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Version préliminaire – 05/04/2014 - Colloque or2d «cultures, territoires et développement durable» COLLOQUE FRANCOPHONE INTERNATIONAL CULTURES, TERRITOIRES ET DEVELOPPEMENT DURABLE LUNDI 14 ET MARDI 15 AVRIL 2014 ESPE Clermont Auvergne, 36 avenue Jean Jaurès, 63400 Chamalières, Amphis E et A Culture, Précarité Energétique, et Développement Durable des Territoires Sihame Hini ; Clément Morlat ; Kleber Pinto-Silva UVSQ (Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines), REEDS (Recherche en Économie écologique, Ecoinnovation et Ingénierie du Développement Soutenable).

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Page 1: COLLOQUE FRANCOPHONE INTERNATIONAL · Abstract: The concept of “fuel poverty” requires clarification. Current definitions emphasize the relationship between a fragile economic

Version préliminaire – 05/04/2014 - Colloque or2d «cultures, territoires et développement durable»    

COLLOQUE FRANCOPHONE INTERNATIONAL

CULTURES, TERRITOIRES ET DEVELOPPEMENT DURABLE

LUNDI 14 ET MARDI 15 AVRIL 2014

ESPE Clermont Auvergne, 36 avenue Jean Jaurès, 63400 Chamalières, Amphis E et A

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Culture, Précarité Energétique, et Développement Durable des Territoires

Sihame Hini ; Clément Morlat ; Kleber Pinto-Silva

UVSQ (Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines), REEDS (Recherche en Économie

écologique, Ecoinnovation et Ingénierie du Développement Soutenable).

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Résumé: Le concept de “précarité énergétique” doit être clarifié. Les définitions courantes mettent en avant le rapport entre une situation de fragilité économique à l’échelle du ménage, et un logement aux performances techniques insuffisantes. Mais la pauvreté, la vulnérabilité, et la précarité énergétique, sont des construits relatifs. Leur définition n’a de sens que si elle est mise en perspective de causes structurelles et conjoncturelles, ce qui implique une réflexion à l’échelle du territoire. La problématique est multifactorielle et trouve notamment ses origines dans la fragilité des réseaux d’acteurs et des communautés de savoir qui sont nécessaires à une réponse économique optimale. La précarité énergétique est une fonction territoriale complexe dont il faut comprendre les mécanismes pour affiner une réponse locale.     Abstract: The concept of “fuel poverty” requires clarification. Current definitions emphasize the relationship between a fragile economic situation on a household level and accommodation that is insufficient in terms of technical performance. However poverty, vulnerability and fuel poverty are all relative. Their definition is only meaningful if put into perspective with structural and cyclical factors, which involves reflection on a regional scale. The issue has many factors and notably originates in the fragility of the networks of knowledgeable players and communities required for an optimal economic response. Fuel poverty is a complex regional issue whose mechanisms must be understood in order to develop a local response. Mots clefs: Précarité Energétique; Résilience; Territoire; Gouvernance Participative; Communautés Keywords: Fuel Poverty; Resilience; Territory; Participatory Governance; Communities Introduction  La conjonction de logements de mauvaise qualité, du coût de la vie en général et de l’énergie en particulier, avec des habitudes parfois inadaptées engendre pour certains ménages une situation qualifiée de précarité énergétique. Mais cette définition, parce qu’elle circonscrit le problème à l’échelle du ménage et de son habitation, entraîne une réponse inefficiente. La première cause de cette inefficience est le manque d’intégration des actions menées. La disjonction des champs d’intervention des actions tend à se réduire comme l’indique l’existence de nombreux dispositifs innovants. Mais ce manque d’intégration des actions peut également faire référence au périmètre d’analyse selon lequel ces actions sont construites. La précarité énergétique trouve ses sources à différentes échelles territoriales, institutionnelles et communautaires. Le phénomène ne peut de ce fait pas être enrayé uniquement par des actions ciblées et ponctuelles de mise en capacité technique, administrative, monétaire ou de gestion. La seconde cause de

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cette inefficience est une lacune de la dimension patrimoniale que revêtent les réseaux d’acteurs et les plus informelles. Lors d’une opération de lutte contre la précarité énergétique, les bénéficiaires des actions menées sont tout autant les ménages en situation de précarité que les différents acteurs du territoire qui bénéficient de façon directe ou indirecte de ces opérations. La valorisation élargie des opérations implique un effort préalable de qualification des communautés constituées autour de la résolution de dysfonctionnements apparus dans des fonctions vulnérables du système de précarité énergétique. Ces communautés ont notamment un rôle de cofinancement des actions de résolution des situations de précarité énergétiques. Leur renforcement contribue donc à résoudre la troisième cause de l’inefficience des actions menées de façon directe, en augmentant les moyens disponibles, mais aussi de façon indirecte, par la capacité qu’ont ces communautés à éviter la dissipation des valeurs socio-économiques et sociétales induites.

