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INTRODUCTION

I – La nature du droit du commerce international

A. La définition et la nature du droit du commerce international

Cette matière se définit par son objet, le commerce international, ce qui imprime un caractère essentiellement privé à la discipline. Mais le caractère international est source de difficultés.

1°/ L'objet du droit du commerce international

Le commerce international consiste d'abord dans des opérations d'échanges de biens par delà les frontières. C'est en quelque sorte ce qu'on appelle couramment l'import export. Ceci vise au premier chef les ventes internationales de biens et de marchandises, mais il y a aussi toute sortes d'opérations connexes à ces ventes comme les transports, les assurances et bien sûr les opérations de financement. L'époque contemporaine a vu se diversifier les biens qui font l'objet des échanges.

Si au départ il s'agissait de marchandises, biens corporels, s'est ajouté le commerce des biens immatériels. La propriété intellectuelle est importante de nos jours et il existe donc des opérations qui portent sur des brevets ou savoir faire. Au plan international, ces propriétés immatérielles sont au cœur des contrats dits de transfert de technologie.

Une autre forme de commerce qui s'est développée est le commerce de services à partir des années 70. Il s'est même accru plus rapidement que le commerce des marchandises.

À coté de toutes ces activités d'échange, il y a les activités de production. On a pu constater que la production s'était internationalisée dès le XIXè siècle à l'époque des premières concessions qui portaient sur les ressources minières. Puis au XXè siècle ce sont les compagnies pétrolières qui ont manifesté cette internationalisation. Mais de nos jours, ces opérations sont devenues ce que l'on appelle des investissements directs à l'étranger.

Schématiquement, plutôt que d'exporter des marchandises, les entreprises vont créer à l'étranger des succursales, des filiales. Ces opérations d'investissement font apparaître des problèmes juridiques nouveaux, par exemple des figures contractuelles telles que les contrats clef en main, ou encore des formes d'associations telles que les joint venture, entreprises conjointes.

Enfin, à partir des années 1990, on a vu apparaître le commerce électronique. C'est à dire la fourniture de biens ou de services par des moyens électroniques et nul n'ignore l'importance des opérations faites via internet. Ceci a fait apparaître des problèmes juridiques nouveaux, surtout liés à l'absence de localisation physique de ces opérations passées sur internet.

Il y a un autre aspect qui concerne l'objet du droit du commerce international : le statut des opérateurs ou des agents économiques du commerce international. Principalement il s'agit d'opérateurs privés, c'est à dire de sociétés. Il y a un certain nombre de problèmes qui vont se poser par rapport à ces opérateurs, comme la détermination de l'État auquel les sociétés sont rattachées (on parle de nationalité des sociétés), ou encore la question de la reconnaissance des sociétés étrangères. À coté des sociétés, personnes morales considérées de façon individuelles, il y a aussi les groupes de sociétés. Leur appréhension par le droit est assez difficile, le groupe n'existe pas véritablement comme tel sur la scène juridique. Le droit ne connait en principe que des personnes indépendantes les unes des autres.

Enfin, il y a un dernier pan des relations de commerce internationales qui concerne le règlement des litiges. Sous cet angle du contentieux, la préférence des opérateurs va à

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l'arbitrage commercial international. Mais il est possible aussi de soumettre les litiges à une juridiction étatique. À cet effet d'ailleurs, les parties à un contrat peuvent convenir d'une clause, qu'on appelle la clause d'élection de for, ou clause attributive de juridiction.

On parle toujours de droit du commerce international et non droit commercial international. Cela risque de réveiller une vieille querelle, celle de la commercialité. La distinction entre ce qui est civil et ce qui est commercial, distinction qui n'est pas connue dans tous les systèmes juridiques. On parle parfois aussi de droit international des affaires.

2°/ La nature du droit du commerce international et sa relation avec le droit international économique

Le droit du commerce international présente un caractère de droit privé en ce qu'il vise des activités qui ont cette nature. Mais il existe une grande proximité avec le droit public. D'abord par ce que des personnes de droit public, et notamment les États, participent au commerce international mais aussi par ce qu'il existe un encadrement étatique et inter-étatique qui joue un rôle décisif sur le développement des activités. C'est justement le droit international économique qui constitue une branche du droit international public. Ceci montre effectivement l'intérêt des États au développement du commerce international. Il n'y a jamais eu d'abstention totale de la part des États à l'égard du développement du commerce international.

Souvent cela s'est manifesté sous la forme de réactions de type protectionnistes, notamment avec les droits de douanes qui tentent de protéger l'économie nationale. Mais par la suite les États ont cherché à conclure des accords entre eux pour alléger ou supprimer ces droits de douanes et libéraliser ainsi les échanges. Au départ les accords passés étaient de simples accords bilatéraux mais après la Deuxième Guerre Mondiale, un véritable système multilatéral a été créé. Il a été créé à la fois à l'échelle régionale et à l'échelle mondiale. À l'échelle régionale, le cas le plus connu et le plus proche, est le cas de l'Union Européenne qui était au départ la communauté économique européenne destinée à créer un marché commun. C'est l'organisation régionale qui est parvenu au degré d'intégration le plus poussé.

Cela étant, il y a dans d'autres parties du monde, des organisations régionales comme l'Accord de Libre Échange Nord Américain entre les États-Unis, le Canada et le Mexique par exemple. Il y a aussi le MERCOSUR en Amérique latine qui unit l'Argentine, le Brésil, le Paraguay et l'Uruguay.

À l'échelle mondiale, il y a les grandes institutions qui ont été créées après la Deuxième Guerre Mondiale, le GATT (General Agreement on Tariffs and Trades), puis deux autres institutions créés par les accords de Breton Woods, le FMI (Fonds Monétaire International) destiné à prévenir les crises monétaires et la BIRD (Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement) destinée à aider les pays membres en difficulté. Ce système a connu des transformations significatives, notamment du au fait qu'en 1994, à la fin du cycle de négociation, appelé Uruguay Round, les États ont décidé de créer l'OMC (Organisation Mondiale du Commerce). Cela a résulté en de nombreux accords signés en avril 1994 à Marrakech et qui comportent une sorte de bloc indivisible, l'accord instituant l'OMC qui est une véritable d'organisation internationale dotée de la personnalité juridique, les accords sur le commerce des marchandises, l'accord général sur les services, l'Accord sur les Droits de Propriété Intellectuelle relatifs au Commerce (ADPIC). Enfin, un mémorandum d'accords, portant sur le règlement des différends qui comporte la création d'un Organe de Règlement des Différends (ORD) à quoi s'ajoute un examen des procédures commerciales.

Tout ceci a connu un développement important depuis sa création, il y a un grand aspect jurisprudentiel qui est venu enrichir le droit international économique. La politique que celui-ci met en œuvre est clairement tournée vers l'accès aux marchés et le développement des échanges. Le libéralisme économique est considéré comme facteur de développement des pays. Et on peu dire la même chose du droit de l'UE.

Un tel libéralisme a par la suite favorisé la mondialisation de l'économie. En réalité, cette expression, comme celle de globalisation, rend compte à la fois de l'augmentation du

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volume des échanges mais aussi de l'essor des investissements internationaux et de l'interconnexion des marchés financiers où les entreprises multinationales jouent un rôle de premier plan.

Libéralisme ne signifie pas absence de règles. Il existe en effet, dans le droit de l'OMC, des règles comme des principes de base, tels que le principe de non discrimination, principe qui combine la clause de la nation la plus favorisée et le principe du traitement national. Il existe aussi des règles en matière douanière comme par exemple le principe de consolidation qui empêche de pratiquer une augmentation des tarifs. Enfin, il existe de nombreuses exceptions à la levée des obstacles au commerce, notamment en faveur des pays en voie de développement et même des exceptions générales qui concernent par exemple la protection des ressources naturelles ou des valeurs culturelles. Aussi bien le domaine du droit international économique s'est étendu au delà de la réglementation du commerce mondial proprement dit pour couvrir des questions qui sont impactées par lui : la protection de la santé, celle de l'environnement, ou encore les questions sociales.

Quoi qu'il en soit, de ces développements, il faut souligner que les objectif du droit international économique sont différents de ceux du droit du commerce international. Ils visent en effet l'organisation mondiale ou globale des échanges et reposent sur des bases macro-économiques. Les destinataires, par conséquent, en sont principalement les États. Ces règles, toutefois, ne sont pas sans influence sur les relations commerciales proprement dites, c'est à dire les relations qui se développent sur un plan micro-économique et qui soulèvent des problèmes juridiques tout autres. Par exemple, quel droit s'applique à tel contrat international, quelles sont les techniques juridiques qui permettent le financement d'une importation, quel mode de règlement des litiges faut-il choisir. Mais on voit que le droit du commerce international vise des rapports de droit privé même si l'intervention des États est toujours présente, en général de façon favorable, les États encouragent les opérateurs, mais quelques fois aussi de façon négative, avec par exemple des mesures d'embargo.

3°/ Le caractère international des relations

Il existe deux grandes conceptions de l'internationalité : il y a d'abord celle du droit international privé classique. Cette conception se contente d'un élément d'extranéité quelconque. En droit des contrats cependant, on fait une application particulière de ce critère juridique. Il existe ainsi une internationalité objective qui résulte d'un élément objectif, par exemple la résidence habituelle des parties dans des États différents, ou le lieu d'exécution d'un contrat à l'étranger.

Mais il existe aussi une internationalité subjective. Cela signifie qu'un contrat pourrait être international du seul fait de la désignation par les parties d'une loi étrangère. Cette conception, un peu étonnante, résulte d'un article de la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles. C'est l'article 3 § 3 qui a été repris par la suite dans le Règlement Européen Rome I du 17 juin 2008. Il y a cette possibilité mais sous réserve de respecter les règles impératives du pays où les autres éléments du contrat se trouvent.

Cette conception classique de l'internationalité a été critiquée par une toute une partie de la doctrine pour laquelle elle ne rend pas compte de la réalité économique à laquelle doit correspondre un droit spécifique du commerce international. En effet, il s'agit d'une conception abstraite qui présume l'égalité de tous les éléments d'extranéité. Or, comme le soulignent certains auteurs, c'est une erreur. Il font valoir que la nationalité étrangère d'une partie n'est pas toujours suffisante. De même que le lieu de production d'un bien. La conception de l'internationalité qui est mise en évidence est une conception économique. Il s'agit de prendre en considération les échanges de pays à pays. De même, pour la production internationale, il faut qu'il y ait intervention de plusieurs pays.

Cette conception nouvelle de l'internationalité a été admise en jurisprudence dans les années 1930. Ce fut le cas alors en matière de règlements ou paiements internationaux avec une jurisprudence appelée à l'époque la jurisprudence Matter qui était le nom de l'avocat général qui avait posé des conclusions pour promouvoir une approche économique de

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l'internationalité. Elle est illustrée notamment par un arrêt du 17 mai 1927, arrêt Pelissier du Besset. Cet arrêt consacre le critère du flux et reflux de valeurs par dessus les frontières.

Peu après, la Cour de cassation va étendre ce critère aux contrats internationaux en affirmant qu'un contrat est international s'il affecte les intérêts du commerce international. Ce sont les fameux arrêts Mardelé et Dambricourt de 1930 et 1931.

Cette conception a ensuite influencé le législateur en matière d'arbitrage international. L'article 1492 du Code de procédure civile, devenu l'article 1504 en 2011, dispose : « est international l'arbitrage qui met en cause les intérêts du commerce international » Dans la droite file de cette conception, il faut citer un arrêt récente de la Cour de cassation, première chambre civile, 26 janvier 2011, selon lequel l'internationalité de l'arbitrage fait appel à une définition économique selon laquelle il suffit que le litige soumis à l'arbitre porte sur une opération qui ne se dénoue pas économiquement dans un seul État, et ce indépendamment de la qualité ou de la nationalité des parties, de la loi applicable au fond ou à l'arbitrage, ou encore au siège du tribunal arbitral. L'arrêt est aussi important pour ce qu'il dit de façon positive que pour ce qu'il élimine. Cette conception économique a été elle même critiquée, souvent pour son excès de généralité. Elle a cependant été maintenue.

En définitive, il semble que les deux conceptions coexistent, d'un coté il y a une internationalité conflictuelle, c'est à dire au sens du droit international privée et qui intervient lorsqu'il s'agit de déterminer la loi applicable. D'un autre coté, il y a une internationalité matérielle fondée sur le critère économique et qui commande l'application des règles matérielles spécifiques du droit du commerce international.

Les conventions internationales retiennent en général des critères qui sont à mi-chemin des deux conceptions, c'est à dire à la fois juridiques et économique. On peut en donner pour exemple la convention de Vienne du 11 avril 1980 sur la vente internationale de marchandises qui exclue la prise en compte de la nationalité des parties et retient leur établissement dans des États différents.

Ce débat permet de comprendre pourquoi il existe des règles spécifiques au commerce international, les multiples activités des opérateurs mettent ceux-ci en contact avec des difficultés particulières. Certaines de ces difficultés peuvent être laissée de coté, celles ayant trait à la sécurité du personnel et des biens de l'entreprise. Ici les solutions sont données par le droit international public à travers soit des règles coutumières, comme la protection diplomatique, soit en vertu de traités internationaux.

Mais au delà de ce type de difficultés, il y en a bien d'autres de nature économique ou politico-économique et bien entendu des risques juridiques. L'entreprise, a besoin de connaître les règles applicables quand elle agit dans la sphère internationale et elle doit pouvoir compter sur des règles simples et appropriées. Il existe donc un besoin de sécurité juridique, de liberté contractuelle et de simplicité des règles et des techniques. Ce sont là les nécessités du commerce international et elles ont entrainé l'élaboration d'un droit original différent par là du droit interne. C'est un particularisme qui se manifeste au fond du droit par l'existence de règles spécifiques mais également au plan de la méthode.

B. Les méthodes du Droit du Commerce International

Il existe dans une certaine mesure une dualité de méthodes mais comme on a pu le constater c'est surtout la seconde qui répond aux exigences du commerce international. La première méthode est la méthode conflictuelle, c'est à dire la méthode du droit international privé classique. Cette méthode résulte de la coexistence de différents systèmes juridiques à l'échelle de chaque État, coexistence qui implique de déterminer, dans une situation internationale, la loi applicable. Cela se fait au moyen d'une norme spécifique qui est la règle de conflit qui est une règle de désignation.

Un certain nombre de règles du conflit intéressent le droit du commerce international. On parle ici de Rome I, de conventions internationales, de la convention de La Haye. Il faut citer également L210-3 du Code de commerce qui soumet les sociétés dont le siège social est situé en France à la loi française. C'est une règle de conflit de loi, qui, dans sa formulation est unilatérale. On admet que cette règle soit bilatéralisée et alors, la loi qui s'applique est la loi du

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siège social de la société.Cette méthode a donné lieu à de nombreuses critiques, elle serait inadaptée aux

relations de commerce international. D'un coté le recours à un critère de rattachement unique est jugé arbitraire, de l'autre, l'applicabilité même d'une loi nationale est considérée comme inappropriée. Les relations internationales devraient être régies par des règles uniformes, d'où la préférence de la seconde méthode.

C'est celle des règles matérielles ou substantielles. De telles règles règlementent directement le rapport de droit international. On a une norme qui va directement régir la situation, le rapport juridique à caractère international. Le complément de cet méthodologique est que la règle matérielle doit être commune à différents systèmes juridiques mais certaines sont adoptées par des communautés très vastes.

Ces règles peuvent être issues de traités internationaux mais elles peuvent aussi provenir des opérateurs eux-mêmes et notamment de la jurisprudence arbitrale ou parfois, elles peuvent provenir d'un système juridique étatique. C'est ainsi que le droit français comporte un certain nombre de règles matérielles destinées spécialement aux relations de commerce internationales. On peut se tourner vers la jurisprudence, notamment celle relative à la clause compromissoire en matière internationale, c'est la clause qui, à l'avance, prévoit que tout litige entre les parties sera soumis à un arbitrage. La jurisprudence française a élaboré un statut à cette clause destiné à la favoriser. Même chose avec la jurisprudence qui a validé la clause ''or'' dans les contrats internationaux. C'est à dire la clause, qui se réfère, en raison de la dépréciation monétaire, au cours de l'or.

