vers

Ie Nord de l' ran. Celie information estconfirmee par Ie fragment

moyen perse 5815 II (Iettre adresseea Mar Ammo): "j'enverrai

des evequeset des maitres en chaqueville et dans chaqueprovin-

ce des districts du Nord"94.

,E PARTAGE DE L'OIKOUMENE

Archelaus indique Ie partage de l'oikoumene pamli les trois dis-

ciples de Mani. Si l'on compare ce texte avec Ie chapitre XIII de

l'expose de Turbon, on notera que l'envoi des disciples in tres

mundiplagas95 n'est pas Ie meme. Au chapitre XIII, Adda, par

tirage au sort, re~ut l'Orient (ici Adda choisit a Scythie), Thomas

accepta es terres des Syriens (ici it voulut occuper en premier les

regions de l'Egypte), Hermas, entin, partit pour l'Egypte (ici, il

choisit de demeurer avec Mani).

Deuxiemepartie

MAN MEDECIN

Ce renseignementdonne par Archelaus est un exemple d'une

contre-verite : il porte sur Mani medecin96.

Le theme de Mani medecin, medecineclaire, medecindes ames

et des corps, est souvent presentdans es sourcesmanicheennes97.

La medecine constitue l'un des fils conducteurs de la vie de

Mani: elle marque sonentree sur scene,elle marquera aussisasor-

tie.

Le fragment moyenperseM 566 raconte ainsi a premiere entre-

vue de Mani avec Ie monarque d' ran (il s'agit probablement de

Shabour, qui devint son protecteur):

94. Traduction de J. P. ASMUSSEN,p.cit.,p. 23-24.

95. Cf. H.-Ch. PUECH,e manicheisme, . 76.

96. P. 93, 17-25.

97. Plusieurs eferencesdans L. J. R. aRT, Mani. A Religio-Historical des.

cription of His Personality, Leiden, 1967,surtout p. 95-100 "Mani as thf

great physician").

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A VIE DE MANI SELON LES ACTA ARCHELAI

"Je me suis presente devant Ie roi. Le roi dit: d'ou

viens-tu? Mani repond : Je suis un medecin qui vient

du pays de Babel".

C'est donc d'abord comme medecin que se definit Mani.

La demiere entrevue de Mani avec un roi est aussimarquee par

Ie theme de Ia medecine. 11ne s'agit plus ici de Shabour mais de

Vahram I, qui Ie mettra a mort. Le fecit de celie entrevue est

conserve dans e fragment M 398

" -Vahramdit: tu n'es pas e bienvenu Eh a quoi

es-tu bon? tu n'es ni soldat ni chasseur Peut-etre a-t-

on besoin de toi pour administrer drogues et mede-

cines? Mais tu n'es meme pas capable de Ir'a Et Mani

repond: -Je n'ai rien fait de mal. J'ai toujours bien agi

envers oi et les tiens. Nombreux tes serviteursque 'ai

delivres des demons et d'envoutements, nombreux

reux que 'ai gueris de la maladie, nombreux reux dont

j'ai ecarte toute sorte de fievres, nombreux reux qui se

mouraient et a qui j'ai rendu la sante "

Le medecin qu' Archelaus decrit dans eg Acta Archelai est un

charlatan: l'enfant royal meurt en effet entre ses mains: cette

information est Ie pendant speculaire aUK egendes hagiogra-

phiques sur Mani guerissantdes membresdes amilles princieres99,

II en va de me-meen ce qui conceme la pratique de la medeci-

ne dans un but lucratif: leg Acta Archelai laissent entendre que

Mani se presenta a la cour pour offrir res servicesde medecin100,

appate par la promesse d'une large recompense.Les sourcesde

premiere main presentent en revanche Mani comme un medecin

qui soigne gracieusemenPO1.

LA RENCONTRE AVEC LE ROI

Le theme de la bienveillance du roi se retrouve dans es sources

directes. Elle sera neanmoins de courte duree dans Ie fecit here-

siologique. Les textes manicheens decrivent l'estime de Shabour

98. Traduction par M. TARDIEU, e manicheisme, . 38.

99. Voir H.-Ch. PuECH, Le manicheisme, n. 75; S.N.C. LIEu, "Fact and Fic-

tion...", p. 87-88.

100.P. 93, 19-20: "praemio multo proposito".

101.Par exemple, a guerisonde la fille du gouverneurde Ganazak, ontee

en CMC p. 121,6 -123,13. A la question "demande-moi ce que tu veux",

Mani repond: "je n'ai besoin d'aucun de tes biens, ni en or ni en argent,

mais seulement a nourriture quotidienne pour les freres de la communau-

te" (traduction M. Tardieudans sons6minaireau Collegede France,1995).

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230

M.SCOPELLO

a l'egard de Mani et l'attention avec aquelle il re~ut sa doctrine.

Les sources orientales soulignent egalement l'accueil favorable

que firent a Mani plusieurs princes et roitelets, sur es routes de la

missioni°2,

LA PRISON

Le roi, raconte Archelaus, accable par la peTie de son enfant,

jette Mani en prison et ordonne qu'il soit charge d'un talent de

chaines1°3. 'episode de la prison est authentique, ainsi que Ie

detail deschaines.Mais l'evenementest chronologiquementdepla-

ce et la causede l'emprisonnement differe. C'est en effet a la fin

de sa vie que Mani est emprisonne, par Vahram ref, a Beth Lapat,

en Susiane,a causede sa doctrine, et non, comme dans eg Acta

Archelai, pour n'avoir pas reussia soigner e fils du roi. Influence

par Kirdir, chef du clerge mazdeen1O4,ahram ref, successeur e

Shabur et d'Hormidz, se Tallie totalement a la religion tradition-

nelle, et evince Mani. D'abord, ill'assigne a residence, ensuite,

apres l'avoir convoque a Beth Lapat, Ie jette en prison. Charge

d'un demi-quintal de chaines, doni une au cou, trois aux pieds et

trois aux mains, Mani mourra d'epuisementquelques ours apres.

A DIFFUSION DE LA DOCTRINE

Le roi fait rechercher es disciplesde Mani, partis sur es routes

pour diffuser Ie message, fin de les arreter. Archelaus dement, de

fa~on involontaire, par ce detail, ce qu'il venait de dire sur les

causes e l'emprisonnementde Mani et montre ainsi que son recit

sur Mani faux medecin est abrique de toutes pieces.C'est it.cause

de la doctrine et non d'une mauvaisepratique de la medecineque

Mani est ncarcere. C'est pour cette raison que sesdisciples soot

recherches.Plusieurs sourcesconfirment ces aits.

Archelaus ne manque pas de souligner au passageque la doc-

trine propagee par les disciples est etrangere et inspiree par l' An-

tichrispO5.

102. Ct., par exemple, Ie Kephalaion 15 : Mani est re~u avec de grands

honneurs a la cour de Shabur. Peroz avant, Shabur ensuite, 'entourerent

de leur protection. Ct. plus haul n. 27.

103. Un dossier sur les chaines est tourni par H.-Ch. PUECH,e mani-

cheisme, . 77 et 209.

104. Sur Ie complot de Kirdir, du point de vue manicheen,voir M 631

(parthe) : Kirdir Ie Mobad complota avec sesamis qui servaient devant

Ie roi .

105. P. 94, 1-2.

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231

A VIE DE MANI SELON LES ACTA ARCHELAI

COMPTERENDU DE LA MISSION

La visite des disciples a Mani en prison est un element que l'he-

resiologue deplace dans Ie temps, mais qui contient une part de

verite. L'on sait par les Home-liesmanicheennes opies du Fayoum

que quelques disciples, parmi les plus proches, rendent visite a

Mani incarcere,peu avantsa mort, Ils y re~oiventdesparoles d'en-

couragement et lesdemieres conslgnesdu MaitrelO6.

Les comptes rendus reguliers sur Ie deroulement de la mission

et de sesdifficultes qu'evoque Archelaus, sont une reference exac-

te a la structure missionnaire manicheenne, constammentsuper-

visee par son fondateur tout au long de sa vielO?

Troisieme artie

LA PLACE DU CHRISTIANISME

Cette partie touche au probleme de l'influence du christianisme

sur la doctrine de Mani.

Dans la fiction heresiologique, Mani se rouve en prison, en ter-

ritoire iranien. 11 onge outefois a une perceede l'autre cote de la

frontiere, en Mesopotamie romaine, on il envisagede couler dans

un moule chretien l'essence de sa doctrine dualiste. Le roman

d' Archelaus est bien ficele : Mani en effet se rendra a Carchara.

Apres l'instruction litteraire re<;ue ar la veuve (p. 92,22), apres

avoir assimile a sagesse oroastrienne (p. 93,5), c'est donc vers Ie

christianisme que Mani se tourne.

Ce renseignement ' Archelaus contient quelque verite: Ie mani-

cheisme a su en effet s'adapter a la culture et aux traditions reli-

gieusesde l'endroit on il allait s'implanter.

La raison pour laquelle Mani introduit des elements chretiens

dans son systeme est de rendre sa doctrine moins exotique aux

yeux de ceux qui pourraient se convertir. 11s'agit donc, selon

Archelaus, d'un placage artificiel, fait a des seules ins de propa-

gande: ayant donc fabrique (his compositis)ces heories d'une

106.Voir, it. itre d'exemple,M 454 : et que chacunpuisseetre de secours

pour la religion. Et ne soyezpas craintifs d'endurer es souffrancesdu Sei-

gneur (i.e. Mani), ainsi vous trouverez une pieuse recompense, 'honneur

et la vie etemelle dans es hauteurs (recto). Ibid., verso: ...enseignement

...il envoya, par Ie biais de Mar Ammo, Ie maitre, it. oute l'Eglise. Et tOllS

ses enfants, es ustes et les auditeurs, revererent Ie Seigneurde vertu. Et

Ie Seigneur umineux es benit tOllSet ls s'en allerent en pleurant. Et Uzzi,

Ie maitre, et deux ustes resterent en arriere .

107. Ct. M2 (moyen perse).

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232

M. SCOPELLO

fa<;onsi infame, Mani envoya ses disciples pour qu'ils prechent

courageusement es erreurs ausseset forgeesde toutes pieces (fic-

tos simulato que errores)et pour qu'ils annoncent, en chaque ieu,

les nouvelles et mensongeresparoles (p. 94,26-29).

Le nom du Christ servirait de mot de passeaux manicheens our

s'infiltrer en milieu chretien: il fit semblant (simulavit) d'adop-

ter ce nom, afin que, dans chaque ville, les gens, en entendant Ie

saint et divin nom du Christ, ne les execrentpas et ne chassent as

sesdisciples (p. 94,21-24). Le theme du nom du Christ reprend

celui du nom de chretien qu' Archelaus avait utilise auparavant

(p. 89, 32): c'est Ie meme procede d'exclusion visant l'adversaire

qui apparait ici.

Mani recherchedans e Nouveau Testament es pretextesde son

idee dualiste (occasiones ualitatis suae p. 94,18) a vrai dire celIe

de Terebinthe. Archelaus songe probablement ici aux citations

exploite~s par Mani dans e debat, se pretant a une interpretation

allant dans ce sens (la citation des deux arbres, par exemple 108.

L'exegesepratiquee par Mani consistea rejeter quelques extes,

a en alterer (permutare)d'autres: non seulement es manicheens,

mais les gnostiques avant eux, avaient ete juges maitres par les

Peres en ce genre d'exercicelO9.

Le result at obtenu par Mani est que les disciples ne soot plus

renvoyes Archelaus reconnait un certain succesa la propagande

manicheenne.

L'eveque rappelle egalement Ie concept de Mani-Paraclet:

 trouvant par ailleurs aussi a parole qui est dans es Ecritures au

sujet du Paraclet, l insinua qu'il etait lui-meme Ie Paraclet,n'ayant

pas lu assezattentivement pour savoir que Ie Paraclet etait deja

venu quand les Apotres etaient encore sur terre (p. 94, 24-26).

Cet argument, onguementdeveloppe au COUTSe la dispute, rou-

ve des paralleles dans eg sourcesdirectes et indirectes1l0.

LES LIVRES

L'information sur 'achat de livres est nteressanteau moins pour

deux raisons.D'abord, elle atteste 'existence de lieux oil l'on ecrit

les ivres des chretiens. C'est a oil font route les disciplesde Mani,

munis d'une petite sommed'argent. Faut-il entendre par la que les

108. Ch. V et XIX.

109. Cf. Ie texte, deja cite, d' Irenee de Lyon, Adversus Haereses , 8, 1.

110. La discussion sur Ie Paraclet est relatee au ch.XXV, avec une note

tres polemique referee a Mani (p. 37.2 : ab isto qui separacletum esseprofitetu1;

quem ego magisparasitum quam paracletum dixerim ), et aux

ch. XXX-XXXII.

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233

A VIE DE MANI SELON LES ACTA ARCHELAI

disciples se rendent dans un territoire davantagechristianise que

l'Iran, ils passeraientdonc la frontiere pour atteindre la Mesopo-

tamie romaine -ou faut-il y voir une allusion precise a des scripto-

ria oil l'on recopie es extes desEcritures? Ensuite, il y a peut-etre

ici une reference a l'existence, et a la richesse,des bibliotheques

manicheennes, oumies en oeuvres de provenances religieuses

diverses.

Enfin, par l'expression oilsachetent es ivres de nos ecritures ,

Archelaus ndique, une fois de plus, que l'heretique n'a pas e droit

de posseder, et par consequent, d'etudier les textes de la Bible

chretienne.

Quatriemepartie

LE SUPPLICEET LA MORT

Archelaus termine son expose sur a vie de Mani par Ie fecit de

son supplice et de sa mort.

Cette partie du texte contient un vrai et un faux enseignement.

D'abord Archelaus reconnait que Mani a ete mis a mort a cause

de sa doctrine. Mais comme cette verite mettrait en danger out

l'edifice de son fecit heresiologique, il se hate de la modifier, en

rappellant, quelques ignes plus bas, que Ie roi a condamne Mani

pour venger a mort de son ils, et aussicelIe du gardien de prison.

Car Mani s'echappe de prison, averti en songe des ntentions du

roi a son egard, et Ie gardien en est tenu pour responsable.

Le detail de la fuite de prison est un motif heresiologique1llqui

permet de noircir un pen plus Ie portrait de Mani: en s'echappant

de sa geole, celui-ci revele pleinement sa achete.

Pour decrire Ie supplice dernier de Mani, Archelaus eprend cer-

taines coutumes qui avaient cours chez eg Perses l'ecorchement,

la depouille suspendueaux partes de la ville, la peau gonflee par

des drogues)112. 'accumulation de ces details macabres,aucune-

ment confirmes par leg sourcesdirectes113,ermet a Archelaus de

souligner 'ignominie de son adversaire auquel l inflige Ie dernier

outrage.

111. Ce theme est egalement applique it Simon Ie Magicien. En ce qui

concerne Mani, Cyrille de Jerusalem Catechese I) developpe e theme

du vol.

112. Sur les modes du supplice final, je renvoie au dossier et it la biblio-

graphie cites par H.-Ch. PuECH,e manicheisme, . 47-64.

113. Voir M 5569 (parthe).

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IsabelleULLERN-WElTE

EcolePratiquedesHautesEtudes,Paris'

POUR UNE COMPREHENSION DE LA

SIGNIFICATION APOCRYPHE

DANS LE CONTINENT SCRIPTURAIRE

Wesuggest ere o let ourselves e inspired by the thoughtprocessF.D.E.

Schleiermacheractivated when inking upgeneral hermeneuticswith par-

ticular perspectives nd critical observations. t would indeedbe suitable o

exposepresentproblematics governing ancient apocryphal studies o the

samekind of undamental discussion.The approach of apocryphal ques-

tions to-day remains empirical; it prizes all singularities and their half-

hazard accumulation. This proposition immediatelybearson the verypre-

suppositions of researchwhich implicitly produce this seemingdispersion

if not disparity. Its aim is to answer he needsof locating and establishing

conditions for a general comprehensionof those apocryphal procedures

the researches tudy.Rather than circumscribeand define the ield of apo-

cryphal studies, et us primarily think out the meaning of apocryphity itself

as a scripturary phenomenon of Antiquity.

Cet article propose de s'inspirer du mouvementde a penseeque ED.E.

Schleiermacher ngageaiten reliant l'hermeneutique enerateaux points

de vueparticuliers et aux observations e ype critique. l conviendraiteffec-

tivementd'engager a problematique desetudes ur lesapocryphesanciens

dans un debar ondamental du memestyle. L 'avancee u dossierapocryphe

est actuellementempirique. Cettedemarchey valorise routes esparticula-

rites, autant que leur accumulation aleatoire. La mise en mouvementpro-

poseesesitue ainsi d'embleeau niveau despositions de recherchequi gou-

vernent mplicitement cetteapparente dispersion,ou disparite. Son enjeu

estde repondre a la necessite e reperer et d'etablir les conditions d'une

comprehension enerate e cespratiquesapocryphesqu'observent escher-

cheurs. Il s'agirait alors mains immediatementde circonscrire un champ

des apocryphes,mains de definir des documentsapocryphes,que de pen-

ser a signification de l'apocryphite en rant que phenomene scripturaire

antique.

* Isabelle Ullem- Weite prepare un docto,rat a la Section des sciences reli.

gieuses de I'Ecole Pratique des Hautes Etudes.

Apocrypha 6, 1995,p. 235-278

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237

A SIGNIFICATION APOCRYPHE

re attentive de Schleiermacher et de certains de ses contemporains3.

Quelques philosophes nous montrent en effet que ceux-ci semblent

plus proches qu'on ne Ie dit encore de l'architectonique kantienne

que des crispations rationalistes et de l'idealisme romantique,juste

posterieurs, auxquels on a diversement pu les identifier4. Vne iden-

tification feconde autant que reductrice; c'est par elle que l'on a

retrospectivement invalide l'hermeneutique modeme, notamment

dans Ie cadre de l'histoire des religions et de l' Antiquite5, au bene-

fice d'un developpement majoritairement critique de ces disci-

plines. Designons au sellS restreint, par ce qualificatif critique ,

les deplacements epistemologiques de ces recherches historiques

veTSes differentes disciplines linguistiques, veTS'ethnologie et l'an-

thropologie sociale, entre Ie structuralisme et les philosophies prag-

matiques du langage6. Tout ceci au prix de specialisations crois-

sanies, et de la suspension parallele des debats fondamentaux.

3. Voir principalementA. LAKs-A. NESCHKEED.), La Naissance u Para-

digme Hermeneutique,Lille, 1990.

4. H. WISMANN,Seminaire sur la philosophie dialectique de Schleier-

macher,Ecole des Hautes Etudes en SciencesSociales E.H.E.S.S.), Paris,

1994-1995;C. BERNER, e problemes des apports entre hermeneutiqueet

dialectiquechez F.D.E. Schleiermacher,Caen, 1993,p. 387s Annexe sur

 Les lectures de Schleiermacher ] (These de Doctorat).

5. A titre d'exemple, voir l'histoire d' Alexandre et de sa posterite helle-

nistique adis etablie par G. DROYSEN, eschichte es Hellenismus,Gotha,

1877 (reevaluation in C. PREAUX, e monde hellenistique, 2 t., Paris,

1992); cf. aussi a double preface de P. Grimal a l'edition fran~aisede C.

BAILEY (ED.), The Legacyof Rome, Oxford, 1923 et M.I. FINLEY ED.),

The Legacyof Greece,Oxford, 1981, n L heritagede a Greceetde Rome,

Paris, 1992.Voir aussi es prefaces de M. Baridon a l'edition fran~aisede

E. GIBBON,Histoire du declin et de la chute de l'empire romain (1776-

1788),Paris, 1983 et de C. Nicolet a l'edition fran~aisede Th. MOMMSEN,

Histoire romaine (1854-1856),Paris, 1985.Voir entin, M. DEllENNE,L'in-

vention de la mythologie,Paris,1981;A. MOMIGLlANO,es ondations du

savoir historique, Paris, 1992; J-P. VERNANT, eligions, histoires, raisons,

Paris,1979.

6. Voir la diversification de l'anthropologie sociale, eligieuse et politique

de l'Antiquite, par exemple: J-P. VERNANT, es origines de lapensee

grecque,Paris,1962; P. VillAL-NAQUET,Le chasseurnoir, Paris,19881;M.

DETIENNEED.), Les savoirs de l'ecriture en Grece ancienne,Lille, 1992.

Pour Ie transfert de ce type d'anthropologie dans 'histoire anciennedes

livres bibliques (Bible juive, et Bible chretienne),O. ABEL-F.SMYTH, e

livre de Traverse.De l'exegese iblique a l'anthropologie, Paris, 1993; P.

GEOLTRAIN-F.CHMillT, Pour une histoire des deologies uives et chre-

tiennes antiques , dans F. CHATELET,Histoire des ideologies, .1. Les

mondesdivins usqu'au VII Ie siecle,Paris, 1978, . 213-257.L'avatar reso-

lument pragmatique du debat est melle, notamment, par G.E.R. LLOYD,

Pour en inir avec es mentalites,Paris, 1993.

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238

I. ULLERN-WEITE

Cette reference,globale, voudrait servir Ii.sittler d'emblee e pre-

sent ravail vis Ii.vis de l'horizon de parente reconnueentre Ie para-

digme de l'hermeneutique etcelui de la critique historique et phi-

lologique. Le paradigme critique gouveme, en eifel, SOliSa forme

renouvelee des scienceshumaines, la connaissancescientifique,

notamment celIe des religions de l' Antiquite hellenistique et

romaine. Considerons que celie relation de parente ne petit etre

de caractere simplement contextuel (l'univers politique et cultu-

reI Ii. 'aune duquel se developpe l'analyse des phenomenesapo-

cryphes anciens) ni de type epocal (servant Ii. rappeler,en quoi

consiste et comment redefinir la modemite des dites sciences7).

Mais consideronsqu'elle s'avere de caractere undamental, rela-

tit Ii. ' edification despositions de recherches. e recours Ii. a pro-

position de Schleiermacher e presente ainsi comme ine ambition

scientifique doni on pourrait proposer Ii. 'actualite meme du dos-

sier apocryphe de bien vouloir debattre pour son propre compte;

d'autant plus si celie actualite se situe en pleine fecondite, aussi

bien de relance editoriale que de redefinition et d'extensionde son

champ de travail.

2. Le site apocrypheevisite

II ne s'agit donc pas de configurer, dans ces pages, un etat de

la question qui ne releve pas de la competencede ce type de pro-

position, ni non plus d'engagera titre definitifune edification gene-

Tale qui revient de droit au dialogue reel entre specialistes du

domaine considere,et non a une publication singuliere.Notre pre-

tention se imite a chercher comment deployer une specialite his-

torique et anthropologique selon une position inaugurale de

connaissance, ous a reserve qu une telle demarchepuisseparaitre

compatible avec es nterets des specialistes I). Considerantcette

reserve au titre serieuxd'une objection prealable, a demarchede

Schleiermacher pourrait, dans la posture virtuellement conflic-

7. Problemes et methodes d'histoire des religions, Melanges publies par la

Section des Sciences religieuses a J'occasion du Centenaire de l'E.P.H.E.,

Paris, 1968. F. LAPLANCHE,La Bible en France. Entre my the et critique. XVI'

-XIX' srecle,Paris, 1994 (Ie souci del'ouvrage est de tracer une histoire cri-

tique de l'histoire modeme des religions). ]'emprunte la distinction epo-

cat -non epocal a P. Ricoeur, dans un debat avec R. Rochlitz, mettant en

evidence que Ie theme de la modernite ne releve pas d'une poJemique

historienne mais bien d'enjeux phiJosophiques contemporains: penser

 transhistoriquement , dans C. BOUCHINDHOMME R. ROCHLITZ, Temps

et recit de Paul Ricoeur en debat, Paris, 1990, p. 206-207 et p.139-140.