I. Ménages et territoires précaires  

Origine et clarification du concept  Emergence du concept La première référence au concept de précarité énergétique vient du Royaume Unis, avec notamment la thèse de Brenda Boardman (1991) « fuel poverty : from cold homes to affordable warmth » et le rapport « fuel poverty » (2001). La définition acceptée le plus communément pour décrire un foyer pauvre énergétiquement désigne un foyer qui a besoin de dépenser plus de 10% de ses revenus pour se procurer l’ensemble des combustibles utiles et pour chauffer sa maison à une chaleur standard adéquate. Celle-ci est en général fixée à 21°C dans la pièce principale et à 18°C dans les autres pièces occupées températures recommandées par l’Organisation mondiale de la santé

(Creiser, C., 2009). Etat des lieux La précarité énergétique a ensuite été définie en France par la loi n°2010-788 du 12 juillet 2010 d’engagement national pour l’environnement, dite Grenelle II, qui modifie la loi n°90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement. Est en situation de précarité énergétique « une personne qui éprouve dans son logement des difficultés particulières à disposer de la fourniture d’énergie nécessaire à la satisfaction de ses besoins élémentaires en raison de l’inadaptation de ses ressources ou de ses conditions d’habitat ». Une autre définition est celle issue du projet européen EPEE - Etude de la Précarité Energétique en Europe, menée par cinq pays (Royaume-Uni, Belgique, Italie, Espagne et France), proposant que « la précarité énergétique désigne un foyer qui éprouve des difficultés, voire se trouve dans l’impossibilité de chauffer

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correctement son logement à un prix raisonnable qui dépend de ses revenus». En France, au moins 3.8 millions de ménages consacraient en 2006 plus de 10% de leurs revenus au paiement de leurs factures énergétiques (Devalière et al., 2011). Le chiffre ne fait qu’augmenter d’après les enquêtes et observations sociales (UNCCAS, 2013), et la précarité énergétique (PE) gagne du terrain. Selon Jean Hill (2012) « D’ici 2016, la PE va augmenter très significativement d’où la nécessité d’orienter les politiques publiques sur l’efficacité énergétique à destination des ménages à faible revenus ». Le phénomène devient de plus en plus un fait imposant. Il est mis en évidence lors des débats sur la transition énergétique, et est présenté en 3ème place des 15 enjeux principaux par la synthèse des travaux du débat national sur la transition énergétique adoptée le 18 juillet 2013.

Stratégie nationale Le troisième enjeu considéré par la synthèse des travaux du débat national sur la transition énergétique , intitulé « Priorité à la lutte contre la précarité énergétique » pose des principes d’une réduction par la mise en cohérence avec les politiques de réduction des autres formes de précarité ; l’accès à des services énergétiques performants ; la réduction des factures à court terme et conjointement la limitation des consommations contraintes ; la lutte contre l’insalubrité et les effets induits ; l’investissement dans la dimension sociale de la transition écologique et sociétale. La stratégie envisagée est de déterminer quels sont les meilleurs niveaux de détection de la précarité, d’accompagnement des ménages et de mobilisation des opérateurs ; la rénovation des logements ; l’inscription d’un critère de qualité énergétique dans les critères de décence et de salubrité des logements ; la mise en place d’un dispositif économique global permettant d’éviter les situations de privation ; l’information ; et la réduction de la mobilité contrainte qui joue un rôle croissant dans la vulnérabilité des ménages. Une multitude de situations La PE recouvre des situations multiples et complexes. Le phénomène dépasse l’échelle du bâtiment et du ménage, ce qui rend l’appréhension de sa gravité très difficile. Selon Charlotte Creseir (2009) les causes de la précarité peuvent être d’ordre structurel ou conjoncturel. Causes structurelles

Les causes structurelles sont celles qui sont liées directement à la problématique du logement et du rapport à l’énergie, à l’échelle des ménages. L’ouverture des marchés avait pour objectif de permettre à l’usager de choisir son réseau de distribution et de faire jouer la concurrence avec les fournisseurs historiques pour faire baisser les prix. Mais les distributeurs émergents utilisent le réseau de l’opérateur historique car la mise en place de nouvelles infrastructures de distribution est onéreuse et délicate. Il n’y a

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donc pas de baisse constatée au niveau des prix de l’énergie, celui-ci continue d’augmenter. La vulnérabilité des ménages, ensuite, peut correspondre à deux types de situation. Certains ménages n’ont pas de revenus suffisants (chômeurs, retraités, jeunes…), d’autres non pas de revenus stables et vivent dans l’inquiétude du lendemain, ce qui les conduit à économiser sur l’essentiel (personne en CDD, à temps partiel…), malgré une capacité ponctuelle à assumer des factures. Par ailleurs, la politique de construction des logements en France dans les années 60 a privilégié la quantité sur la qualité. Les effets se font sentir aujourd’hui encore, et renforce le phénomène de la PE puisque les ménages pauvres sont contraints d’occuper les appartements les moins efficients énergétiquement. La cause en revient également au manque de logements disponible sur le marché. Ceci a engendré entre autres le phénomène des « marchands de sommeil », soit des propriétaires peu scrupuleux mettant sur le marché des logements insalubres. Causes conjoncturelles Les variations des prix de l’énergie dues à la conjoncture internationale, et aux choix géostratégiques qui conditionne l’approvisionnement et les ressources disponibles amplifient le problème du prix fort établi structurellement par l’échec relatif de l’ouverture des marchés de l’énergie. La corrélation entre des prix croissants et un manque de visibilité est insoutenable à court terme pour les foyers les plus fragiles, tout en décourageant les initiatives de réhabilitation de long terme, car la tendance de fond haussière des prix de l’immobilier met les ménages dans l’incapacité d’une représentation claire de leur pouvoir d’achat à venir. Les restrictions de dépenses énergétiques sont donc installées dans les pratiques car même en capacité d’investissement, le manque de visibilité décourage les initiatives car celles-ci revêtent un caractère presque spéculatif. Et dans un contexte de crise du logement, le comportement pouvant être appréhendé comme rationnel pour beaucoup de ménage demeure l’économie sur la facture énergétique, ou encore, pour éviter des coupures d’électricité, le départ vers un logement au loyer plus bas mais parfois insalubres et moins performant énergétiquement. Un vaste périmètre de facteurs aggravants Les limites d’une conception objectiviste Au-delà des trois facteurs majeurs décrits précédemment (prix de l’énergie, qualité des bâtiments et revenus des ménages), d’autres dynamiques aggravent le phénomène de précarité énergétique : le comportement des ménages, les dépenses dans la mobilité. et le reste à vivre (Hill ,2012). Brisepierre (2012) identifie des limites à la conception « objectiviste » qui consiste à identifier les situations de précarité énergétique en fonction de la part du revenu des ménages consacrée à l’énergie. Selon lui l’approche