C. Aperçu historique

Il faut faire ici ressortir les grandes périodes qui ont marqué l'histoire du commerce international sachant qu'on peut distinguer quatre périodes. La première période est celle du Moyen-Âge, c'est souvent considéré comme correspondant à la naissance du commerce international et de son droit. Dans certaines régions, Italie du nord et les Flandres, les échanges se développent, notamment entre cités, et ils donnent lieu à l'apparition des premières juridictions consulaires. De plus, à cette époque du Moyen-Âge, se tenaient des foires et marchés qui permettaient de développer les échanges et qui donnaient lieu surtout à des règlements financiers. À Ce moment là, des règles étaient élaborées par les marchands eux mêmes et c'est là que l'on situe l'origine du jus mercatorum. Ce droit va décliner lorsqu'à la fin du Moyen-Âge on assiste à l'affirmation des particularismes nationaux.

La deuxième période est en quelque sorte une période de régression, on assiste à une nationalisation du droit commercial. En France, il faut songer surtout aux ordonnances de Colbert qui était partisan d'une politique protectionniste. Mais surtout, au plan structurel, l'exercice des activités commerciales s'est trouvé enserré dans le système rigide des corporations. Sur le plan juridique, à ce moment là, c'est la théorie des conflits de lois qui progresse. Le problème qui se pose est celui de déterminer quelle est la loi nationale qu'il convient d'appliquer.

La troisième période s'ouvre à la révolution. Elle proclame le principe de la liberté du commerce et de l'industrie, en 1791 et anéantit les corporations. À cela s'ajoute l'industrialisation, le développement des transports, et celui du capitalisme libéral. Malgré cela, sur le plan juridique, on continue de raisonner en terme de conflit de loi. Simplement, on voit se multiplier les traités de commerce entre les États. Ce sont à l'époque des traités bilatéraux qui prennent des dénominations variables et qui comporteront petit à petit des clauses stéréotypées comme la clause de la nation la plus favorisée. C'est celle par laquelle deux États s'engagent réciproquement à réserver aux marchandises ou aux personnes provenant de l'autre État, le traitement le plus favorable qu'ils réservent ou accorderont à des biens ou à des entreprises d'États tiers. C'est par la suite la généralisation de cette clause qui a permis l'amorce d'une organisation générale des échanges internationaux.

La quatrième période est celle qui suit la Seconde Guerre Mondiale. À partir de là, la situation évolue beaucoup, d'abord en raison de la diversification et du développement des techniques du droit du commerce international. On voit enfin apparaître des règles matérielles uniformes :d'une part par voie de traités multilatéraux élaborés sous l'égide de certaines

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organisations internationales telles qu'Unidroit ou la Commission des Nations Unies pour le Droit du Commerce International (CNUDCI) et d'autre part grâce à des institutions privées telles que la Chambre de Commerce International qui va s'employer à codifier les usages du commerce international.

L'évolution doit aussi beaucoup, surtout sur le plan des usages, au développement de l'arbitrage du commerce international qui a permis la construction progressive d'une jurisprudence arbitrale. Le second aspect de l'évolution est l'essor des investissements internationaux. Cet essor a entrainé notamment la création d'une institution, le CIRDI qui est le Centre International pour le Règlement des Différends relatifs aux Investissements, institution dont la jurisprudence représente désormais un véritable droit international en la matière. Enfin, une autre caractéristique de cette période est le développement des organisations régionales qui contribuent à l'élaboration de règles communes à leurs membres. On sait par exemple que le Droit de l'UE joue un rôle considérable, non seulement il règlemente la concurrence dans l'espace européen mais il régit aussi un certain nombre d'activités.

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II – Les sources du commerce international

On retrouve la distinction classique des sources nationales (étatiques) et internationales (inter-étatiques). Il y a une troisième catégorie de sources qui sont les usages du commerce international. Elle se situe en marge des précédentes, la production normative ne vient pas des autorités des États mais des opérateurs privés.

A. Les sources étatiques

Ce sont d'abord la loi et la jurisprudence. Mais il y a une autre sorte de source étatique qui a une place de choix en matière de commerce international, le droit de l'UE. Dans la mesure où, comme le dit la CJ, c'est un ordre juridique intégré à celui des États membres, on peut le considérer comme relevant du droit étatique.

Il faut prendre en compte ici plus spécialement d'autres sortes de règles, d'une part un certain nombre de règles matérielles, comme celles qui intéressent le droit des sociétés et qui, généralement, tendent à l'harmonisation des législations nationales.

Il faut évoquer aussi un Règlement assez important, le Règlement du 9 octobre 2001 qui fixe le statut de la société européenne. À coté de ces règles matérielles il y a, de plus en plus nombreuses, des règles de droit international privé.

Outre ces règles d'origine européenne, nous avons la loi nationale. En réalité, cette source qui est déjà modeste en droit international privé l'est aussi en droit du commerce international. Il n'existe pas dans notre pays de codification des règles applicables au commerce extérieur. Si bien qu'on a des dispositions éparses, dans différents codes, différents textes. On peut donner simplement quelques exemples de ces textes épars, on a déjà cité l'article L210-3 du Code de commerce sur la loi applicable aux sociétés commerciales, mais on peut citer aussi les dispositions du Code de procédure civile qui règlementent l'arbitrage commercial international. Aujourd'hui ce sont les articles 1504 et suivants depuis une refonte par un décret du 13 janvier 2011.

À coté de ces dispositions spécifiques, il faut préciser que la loi interne trouve aussi application, le cas échéant, en tant que lex contractus, loi du contrat. C'est le cas en particulier lorsque les parties désignent dans leurs contrats la loi française comme étant applicable.

Enfin, la loi nationale peut contenir des règles dictées par l'Ordre public. D'un point de vue juridique, ces règles trouvent leur expression dans la notion de loi de police. Elles sont nombreuses en matière contractuelle et d'inspirations diverses. Il y a en particulier une catégorie de lois de police qui réside dans des mesures de contraintes ou de sanctions économiques. Ce sont des mesures qui sont dirigées contre un État déterminé et qui suspendent ou limitent les relations économiques avec cet État. Le type même de ces mesures est la mesure d'embargo. La plupart du temps ce sont des mesures qui sont prises au delà de l'État, par des décisions supra-nationales comme celles du Conseil de Sécurité des Nations Unies par exemple.

Deuxième échelon, dans les sources étatiques, il y a la jurisprudence. Elle joue un rôle beaucoup plus important lorsqu'on se place du point de vue du droit privé. D'abord, il arrive que la jurisprudence élabore des règles de conflit spécifiques, c'est à dire adaptées aux besoins du commerce international. Un bon exemple est l'arrêt San Carlo du 14 avril 1964. Cette arrêt avait décidé que la capacité des États et des personnes morales de droit public de compromettre, relevait de la loi du contrat. Passer une clause compromissoire revient à passer une clause d'arbitrage. Cela permettait d'échapper à l'interdiction faite par la loi nationale de l'État en cause de passer justement une convention d'arbitrage.

Toutefois, par la suite, la Cour de cassation a modifié la solution en posant directement une règle matérielle dans un arrêt Galakis du 2 mai 1966. La jurisprudence, en effet, a élaboré nombre de règles matérielles propres au commerce international. Le domaine principal est celui de l'arbitrage international, il existe en effet toute une jurisprudence qui a fixé le statut

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de la clause compromissoire en matière internationale. Ceci a commencé avec un arrêt Gosset de 1963 jusqu'à l'arrêt Dalico 20 décembre 1993 qui synthétise les décisions en posant à la fois l'indépendance et la validité de la clause compromissoire en matière internationale sans qu'il soit nécessaire de se référer à une loi étatique. C'est une règle du for, c'est bien par ce que la Cour de cassation qui le dit qu'elle existe, il n'empêche que c'est une règle efficace dans tout l'ordre juridique français et qui a un effet attractif.

En ce qui concerne l'arbitrabilité des litiges impliquant les personnes publiques, le fameux arrêt Galakis de 1966 a également validé la clause en se référant seulement aux usages du commerce international.

À coté de cette construction jurisprudentielle en matière d'arbitrage il existe d'autres exemples qui intéressent cette fois les contrats internationaux. Il y a le fameux arrêt des messageries maritimes du 21 juin 1950, qui a validé, dans un emprunt international la ''clause or'' en écartant l'application de la loi régissant le contrat, en l'espèce la loi canadienne, et qui l'interdisait. Cette jurisprudence s'est trouvée par la suite confirmée sous une forme plus contemporaine à propos des clauses monétaires.

B. Les sources inter-étatiques

Les sources internationales sont assez nombreuses, classiquement on distingue trois catégories, il y a les règles non écrites du droit international public, c'est à dire la coutume essentiellement. Sa place est assez modeste en droit du commerce international mais on peut trouver quelques exemples, notamment en matière d'immunité, celle des États et des organisations internationales, avec des décisions qui se réfèrent à la coutume.

Il y a une autre catégorie, la jurisprudence internationale émanant de juridictions telle que la Cour Internationale de Justice. On peut trouver des exemples, notamment en matière de nationalité des sociétés où il existe quelques décisions intéressantes.

Puis enfin la troisième catégorie, la plus importante, celle des traités internationaux, et en particulier la sous-catégorie que constituent les traités multi-latéraux. On assiste à une prolifération des traités multi-latéraux qui sont élaborés sous l'égide de diverses organisations internationales. Ces organisations sont très actives, elles sont en situation de concurrence entre elles et la conséquence est qu'il y a de plus en plus des conflits de conventions internationales qui sont aujourd'hui souvent résolus au moyen de clauses telles que les clauses de compatibilité ou de déconnexion. Ces clauses sont d'inspiration libérale et permettent d'appliquer en priorité d'autres règles, c'est à dire des règles qui seraient soit plus particulières à tel domaine ou qui seraient propres à un ensemble régional.

Maintenant il y a aussi des moyens préventifs qui sont utilisés et qui consistent à instaurer une collaboration entre les organisations internationales. On a pu effectivement constater cela : chaque fois qu'un domaine juridique émerge, toutes les organisations se précipitent pour élaborer des textes et on a un risque de concurrence entre les textes et de conflit de conventions par la suite.

Les organisations internationales qui sont à l'origine de ces traités multi-latéraux sont des organisations plus ou moins universelles et plus ou moins spécialisées. La première, la plus ancienne, est la conférence de la Haye de droit international privé. C'est une organisation créée en 1893 et qui a pour particularité d'élaborer des instruments destinés à unifier les règles de conflit de lois et les règles de conflit de juridiction. Le but n'est pas d'unifier le droit matériel mais bel et bien d'unifier les règles de conflit. Il y a un certains nombre de conventions qui intéressent le domaine économique. On peut citer la Convention de la Haye du 15 juin 1955 sur la loi applicable aux ventes internationales d'objets mobiliers corporels. Il y a également une convention du 2 octobre 1973 qui concerne la loi applicable à la responsabilité des fabricants. Une autre, du 14 mars 1978 qui concerne les contrats d'intermédiaires et la représentation. Puis une convention de 2006 qui concerne les titres détenus par un intermédiaire.

Toutes ces conventions intéressent les conflits de la loi mais il y a aussi celles qui

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concernent les conflits de juridiction comme la convention de 1971 sur la reconnaissance et l'exécution des jugements étrangers en matière civile et commerciale et celle, beaucoup plus récente, du 30 juin 2005 sur les accords d'élection de for, c'est à dire les clauses attributives de juridiction.

À coté de cette organisation, il y a celle des Nations Unies créées après la deuxième guerre mondiale et à vocation plus universelle. Ce cadre a permis l'élaboration de quelques conventions importantes, l'une d'entre elles intéresse l'arbitrage international, c'est la convention de New-York du 10 juin 1958 sur la reconnaissance des sentences arbitrales. Mais plus souvent, l'action normative provient des organisations satellites, c'est à dire des différentes commissions qui ont été créées dans le cadre de l'ONU. On peut déjà citer à ce titre l'UNESCO qui est à l'origine d'une convention sur la protection des biens culturels du 3 mai 1997.

Mais surtout il faut citer une commission véritablement spécialisée, la Commission des Nations Unies pour le Droit du Commerce International (CNUDCI ou UNCITRAL). Cette commission a été créée par une résolution des Nations Unies du 17 décembre 1966 et elle a produit un grand nombre de textes relatifs au commerce international. Il y a d'abord un certain nombre de conventions et certainement que la plus importante est la Convention de Viennes du 11 avril 1980 sur la vente internationale de marchandises. C'est une convention qui a connu dès l'origine un succès qui n'a fait que croitre et aujourd'hui plus de 80 pays l'ont ratifié. Certains auteurs n'hésitent pas à parler d'un véritable droit mondial de la vente internationale de marchandises.

Il y a d'autres conventions, comme la convention de 1995 sur les garanties indépendantes et les lettres de crédit stand-by. Enfin, il y a aussi un certain nombre de conventions relatives au transport maritimes.

Ceci représente une grande part de l'activité de la CNUDCI mais à coté de l'élaboration de ces traités, cette dernière réalise aussi un travail d'harmonisation au moyen de lois types. Ces lois représentent une entreprise d'harmonisation douce des droits nationaux, ce qu'on appelle aussi la soft-law.

La CNUDCI considère que parfois, plutôt que de recourir à un instrument contraignant, il est préférable de travailler à l'élaboration d'un consensus, c'est à dire qu'on va chercher à dépasser les disparités des droits nationaux. Ces disparités existent et sont souvent un obstacle à l'élaboration d'un traité. Ici on va essayer de faire abstraction des disparités et rechercher quelque chose de consensuel en puisant une synthèse dans les droits nationaux. La loi type est un modèle législatif que les États membres de l'organisation sont libres d'accepter ou de refuser. Mais la caractéristique principale est la souplesse de l'instrument, en ce sens que les États peuvent exercer un choix quant à l'étendue de l'intégration, quant à son domaine d'application et aussi quant à l'autorité du texte.

Néanmoins, les lois types rencontrent un succès certain et à titre d'exemple on peut citer la loi type de 1985 sur l'arbitrage commercial international qu'un assez grand nombre de pays ont choisit d'intégrer dans leurs législation.

Il y a une autre voie d'harmonisation parfois empruntée par la CNUDCI qui est celle des guides législatif. Ils sont destinés à apporter une sorte d'assistance aux législateurs nationaux. C'est une action qui va plus particulièrement en direction des PED. Il existe par exemple un guide législatif sur les projets d’infrastructures à financement privé, ce qui évoque les partenariats publics privés.

Dernière remarque, la méthode qui est ici utilisée n'est pas la méthode conflictuelle, c'est quasiment toujours la méthode des règles matérielles, la plus appropriées pour régir les règles du commerce international. Mais cela n'exclut pas que parfois on complète avec certaines règles de conflits pour les aspects qui ne sont pas traités par le traité ou la loi type.

La prochaine organisation est Unidroit dont le nom complet est « Institut pour l'Unification du Droit Privé » on parle aussi d'Institut de Rome. Là aussi la vocation résulte de la dénomination de l'organisation. Sa vocation est de travailler à l'uniformisation du droit international. Il y a des travaux qui portent sur les relations de commerce international.

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Unidroit avait par exemple préparé des projets de loi uniformes en matière de vente internationale et qui ont été ensuite incorporés dans des Conventions de la Haye (années 60). Il y a aussi des conventions dites d'Ottawa sur le crédit-bail international et sur l'affacturage international qui sont en vigueur en France depuis le premier mai 1995.

Surtout ce qu'il faut citer à l'actif d'Unidroit ce sont les fameux principes d'Unidroits relatifs aux contrats du commerce international. Ils représentent une sorte de codification des règles applicables aux contrats internationaux. Ils n'ont jamais été soumis à la ratification des États mais ont pour destinataires les opérateurs privés, c'est à dire les parties qui peuvent les intégrer dans leurs contrats et aussi les arbitres du commerce international qui peuvent décider de les appliquer.

La dernière catégorie d'organisations, ce sont les organisations régionales. Les organisations régionales ont une efficacité plus grande que les précédentes puisqu'elles rassemblent des pays qui ont aussi une plus grande proximité juridique. Un bon exemple à petite échelle est celui de l'Union Nordique qui concerne des pays très proches par tradition et qui depuis fort longtemps collaborent dans le domaine législatif.