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239

A SIGNIFICATION APOCRYPHE

tuelle qu'elle autorise, etre expliquee en articulant sa compre-

hension presente aux donnees, ouvertes et dispersees,de la cri-

tique apocryphe actuelle (II) -telle qu'elle apparait historique-

ment liee au dossier de la critique biblique8 : ces deux domaines

jumeaux se trouvent specifiquement correles a l'historiographie

moderne, puis contemporaine, du judalsme et du christianisme

antiques. Un des enjeux internes du dossiercritique s'avere donc

saillant sur cette specificite recurrente, de l'aveu meme des cher-

cheurs. C'est aussi sa raison d'etre qu'il conviendrait d'eclaircir

(III). Alors seulement nous pourrons engager a reflexion sur la

question scripturaire de l'apocryphite (IV).

Si 'on ecoute Schleiemlacher u point de vue propose,on est nvi-

te a juger que la dispersioneffectivedesdossiers e recherches po-

cryphes, qui correspond etroitement aux conditions de renouvelle-

ment du champ apocryphe, equivaut a la dilution de la

comprehension cientifique.Ceci,dans a mesureoil l'agregationdes

localites multiples,qui composente "continent apocryphe",sonsun

intitule communprecisement roblematique9,este a questionnoda-

Ie des nitiatives actuelles.Autrement dit, chaquesite d'apocryphi-

8. Voir notamment L. LELOIR, Utilite ou inutilite de l'etude des apo-

cryphes", in Revue Theologique de Louvain 19 (1988), p. 38-70; A.

CAQUOT ED.), La litterature intertestamentaire,Paris, 1985; F. BOYON

(ED.), Les acres pocryphesdes apotres,Geneve,1981;H. KOSTER," po-

cryphal and canonicalGospels", n F. BOYON-H.KOSTER, enese e l'ecri-

ture chretienne,Paris, 1991,p. 59-69. Pour ce qui conceme es references

aux etudes apocryphes dans ces pages, e panorama est vise dans son

entier, bien que chaque mention de travaux a titre d'exemple ne preten-

de jamais a l'exhaustivite. II nous appartient seulement d'appuyer une

reflexion, d'engager e dialogue a l'horizon d'un dossierouvert, selon qu'i

bouleverse a travers de multiples redecouvertes l'ensemble d'une perio-

disation et d'une conceptualisationde l'histoire des penseeset formes de

penseeanciennes.

9. Voir notamment les articles de J.-C. PICARD, L'apocryphe a l'etroit.

Notes historiographiques sur es corpus d'apocryphesbibliques" et de F.

SCHMIDT,John Toland. Critique deiste de la litterature apocryphe", in

Apocrypha 1 (1990),p. 69-117et p.119-145.

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240

I. ULLERN -WElTE

tela -archeologique,ethnologique,artistique, itteraire, ou pratique,

discursif, maginaire, et autres -engage es chercheursa developper

des methodes particulieres, adequatesa leur materiau, en meme

temps qu'a maintenir, plus ou moms ixement, despoints aleatoires

de comparaisonexteme, au regard de la composition d'ensemble

d'une apocryphitepolymorphe. Cespoints sontdits aleatoiresen ce

qu'ils dependentde la definition que l'on donne du materiau; dans

Ie meme emps esparticularitesmemesde ce materiau e font echap-

per aux cadresdefinitionnelsll. De la sorte, es particularites l'em-

portent deliberementsur une quelconque forme generale possible

de l'apocryphite.

3. L'enjeu reconnu

C'est celui de l'intelligibilite scientifique. C'est egalementcelui

de la verite, comme garantie d'un result at par une procedure

convenue.1l s'agit de verifier la pertinence, ou non, d'un tel juge-

ment concernant la dilution de la comprehension scientifique, a

priori applique au casapocryphe de l'histoire complexe du juda is-

me et du christianisme de l'antiquite hellenistique, puis romaine.

Comprenons que c'est en reponse a ce genre de specialisationde

la scientificite que l'amplitude hermeneutique doit etre de nou-

10. Apocryphite, voir E. LfITRE, Dictionnaire de La angue franfaise, Paris,

1956, t.l, col. 476. Nous choisissons ce mot plutot que Ie neologisme scien-

tifique apocryphicite (cf. Apocrypha 1 (1990), p. 11), deja en usage

majoritaire, afin nous eloigner deliberement de ce qui nous semble rele-

veT d'une contagion acoustique, insue ou subversive, entrant en contra-

diction avec Ie souci scientifique affiche : elle favorise, ou proviendrait de

la synergie precisement a deconstruire entre canoni-cite et apocryphi-

cite: A moins qu'il ne s'agisse de faire echo a la scientifi-cite. Tout est

dans Ie ci , ou Ie comme si ...

11. Ainsi W. Schneemelcher, affinant progressivement la definition des

apocryphes (qu'il restreint au rapport avec Ie Nouveau Testament, dans

Ie cadre d'une histoire de l'Eglise, durant une periode courte de trois

siecles), souligne qu'il taut proceder au cas par cas, pour tout ce qui rele-

ve des contenus et des genres de cette litterature. Outre leg editions suc-

cessives de E. HENNECKE-W. SCHNEEMELCHER, eutestamentliche Apo-

cryphen in deutscher Obersetzung, 2 volumes, Ttibingen, 1959-1964

(plusieurs reeditions depuis), voir E. JUNOD, Apocryphes du Nouveau

Testament ou apocryphes chretiens anciens? Remarques sur la designa-

tion d'un corpus et indications bibliographiques sur leg instruments de tra-

vail recents , in Etudes Theologiques et Religieuses 58 (1983), p. 409-421,

et Apocryphes du Nouveau Testament. Une appellation erronee et une

collection artificielle. Discussion de la definition proposee par W. Schnee-

melcher , in Apocrypha 3 (1992), p. 17-46.

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241

A SIGNIFICATION APOCRYPHE

veau articulee a celIe de la critique. Schleiermacher, e premier,

considere que la critique developpe certesdes specialites,mais ne

rend paspossibleun procesd'intelligibilite generale.Selon ui, c'est

a l'hermeneutique qu'il revient d'appuyer a generalitedialectique,

constitutive d'une science dont Ie sujet procede alors -philoso-

phiquement -de discours et de l'interpretation de ces discours,

mais egalementde la penseeque chacun d'eux a formee. Le pro-

jet de Schleiermachern'est pas de dresserune quelconque essen-

ce, encore moins une quelconque ntemporalite de l'objet etudie12.

II consiste a souligner que I' art de comprendre ne commence

qu'en presenced'une penseeelaboree 13.Et cette precision nous

amene, non pas a la constitution du cercle hermeneutique 14,

mais a la prise en compte de la fonction conferee au sujet de la

recherche; c'est a dire a sa possibilite de signifier quelque chose

et de signifier en verite: C'est cela qui, s'il represente une pensee

elaboree , est seul a meme de s'offrir a l'intelligence scientifique.

Or, un tel art ne peut developper ses egles qu'a partir d'une for-

mule positive qui est: Reconstruire Ie discours donne de fa<;ona

la fois historique et divinatoire, objective et subjective 15. ne telle

entreprise de reconstruction designe a tache hermeneutique en

soi, dont Ie detail TestehOTS u presentpropos16.

12.11 ouligne au contraire Ie developpement istorique de a pensee, ntre

des formes culturelles generalesde pensee et des penseesparticulieres,

illustrant, s'opposant, transformant ces formes generales (C. BERNER,

op.cit., Paris, 1987,p.115), mais toujours relativement a ce qu'elles expri-

ment : la nature, l'esprit, et les conditions du savoir, -ceci aux differents

niveaux de la pensee connaissante,a penseepratique (visant a produc-

tion d'un resultat objectif), artiste (tendant a l'empathie et a l'apaisement

des tensions), et pure (s'attachant aux conditions de possibilite, c'est Ie

niveau abstrait de la reflexion). Pour Schleiermacher, t pour sescontem-

porains, a pensee est toujours penseede quelque chose qui lui est exte-

rieur (l'etre comme inadequation a soi). C. BERNER, p. cit., Paris, 1987;

H. WISMANN, eminaire £.H.£.S.S., 1994-9595.

13. C. BERNER, p. cit., Paris, 1987,p. 115.

14. Bien qu'elle en accompagne 'etablissement, e developpement et la

discussion.Cf. supra n. 2; P. RICOEUR, e conlit des nterpretations,Paris,

1969,p. 7-28; P. SZONDI,ntroduction a l'hermeneutique litteraire, Paris,

1989,p. 95-108et p. 7-18.

15. C. BERNER, p. cit., Paris, 1987,p. 123.

16. Analyse par C. BERNER, p. cit. Paris, 1987,p. 124 et p.XIII, quatre

momentsdu travail hermeneutiquecombinent es quatre adjectifs : histo-

rique , divinatoire , objectif', subjectif', et renvoient a ce que 'herme-

neutique recherche,en combinant es niveauxde a langue (grammaire,dis-

COuTs),'evolution historique (d'une langue,d'une culture, d'un auteur), et

l'interaction entre culture (spherede langage)et individus (discours,deci-

sionsinguliere .

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243

A SIGNIFICATION APOCRYPHE

neutique s'avere indispensable18;pour la recherche hermeneu-

tique : une procedure entre l'histoire et la critique -comme eluci-

dation -est Ie prealable inaugural. 11s'agit, a partir du continent

apocryphe, de cherchera ajuster ces egistres afin d'etre en mesu-

re de passerde la prevalanceempirique de l'objectivite historique,

revendiquee par plusieurs interets disciplinaires (a un niveau lit-

teral de conflit des interpretations ), a la consideration fonda-

mentale de la recherchecommeprocessus 'intersubjectivite. C'est

ce moment second et principiel qui doit etre celui de l'efficace du

conflit des interpretations, et non Ie precedent durant lequelles

conflits ont pour principal inconvenient de melanger eg nterets

qui leg motivent aux resultats que ces derniers produisent.

11sera donc suffisant de considerer comment la reliure her-

meneutique d'un dossier critique particulier permettrait de Ie

determiner, relativement a des questions generales de connais-

sance.De ce point de vue, la perspectivescientifique, ndiquee par

une referencecontemporaine et non historienne a Schleiermacher,

supposed'emblee qu'une problematisation du type de celles ren-

dues possible par Ie recours aux scienceshumaines ne suffit pas a

elucider ni a penser certains aspectsde ces questions generales

notamment l'aspect de la subjectivite et de la reference19, otam-

18. Entre autres exemples, ette note de 1828a la troisieme these de 1819

(cf. C. BERNER,p. cit., Paris, 1987, .114): 3. Puisque dans 'hermeneu-

tique,) 'artde discouriret 'art de comprendre efontface,maisque discourir

n'est rien d'autre que a face externede a pensee,'hermeneutique ntretient

un lien avec 'art de penseret (est) donc philosophique. * note: De meme

que l'hermeneutique generaleva ensembleavec a critique, de meme elle

va ensembleavec a grammaire.Mais puisqu'il n'y a ni communicationdu

savoit; ni fixation de celui-cisansces rois (arts,) et qu'en meme emps tout

actede pensercorrect a en vue un actede parler correct, ls sont egalement

tOllS rois parfaitement ies ala dialectique. (noussoulignons); I'art de par-

ler designe a rhetorique. Pour Ie projet de dialectique philosophique de

Schleiermacher, oir C. BERNER,p. cit., Paris,1987; H. WrsMANN, emi-

naire E.H.E.S.S.,1994-95;A. LAKs, Platonisme et systemechezSchleier-

macher : des Grundlinien a la Dialectique , n A. LAKs-A. NESCHKEED.),

op. cit., Lille, 1990,p. 155-181.Traduction fran~aisedes Dialectiquesde

Schleiermacher ar C. Berner et D. Thouard (a paraitre en 1995).

19. Sur a question du sujet et celIe de la reference,cf. par ex. P. Ricoeur

lan~ant e debat avec e structuralisme de l'anthropologie sociale et avec

la linguistique semantique et structurale, n Le Con lit des nterpretations,

Paris, 1969,p. 31-97 lere partie) : La conquete du point de vuestructu-

Tal est a coup sUr une conquete de la scientificite. En constituant I'objet

linguistique comme objet autonome, a linguistique se constitueelle-meme

comme science.Mais a quel prix ? (...) Les chosesditesne sont pas for-

cement une architecture similaire a celIe du langage, en tant qu'instru-

ment universel du dire. , p. 84 et p. 41 (nous soulignons).

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244

I. ULLERN-WEITE

ment celui de la pretention a la verite20; l'un et l'autre aspects

comme positions memes du conflit de la signification et de l'in-

terpretation.

Considerant de la sorte jusqu'a la finalite de l'elucidation, la

 reliure de la critique et de l'hermeneutique change a terme de

fonction; elle n' est plus en effet seulement anthropologique, ni

meme epistemologique. Elle s'estompe devant un geste fonda-

mentalement deplace, constructif autant qu'emancipatoire, a la

fois contingent et en verite : la faculte retablie d'un jugement.

Une telle disposition, naturellement liminale, deborde en fuite la

proposition choisie pour ces ignes, mais lui confere un relief deje-

te,indispensable.

II. La disposition du dossierapocryphe: En quoi est-il an-

thropologiquement ritique et non de critique hermeneutique?

1. Pour un passageynamique ntre a generalite t a speciali-

sation.

II s'agit de chercher Ie passaged'une dynamique, composite

mais fondamentale, que les etudes apocryphes n'elaborent pas

encore directement a partir de leurs presuppositions empiriques.

En distinguant dans une situation scientifique donnee ce qui, en

ene, peut permettre de tracer despoints de vue a mettre en debat,

l'on cherchera les positions qui seraient a meme de s'inscrire en

dialogue, au point que cette inscription soit la condition meme de

la visee de connaissance. I nous taut alors parcourir la textualite

apocryphe particuliere en l'evaluant selon les interets de

recherchesqu'ene expose explicitement, ainsi que selon es pre-

supposesqui les gouvement hOTSoute auto-reflexion .

20. Ct. notamment, P. LEGENDRE, 'amour du censeur,essaisur l'ordre

dogmatique, Paris, 1974,p. 232-245 ( Aussi, Ia question sabbatine. Qui

tient aujourd'hui Ia place du canoniste ? ); Ies travaux de J. Habermas

sur Ies sciences ociales,et son debat avec 'hermeneutiquede H.G. Gada-

mer (cf. supra note 2); J. HABERMAS, onnaissance t Interet,Paris, 1991,

p. 347-48 Quand DOllS isons que Ies faits soot des etats de choses qui

existent, alors DOllS e pensonspas a I'existenced'objets mais a Ia verite

de contenuspropositionnels. ...On ne produit rien d'autre dans e proces

discursif que des arguments.Les faits se trouvent sous eserve d'existen-

ce: on discute d'etats de chases. ..(I') objectivite d'une experience affir-

mee n'est pas dentiaue a Ia verite d'un enonre affirme.

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245

A SIGNIFICATION APOCRYPHE

Nous anIons l'occasionde verifier que c'est, en partie par l'obli-

gation ou elles se trouvent de collaborer a priori sans imites de

disciplines, en partie orientees par la critique du modernisme

qu'elles exposent, en partie enfin par leur statut de sciences

sociales ou de sciences eligieuses),que les recherchesapocryphes

se donnent aujourd'hui un cadre specialise elles avancent a mi-

chemin entre Ie monde biblique et sessatellites savants ou tradi-

tionnels, et Ie monde anthropologique et ses enjeux scientifiques

et ideologiques. Dans cette mesure, Ie champ apocryphe illustre

parfaitement toute une serie de questions, elative au comparatis-

me, necessairemais delicat en matiere d'anthropologie religieuse.

Ce comparatisme s'impose a comme decentrementdes points de

vue21, n tant qu'il a accompagne e developpementdes principes

classificatoiresdes sciencessociales22 ar leurs posterites structu-

rales et linguistiques23.Dans ces conditions, l'anthropologie com-

paree travaille en priorite sur des nventaires etendus, autant que

sur les ecarts dynamiques et differentiels des champs etudies.

Ainsi, la recherchepratique, dans sa orme critique et empirique,

est requise pour sillonner -plutot que pour encadrer -l'indeter-

mine et Ie divers culturels. La generalite y tient a un seul fil de

l'echeveau ecarte des nterets de recherches: Ie fil de l'alea com-

21. M. DETIENNE,Qu'est-ce qu'un site?", in Critique 503 (1989),p. 211-

227 repris dansM. DETIENNE, races e ondation, Louvain-Paris, 1990)

"Comment amenagerun terrain de reflexion commun entre des anthro-

pologues ..? ...La comparaison aisait son chemin, silencieusement, ntre

gensde terrain et observateursde textes. Dans cette perspective, 'atten-

tion se depla~it...". Et dansO. ABEL-F.SMYrn, op. cit., Paris, 1993,p.ll-

14, "L'anthropologie nait comparative, on Ie sait, tandis que l'histoire,

certes,petit se Caire omparee 1 aisau prix de grandes nquietudes,et sans

autre resultat que de reinventer a son usage es fins de l'anthropologie :

soit, la recherche des proprietes les plus generalesde la vie sociale. Des

qu'un historien se propose de rendre compte de la variabilite des cultures

humaines, il pense en anthropologue et tant mieux, s'il n'oublie pas les

societes historiques et a histoire." Parfois la recherche de deplacement

passea proximite d'une recherche de de-jugement,comme un renverse-

ment esthetique; voir F. SMYTH-FLORENTlN,'ecriture egyptienne,nsti-

tut Protestant de Theologie, Faculte libre de Paris, 1988 (Polycopie).

22. E. DURKHEIM-M. MAUSS, De quelques formes de classification -

contribution a l'etude des representations collectives", in Annee Sociolo-

gique 6 (1903).

23. M. KILANI, Introduction a l'anthropologie, Lausanne, 1992,n'aborde

pas 1'anthropologie specifiquement religieuse sur l' Antiquite.

P. LABURTHE-ToLRA I-P. WARNIER,Ethnologie, anthropologie, Paris,

19942 introduction tres scientifique, au sens du modele des sciencesde

la nature). Voir aussi Le grand atlas des religions,editions de l' Encyclo-

pedia Universalis,Paris, notamment F. HARTOG, Les religions comme

objet de savoir" aux p. 44-45.

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246

I. ULLERN-WEITE

binatoire, Ie plus apte a arpenter l'espace anthropologique, en

toute legitimite de la collaboration scientifique -mais en tout arbi-

traire finalement dirimant. L'objet scientifise , positif, est ainsi

directement requis pour tenir lieu de fondation d'une interdisci-

plinarite, en ce gens rreflechie.

C'est selon de telles dispositions que Ie propre de l'apocryphite

serait de faire transgresser aux recherches des frontieres perio-

diques ou culturelles -donc traditionnelles et ideologiques. C'est

vraisemblablementpour favoriser egpassages isciplinairesqu'elle

est a nouveaux frais re~ue comme litterature. La relance des

etudes sur eg apocryphesanciensdeploie effectivementcette natu-

re litteraire, en lui octroyant meme une propriete polemique : il

s'agit de valoriser leg documents apocryphes, de leg extraire du

rebut d'une marginalite classique eg ayant definitivement quali-

fies de batards z4. Ainsi advientl'apocryphite, demi-metamor-

phosee en reconquete critique d'un oubli orchestre selon cette

autre litterature, eminemment institutionnelle: la litterature

biblique. Or, il s'avere que l'apocryphe partage avec Ie biblique

une fonction litteraire majeure: orchestrer des passagesnter-cul-

turels dans une aile politique donnee, et connaissant 'inevitables

variations sociales.Mais par Ie court-circuit pratique decrit plus

haut, fondant la dynamique de la recherche, sansmediation, sur

celIe meme de sonobjet, la litterature apocryphesembleetre char-

gee du devoir historique d'arracher toute la litterature juive et

chretienne antique d'une polarite biblique, anachroniqueet eccle-

siale25.

24. EUSEBE, istoire EccLesiastique,II, XXV; 4. Pour Ie point de vue clas-

sique sur les apocryphes, voir par exemple P. BATIFFOL,Apocryphes

(livres) , in Dictionnaire de LaBible I (1906),col. 767-772.Pour un regard

renouvele sur la me-me istoire du mot, F. SCHMIDT,L'ecriture falsifiee.

Face a l'inerrance biblique : l'apocryphe et la faute , in Le Tempsde la

Reflexion 5 (1984),p. 147-165.Entin pour reconsiderer en detaill'histoi-

re anciennede certainsdossiersapocryphes,E. JUNOD,Actes apocryphes

et heresies: Ie jugement de Photius , in Les acresapocryphesdes apotres,

Geneve, 1981,p. 11-24E. JUNOD-J.D.KAESTLI, 'histoire desActes apo-

cryphesdu II Ieau Ixe siecle: Ie casdesActes de Jean, Lausanne,1982; E.

PATLAGEAN,Remarques sur a production et a diffusion des apocryphes

dans e monde byzantin , in Apocrypha 2 (1991),p. 155-1.63.

25. Par exemple,point de depart de la communication d'E. Norelli sur es

apocalypses pocryphes oTS u Colloque international sur es itteratures

apocryphes chretiennes, Lausanne-Geneve,mars 1995.

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247

A SIGNIFICATION APOCRYPHE

La question que l'on est en droit de poser aux etudes apo-

cryphes, cristallisant de la sorte un enjeu restrictivement historien,

doit aussitot anticiper: dans quelles conditions l'arrachement

requis autorisera la comprehension du phenomene itteraire lui-

meme, ainsique celIe de son nscription factice en corpusulterieurs

artificiels? Plusprecisement,en des ermesplus anthropologiques

la repartition posterieure d'un phenomene culturel en cloisonne-

ments institutionnels divers (chretien/juif, chretien/palen, nou-

veau/ ancien, canonique/fabuleux, patristique/heretique...) parti-

cipe-t-elle en propre au phenomene culture 1particulier? Si Qui,

comment? Neammoins, 'honnetete impose de distinguer une fois

pour toutes l'apport de l'anthropologie de ses apories involon-

taires, meme si elle en est responsable: Ie merite premier du

renouvellement des etudes apocryphes est d'avoir oeuvre au

reexamen d'un domaine de recherchesneglige. C'est bien en s'at-

tachant are-presenterce nouveauphenomene l'histoire descor-

pus... qui (a) fait des apocryphes cet objet d'apparence etrange 26

-que leg etudes critiques n'elaborent pas dans Ie meme temps leg

conditions de comprehensionde l'apocryphite litteraire.