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objectiviste cantonne le phénomène à la catégorie des précaires sans compter la classe moyenne qui est de plus en plus touchée ; se limite au budget consacré à l’énergie domestique sans compter ceux liés au transport ; et repose sur une vision statique du phénomène. Le phénomène de la restriction des dépenses revêt par exemple un caractère extrêmement dynamique. Brisepierre identifie également, différents facteurs dynamiques nécessitant une adaptation de la sphère d’analyse à une échelle plus adaptée à un phénomène qui dépasse l’échelle du ménage et du logement. Précarité et mobilité : accroissement de la dépense énergétique contrainte Jouffe (2013) constate que l’évolution des études dans le domaine de la lutte contre la précarité énergétique ne tient pas assez compte de l’impact de la mobilité. Peu d’informations sont disponibles concernant le rapport à la mobilité et son impact sur le ménage touché par la précarité énergétique. Il est très important de situer le ménage dans son territoire et de poser les questions de la composition du ménage (nombre de personnes, rapport à l’emploi, mode de transport etc.). Le tracé des villes ainsi que le choix de l’étalement urbain engendrent une corrélation directe entre revenu faible, choix d’habitat périurbain, et obligation de possession d’un ou plusieurs véhicules par ménage. La question de la mobilité est donc source indirecte d’inconfort dans le logement pour les ménages périurbains les plus touchés. Brisepierre (2012) qualifie ce phénomène de «double peine ». Causes liées aux pratiques et aux représentations sociales La mauvaise qualité technique des bâtiments (isolation, performance des équipements, etc.) n’est pas la seule cause des consommations d’énergie non soutenables pour les ménages aux revenus modestes. Des usages inadaptés des équipements, et des comportements énergivores, contribuent également à la situation de précarité énergétique. Beslay et al. (2010) notent que les dispositifs associatifs et institutionnels spécifiques sont mis en œuvre pour réduire ces situations de précarité, et éviter les situations de choix contraint de restriction (chauffage, alimentation, santé, loisirs, etc.). Si la sensibilisation, la formation et l’accompagnement des ménages permettent des avancées et sont absolument nécessaires, elles ne permettent cependant pas à elles seules d’inhiber le phénomène de précarité énergétique. Causes liées à la dimension systémique du phénomène

De la même façon qu’une approche objectiviste de la PE ne permet pas d’en aborder les contours de façon satisfaisante, de nombreux sociologues s’intéressant à l’efficacité énergétique des bâtiments ont noté que la notion de performance énergétique faisait souvent l’objet d’une définition trop restrictive. La performance énergétique est en effet le fruit conjugué d’une qualité technique - intrinsèque aux bâtiments et équipements –

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et d’une qualité d’utilisation (entretien et maintenance), d’usage, et de comportements individuels. Beslay et al. (2013) notamment, inscrivent cette performance au sein d’un système sociotechnique qui dépasse l’échelle du bâtiment et doit s’envisager à l’interface entre des particularismes de dynamiques sociales, de dispositions des acteurs, de dispositifs techniques, et de contextes. Les causes de la précarité énergétique ont donc un caractère multidimensionnel, ce qui rend les opérations d’évitement difficiles à concevoir de façon transverse, et leurs résultats difficiles à quantifier (Beslay, al, 2012). Les statistiques et les données disponibles sont en effet d’une interprétation d’autant plus difficile le caractère dynamique énoncé par (Brisepierre, 2012) se conjugue à ces multiples dimensions. Une stratégie de réponse intégrée à la problématique de précarité énergétique exige donc non seulement un niveau d’organisation à différentes échelles de territoire, mais également une capacité de coopération entre des acteurs œuvrant au sein de secteurs très différents. Pour tisser cette toile de collaboration visant à maîtriser les dynamiques des facteurs de précarité, il convient de qualifier plus en détails les défaillances de la capacité de réponse organisationnelle actuelle de la société. Cette étape permettra dans un second temps d’appréhender les modalités d’évaluation d’une réponse intégrée capable de réduire sur un territoire ce que nous qualifierons de potentiel d’incubation de la précarité énergétique.

Figure 1: Approche sociotechnique de la précarité énergétique, adapté depuis source (Beslay et al., 2013)

II. Impacts et dimensions de la Précarité Energétique

L’approche par le système sociotechnique met en évidence un vaste domaine de superposition entre le champ de l’intervention dans la lutte contre la PE et celui de l’optimisation de la performance énergétique des bâtiments. L’optimisation de la performance énergétique des bâtiments implique en effet de faire naître à ces différentes échelles un accord autour des différentes valeurs à accorder aux