Il y a une autre organisation régionale, récente mais particulièrement active, l'Organisation pour l'Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique (OHDAA), créée par le traité de Port-Louis signé le 17 octobre 1993 par 14 États de l'Afrique de l'Ouest et centrale et entré en vigueur le 18 septembre 1995. Cette organisation comporte plusieurs institutions et elle a mis en œuvre une vaste entreprise de rénovation du droit des Affaires en créant un véritable espace juridique propre aux États membres. De fait, des actes uniformes d'application directe ont été adoptés, notamment en matière de société, de droit commercial général, de procédures collectives et de contrats. Il existe une Cour Commune de justice et d'Arbitrage (CCJA) chargée de l'interprétation des traités et des actes uniformes mais de façon plus originale, cette Cour tient aussi le rôle de juridiction suprême, à la place des juridictions nationales, lorsque l'application d'un acte uniforme est en jeu.

Enfin, on ne saurait passer sous licence l'UE qui joue un rôle de plus en plus déterminant, spécialement pour les questions économiques. De nombreuses conventions internationales ont été conclues dans le cadre de la Communauté puis de l'UE comme la fameuses convention de Bruxelles de 1968 sur la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, une convention, la même année, sur la reconnaissance mutuelle des sociétés, la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelle ou encore une convention relative aux procédures d'insolvabilité. Cela dit, pour la plupart il ne s'agit plus de conventions internationales, mais à la faveur de la communautarisation, la plupart de ces conventions ont été transformées en règlements européens.

Il y a également des organisations spécialisées qui élaborent des conventions mais seulement dans leurs domaines de compétence, c'est le cas par exemple de l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI) qui administre un certain nombre de traités internationaux. Elle s'est investie également sur des questions plus nouvelles qui intéressent les relations liées à internet, par exemple les litiges qui intéressent les noms de domaines.

Il y a d'autres organisations, comme l'organisation internationale pour le droit maritime ou encore l'association internationale du transport aérien.

L'exposé des sources ne s'arrête pas là, on a une autre catégorie, les usages du commerce international.

C. Les usages du commerce international lex mercatoria

Les usages occupent ici une place particulière par rapport au droit commun et même par rapport au droit commercial interne. Il suffit d'observer qu'un certain nombre d'institutions ont été créées de toute pièce par la pratique, c'est le cas du crédit documentaire ainsi que des garanties autonomes. Les praticiens, les parties contractantes, leurs conseils, ont élaboré ces opérations car ces combinaisons correspondaient parfaitement aux besoins du commerce

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international.Ces pratiques sont capables, par utilisation régulière, de devenir de véritables usages.

Ce sont des usages qui peuvent être qualifiés de conventionnels, mais on peut y voir au delà, de véritables usages-règles. Les usages conventionnels sont liés au consentement des parties, tandis que les usages-règles seraient des usages objectifs ou de portée générale. On peut en voir un exemple dans l'article 9 § 2 de la Convention de Vienne sur la vente internationale de marchandises.

Or, l'importance de ces usages a suscité une réflexion doctrinale intense au début des années 1960. Tout un courant doctrinal, mené par Goldman en France, a affirmé l'existence d'une nouvelle lex mercatoria. Cette expression vient en écho du phénomène du jus mercatorum. Cette lex mercatoria serait constituée par tout un ensemble de règles matérielles spécifiques, anationales et de caractère spontané.

Ça a été une doctrine aussi stimulante que controversée. Cinquante ans après les premiers travaux, il y a toujours une discussion sur l'analyse du phénomène et sur deux points plus particulièrement qui sont, d'abord le contenu de la lex mercatoria et ensuite sa juridicité.

1°/ Le contenu de la lex mercatoria

Il y a eu un article fondateur, le manifeste de la lex mercatoria publié dans archives de la philosophie du droit en 1964 : F rontières du droit et lex mercatoria . Ce qui ressort est que la lex mercatoria résulterait d'abord de la pratique contractuelle internationale, c'est à dire la répétition des mêmes clauses dans les contrats du commerce international ou encore certaines combinaisons contractuelles. On peut trouver un exemple dans les contrats clefs en main. C'est une formule qui a été inventée par la pratique et qui consiste à promettre la fourniture et l'installation d'un bien d'équipement dans un pays donné. Le même modèle a été répété par l'ensemble des opérateurs et c'est cette répétition, ainsi que l'effectivité qui finissent par rendre prévisible l'émergence d'un système juridique nouveau et transnational apte à accéder à l'objectivité. Un autre élément caractéristique est son caractère transnational.

Un autre élément réside dans les contrats types préparés par les organisations professionnelles. C'est, explique Goldman, une sorte de droit corporatif. Il y a de nombreux exemples dont un très connu, comme celui de la London Grain Corporation qui propose à ses membres toute une gamme de contrats types. C'est un instrument de standardisation des contrats qui est très largement utilisé par les opérateurs. On en retrouve ainsi dans toutes sortes de branches commerciales, le phénomène ne cessant de se démultiplier.

Autre élément, les usages codifiés par des institutions indépendantes distinctes des opérateurs eux mêmes. On peut citer le cas des conditions générales de vente relatives aux biens d'équipement codifié par la Commission Économique pour l'Europe des Nations Unies.

Au delà, il y a une autre organisation importante à citer, la Chambre de Commerce International (CCI). C'est une association privée de droit français qui a été créée en 1919. Elle est internationale par ses adhérents en ce sens qu'elle regroupe plus de 60 pays par le biais de leurs entreprises, chefs d'entreprises et groupements professionnels. La CCI a accompli une importante œuvre normative en codifiant divers usages. On peut en citer deux exemples, les Incoterms (International Commercial Terms) et les règles et usances relatives aux crédits documentaires. En ce qui concernes les premiers, c'est une entreprise qui date des années 1930, la CCI avait voulu fixer les usages par ce que ces usages existaient certes mais pouvaient donner lieu à divergence d'interprétation. Même chose en matière de crédits documentaires.

Dernier point, la CCI abrite un important centre d'arbitrage qui est la Cour internationale d'arbitrage de la CCI et grâce à cette importante institution, les sentences arbitrales sont aujourd'hui beaucoup mieux connues que par le passé et elles ont favorisé l'apparition d'une véritable jurisprudence arbitrale.

Ceci nous amène à un nouvel élément de la lex mercatoria, l'arbitrage commercial

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international. Il constitue un élément structurant de la lex mercatoria grâce à l'élaboration de principes généraux trans-nationaux. Pour bien le comprendre, il faut rappeler le processus d'élaboration du droit par les arbitres. Il faut savoir en effet que les règles applicables sont très libérales en ce qui concerne la détermination du droit applicable au fond du litige par les arbitres. En particulier, l'article 1511 du Code de procédure civile dispose que l'arbitre tranche le litige, à défaut de choix des parties, conformément aux règles qu'il estime appropriées. Le texte ouvre un large éventail de possibilités. On observe un libéralisme analogue dans d'autres sources comme la loi type de la CNUDCI ou la convention de Genève de 1961. Il arrive que les termes soient plus restrictifs mais il y a toujours cette possibilité de déterminer très librement le droit applicables. La seule obligation est de respecter, de tenir compte des usages du commerce.

À partir de ces règles très libérales, les arbitres du commerce international utilisent très fréquemment la méthode comparative. Ils comparent les différents droits en présence et le cas échéant les conventions internationales qui sont susceptibles d'être appliquées au litige. La convergence entre les différentes règles, même si elle n'est que partielle, leur permet de dégager des principes généraux du droit ou des règles trans-nationales. On est en présence d'une véritable création normative par les arbitres. Ils peuvent ainsi créer du droit, dégager des règles et l'on qualifie ces règles de générales ou trans-nationales.

À un grand degré de généralité il y a le principe pacta sunt servanda (le principe de la force obligatoire des contrats). Ou encore le principe de bonne foi considéré comme une forme de principe matriciel de la lex mercatoria. On peut citer la présomption de compétence des opérateurs du commerce international qui a pour conséquence notamment l'irrecevabilité de l'erreur de fait ou de droit. Une autre règle de même inspiration, celle de l'inopposabilité du défaut de pouvoir du négociateur du contrat. On part de l'idée que lorsqu'un opérateur négocie, le partenaire étranger est fondé à se fier aux apparences. La personne semble investie du pouvoir d'engager la société et il faut donc préserver à la fois la bonne foi et la sécurité juridique en décidant que si ultérieurement la société invoque un défaut de pouvoir du négociateur, l'argument ne doit pas être entendu.

Enfin, il y a un dernier exemple qui réside dans l'interdiction de se contredire au détriment d'autrui. C'est une règle qui sans doute a une origine étatique, c'est l'estoppel en droit anglais. Incontestablement les arbitres du commerce international ont vu ici une règle adaptée aux besoins du commerce international et découlant du principe général de bonne foi.

Les auteurs ne sont pas tous d'accord avec cette conception large des usages du commerce international. Certains en particulier, comme M. GAILLARD, pensent qu'il faut distinguer des usages les principes généraux du droit qui correspondraient seulement à un mode particulier de formation de la règle de droit. Mais leur utilisation au titre d'usage serait néfaste par ce qu'elle aboutirait à limiter les effets du choix opérés par les parties. Si on permet à l'arbitre de se référer à des principes généraux, on risque de méconnaitre la volonté des parties. Pour d'autres auteurs ce risque n'est pas réel, et ils défendent au contraire l'incorporations de ces principes qui ont un effet structurant.

Cinquante ans après, le contenu de la lex mercatoria s'est notablement enrichi, d'abord grâce au nouveau développement de la pratique contractuelle. C'est le cas par exemple du droit des activités spatiales, ou encore du commerce électronique. Plus généralement, dans ces nouveaux domaines, on observe le même processus de formation des règles, c'est à dire, selon Éric LOQUIN : « la production d'une innovation juridique modélisée, proposée aux opérateurs du marché, lesquels répondent à l'offre en l'utilisant massivement ». C'est comme ça par exemple qu'en matière de commerce électronique, certains ont rapidement décelé l'apparition d'une lex electronica.

Deuxième facteur d'enrichissement, les principes d'Unidroit relatifs aux contrats de commerce international. Ces principes ont été publiés pour la première fois en 1994 puis il y a eu une deuxième version publiée en 2004 et enfin, une troisième version en 2010. Ce travail d'élaboration de principes a été un immense travail de droit comparé. Ils s'appliquent lorsque les parties les désignent comme droit applicable mais aussi lorsque les parties se sont référées

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aux principes généraux du droit ou à la lex mercatoria. Mais ils peuvent s'appliquer également à titre subsidiaire ou encore à titre de complément d'autres instruments du droit international uniforme.

Pour les auteurs des principes, les solutions posées sont l'expression des usages communément admis. Mais il n'y a pas un consensus total sur ce point par ce que les principes d'Unidroit diffèrent des usages par certains aspects de leur contenu et aussi, disent certains auteurs, par leurs origines, par ce qu'ils représentent plutôt un droit savant, un droit de professeurs, et non un droit issu de la pratique. Aujourd'hui cette pratique est un peu exagérée, on constate que ces principes ont été accueillis favorablement par les arbitres du commerce international même si les praticiens eux-mêmes semblent s'y référer assez rarement.

L'on peut ajouter que l’enrichissement décrit montre le caractère évolutif de la lex mercatoria, la doctrine, dès lors, a mis en évidence que c'est un système juridique ouvert, c'est à dire un système capable d'absorber des normes extérieures. Par suite, il s'agirait d'une méthode de sélection des règles. C'est une idée que l'on doit à Emmanuel Gaillard, reprise par d'autres comme le Professeur LOQUIN.

2°/ La juridicité de la lex mercatoria

Le fondement théorique de la lex mercatoria se trouve dans l'affirmation d'un pluralisme juridique. Le chef de file de ce courant est un italien, Santi ROMANO auteur d'un ouvrage intitulé L 'ordre juridique . Il estime que ni la théorie ni la pratique ne permettent de réduire tout le droit à celui de l'État. L'ordre juridique est identifié à la notion d'organisation sociale ou d'institutions. On reconnaît là la position institutionnelle du droit, liée au positivisme sociologique. C'est ainsi que la société des marchands produirait la loi des marchands. Ce droit aurait ainsi une juridicité originaire bien qu'il se forme en marge des cadres étatiques.

Les adversaires développent différentes critiques, ils avancent que ce n'est pas un ensemble cohérent de règles mais un droit vague, fragmentaire, parfois contradictoire. Mais surtout, du point de vue de la théorie juridique, ils considèrent que les usages ne sont appliqués, en tant que règle de droit, qu'en vertu d'une autorisation ou d'une délégation des États qui sont la source ultime du droit. On reconnaît là le positivisme juridique qui veut que ce soit toujours l'État qui soit à l'origine de la règle de droit, c'est notamment la théorie de Kelsen, c'est la conception moniste du droit.

Il y a un argument particulièrement fort qui tient dans le fait qu'on peut difficilement qualifier de juridiques des règles dépourvues de sanctions. Une règle de droit ne peut être qu'une règle contraignante, or, si on considère l'arbitrage, il apparaît que les sentences rendues par les arbitres n'ont pas de caractère exécutoire, elles ont seulement force obligatoire en raison de l'origine conventionnelle de l'arbitrage. Pour qu'elles aient force exécutoire, il faut passer par une procédure devant le juge, qui est la procédure d'exequatur.

GOLDMAN avait rétorqué qu'il existe en l'occurrence des sanctions spécifiques, c'est à dire qui proviennent des milieux professionnels comme la mise à l'index ou l'exclusion de la communauté ou de la société des marchands. Il évoque aussi une autre sanction, le boycott des consommateurs, dans certains pays c'est quelque chose qui se fait et constitue une sanction efficace.

Face à ces doctrines, la position de la jurisprudence se résume à travers deux arrêts qui ont admis la juridicité de la lex mercatoria. Le premier est un arrêt du 9 décembre 1981, arrêt Fougerolles qui a jugé que « les arbitres faisant application des principes généraux des obligations, généralement applicables dans le commerce international, ne méconnaissaient pas leur obligation de statuer en droit. » C'est dire qu'appliquer ces principes c'est juger en droit et donc ce n'est pas juger en équité. Le second arrêt, Valenciana du 22 octobre 1991 a conformé cela. Dans cette affaire l'arbitre, dans le silence du contrat, avait décidé d'appliquer les usages du commerce international, autrement dénommé lex mercatoria. La Cour de cassation a jugé,

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« qu'en se référant à l'ensemble des règles du commerce international dégagées par la pratique et ayant reçu la sanction des jurisprudence nationales, l'arbitre a statué en droit ainsi qu'il en avait l'obligation, conformément à l'acte de mission (document que l'on rencontre en cas d'arbitrage devant la CCI).

Depuis cette solution n'a pas été démentie et la reconnaissance de la juridicité de la lex mercatoria est renforcée par le libéralisme à la fois des règles relatives à l'arbitrage et celui de la jurisprudence, tant celle de la Cour de Paris que celle de la Cour de cassation qui exercent un contrôle très réduit sur la régularité des sentences arbitrales, notamment au regard de l'ordre public. Si l'ordre Public est effectivement contrôlé, la jurisprudence dit que la violation de l'ordre Public n'est sanctionnée que si elle est « flagrante, effective et concrète ».

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PARTIE I – LES OPÉRATIONS DU COMMERCE INTERNATIONAL

Les opérations sont essentiellement des contrats mais le terme permet aussi d'englober certaines techniques juridiques pour lesquelles le terme de contrat serait réducteur ou inapproprié. La sécurité du commerce international est une préoccupation constante mais le premier problème qui se pose pour les opérateurs du commerce international est celui du droit applicable. Mais il faut commencer par souligner ce qu'un contrat international a de particulier.

TITRE PRÉLIMINAIRE – LE PARTICULARISME DU CONTRAT INTERNATIONAL

En tant qu'instrument juridique des échanges, le contrat international est au cœur du commerce international. C'est d'abord un contrat, c'est à dire un accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes, destinées à créer, en principe, des obligations. On va retrouver ici, la plupart du temps, les mêmes catégories qu'en droit interne, c'est à dire des ventes, des contrats de transports, d'entreprise, de mandat, etc. Finalement, à s'en tenir là, le seul élément particulier va être l'élément d'extranéité. En partant de là, le droit international privé classique n'apporte comme conséquences juridiques à l’internationalité du contrat qu'une seule conséquence qui est de déterminer la loi applicable. En la matière, l'autonomie de la volonté occupe une place essentielle. Ce principe est reconnus par les instruments internationaux et la jurisprudence depuis longtemps.