Precisonsde surcroit que toute recherche appuyant a critique

sur la potentialite critique supposee de l'objet qu'il circonscrit,

toute recherche tendant a se poser comme l'inversion de ce qui la

precede Ie plus etroitement, n'evite pas la question de son ns-

cription inherente ala refiguration qu'elle dessine: simplement

par Ie biais du langage ordinaire qu'elle emploie pour decrire leg

phenomenes,autant que pour leg nterpreter27.Pretant sesmots a

la transcription des mots antiques, elle vient inscrire un champ

d'elocution et de signification commun a la recherche et aux phe-

nomenesetudies. A partir de la, elle ne peut plus pretendre simul-

tanement s'exterioriser de cette sphere d'expressiondoni elle par-

ticipe. Ce type d'impassede la critique ideologique rut reconstruit

par J. Habermas qui conjugue philosophie pragmatique et philo-

26. Ct. Apocrypha 1 (1990),p. 6.

27. J. HABERMAS, p.cit., Paris, 1987,p. 240: La rhetorique et l'herme-

neutique soul des arts qui developpent et cultivent methodiquement une

faculte naturelle. ...La reflexion sur l'art de comprendre et de faire com-

prendre, d'une part, de convaincre et de persuader,de l'autre, ne vise pas

a son tour un art, mais La connaissancephiLosophique des structures

propres de Lacommunication au moyen du Langage rdinaire. (nous sou-

lignons).

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248

I. ULLERN-WEITE

sophie transcendantale28, rincipalement a l'encontre d'un defaut

de scientificite de la logique dessciences ociales29.'ambition phi-

losophique est, depla~ant es cerclesdualistes d'oppositions de la

raison a elle-meme, ou a ce qu'elle n'est pas, de depasseres apo-

ries critique, rationaliste, dealiste,afin de parvenir a vensel a pre-

tention a la verite de la science comme interlocution contingen-

te et performative, posant de droit (et non de fait) la situation

sociale de la communication, constitutive de l'edification concer-

tee de la pensee (de la raison pratique )3°. La encore, il s' agit du

point de fuite de l'etude engagee.Tel que nons allons Ie dechiffrer,

Ie casapocryphe eleve de cette problematique de la verite comme

position de La eflexion. En tout etat de cause, 'accord s'y fait vrai-

semblant a l'aide de la critique positive tenant lieu de presupposi-

tion fondamentale. II se trouvera une persistancede relation spe-

culaire - reflechissante , comme en miroir -entre Ie deploiement

de l'objet et Ie deploiement de la recherche -ensemble: scienti-

fiques, ensemble: critiques. Or c'est finalement a la mediation

d'une reflexion veritable, seule a meme de depasser usqu'aux

oppositions actuelles entre hermeneutique et critique, qu'il peut

revenir d'aerer la relation entre la recherche, son ambition fon-

datrice, son objet et son propre horizon socio-culturel.

A partir de la proposition generalechoisie, e dossierapocryphe

se transformerait de la sorte : cherchercommentpasseet peut etre

disposee a comprehension, en tant qu'elle correspondrait simul-

tanement a l'elucidation des presupposeset a la situation meme

de l'apocryphite. II convient alors de revenir au texte annonce,

ainsi qu'aux positions divergentes qui l'abordent.

28. Comme critique de la culture , position negligee de l'anthropologie

sociale,dans aquelle a part historiographique des echerchesapocryphes

s'inscrit cependant. Voir E. CASSIRER,ogique dessciences e a culture,

Paris, 1991,et l'importante preface de J. GAUBERT,bid. p. 9-72. Voir T.

ADORNO, La sociologie de la connaissance, orme de conscience , et

 Critique de la culture et societe , n Prismes,Paris, 1986, . 24-36,et p. 7-

23. Ct. J.M. FERRY, abermas.L'ethique de a communication,Paris 1987,

p. 223-277 chapitre Histoire et utopie ).

29. A propos de la problematique de la comprehensiondu sellSdans es

sciences raxeologiquesempirico-analytiques ,op. cit.,Paris, 1987, . 118-

215. Sur l'ecole de Francfort, voir R. Rochlitz, lors d'une recente emis-

sion de radio, France Culture, Les chemins de la connaissance L'ecole

de Francfort , Paris,mars 1995; M. ABENsoUR,La theorie critique: une

penseede PExil ? , in Archives de philosophie, 45, (1982).

30. Bien evidemment, nous resumons t Pextreme. Ct. J. HABERMAS,p.

cit., Paris, 1987,p. 329-411 (Signification de la pragmatique universelle);

J.M. FERRY, p. cit., Paris, 1987,p. 223-277.

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249

A SIGNIFICATION APOCRYPHE

2. L'actualit6des echerches pocryphesend a s'6difiergloba-

lementsurelle-meme, n ermesdoublement ritiques.

En parcourant Ie relief bigarre des etudes apocryphes, dont la

recente relance (a partir des travaux de la secondemoitie du XXe

siecle31) e trouve comme encadree -certes, provisoirement -par

un double colloque32, tine ligne de tension en emane qui,

ensemble, maintient la diversite, voice l'heterogenelte des nves-

tigations, et deploie Ie desseind'un interet communcentre sur 'ap-

pellation apocryphe . Tout sepasse omme si c'etait bien sur 'ob-

jet scientifique meme, exactement sur Ie statut scientifique

octroyable a l'objet-meme, que reposait Ie volumineux montage

des echangesde recherche -quel que soit Ie propos thematique

occasionnelde ces echanges.Nous venons de suggerer comment

tine situation de ce genre n'est en rien Ie propre des etudes apo-

cryphes; elle repond a ce type de fonctionnement scientifique qui

entend garantir sa egitimite, entre autres moyens par la pluralite

des nvestigations.Marquee par la prudence,se mefiant desgrands

systemes educteurs ou simplistes, cette pluralite methodique est

immediatementdonnee comme gagenecessaireet suffisantd'ade-

quation empirique a l'objet etudie. Ceci permet aux chercheurs

d'etablir un avancementpragmatique des resultats de recherche,

parallelement partageablesen continu33. 'hypothese est mainte-

nant d'examiner comment estcirconscrit, de fa~on res particulie-

re, Ie debat actuel sur es apocryphes et d'en faire ressortir la pos-

sibilite d'une scientificite constitutive et pas seulementmethodique.

La demarche est claire: inscrire d'abord la problematique domi-

Dantedans a position reflexive que nons avonsevoquee et depas-

ser du meme coup l'opposition entre general et specialise ;

31. J-C. PICARD, op.cit. , in Apocrypha 1 (1990), p. 87 (§ Jalons pour

une histoire des apocryphes (1722 -1964) ). E. JUNOD, op. cit. , in Etudes

Theologiques et Religieuses 58, (1983), p. 409-421, J.-D. KAESTLI, Les

principales orientations de la recherche sur les actes apocryphes des

ap6tres , in F. BOYON (ED.), op.cit., Geneve, 1981, p. 49-67.

32. Les litteratures apocryphes, Colloque du centenaire, 22-24 septembre

1986, E.P.H.E. Section des sciences religieuses, Paris, voir CANAL-infos 2

(1985), p.13 (actes publies in Apocrypha 1 (1990) etApocrypha 2 (1991»;

Colloque international sur la litterature apocryphe chretienne, Facultes de

theologie des Universites de Lausanne et de Geneve 22-25 mars 1995

(actes it paraitre).

33. Si cette caracteristique generale releve bien de l'echelle specifique de

l'histoire des siences et des sciences sociales, elle deborde Ie present pro-

pos. Pour une approche philosophique de la question comme histoire non

des disciplines scientifiques mais de la pensee, voir notamment les recueils

d'articles de E. CASSIRER,of. cit., Paris, 1991, et de A. KOYRE, Etudes

d'histoire de la pensee scientifique, Paris, 1992.

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250

I. ULLERN-WEITE

puis, poursuivre la deliberation au-dela de la mediation necessai-

re -mais qui n'est qu'une etape -de la critique et l'hermeneu-

tique34.

Sanspretendre indument a l'unanimite, l'avant-propos inaugu-

ral de la revue Apocrypha foumit une expressionde cette relance

scientifiqueque nouspouvons enir comme epresentatived'un pan

majeur -et peut etre pour un temps confederateur -de l'etat pre-

sent du dossier apocryphe. Revue intemationale specialisee,elle

est apparue en meme temps qu'une nouvelle entreprise editoriale

d'envergure35, a egitimite, ala fois collective et scientifique, est

d'emblee assise ans a publication iminale desactesd'un colloque

de sciences eligieuses, soucieuxalors de prendre acte des acquis

d'un certain nombre de deplacements cientifiques, selondiverses

periodes et diverses aires, afferentes aux litteratures apocryphes

bibliques. Dans ces conditions generales, a revue exprime une

orientation d'emblee inter-disciplinaire et strictement objective

(pointee sur l'objet) des recherchesapocryphes: Les litteratures

apocryphes n'ont pas encore vraiment trouve leur statut d'objet

scientifique 36.La revue Apocrypha propose ainsi l'horizon com-

mUD ossibledesconfrontations: ouvrir un espace a taus ceux qui

s'emploient (...) a reorganiseret transformer l'ancien objet d'eru-

dition en un nouvel objet pour faire de 'histoire. Autrement

dit, tout se passecomme si, pour l'heure, les etudesapocryphesse

devaient d'avancer en visant, plus ou moins precisement,plus ou

moins principalement, la definition inter-disciplinaire (= la scien-

tifisation) de l'objet apocryphite . Agencee dansces ermes hos-

pitaliers de la critique documentaire enouvelee37,'orientation des

recherchesest confirmee en edifiant et critiquant l'historiographie

modeme du terme apocryphe , au meme itre que l'investigation

34. Que ron pense au mouvement ondamental de la triple mimesis de

P. Ricoeur, qu'il conviendrait d'affronter en me-me emps que la raison

communicationnelle de J. Habermas.

35. Corpus Christiano rum SeriesApocryphorum (C.C.S.A.), dirige par

I' A.E.L.A.C., aux editions Brepols, Turnhout. Voir J.-D. DUBOIS, Pour-

quoi publier la litterature apocryphechretienne? , in CanaL-infos (1985),

p. 15-22.

36. Apocrypha 1 (1990), iminaire, p. 4 et 6, de me-me ue p. 7-12.

37. Faire de I'histoire renvoie precisementa un article de M. de CER-

TEAU: L'operation historique , in J. LE GOFF P. NORA ED.) Faire de

L'histoire, t.1, Paris, 1974. En France, poursuite du debat par un autre

recueil (de moindre envergure), se complaisantquelque pen dans a dis-

persion des problematiques,J. BOUTIERD. JULIA (ED.), Passes ecom-

poses.Champs et chantiersde L'histoire,Paris, 1995.

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251A SIGNIFICATION APOCRYPHE

de sonantiquite complexe Ie renouvellementdesproblematiques

et des methodes anthropologiques, historiques, inguistiques per-

met d'envisagerd'autres approchesdes phenomenesdont temoi-

gnent eg itteratures apocryphes ; une antiquite conduite usqu'a

sesmultiples deploiementsmedievaux la redecouvertede la pos-

terite des apocryphes .

Le travail critique est donc double: d'une part, il s'agit de cir-

conscrire un objet antique -et medieval- polymorphe, c'est a dire

determiner ces nombreux phenomenes dont temoigne l'apocry-

phite. Il s'agit simultanement d'edifier la critique de sa circons-

cription traditionnelle, presenteecomme etriquee, au regard pro-

gressifde ce que chaque dossierparticulier permet de remettre en

cause sur des points historiques auparavant acquis38.C'est en ce

gensprecis que l'entreprise actuelle des etudes apocryphes peut

etre qualifiee de programme de recherches en histoire et en

anthropologie socio-religieuses, selon cette premiere tonalite

majeure de sa scientificite : au titre general de critique documen-

taire et de critique semantique, renvoyant a des phenomenesde

significations et non a de simples lexiques. Le renouvellement

consiste d'abord en ceci qu'il taut a present circonscrire non des

chaines de mots et d'usagesde mots, non des listes de textes ou

des imitations de corpus generiques,mais bien des situations his-

toriques, grace a quoi les auteurs (...), partant de documents de

genresdifferents, de cultures autres et de problematiques diverges,

remettent en question quelques dees re~ueset dessinentde nou-

38. Sur a basede la revue, es principaux dossiers etraverses P. ALEXAN-

DER, Late Hebrew Apocalyptic: a Preliminary Survey. , n Apocrypha

1 (1990),p. 197-217;R. BAucKHAM, The conflict of Justice and Mercy:

Attitudes to the Damned in Apocalyptic Literature , in Apocrypha 1

(1990),p.181-196, The apocalypseof the SevenHeavens, n Apocrypha

4 (1993),p. 141-175, The apocalypseof Peter: a Jewish Christian Apo-

calypse from the Time of Bar Kokhba , in Apocrypha 5 (1994),p. 7-111;

P. PIOVANELLI,Les aventures des apocryphes en Ethiopie , in Apocry-

pha 4 (1993), p. 197-224; M. STONE,Travaux actuels sur la litterature

apocryphe armenienne , n Apocrypha 1 (1990),p. 303-311.Voir en outre

la revisitation apocryphe de la mariologie et de l'histoire des representa-

tions qu'elle focalise, par S.C. MIMOUNI, Les apocalypsesde la Vierge.

Etat de la question , in Apocrypha 4 (1993), p.101-112; cf. aussi S.C.

MIMOUNI, Dormition et Assomption de Marie. Histoire des traditions

anciennes,Paris, 1995.

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252

I. ULLERN-WEll'E

velles pertinences 39.Glissons alors, par celie breche contextuel-

Ie, combien l'apocryphite est l'occasion, pour l'histoire et l'an-

thropologie en question, de rallier d'anciens auguresde decou-

verte de nouveauxcontinents , qu'elle aborde de cet allant serieux,

souleve de franges epiques Or ce Testedelaisseest a lui seul un

univers. ...Enfin, au dela du monde de l'ecriture, on voit l'apo-

cryphe envahir l'espace des pratiques semiotiques differenciees,

souvent articulees au double registre de l'oralite et de l'ecriture...

la demarche (est) entreprise ...pour rendre aux plaisirs de la Fable

et aux appetits d'histoire un monde oublie : celui du continentapo-

cryphe .

La croisee soutenant l'aventure enlace au premier plan l'an-

thropologie historique et la litterature, selon une visee sur aquel-

Ie il conviendra de s'attarder, dans a mesure 011 'est autour d'el-

Ie qu'un debat latent se profile, II.propos de divergencesaffichees

concernant eg criteres de delimitation de l'apocryphite40.

3. La critique historiographique accompagne e developpement

empirique des champs de recherche.

Avec sespairs historiens anthropologuesde taus domaines,une

part des apocryphiens raftage celie demarche: construire des

champsnouveaux, ayant delite les vieux objets de leurs assauts ri-

tiques.Dans celie mesurecognitive ou l'objet de 'enquete en est e

champmeme a circonscrire, ' apocryphe en soi n' est pas mmedia-

tement interroge; c'est en observant e champ mouvant d'ou elle

emaneque l'on saisirait 'apocryphite,commeune manifestation,un

phenomeneplutot qu'un document.Ce type de suspension evient

a edifier a science ur a contingenceen soi, autantdire sur es sables

mouvants.Retenons deja qu'a l'image de cet objet plurivoque, un

champ demultiplie et curieusementedificateur, a recherche apo-

cryphe, meme selon Ie point de vue d'une seule revue, apparait

39.Apocrypha 1 (1990),p. 7, suit l'enumeration des mises en place de ces

nouvelles pertinences, usque dans Ie n° suivant : La Fable, du texte Ii.

l'image , in Apocrypha 2 (1991). Voir aussi es sommaires et resumesde

la revue Apocrypha, des no1 (1990) i.5 (1994),puisque chaque fois une

equipe differente constitue un dossier.Se reporter aux bibliographies des

volumes parus du C.C.S.A. et des encyclopedies ou dictionnaires, ct.

bibliographie in Apocrypha 1 (1990).

40. E. JUNOD, p. cit., Paris, 1983. Voir aussi 'etat de la question par R.

Mc.L. WILSON avec une importante bibliographie), New Testament

Apocrypha , in E.J. Epp-G.W. MAC RAE (ED.), The New Testament nd

its Modem Interpreters,Atlanta, 1989,p. 429-456.

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253A SIGNIFICATION APOCRYPHE

d'emblee pluraliste et stratifiee; elle est dispersee,a celie reserve

partielle pres: pour autant que la sciencecritique guide les nvesti-

gations.On sedemanderasi ce guidagecritique suffit toutefois a l'ar-

ticulation des incessantesdissolutions qui Ie soutiennent, car il

revient a esquisserun champparallele d'incompatibilites, suspen-

dues precisementpar l'irresolution inherente du champhistorique.

Pour etre intelligible, l'irresolution demande a etre problema-

tisee des son amont41. Ceci n'est possible qu'au moyen d'une

double elucidation, celIe de l'objet et celIe de l'interrogation. Il

DOllSaut preciserque la critique apocryphevise plus au moins une

elucidation, mais de type ideologique et d'une maniere chronolo-

gique plutot qu'architectonique, en croisant litteralement l'histo-

riographie des corpus erudits a l'histoire antique des phenomenes

mis en corpus. Dans la proposition de la revue Apocrypha, la per-

spective du debat demeure historienne, seule a critique y change

d'objectif. Elle devient celIe des presupposesperiodiques gravi-

tant autour de l'objet apocryphe. Par ce geste critique, Ie conflit

des presuppositions est transpose sur l'objet: l'apocryphite est

d'abord caracterisee a grands traits comme l'histoire d'une mar-

ginalite chapitree par tine histoire officielIe, elle est ensuite tine

marginalite dont il s'avere qu'elle a contribue a travailler Ie patri-

moine imaginaire des representations antiques et medievales.

Celie critique des deologies prevaut ainsi aux conditions de l'in-

ventaire d'un ensemble autant epars qu'heterogene, qualifie de

culture I afin de mieux en deployer une saisie dite exhaustive,

contre tine autre, dite restrictive: les archives d'une culture

contre l'apocryphe a l'etroit .

41. Par exemple, R. GOUNELLE,Sens et usage d'apocryphus dans la

Ugende Doree , in Apocrypha 5 (1994),p. 190 et p. 192,ecarte un double

risque: hypertrophier, magnifier, ou bien reduire, minorer l'apocryphite.

Mais il insere un interet, incongru du point de vue de la critique historio-

graphique qu'il developpe par ailleurs: celui de la reflexion theologique

et de la pratique liturgique contemporaines a partir d' Apocryphes. Non

que cela soit injustifie, mais l'auteur ne signale tout simplementpas ce qui

autorise la correlation dans e cadre precis de son propos critique (histo-

rique et contemporain a la fois puisqu'il se refere aux dommages

modemes subis par les textes apocryphes).Une accroche eleologique ne

suffit pas a garantir la compossibilite des demarches, ni meme a argu-

menter la finalite qu'il invoque a demi. 1. Compte tenu du passif occi-

dental Eglise(s) / Apocryphes, comment engager a reference de(s) une(s)

aux autres ?2. Comment elucider la relation parallele entre cette finali-

te de critique eclaire et celIe de la relecture d'une lecture dominicaine

predicative d'apocryphite ?

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254

I. ULLERN-WElTE

En ces termes polemiques, Ie projet d'Apocrypha cherche it

dresser leg conditions cognitives de la saisie du champ apo-

cryphe , circonscrit de la maniere a plus extensivequi puisseetre :

1. n'exclure a priori rien de l'ensemble dit apocryphe, si inde-

termine que cela s'y presente;

2. collecter Ie materiau de telle sorte qu'il serve de source docu-

mentaire, en en reperant es supports existant, -des traces archeo-

logiques a la litterature constituee, en passantpar tous les types

d'apocryphite qu'ils transcrivent (des ecritures aux pratiques, des

arts aux ecrits, des marges aux institutions, aux oublies de l'his-

toire) -et par les aires, periodes et contextes de leurs manifesta-

tion et transmission oil les echellesspatio-temporellesse croisent,

oil l'ecriture reste un enjeu d'oralite);

3. en retour, etre attentif a remonter des discours, accessibles

sur cesdivers documents, aux representationsculturelles de la rea-

lite qu'ils travaillent, les redisposant;

4. entin, ouvrir les etudes a toutes les combinaisons igoureuses

de disciplines de dechiffrement possibles archeologie, philologie,

histoire, linguistique, ethno-sociologie,critique litteraire, etc. -sans

eviter parfois de froler, par la-meme, jusqu'au melange ncontro-

Ie des contextes et des objets d'etude42.

L'exhaustivite se pare en tout points de la rigueur epistemolo-

gique necessaire,suffisamment extensive pour accueillir a l'infini

conditionnel toute recherche pouvant en decliner les structures.

Cette qualification particuliere du champ apocryphe peut alors

etre dite de critique empirique en ce qu'elle definit d'emblee un

ensemble ouvert, constitue non par une somme finie d'elements

42. J-P. ALBERT, Le parium et Ie sang , in Apocrypha 4 (1993),p. 225-

243, comme dans son ivre Odeurs de saintete.La mythologie chretienne

des aromates,Paris, 1990,deploie Ie materiau des traditions et coutumes

occidentales passees la christologie sauvagedes egendes et des gloses

allegoriques , p. 231) dans ce qu'il appelle une mythologie ou sym-

bolique des aromates. Outre la richesse et l'ingeniosite malicieuse des

enquetes, qui amplifie notoirement l'apocryphite medievale, 'auteur ne

circonscrit pas veritablement leg sites symboliques qu'il investit en eg

accumulant.On ne distingue alors pas ce qui l'autorise it parler de mytho-

logie des aromates,encore moins de mythologie chretienne . Pour pas-

ser de la fabulation sauvagedes dogmes t un paradigme mythologique, l

y aurait -pour Ie lecteur en quete de partages de recherches -besoin de

quelques assises, u moins contextuelles, sinon cognitives, mieux preci-

sees.

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256

I.

ULLERN-WEITE

4. La critique historiquecomme critique des deologies'

En realite, la critique ideologique revient a defendre un princi-

pe commun d'appartenance, reconduit au titre d'une periodisa-

lion genealogique . Pour leg co-signataires du projet de la revue

Apocrypha, ce qui preside implicitement au niveau de la genera-

ligation des recherchesest, d'une part, Ie statut refondu de l'objet

en ensemble des champs historiques auxquels renvoie l'indeter-

mine de l'apocryphite. C'est, d'autre part, la production parallele

d'une dimension de l'objet adequate a la critique de sa posterite,

l'ayant edifie en surgeon fabuleux de la litterature biblique. Cet

aspectsecond gouverne en termes historiogaphiques la possibili-

te de l'elucidation45. Ce faisant, Ie projet d'etudes suppose tout

d'abord une sorte d'actualite de la gestion historienne d'un patri-

moine litteraire. C'est a ce niveau qu'intervient Ie recoursa la figu-

re rhetorique du legs culturel 46. Avec une volante d'affronter

deliberement Ie conflit des interets mis en jeu47, ette figure per-

met aux chercheurs d'insister sur la necessite qu'une legitimite

reconnue par taus -et non par Ie plus grand nombre48gouverne

l'inventaire du legs culturel que constitue a fable apocryphe,dans

l'ensemble large des litteratures juives et chretiennes de I' Anti-

quite . Or, si c'est a la posture d'heritage qu'il incombe d'assurer

l'actualite comme pertinence d'une recherche, c'est qu'en de~ade

la science, cette posture cree une obligation quasi civique, donc

une reference a la dimension politique legale du champ scienti-

rique contemporain. Precisons que cette accroche deliberee a la

realite sociale et politique consiste a DOUgendre disponible un

45. De la provient, parfois, l'impression superficielle que la critique cor-

respond a un liberalisme heureux de l'histoire contre une tradition

 etroite d'esprit de la philologie theologique, -ou l'enjeu serait donc

celui, simplifie, duel, de l'ouverture contre la cloture.