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fonctionnalités offertes par un système sociotechnique. Lorsqu’à l’échelle du territoire ce système montre des faiblesses liées à des facteurs dynamiques de criticité, une approche « en silo » ne permet pas une réponse optimale. Seule une approche organique mêlant distinction et conjonction des opérations sectorielles, dans l’opérationnel et l’évaluation, permet de renforcer la capacité des territoires à lutter durablement contre la précarité énergétique. Vulnérabilités des fonctions essentielles Précarité, pauvreté et vulnérabilité : des notions relatives Les dispositifs de prévention et d’accompagnement associant des approches techniques et sociologiques se font rares et leur déploiement n’est pas à la hauteur de l’enjeu. Mais dans le même temps, Devalière (2007) rapporte que « la prégnance des difficultés de maintien de l’énergie se développe paradoxalement dans un contexte de renforcement des dispositifs de protection sociale ». Selon Devalière, une perception exhaustive de la pauvreté et de la précarité ne sont possibles que dans la combinaison des approches scientifiques d’une pauvreté monétaire des ménages, d’une pauvreté subjective, d’une pauvreté administrative, et d’une approche relative à la dignité humaine. Paugam (2005) considère quant à lui que la notion de pauvreté « agrège trois ensembles : les fragiles, la dépendance, la rupture de lien social. » On peut en effet être pauvre mais pas précaire, l’impact d’un manque matériel (revenus bas) n’engendre pas à elle seule une situation de risque. Le phénomène gagne par ailleurs du terrain au sein des classes moyennes (Brisepierre, 2012). C’est donc souvent l’interaction de plusieurs composantes critiques à différentes échelles du système sociotechnique qui mènent à l’avènement du risque de précarité énergétique. La notion de pauvreté s’appréhende alors selon une approche multicritère. Il faut pouvoir définir ce qu’est un seuil de pauvreté dans un contexte de précarité. Et cette approche ne peut pas être uniquement objectiviste et se limiter à la dimension monétaire et économique qui considère un individu (ou un ménage) comme « pauvre énergétiquement » dès lors qu’il vit dans un ménage dont le niveau de vie est inférieur au seuil national de pauvreté. Des états de pauvreté peuvent être facteurs aggravants ou conséquences de la PE. Mais la situation de PE n’implique pas nécessairement la pauvreté du ménage considéré. La notion de pauvreté n’est donc pas le bon vecteur pour aborder la question de la précarité énergétique. Une approche par la notion de vulnérabilité est plus adaptée. Selon Brisepierre (2013), la vulnérabilité énergétique désigne « un niveau d’exposition au risque de subir des dommages à cause de l’augmentation des prix de l’énergie ». L’expression "vulnérabilité énergétique" fait alors référence à une systémique complexe ne relevant que partiellement de facteurs strictement énergétiques. Cette approche de la vulnérabilité renvoi à la notion d’insécurité et d’instabilité, donc de risque de basculement d’une personne ou d’un foyer dans une

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situation détériorée, au gré des circonstances (Jouffe, 2013 ; Brisepierre, 2012 ; Hélène 2008). Ceci renvoi à une définition classique de la notion de précarité déterminée par «l'absence d'une ou plusieurs des sécurités permettant aux personnes et aux familles d'assumer leurs responsabilités élémentaires et de jouir de leurs droits fondamentaux. L'insécurité qui en résulte peut être plus ou moins étendue et avoir des conséquences plus ou moins graves et définitives » (Wresinski, 1987). Gestion du risque ou maîtrise de l’incertitude ? Le risque peut faire l’objet d’une définition technique et être entendu comme la coexistence, d’une probabilité de voir un danger se concrétiser dans un ou plusieurs scénarios, associée à des conséquences dommageables sur des biens ou des personnes. Le niveau de risque se quantifie alors par la combinaison linéaire du produit de la probabilité d’occurrence de chaque scénario et de l’amplitude de la gravité des conséquences du scénario associé. Cette approche est cohérente avec la vision d’une vulnérabilité énergétique située à l’échelle du logement – point de convergence de scénarios de défaillances de différentes dimensions du système sociotechnique. Le risque peut aussi faire l’objet d’une définition plus entrepreneuriale qui consiste à considérer la coexistence d’un aléa et d’un enjeu. Le risque est alors observé comme associé à un espoir de gain et une possibilité de perte. Mais Knight (1921) a proposé une distinction qui fait référence entre risque et incertitude, en notant que l’on peut assigner des probabilités mathématiques à un risque, et pas à une incertitude. Gollier (2011) propose quant à lui de qualifier d’ « incertitude radicale » une situation dans laquelle on est incapable d’établir la liste des événements possibles liés à un aléa. Parler du « risque de précarité énergétique » est donc au sens strictement mathématique un abus de langage. Par ailleurs, toute situation de gouvernance locale est par essence qualifiable d’incertitude radicale, puisque la subjectivité et la complexité posent des limites intrinsèques à une approche de modélisation. Ces deux approches sont cependant intéressantes dans le cadre de la réponse aux situations de précarité énergétique, car elles offrent deux pistes d’analyse. La première est liée à la détermination de trames d’effets associés à des occurrences d’aléas selon les différentes dimensions du système sociotechnique. Nous proposons de considérer la situation de précarité énergétique comme une manifestation à l’échelle du logement de dysfonctionnements au sein des différentes dimensions d’un construit organisationnel, sociologique et technique. La seconde est liée à la réduction de l’incertitude par la qualification et la sécurisation des points critiques du système territorial. La norme ISO 31000 :2009 sur le Management du risque définit le risque comme étant l’effet de l’incertitude sur les objectifs. Etudier les origines des disfonctionnements potentiels qui trouvent leurs origines à différentes échelles de temps, d’identité, et de territoire peut conduire à mieux comprendre et à minimiser les effets de défaillances de la composante