Comme l'a montré B. OPPETIT, le contrat international est substantiellement différent du contrat interne. D'abord, par ce qu'il existe des opérations atypiques, c'est à dire des formes d'accords qui sont propres aux relations internationales, le meilleur exemple est celui des contrats de développement économique liant un État et une société étrangère. D'autre part, le contexte international fait apparaître des problèmes particuliers qui sont liés à l'espace non homogène dans lequel se développent les relations économiques. Cet espace résulte de la diversité des systèmes juridiques, du risque monétaire qui découle de la fluctuation du cours des monnaies ou des matières premières. Cela est d'autant plus vrai que les contrats sont économiquement lourds et s'exécutent sur une longue durée.

Il s'ensuit que les opérateurs s'efforcent de surmonter ces difficultés, notamment en insérant dans leurs contrats des clauses qu'on peut considérer comme caractéristiques. Mais l'originalité ne se limite pas à la présence de ces clauses, il y a aussi les négociations.

Section 1 – La phase des négociations

La phase des négociations est préparée de façon minutieuse et donne lieu à différents accords qui peuvent être plus ou moins contraignants. On distingue deux sortes d'accords, les accords sur la négociation et les accords de négociation.

Les premiers organisent le bon déroulement des négociations en fixant notamment leur durée, la répartition des coûts des études préalables ou encore l'obligation de confidentialité. Ce dernier élément est érigé en véritable règle du droit du commerce international. Ces accords sont appelés à prendre fin lorsque la négociation aboutit.

Les accords de négociations eux, constituent des étapes du contrat. On a souligné en doctrine leur caractère protéiforme, ils prennent différentes formes et ont une portée juridique variable. Schématiquement, on peut les ramener à deux catégories, la première est celle des

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engagements d'honneur (gentlemen agreements). De tels accords sont en principe dépourvus de portée juridique et cela résulte souvent d'une expression utilisée dans les documents, ''subject to contract''. On reste dans le registre de l'engagement infra-juridique. Mais cela ne veut pas dire que de tels engagements sont dépourvus de toute réalité, les personnes les prenant se considèrent comme tenues.

L'autre catégorie est celle qui est représentée par l'accord de principe ou memorendum of understanding. C'est un accord sur le principe même de conclure un contrat. Mais il n'y a pas d'obligation de résultat à cet égard, c'est seulement une obligation de poursuivre la négociation de bonne foi sur les bases convenues. Il y a une illustration connue de l'accord de principe dans la jurisprudence arbitrale avec une affaire Norsolor qui a donné lieu à une sentence en 1979. Dans cette sentence, l'accord de principe est analysé comme un engagement contractuel de faire une offre ou de poursuivre une négociation en cours afin d'aboutir à la conclusion d'un contrat dont l'objet n'est encore déterminé que de façon partielle et en tout cas insuffisante pour que le contrat soit formé.

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Section 2 – Les clauses caractéristiques du contrat international

Assez souvent, on trouve dans le contrat international un préambule dont la portée juridique est assez limitée mais qui peut servir tout de même pour une interprétation future. Le préambule est de type narratif, les parties se présentent, il y a l'historique des opérations entre les parties, la définition des objectifs du contrat.

Au delà de ce préambule, il y a les clauses caractéristiques dans lesquelles on peut découvrir une sorte de standardisation des contrats internationaux. La plupart du temps, ces clauses caractéristiques se justifient par les risques particuliers que présente un contrat international. Il est donc normal qu'un tel contrat bénéficie d'un surplus de liberté contractuelle. On retrouve l'idée que certaines contraintes du droit internes sont écartées pour pouvoir faire face aux risques que présente l'opération.

§1 – La clause de droit applicable et la clause de règlement des litiges

Souvent, dans la pratique, ces deux clauses sont regroupées. Mais attention, d'un strict point de vue juridique, il faut distinguer les deux. Ces clauses permettent de dépasser la diversité des systèmes juridiques et d'assurer par là la sécurité, la prévisibilité des engagements et de leurs suites.

La clause de droit applicables d'abord, c'est celle qui détermine la loi ou les règles qui régiront le contrat au fond et ceci en présence ou en l'absence de contentieux. En principe une clause de droit applicables est valable, selon une jurisprudence constante, selon les conventions internationales, selon les règles européennes, et enfin les principes généraux dégagés par les arbitres du commerce international. La seule question qui peut se poser est de savoir si le choix des parties peut porter sur des règles autres qu'une loi étatique.

La clause de règlement des litiges est capitale par ce qu'à défaut d'une telle clause, les parties sont dans l'incertitude quant à la juridiction qui pourrait être saisie en cas de litige. Il ne pourrait s'agir que d'une juridiction étatique, pour recourir à l'arbitrage il faut qu'un engagement ait été contracté, c'est dérogatoire, s'il n'y a rien ce sera une juridiction étatique. L'incertitude réside dans le fait que les règles déterminant la compétence des juridictions étatiques sont établies unilatéralement par chaque État sauf quand il existe une convention internationale ou, comme c'est le cas en Europe, un règlement européen (Bruxelles I du 22 décembre 2000 bientôt remplacé par Bruxelles I bis de 2012). Même dans ce cas il est difficile de connaître la solution à l'avance par ce qu'il existe des options de compétence qui ouvrent la voie à ce qu'on appelle le forum shopping.

Deux choix se présentent, celui des tribunaux de tel État ou d'un tribunal en particulier, désignés au moyen d'une clause attributive de juridiction, dite aussi clause d'élection de for. L'autre choix possible est celui d'un arbitrage au moyen cette fois d'une clause compromissoire qui elle même précisera s'il s'agit d'un arbitrage ad hoc ou d'un arbitrage institutionnel. L'enjeu est en fait la manière d'appréhender le litige et même les relations entre les parties. C'est aussi une manière de régler la procédure et de dire la solution. L'arbitrage est souvent préféré pour sa souplesse, la liberté reconnue aux parties et à l'arbitre et pour sa discrétion.

Mais il a aussi des points négatifs. L'arbitrage est devenu onéreux, la procédure, souvent complexe, peut trainer en longueur et enfin, il est moins efficace juridiquement puisque la sentence n'a pas de force exécutoire. Le talon d'Achille de l'arbitrage est la difficulté de constitution du tribunal arbitral lorsqu'il s'agit d'un arbitrage ad hoc. Dans ces cas là, la solution consiste à faire intervenir le juge étatique en tant que juge d'appui qui va aider les parties pour que l'arbitrage puisse avoir lieu.

Ce qu'on peut faire aussi, c'est comparer le régime juridique des deux clauses. Ce sont des régimes juridiques assez proches mais il existe des différences. En principe, les deux types de clauses sont valables dans les contrats internationaux. La validité de la clause compromissoire a été affirmée par la jurisprudence en tant que principe et diverses conséquences en ont été tirées. Par exemple la validité de la clause compromissoire par

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référence ou la validité de la clause compromissoire conclue par l'État. La Cour de cassation utilise la méthode des règles matérielles, elle ne s'intéresse pas aux lois étrangères.

La clause attributive est également valable selon la Cour de cassation, arrêt Sorelec du 17 décembre 1985 mais aussi selon les règles européennes Bruxelles I article 23, sous réserve des compétences exclusives et des rapports avec certaines personnes protégées, par exemple le salarié. Le nouveau règlement, Bruxelles I bis aboutit à faire prévaloir les règles européennes chaque fois qu'un tribunal d'un État membre est désigné, les règles européennes remplacent les règles du droit commun. Est également affirmé l'indépendance de la clause par rapport au contrat principal comme l'avait fait la Cour de cassation pour la clause compromissoire dans l'arrêt Gosset de 1963. Mais la validité au fond de la clause attributive dépend de la loi applicable, c'est à dire celle de l'État du tribunal désigné (article 25.1 du règlement du 12 décembre 2012). À l'opposé, la validité de la clause compromissoire échappe au conflit de loi, arrêt Dalico du 20 décembre 1993.

Enfin, autre différence, la jurisprudence admet la transmission de la clause compromissoire dans les chaines de contrats alors que cela est refusé s'agissant des clauses attributives par la Cour de Justice de l'UE. Un arrêt de la Cour de cassation a été très clair l'arrêt Alcatel de 2007 opposé par l'arrêt de la CJUE du 7 février 2013, affaire Refcomp.

§2 – Les clauses relatives au prix

Il y a des clauses qui cherchent à surmonter le risque de change, c'est à dire le risque de modification de la parité des monnaies. C'est un risque lié au système dit d'échanges flottant qui veut que le cours entre les monnaies soit évolutif. La pratique a imaginé plusieurs parades contractuelles comme les clauses monétaires. Le prix est libellé dans une monnaie étrangère ou indexé sur une monnaie étrangère. Dans les contrats de longue durée, le réajustement du prix peut être prévu de différentes manières, par exemple au moyen d'une clause multi-devises qu'on appelle aussi clause d'option de change où on a un prix libellé dans plusieurs monnaies de sorte que le créancier pourra choisir, à l'échéance, la monnaie de facturation. Puis il y a toutes les possibilités de clauses d'indexation.

En droit interne, les clauses d'indexation sont règlementées strictement afin d'éviter les spéculations. C'est une réglementation qui fait partie de l'ordre Public monétaire et qui figure aux articles L112-1 et suivants du CMF. Mais cet ordre Public monétaire ne s'étend pas aux contrats internationaux, c'est point acquis depuis les années 30 avec la jurisprudence Matter. On a donc un assouplissement du droit interne pour faire face aux difficultés du commerce international.

§3 – Les clauses relatives aux difficultés d'exécution du contrat

Les parties s'engagent en fonction des circonstances, notamment économiques, qui existent au moment de la conclusion du contrat. Dans les opérations à long terme, ces circonstances peuvent changer. Les parties vont chercher à anticiper et prévoir des solutions pour faire face à un risque de déséquilibre des prestations ou même à un risque d'impossibilité de poursuivre l'exécution. Toute sortes de risques peuvent être envisagés par les parties et conduire à des aménagements contractuels. Chose à laquelle on pense moins, les bouleversements technologiques, il se peut qu'un contrat conclu sur le long terme devienne inutile. Des clauses permettent d'anticiper et de trouver une issue au contrat. On peut réduire ces clauses à deux grandes catégories, les clauses d'adaptation (hardship) et les clauses de force majeure.

Substantiellement, la clause d'adaptation organise la renégociation du contrat en cas de changement de circonstances. Cela rappelle la théorie de l'imprévision, interdite en droit français depuis l'arrêt du Canal de Craponne de 1876. Les autres systèmes juridiques sont partagés, certains l'interdisent au nom de la force exécutoire des contrats mais parfois on peut avoir une approche plus souples et invoquer des circonstances qui font perdre pour une partie l'intérêt qu'elle avait à la poursuite du contrat. Le concept de ''frustation'' en droit anglais

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traduit ce manque d'intérêt.

Dans les contrats internationaux on a conscience du problème et pour ne pas être tributaire des disparités des systèmes juridiques on a recours à des clauses qui prévoient la renégociation en cas de bouleversement économique. À l'origine ces clauses étaient formulés de façon courte, on parlait juste de renégociation de bonne foi en cas de modification des circonstances, ce qui n'est qu'une obligation de moyen, il n'est pas garantit que la renégociation aboutisse, c'est à dire débouche sur une modification du contrat. Sans doute pour poursuivre la réflexion, les clauses petit à petit ont ajouté diverses possibilités comme faire intervenir un tiers auquel une mission sera confiée, qui peut être une mission d'expertise, une mission de conciliation ou même, pourquoi pas, une mission d'arbitre si le tiers dispose d'un véritable pouvoir de décision.

Les principes d'Unidroit ont élevé le mécanisme du hardship au rang de règle. Il y a plusieurs articles qui y sont consacrés, 6.2.1 à 6.2.3 et ils reflètent les pratiques contractuelles les plus avancées, c'est à dire qu'il est prévu de déclencher le mécanisme d'adaptation dans un certains nombre de circonstances, l'effet principal est la renégociation de bonne foi mais aussi, en cas d'échec, de recourir à un tiers. Même si un doute plane sur le type de mission qu'on confie à ce dernier. Il y a une clause type de hardship qui est proposée par la CCI.

La vraie question qui demeure est celle de savoir si on peut considérer le hardship comme un véritable usage du commerce international comme le font les principes d'Unidroit alors que le droit du commerce international est très attaché à la force obligatoire des contrats et qu'il semble donc très difficile de demander une adaptation lorsque les parties ne l'ont pas elles mêmes prévues.

À coté, autre clause qui pose des difficultés, la clause de force majeure. C'est une clause originale par rapport au droit commun qui fait seulement de la force majeure une cause d'exonération de responsabilité du débiteur. Or, en droit du commerce international, c'est sous la forme de clause qu'on rencontre la force majeure. Cela traduit le soucis des opérateurs d'anticiper sur les évènements qui pourraient empêcher une partie de s'exécuter. C'est là que se situe la différence avec la clause d'adaptation, quand on parle de force majeure on ne parle pas d'une simple difficulté d'exécution ou d'un alourdissement des coûts mais d'une impossibilité d'exécution. Dans la pratique, les clauses déterminent les évènements, ou le type d'évènements, qui seront considérés comme des cas de force majeure. Une qualification contractuelle est donnée par les parties qui peuvent aller jusqu'à fixer le degré de graviter des évènements. Généralement cette clause est plus large qu'en droit commun.

La clause, ensuite, va indiquer les conséquences d'un tel événement. Tout d'abord, la partie qui en est victime devra notifier l'existence à l'autre de l'évènement et l'empêchement qui en résulte pour elle. Ceci va permettre aux parties de se concerter. On trouve ici une idée très présente que le contrat est un lieu de concertation, de collaboration entre les parties. Ceci permet de mener à bien l'opération. Pour tenir compte de la situation de l'exécuteur empêché, un effet commun est la suspension de l'exécution des engagements du débiteurs. Ceci permet de poursuivre l'exécution du contrat lorsque l'évènement prend fin. Mais la clause peut aussi prévoir les conditions dans lesquelles il sera mis fin au contrat, notamment si l'évènement persiste.

§4 – Les clauses relatives aux sanctions en cas d'inexécution

Il faut commencer par les inexécutions elles même qui peuvent faire l'objet de clauses définissant l'intensité des obligations du débiteur. En principe les obligations sont des obligations de résultat, mais justement les parties cherchent quelques fois à s'engager dans une mesure moindre, on ne veut pas garantir un résultat déterminé. Pour cela on va utiliser une clause, appelée clause de ''best efforts'' qui signifie que le débiteur ne promet pas un résultat parfait mais qu'il s'engage à faire de son mieux pour l'atteindre. C'est une façon d'atténuer l'intensité de l'obligation.

Mais aussi, un cran en dessous il y a la clause de ''due diligence'' ou ''effort raisonnable''. Dans ce cas, l'exigence sera conforme à la raison pratique, au bon sens. Donc on le voit, c'est

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une appréciation plus objective que dans le cas précédent. Ces clauses sont fréquentes dans certains contrats internationaux, notamment les contrats de construction et les contrats de distribution. Cela détermine le seuil à partir duquel on sera en inexécution.

En cas d'inexécution d'autres clauses peuvent entrer en jeu, comme les clauses pénales ou encore les clauses exonératoires. Ce sont des types de clauses qui concernent les dommages et intérêts en cas d'inexécution. Quand aux clauses exonératoires de responsabilité ce peuvent être des clauses limitatives qui fixent le montant maximum de dommages et intérêts ou qui visent certains chef de préjudices à l'exclusion d'autre. Certaines sont purement exonératoires et le créancier est privé de son droit à exonération.

La validité de toutes ces clauses dépend en principe de la loi applicable au contrat. Elles ont toutes un caractère assez dérogatoire. En principe l'inexécution entraine un droit à dommages et intérêts en fonction du préjudice, ainsi un problème de validité peut se poser qui se règlera selon la loi applicable.

En principe, dans les contrats internationaux, cette validité est admise, la part de la volonté contractuelle étant plus étendue. Il y a parfois des nuances tout de même, comme en droit anglais où on distingue les liquidated damages qui sont valables et les penalty clauses qui elles ne le sont pas. Les premières peuvent être comparées à des clauses pénales et les secondes prévoient des montants considérables.

Les principes d'Unidroit admettent la validité des clauses exonératoires mais avec une réserve, elles peuvent être écartées lorsqu'il apparaît manifestement inéquitable de les invoquer. On trouve donc là une limite par nature assez difficile à saisir, fondée sur la notion d'équité.

Quant aux clauses pénales, elles sont valables mais, comme en droit français, le pouvoir de révision des pénalités excessives est reconnu. C'est intéressant car les principes d'Unidroit s'adressent aux arbitres du commerce international et ceci reviendrait à reconnaître aux arbitres le pouvoir modérateur que l'on connait au juge en cas de clause excessive.