46. P. Geoltrain (cf. Annuaire de [,E.P.H.E., . XCIX, Paris, 1992,p. 289-

290) nsiste constamment sur la fonction de representation du langage,

souvent en reference a E. AUERBACH,Mimesis. La representationde la

realite dans a litterature occidentale,Paris, 19923.

47. P. GEOLTRAIN,Abraham notre Pere et Ie probleme de la filiation ,

in Canal-infos 7 (1990-1991), p. 11-23. Voir, pour memoire, Centre

d'Etudes des Religions du Livre, In Principia. Interpretationsdespremiers

versets e la Genese, aris 1973. Au regard de ce qu'apporte une relectu-

re diagonale de la mise en scene du Livre comme clou de fondation , la

Bible juive dans son evolution au Proche Orient ancien, F. SMYTH-FLO-

RENTIN,La Bible mythe fondateur. Des Temples aux millS ncrits a l'Ecri-

ture comme Temple , in O. ABEL F. SMYTH, p.cit., Paris, 1993,p. 59-66.

48. L'enjeu est celui d'un horizon prealable d'universalite de la connais-

sance.

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257

A SIGNIFICA110N APOCRYPHE

savoir de l'histoire des representations, -en tant que cesdernieres

soot deliberement, et non par hasard ou par necessite nherente,

organiseesen corpus re~us ou rejetes49. e celie maniere, Ie debat

invoque par la figure du legs n'evite alorspeut etre pas l'inscrip-

tion des attendus memesde la recherchedans a periodisation his-

torique par laquelle Ie legs nventorie parvient aux heritiers; ceci

en depit de la mise en question de celie periodisation historique.

Car celie derniere TestecelIe qui, ayant fa~onne sa mise a l'ecart,

determine la mise en valeur de l'apocryphite -ou bien comme lit-

terature specifique (c'est-a-dire non canonique), ou bien comme

manifestation d'un phenomene imaginaire (d'ordre litteraire, et

culturel).

La double entree critique du dossier mene de la sorte a recon-

siderer 'histoire des representationspresentes et passees e l' An-

tiquite. Il y a l' Antiquite telle qu'elle est per~ue aujourd'hui, a tra-

vers ses enouvellementsscientifiques.Et il Y a la modalite erudite

et antiquaire5O,'interposant indeniablement entre l' Antiquite et

sa refiguration scientifique recente, parce qu'elle a tout simple-

ment oeuvre a l'etablir. Comme leg articles critiques sur l'apocry-

phite depuis Fabricius Ie confirment taus, a perspectiveapocryphe

critique se developpe, pour l'instant majoritairement, a partir des

redecouvertesengageespar l'erudition et la passionde l'antique:

heritage de a synergie baroque de la Reforme et de la Contre-

Reforme51.Cesdernieres ant de fait impose ensemble (en littera-

49. Pour la fonction repoussoir de l'apocryphite, d'ou se detachent la veri-

te et la beaute bibliques, J.-C. PICARD, "op.cit.", in Apocrypha 1 (1990),

p. 105. Pour la perspective politique (institutionnelle) des corpus, P. GEOL-

TRAIN, "Lettre a Sarah. Sur la diversite des corpus", in Cahiers bibliques

de Foi & Vie 89 (1990), p. 3-9, en reference majeure a M. FOUCAULT,

L'ordre du discours, Paris, 1971.

SO.A. SCHNAPP, a conquete du passe. Aux origines de l' archeologie, Paris,

1993, a partir de la p. 121 (chapitre sur "I'Europe des antiquaires"); P.

VIDAL-NAQUET, "Oedipe a Vicence et a Paris: deux moments d'une his-

toire", in J-P; VERNANT -P. VIDAL-NAQUET, My the et tragedie, t. II, Paris,

1986, p. 213-235.

5L Voir la collection Bible de Tous les Temps, 8 vol., Paris, de 1985 a 1989:

specifiquement vol. 5 (B. RoussEL (ED.), Le temps des Reformes), vol. 6

(J. R. ARMOGATHE (ED.), Le grand siecle et la Bible), vol. 7 (Y. BELAVAL-

D. BOUREL (ED.), Le siecle des Lumieres et la Bible); B. ROUSSEL,

"L'epitre aux Ephesiens, de Laurent Valla a Sixte de Sienne et Theodo-

re de Beze: quelques aspects de l'histoire des ecrits bibliques au XVIe

siecle", in M. TARDIEU (ED.), Les regles de l Interpretation, Paris, 1987,

p. 173-194; A. LE BOULLUEC (ED.), Naissance de la methode critique,

Paris, 1995, p. 29-64 (deuxieme chapitre), p.117-145 (quatrieme chapitre).

Enfin, marques scientifiques d'une ambivalence et d'une prevalance his-

toriennes croissantes de la notion biblique mal definie, et de surcroit

reduite au fait canonique (en depit de la qualite des informations histo-

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258

I. ULLERN-WEITE

ture et en politique, en scienceet en metaphysique, en droit et en

theologie, etc.) l'entite Antique et l'entite Biblique, en leg arra-

chant de leur inscription medievale -censuree. Dans cette pers-

pective, qu'il s'agisse ' Antiquite ou de Bible, il est au ond deman-

de de leg croire d'une maniere ou d'une autre originaires pour nos

configurationscontinentales,etatiques,modemes52. 'est de la que

l'actualite apocryphe continue d'emerger hOTS e l'ombrage

antique fondateur. On la jugeait fabuleuse et fausse,elle devient

une source maginaire fiable. Des loTs, l est nevitable que l'apo-

cryphite confirme en eg faisant reapparaitre leg scelles etes sur a

temporalite medievale . Cela conforte necessairementeg croi-

sements qui servent de repoussoir autant que de base de depart

pour delimiter l'apocryphite: l'histoire eclesiale (conciliaire et

patristique) des Ecrits chretiens conjointe a l'histoire chretienne

des origines, auxquelles a scienceanthropologique oppose,a pre-

sent, l'histoire decentree des christianismes multiplies, ainsi que

celIe des bibliotheques meconnuesdujudalsme53.

Notons que, dans ce debat, tine tendance des recherchesapo-

cryphes maintient qu'apocryphite equivaut a la pluralite enfin

desenclavee l'histoire des vaincus de l'histoire, comme histoire

des singularites54). e choix equivaut de nouveaua maintenir l'in-

determine au niveau meme des conditions de comprehension: la

pluralite, en ce cas itteraire, precede a regulation, en ce cassocia-

Ie. Une autre tendance prefere considerer que l'apocryphite est

riques), P. Buc, L'ambigulte du Livre. Prince, pouvoil; etpeupLedans Les

commentairede LaBible au Moyen Age, Paris,1994.D'ou il ressortque la

sacralisationridentine de la cloture canonique,et es editions bibliques qui

suivirent, ont bien plus marque l'histoire du canoncomme ivre et princi-

pe hermeneutique et dogmatique a La ois, que les periodes precedentes,

orchestrantune autre scene maginaire du livre; cf. P. LEGENDRE,e desir

poLitiquede Dieu, Paris, 1988,notammentp. 218-269 sur I'Ecrit Vivant ).

52. J. HABERMAS,Je ne pensepas que nons soyonsautorisesa etre narIs,

et a sauter par dessusnotre condition moderne pour nons retrouver de

plain-pied avec es Anciens. Nous avons a etre honnetes,nons ne pou-

vons pas aire mine d'adopter des premissesque nons ne pouvons ni croi-

re, ni vivre , interview dans A quai pensentLes hiLosophes?, aris, 1988,

p. 26-27. II n'est qu'a regarder au musee du Louvre les quatre saisons

de Poussincombinant des hematiquesbuccoliqueset bibliques, selonune

invention picturale, spatiale et corporelle, particuliere«toiles peintes a

Rome entre 1660 et 1664).

53. Notamment, M.D. HERR, Les raisons de la conservation des Testes

de la litterature juive a l'epoque du Second Temple , in Apocrypha 1

(1990),p. 219-230.

54. Ct. Apocrypha 1 (1990), p. 5 : Longtemps considereescomme des

sous-produits itteraires... .

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259A SIGNIFICAnON APOCRYPHE

l'histoire contingente de deviations , regulee au rythme de choix

institutionnels successifs55.ela revient tout autant a betonner la

prevalance du principe canonique, en de<;a e sa fermete histo-

rique progressive.Comme si Ie canonbiblique chretien DOUg tait

une ere calendaire rreformable, universelle56. 'est de la sorte que,

dans Ie champ du christianisme ancien, l'apocryphite demeure

contradictoirement con<;ue omme a sourcedes marges ou celIe

de la profusion enchevetrees.Dans celie mesure,de la legende au

centon, des fresques aux enluminures, de l'image a l'edification

morale, mais ausside l'exegesegnostique a l'allegorie origenien-

fie, de l'apocalyptique au culte a mystere, des recits fragmentaires

aux enjeux identitaires discontinus, l'histoire de l'apocryphite

ancienne estea son niveau e plus determinantet Ie plus arbitraire

l'histoire generaled'une gravitation biblique factice.

Gravitation pesante au sein de laquelle la critique concourt, en

realite, a l'ajournement empirique de l'elucidation comme distan-

ciation ou comme deplacement : une telle regulation chronolo-

gique de la recherche apocryphe oriente d'une fa~on majeure la

recherche du passeaux ins d'une elucidation du present, mais sur

la base d'une obligation, et non sur la base d'un debat lui-meme

producteur de la legitimite de la science.C' est en dehors du desir

de La connaissance u'est ondee La connnaissance, utorisee rela-

tivement a des conditions civiles de legitimite. C'est de plein

55. P. GISEL,Croyance ncamee.Tradition. Ecriture. Canon.Dogme,Gene-

ve, 1986,p. 70-71 et Verite et Histoire, Geneve, 1977,defend l'idee que les

apocryphes (a l'instar des contradictions internes -redactionnelles -du

canon biblique) temoignent de la pluralite du croire, en des diversifica-

tions contemporaines es tines des autres,mais que chaque periode his-

torique regule tine foi centrale , au regard d'un ensembledisponible de

traditions. Contrairement a la majorite des systematiciens,P. Gisel dis-

perse la polarite ontologique de la verite, au benefice de la pluralite

contingente. Par contre, il pose tine forme latente et universelle du croi-

re, semblable a tine ontologie informelle, attendant d'etre regulee cir-

constanciellement par la polarite interiorisee de la verite. Voir aussisa

communication au colloque de Lausanne sur es litteratures apocryphes,

1995 a paraitre).

56. I.-D. DUBOIS,L'exegesedesgnostiqueset 'histoire du canondesecri-

tures et M. TARDIEU, Principes de l'exegesemanicheennedu Nouveau

Testament , in M. TARDIEU ED.), Les reglesde l'interpretation, Paris,

1987,p. 89-97,p.123-146, montrent en fonction du renouvellement des

etudes gnostiques et des etudes manicheennes, ue les regles d'interpre-

tation se forment de fa~on contemporaine dans 'ensemble des milieux

exegetiques,et que ni un corpus ni des principes d'interpretation cano-

niques (= universels ) distincts ne sont discemablesautrementque d'une

maniere retrospective.

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260

I. ULLERN-WEITE

fouet que peuvent ainsi se heurter divers types de regulations des

recherches. Et ces regulations proviennent d'un horizon institu-

tionnel autant que d'un horizon historique: notre horizon cul-

turel traditionnel, au sens Ie plus large du terrne (Ie plus vague

aussi). Par un subterfuge chronologique, la science se detache

naturellement de cet horizon, plutot que d'un droit qu'elle aurait

a reposer regulierement au seinde res dispositionsnaturelles, afin

de justifier sa pretention fondamentale a la validite scientifique.

5. Le recouvrement des nterets et leur dispersion renvoient les

contradictions a diversesmodalites de pensee.

Dans Ie cas apocryphe, Ie volume amplifie de la matiere n'au-

torise pas a negliger, en premier lieu, Ie risque que la profusion des

observations et des dechiffrements fait courir aux discours ecar-

teles par les approches, ou recomposes par les debuts de com-

mentaires, ceux-ci desquament et perdent leur tangibilite. Leurs

contradictions -dissonancesvives, nternes ou generales flottent

entre l'indetermine et des presuppositions ne leur correspondant

plus tout a fait. Ce risque, nous l'avons dit, est celui de la dilution

de la comprehension. II est maintenu tant qu'aucune des

approchesne cherche a rencontrer les penseesetrangeresque ces

discours exposent, et ales rencontrer simultanement en un dia-

logue concerte avec Ie dialogue prealable des penseesqui inter-

rogent5?Par ailleurs, source ou manne documentaire nouvelle, Ie

champ apocryphe ne va pas sans stigmatiser egalement certains

epuisementsspecifiques a la recherche historico-critique, recon-

duisant sur es nouveaux textes, es memes eflexes58. omme si

elle s'offrait sur ce dos neufl'economie illusoire d'une elucidation

radicale.

57. II suffit d'evoquer Ie cas biblique (philologiquement proche du dos-

sier apocryphe), et les apories que les exegetesont dresse pour illustrer

Ie decalage.

58. Pour a mise en questionpragmatiquedeshabitudesphilologiques, on-

dees par Ie consensus achmannien ayant revisite Ie textus receptus

des editions de la Reforme, 1. en general (mais du point de vue des etudes

medievistes): B. CERQUIGLINI,loge de la variante.Histoire critique de la

philologie, Paris,1989;2. specifiquementpar rapport a l'historico-critique

biblique: C.B. AMPHOUX,A propos de l'histoire du texte de Jean avant

300 quelques ieux variants significatifs , in Origine etposteritede ' Evan-

gile de Jean, Paris, 1990, p. 205-224; E.J. Epp, Textual criticism , S.

BROWN,Philology , E.V: McKNIGHT, Form and Redaction Critcism , in

E.J.Epp G.W. MAC RAE (ED.), op.cit., Atlanta, 1989,p. 75-126,p.127-

148,et p.149-174.

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LA SIGNIFICATION APOCRYPHE

Ainsi, l'interet esthetique ou theologique n'estni sembable ni

reductible a l'interet historique, ou encore a l'interet litteraire, etc.

Les uns soot empathiques (visant une satisfaction, une fusion ou

une appartenance), es autres pragmatiques (visant d'abord a pro-

duire un resultat). Ce soot en verite des registresde penseequi fei-

gnent de parler des memes questions a propos d'un meme objet,

alors que leurs modalites soot tout simplementetrangeres es unes

aux autres59. 1 e suffit pas qu'ils se rencontrent effectivementsur

les fluctuations d'un meme champ pour que leurs resultats res-

pectifs dialoguent. A fortiori puisque ces resultats repondent en

priorite aux questionsposeesdepuis eurs structuresd'attentes res-

pectives.Ainsi I' etude des racesarcheologiquesou documentaires

n'est pas celIe qui s'attache aux dechiffrements de phenomenes

culturels. S'il va de soi qu'elles se completent, cela ne dit pas auto-

matiquement de queUemaniere60.

Dans ce registre d'incompatibilites et de contradictionsretenues,

la distinction des genres de penseeset de leurs interets respectifs

est souhaitee lorsqu'il s'agit de discerner es pretentions a la vali-

dite ou a l'autorite d'une saisie quelconque. Compte tenu de la

transposition massivedes modeles historico-critiques et d'herme-

neutique theologique depuis Ie domaine biblique vers celui des

documents apocryphes61,a question qui s'impose est a suivante:

59. Voir supra n. 12,cette distinction des niveaux de penseequi se trouve

clairement, par ex., chez Schleiermacher,dans sa DiaLectiqzie e 1833. H.

Wismann, montre que sur ce point architectonique, c'est de Kant que

Schleiermachers'inspire (cf.les trois critiques). .

60. J. ELAYI J. SAPIN,Nouveaux regards sur La Transeuphratene, urn-

bout-Paris, 1991; J.B. HUMBERT,La chaise de Pascal ou l'archeologie

comme pretexte , in Naissance e Lamethode critique, CoLLoque u Cen-

tenaire de L'EcoLebibLique et archeoLogiquede Jerusalem, Paris, 1992,

p.l07-114.

61. Philologie: E. JUNOD J.-D. KAESTLI,Les Actes de Jean, Turnhout,

1983, C.C.S.A. 1-2),etJ-M. PRIEUR, esActes d'Andre , Turnhout, 1989,

(C.C.S.A. 5-6), recomposent leurs Actes apocryphes selon la meme

hypothese du texte majoritaire qu'utilisent leg editeurs des livres

bibliques (par exemple, Novum TestamentumGraece, Stuttgart, 198326;

Greek New Testament,Stuttgart, 19833).Compte tenu de l'inestimable

apport de ceseditions remarquables,pourquoi avoir choisi de poursuivre

Laproduction apocryphe aujourd'hui en etablissantces montages chro-

no-biographiques -sans envisagerde rendre compte de la lecture redac-

tionneUe precisement nterrompue, si ce n'est en vertu d'un presuppose

de posterite vive (plutot que de tradition), gouvenant a critique? A bien

des egards, e dialogue a engager ci partirait d'une comparaison avec Ie

geste de R. Bultmann, recomposant 'evangile johannique dans son com-

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262

I. ULLERN -WElTE

jusqu'a quel point la pretention scientifique a l'universalite intel-

lectuelle cohabite-t-elle avec 'obedience qu'orchestre la theolo-

gie -diffuse et irresolue dans Ie modele historico-critique -expli-

cite et plus debattue dans a reprise systematiquedes recherches

hermeneutiques62?En ce cas, e melange des registres differents

de penseesempeche radicalement a composition d'un con lit des

souverainetes egulant diverses modalites de reconnaissancede

l'apocryphite et de ce qu'elle est censee epresenter. Il ne s'agit

pas de dire que l'une ou l'autre allegeancea tort ou bien raison,

mais de poser que la comprehension du phenomene apocryphe

demarre a un niveau non chronologique. Autrement dit, que la

connaissanceexige la suspensionde l'appartenance, que qu'en

soit l'horizon legitime, traditionnel.

Nous pouvons encore observer que l'appartenance des recher-

ches actuelles au site apocryphe ne releve pas que d'une periodi-

sation reconduite par des gestes ritiques et empiriques.Elle enga-

ge egalement a des positions de nature plus directement

hermeneutique, celles relatives a l'articulation des donneeshisto-

mentaire. lntervenir activement en changeant 'etat archeologique d'un

texte (fut-il disperse ou compose)suppose ine intention et line legitimi-

te precisesde l'interpretation. Qu'on en debatte seulement...

Theologie: it partir de G. POUPON,Les Actes des Apotres de Lefevre it

Fabricius , in F. BOYON ED.), op.cit. Geneve, 1981,p. 25-47,on mesure

comment e dossierapocryphes'engaged'une maniere rreductible paral-

lelement it la critique biblique. Voir pour l'histoire de l'exegesebiblique

l'ensemble des rois articles de F. Laplanche,J. R. Armogathe et C. Theo-

bald, in Naissance e Lamethodecritique, Paris, 1992,p. 29 it 64; voir com-

ment, dans e me-me olume, Ie 4e chapitre place la critique inter-testa-

mentaire dans l'evolution de l'histoire de la Bible, du Livre, ibid., p.

117-154 ce qui est confirme par la mise en scene editoriale des trois

volumes testamentaires bibliques des editions Gallimard: La Bible:

Ancien Testament 2 t.) ; La Bible: Ecrits lntertestamentaires;La Bible:

Nouveau Testament, ibliotheque de la Pleiade, Paris,depuis 1956). Voir

aussi a mise en scenecollective d'une relecture canonique de la pseude-

pigraphie (via la lIe epitre de Pierre) au benefice de l'energie genera-

trice du canonde la Bible, dansC. THEOBALDED.), Le Canon desEcri-

lures. Etudes historiques,exegetiques t systematiques, aris, 1990.

62. Voir deux approches hretiennescontemporaines res differentes,aussi

construites et engageesdans eurs points de vue systematiques (catho-

lique, protestant), qui partent des plus serieusesapories de l'hermeneu-

tique biblique: C. THEOBALD, Le canon des Ecritures: l'enjeu d'un

 conflit des Facultes. , in C. THEOBALDED.), op.cit., Paris, 1990,p.13-

73; G. EBELING,L'hermeneutique entre a puissance e la Parole de Dieu

et sa perte de puissancedans es Temps Modemes , in Revuede TheoLo-

gie et de PhiLosophie126 (1994),p. 39-56.

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LA SIGNIFICATIONAPOCRYPHE 263

riques au sein meme des extes anciens. l s'agit cette fois plus pre-

cisement de la relation (d' origine historico-critique) entre un

contexte, un texte et l'interpretation, registre ou larecherche apo-

cryphe s'inscrit autant que dans celui de l'anthropologie religieuse

jusqu'a present observe.

III. Le champ des apocryphes ou la definition de l'apo-

cryphe : deux conditions adversesde comprehension, opposant

la representation au fait

1. Les termes du debat engage sur un meme site historique.

Eric Junod, dans une perspective bien centree sur la question

litteraire, pose en termes explicites la question majeure de la defi-

nition de l'apocryphe, en ce qu'elle doit servir a nuancer sa gravi-

tation biblique63. C'est egalement son article qui permet de

recueillir leg accrochesplus explicites d'un debat atent. E. Junod

s'appuie sur eg enjeux de la delimitation de la matiereapocryphe;

mais a l'instar d'autres chercheurs, lIa con~oit oujours en termes

de corpus plutot qu'en termes phenomenaux. C'est en cela que,

parlant apparemment litterature dans eg memes ntentions que

celles de la revue Apocrypha -en sesdeux premieres livraisons -

sa position represente neammoins une divergence fondamentale

de prise en compte de ce que peut etre l'actualite apocryphe:

 La constitution d'un corpus itteraire et sa denomination sont une

operation lourde de consequences.Une fois effectue~, elle deter-

mine Ie sort des ecrits reunis en leg range ant dans un champ

d'etudes determine, en leur attribuant un statut.similaire et en

favorisant a leur propos une interpretation qui privilegie leurs rap-

ports internes . E. Junod confirme plus loin combien cela s'avere

artificiel et anachronique, notamment dans Ie cas admis de l'his-

toire des corpus chretiens. Notons qu'a l'inverse de ce que nous

avons deja vu, il cerne d'abord un corpus litteraire, qu'il insere

ensuite dans un domaine disciplinaire historique, determine par Ie

corpus meme. Tandis que l'autre point de vue de la revue Apo-

crypha determine un champ nouveau, a l'interieur duquel tout

demande a etre redefini.