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territoriale du système sociotechnique, pour améliorer les objectifs de consolidation du processus central qu’est la gestion de la fonction habitat, dans son rapport à l’énergie. Approche socio-spatiale de l’évaluation Quel que soit le domaine considéré, l’évaluation et l’anticipation des risques impliquent la mise en place d’un système de surveillance et de collecte de données qui permette une capacité d’alerte systématisée. Il convient donc préalablement de dresser pour chaque situation de territoire particulière une typologie aussi exhaustive que possible des facteurs et des fonctions de la précarité. Les trois axes présentés par D'Ercole (1994) dans un contexte plus générique de résilience pourront être adaptés à la problématique de précarité énergétique, de façon à intégrer au sein d’un même système d’évaluation:

- La description des facteurs critiques (structurels et conjoncturels), et l’analyse de leur propension à subir des dommages en fonction du comportement global de la société, dans une approche qualitative;

- La description des fonctions critiques, et les constats d’endommagements des processus inhérents à ces fonctions, en tant qu’indices de dégradation, dans une approche quantitative ;

- La description du pattern socio-spatial, et l’analyse de leur propension à subir des dommages en fonction du comportement des interfaces entre les facteurs de précarité et les fonctions vulnérables aux différentes dimensions du système sociotechnique, dans une approche semi-qualitative.

Figure 2: synthèse des différentes approches de la précarité énergétique, adapté par les auteurs depuis source (D'Ercole, 1994), cité in (Barroca, 2006)

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Organiser la résilience Réduire la précarité énergétique, quels gains pour les territoires ? La précarité énergétique est un phénomène multifactoriel et multidimensionnel. Mis en évidence pour ses conséquences en termes de santé, il est lié au domaine technique, au domaine de la psychologie, à l’économie locale et à l’économie globale, à la question environnementale, à la géostratégie, aux dispositifs institutionnels et aux modalités administratives, aux stratégies d’aménagement du territoire, etc. Mais conjointement à une approche par les causes, calquée sur le système de précarité énergétique décrit au point précédent, concevoir la précarité énergétique comme une source de désavantage économique, social, et environnemental pour le territoire peut impulser des réponses aux situations localisées de précarité énergétique des ménages. Dans une étude interne consacrée à la réhabilitation des logements sociaux en visant l’objectif du facteur quatre1, l’Institut de la Monétarisation (IM, 2013) distingue au sein de ces différentes dimensions quels peuvent être les gains pour un territoire d’une politique de réduction des situations de précarité énergétique :

- Une dimension sanitaire (réduction de la mortalité, de la maladie, meilleure qualité de l’air intérieur et extérieur) ;

- Une dimension liée à la satisfaction des habitants (amélioration du confort, dont bruit, revalorisation du quartier, ancrage territorial de la population, popularité des élus politiques) ;

- Une dimension environnementale macro (sécurité d’approvisionnement en énergie, contribution à l’effacement des pics de consommation, développement des énergies renouvelables, réduction des émissions de gaz à effet de serre)

- Une dimension environnementale locale (évitement des déchets de construction, évitement d’utilisation des ressources pour la construction, réduction des consommations en eau, préservation des espaces naturels et des surfaces agricoles, amélioration de la biodiversité en milieu urbain) ;

- Une dimension économique pour le territoire (amélioration de la balance commerciale, augmentation des prix des loyers, valorisation patrimoniale, création d’emplois, amélioration de la production individuelle, solvabilité des ménages à bas revenus) ;

- Une dimension économique pour les bailleurs (réduction des appels d’urgence et de maintenance, diminution des risques d’incendie, réduction des frais d’assurance, réduction des impayés de loyers et énergie)

                                                                                                                         1 L'expression Facteur 4 désigne un objectif ou engagement écologique qui consiste à diviser par 4 les émissions de gaz à effet de serre d'un pays ou d'un continent donné, à l'échelle de temps de 40 ans (2050).

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Valoriser l’intérêt partagé Un enjeu de la réponse à la précarité énergétique est de pouvoir combiner l’approche technico-économique et administrative qui est structurée sur la base d’un canevas territorial, avec une lecture domaniale des intérêts manifestes ou implicites des acteurs. Associer un potentiel de gain partagé aux actions d’inhibition des mécanismes de la précarité engendre une strate supplémentaire à la démarche de hiérarchisation socio-spatiale des fonctions vulnérables. Certaines fonctions peuvent en effet être considérées comme vulnérables dès lors que les avantages liés à leur résolution ne sont pas pris en compte par la collectivité. A l’inverse, des fonctions vulnérables peuvent sortir du domaine de la criticité dès lors que la prise en compte du paramètre de convergence des intérêts socioéconomiques et sociétaux au sens large permet de former des communautés d’intérêt partagé pouvant être les catalyseurs de la réponse aux situations précaires. L’Institut de la Monétarisation (IM, 2013) propose par exemple une méthode de discrimination de la valeur globale (énergétique, écologique, sociétale, économique, etc.) des opérations de lutte contre la précarité énergétique, par le processus de documentation et de valorisation des bienfaits (externalités positives) qu'engendrent ces opérations à différentes échelles de temps et de territoire. L’objectif de cette méthode est de quantifier ces bienfaits, avec les parties prenantes, pour en dégager un prix interne (monétarisation) à l'échelle du projet. Ensuite, elle conduira à proposer aux intéressés qui ont aidé à reconnaitre et quantifier les effets positifs, de soutenir la production de ces effets en apportant des contributions diverses financements additionnels au projet. La méthode s'appuie pour cela sur un dispositif comptable spécifique, et sur des outils de valorisation participative (Morlat, 2014).