La dernière catégorie sont les clauses résolutoires ou de résiliation. Dans le commerce international, elles prennent parfois des formes originales. Par exemple, il y a les clauses de divorce dans les séparations internationales d'entreprises. On peut trouver des clauses de dead lock qui organisent les conditions dans lesquelles les partenaires pourront se séparer ou l'un des partenaires pourra sortir de la joint venture.

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TITRE 1 – L'ÉTUDE DU DROIT APPLICABLE AU CONTRAT INTERNATIONAL

Cette question du droit applicable doit être abordée sous l'angle des conflits de loi. Il existe un instrument européen, le Règlement Rome I, sur la loi applicable aux obligations contractuelles. Mais pour certains contrats il existe une réglementation uniforme issue d'une source supra-nationale, c'est notamment le cas de la vente internationale de marchandise qui fait l'objet de la Convention des Nations-Unies du 11 avril 1980.

Pour commencer, il faut faire deux remarques préliminaires, la première concerne la loi d'autonomie qui constitue la règle première en matière de contrats internationaux. Cela renvoie à l'autonomie de la volonté. D'un point de vue étymologique, on sait que la volonté peut créer sa propre loi, c'est la philosophie qui inspire le principe de la liberté contractuelle qui se prolonge avec le principe de la force obligatoire du contrat. Au plan international, l'autonomie de la volonté implique que les parties peuvent choisir la loi applicable à leur opération.

Cette loi d'autonomie a été dégagée dès le XVIè siècle par un juriste, Charles DUMOULIN. Ceci permet de dire qu'avant cette époque on raisonnait autrement, avant cette date on appliquait au contrat la règle locus regit actum, le lieu régit l'acte, ce qui revient à dire que c'est la loi du lieu où l'acte est conclu qui le gouverne. À l'origine, cela s'entendait de l'ensemble de la règlementation, c'est à dire aussi bien quant au fond qu'à la forme. Mais depuis le XVIè siècle, cette règle ne concerne plus que la forme des actes. Il peut s'agir par exemple de savoir si un contrat doit être passé par écrit, s'il doit revêtir certaines formes, etc. Quoi qu'il en soit, cette règle locus a pour intérêt de permettre de passer valablement un acte juridique dans les formes en vigueur au lieu de sa conclusion. Ceci montre que la règle facilite la conclusion des actes. Mais en outre on reconnaît que cette règle a un caractère facultatif, les parties ont la possibilité de se référer à une autre loi, notamment celle qui régit le fond de l'acte. Là aussi on est en présence d'un assouplissement qui favorise également la validité formelle des contrats.

Au XIXème siècle, l'autonomie de la volonté a connu une expansion particulière avec la théorie de l'incorporation. Cela signifie que les parties, en choisissant une loi, incorporent celle-ci dans leurs contrats. C'est en ce sens qu'on trouve un arrêt de la Cour de cassation du 5 décembre 1910, American Trading Compagny. Cet arrêt énonce que la loi applicable au contrat est celle que les parties ont adopté. Il semble bien donc que la volonté des parties soit placée au dessus de la loi et soit donc capable d'écarter les dispositions impératives qui gêneraient les parties. Une grande question avait agité la doctrine, celle de savoir s'il y a possibilité pour un contrat de n'être soumis à aucune loi. Mais cette théorie du contrat sans loi a été rejetée par la Cour de cassation dans le fameux arrêt du 21 juin 1950, arrêt des messageries maritimes : « tout contrat international est nécessairement rattaché à la loi d'un État. »

À la même époque, la doctrine réagissait contre les excès du subjectivisme qui mettait la volonté des parties au dessus de la loi et des auteurs comme Henri BATIFFOL ont défendu la thèse de la localisation du contrat. Selon lui, les parties ne choisissent pas réellement la loi applicable, elles ne font que localiser l'opération, la clause de loi applicable étant seulement un indice pour le juge qui doit rechercher la loi régissant le contrat. Cette fois on bascule du subjectivisme dans l'objectivisme, on refuse que la volonté des parties détermine la loi applicable, ce serait au juge de le faire en prenant en considération la clause.

Cette conception a eu une influence sur la jurisprudence des années 50 mais a été par la suite abandonnée. On admet aujourd'hui que la clause de droit applicable constitue vraiment un choix de loi. Le choix n'est pas un indice localisateur mais s'analyse « comme la représentation par les parties de leurs propres intérêts » (Jean-Michel JACQUET). Il est ainsi possible que les parties désignent comme applicable un droit qui n'a rien à voir avec l'opération ou les parties. Ce choix n'a donc rien de localisateur, il est simplement approprié pour les parties. Ainsi, la notion de localisation n'interviendra qu'en l'absence de choix. Mais dès lors que le choix est fait, il n'est pas possible pour les parties de trier les règles ou de les

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panacher, en particulier les règles impératives s'imposent et si la loi choisie se trouve ultérieurement modifiée, les dispositions que le législateur a déclarée immédiatement applicables s'appliqueront au contrat. Autrement dit, le contrat est soumis à la loi choisie, on rétabli la hiérarchie entre la loi et le contrat. On retrouve cette conception dans la convention de Rome.

Lorsqu'un traité international posant des règles matérielles uniformes est applicable, le principe de la loi d'autonomie va permettre également que les parties puissent écarter les stipulations du traité. Par exemple, même quand la Convention de Vienne est applicable, les parties ont la possibilité de l'exclure.

Deuxième remarque, la question du droit applicable se présente différemment devant un tribunal étatique et devant un tribunal arbitral. Le juge étatique a l'obligation d'appliquer la règle de conflit du for, ce qui veut dire par exemple que le juge français à qui il est demandé de déterminer la loi applicable, sera obligé de faire application du Règlement Rome I ou de la Convention de Rome et ceci en fonction des conditions d'application dans le temps de ces instruments. Une fois la règle sélectionnée, elle s'imposera à lui. Hors, devant l'arbitre, c'est différent par ce que l'arbitre n'a pas de for. Il dispose d'une liberté reconnue par les textes pour déterminer le droit applicable. Il peut donc utiliser différentes méthodes, on recense généralement la méthode comparative, la méthode des principes généraux et enfin la méthode directe, celle dans laquelle l'arbitre recherche directement la règle matérielle applicable au litige sans faire de détour par la règle de conflit de loi. Les choses sont complètement différentes et il n'est pas évident que l'arbitre se réfère à la Convention de Rome ou au règlement Rome I alors même que le contrat en cause entre dans leur champ d'application mais il peut le faire à plusieurs titres.

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Chapitre 1 – Les règles de conf lit de loi

En matière contractuelle, les règles de conflit sont en principe celles de la Convention de Rome du 19 juin 1980 signée par 7 États membres de la communauté européenne. Par la suite, au fur et à mesure que de nouveaux États ont rejoint la Communauté Européenne, ils sont devenues partie à cette Convention par la voie de la convention d'adhésion. Cette Convention est entrée en vigueur dans notre pays le 1 avril 1991. Cette convention a été transformée en règlement communautaire à la suite de l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam qui a communautarisé la coopération en matière de police civile. Le règlement Rome a été adopté finalement en date du 17 juin 2008, le texte de ce règlement est reproduit dans le Code civil sous l'article 3.

Rome I reprend pour une bonne part les stipulations de la Convention de Rome mais il s'en écarte de façon significative sur la détermination objective de la loi applicable. C'est la principale différence mais il y en a d'autres, des auteurs ont ainsi observé que le règlement avait une certaine logique communautaire. (P. RACINE et DEUMIER Règlement Rome I, le mariage entre la logique communautaire et la logique conflictuelle, publié au RDC 2008, p 1309).

Section 1 – Le champ d'application des règles européennes

§1 – Le champ d'application dans l'espace

Le champ d'application des instruments européens dans l'espace est très étendu puisque les règles de conflit sont d'application universelle. C'est ce que dit le § 2 : « la loi désigné par le présent règlement s'applique même si cette loi est celle d'un État non contractant ou non membre de l'Union ». Cela veut dire que les règles européennes ne sont pas limitée par une condition de réciprocité, elles ne s'appliquent pas seulement dans l'espace européen.

De cet universalisme, il résulte que, dès 1991, les règles européennes se sont substituées aux règles de droit international privé des États membres. C'est la même chose pour le règlement qui a remplace la Convention. Mais il y a une nuance, le Règlement européen ne s'applique pas au Danemark où continue de s'appliquer la Convention de Rome.

§2 – Application dans le temps

Il y a inévitablement une articulation entre la Convention et le règlement, la Convention elle même s'est appliquée aux contrats conclus après son entrée en vigueur c'est à dire après le 1er avril 1991. Il est encore possible de nos jours que des contrats aient été conclus avant cette date. En principe, les contrats antérieurs relèvent du droit, de la jurisprudence qui avait précédé la Convention de Rome. Mais certaines décisions ont décidé d'appliquer la Convention à titre de ratio scripta, raison écrite. Certaines décisions ont considéré que la Convention reflétait les principes communément admis en la matière et que le législateur avait fait sien lorsqu'il avait autoriser la ratification de la Convention. Rome I quant à lui est applicable depuis le 17 décembre 2009, c'est à dire aux contrats conclus à partir de cette date. On va encore avoir dans le contentieux des contrats antérieurs et on appliquera alors la Convention.

§3 – Le domaine matériel

Ce domaine matériel doit être envisagé positivement puis négativement.

A. Positivement

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Il y a d'abord deux expressions qui fixent le champ matériel des règles européennes, les expressions en matière civile et commerciale et l'expression en matière contractuelle mais s'y ajoute également le caractère international des opérations visées.

D'abord « en matière civile et commerciale » figure déjà dans la Convention de Bruxelles de 1968 et cela a permis à la CJ d'apporter un certain nombre de précisions. C'est devenu aujourd'hui une sorte de rituel d'en appeler à cette notion. Cela permet de voir qu'il y a une sorte de continuité dans les instruments de droit international privé qui fait qu'on estime opportun de mettre les uns en cohérence avec les autres. Il apparaît maintenant qu'il est souhaitable que certaines expressions, certaines notions soient entendues de la même façon quel que soit l'instrument auquel on se réfère. La jurisprudence de la CJ rendue à ce sujet doit pouvoir être transposée au Règlement Rome I.

Ensuite, l'expression « d'obligation contractuelle » : il n'y a pas de définition dans Rome I mais il faut sans doute se référer à l'interprétation donnée par la CJ à propos de la matière contractuelle dans la Convention de Bruxelles de 1968 et le règlement Bruxelles I. Cette interprétation consistait à dire qu'il y a engagement contractuel lorsque cet engagement est librement assumé d'une partie envers l'autre. Arrêt de 1992 Jakob Handte.

Le même soucis de mise en cohérence se manifeste à propos du traitement de la responsabilité dans la phase pré-contractuelle. Il faut rappeler là aussi la jurisprudence de la CJ qui, dans le cadre de la Convention de Bruxelles, avait qualifié cette responsabilité pré-contractuelle de non-contractuelle et donc délictuelle Arrêt Tacconi de 2002. Cette qualification a été reprise au plan des conflits de loi. Rome I, dans son article 1er §2 exclut les obligations résultant de tractations menées avant la conclusion du contrat. De façon complémentaire, le Règlement Rome II sur la loi applicable aux obligations non-contractuelles vise dans son article 12 cette responsabilité pré-contractuelle sous l'expression de culpa in contrahendo, c'est à dire la faute que l'on commet au moment où l'on contracte. Il en ressort que la responsabilité encourue est une responsabilité de type délictuel.

S'y ajoute le caractère international de la relation qui résulte de l'article 1 § 1 visant les situations qui comportent un conflit de loi. Ce que l'on sait à la lumière de l'article 3 § 3, c'est que les règles européennes semblent envisager l'internationalité subjective, qui ne proviendrait que de la désignation d'une loi étrangère alors que la situation dans son ensemble est localisée dans un seul pays. Cette conception est critiquée par certaines auteurs par ce que la prérogative qui consiste à déterminer la loi applicable devrait réservée aux contrats réellement internationaux.

B. Négativement

Le texte prévoit une délimitation négative par voie d'exclusion et par la prééminence reconnue à certains instruments. On a donc d'abord des exclusions, celles-ci figurent à l'article 1 § 2 : le statut personnel et familial au sens large, les effets de commerce, les conventions d'arbitrage et d'élection de for, questions relevant du droit des sociétés, opérations accomplies par un intermédiaire, trust, preuves et procédures et contrats de protection sociale.

À coté, il y a la primauté reconnue à certains instruments, il s'agit d'abord d'instruments européens, visés à l'article 23. Il s'agit de règles européennes issues du droit dérivé qui contiennent des dispositions sur les conflits de loi intéressant certains contrats. Le principe que peut faire jouer le règlement ici est le principe selon lequel ce qui est spécial déroge à ce qui est général. Mais il y a des articulations parfois difficiles avec les autres dispositions du droit communautaire. Par exemple l'articulation avec la directive sur le commerce électronique de 2000.

À coté il y a aussi la primauté de certains conventions internationales, c'est l'article 25 du Règlement qui réserve les conventions particulières auxquelles un ou plusieurs États membres sont parties lors de l'adoption du Règlement. De telles conventions existent et sont en vigueur en France, notamment la Convention de la Haye du 15 juin 1955 sur la loi applicable aux ventes internationales d'objets mobiliers corporels. La Convention de la Haye du 14 mars

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1978 sur la loi applicable aux contrats d'intermédiaires et la représentation.Les États membres désormais n'ont plus compétence pour signer de nouvelles

conventions dans tout le champ couvert par le règlement. C'est la compétence externe implicite de l'UE. C'est ce qui fait qu'aujourd'hui, l'UE a pu imposer son adhésion à la Conférence de la Haye de droit international privé.

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Section 2 – La détermination de la loi applicable

Le Règlement Rome I, après la Convention, a consacré le système dualiste, c'est à dire autonomie de la volonté d'un coté et, à défaut de choix, recours à des critères objectifs. Le même dualisme se retrouve d'ailleurs dans les Conventions de la Haye de 1955 et 1978 ainsi que dans la Convention de Mexico signée entres les États de l'Organisation des États Américains.

Ce système général dualiste est complété par des règles particulières pour certains contrats mettant en présence une partie forte et une partie faible. On retrouve les trois catégories qui sont déjà protégées dans le cadre des conflits de juridiction, les consommateurs, les assurés et les salariés. Une autre catégorie apparaît ici, le passager transporté, avec des dispositions protectrices au profit de ces derniers.

§1 – Les règles de rattachement ou la lex contractus

Ces règles déterminent la loi régissant le contrat, loi à laquelle un vaste champ d'application est assigné. Elle régit les conditions de formation du contrat, ses effets et son interprétation. Des exceptions sont toutefois prévues et en particulier la forme du contrat qui peut obéir, selon l'article 11 à la loi du lieu de conclusion ou à celle régissant le fond. C'est une alternative qui est favorable à la conclusion des contrats. Avant, une troisième possibilité avait été admise par la Cour de cassation, celle de se référer à la loi nationale commune des parties, hypothèse qu'on ne retrouve pas dans les règles européennes.

L'autre exception concerne la capacité des parties. Cette question est en principe exclue du règlement mais la capacité donne lieu à une règle destinée à sécuriser les transactions. En effet, l'article 13 valide le contrat passé par un incapable lorsque la loi du lieu de conclusion le considère comme capable à moins que le cocontractant ait connu cette incapacité ou qu'il ne l'ait ignorée qu'en raison d'une imprudence de sa part. La Convention de Rome avait déjà repris cette règle là en s'inspirant d'une vieille solution de la jurisprudence française Lizardi de 1861 qui avait mis en évidence la notion d'apparence. Un jeune mexicain incapable selon sa loi personnelle était venu faire des achats en France. Or, du point de vue des commerçants français, il paraissait peu probable qu'un jeune homme de cet âge soit incapable, il y avait apparence de capacité. La Cour de cassation avait accepté de tenir compte de cette apparence et de l'ignorance légitime des cocontractants.

A. Le choix des parties

L'article 3 § 1 du règlement, comme dans la Convention précédente, dispose que le contrat est régit par la loi choisie par les parties. C'est la consécration de la loi d'autonomie, autonomie qui est largement comprise aussi bien quant à son objet que quant à ses modalités.