Or, l'interlocuteur principal de E. Junod n'est pas l'anthropo-

logue ou l'erudit, mais Ie theologien historico-critique. S'opposant

principalement a la definition proposee par W. Schneemelcher,

l'auteur cristallise des divergencesafferentes aUKcriteres de defi-

63. E. JUNOD,op. cit. , in Apocrypha3 (1992) .17-46.

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264

I. ULLERN-WEITE

nition d'un objet historique. A l'instar des premiers signatairesdu

projet de la revue Apocrypha, E. Junod rejette certes es principes

de la Formgeschichte 64, entree sur Ie reperage des genres itte-

raires. II objecte egalement qu'un contexte ne suffit pas a cemer

Ie phenomene specifique degage par l'apocryphite -qui deborde

ala fois l'histoire du christianisme ancien (et de son canon scrip-

turaire), l'histoire du judalsme, et les homes generiques (littera-

lures haggadiqueset apocryphes, itteratures hagiographiques et

apocryphes), es repereschronologiquesqu'elles ont oeuvre a eta-

blir65. I justifie, a l'aide de deux exemples,qu'il n'est scientifique-

ment pas legitime de contenir l'apocryphite -qu'il nomme plutot

  l'apocryphe -d'une part dans la periode courte des trois pre-

miers sieclesde l'antiquite chretienne, d'autre part relativement a

un canon neotestamentaire anachronique. Ses arguments Ie

menent au point limite d'une definition extensivede l'apocryphi-

te, par laquelle il semble rejoindre la critique apocryphe pheno-

menale: La production de la litterature apocryphechretiennen'a

pas de limite chronologique. ...L' apocryphe appartienta une itte-

rature incontrolable.L' enfermet;c' est a denaturer. ..II n' estguere

possible, selon des criteres de critique litteraire, de ranger tollS es

apocryphes dans (les) genres itteraires (bibliques neotestamen-

taires). ...Pour saisir e phenomene apocryphe dans sa complexi-

te, il taut se garder de valoriser unilateralement une epoque, une

culture et une langue. L'histoire et la vie de cette litterature se

jouent des frontiere . Obervons qu'en depit d'une divergence

majeure de points de vue, Ie conflit Testepose sur Ie site exclusif

du christianisme antique. Selon E. Junod, qui se refere a l'analy-

se de J.C. Picard, la topique des origines du christianisme

demeure bien Ie site etudie66. lle ne temoignerait cependantpas

tant du canon que de la dimension culturelle du christianisme.

64. Apocrypha 1 (1990), p. 5-6: Encore taut-il dans cette voie vouloir

echappera la fascination qu'exercent 'ideologie du texte original et Ie

modele traditionnel des genres itteraires.

65. E. JUNOD,op. cit. , in Apocrypha 3 (1992),p. 37,n. 29 evoquememe

l'actualite de la production apocryphe.

66.J.-C. PICARD, op. cit. , in Apocrypha 1 (1990),p. 74-75; notons que

la reference a J.-C. Picard lui attribue l'idee au moment ou celui-ci la

constate simplement comme critere de definition utilise par leg Codices

de FABRICIUS,bid. p. 94 (§ Une nouvelle topique des origines du chris-

tianisme ). Ce n'est que dans un article ulterieur (dans l'introduction a F.

BOVONH. KOESTER, enese e l'ecriture chretienne,Paris, 1991, . 7-22)

que J.-C. Picard developpe l'idee des recits de memorables geniteurs

d'une ecriture chretienne.

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265

A SIGNIFICATION APOCRYPHE

Le conflit est ici focalise sur la relation exclusive cano-

nique/non canonique dans Ie cadre d'une histoire litteraire du

christianisme, et moins sur celIe d'une histoire ecclesiale contre

une histoire culturelle de la basseAntiquite. Profitons de cette

precision pour ne pas soler, dans cette analyse, a position de E.

Junod qui fait echo aux recents travaux afferents a l'histoire du

christianisme antique, deplacessur des sites plus litteraires qu'ec-

clesiaux67. . Junod confirme la l'inscription des recherchesapo-

cryphes dans la problematique de la genese de l'ecriture chre-

tienne 68, roblematique qui travaille de l'interieur de la tradition

historico-critique et la circonscrit a des interets purement histo-

riens. Sur cette disposition, res derniers sont supposes istincts des

interets theologiens69.Si la theologie historico-critique etudie la

Bible et sessatellites, a critique litteraire historique observequant

a elle cette constellation biblique au titre d'une histoire generale

de la litterature chretienne. Et quand la theologie cherche a eta-

blir l'authenticite du principe canonique a partir de son origine

supposee, 'histoire litteraire deploie plutot la longue duree des

litteratures et Ie composite des traditions qui y evoluent. Ce fai-

sant, elle elargit certes Ie site originel de base,mais sans e chan-

ger pour autant. E. Junod cherchedonc a engagerune histoire lit-

teraire, qu'il maintient en des frontieres chretiennes. Sa position

differe en cela de celles d'autres apocryphiens qui edifient un site

litteraire antique non specifiquementchretien. En ce dernier cas,

la recherche end a decentrer radicalement a questionapocryphe,

comme a question chretienne qu'elle n'est pas.

67. Outre Ie bilan propose par A.J. MALHERBE,Greco-roman Religion

and Philosophy , n E.J. Epp G. W. MAc RAE (Ed.), op.cit.,Atlanta, 1989,

p. 3-26,voir les travaux de H. Koester, notamment avecJ.-M. ROBINSON-

H. KOESTER, rajectories hrough Early Christianity, Philadelphia, 1971,

et H. KOESTER,ntroduction to the New Testament, vol., Philadelphia,

1982.

68. F. BOVONH. KOESTER, p.cit., Paris, 1991.

69. Notamment depuis Ie developpement d'une philologie linguistique

plus semantiqueque terminologique, ct. J. BARR,Semantiquedu langage

biblique, Paris, 19882, ontre l'entreprise du TheologischesWorterbuch

zum Neuen Testament e G. Kittel (Stuttgart, depuis 1933).

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267

A SIGNIFICATION APOCRYPHE

Dans ce cadre commun, l'accord historique sur Ie site de l'ori-

gine repose donc sur Ie presuppose heologique de l'enquete his-

torico-critique. II ne peut entrer dans noire propos d'engager un

debat tenant compte des argumentationssingulieresdes positions

de systematiquehermeneutique, mais DOllS ouvons en dresser e

schematisme general de la maniere suivante: l'historico-critique

supposeque Ie christianisme depend absolumentde la fa~on doni

vont etre articules l'un a l'autre, un evenementdecisif, rreductible

et contingent a la fois72, t Ie deroulementhistorique des saisiesde

cet evenement (saisiesposterieures, textuelles, institutionnelles,

marginales, etc.). La critique historique propose de definir, d'une

part Ie fait (vie de Jesus, ou kerygme evangelique -peu ou prall

neotestamentaire, ou predication de l'Eglise, ou manifestation de

l'Esprit, ou saisieexistentielle, ou acte de foi, etc.), d'autre part les

evolutions historiques alterant ou manifestantce fait (histoire des

corpus, des eglises ocales,des conciles et refo~es institutionnels,

des raditions d'interpretations, etc.). Sur cette basedualiste entre

historicite (la tradition) et inherence (l'origine)73, ce qui se tient

au coeur de toute la litterature et de l'existence chretiennes est de

nouveau Ie fait canonique -meme dans son caractere anachro-

nique, c'est a dire posterieur aux evenements historiques dits

 bibliques , c'est a dire enfin dans son caractere factice institu-

tionnel. Les debats se deploient ainsi d'une maniere ires crispee

sur l'exclusive Histoire -Verite 74. Cette alternative est fondee

sur l'inexpugnable et moderne fondamentalisation canonique,

a partir d'une sacralisation bien ulterieure du livre-canon, clos et

depouille, notamment de sesgloses, par les editions post-triden-

tines autant que par Ie textus receptus , ransforme en texte

neutre . Le prix en est a reduction du canon a une manifestation

historique, objective. Non seulementon demande au canon d'etre

quasi litteralement l'expression identitaire, virtuellement totale,

mais on oublie sa valeur et sa fonction juridiques -Ie canon est

une definition canonique conciliaire, une regulation juridique

72. lrreductible parce qu'il est d'origine divine; humain parce qu'il affec-

te l'individu chretien. L'enjeu est d'articuler la problematique de l'incar-

nation en cle d'interpretation biblique.

73. P. GISEL,op.cit., Geneve, 1986,p. 5-23, denonce ce dualisme, dans

lequel il circule cependantencore. Pour l'opposition blondelienne reve-

lation ou historicite du canon, cf. l'article de H. HOPFL canonicite , in

Dictionnaire de la Bible. Supplement (1928),col. 1022-1045.

74. Exclusive qui continue majoritairement de Caire 'economie de l'effi-

cace proprement langagiere. Objection deja formulee par P. Ricoeur, in

R. BULTMANN,esus.Mythologie et demythologisation,Paris, 1968,p. 9-

28 (Preface).

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268

I. ULLERN-WEITE

romaine, pontificale donc emblematique, non Ie livre lui-meme -

dont la dynamique et sa comprehension restent alors totalement

a repenser5.

Sans a detailler plus avant, il est outefois possiblede souligner

que la fonction premiere de cette exclusive, ocalisee sur la ques-

tion canonique, est d'engager e type confessionneld'appartenan-

ce chretienne occidentale, uniquement a partir de la question de

sonorigine -de la meme maniere dogmatiqueque a figure du legs

l'engageait a un niveau civique, laIc. Dans un cas comme dans

l'autre, l'histoire n'est comprise qu'en tant qu'elle est a succession

contingente des deploiements traditionnels d'une origine intan-

gible et irreductible, divine ou ontologique. En tant qu'elle pent

etre aussi e lieu de la manifestation paradoxale de l'origine qua-

siment dans 'identite. A cesconditions, orsque 'exegesebiblique

comme a critique empirique valorisent e presuppose 'une appar-

tenance quasi-genetique76, 'hermeneutique n'est plus que Ie

moyen d'acceder a l'origine77. I en resulte une structure dogma-

tique de la foi ou de l'histoire, demandanta etre acceptee,ou bien

un absolude la croyancecomme nature humaine , demandanta

etre regule dans Ie corps individuel par Ie corps sociap8.

75. Cf. F. SMYTH-FLORENTIN,n livre en quete de sujets,Geneve, 1993

(conference polycopiee).

76. Plutot sous a forme d'une precomprehension= Vorverstiindnis , que

d'une teleologie instituante; R. Bultmann, en 1957, Une exegesesans

presupposition est-elle possible ? , in Foi et Comprehension.2. Eschato-

logie et demythologisation, Paris, 1969,p. 167-175.Noter que R.Bult-

mann se situe selon a lecture heideggerienne de W. Dilthey (Cf. supra,

note 4), voir son article de 1950 Le probleme de l'hermeneutique , in

Foi et comprehension, . L 'historicite de 'homme et de a revelation,Paris,

1970,p. 599-626.

77. C. THEOBALD, p.cit., Paris, 1990,p. 49: La difference confession-

nelle est plutot une difference hermeneutique qui ne se aissepas redui-

re a une preference pour telle ou telle pericope mais conceme a structu-

re meme de l'interpretation de la Bible danssa otalite. (nous soulignons)

 totalite designe ci quasiment plus Ie corpus en soi que sa representa-

tion ideate.

78. R. BULTMANN,Die Geschichtlichkeit des Daseins und der Glaube ,

in Zeitschrift fUr Theologie und Kirche 5 (1930). P. GISEL, op.cit.,Gene-

ve, 1986: C. THEOBALD, p.cit., Paris, 1990,p. 73, (en reference a l'exis-

tentialisme exegetique, et explicitement a M. de Certeau sur Ie type de

conversion naugure par Jesus ) L'inscription resolue et critique d'une

telle experience evangelique de desaisissement adical dans le debar sur

Ie canon mplique inversement a capacite de cette foi a se aisser nfor-

mer par ce que les deplacementsmethodologiqueset philosophiques,sug-

geres a l'instant, disent de sa structure dogmatique. (...) Liee a la consti-

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A SIGNIFICAll0N APOCRYPHE

3. C'est en amont de la reduction factuelle de la litterature qu'il

convient de reposer a question scripturaire.

Des lors que la problematique apocryphe demarre sur la

conjonction, en un site d'une seule nature generique, du fait litte-

raire et de l'origine comme ontologie, afin de determiner es condi-

tions critiques de l'apocryphite, elle s'engage t. ejoindre les termes

memes du debat biblique actuel sur a canonicite : de toutes parts,

Ie canon biblique dans sa cloture chretienne sature a dynamique

litteraire de l'apocryphite. Devenu Ie critere litteraire de l'anti-

quite chretienne, il n'est plus une instance metaphorique79,e qui

oblige it. aire de toute lecture qui en procede, a reproduction de

l'appartenanceso,'apocryphite ne peut y etre qu'un objet reel, un

corpus tangible de traces diverses, et non un ensemblede formes

de pensee.Un objet auquel on continue d'opposer sa dissolution

comme condition de sa edecouverte Le renouvellement consis-

terait simplement t.accentuer a posterite apocryphe,au detriment

de la posterite biblique, minoree. L'alternative demeure, recen-

trant simplement un objet sur 'autre.

Une telle exclusive est inacceptable pour definir la litterature

chretienne, notamment it.causedes reductions de l'intelligibilite

propre it. ' Antiquite. Si Ie canon au sellS rident in est anachro-

nique, il n'est en aucuncas ustifie it. onder l'intelligibilite interne

d'une periode it. aquelle il n'appartient pas. Precisonsclairement

tution des grands symboles de l'Eglise des premiers siecles, 'irreforma-

biblite de la delimitation ecclesiale du canon ne signifie pas necessaire-

ment que Ie kerygme soil desormaisamarre a une tradition d'interpreta-

lion. Ne petit-on la comprendre plutot comme line "normativite oliveTte"

qui, tout en reliant desormais 'acte de foi a un travail incessantd'inter-

pretation, autorise et regulea la fois l'infinie richessedes raditions et des

inscriptions culturelles a venir d'une me-me oi evangelique?" (nous sou-

ligons); "l'irreformabilite du canon" consiste en sa egitimite referentiel-

Ie et non auto-proclamee.

79. Au sensou P. Ricoeur en elabore a fonction stratifiee, d'ailleurs noda-

Ie pour l'ensemble de son travail, La metaphore vive,Paris, 1975,a partir

de la 6e etude, p. 221. Notons tout de me-me ue P. GISEL,op.cit., Gene-

ve, 1986,cherche de ce cote dynamique Ie depassement e l'aporie, mais

ille fait egalementplus sur line question dentitaire que sur line prise en

compte du langagecomme enjeu de la signification. Ceci pourrait consti-

tuer l'ebauche d'une discussion,en aucuncas a resolution de la question

posee par ce systematicien.

SO.P. LEGENDRE, e crime du Caporal Lortie. Traite sur le Perf, Paris,

1989,p. 17-23,pagescinglantes et incontournables sur a conceptionbou-

chere de l'humanite, "Que savons-nousdu meurtre? One interrogation

inlassablementa reprendre dans es societespost-hitleriennes".

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270

I. ULLERN-WEITE

qu'il ne s'agit pas de reprocher a ce type d'interet apocryphe de

deployer en sons-mainune identite chretienne. La theologie ne

s'opposepas a l'histoire, mais visent-elles seulementa dire l'iden-

tite? 11est ci demandea la sciencehistorico-critique de consentir

a mesurer combien elle engage 'apocryphite en recourant obsti-

Dementaux blocagesontologiques indiscutesde l'hermeneutique

systematique et generale. En retour, l'on demanderaaux sciences

sociales, nteressees a l'apocryphite, de ne pas refuser non plus

d'expliciter Ie debat evoque, en ne l'ecartant pas d'un non-lieu de

majeste scientifique, propice a la permanencede l'insu comme a

son nsolvabilite, comme s'il suffisait de promouvoir l'espacescien-

tifique sur les lieux memes de l'espace heologique.

Sur ce seul plan de la canonicite, cette problematique apparait

de plus en plus comme l'histoire d'une confusion, oil l'on aurait

melange les diverses listes conciliaires attestees, avec Ie propos

hermeneutique antique, exprime, ui, par la referencebiblique que

l'on trouve diversementemployee dans 'ensembledes itteratures

juives ou chretiennes anciennes.Or, il s'agit d'autant de mises en

scenedifferentes de l'ecriture, comme fonction de regulation de

la question de la verite. Cherchons desormaisa poser cette ques-

tion de la verite non plus sous es auspicesde l'autorite ou de l'ap-

partenancemais selon 'universalite des onctions du langage.Lan-

gagier et non canonique, dialectique et non dogmatique, Ie

scripturaire est alors une forme particuliere de la signification.

IV. L'apocryphite, e a litterature ala pensee:one rationalite

scripturaire, ntre maginaireet ugement

Le deplacementequis.

Pour atteindre une position generale de reflexion sur 'apocry-

phite, Ie recours a une mediation plus dialogale que chronologique

pent engager a levee des ecrous de l'implicite et du presuppose

que nons avonsreleves.11 e suffit pas de contourner par Ie criti-

cisme les impassesque pose ce verrouillage ou d'en dresser 'his-

toriographie, meme consciente.11 e suffit pas non plus de les elu-

cider.Nous avanc;ons ne proposition: la possibilitede degagerune

question de type scripturaire dans des termes constitutifs et non

definitionnels. Le debat scientifique pourrait bouleverser e cliva-

ge historiographiqueen Ie disposantde a sorte la viseede connais-

sance maintient une double entree, mais sons a gouverne de la

reflexion et non de la deconstruction. L'objet change: il n'est plus

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271

A SIGNIFICAllON APOCRYPHE

un champ ou tine litterature, il est a situation memed'une interlo-

cution inactuelle.L'apocryphite comme mode de signification est

dissociee du niveau des pretentions a la validite mises en ell. Le

debat ne porte plus sur les conditions de raftage possible de la

reflexion, il concerne les conditions de l'objectivation de l'apo-

cryphite. II convient alors de poser que l'ensemble de ces mani-

festations scripturaires, toutes apocryphes,est ine recherchespe-

cifique de connaissance. esmanifestations,par desproceduresde

distorsions, construisent leur propre contemporaneite; elles tra-

duisent eur historicite et leurs nterrogations en apocryphite. C'est

leur mode particulier de connaissance, ansdoute plus scriptu-

ral que litteraire. II DOllS emble que c'est seulementa partir de

cette generalisaiton que la reflexion scientifique pourra, en cette

matiere, acquerir l'objectivite constituante qui lui fait encore

defaut.

2. Traduire l'apocryphite en un phenornenehistorique langagier.

L'on retiendra donc que, d'un point de vue historique, l'apocry-

phite se manifeste a la croisee de sites archeologiques et docu-

mentairesparticuliers d'une part, et de modesantiquesde discours

referentiels et des ugementshistoriquesqu'ils out produits, d'autre

part. Celie maniere de l'etudier a permis aux chercheurs de cir-

conscrire, a defaut d'un corpus demantele, un champ culturel apo-

cryphe, a l'aide des decombres extuels et iconographiques, adis

recouverts par une histoire officielle. Cependant, 'indetermine et

l'aleatoire de ce champ ne suffisent pas non plus a rendre intelli-

gible la dimension fonctionnelle qui peut en etre degagee,ou lui

etre reconnue. Ce constat emoigne d'une evolution des points de

vue historiques, demeurant contradictoires du point de vue de la

signification. L'apocryphite existe a presentcomme champdiscur-

sir, et elle n'existe pas comme fait ou comme objet. Pour conside-

ref l'apocryphite au niveau de sa possible signification, il convient

de traduire les constatshistoriques en des caracteristiques onda-

mentales d'intelligibilite. Tel serait Ie point de depart: aux condi-

tions de l'intertextualite antique, l'apocryphite designeune posi-

tion discursive qui propose un mode d'inscription particulier de ce

qu'elle fait. Nous devons situer ce que P. Geoltrain designepar l'in-

tertextualite -dans une definition d'inspiration semiotique -pour

saisir un premier niveaude production d'intelligibilite. Appliquant

la notion d'intertextualite a la problematique historique des itte-

ratures specifiquementchretiennes, l s'en sert pour elucider 'en-

semble des eux discursifs que l'on constate dans es divers ecrits

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272

I. ULLERN-WEITE

anciens, afferents aux differentes aires chretiennes81. 'intertex-

tualite advient concretementen tant que pratique de redaction ou

de transmission esdiscours,agences n extes82.'apocryphitepro-

cede de cette intertextualite pratique comme stratageme itteraire

de pseudepigraphie t d'antidatation83. lle marque ainsi non exclu-

sivement es litteratures theologiques uives et chretiennes (dont

les selectionsbibliques differentes, en eurs specificitesa redefinir),

mais aussi es itteratures philosophiques, et palennes 84.

Dans res conditions, 'etude desapocryphes st 'occasionde dres-

serune cartographie ransversale e ' Antiquite, a partir de sesmani-

festations scripturaires , orsque 'ecriture est 'expressionprivile-

giee du politique ou du religieux (ecriture, au sens ci Ie plus vague

de systemede reference et d'innovation conjointesde discours ns-

crits). De ce point de vue general,ce que ' on peut qualifier de scrip-

turaire -par rapport a quoi oue de 'apocryphite -est donc un jeu

socio-religieuxde mise en scenede l'autorite d'une parole, d'un dis-

COUTS,'une representation.Ce genre de mise en scenes'appuie en

partie sur Ie fondement de figures auctoriales d'innovation ou de

transmission figures genealogiques d'auteurs,gested'anonymat,

etc.), en partie sur Ie fondementde leur mise par ecrit (traditionnel-

Ie ou nouvelle). L'intertextualite, dans aquelle s'inscrit e stratage-

me apocryphe, n'est en ce caspas celle interne a un seul exte (en

renvois infinis de la signification), mais elle est d'abord une conju-

gaisonpratique de discours,agen~antdiverssystemes e represen-

tations, dont on constate qu'ils sont autant circonstancielsqu'em-

blematiques. C'est a dire que l'intertextualite indique, d'un texte a

un autre pris au seind'une meme ire de references hematiquesou

de pratiquessociales, ommentvoyageet se modifie un ensemble e

representations,selondes aires culturelles differentes, peu ou prou

contemporaines es unes des autres.Elle inscrit egalement es pra-

tiques discursives ans ce que Paul Ricoeur appelle la quadrature

du langage ,a savoirque Ie langageesta la fois un systemede signi-

fication (signifiant et signifie), et de representation (reference et

81. P. GEOLTRAIN,Remarques sur Ia diversite des pratiques discursives.

L'exemple de V Esdras , in Apocrypha 2 (1991),p. 17-30.J. DELORME-

P. GEOLTRAIN,Le discours religieux , in Semiotique. L'ecole de Paris,

Paris, 1982,p. 103-126.

82. Par compilation, corrections, nsertions ou suppressions, dition tota-

Ie ou partielle de textes, amplifiee ou interrompue.

83. D'une maniere Iibre ou imposee, mettle au secret ou non pour un

 public restreint, un lieu communautaire precis,etc.

84. M. T ARDIEU ED.), La formation descanonsscripturaires,Paris,1993;

R. GOULET,Les vies de philosophe dans ' Antiquite tardive et leur por-

tee mysterique , in F. BOYaN (ED.), op.cit., Geneve, 1981,p. 161-208.