III. Culture partagée et gouvernance Les territoires et les communautés de la précarité énergétique

Les territoires sont la trame sur laquelle se structure le risque de voir un ménage tomber dans la précarité énergétique. Mais pour institutionnaliser une réponse efficiente, une approche communautaire peut renforcer la capacité de maîtrise et de réduction des situations de vulnérabilité énergétique. Les communautés géographiques (lieu de vie) ; administratives (municipalités, association) ; sociales (relations familiales, amicales, professionnelles) ; et psychologiques (sentiment d’appartenance, communauté de valeurs) (Saïas T., 2011), sont les vecteurs de nombreuses fonctions qui permettent l’évitement des situations de précarité.

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Les conditions d’une "capabilité énergétique" Mettre en évidence des communautés d’intérêts convergentes à l’échelle du territoire avec le besoin localisé à l’échelle des ménages renforce la possibilité des dispositifs associatifs et institutionnels de lutte contre la précarité à bénéficier du soutien des acteurs intéressés. Pour Friedberg (1993) l’action sociale est génératrice de cadre organisationnel, et conjointement, tout processus d’organisation formalisé entraine l’émergence de dynamiques et comportements nouveaux. La structuration des mécaniques technico-administratives, de par sa rigidité, peut parfois avoir tendance à inhiber certaines dynamiques sociales nécessaires2. Des initiatives « hors cadre » sont freinées par les procédures établies 3. Un jeu à somme négative qui peut donc s’instaurer entre la réponse administrative et l’initiative sociale. L’approche des capabilités de Sen « met l’accent sur la manière la plus efficiente de réduire la pauvreté en améliorant les capabilités des individus à long terme. Au travers du concept de développement humain, l’amélioration des capabilités permet un meilleur accès aux services de santé, à l’éducation, à une bonne alimentation induisant donc une augmentation du capital humain. Elle permet aussi de lutter contre l’exclusion sociale par l’augmentation du capital social » (Rousseau, 2003). Dans le cadre de la lutte contre la précarité énergétique, la notion de capabilité ne peut pas être confinée à l’échelle de l’interaction entre un ménage et son logement. La capabilité énergétique est partagée entre les parties prenantes aux différentes dimensions du système sociotechnique dont émanent les situations de vulnérabilité et de précarité énergétique. Ce constat amène à introduire la notion de capabilité énergétique d’une collectivité, et à considérer la résilience énergétique des ménages par une approche communautaire. Précarité énergétique et psychologie communautaire

Lewin proposait en 1951 la formule C = f (P, E) pour signifier que le comportement est fonction de l’interaction de la personne et de son environnement. Bronfenbrenner (1979, 2001) précisa ce modèle dans une approche dite écologique, qui considère l’individu dans ses multiples environnements. Cette approche fait écho aux différentes dimensions dans lesquelles s’inscrivent les vulnérabilités des ménages face aux problématiques énergétiques. Bronfenbrenner décrit différents niveaux d’appréhension de l’interaction de la personne avec son environnement ; depuis l’ontosystème (individu et ses caractéristiques propres) ; en passant par le microsystème (entité communautaire la plus proche de l’individu, c’est à dire famille et amis proches), le mésosystème (interaction entre les différents microsystèmes), et jusqu’au macrosystème qui englobe les autres systèmes et constitue un ensemble de valeurs, de traditions, et de croyance qui                                                                                                                          2  Du  fait  notamment  d’un  manque  de  mise  en  capacité  de  portage  administratif  par  les  ménages  des  dossiers  de  financement  des  travaux  de  réhabilitation  des  logements  3  Auto-­‐réhabilitation  des  logements,  diffusion  de  bonnes  pratiques,  etc.  

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forme la culture du sujet. Cette trame peut servir de grille d’analyse du rapport entre le domaine social et les fonctions de vulnérabilité énergétiques déterminées. Thomas Saïas (2011) clarifie quant à lui la notion de "social" en considérant que dans le cadre de la psychologie communautaire elle renvoie « aux espaces matériels (territoires, agencements institutionnels, "settings") et symboliques (champs relationnels, contextes socioculturels constituant l’espace mental des groupes et des individus, espace thérapeutique) où l’on peut repérer une dimension sociale ». Saïas précise que l’adaptation aux settings – c’est à dire au paramétrage et à la configuration des espaces matériels - permet d’ajuster les interventions d’aide aux situations sociales locales dans lesquelles se trouvent les membres de la communauté. La capabilité énergétique globale sur un territoire peut être renforcée par une gouvernance qui, forte d’une connaissance des interactions entre les différentes échelles du modèle écologique de Bronfenbrenner, aborde conjointement les espaces matériels et symboliques décrits par Saïas. Communautés scientifiques et communautés de savoir La notion de communauté, au-delà de ses contenus matériels et symboliques concrets, est décrite par certains auteurs du champ de la psychologie communautaire comme un construit théorique où « se forge l’identité sociale et s’élaborent le sentiment d’appartenance et les interactions positives ou conflictuelles avec les membres de son groupe et ceux des autres groupes » (Jodelet, 2009). Jovchelovitch (2007) fournit un cadre d’objectivation des relations des relations sociales qui associe une charge mémorielle aux espaces symboliques et matériels. Cette charge mémorielle des rapports sociaux interindividuels mais aussi intra et intergroupes, est un point clef des politiques de lutte contre la précarité énergétique. Elle conditionne l’efficience des « communautés scientifiques » (Latour, 1987) que sont les réseaux d’acteurs pouvant être formalisés comme parties prenantes directes d’une fonction de vulnérabilité énergétique. La charge mémorielle conditionne aussi la possibilité d’émergence de « communautés de savoir » (Dupouët et al. 2006), plus informelles, qui créent les connaissances et les diffusent via un réseau organisé ou virtuel, créant in fine une identité commune, et se consolidant par la création de normes sociales partagées (Saïas T., 2011). Un écosystème de liens Charge mémorielle des communautés La relation entre les espaces matériels et symboliques décrits par Saïas (2011) et l’approche écologique de Bronfenbrenner (1979, 2001) met en évidence l’importance d’une mise en cohérence de la réponse technico-économique et administrative à la précarité énergétique (ciblée sur trame de fonctions vulnérables elles-mêmes articulées autour de facteurs critique), et des settings de son interface avec la dimension