1°/ L'objet du choix

Les parties peuvent choisir une loi quelconque même si elle n'a aucun lien avec le contrat. En revanche, il doit s'agir d'une loi étatique. Du coup, il y a une discussion récurrente sur la possibilité, pour les parties, de choisir les usages du commerce international, les principes généraux du droit, on encore la lex mercatoria. Quid de ces références ?

S'agissant de la convention de Rome de 1980, il était clair que de telles formulations n'étaient pas considérées comme un véritable choix de loi. Ce qui veut dire que le juge devait déterminer la loi applicable d'un point de vue objectif. Si les parties se sont référées aux usages on va respecter leur volonté, mais du point de vue du juge saisi, un tel choix n'est pas considéré comme un choix de loi, ce qui lui permettait de déterminer la loi applicable au delà de la la référence aux usages.

Au moment de la transformation de la Convention en Règlement, la question s'est posée

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de nouveau. La Commission européenne, dans sa proposition, a envisagé le choix de principes et règles de droit matériel des contrats reconnus au niveau international ou communautaire. Ceci permettait ainsi de choisir soit une loi étatique soit de tels principes. Cette formulation visait les principes d'Unidroit reconnus au niveau international ou les Principes Européens du Droit des Contrats reconnus au niveau communautaire.

Mais cette référence a disparu du Règlement lui même, la règle que l'on retrouve est que les parties peuvent choisir une loi et donc cette référence ne figure plus dans le texte. Mais il y a deux considérants qui reviennent sur cette question, le considérant 13, qui autorise le choix d'un droit non étatique et le considérant 14 qui vise un futur instrument communautaire spécifique.

Il faut s'interroger sur la portée juridique de ces considérants. Comme un auteur l'a relevé, de tels considérants excèdent l'obligation de motivation du texte qui justifie normalement les considérants. Ici on va au delà, on ajoute au texte, on tente de faire passer une certaine interprétation. Du coup on peut se demander si ces considérants répondent bien aux exigences de la légalité. (article Pr Sophie LEMAIRE, recueil Dalloz, 2008, p. 2157).

En revanche, le Règlement européen, à la suite de la Convention de Rome, a reconnu la faculté de dépeçage du contrat, les parties peuvent désigner la loi applicable à une partie seulement de leur contrat. Cela peut soulever des difficultés, notamment au regard de la cohérence du contrat. Mais il y a des illustrations de cette faculté de dépeçage, comme un arrêt rendu par la Cour de Cassation italienne le 11 juin 2011 qui concernait un contrat de concession entre une société italienne et une société autrichienne et dans lequel une clause désignait le droit autrichien à propos de la garantie des produits. Il a donc été jugé que la volonté des parties avait été de désigner une loi uniquement pour cette partie du contrat. Cela veut dire que pour le reste du contrat on considérait qu'il y avait absence de choix.

S'il y a une liberté étendue, il y a tout de même des limites qui sont posées à l'exercice de ce choix dans les paragraphes 3 et 4. Le §3 est celui qui prévoit que, lorsque tous les éléments de la situation sont localisés, au moment du choix, dans un seul pays, les règles impératives de ce pays doivent être respectées. C'est ce qui correspond à l'hypothèse de l'internationalité subjective.

Autre limite, celle-ci ayant été apportée par le règlement. Lorsque la situation est localisée dans un ou plusieurs États membres, le choix de la loi d'un État tiers ne doit pas porter atteinte aux règles impératives du droit communautaire. Cette fois, c'est un ordre Public européen qui est préservé et cela montre ce que les professeurs Racine et Denier avaient souligné, c'est à dire la logique communautaire du règlement. Si les parties désignent la loi d'un État tiers, elles devront toujours respecter les règles impératives du droit européen.

2°/ Les modalités du choix

Le choix, toujours selon l'article 3, doit être exprès ou résulter de façon certaine des dispositions du contrat ou des circonstances de la clause. Il y a donc deux modalités envisagées ici, d'abord un premier qui ne pose aucune difficulté, le choix exprès aussi appelé electio juris, mais ce qui va poser problème est l'autre modalité, le choix implicite mais certain. On voit qu'il est possible de se référer, au delà du contrat, à ce qui est nommé ''circonstances de la cause''. Cette formule présente un inconvénient par son imprécision. Il a ensuite été prévu que le choix doit résulter indubitablement des clauses du contrat. Il faut donc faire preuve de prudence dans l'application de cette disposition qui devrait permettre, par exemple, de tenir compte du choix fait par les parties dans un contrat qu'elles avaient passé antérieurement, voire dans plusieurs contrats. On peut aussi admettre que la référence à un contrat type, soumis à une loi déterminée, implique le choix de cette loi.

Une question fait difficulté depuis la Convention de Rome, lorsque les parties ont stipulé une clause attributive de juridiction, peut-on considérer qu'elles ont, du même coup, voulu choisir la loi de la juridiction désignée ? Si on se place du point de vue du juriste, on sait qu'il ne faut pas confondre choix du juge et choix de la loi, mais le point de vue des opérateurs, des praticiens, peut être différent, il peut y avoir confusion, ainsi on peut penser qu'en choisissant un juge les parties ont aussi souhaité choisir une loi. Cette question là a donné lieu à une

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division en doctrine. La proposition de la Commission Européenne a voulu prendre parti et elle a donné une réponse positive, le choix du tribunal peut être considéré comme étant implicitement aussi le choix d'une loi.

Dans le règlement définitif, cette interprétation a disparu mais on la retrouve à travers le considérant 12 qui dit qu'il y a là un facteur à prendre en considération.

Une autre marque de libéralisme est la question du choix dans le temps. Les parties, nous dit le règlement dans son article 3, peuvent choisir à tout moment de faire régir le contrat par une loi autre que celle qui le régissait auparavant. Les parties peuvent donc faire un choix modificatif ou tout simplement un choix tardif. La seule réserve étant qu'un tel choix ne menace pas la validité formelle du contrat et ne porte pas atteinte aux droits des tiers.

B. Les rattachements objectifs

Dans la Convention de Rome de 1980, le système de rattachement était basé sur la notion de ''liens les plus étroits''. Cette notion provient de la doctrine américaine et plus spécialement de la doctrine de la proper law of the contrat. C'est un courant de pensée américain qui a voulu faire cession de la doctrine de SABINI de l'époque. Ce courant a été suivi en France par un auteur du nom de Paul LAGARDE sous le nom de principe de proximité.

Mais comme on voulait éviter les inconvénients de ce système, il a été complété par diverses présomptions dont une, faisant figure de présomption générale, était en faveur de la loi de la résidence habituelle du débiteur de la prestation caractéristique. Il y a ici une notion clef, celle de ''prestation caractéristique'' mais il faut faire attention la loi n'est pas celle du lieu de la prestation mais celle du lieu de résidence du débiteur.

L'analyse peut être rapide, la prestation caractéristique c'est ce qui, dans le contrat, va présenter un élément différencié par rapport à un autre contrat, c'est ce qui traduit la fonction socio-économique ou encore certains auteurs disent que c'est la prestation pour laquelle le paiement est dû. Par exemple, dans un contrat de vente, la loi applicable serait la loi de la résidence du vendeur, dans un contrat d'entreprise celle de la résidence habituelle de l'entrepreneur...

La Cour de cassation avait eu l'occasion de rendre une solution à propos du contrat de distribution, elle avait indiqué que la fourniture du produit était la prestation caractéristique du contrat, ce qui conduisait à l'application de la loi du concédant (arrêt de la 1e civ du 15 mai 2001, OPTELEC). La singularité ici est que la plupart du temps les deux parties assument des obligations.

Le règlement Rome I de 2008 a adopté une méthode différente. Il n'y a plus de référence ''aux liens les plus étroits'' à titre de principe, il n'y a plus de système de présomption et enfin, la référence à la prestation caractéristique et à son débiteur est refoulé au rang de critère résiduel.

Actuellement dans le règlement il y a 4 paragraphes au sein de l'article 4 qui s'articulent de la façon suivante :

Premièrement, sont énoncés un certain nombre de rattachement spéciaux, c'est à dire par catégorie de contrats, la vente de biens est régie par loi de la résidence habituelle du vendeur, la prestation de service par loi de la résidence habituelle du prestataire, le contrat de distribution est régit par loi de la résidence habituelle du distributeur..

Outre cette série il y a une règle de rattachement particulière à l'article 5 à propos du contrat de transport, aussi bien de marchandises que de personnes. La méthode qu'il retient c'est ce qu'on appelle la méthode du ''regroupement des points de contact''. Méthode qui consiste à prévoir non pas un seul critère de rattachement mais une conjonction de plusieurs critères. Cet article dit qu'à défaut de choix la loi applicable est celle de résidence du transporteur pourvu que le lieu de chargement, de livraison, ou de résidence de l'expéditeur soit aussi dans ce pays.

Dans le deuxième paragraphe on apprend que les contrats non visés ou susceptibles d'être rattachés à plusieurs catégories sont soumis à la loi de la résidence habituelle du

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débiteur de la prestation caractéristique. Elle a au passage changé de nature, ce n'est plus une présomption mais une véritable règle de rattachement.

Troisièmement, pour tous ces rattachements, peut jouer la clause d'exception. Si le contrat présente des liens manifestement plus étroits avec un autre pays, la loi de cette autre pays s'applique. Cette clause d'exception, depuis la Convention de Rome, pose le problème de sa relation avec le rattachement de principe. Faut-il considérer qu'ils sont placés sur un pied d'égalité ou bien qu'il existe une hiérarchie ? Un arrêt de la Cour de cassation de 2006 a mis les deux sur un pied d'égalité, les juges pouvant mettre en balance présomption et clause d'exception. Mais cette approche a depuis été condamnée par la CJUE dans un arrêt du 6 octobre 2009, arrêt Intercontainer, arrêt dans lequel la CJ indique que le juge doit toujours procéder à la détermination de la loi applicable sur la base des présomptions qui répondent à l'exigence générale de prévisibilité de la loi et donc de sécurité juridique dans les relations contractuelles. Depuis la Cour de cassation a entendu le message et elle raisonne suivant cette hiérarchie qui vaut tout autant dans le cadre du règlement que dans le cadre de la Convention.

Ainsi, dans un arrêt de la chambre commerciale du 8 mars 2011, il s'agissait d'un contrat de convention conclu par une personne résidant en Suisse en garantie des dettes d'une société allemande dont il était le dirigeant et au profit d'une banque allemande. Ce contexte est intéressant, le cautionnement est particulier, il a un caractère d'accessoire par rapport à un contrat principal. Donc on pourrait considérer qu'en tant que contrat le cautionnement est soumis à sa loi propre, c'est à dire à la loi de la caution. Mais si on met l'accent sur le caractère accessoire du contrat, on pourrait être tenté de le soumettre à la loi de l'obligation principale. Ceci on pourrait le faire au titre des liens les plus étroits. C'est ce qu'avait fait ici la CA dans cette affaire, elle avait fait application de la clause d'exception pour soumettre le cautionnement à la loi allemande.

In fine, quatrièmement, lorsque la loi applicable ne peut pas être déterminée, il doit être soumis à la loi du pays avec lequel il présente les liens les plus étroits.

§2 – Les lois de police

A. Définition

Les lois de police sont des lois qui sont dotées d'une impérativité particulière, elles constituent une manifestation des contraintes imposées par l'ordre juridique étatique afin de préserver certains intérêts également étatiques. C'est cet objectif qui justifie d'une extension du champ d'application dans l'espace de ces règles. Une loi de police devrait s'appliquer quelle que soit la loi normalement applicable au contrat. FRANCESCAKIS avait définit les lois de police qu'il appelait les lois d'application immédiate. Il les définissaient comme celles dont l'application est nécessaire pour la sauvegarde de l'organisation politique, économique et sociale du pays. Cette définition a influencé la CJ dans son arrêt Arblade du 23 novembre 1999. Le règlement Rome I, dans son article 9 a repris la définition de la CJ dans Arblade ; « une loi de police est une disposition impérative dont le respect est jugé crucial par un pays pour la sauvegarde de ses intérêts publics tels que son organisation politique sociale ou économique au point d'en exiger l'application à toute situation entrant dans son champ d'application quelle que soit par ailleurs la loi applicable au contrat ».

Dans le champ contractuel la liberté des parties est très grande et les lois de police représentent une sorte de contrepoids à l'autonomie de la volonté. Les exemples sont assez nombreux, avec notamment la législation sur les comités d'entreprise qui a donné lieu à un arrêt du CdE du 19 juin 1973, arrêt Compagnie Internationale des Wagons-lits. Même chose pour certaines règles protégeant une partie faible dans certains contrats, ou encore la

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protection du droit moral de l'auteur d'une œuvre, arrêt Houston de 1991. On a également les dispositions de la loi Doubin sur les informations pré-contractuelles dans des contrats tels que le contrat de franchise. Ces dispositions ont été qualifiée de loi de police par la CA de Paris dans un arrêt du 25 octobre 2011.

Deux exemples récents montrent ces problèmes d’identification délicate. Le première problème est celui de la protection de l'agent commercial qui résulte notamment du droit qui lui est reconnu à une indemnité de fin de contrat. La CJUE, le 9 novembre 2000, a qualifié de loi de police la directive de 1986 relative à la protection des droits de l'agent commercial. La CJUE identifie dans ces règles une loi impérativement applicable. Mais la Cour de cassation, quelques jours plus tard, a jugé le contraire à propos de la loi de transposition française de 1991, dans un arrêt du 28 novembre 2000.

Deuxième exemple, celui de la protection du sous-traitant. Cette protection résulte d'une loi du 31 décembre 1975 qui reconnaît notamment au sous-traitant une action directe contre le maitre de l'ouvrage. Cette législation protectrice, après des hésitations en jurisprudence, a été qualifiée de loi de police par un arrêt rendu en chambre mixte le 30 novembre 2007, arrêt Agintis. On observera qu'en revanche cette qualification a été rejetée en matière de sous-traitance de transport. C'était à propos de l'article L132-8 du Code de commerce qui institue une protection analogue en ce qu'elle permet au transporteur d'agir en paiement contre l'expéditeur et contre le destinataire des marchandises institué garant.

B. Applicabilité

Cette question de l'applicabilité des lois de police est le siège de plusieurs distinctions. Il faut rappeler d'abord la distinction entre les lois de police et l'exception d'ordre public international. Ce sont deux notions différentes de droit international privé. C'est une distinction méthodologique, les lois de police sont des lois qui ont une vocation prioritaire à s'appliquer alors que l'exception d'ordre public international est un mécanisme d'éviction de la loi applicable qui intervient a posteriori.

Une autre distinction résulte de la Convention de Rome et du règlement Rome I, la distinction entre les lois de police du for et les lois de police étrangères. Celles du for sont celles du système juridique auquel appartient le juge saisi. Avant d'aborder cette distinction, il faut prendre en compte une troisième distinction, la distinction suivant que le problème se pose devant le juge étatique ou devant un tribunal arbitral.

1°/ Devant le juge étatique

Devant le juge étatique, la distinction entre loi de police du for et loi de police étrangère est pertinente, le juge doit appliquer les lois de police du for. Cette obligation se comprend par ce que le juge est un rouage étatique et il est normal qu'il serve à faire respecter des règles défendant un intérêt étatique. Mais il faut faire deux réserves, la première est qu'un lien de rattachement doit exister entre l'opération considérée et la France, c'est ce que la Cour de cassation a mis en évidence dans un arrêt du 27 avril 2011 rendu par la chambre commerciale dans une affaire Telecom Italia.

La seconde réserve est celle d'un contrôle éventuel de la CJUE. Ce contrôle a été affirmé par l'arrêt Arblade et a ainsi réservé la possibilité d'un contrôle exercé par la Cour elle même qui porte sur la compatibilité de la loi nationale avec les principes européens de libre circulation. Certains voient là une dérive du droit communautaire, il y a un impact des principes du droit européen qui permet à la Cour d'exercer un contrôle, notamment un contrôle de proportionnalité.

L'autre catégorie est celle des lois de police étrangères. S'agissant de celles-ci, l'article 7 § 1 de la Convention de Rome avait permis leur application. En 1980 ce texte avait été salué comme étant très novateur. Depuis cette époque on attendait des exemples, qui ont tardé à venir, mais la chambre commerciale en a fourni un le 16 mars 2010 en invitant le juge du fond

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à prendre en considération l'applicabilité d'une loi étrangère d'embargo. Le problème était de savoir si c'était un cas de force majeur, la réponse ayant été négative, la Cour de cassation a cassé et a demandé aux juges du fond d'examiner cette loi de police étrangère.