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273

A SIGNIFICATION APOCRYPHE

monstration), dans une situation constanted'interlocution85.Dans

res conditions angagieres,es pratiquesdiscursives t ntertextuelles

desquellesprocede 'apocryphite articulent 'autorite des represen-

tationsqu' elles manipulentavec ' explicationmetalinguistique cette

fonction ordinaire du langage,servanta rendre explicite Ie systeme

commundans equel l evolue86.'apocryphite,en tant qu'une de res

formesparticulieresd'articulation, ne sedetachepas specifiquement

du monde biblique ni ne pent etre consideree omme un phenome-

ne isolable d'un ensembleculturel, aux religions diverses.Mais elle

participe de n'importe quelle litterature dans aquelle elle se mani-

feste, et elle s'inscritdansce que nonspouvonsappeler e continent

scripturaire des mondesa ecriture.

Dans Ie meme temps ou l'on ceme un continent scripturaire ,

est exigee la mise a distance systematique des temporalites qu'il

comprend, sons 'angle de l'intellection apocryphe. Cela suppose

vraisemblablement de concevoir aussi 'apocryphite au niveau de

la reflexion (pure) du temps: de que Ie maniere l'apocryphite

agencecette reflexion87?Si l'on decide de marquer la distance en

premier lieu, la caracteristique la plus determinante de l'apocry-

phite est qu'elle ne releve pas en soi de la temporalite de l'origi-

fie, encore moins de notre origine, qu'elle ne releve pas en soi

de l'espace de la marge, meme biblique, de tel ou tel phenomene

culturel, philosophique ou religieux. Elle deploie au contraire, elle

meme, des discours sur es qualites emporelles -l'origine ou la fin,

la permanence, l'etagement du temps, etc. -se les octroyant

comme site propre. Se dessine une circonscription antique que

85. Ct. P. RICOEUR, p. cit., Paris, 1986,p.137-141: cette croisee provient

de son dialogue avec a semiotique, ct. Hermeneutique et semiotique ,

in Supplementau Bulletin du Centre Protestantd' Etude et de Documen-

tation (C.P.E.D.),novembre 1980,p. I-XIII; ct. C. BOUCHINDHOMMER.

ROCHLITZ, p.cit., Paris, 1990,p. 20s.

86. Chaque site d'intertextualite configure en propre, partiellement ou en

totalite, une proposition singuliere : par exemple en croisant des repre-

sentations,1. generales t un contexte socio-culturel (telle ou telle repre-

sentation du monde),2. litteraires (tel ou tel personnage,ou theme, ou

episode epique, legendaire,mythologique, cite selon elle ou telle version

attestee),3. specifiques (de telle ou telle position intellectuelle precise).

87. Ce qui est d'ailleurs Ie niveau vise par P. Ricoeur lorsqu'il analyse,

dans es trois tomes de Tempset Recit,Paris, 1983,1984et 1985, a com-

plexite des saisiesdiscursivesde la temporalite, sur la basememe de son

irreductibilite. En n'oubliant pas que cette recherche du temps raconte

s'oppose t sa neutralisation simpliste, par des configurations narratives,

pseudo-narratologiques, ui serventde repere aise t une figuration exclu-

sivement chrono-logique des differentes qualites de la temporalite.

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274

LULLERN -WElTE

l'historien se doit de maintenir, considerant, a l'instar de A. de

Libera, que l' Antiquite releve d'une temporalite separee88: lle

n'est jamais immediatement reliee a la temporalite occidentale.

De la sorte, sont radicalementbouleversees egperiodisations his-

toriennes, dont Ie defaut est moins d'etre institutionnelles que cal-

culeesa partir de la seule emporalite occidentale-de surcroit gre-

gorienne.

Le secondcaractere de celie phenomenalite apocryphe accom-

pagne sa situation intertextuelle: l'insistance sur leg representa-

tions, comme contingence referentielle et comme condition de la

signification, plutot que sur leg faits, comme preuve tangible et

positive. Les jeux de reference et leg debats qu'ils orchestrent,

viennent s'inscrire en faux contre la pretention a la verite du fait

historique. Ce sont bien eux qui servent a valider leg discours, oil

la verite, pourtant universelle, depend paradoxalement de l'idee

que la raison s'en fait. C'est dans ces conditions essentiellement

contrafactuellesque l'apocryphite advient, contre toute efficace

illusoire du discours qui renverrait immediatement a des faits, et

non a des jugements de faits89: Les pratiques discursives apo-

cryphes renvoient a des intelligibilites elaborees de faits, elles

consistent tres exactement en des pretentions a la verite, cultu-

Telleset socialesantiques, que ces ntelligibilites produisent prea-

lablement. C'est la, la deuxieme disposition reflexive de l'apocry-

phite. L'enquete commencerait, ici, par poser aux discours

apocryphes a question de leur propre type de pretention artifi-

cielle a la validite, ni naturelle, ni factuelle, des pretentions rele-

vant d'une rationalite discursive et scripturaire.

88. A. de LIBERA, La philosophie me-die-vale, aris, 1993, it.propos du phe-

nomene de la pluralite des temps : suivre des mondes multiples qui

sont simultanes dans Ie temps de notre histoire, mais qui ne Ie sont pas

necessairement dans celui de leur histoire. Faire coexister, dans une meme

histoire generale, des temps qui ne coincident pas pour ceux qui y vivent,

tel est Ie probleme pose par l'histoire de la philosophie medievale (- et

de l'apocryphite ancienne comme histoire des modes de redaction, pour-

rions-nous ajouter), p. XI\':

89. J. HABERMAS, op.cit., Parif, 1986, p. 371: Mais que l'espece humaine

ne puisse se reproduire dans sa forme d'existence socio-culturelle que par

l'idee hautement non naturelle de la verite au gens de la possibilite, tou-

jours supposee de maniere contrafactuelle, d'une comprehension univer-

selle est manifestement un fait de la nature -que nous devrions essayer

de comprendre. Parce que Ie discours empirique n'est possible que grace

aux normes fondamentales du discours rationnel... .

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276

I. ULLERN-WEITE

Dages, pocryphes. En ce sens,ce systeme oral serait mplicite-

ment dialogal et teleologique : il appuie es argumentationssur des

personnes deales.Un tel phenomene est propre a une temporali-

te culturelle dans aquelle l'ecriture n'est en premier lieu ni la pro-

blematique de la redaction de pensees, ni la problematique du

droit de l'auteur a disposer de lui-meme a travers son propre dis-

COUTS.ais elle est celIe de la manifestation inscrite de la parole,

c'est a dire de la situation socio-culturelle, publique ou collective,

legitime dans aquelle une idee est manifestee en tant qu'inscrip-

tion. Et Ie discours, c'est-a-dire ce que dit une parole, y est moins

une communication qu'une revelation d'une signification, ou

bien comme devoilement peu ou prou rituel (oracle, prophetie,

enigme), ou bien comme reminiscence (mysterique, maleutique,

dialectique), ou bien comme prefiguration (litteraire, theologique).

L'apocryphite vient ainsi se poser entre l'oralite et son nscrip-

tion, comme a garantie d'un rapport decale a la verite. Une garan-

tie situee au passagede trois questions: L'apocryphite est, pour

une part, la signature qui vient mimer et restaurer l'oralite dans

l'ecriture, c'est a dire tout ce que suppose I'oralite 92 -du dia-

logue a la prophetie, du theatre a la rhetorique, du fecit au mys-

teTe ou au rite selon Ie cas.Elle est, pour une autre part, Ie geste

epigraphe et redactionnel qui inscrit l'autorite en verite d'une pen-

see. Elle est enfin l'occasion d'un debat et d'un jugement: puis-

qu'elle pretend a une representationscripturaire de tel ou tel mode

de manifestation ou d'efficience de la verite. On peut donc lui en

contester a legitimite. Elle aurait pour fonction, non de dissoudre

les marges ou de renforcer l'orthodoxie, mais d'agencer des tra-

versees angagieres,des mises a l'epreuve particulieres de la pen-

see -comme embleme de la croisee entre oralite et inscription, et

non comme litteralite, meme biblique. A partir de celie edifica-

tion de traverse seulement, 'apocryphite ouvre la question scrip-

turaire -lorsque l'inscription prend Ie pas -elle deploie l'ecrit

comme image d'une reference permanente mais toujours singu-

liere, amais comme localisationde l'autorite. Elle se revele comme

un mode de reference ayant pris celie particularite de focaliser Ie

processusconflictuel sur lui.

A l'instar du discours mythique, au niveau editorial de sa onc-

tion, la mise en sceneapocryphe denude la question de la verite.

II en va de l'apocryphite scripturaire comme de l'interculturali-

92. II s'agit bien de saisir un systemede representation et de relation a la

Verite, non cette antiquite parlee qu'on aime a imaginer avant l'ecri-

ture .

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277

A SIGNIFICATION APOCRYPHE

te problematique, car il en va des conditions de la signification:

l'apocryphite est non seulement un stratageme et une garantie,

mais egalement un argument, et a ce titre seulement tenant lieu

de preuve 93, usceptiblede determiner la valeur du discoursqui

l'emploie. Elle est, en ce sens,plus precisement nterrogee sur 'al-

ternative entre la legitimite et l'illegitimite, que sur celIe opposant

Ie faux a la verite. Ceci veut dire que l'apocryphite n'existe qu'en

tant qu'elle est nterpretanteautant qu'interpretee, ue si Ie discours

qu'elle presente a sa maniere est nterprete. L'apocryphite parti-

cipe simultanement de la presentation d'un discours et de l'inter-

pretation qu'il susciteautour de lui -et non en ui.1l ne s'agit certes

pas de chercher e lecteur ideal (et reel) -Ie locuteur ideal (et reel)

face a face dans e texte94mais bien de constaterune synergiedia-

lectique, active dans a problematique de la signification. Car celie

derniere ne devient possiblequ'a partir de l'interpretation comme

replique, a la condition expresse outefois que la replique se asse

contemporaine du discours considere95. n ce cas, l s'agit d'une

efficace dialogique inherente a l'inscription discursive meme,

venant raisonner litterairement a partir du seuil dynamique, ma-

ginaire, qu'est l'apocryphite.

La signification de l'apocryphite n'est alors possible que si l'on

prend en compte Ie dialogue alterne qu'elle constitue en lexie,

selon es temporalites particulieres des discours ntervenants. C'est

ainsi que Ie propre de l'apocryphite, telle qu'elle revele la dialec-

tique de l'ecriture, serait bien qu'elle la deploie dans un espacede

jugementsheterogenes.Seulsunjugement, un conflit de ugements

disent ce qu'est l'apocryphite, dans tel contexte, de tel point de

vue. Ce qui reviendrait a dire que seulle debat qui s'etablit aux

conditions de la reliure de l'imagination repr~sentative et de

l'acte rationel du jugement, etablit les conditions d'une produc-

93. Meme si c'est un anachronisme d'evoquer la notion de preuve en un

sens aussinodal, a partir des montagesscolastiquesdu droit romain revi-

site, voir notamment es travaux de E. KANTOROWICZ,La royaute medie-

vale sous 'irnpact d'une conception scientifique du droit , in Phiiosophie

20 (1988),p. 48-72. Pour l'emploi de la preuve dans une antiquite, de ce

point de vue pre-romaine , voir G.E.R. LLOYD,op.cit.,Paris,1993, .118-

162 (chapitre 3).

94. Ainsi que Ie font les pragmatiquescommunicationnelles ranstormees

en narratologie dans e secteurbiblique, voir notamment es travaux de

R.A. Culpepper et ceux de G. O'Day sur 'evangile johannique.

95. Ct. l'apocryphe allemand, pietiste -anti- Lumieres , edite et traduit

par Y. SOMET-M.LAFOUT,Reponsedu professeur Kant de Konigsberga

i'abbe Sieyesde Paris (apocryphe,1796), Paris, 1995.

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278

I. ULLERN-WEITE

tion et d une signification perforrnative de l inscription apocryphe

pratique. A terme, toute lecture de texte, a son tour ecrite, releve

de l apocryphite, dans a stricte mesure oil la lecture est une com-

prehension qui se donne les moyens de poser a contemporaneite

de ce que presente Ie texte et de ce qu elle meme represente. La

contemporaneite etant alors la compossibilite fondamentale et

pragmatique de jugements heterogenes,articulee a une position

de reflexion transcendantale.

Reste a circonscrire et a penser, c est-a-dire a conceptualiser,

l ensemble des pratiques apocryphes de l Antiquite. L interroga-

tion ne peut etre poursuivie en solitaire, pas plus qu elle ne peut

se dispenser de la lecture des multiples inscriptions apocryphes.

Une comprehension elucidee est a partager aut ant qu a produi-

re96.

96. £t qu il nous soit possible de dedier ces pages a L. Traig, dont les

Memoires anticipes (Paris, sansdate precise) ont, les premiers, medite la

question de l imaginaire litteraire de l apocryphite.

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Witold WITAKOWSKI

Universite d'Uppsala

THE MIRACLES OF JESUS:

AN ETHIOPIAN APOCRYPHAL GOSPEL

L' apocrypheen question rapporte 'histoire de Jesusen 40 a 80 (en onc-

tion du systeme e division) episodes ppeles« miracles». Le texteestprin-

cipalementune traduction de l'apocryphe arabede 'Evangile de Jean, qui

a ere ecrit au Xe Xle siecle sur la base des evangiles canoniques et apo-

cryphes,commepar exemple e Protevangile de Jacques, esActes de Pila-

te, un Recit sur es Mages, a Caverne des Tresors, ' Apocalypse du Pseu-

do-Methode. Toutes es sources ant ere remanieesavecplusieurs autres

«miracles », incluant souvent des animaux; elles ant ere mises en orme

ainsi dans un nouvel apocryphe narratif A la traduction ethiopienne du

XIVe siecle)ant ereajoutesulterieurement 'Evangile de l'enfance de Tho-

mas et lesLettres d' Abgar et de Jesus.

The apocryphon in question tells the storyof Jesus n 40 to 80 (depend-

ing on the division system)episodescalled « miracles». Most of the text is

a translation of the Arabic apocryphal Gospel of John, which was com-

posed in the 10th/11th C. on the basisof the canonical gospelsand apo-

crypha, as or instance he Protevangeliurnof James, heActs of Pilate, an

account of he Magi, the Cave of Treasures, he Apocalypse of Pseudo-

Methodius. All the sourcesare reworked and together with severalorigi-

nal «miracles », often involving animals, make upa new apocryphal nar-

rative. To the Ethiopic translation (of the 14th C.) the Infancy Gospel of

Thomas and the Letters of Abgar and Jesus were subsequentlyadded.

The Miracles of Jesus Ta'ammera lyyasus) is a popular piece

of religious iterature in Ethiopia. It is a collection of episodes,usu-

ally called "miracles", which tell the story of Jesus, starting with

the Annunciation and ending with the Assumption of Mary, and

in some caseswith the correspondencebetween King Abgar and

Jesus.As such t is one of the fullest and longest, f not the longest,

known apocryphal gospels.

1. M. GEERARD, lovis apocryphorum Novi Testamenti, umhout, 1992,

fir. 45 (henceforth: Clovis).

Apocrypha 6,1995,p. 279-298

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280

W. WITAKOWSKI

The

manuscript asisand he situationregardingpublication

The Miracles of Jesus henceforth: MJ) is known from a large

number (ca. 80) of manuscriptswhich contain either the entire text

or some episodesonly. Most of them are rather recent (nineteenth

& twentieth centuries), a. 25 howeverare from the eighteenthcen-

tury or earlier. The oldest known manuscript, although containing

only a part of the collection, dates from the fifteenth century2.

The text of the Miracles of Jesus can be found in many Euro-

pean libraries, especially those which own larger collections of

Ethiopic manuscripts, like the British Library, the Bibliotheque

Nationale de France, the Biblioteca Vaticana, but also in smaller

collections like those of the Bibliotheque Royale de Belgique, the

Chester Beatty Library in Dublin, etc. However, most of the

known manuscripts containing our text are preserved, not sur-

prisingly, in Ethiopia itself. Those of the churches and monaste-

ries of central Ethiopia were microfilmed in the 1970's,and are

accessible n this form at the Hill Monastic Manuscript Library of

St. John's University at Collegeville, Minnesota, and at the Insti-

tute of Ethiopian Studies,Addis Ababa.

The large number of the manuscripts mplies liturgical or monas-

tic usage of the MJ. In some manuscripts notes can be found, in

which passages f the Miracles are recommended for reading on

special days and at specialhours. A remark found for instance in

an eighteenth century manuscript says: Read this on Thursday,

at sixth hour (and) at Easter 3. This note suggests hat already at

that time the MJ was read during Passionweek. According to E.

Hammerschmidt fragments of the Miracles are included into the

Lectionary or Passion Week Gebra hemamat)4 ut one gets the

impression that this is a rather recent phenomenonas it does not

seem o be present in early manuscripts of the Lectionary5.Also

2. Vaticano Cerulli Etiopico 238.

3. Chester Beatty 913, f. 47va, 1 : gize 6-tani sa'at ba-'elata hamus 'elata

f sh Z nta 'anbeb.

4. E. HAMMERSCHMIDT, Gebra hemamat , in J. ASSFALG& P. KRUGER

(ED.), Kleines Worterbuch des Christlichen Orients, Wiesbaden, 1975,

p.117.

S. A rather cursory check suggests that they may be absent from eigh-

teenth century manuscripts, for instance those in the British Library (at

least as far as the argument e silentio goes, since they are not noted in W.

Wright's catalogue) and they are certainly absent from the ms. Or. 2083,

from between 1694 and 1706, as can be seen from the detailed description

by S. STRELCYN,Catalogue of Ethiopian Manuscripts in the British Library

acquired since the year 1877, London, 1978, p. 57-71; they do occur how-

ever in ms. EMML945, written between 1959-70, W. MACOMBER,A Cat-

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281

E MIRACLES OF JESUS

the MJ has entered the horologion as for instance in ms. EMML

2626 of the early nineteenth century, where eight miracles are

included for reading during the night hours6.A manuscript of the

eighteenth century contains even a Table for the reading of the

book divided according o the hours ?

It is possible that this usage ies behind the custom of produc-

ing manuscripts which contain only a few miracle stories, though

the criterion of selection s not clear. Also separateepisodeswere

combined with those of the Miracles of Mary to create a new com-

pilation entitled the Miracles of Mary and Jesus (Ta'ammera

Maryam wa-lyyasus). This may contain, as in the caseof the ms.

0 Etiop 15 of the Uppsala University LibraryS, 48 miracle stories

of Mary divided into groups of three each, between which 16

episodesof the MJ are interspersed. A version of the Miracles of

Mary and Jesuscontaining11 episodesof the MJ appeared n print

in 1%3/649.

Some of the manuscripts of our text are illuminated. A cursory

review of two of them reveals that these are eighteenth-century

products of the so-called Second Gondar School of miniature

painting1O. he largestset of miniatures (57) seems o be contained

in the manuscript 913 of the Chester Beatty Library in Dublini1.

So far there is no full critical edition of the MP2. The first to pub-

lish a fragment of the Miracles was the Russian scholar Boris

Turayev in 191213, ho edited two small pieces from manuscripts

in the St. Petersburgcollections. In 1914Adolf Grohmann edited

from a Vienna manuscript wo pieces of what would partly corre-

alogue of Ethiopian Manuscripts Microfilmed for the Ethiopian Manu-

script Microfilm Library, Addis Ababa, and for the Hill Monastic Manu-

script Library, Coltegeville, vol. III, Collegeville/MIN, 1978, p. 273.

6. Ibid. vol. VII, 1983, p. 51.

7. Ms. EMML 2180, fol. 167a; ibid., vol. VI, by GETATCHEW HAILE &

W.M. MACOMBER, Collegeville/MIN, 1982, p. 293.

8. O. LOFGREN, Katalog aber die iithiopischen Handschriften in der Uni-

versitiitsbibliothek Uppsala, Uppsala, 1974, p. 100-105.

9. Tii'ammerii Maryam wii-tii'ammerii lyyiisus meslii kal'an tii'ammerat,

Addis Ababa, 1956 [Eth. era = 1963/64], non vidi.

10. I am obliged for this information to Dr. Ewa Balicka- Witakowska.

11. E. CERULLI, « I manoscritti etiopici della Chester Beatty Library in

Dublino », in Atti delta Accademia Nazionale dei Lincei, Classe di scien-

ze morali, storiche e filologiche: Memorie, 8: 11 (1965), p. 289f; illS. Or.

8824 of the eighteenth century in the British Library has 40 miniatures;

S. STRELCYN,Catalogue ...(see in n. 5), p. 21.

12. The present author is preparing such an edition.

13. B. TuRAYEV, Chudesa Khristovi», Khristianskiy Vostok 1 (1912), p. 56-59.

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283

HE MIRACLES OF JESUS

preliminary survey of the apocryphon in 191119. is unfinished

publication of the Ethiopic text was used in further studies by

other scholars.

In 1951 Arthur Voobus, who was nterested n the early versions

of the New Testament,analysed he Gospelquotations in the Mir-

aclesand found that they do not follow the standardEthiopic Bible

text but often agree with the Old Syriac (pre-Peshitta) ext of the

Gospels2O.oobus, taking for granted that the MJ was an original

Ethiopian composition, thought that he found here traces of an

old Ethiopic Gospel ranslation, influenced by the Old Syriac one,

which were deleted in the course of the later revision of the

Ethiopic text.

In the meantime, more precisely in 1939, he Swedish arabist

and ethiopologist Oscar LOfgren re-discovered n a manuscript of

the Ambrosiana Library in Milan the Arabic Apocryphal Gospel

of John (henceforth: AGJ)21.Soon t was recognizedalmostsimul-

taneously by O. Lofgren22and Jean Simon of the Pontificio Isti-

tuto Biblico as the Urtext of the MP3. Starting in the 1940 sLof-

gren devoted a number of articles to the AGp4 and intended also

to publish the Arabic text, in which however he was thwarted

being unable to obtain the microfilm of the apocryphon from the

library. Instead it was Giovanni Galbiati, the chief librarian of the

Ambrosiana at the time, who in 1957published the Arabic text

with a Latin translation25.SubsequentlyLOfgren ranslated it into

Swedish,which eo pso became he first modem language n which

19. S. GREBAUT, Aper~u sur es Miracles de Notre-Seigneur», Revuede

l Orient chretien16 (1911),p. 255-265, 56-367; « Aper~u sur es Miracles

de Jesus», Revuede l Orient chretien21 (1918-19),p. 94-99; the aperru

remains unfinished.

20. A. VOOBUS, Ta iimera lyasus: Zeuge eines altereD athiopischen

Evangelientypus », Orientalia Christiana Periodica 17 (1951),p. 462-467.

21. O. LOfgren announcedhis discovery first in the Swedishdaily Svens-

ka Dagbladet of 3.11.1940 «<Evangelium Ambrosianum: en forbisedd

apokryf»), and then to the international scholarlyworld in Orientalistische

Literaturzeitung 46 (1942),col. 153-159: « Ein unbeachtetesapokryphes

Evangelium ».

22. O. U>FGREN,Fakta och dokument angaendedet apokryfiska Johan-

nesevangeliet», Svenskexegetisk rsbok 7 (1942),p. 30.