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communautaire de la gouvernance. Les « communautés scientifiques » - c’est-à-dire des réseaux d’acteurs -, peuvent être renforcées, adaptées, pour embrasser et consolider cette trame de vulnérabilité. Les « communautés de savoir » formelles ou informelles, par l’explicitation de leur intérêt convergeant pour une résolution des situations de vulnérabilité et de précarité peuvent par ailleurs en catalyser la résolution, par la création de normes sociales partagées. La charge mémorielle associée à l’objectivation des relations sociales à l’interface entre les dimensions matérielles et symboliques peut dès lors être considérée comme un patrimoine territorial de capabilité énergétique. Chaque expression formelle par les parties prenantes d’un intérêt convergent entre la réponse aux questions de précarité, et un espoir de gains (selon les dimensions évoquées par IM), est un potentiel de réponse synergique alliant intérêt des ménages et intérêts du territoire en termes de création de valeur socio-économique et sociétale. Contenu expérientiel des actions Ces mécanismes synergiques, et les réponses engendrées, sont générateurs d’un contenu expérientiel (Zacklad, 2008) nouveau. Zacklad décrit celui-ci en termes de transformations selon les dimensions « physique – effets principalement corporels (expérience principalement sensorielle) ; expressive – effets principalement psychiques (expérience principalement représentationnelle) ; agentive – effets principalement socio-relationnels (expérience principalement relationnelle) ». Un contenu expérientiel peut être conservé ou dissipé. Il peut être valorisé et amplifié de façon récursive par les politiques territoriales de lutte contre la précarité énergétique, ou peut à l’inverse ne pas être pris en compte par les stratégies de valorisation. L’intérêt de sa prise en compte réside dans l’acquisition d’habitudes de coopération entre les « communautés scientifiques » (que sont les réseaux d’acteurs) et les « communautés de savoir » autour de la résolution d’un dysfonctionnement factoriel ou fonctionnel (local ou diffus) participant à engendrer une situation de précarité à l’échelle du ménage et du logement. L’absence ou l’atrophie des communautés scientifiques (réseaux d’acteurs) et des communautés de savoir engendre une dissipation de la valeur informative issue du contenu expérientiel. Les communautés scientifiques et de savoir ont en effet un rôle de structuration de la charge mémorielle partagée. Par l’usage qu’elles font des informations issues des contenus expérientiels, ces communautés orchestrent de fait un écosystème de liens entre les niveaux onto, micro, meso, et macro considérés par le modèle "écologique" de Bronfenbrenner. La création et l’enrichissement de ces canaux d’information engendre l’élargissement du spectre de réponse à la problématique de la précarité énergétique par la prise en compte d’un périmètre plus large d’intéressés qui pourrait permettre d’organiser avec davantage de créativité la capabilité énergétique à l’échelle du territoire et du ménage.

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Figure 3: Approche écologique de la capabilité énergétique. Adapté depuis source (Morlat et al., 2013)

 

Approche patrimoniale et écoinnovations contractuelles Pour qualifier ce qu’est une écoinnovation, l’ADEME (2006) considère «l’ensemble des innovations (techniques, conceptuelles, méthodologiques) qui contribuent directement ou indirectement à une amélioration de l’état de l’environnement ». Le terme "écoinnovation" ne s’applique donc pas seulement aux solutions technologiques. Par transposition au cas des politiques de lutte contre la précarité énergétique, il est possible de considérer que des écoinnovations contractuelles doivent voir le jour. Si les évaluations sur lesquelles se basent la construction des budgets de lutte contre la précarité énergétique négligent l’approche par la psychologie communautaire, par le lien, et par la disponibilité d’informations permettant la coproduction de solutions basées sur des convergences d’intérêts ; si elles n’envisagent qu’une approche actuarielle qui ne tient pas compte des effets externes positifs et négatifs de la situation du système sociotechnique et des actions sur ce systèmes ; alors elles n’appréhendent de fait qu’une partie des enjeux, et engendre des politiques qui échappent à toute rationalité socio-économique et sociétale. Charge mémorielle et économie en spirale La notion de capital territorial (OECD, 2001) caractérise un territoire «en termes de localisation, de dotation en ressources naturelles et humaines, de climat, de traditions, de qualité de vie, etc. qui différencient les territoires entre eux» (Enjolras, 2005). Ce cadre d’analyse

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peut permettre l’identification des facteurs vulnérables par les politiques publiques de lutte contre la précarité énergétique qui visent l’augmentation localisée, sectorisée, et ponctuelle d’une dotation4 pour la réduction des inégalités. Selon Hill (1997) le modèle traditionnel d’élaboration et de mise en œuvre des politiques publiques connait cependant des limites car un problème à résoudre à l’échelle territoriale s’inscrit au sein de plusieurs fonctions, et implique de ce fait une réponse s’articulant entre ces dernières. Une collectivité qui souhaiterait favoriser un business model adapté à la capabilité énergétique de son territoire se doit donc de réinventer le processus de création de valeur en sortant d’une approche linéaire et transitive de l’économie pour privilégier un management circulaire d’une valeur devant être évaluée en termes d’efficience des transferts d’information à l’interface entre les fonctions vulnérables et les communautés.