Ce qu'on voit est que leur traitement n'est pas identique à celui des lois de police du for, le juge a un pouvoir d'appréciation nécessairement plus important, il n'est jamais obligé de l'appliquer. Mais surtout il y a une différence depuis le règlement Rome I qui a modifié la rédaction à cette égard et il n'envisage plus que les lois de police du pays d'exécution et seulement dans la mesure où elles rendent l'exécution du contrat illégale.

2°/ Devant l'arbitre

Ici la situation est différente pour deux raisons. La première c'est que l'arbitre n'a pas de for car l'arbitre n'est pas un juge privé, il n'appartient pas à un système déterminé. De son point de vue, toutes les lois de police sont en quelque sorte étrangères. La seconde raison est que l'arbitre est tenu de respecter la volonté des parties. C'est elle qui lui donne son pouvoir de juger et il doit donc se conformer à cette volonté et tenir compte des attentes des parties.

Ainsi l'arbitre a la possibilité de faire application des lois de police qui font partie du droit désigné par les parties ou déterminé par l'arbitre lui même. La difficulté est ailleurs, l'arbitre peut-il ou doit-il appliquer des lois de police qui ne font partie de ce qu'on va appeler par commodité la lex contractus. On peut en douter par ce que, comme on le sais, l'arbitre doit se fonder avant tout sur la volonté des parties et leurs attentes, a priori il n'a pas à participer à la défense de tel ou tel intérêt public. Mais malgré cela, on admet la possibilité qu'il le fasse.

Cela peut se justifier par deux considérations, la première est que l'arbitre doit se soucier de l'efficacité de sa sentence. S'il n'applique pas certaines lois de police qui voudraient normalement s'appliquer au contrat, en cas de recours en annulation, la sentence pourrait être annulée au titre de la violation de l'ordre public.

La seconde considération tient de l'évolution de la mission impartie aux arbitres. Le droit de l'arbitrage a connu récemment une évolution dans un sens toujours plus libéral en particulier en ce qui concerne l'arbitrabilité des litiges. On a non seulement permis à l'arbitre d'appliquer des règles impératives mais on lui a en quelque sorte imposé, il faut donc que l'arbitre se montre à la hauteur de la confiance qui a été placée en lui.

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Chapitre 2 – Le droit matériel uniforme : La vente internationale de marchandises

Les sources de cette réglementation sont diverses, il y a des traités internationaux et notamment la Convention de Vienne du 11 avril 1980 mais aussi des usages du commerce international, usages qui sont eux même nombreux et variés mais où certains occupent une place importante car ils sont fréquemment impliqué, les Incoterm de la Chambre de Commerce Internationale.

Ces différentes sources s'articulent assez aisément entre elles, il n'y a pas de contradiction entre elles. L'articulation dépend de la volonté des parties.

Section 1 – Les Incoterms

§1 – Présentation

Certains usages sont codifiés par la CCI. La première série d'Incoterm a été publiée en 1936 et ne concernait à l'époque que les ventes maritimes. Mais par la suite plusieurs révisions ont eu lieu, des révisions qui ont permis de prendre en compte la diversité des modes de transport et les évolutions techniques et technologiques, par exemple la conteneurisation. Ces mises à jours ont entrainé l'apparition de nouveaux termes, aujourd'hui ils concernent les différents modes de transport. La dernière version des Incoterm est de 2010 et est entrée en vigueur le premier janvier 2011. Une de ses nouveautés réside notamment dans des préoccupations sécuritaires. À l'heure actuelle il y a 11 incoterm mais ils sont toujours classés en quatre grandes catégories : E ; F ; C et D. Les trois premières représentent les ventes et la dernière les ventes à l'arrivée. Ce classement correspond à un ordre de prestations croissantes du vendeur. Ces usages portent sur certains aspects de ces opérations, ils ne gouvernent pas l'ensemble des contrats mais des point précis.

Première catégorie, la catégorie E qui comporte un seul terme, EXW pour Ex Works, qui se traduit en français par ''à l'usine''. L'inconterm est toujours suivit du nom du lieu où aura lieu la livraison. Ce terme représente l'obligation minimale du vendeur qui est celle de mettre les marchandises à la disposition de l'acheteur dans ses propres locaux. Le transfert des risques s'opère au moment de la mise à disposition.

Deuxième catégorie, F pour Free, en français transport principal non acquitté. Il y a trois termes dans cette catégorie F, le terme FCA pour Free Carrier, en français franco-transporteur ; le terme FAS pour Free Alongside Ship, en français franco-le long du navire. Enfin, FOB Free On Board, en français, à Bord du Navire. Les deux derniers termes sont réservées aux ventes maritimes et fluviales alors que le premier terme convient à tous les modes de transport. Dans cette catégorie le vendeur doit remettre les marchandises au transporteur désigné par l'acheteur. C'est donc l'acheteur qui conclut le contrat de transport et qui paie le fret. Il doit ensuite indiquer au vendeur, dans un délai raisonnable, l'identité de ce transporteur. Pour ce qui est des livraisons maritimes, celle ci peut avoir lieu sur le pont du navire ou sur le quai.

Vient ensuite la catégorie C pour Cost ou Carriage. Cette catégorie est la catégorie, ''transport principal acquitté''. On va y trouver 4 termes, CFR pour Cost and Freight ; CIF pour Cost Insurrance Freight. Ce sont des termes qui conviennent pour les ventes maritimes alors que les deux autres conviennent pour un transport multimodal, ce sont CPT pour Carriage Paid To et CIP pour Carriage Insurrance Paid. Dans cette catégorie C c'est le vendeur qui conclut le contrat de transport mais il n'a pas pour autant la charge des risques pendant le voyage. Le transfert des risques s'opère ici lors de la remise au transporteur ou lors de l'embarquement. Si le vendeur conclut un contrat d'assurance, il le fait dans l'intérêt de l'acheteur.

Enfin, dernière catégorie, D pour Delivered. On trouve ici des ventes à l'arrivée, ce qui veut dire que la livraison a lieu après l'opération de transport. Le vendeur assume les coûts et les risques du transport principal jusqu'à l'arrivée des marchandises au point de destination

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convenu. C'est une procédure lourde pour le vendeur qui prend en charge toutes les modalités de livraison et d'assurance. C'est une modalité qui convient particulièrement pour les produits manufacturés par ce que l'acheteur peut ainsi comparer le prix d'un produit importé et celui d'un produit local. Dans la version 2010 il n'y a plus que trois termes dans cette catégorie : DAT pour Delivered At Terminal ; DAP pour Delivered At Place et enfin DDP pour Delivered Duty Paid. Dans ce dernier cas c'est le vendeur qui prend en charge les droits de douanes au moment de l'importation dans le pays de l'acheteur.

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§2 – La place des incoterms dans le droit de la vente

Premièrement, les incoterms ont indiscutablement valeur contractuelle quand les parties s'y sont référées dans leur accord. Mais leur valeur est cependant inférieure à celle des clauses particulières ou à celles des usages particuliers auxquels les parties se sont soumises.

Au delà de cette valeur contractuelle, certains auteurs considèrent que les incoterms ont valeur d'usage de droit et qu'ils font partie de la lex mercatoria. Mais c'est une opinion doctrinale discutée. Dans le sens de cette opinion il existe quelques sentences arbitrales qui se sont référées à des incoterms en l'absence même de stipulation des parties dans leur contrat.

Deuxièmement, en ce qui concerne l'articulation des incoterms avec la convention de Vienne, il n'existe pas d'incompatibilité entre eux. Les incoterms introduisent seulement une dérogation aux règles de la convention sur les points précis qu'ils régissent. La Convention de Vienne pose des règles seulement supplétives et veut rester au plus près de la volonté des parties.

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Section 2 – La Convention de Vienne du 11 avril 1980

Cette Convention est le fruit d'un long travail d'unification du droit de la vente internationale. Cela fait très longtemps qu'on sait qu'il est nécessaire d'harmoniser les droits pour un contrat aussi important que la vente internationale de marchandises. Mais c'est une entreprise difficile à cause de la disparité des droits et par ce que la vente internationale est en contact avec d'autres questions du droit comme le régime de la propriété et c'est également en contact avec la théorie générale des contrats, par exemple avec la notion de vice du consentement ou celle de licéité de l'objet. Ces difficultés expliquent que l'unification du droit de la vente n'ait pu être que partielle.

Ce projet est passé par toutes les grandes organisations internationales, les travaux avaient commencés dans les années 30 au sein d'Unidroit pour se poursuivre dans les années 60 à la conférence de La Haye de droit international privé. En avril 1964 deux conventions de La Haye ont été adoptées, toutes deux portant loi uniforme. La première était la loi uniforme sur la vente internationale d'objets mobiliers corporels (LUVI) et la seconde est la loi uniforme sur la formation du contrat de vente d'objets mobiliers corporels (LUFC).

Mais ces deux conventions n'ont connu qu'un faible succès avec moins d'une dizaine d'États contractants. C'est pourquoi la Commission des Nations-Unies pour le Droit du Commerce Internationale (CNUDCI), dès sa première session en 1968, a décidé d'entreprendre de nouveaux travaux sur ce thème. Ceux-ci ont été long, c'est en définitive lors d'une conférence internationale tenue à Vienne au printemps 1980 qu'a été adoptée la Convention de Vienne sur la vente internationale de marchandises.

Celle-ci était promise à un meilleur avenir, les négociateurs avaient recherché un meilleur consensus sur les règles adoptées, il y avait au moment de la conférence une soixantaine de pays représentés et un grand nombre d'organisation. Le traité a été signé par un grand nombre d'État puis ratifié par suffisamment de pays pour que cette convention entre en vigueur. Elle est entrée en vigueur dès 1988 et son succès n'a cessé d'augmenter dans les années qui ont suivit et ce jusqu'à nos jours. Il y a actuellement 80 États qui sont parties à la convention de Vienne, dont les EU, la Chine, la plupart des pays Européens, la Russie...

On a pu parler à propos de cette convention d'une mondialisation du droit de la vente, or aujourd'hui des craintes sont exprimées en raison d'un mouvement de régionalisation du droit auquel on assiste. Surtout, la menace semble venir d'Europe, la commission européenne a publié une proposition de règlement le 11 octobre 2011 sur un droit commun européen de la vente. On se demande si cette initiative est bien utile et si elle ne va pas faire concurrence à la Convention de Vienne.

Le texte de la Convention de Vienne peut se trouver sur le site internet de la CNUDCI ou dans le Code de Commerce où il figure en annexe. Elle est composée de 4 parties précédées d’un préambule : champ d'application et dispositions générales, la formation du contrat, vente internationale de marchandises et les classiques dispositions finales.

Sous-section 1 – L'applicabilité de la Convention

La Convention de Vienne est en vigueur en France et dans une dizaine d'autres pays depuis le 1er janvier 1988. Elle s'est appliquée aux ventes conclues à partir de cette date. Pour les nouveaux États contractants, il y a un délai de carence d'un an qui est prévu afin d'articuler la dénonciation des autres conventions et faire entrer en application celle-ci.

§1 – L'applicabilité dans l'espace

A. Le caractère international du contrat

L'internationalité est définie par un critère qui est celui de l'établissement des parties dans des États différents (art 1 § 1). S'il y a plusieurs établissements, on prend en compte celui

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qui a la relation la plus étroite avec le contrat et son exécution eu égard aux circonstances. C'est un critère qui a le mérite de la simplicité. Le problème est de savoir s'il est possible d'appliquer la convention lorsque les parties sont établies dans un même pays et que le contrat porte sur des marchandises à l'étranger. Dans ce cas là la doctrine admet que les parties puissent étendre l'applicabilité de la Convention de Vienne.

B. Les règles d'applicabilité de la Convention

Deux modalités sont prévues, la première est un rattachement matériel direct, la seconde fait intervenir les règles de conflit de loi.

Le rattachement matériel direct est prévu à l'article 1 § 1 a, c'est le cas où les parties sont établies dans des États contractants différents. Ce système est basé sur la réciprocité, il suffit de vérifier que les parties ont leur établissements dans des États parties à la Convention. Pour cela on se réfère à l'État de ratification du traité.

La deuxième modalité est le rattachement par le droit international privé qui figure au même article, 1 § 1 b, la Convention s'applique lorsque les règles de droit international privé mènent à l'application de la loi d'un État contractant. Cela représente un élargissement notable de l'application de la Convention qui s'appliquera même si un seul État est partie. Quelle est la règle de conflit de loi ? En règle générale c'est la règle de conflit du juge saisi et dans les États de l'UE on songe tout de suite au règlement Rome I. Mais il y a un autre texte qui vise spécifiquement la loi applicable à la vente internationale de marchandises, la Convention de La Haye du 15 juin 1955, Convention en vigueur en France et qui l'emporte sur le règlement Rome I. Il y a aussi dans la Convention de 1955 une place qui est faite à la loi du pays de l'acheteur dans certaines circonstances.

En tout état de cause, la Convention est applicable en matière d'autonomie, dès lors que les parties ont désigné la Convention de Vienne dans le contrat, celle-ci s'applique.

Il existe dans la Convention une faculté de réserve à cet égard. Le traité prévoit la possibilité qu'un État déclare qu'il n'appliquera pas telle ou telle stipulation du traité. Il y a là une faculté de réserve prévue à propos de cette application par le droit international privé. Un certains nombre de pays ont utilisé cette réserve, notamment les EU et la Chine. Ces pays font donc application de la Convention dans les seuls rapports de réciprocité.

Dernière précision, la question se présente différemment devant l'arbitre du commerce international. En tant que juge privé extérieur aux États, l'arbitre n'a pas l'obligation d'appliquer la Convention, uniquement selon ses propres stipulations. Il n'est pas lié par ce que dit l'article 1 § 1 par ce que l'arbitre a une grande liberté en l'absence de volonté manifestée par les parties. Concrètement, les arbitres du CI se montrent favorables à cette convention et s'y réfèrent volontiers selon ses propres stipulations mais parfois même au delà. On a pu parler à cet égard de force d'attraction de la Convention.

§2 – Le domaine matériel de la Convention

A. La notion de vente de marchandises

Il n'y a pas de définition dans la Convention. Il y a néanmoins le terme vente qui s'oppose par exemple au contrat de distribution. La Cour de cassation a été amenée à préciser que la Convention de Vienne n'était pas applicable aux contrats cadres, dans un arrêt de la chambre commerciale du 20 février 2007.

En ce qui concerne le mot marchandises, cela présente une immense diversité mais il doit y avoir une certaine matérialité, par exemple cela ne concerne pas les ventes de parts sociales même si cela peut s'appliquer aux ventes de logiciels. Le cas où ce ne serait pas une marchandise est celui où un logiciel serait spécialement programmé pour un client, c'est alors

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un contrat d'entreprise.Autre précision, relative au terme contrat. En droit international le concept de contrat

est entendu de manière stricte. Cette conception stricte a conduit la Cour de cassation à exclure de la Convention les relations entre un vendeur et un sous-acquéreur. C'est un arrêt de la première chambre civile du 5 janvier 1995, Thermo King. La Cour de cassation a abandonné l'analyse propre au droit français qui consiste à dire que le sous-acquéreur dispose d'une action de nature contractuelle. Elle constate que la Convention de Vienne se place dans un système différent et qu'il faut respecter l'internationalité. En revanche, la vente d'une chose future peut être considérée comme une vente, c'est la Convention elle même qui le dit puisque l'article 3 § 1 assimile aux ventes les contrats de fourniture de marchandises à fabriquer ou à produire sauf si la partie qui commande fournit une part essentielle des éléments matériels nécessaires à cette production. C'est une extension de la notion de vente avec une limite. Par exemple, un fabriquant de jeans doit livrer des marchandises confectionnées avec une toile fournie par l'acheteur, il n'y a pas vente de marchandises au regard de la Convention. Le critère retenu est un critère de nature économique qui invite à comparer la valeur des éléments matériels fournis par chacune des parties.

L'article 3 § 2 envisage les contrats qui combinent la livraison d'un bien et une prestation de services. Ce sont des contrats complexes dont on peut donner pour exemple la vente de biens d'équipement en ce sens que quand on vend un bien d'équipement on vend une machine mais il va y avoir diverses prestations mises à la charge du fournisseur. Par exemple l'obligation d'installer la machine, la mettre en route, apporter une assistance technique. Le texte exclut la qualification de vente lorsque la fourniture de services constitue la part prépondérante de l'obligation de celui qui fournit les marchandises. Là aussi nous sommes en présence d'un critère d'ordre économique, quantitatif, qui oblige à comparer la valeur respective de la marchandise et des services fournis. S'il apparaît que les services sont accessoires, la qualification de vente l'emportera, sinon on dira qu'on est en présence d'un contrat d'entreprise.