23. G. GRAF,Geschichteder christlichen arabischenLiteratur, I, Citta del

Vaticano, 1944,p. 237,n.1.

24. O. LOFGREN, Fakta och dokument...» (see in n. 22), p. 1-31; « Zur

Charakteristik des apokryphen Johannesevangeliums , Orientalia Sue-

cana 9 (1960), p. 107-130; «Erganzendes zum apokryphen Johannes-

evangelium », Orientalia Suecana10 (1961),p. 137-144.

25. JoannisEvangeliwnapocryphum arabice, n luceroedidit, atine conver-

tit praefatione et commentario instruxit I. GALBIATI,Mediolani, 1957.

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W. WITAKOWSKI

the Gospel could be read26.Recently an Italian translation has

been provided by Luigi Moraldf7.

The publication of the Swedish ranslation did not evoke much

interest among the Scandinavianscholars. An article in Swedish

by Gosta Lindeskog was an exception. The author explored in it

the christology of the AGJ, analysing he terms by which Jesus s

referred t028.A couple of years earlier a similar attempt concern-

ing both christology and mariology was undertaken by Licinio M.

Perett029.Short but important is also Marek Starowieyski's ntro-

duction to a Polish translation of fragments of the A GJ, with

remarks on the mariology, christo ogy, and trinitarian views

expressed n the apocryphon30.

In the 1970'sMichel van Esbroeck drew attention to other man-

uscripts of the Arabic Gospel,among hem one which being almost

complete (Sinai Arab. 441) is more important than that of the

Ambrosiana, which has more lacunae31.

In the early 1970's he SocietedesBollandistesbegan o prepare

the critical edition of the Infancy Gospel of Thomas. As the MJ

contains material of the Infancy Gospel n Ethiopic version, a pre-

liminary study of this material was undertakenby Victor Arras and

Lucas Van Rompay32,although the edition itself did not follow.

The latter also published a separatearticle on the Infancy Gospet

in the MP3.

26. Det apokryfiska Johannesevangelietoversiittning ran denenda kiinda

arabiska handskriften i Ambrosiana,med inledning och anmarkningar av

O. U>FGREN, tockholm, 1967.

27. L. MORALDI,Vangeloarabo apocrifo dell'apostolo Giovanni da un

manoscritto della Biblioteca Ambrosiana, Milano, 1991.

28. G. LINDESKOG,Kristologien i del apokryfiska Johannesevangeliet ,

TeologinenAikakauskirja [= Teologisk Tidskrift] 73 (1968), p. 249-262.

29. L.M. PERETfO, Cristo e la Vergine net Vangelo arabo di Giovanni »,

Marianum 25 (1963),p. 99-138.

30. M. STAROWIEYSKIEGO,pokryfy Nowego Testamentu,. I : Ewangelie

apokryficzne, Lublin, 1980,p.141-145.

31. M. VANESBROECK,A propos de l'Evangile apocryphearabe attribue

a saint Jean », Melangesde l'Universite Saint-Joseph 9 (1975-76), . 595-

603.

32. V. ARRAs & L. V AN ROMPAY,« Les manuscrits ethiopiens des

 Miracles de Jesus (comprenant 'Evangile apocryphede Jean et 'Evan-

gile de l'Enfance seton Thomas l'lsraelite) », Analecta Bollandiana 93

(1975),p.133-146.

33. L. VAN ROMPAY,De Ethiopische versie van bet Kindsheidsevangelie

volgens Thomas de Israeliet », in L enfant dans les civilisations orientales

[=] Het kind in de oosterse eschavingen, Oilsa dir. de A. THEODORIDES

P. NASTERJ. RIEs, Leuven, 1980,p.119-132.

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HE MIRACLES OF JESUS

On similar lines, it seems,Stephen Gero's interests in our text

developed. In 1971 he published a study of the Infancy Gospelof

Thomas n its various versions, and this must have led him to the

MP4. At the Eighth International Conference of Ethiopian Stud-

ies in Addis Ababa in 1984he presented a general review of the

problems posed by the texp5.The most recent contribution devot-

ed to the Infancy Gospel,and naturally important also for the MI,

is SeverVoicu's article published in 199136.

The title and he supposed uthor

The full title of our apocryphon reads:

 The miracles which our Lord, our God and our Saviour Jesus

Christ wrought...37 his is the divine mystery which our Lord, our

God and our Saviour JesusChrist told (about) to His disciple and

apostle John, son of Zebedee, before the ascension o heavenof

our Lord, our God and our SaviourJesusChrist, who did not sep-

arate from His Father and from the Holy Spirit for one hour, nor

even for the twinkling of an eye 38.

Thus our apocryphon presents itself as an apocalypse rather

than a gospel, he receiver of the revelation being John, the apos-

tle. We read more about him somewhat urther on in the preface :

 Also John wrote down the mysteries, with which his God

instructed him, in a number of books. He deposited all the books

in the city of Rome ...This book of John, the beloved disciple, is

(one) of the books of mysteries which he wrote, and the book is

called' AI'a Teqarfa [variants: ' Afal Taqart, 'el'atqarfa] 39.

The latter was explained by O. LOfgren as a corruption of Ara-

34. S. GERO,«The Infancy Gospel of Thomas: a study of the textual and

literary problems », Novum Testamentum 3 (1971),p. 46-80.

35. S. GERO,« The Ta'iimra lyasiis : a study of textual and source-critical

problems », in Proceedings of the Eighth International Conferenceof

Ethiopian Studies, University of Addis Ababa, 1984, ed. by TADDESE

BEYENE, ol. I, Addis Ababa, 1988,p. 165-170.

36. S. VOICU,« Notes sur l'histoire du texte de l' Histoire de 'enfance de

Jesus», Apocrypha 2 (1991),p. 119-132.

37. Here comesan invocation to God for the blessing of the owner of the

manuscript, which is repeated at the beginning of every miracle. This

insertion varies from one manuscript o another, both as o the form and,

of course, he names.

38. The Ethiopic text: S. GREBAUT, atrologia Orientalis 12:4 (1917), =

60 (1985),p. 558,1-5.

39. S. GREBAUT, . 559,5f; 9f.

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W. WITAKOWSKI

bic 'al-'abuqrifa, i.e. a1ToKpu<j>a40.n accordance with the etymo-

logical meaning of this term nothing is known about the real

author of the text.

The title Miracles of Jesusby which the text is referred to in the

West and which is used throughout in the present paper, though

in fact popularised mainly by Grebaut's edition, is not a conven-

tion of Western scholarship but an abbreviated title form used in

Ethiopia itself. The apocryphon is called by this name, i.e.

Ta'ammera lyyasus, in the lists of books in the possessionof

churches and monasteries, as for instance in the list of the ~eyon

(Zion) Church in Aksum41.This short title can also be found in a

note indicating ownership of the manusript, which was put by a

later hand on the top margin of the first folio of our text in ms. Or.

8824of the British Library42.

The short title was probably derived from the phrase Miracle

which our Lord Jesus Christ worked... (Ta'ammer za-gabra

'egzina lyyasus Krstos...), with which many of the episodesbegin,

but it may also have been influenced by the title of another col-

lection of thaumaturgical stories -the Miracles of Mary

(Ta'ammeraMaryam), which entered Ethiopic literature in the late

fourteenth century via a translation from Arabic43.The genre of

miracles was no doubt popular in Ethiopia, as may be inferred

from the existence here of other collections so titled, e.g. the Mi-

raclesof Gabriel, the Miracles of Michael and the Miracles of the

Trinity. It seemshowever that the similarity between hem and our

text is limited to the title, since hese texts contain mostly stories

of wonders wrought from on high by the holy figures named in

the titles on behalf of the faithful below , who may have nvoked

the holy ones n their prayers. On the contrary, he MJ is altogether

maintained as a gospelnarrative: the miracles are performed by

Jesuson earth.

The origin and he date

Basically the MJ is a translation of the Arabic Apocryphal

Gospel of John, but the Ethiopic version has been supplemented

40.O. WFGREN, Fakta och dokument... » (see n n. 24),p. 23; «Zur Cha-

rakteristik...» (see n n. 24), p. 111.

4L J. KOLMODIN,AbessinischeBficherverzeichnisse , Le Monde Orien-

tal 10 (1916),p. 248f.

42. Tii'ammerii lyyiisus zii-Qeddus Miidhane 'Aliim - The Miracles of

Jesusbelonging to (the Church of) the Saviour of the World at Magda-

la; S. STRELCYN,atalogue see n n. 5), p. 21.

43. E. CERULLI,Storia della letteratura etiopica,Milano, 1961,p. 82.

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HE MIRACLES OF JESUS

with additional material. The process of supplementation was

undertaken at different places and at different times, and the text

was never standardized (especiallyas regards he inclusion of the

Legend of Abgar).

The Ethiopic translation of the Arabic Vorlage may date as far

back as he fourteenth century, .e. the first period of translations

from Arabic into Ge'ez associatedwith the name of Metropolitan

(Abunii) Abba Salama (1348-88)44.n any case he terminus ante

quem is provided by the mention of a manuscript of our text

among he books donated by the emperor Zar'a Ya'qob (1434-68)

to the monastery Dabra Karbe (Amba GeSen)45.

The date of the composition of the Arabic AGJ is not known

either. Whereas he date of the oldest known manuscript s 117546,

the post-quemdate is lessprecise -the eighth century, the date of

the composition of the Book of the Rolls (Kitab al-Malal/), which

is referred to in the AGJ (see below)47.

The contents

As was mentioned above he text of the Miracles s not uniform,

and ts contents ary in different manuscripts. t is made up of a pro-

tological introduction and episodes rom Jesus' ife and activities

together with accompanyingstories. The episodesare most often

called «miracles» (in sing.: ta'ammer, manker) but also simply

«chapters» (kefl, meraf) or stories (nagar). Their numbervaries

from one manuscript o another, ranging from over 4()48o double

as much and reaching 88 in a twentieth-century manuscript49. n

some manuscripts he numbering system s provided only as far as

the middle of the text, and then disappearsaltogether.

44~ On whom see: A. VANLANTSCHOOT,Abba Salama,metropolite

d'Ethiopie (1348-88) et son role de traducteur », in Atti del Convegno

intemazionaledi studi etiopici (Roma 2-4 aprile) 1959,Roma, 1960,p. 397-

401.

45. A. CAQUOT, Aper~u preliminaire sur Ie Ma~1.Iafa 'efut de Gechen

Amba », Annales d'Ethiopie 1 (1955), p. 107; cf. O. LOFGREN, Ergan-

zendes...» see in n. 24), p. 137.

46. Ms. Sinaiticus Arab. 441,see above n. 31.

47. According to O. Lofgren, the AGJ was composed between 1000and

1150; M. van Esbroeck opts for the eighth century.

48. Eg. 44 in the British Library ms. Or. 8824; see he list in S. STRELCYN,

Catalogue see in n. 5), p. 19-21.

49. In ms. EMML 885 of 1930, written for the Empress Zawditu;

W. MACOMBER, atalogue see n n. 5), vol. III, 1978,p. 210.

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W. WITAKOWSKI

The growing number of episodes s not a result of text expan-

sion, but only of changes n the division of the same ext, by which

the length of the episodes s made more equal, perhaps to meet

the time requirements of liturgical or monastic readings. Miracle

33 which is particularly long in the manuscripts with the shorter

division system s in those with the longer one divided into sever-

al sections (me'rafat).

Below the list of the episodes s given according to the manu-

script (d' Abb. 168) which was the basis of Grebaut's edition5°.

Introduction: the creation of the angelsand of Adam; the rebel-

lion of the angels; the fall of Adam; Abel and Cain.

1. The choosing of Mary; the Annunciation and Conception of

Jesus; the trial of Mary and Joseph by the «bitter» water.

2. The birth of Jesus; he midwife Salome doubting Mary's vir-

ginity.

3. Salome's hymn to Jesus.

4. The fear of Satanand the demons at Jesus'sbirth.

5. The Presentation of Jesus n the Temple.

6. The coming of the Magi; the Flight to Egypt.

7. The return of the Holy Family from Egypt and the meeting

with three brigands (Titus, Darkes, Gamhur)51.

8. The miracles of infancy:

A. Jesus makes 12 bird figures on the Sabbath day and causes

them to fly.

B. The son of the scribe Hanna is punished with withering of his

body for letting the water of Jesus'spools run away.

C. The death of a child who struck Jesus'sbreast.

D. Jesus at school with the teacher Zacchaeus:

E. Jesus esuscitatesa boy who was killed by falling from a roof.

F. Jesusbrings water in his cloak when the jar is broken.

G. Jesusworks as a carpenter to help Joseph.

H. The death of a teacher who struck Jesus at school.

I. Jesusastonishesanother teacher with his knowledge.

J. The healing of Jacob, Joseph'sson, bitten by a snake.

K. Jesus eaches n the temple in Jerusalem.

L. Jesus ides a sunbeam.

M. The miraculous harvest from five grains of barley sown by

Jesus.

50. For another (shorter) list of the episodes eeV. ARRAS L. VAN ROM-

PAY see in n. 32), p. 136f.

51. In theAGJ only two brigands are named; the figure of Gamhur came

into being as a result of mistranslation of the Arabic text, O. LOFGREN,

«Zur Charakteristik... » (see in n. 24), p.118, n. 3.

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HE MIRACLES OF JESUS

9. The theft of the cattle of the righteous Tetmena.

10. The theft offish from a fisherman of Tiberias.

11. The theft of a heifer.

12. Josephand a lion, which confesses esus sdivinity.

13. Jesusmakes a flooded field dry.

14. The four beasts of Ezechiel s vision, and the patriarchs

(Abraham, Jacob and Moses) testify to Jesus sdivinity.

15. The adulteress.

16. Berfsinya, the Samaritan woman.

17.The calling and baptismof Simon (Peter) and Andrew; Peter

is given priestly authority.

18. The healing of the deaf, dumb and blind man.

19. The resurrection of the son of the widow of Nain.

20. The resurrectionof a dead man and the glorification of Jesus

by sheepand an ox.

21. Zacchaeus s live branch blessedby Jesusyields abundantly.

22. Sara, Rebecca and Rachel testify to Jesus s ivinity.

23. The miraculous harvest of melons.

24. The healing of the woman suffering from a haemorrhage a

talking gazelle testifies to Jesus sdivinity.

25. The healing of the deaf mute suffering from elephantiasis.

26. The expulsion of locusts from Galilee and Judaea,and the

question of the Sabbath.

27. The lions of Ascalon eave he region at the behestof Natha-

niel.

28. Eschatological discourseof Jesus n Jericho.

29. Jesus ssermon to the apostles on the Mount of Olives.

30. The Baptism and Temptation of Jesus.

31. The wedding feast at Cana.

32. The resurrection of Lazarus.

33. Jesus ssermon to the apostles on Mount Sinai (in 12 chap-

ters).

34. Jesus sspeachconcerning Jerusalem (in 2 chapters).

35. Jesus sentry into Jerusalem (Palm Sunday).

36. Mary (Magdalene) anoints Jesus.

37. The Last Supper.

38. Judas eaves he Cenacle.

39. Gethsemane: Jesus s arrested.

40. Jesusbefore Pilate.

41. Pilate delivers Jesus o the Jews; Peter s denial.

42. The Crucifixion.

43. Titus the good thief; the Death of Jesus.

44. The Burial of Jesus.

45. Judashangshimself; the priests of the Jews consult Nicode-

mus about Jesus.

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W. WITAKOWSKI

46. The Resurrection.

47. The women and the disciples at Jesus s omb; Pilate inter-

rogates he guards of the tomb who have been bribed by the Jews.

48. Jesusand the disciples at Emmaus.

49. The imprisonment of Josephof Arimathaea and of many of

the seventydisciples; their miraculous deliverance.

50. The appearance of Jesus to the apostles on the Sea of

Tiberias; the miraculous draught of fishes; he appearance o Peter

and John.

51. Jesus sappearance o the apostles n the cenacle; doubting

Thomas.

52. The Ascension.

53. The Pentecost.

54. The missionary regions of the apostles; the lapidation of

Stephen.

55. The apostles and the disciples spread the Gospel in the

world; the Assumption of Mary.

[56. The correspondencebetween King Abgar and Jesus]52.

Sources

As can be seen from the history of the research so far done on

the MJ, it is still in an initial stage and, of course, the same applies

to the search for the sources. Nor will it be possible to give an

exhaustive analysis of them here. Instead we shall limit our account

to reviewing the main sources detected so far and to giving a few

suggestions of our own.

The basic source of the Miracles is the Arabic Apocryphal

Gospel of John, already mentioned. The Ethiopic translation is,

according to Lofgren, quite close, but occasional deviations do

occur, e.g. in episode 3353, s well as mistranslations54. LOfgren also

showed that the Arabic basis of the MJ was a text somewhat short-

er than that published by Galbiati55.

In the postscript to the A GJ it is alleged that it was translated

from Syriac56. However in another manuscript (Sinai Arab. 441)

it is stated that the AGJ was translated from Hebrew. This state-

52. In the manuscript under review this episode follows mir. 55 but as a

separate composition, not as part of the MI.

53. O. LOFGRENsee in n. 26), p. XVI.

54. O. LOFGRENsee n. n. 24), p. 140f.

55. Ibid., p.14lf.

56. I. GALBIAn (see in n. 25), p. 267; O. LOFGRENsee in n. 26), p. 194.

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291

HE MIRACLES OF JESUS

ment is, to be sure, a topos in apocryphalliterature57, but it does

not necessarilymean that the alternative, the Syriac origin, is true.

A direct Syriac counterpart of the text is unknown today and it is

doubtful whether it ever existed in the past. O. Lofgren's opinion

was however that the AGI was not a translation but rather was

composed in Arabic, although, at least in part, on the basis of

sources n Syriac58.No doubt a number of Syriac sources,as will

be argued below, do underlie the narrative of the AGI.

If the AGI constitutes the core of the Miracles, we find in the

latter additional material of a different origin. This is contained in

miracles 8 (the miracles of childhood) and 56 (the Abgar-Jesus or-

respondence). Thus the search for the sources must be pursued

separately or the part based on the A GI and for the two piecesof

additional material.

We can divide the sources of the AGI into three groups, sim-

plifying the schemeof O. Lofgren59

1. the canonical gospels;

2. apocryphal gospels;

3. other apocryphal iterature.

The canonical gospelsunderlie the concept of the MJ / AGJ to

the extent that the narrative of the latter is generally modelled on

the former. The most important eventsof the story of Jesus,as old

in miracles 1-2, 5-6, 30-32, 35-44, 48, 50-53, are of course taken

from the canonicalgospels.However the episodesadopted are not

simply rephrased repetitions of their Vorlagen. Rather they are

"developed" in the typical apocryphal way, .e. by the addition of

some details (such as names for persons not named in the canon-

ical gospels)and the omission of others.

From miracle 31 (AGJ chapter 35) concerning the wedding at

Cana, which we can take here as an example, we learn that the

name of the groom was Dokimas son of Yokan. The episode has

been dramatized by addition of dialogues, yet all the added ele-

ments change ittle of the character of the original canonicalnar-

rative or of its religious significance.The author of the apocryphon

does not even try to avoid 'difficult' passages,as for instance

Jesus's aying o Mary: "What do I have with thee, woman " (ment

beyyamesleki o-be'sit;cf. Jn 2,4)60. everthelessan attempt o play

57. M. VAN ESBROECK,« propos» (see in n. 31), p. 601.

58. O. LOFGRENsee n n. 26), p. XXIII.

59. Ibid., p. XVII-XXIII.

60. On which see F.C. BURKfIT,« Woman, what do I have with Thee? »,

Journal of Theological Studies13 (1911-12),p. 594f.

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292

W. WITAKOWSKI

down the harsh utterance can be observed: an « explanation » is

provided to the effect that Jesus's ntention was o wait for Judas's

arrival in order to perform a miracle before him, that he might

 abandon the evil thing that he had conceived.

Another group of sources are apocryphal gospels, hose con-

cerningJesus's hildhood and those concerningHis passion.Out of

the former group the Protevangelium of James (Clavis 50) is the

ultimate source of miracles 1 and 2 (AGJ ch. 4-5) and more specif-

ically of the trial by the water of conviction (maya zalafa; Pro-

lev. 16)61, f the fact of Jesus'sbeing born in a cave (Protev. 18,1),

and of the episode with the midwife Salomewho did not believe in

Mary's undefiled conception (Protev. 19,3-20,1).

Also when using he Protevangelium he author of the A GJ did

not simply copy he pertinent fragmentsof his sourcebut reworked

the material taken over by omitting some details (in the Protev.

both Joseph and Mary had to undergo the trial of water, in the

AGJ / MJ only Mary), by adding others (e.g. the shining face of

Mary while drinking the water), and by expanding he story with

religious-literary additions, suchas Salome'shymn glorifying Jesus

(mir. 3 ; A GJ ch. 6) which replacesher short prayer in Protev. 20,2.

Another ultimate apocryphal source of the MJ / A GJ is a pas-

sion gospelof the secondcentury, conventionallycalled the Gospel

of Nicodemus,but also known as Acta or GestaPilati (Clavis62).

Here we have to do with a Syriac source62or the AGJ, since no

Arabic version of the Gospel of Nicodemus is known. From this

composition comes the episode (in mir. 40; AGJ ch. 44) of the

Roman military signa (Syr. sygnys; Eth. 'arma}:l- spears ) which

bowed to Jesus when he entered Pilate's palace. The story is not

repeated in its original form63,but once again some details have

been changed: instead of twelve Jewish men chosen o hold the

banners, the AGJ / MJ have 10 men in the first attempt ordered

by Pilate and 15 in the second. It is thus to be admitted that the

61. The purpose of the trial, in accordancewith Num. 5,11-31,was o prove

Mary's purity.

62. Published by I.E. RAHMANI,Apocryphi Hypomnemata Domini nostri

seu Acta Pilati: antiquo versio Syriaca, Scharfe, 1908 (Studia Syriaca 2),

p. 3-15/11-28; a German translation (missing in Clavis): «Neue Pila-

tusakten », besprochenu. fibers. v. J. SEDLACEK,estnikKrtilovske Ceske

Spolecnosti Ntiuk: Trida filosoficko-historicko-jazykozpytnti [= Si-

tzungsberichte er Kgl. bohmischen Gesellschafter Wissenschaften:Hist.

KlasseJ,Praha, 1908.

63. Acta Pil.1,5-6; Rahmani, p. 3,19-4,12 Syr.)/12f (tr.); the German tr.,

Sedlacek,p. 6.

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293

HE MIRACLES OF JESUS

Arabic author knew the story from a Syriac source,perhaps rans-

mitted to him orally.

As far as he apocryphal non-gospel iterature is concernedUlf-

gren names the Cave of Treasures64s a source of the AGI. The

Cave s a Syriac composition of the sixth century which however

contains material that may date back to the third century. It

retraces he Old Testamenthistoria sacraand combines t with that

of the New Testament. The Cavewas translated into Arabic and

extensivelyedited in that language.The resulting version s includ-

ed in the Book of Rolls (or: Volumes,Kitab al-Magall)65,which

came nto being in the second half of the eighth century66.