Cette sortie des modes de gestion traditionnelle des territoires est contemporaine de l’évolution de l’économie sociale et solidaire (ESS). L’économie plurielle (Laville, 1998) met en avant la primauté des principes de redistribution et de réciprocité dans l’économie réelle, et donc l’idée que « le lien précède le bien ». De fait, chacune des démarches institutionnelles et associatives visant l’amélioration d’une situation de précarité énergétique est génératrice d’un contenu expérientiel. Pour que ce dernier puisse être valorisé et nourrir positivement la charge mémorielle des communautés et la capabilité énergétique globale du territoire, les politiques de lutte contre la précarité énergétique doivent renforcer un patrimoine territorial. Ce patrimoine territorial se défini selon Colletis et Pecqueur (2004) par « la mémoire de situations de coordination antérieures réussies, par la confiance entre les acteurs qui en est le résultat, ainsi que par des ressources cognitives spécifiques virtuellement complémentaires – c’est-à-dire susceptibles d’être combinées pour résoudre des problèmes productifs à venir » Vivien (2009) définit quant à lui l’économie patrimoniale comme un «mélange d’être et d’avoir reçu et transmis collectivement à travers le temps» et précise que «cette production de biens et/ou d’objets patrimoniaux nécessite l’allocation de ressources spécifiques qui s’effectue par le truchement d’institutions, de normes et de règles propres à la logique patrimoniale, qui définissent des modes d’attribution de ces éléments patrimoniaux et des modalités de rémunération qui leur sont associées.» Il affirme qu’il est ainsi possible de considérer «des valeurs patrimoniales et des prix patrimoniaux qui diffèrent des valeurs et des prix de marché». Le problème est dès lors d’inclure cette valorisation des objets patrimoniaux dans les logiques d’évaluation de façon à ce que le fait de renforcer les facteurs et fonctions vulnérables par la circularisation de l’économie territoriale, permette d’aboutir à une économie apprenante « en spirale », portée à chaque nouvelle action et à chaque

                                                                                                                         4 Dotation en capital physique (qualité énergétiques des logements), capital de compétences (pour favoriser les comportements vertueux des ménages), capital économique (pour réduire la pression des factures), etc.

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nouveau contenu expérientiel par une charge mémorielle partagée à fonction de patrimoine productif. Logique de transactions coopératives L’économie de fonctionnalité participe de cette mutation puisqu’elle contribue à réduire le couplage structurel existant entre satisfaction des besoins humains (ici la capabilité énergétique à l’échelle des ménages) et pressions sur le capital socio-économique et sociétal (ici coût d’opportunité pour les territoires en cas de non réalisation d’opérations de réduction de la précarité énergétique). Pour une collectivité, le changement de modèle d’affaire engendré par le passage à l’économie en spirale (circulaire, et patrimoniale, et de fonctionnalité) interroge la notion même de transaction, et donc les modalités de contractualisation. Contractualiser la mise en œuvre d’une politique de lutte contre la précarité énergétique implique de considérer comme des "transactions coopératives" (Zacklad, 2006) les processus socio-économiques qui font naître par la concertation un accord sur des prix d’usages. Ces processus prennent leurs sources dans la conjonction d’un cadre de valorisation reconnu par les « communautés scientifiques » (réseaux d’acteurs) et adapté à la diffusion osmotique des informations entre ces communautés formelles et les « communautés de savoir » formelles ou informelles.

Un même médium (ici l’opération de réduction de la précarité énergétique) pouvant permettre divers usages aux bénéfices d’acteurs distincts, la description des objets de transaction intègre donc – pour un même médium – une multitude d’objets interconnectés. Ces objets doivent être analysés et valorisés selon les différentes dimensions matérielles et symboliques des espaces de la précarité énergétique, et aux différents niveaux du modèle de Bronfenbrenner (1979, 2001). Leur contractualisation en est donc systémique et complexe, mais cette difficulté est à mettre en perspective de la diversité de bienfaits socio-économiques et sociétaux générés.

Conclusion Valoriser les actions de lutte contre la précarité énergétique dans une logique de fonctionnalité implique un changement d’échelle puisque seul un écosystème d’affaire suffisamment large et multidimensionnel peut incuber des négociations et maximiser le consentement à payer global des parties prenantes. En mobilisant les apports de la systémique, de la psychologie communautaire, et de l’économie patrimoniale, une amélioration du modèle économique local peut permettre aux politiques de réduction des vulnérabilités énergétiques d’aborder distinctement mais conjointement la capabilité énergétique à l’échelle d’un territoire, l'optimisation des solutions techniques applicables aux bâtiments et les dispositifs d’accompagnement des ménages. Si les évaluations financières sur lesquelles se base la construction des budgets de lutte contre

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la précarité énergétique négligent la dimension patrimoniale des fonctions de vulnérabilité, pour n’envisager qu’une approche actuarielle qui ne tient pas compte des effets externes positifs et négatifs et de la charge mémorielle des communautés, alors elles n’appréhendent de fait qu’une partie des valeurs socio-économiques et sociétales de la problématique qu’elles ont pour objet de résoudre. Mais si l’accroissement de la capacité cognitive de la collectivité permettait par un processus apprenant de légitimer les coûts de coordination consentis lors de l’institutionnalisation d’un modèle d’évaluation à rationalité patrimoniale, alors les politiques de lutte contre la précarité énergétique pourraient disposer de plus de moyens financiers, être mieux comprises par les acteurs du territoire, donc mieux soutenues, et plus efficaces.

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