The Book of Rolls s referred to in the MI. In miL 55 (AGI56 :5)

we read that after the apostle Peter's martyrdom his disciple

Clement put down all that Peter had revealed to him in the book

of mysteries called Mezhal (in other manuscripts: Mezal), which

means volume (za-ba-tergwamehuertas)67.his however s only

a reference made by the author of the AGI / MI to a composition

apparently known to him. As a source, on the other hand, the

Book of Rolls canbe detected n the introduction, in the narrative

of the creation of Adam who, we learn,was made of four elements

(heat and cold, moisture and dryness, according to the Book of

Rolls 5,19/6, unnamed n theAGI / MI, p.l?), and in Adam's giv-

ing names to the animals. Further, in the story of Adam after his

expulsion from paradise, we read that he and Eve came to live

upon the holy Mountain of Treasures Dabra Mazagebt 23,12; n

64. Su-MIN RI, La Caverne des tresors: ies deux recensions syriaques, Lou-

vain, 1987 (Corpus Scriptorum Christianorum Orientalium 486-487, Scrip-

tores Syri 207-208).

65. Only part of the composition is published: Kitab al-magall, or the

Book of the Rolls in Apocrypha Arabica, ed. & transl. by M. DUNLOP-

GIBSON, London, 1901 (Studia Sinaitica 8), p. 1-56 (Arab.)/1-58 (tr.).

66. G. GRAF (see in n. 23), p. 287. A large part of it (up to the epoch of the

Israelite Judges) has been translated into Ethiopic and is included (as book 1)

in the Qaiementos, the Ethiopian Pseudo-Clementine collection; for a Fren-

ch translation of part of the text see: S. GREBAUT, « Litterature ethiopien-

ne pseudo-clementine », Revue de ['Orient Chretien 16 (1911), p. 72-84,167-

175,225-233; 17 (1912), p. 16-31, 133-144,244-252, 337-346; 18 (1913), p.

69-78; 19 (1914), p. 324-330; 20 (1915-17), p. 33-37,424-430; 21 (1918-19),

p. 246-252; 22 (1920-21), p. 22-28, 113-117, 395-400; 26 (1927-28), p. 22-31;

a new translation is being prepared by A. BAUSI, Ii Qaiementos: ia rive/a-

zione di Pietro a Clemente: i iibri 3-7, Napoli, 1992 (Studi Africanistici: Serie

Etiopica 2). Qaiementos represents however only a parallel literary tradi-

tion, without any discernible influence on the MI.

67. S. GREBAUT,« La Pentecote...» (see in n.17), p. 211,13f/63; another

mention: AGI 55 :10, MI mir. 54, S. GREBAUT, ibid., p. 208,18f/60.

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294

W. WITAKOWSKI

the Rolls on a holy mountain in which there was he Cave of Trea-

sures, 10,2Of; 1,8/11).The influence of the Book of Rolls canalso

be seen n its stating that the cause of Cain's killing Abel was the

former's wish to marry his twin sister Lusia in the Rolls, 11,14/11;

unnamed in the AGJ / MJ).

There is no textual agreementbetween he Rolls and our apoc-

ryphon, and the similarity lies only on the conceptual evel. Again

the influence of the former on the latter may have been exerted

orally.

Another passagehaving some connection with the Cave s the

episode of the Magi (mir. 6; A GJ 9). We read here that the kings

or Magi, having seen he light of a star resembling a shining col-

umn, consulted the Books of Commandments about its signifi-

cance. They found there Adam's testament given to Seth, from

which they learned that the Sonof God would put on the human

body and that this would be announced by a star like that which

they had seen.They took the gifts, gold, myrrh and incense, rom

the Mountain of Treasuresand went whither the star guided them.

This story was believed by Lofgren to be taken from the Book

of Rolls (and ultimately from the Cave of Treasures68,but the

roots of the episode of the Magi in the AGJ / MJ reach urther. It

seems o be a reworking of material in the Storyof theMagi which

is known from the Syriac Chronicle of Pseudo-Dionysius of Tel-

Mahre, written in 775-77669. he anonymous chronicler copied

so~e of his sources n full, thus preserving for us many pieces of

Syriac iterature which otherwisewould have been10sfO. he Story

of the Magi is much longer than the episode n the MJ and a num-

ber of details are different (the Mountain of Treasures s called the

Mountain of Triumphs in the Chronicle, a longer passage here

describes he Magi's custom of climbing the mountain every day

to see whether the star they were waiting for had already

appeared; all this is missing from the A GJ / MJ,. in the Story he

number of the Magi is twelve, but three in the MJ, which is thus

brought into accord with the canonical Gospel narrative.

68. O. WFGREN, (see in n. 26), p. XIX.

69. lncerti auctoris Chronicon Pseudo-Dionysianum vulgo dictum, I, ed.

[& interpr.] I.-B. CHABOT, Paris, 1927 (text), 1949 (tr.) (Corpus Scripto-

rum Christianorum Orientalium [91], Scriptores Syri 3:1 [43)), p. 57,1-

91,3/45-70; an Italian translation by G. LEVI DELLA VIDA is published in

U. MONNERETDE VILLARD, Le leggende orientali sui magi evangelici, Citta

del Vaticano, 1952, p. 27-49.

70. For the sources of the Chronicle see: W. WITAKOWSKI, The Syriac

Chronicle of Pseudo-Dionysius ofTel-Ma~re: a study in the history ofhis-

toriography, Uppsala, 1987, p. 124-136.

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295

nIB MIRACLES OF JESUS

The Story, although found in an eighth century chronicle, is

much older. In one way or another, in writing or orally, its earlier,

lessdeveloped stagewas ransmitted to the West. A Latin version

called Liber apocryphus nomine Sethwas included in the Opus

imperfectum n Matthaeum71 f the late fourth or early fifth cen-

tury, falsely attributed to John Chrysostomus.Whereas the Latin

composition is based on Greek sources originating in Syria72,he

Story of the Magi has some connections with Iranian material (the

so-called Prophecy of Zoroaster) and is according o some schol-

ars a christianized Persian composition73. ts complicated origin,

literary history and ramifications cannot however be adequately

treated here; they deserve a separatestudy.

Much of the material of the AGJ / MJ is original. Especially he

episodes nvolving animals and plants, marked by a certain naivety,

seem o be the original inventions of the author of the apocryphon.

Here belong miracles 9-13, 20, 21, 23, 24, 26 & 27, in which ani-

mals often speakwith human voices o testify that Jesus s the true

God. The samepurpose s served by miracles 14& 22 n which Old

Testament igures are called to life to give their testimonies con-

cerning Jesus.

Also the sermons contained in mir. 28, 29 and 33 seem o be

composed by the author of the AGJ, though not entirely without

recourse o recognizablesources. Mir. 29 (A GJ 37) containsa long

sermon of Jesus,which is in part an apocalypsedirected against

the Muslims. Here traces of the influence of the Apocalypse of

Pseudo-Methodius74,Syriac compositionof the last decadeof the

seventh century75, an be found. Subsequentelements originate

from (the tradition of) the Apocalypse of Pseudo-M ethodius A GJ

37,2676 peaks of the people from the desert calling them wild

71. Liber apocryphusnomine Seth in: Opus Imperfectum,horn. 2) Patro-

logiae Graecaecursus completus,. 56 (JohannesChrysostomus), ol. 637-

646.

72. J. BIDEZ & F. CUMONT, es maKes ellenises: Zoroastre, Ostaneset

Hystasped'apres a tradition grecque, I, Paris, 1938,p.118.

73. G. WIDENGREN,ranisch-semitischeKulturbegegnung n parthischer

Zeit, Koln, 1960,p. 71-81.

74. G.J. REININK,Die syrischeApokalypse des Pseudo-Methodius,Lou-

vain, 1993 Corpus Scriptorum Christianorum Orientalium 540-541,Scrip-

tores Syri 220-221).

75. G.J. REININK,«Ps.-Methodius: a conceptof history in response o the

rise of Islam » in The Byzantine and Early Islamic Near East, : Problems

in the literary source material,ed. by A. CAMERON L.I CONRAD, rin-

ceton/NJ, 1992,p. 186.

76. Arabic text (see in n. 25),133,4.

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296

W. WITAKOWSKI

ass 77, n expression o be found in the Apocalypse24,13f/tr. p. 42

and 31,2/51; according to the Apoc. 44,7-11/72f he last Roman

emperor will put his imperial crown on the crosson Golgotha, and,

as AGI 37,55confirms, it will be lifted to heaven.

Finally we turn to the sourcesof the additional material incor-

porated into the Miracles. Episode 8, containing the miracles

worked by Jesusas a child, is an Ethiopic translation of the Infan-

cy Gospelof Thomas, GT (Clavis 57). From the analysismade by

S. GerD t appears hat the Ethiopian version s closest o the Syr-

iac78, hereas according o S. Voicu the two are no closer o each

other than to the Georgian and early Latin, with which they con-

stitute an older branch of the transmissionof the IGT, as opposed

to the Greek one79.

As far as can be judged on the existent manuscript tradition of

the Miracles, he IGTwas incorporated into it very early. As was

shownby v: Arras and L. Van RompaySOwo stages n the process

canbe observed.To the primary text corresponding o the Arabic

AGI, which is represented for instance by the British Library ms.

Or. 654of the second half of the seventeenthcentury, and Or 621

and 623of the eighteenthcentury (Arras & Van Rompay MI type

AI), the IGTwas added by a purely mechanical procedure, i.e.

the scribesplaced it at the end of the collection (MI type A2a)81.

Soonsome other scribes ealized that this was he wrong place for

the infancy miracles. A scribe or a reader, apparently worried by

this chronological irregularity, remarked in the margin of fol. 52r

in ms. Or. 633 And after that [i.e. after the mir. 7 : The return of

the Holy Family from Egypt] read what he did when he was a

child 82,apparently referring to the text of the IGT to be found at

the end of the manuscript. Then there are manuscripts testifying

to an attempt to find a better place for the IGT; not totally suc-

cessful,as it was placed after mir. 9, which seems o be performed

77. According to Gen 16,12 shmael will be the wild ass of man ; G.J.

REININK,« Ismael, der Wildesel in der Wtiste : zur Typologie der Apoka-

lypse des Pseudo-Methodios», ByzantinischeZeitschrift 75 (1982),p. 336-

344.

78. S. GERO,«The Ta'amra lyasiis...» (see in n. 35), p. 167; the Syriac

version published by W. WRIGHT,Contributions to the Apocryphal Lite-

rature of the New Testament, ondon, 1865,p.11-16/6-11.

79. S. VOICU, «Notes...» (see in n. 36), p. 131 and the stemma p. 132.

SO. : ARRAS& L. VAN ROMPAY,see in n. 32), p. 137-143.

81. Cf. above n. 52.

82. V. ARRAS& L. VAN ROMPAY,. 140.

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297

HE MIRACLES OF JESUS

by an adult Jesus83MJ type A2c, three mssof the eighteenthcen-

tury). Finally the correct place was established n accordancewith

the suggestion of the marginal remark quoted above (MJ type

A2b). The incorporation process ust described should be under-

stood in logical terms rather than chronological, since he earliest

manuscript containing the IGT as mir. 8 dates from the late sev-

enteenth century (Or. 712), whereas here are manuscripts from

the eigtheenth century which have the IGT at the end (e.g. Brit.

Libr. Or. 8824) and other ones from as ate as the nineteeth cen-

tury which continue the misplacementof the IGT (after mir. 9). It

seems herefore that various scriptoria followed different, pro-

gressive or conservative , traditions.

In addition two manuscripts are known which have the IGT

twice first after miracle 9, and again at the end. The latter is how-

ever not a repetition but represents another recensionof the IGT

(there are only three episodes, ariants of the miracles8L, 8A, and

81)84. his second cycle of the IGT has also had a separate ife in

Ethiopic literature, as testified by the texts published by A.

Grohmann85.The episodes of the second cycle may have come

from the Arabic Infancy Gospel (Clavis 58)87.

The last episode of our apocryphon, the correspondence

between king Abgar of Edessaand Jesus (Clavis 88), occurs both

as appended o the Miraclesand in an independantmanuscript ra-

dition. Altough the earliest attestation of this piece of apocryphal

literature is in Greek (in Eusebius of Caesarea'sChurch History

1, 13), ts origin is no doubt Syriac. According to a modern hypoth-

esis t came nto being in the third century as an attempt to chris-

tianize a Manichaeanmissionary,active in Syria and Mesopotamia,

by the name Adda88. n Ethiopia four versions of the Legend of

83. It is true, both in this (9) and following (10) miracle Jesus s still living

with Mary and Joseph,but in mir. 10he is called wareza Patrologia Orien-

talis 12 :4, p. 647,8) young man , not ~e~an child .

84. V. ARRAS& L. VAN ROMPAY,. 145f.

85. See above n. 14.

86. S. GERO, The Ta'amra 1yasiis» (see in n. 35), p. 168.

87. S. VOICU,«Notes...» (see in n. 36), p. 124. A task group within l' As-

sociation pour l'etude de la litterature apocryphe chretienne (AELAC)

might be created to prepare editions of various versions of the IGT and

to study the relations between hem.

88. H.J.W. DRIJVERS,Addai und Mani : Christentum und Manichiiismus

im dritten Jahrhundert in Syrien », in III SymposiumSyriacum 1980.Les

contactsdu monde syriaque avec es autres cultures (Goslar ...1980), ed.

par R. LAVENANT, oma, 1983,p.171-185.

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298

W. WITAKOWSKI

Abgar are known89.The one appended to the Miracles, the so-

called longer version90,s greatly filled out with devotional mate-

rial. For the time being it is difficult to say whether the additions

are Ethiopian or have been taken over from an Arabic version,

which in its turn may be a translation from yet another anguage91.

89. GETATCHEW AILE, The Legend of J\bgar in Ethiopic tradition ,

Orientalia Christianaperiodica 55 (1989),p. 375.

90. Published with a French translation by S. GREBAUT, Les relations

entre Abgar et Jesus» (see in n. 17).

91. As another task group of the AELAC has already been working for

some time on the Legend of Abgar the affinities of the Ethiopic version

may be clarified quite soon.

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ERRATUM

Plusieurs erreurs se sont glissees dans l'article de Fran\ois

BOVON intitule « Une nouvelle citation des Actes de Paul chez

Origene », vaTu dans Apocrypha 5 (1994), p.113-117.

L'une d'elles portait prejudice a l'argumentation developpee par

l'auteur: p. 117, 1. 7-8: «Ainsi Ie Parisinus gra cus 769 lit-il :

[laKaplOl Ol EXOVTES"»oit etre corrige en « Ainsi Ie Parisinus gra -

cus 769 lit-il : [laKaplOl Ol [l~ EXOVTES".

Le Secretaire de Redaction presente ses excuses a l'auteur et

prie leg lecteurs de bien vouloir corriger Ie texte en consequence.

******

VIENT DE PARAITRE

J.-D. KAESTLI & D. MARGUERAT (SOUSLA DIRECTIONDE), Le

mystereapocryphe. ntroduction a une itterature meconnue,Gene-

ve, 1995,152pages Labor et Fides,CollectionEssaisbibliques,

26).

Cet ouvrage de vulgarisation rassemble eg contributions pre-

sentees oTSdu COUTSublic organise par la Faculte de Theologie

de l'Universite de Lausanne en 1994.

Les premiers articles, dug a E. Junod et J.-D. Kaestli, esquissent

un tableau d'ensemble de la litterature apocryphe et de la recep-

tion contrastee dont elle a ete l'objet.

La secondepartie de l'ouvrage est consacreea la presentation

et a l'analyse de cinq ecrits : ' Evangile de Thomas (J.-D. Kaest-

Ii); Ie fecit de la descente aux Enters transmis par l' Evangile de

Nicodeme (R. Gounelle); l' Evangile secretde Marc, avec a pre-

miere traduction integrale en tran~ais de la Lettre de Clement

d' Alexandrie decouverte par Morton Smith (J.-D. Kaestli); leg

Actes de Paul (D. Marguerat-W. Rebell) et leg Actes de Philippe

(F. Amsler). Chaque contribution donne une idee d'ensemble du

texte etudie et presente leg resultats, souvent originaux, de

recherches dans lesquelles eg auteurs eux-memes sont actuelle-

ment engages.

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CORPUSCHRISTIANORUM

REPERTOIRE DES BIBLIOTHEQUES

ET DES CATALOGUES DE

MANUSCRITS GRECS DE MARCEL RICHARD

Troisiemeedition entierement efondue

par Jean-Marie Olivier

Il est inutile de presenter aux hellenistes, aux specialistesdes textes chretiens en

langue grecque, aux byzantinistes, aux bibliothecaires, bref a tous ceux qui s inte-

ressenta un titre ou a un autre aux manuscrits grecs, e celebreRepertoiree Marcel

Richard.

La seconde dition de cet indispensableoutil, pame en 1958, est depuis ongtemps

epuisee,de meme que Ie Supplement, pam en 1963.

Depuis 30 ans, notre connaissance es collections de manuscrits grecs a tellement

progresse,qu a l evidence une nouvelle edition s imposait pour tenter de rendre

compte de leur frat present. Cette troisieme edition, due a un disciple de Marcel

Richard, compte plus de 2.500 unites bibliographiques (alorsque a seconde dition

du Supplementen potraient 950). L auteur a fait un effotr patriculier de depouille-

ment des publications signalees afin d eviter a l utilisateur d inutiles pertes de

temps.

On trouvera -notamment- dans cet ouvrage de nombreuses nformations inedites

sur les collections, jusqu a present mal connues, d Europe de l Est. Une table de

concordancepermettra de retrouver aisement es numeros affectesaux publications

dans la secondeedition et Ie Supplement. Le volume s acheve ur un index entiere-

ment consacreaux bibliotheques, possesseurst manuscritscites.

Tabledesmatieres:

Avant-propos

Table des villes et lieux ou sont (ou etaient) conservesdes manuscrits grecs, avec

renvoi aux pagesdu present ouvrageou il en est fait mention

I. Bibliographie

II. Recueils de travaux

III. Catalogues pecialises

IV. Catalogues egionaux et repartition par paysdes villes et autres ieux nommes

au ch. V

V. Villes et autres ieux

Appendice I: Concordancedes cotes bibliographiques de la deuxieme edition (et

son Supplement) et de celles de la troisieme edition

Appendice II: Revue et acresacademiques ites

Index

956 p. -155 x 245 mm -1995 -ISBN 2-503-50445-0

relie: 7500 BEF + TVA 1300 FRF 1TC

broche: 7000 BEF + TVA 1250 FRF 1TC

BREPOLS PUBLISHERS

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MANUEL D ETUDES BYZANTINES

OTTO MAUL

Pendant plus de 1100 ans, ancienne Byzance,etigee en residence mperiale par

Constantin I en 324, fut Ie centre d un empire qui sedisait Ie successeur irect de

l empire romain.

Par une synthese ncomparable entre la culture grecque, es institutions romaines

et la foi chretienne, empire byzantin creadesconditions intellectuelles qui eurent

une influence decisive sur Ie developpementde Occident.

Ce Manuel detudes yzantines resence our la premiere fois un aper~ucampier de

la culture byzantine. 11ne se contente pas de doGGer etat des connaissances un

domaine specialisede l erudition, il fournit une contribution de grande valeur a la

vision globale du moyen age europeen.

Traduction de l allemand pat Claude DETIENNE

TABLE DES MATIERES

I. Objet et taches de la byzantinologie; II. Histoire des etudes byzantines; III.

Histoire de l Empire byzantin; IV. Histoire de la constitution et de l administra-

tion byzantines: V. Population, societe et economie; VI. L Eglise byzantine,

Organisation de l Eglise imperiale, Hagiographie, liturgie et musique; VII. Le

monachismebyzantin; VIII. La langue grecque a epoque byzantine; IX. Histoire

de la litterature byzantine, Litterature theologique, Litterature savanteprofane,

1. Poesie profane, Poemesepiques, 2. Litterature philosophique, 3. Philologie et

rhetorique, 4. Historiographie, 5. Geographie,6. Mathematique et astronomie,7.

Sciences naturelles, 8. Musique, 9. Medecine, 10. Litterarure juridique, 11.

Science militaire, Litterature populaire; X. L enseignement byzantin; XI. L art

byzantin, Architecture, Mosaiques,Peinture murale, Miniature, Peinture de che-

valet, Sculpture, Ivoires et petite sculpture, <Euvresen metal, Emaux, Art textile,

Verrerie et ceramique; XII. Histoire de ecriture grecque;XIII. Sciences uxiliai-

res de la byzantinologie; XIV. L heritage de Byzance;Liste des empereursbyzant-

ins; Liste des patriarches de Constantinople; Bibliographie; Lexique; Index.

240

x 160 mm -relit -360 pp. -2354 BEF + TV A /395 FRF 1TC

ISBN 2-503-50358-6

BREPOLS PUBLISHERS

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CORPUS FONTIUM M NICH EORUM

BREPOLS PUBLISHERS

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Many of the texts recovered from Central Asia and Egypt are in a frag-

mentary condition and some are still unpublished (esp. many Turfan frag-

ments) or published only in facsimile form (esp. the still unedited codices

of the Medinet Madi corpus).

However, systematic work has been undertaken on these texts in several

major institutions of learning, especially in Germany, Great Britain,

France, Denmark, Sweden, Switzerland, The Netherlands, Belgium,

Russia, Japan and the PRC. The new Corpus Fontium Manichaeorum will

make all this material, hitherto diversely published, available in a series

which can be easily consulted by historians of religion, theologians,

ancient and medieval historians, orientalists as well as by specialists in the

languages in which the documents were composed. Since major progress

has been made in the study of the languages of these documents as well as

in the content of the religion in the last few decades, the re-editing of

many of the texts published in the earlier parr of this century (and now

unavailable) has now become more and more necessary. To these more

recently discovered texts should also be added the important citations of

Manichaean writings in anti-heretical writings in Syriac, Greek, Latin,

Arabic, Persian, Armenian, Georgian, Tibetan and Chinese.

Editorial Board:

Executive Officers:

AloIS Van Tongerloo (Leuven), editor in Chief, Samuel N.C. Lieu

(Warwick), Associate Editor, Johannes Van Oort (Utrecht), Associate

Editor

Officers of the Subseries:

Series Syriaca (I), E. Hunter (Cambridge) -Series Arabica (II), S. Calderini

(London) and A. Van Tongetloo (Leuven) -Series Coptica (III), M. Krause

(Munster) -Series Dachlaica (IV), I. Gardner (Perth) -Series (Medio)

Irancia (V) W. Sundermann (Betlin) and P. Zieme (Betlin) -Series Sinica

(VII) S.N.C. Lieu (Warwick) -Serie Latina (VIII) L. Cirillo (Napoli) and

S.N.C. Lieu (Warwick) -Series Graeca (IX).

MANICHAEAN STUDIES

A. Van Tongetloo J. Giversen (ed.)

Manichaica selecta,StudiesPresented oJulien Ries

240 x 160 mm / 402 pages / 1991

2311 BEF + TVA / 415 FRF TTC

A. Van Tongetloo J. Van Oort (ed.)

The Manichaean NOUS. Proceedingsof he International Symposium t Louvain.

240 x 160 mm / 399 pages / 1995

2783 BEF + TV A / 500 FRF TTC

BREPOLS PUBLISHERS

Page 303: Apocrypha 6, 1995.pdf

8/20/2019 Apocrypha 6, 1995.pdf

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