B. Les exclusions formulées

La Convention exclut d'abord certaines ventes mais aussi certains aspects juridiques de la vente.

1°/ Les ventes exclues

C'est l'article 2 qui exclut certains contrats de vente à commencer par ceux qui portent sur des marchandises achetées pour un usage personnel, familial ou domestique. Ceci évoque naturellement la vente aux consommateurs. Simplement, la Convention ajoute que le vendeur peut se prévaloir de la Convention de Vienne s'il ne connaissait pas ou n'aurait pas du connaître cette destination. C'est une règle qui protège le vendeur quand le vendeur le conduisait à croire qu'il avait à faire à un professionnel.

Il y a d'autres exclusions, notamment une qui porte sur certaines modalités de vente, à savoir les ventes aux enchères et les ventes sur saisie ou par autorité de justice. C'est aussi le cas pour des ventes portant sur certains objets, c'est à dire les ventes de valeurs mobilières, d'effets de commerce et de monnaie, celles de navires, bateaux, aéroglisseurs et aéronefs et enfin les ventes d'électricité. Traditionnellement ce sont des biens qui ont un statut qui les rends proches des immeubles, notamment par ce qu'ils sont immatriculés. Dernière chose, les parties auraient la possibilité d'étendre, en pareil cas, l'application de la Convention de Vienne.

2°/ Les aspects juridiques exclus

Les articles 4 et 5 de la Convention énoncent plusieurs séries d'exclusions qui se situent cette fois dans le droit de la vente. C'est ce que l'on appelle des lacunes externes.

L'article 4 précise que le droit uniforme régit exclusivement la formation du contrat et les droits et obligations des parties. Il ajoute négativement que la Convention ne régit pas la

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validité du contrat, ni celle d'aucune de ses clauses, ni celles des usages ainsi que les effets que le contrat peut avoir sur la propriété des marchandises vendues. Nous retrouvons ici les irréductibles disparités qui existent entre les droits nationaux. La validité des différentes clauses ne dépend pas de la Convention. Il existe un certain nombre de clauses que l'on peut qualifier de sensibles, comme les clauses exclusives de garantie ou de responsabilité, voire même seulement limitatives de responsabilité. Une clause que l'on retrouve fréquemment, est la clause de réserve de propriété. Puisqu'elles ne sont pas régies par le droit uniforme, elles relèvent de la loi applicable au contrat, la lex contractus. Pour cela on va éventuellement se référer au choix que les parties ont pu faire et à défaut on retrouve la Convention de La Haye de 1955 qui en général désigne la loi de la résidence habituelle du vendeur. Ceci peut créer une situation d'insécurité et il est donc tout à fait recommandable d'anticiper et de procéder à une désignation de la loi applicable qui va valider les différentes clauses.

L'article 5, lui, exclut la responsabilité du vendeur en cas de décès ou de lésion corporelle causées à quiconque par les marchandises. On reconnaît ici ce qu'on appelle la responsabilité du fait des produits défectueux. En droit français aujourd'hui c'est une question qui relève d'une loi du 19 mai 1998 transposant une directive européenne du 25 juillet 1985. Ce régime de responsabilité s'applique quelque soit la qualité de la victime, autrement dit qu'elle ait la qualité de tiers ou celle de co-contractant.

C. L'interprétation de la Convention et le traitement de ses lacunes

Lorsqu'il existe une ambiguité sur le sens d'un terme ou d'une règle, il faut interpréter la Convention. La difficulté ici est d'éviter les divergences d'interprétation qui pourraient avoir lieu d'un pays à l'autre. L'article 7 § 1 invite l'interprète à tenir compte de son caractère international et de la nécessité de promouvoir l'uniformité de son application ainsi que d'assurer le respect de la bonne foi dans le commerce international.

Mais aujourd'hui l'interprète dispose d'un outil remarquable pour procéder à une interprétation de la Convention qui concorde avec celle donnée à l'étranger. Le site internet de la CNIDCI contient un recueil de jurisprudence. Cela n'empêche pas les différence d'interprétation mais il y a aujourd'hui une meilleure connaissance de la jurisprudence étrangère ce qui permet de s'en inspirer même si le juge n'en a pas l'obligation.

Il y a aussi la question du traitement des lacunes, l'article 7 § 2 vise cette question. Il s'agit cette fois des lacunes internes par opposition aux articles externes des articles 4 et 5. Les lacunes internes se situent dans le champ des questions régies par la Convention. Sur une question régie par la Convention, il y a des points qui peuvent ne pas avoir été réglés par celle-ci, par exemple le taux de l'intérêt légal. Il y a dans la Convention de Vienne un texte qui prévoit un droit à intérêt au titre du paiement d'une somme d'argent mais le taux n'est pas précisé, c'est une lacune interne.

La solution est recherchée dans deux directions. Il faut d'abord recourir aux principes généraux dont s'inspire la Convention. Ceux-ci se déduisent de certaines règles, y compris le préambule de la Convention. Ces principes ne sont pas expressément formulés. Il y a par exemple le principe de bonne foi qui peut avoir un intérêt, il y a surtout le principe selon lequel le maintient du contrat est préférable. Ce principe peut trouver une application s'il y a un risque que le contrat soit anéanti. Autre principe qui émerge, le principe de proportionnalité, notamment à propos des moyens en cas d'inexécution, ou encore le principe d'exécution trait pour trait qui fonde notamment le jeu de l'exception d'inexécution. Au delà de ces exemples on a pu se demander si on peut se référer aux principes d'Unidroit. Sur un plan logique cela semble difficile par ce que la Convention de Vienne a été faite avant ces principes mais dans la mesure où ces principes sont considérés comme reflétant aux mêmes des principes généraux pré-existant, l'on peut s'y référer, certaines sentences arbitrales l'ont fait mais la doctrine est partagée.

Autre direction, à défaut de principes généraux, il faut recourir à la loi applicable en vertu des règles du droit international prové. L'inconvénient de cette méthode est qu'elles n'est pas conforme au respect du caractère international du contrat. Cette méthode à été souvent appliquée à propos du taux de l'intérêt légal.

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§3 – Le rôle de la volonté des parties

La volonté des parties joue un rôle essentiel en ce qui concerne l'applicabilité de la Convention du fait que celle-ci a un caractère supplétif. L'article 6 de la Convention prévoit que les parties peuvent exclure celle-ci ou, sous réserve de l'article 12, déroger à l'une quelconque de ses dispositions. L'application de la Convention constitue le principe, nous somme donc un système d'opting out, il faut une commune volonté pour exclure la convention. Celle ci peut se manifester dans une clause expresse. Plus souvent l'exclusion résultera d'une clause qui désigne un autre ensemble de règles. Il faut cependant être vigilant sur la portée de ces clauses, en effet, une abondante jurisprudence a décidé que la référence à la loi d'un État partie à la Convention n'exclue pas celle-ci. Cela s'explique par le fait que la Convention de Vienne fait partie intégrante du système juridique désigné. La Cour de cassation en France a été plus lente à l'admettre. En revanche, s'il y a désignation d'un corps plus précis de règle, cela vaut exclusion de la Convention, par exemple désignation du Code civil français ou allemand ou encore du Code suisse des obligations, on ne se réfère pas à un droit dans son ensemble mais à un corps déterminé de règles.

Enfin, lorsque les règles désignées ne couvrent qu'une partie du droit de la vente, la Convention de Vienne peut s'appliquer au delà. C'est l'hypothèse de la référence à des usages et à un Incoterm. Il est tout à fait possible d'appliquer la Convention de Vienne.

Quoi qu'il en soit, la volonté des parties, si elles décident d'écarter la convention, doit être certaine, c'est la logique de l'opt out. À un moment donné, la Cour de cassation avait admis que l'exclusion par les parties pouvait résulter de leur silence, c'est à dire du fait qu'elles s'étaient abstenues de l'invoquer devant le juge français. Arrêt de 2001 qui a été critiqué, ce qui a poussé la Cour à rectifier sa position, notamment dans sa jurisprudence du 25 octobre 2005. Une solution intermédiaire pratiquée par certaines juridictions du fond consiste à attirer l'attention des parties sur l'existence de la Convention et son applicabilité pour qu'elles puissent conclure sur ce point.

Dans le prolongement de cette attention portée à la volonté des parties, peut se poser le problème de l'interprétation qu'il faut donner à leurs indications ou à leurs comportements. C'est l'objet de l'article 8. Il est d'abord dit que l'interprétation doit être faite selon l'intention des parties en fonction de ce que l'autre partie connaissait ou ne pouvait ignorer. C'est donc une interprétation subjective qui ressort de cette première directive. À défaut, on recours à une interprétation de type objectif, c'est à dire à ce qu'une personne raisonnable, de même qualité, aurait compris si elle était placée dans la même situation. En tout état de cause, il faut prendre en considération les circonstances, habitudes, usages...

Enfin, l'article 9 de la Convention reconnaît la place prééminente des usages car on pense qu'ils sont au plus près de la volonté commune des parties. Il envisage dans son paragraphe premier les usages conventionnels ainsi que les habitudes établies entre les parties. Le paragraphe 2 prévoit aussi la prééminence des usages objectivement applicables, c'est à dire les usages qui sont suivis par l'ensemble de la profession dans la branche commerciale considérée et qui correspondent à la notion d'usage-règle ou usage de droit. Ils ont vocation à s'appliquer, sauf convention contraire.

Sous-section 2 – La formation du contrat de vente

La formation du contrat de vente est réglée aux articles 14 à 24 de la Convention. Elle règlemente à cet égard l'échange des consentements ainsi que la forme et la preuve du contrat. La validité du contrat ni celle d'aucune de ses clauses ne sont couvertes par la convention.

§1 – L'échange des consentements

A. L'offre

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L'offre dans la Convention de Vienne s'entend d'une offre faite à une personne déterminée et non pas d'une offre au public, c'est une différence avec le droit français. De plus, l'offre doit être suffisamment précise et indiquer la volonté de son auteur d'être lié en cas d'acceptation. On trouve textuellement cette formule dans un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation rendu en 1990.

L'offre est suffisamment précise si elle désigne les marchandises et, explicitement ou implicitement, fixe la quantité et le prix ou donne des indications permettant de les déterminer. Autrement dit, il faut que la quantité de marchandises et surtout le prix soit déterminé ou à tout le moins déterminable. En matière de vente, il y a un texte, l'article 1591 du Code civil qui exige un prix déterminé ou déterminable. Il faut se rappeler aussi que la Convention de Vienne ne traite pas de la validité du contrat mais seulement de la qualité que doit revêtir l'offre. Selon les auteurs, il faut interpréter de façon souple l'article 14, il ne faut pas l'interpréter comme imposant une stricte exigence de détermination ou de déterminabilité du prix. Cela partage les droits nationaux, dans le Code de référence uniforme aux EU, une référence au prix du marché apparaît suffisante, même chose dans le Code suisse des obligations.

Il y a également des précisions quant à la prise d'effet de l'offre, c'est le système de la réception qui est consacré. L'offre prend effet quand elle parvient à son destinataire. Là c'est encore une différence avec le droit français des contrats, qui lui consacre plutôt le système de l'émission. Du fait de cette théorie, il est possible que l'offre soit rétractée tant qu'elle n'est pas parvenue à son destinataire.

B. L'acceptation

Elle est visée à l'article 18 qui dit dans son paragraphe premier qu'elle résulte de toute déclaration ou autre comportement du destinataire indiquant qu'il acquiesce à l'offre. Ceci veut dire que le silence, à lui seul, ne vaut pas acceptation. Cette acceptation doit intervenir dans un délai raisonnable compte tenu des circonstances de la transaction. Ceci veut dire qu'il doit y avoir un certain parallélisme des formes.

Cependant, la Convention accorde une place à une théorie allemande qui est la théorie du nachrist. Cette théorie veut qu'un retard dans la transmission puisse être excusée, cela permet de rattraper une acceptation qui pourrait être considérée comme tardive. Mais il faut tout de même que l'autre partie en soit informée dans un délai raisonnable. L'acceptation elle même va prendre effet à sa réception par l'offrant et c'est donc à ce moment là que le contrat sera formé.

Une difficulté peut cependant se présenter lorsque les termes de l'acceptation ne sont pas identiques à ceux de l'offre, c'est à dire qu'il n'y a pas une adéquation totale entre les termes de l'offre initiale et ceux de l'acceptation. Dans ce cas là on peut se demander si le contrat est véritablement formé. En supposant qu'il le soit on peut se trouver en présence d'un conflit entre des clauses secondaires du contrat. C'est notamment le cas lorsque les parties ont échangé leurs conditions contractuelles générales.

La Convention de Vienne envisage cela son article 19 : une réponse positive, mais qui contient des modifications constitue un rejet de l'offre et forme une contre-offre. Mais la Convention poursuit, la réponse qui contient seulement des éléments complémentaires ou différents n'altérant pas substantiellement les termes de l'offre, constitue une acceptation. Ceci introduit donc une nuance et il faut apprécier si, dans la réponse, les différences introduites altèrent substantiellement ou non les termes de l'offre.

Le problème c'est que l'alinéa suivant précise ce qu'il faut entendre par ''altération substantielle''. Ce paragraphe considère que constituent une altération substantielle les modifications relatives au prix, au paiement, à la quantité et la qualité des marchandises, au lieu et au moment de la livraison, à l'étendue de la responsabilité et même au règlement des différends. Finalement on en arrive à se demander ce qui pourrait ne pas altérer substantiellement les termes de l'offre.

En France une solution astucieuse dégagée par la Cour de cassation consiste à dire qu'une clause contradictoire dans les conditions générale n'empêche pas de former le contrat mais les clauses contradictoires s'annulent. Le droit anglais consacre la théorie du last shot, le

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dernier qui a communiqué ses conditions sans que l'autre réagisse impose ses conditions à l'autre.

§2 – La forme et la preuve

A. La forme

L'article 11 de la Convention consacre le principe du consensualisme. Ainsi le contrat ne nécessite ni un écrit ni quelque autre condition de forme, il existe dès l'échange des consentements. Mais il y a une faculté de réserve prévue à l'article 96. L'article 12 tend à la rendre effective en écartant l'application des dispositions autorisant une forme autre que l'écrit dès lors qu'une des parties est établie dans un État ayant effectué cette réserve. Cette réserve a été faite par un certain nombre d'États attaché au formalisme, notamment la Russie ou l'Argentine. Ceci veut dire que chaque fois qu'une partie est établie dans un de ces pays, il n'est pas possible d'appliquer des dispositions qui seraient un peu plus laxiste. Ainsi, l'article 12 est le seul qui a un caractère impératif. Aussi, l'écrit est souvent utilisé, y compris de nos jours sous forme électronique, il présente une sécurité juridique qui est tout à fait appréciable.

B. La preuve du contrat

Le contrat de vente peut être prouvé par tous moyens y compris par témoin. C'est ce que nous dit l'article 11 in fine.

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Sous-section 3 – Les effets de la vente

Ce sont les clauses du contrat qui déterminent au premier chef les obligations des parties, ainsi que les usages. Les dispositions de la Convention s'appliquent mais toujours à titre supplétif.

§1 – Les obligations du vendeur

L'article 30 de la Convention énonce l'obligation pour le vendeur de transférer la propriété et de livrer les marchandises et les documents qui s'y rapportent.

On a vu que le transfert de propriété n'est pas couvert par un droit uniforme, néanmoins il y a là une allusion au transfert de propriété qui apparaît comme objet d'une obligation du vendeur. Il fallait l'envisager car l'opération qu'est la vente de marchandise perdrait toute son utilité si on affirmait pas que le vendeur doit transférer la propriété à l'acheteur.

L'obligation de livraison des marchandises est distincte de l'obligation de conformité des marchandises

A. La livraison

La livraison porte sur les marchandises ainsi que les documents. Dans les ventes internationales, il existe de nombreux documents qui jouent un rôle très important tels que les certificats d'origine, de conformité, les documents douaniers, de transport, d'assurance, etc. Ces documents sont si importants qu'ils entrent dans le champ de l'obligation de livraison. La Convention prévoit beaucoup de détails en ce qui concerne le lieu et le moment de la livraison. Le principe est que pour une vente impliquant un transport, la livraison résulte de la remise au premier transporteur pour transmission à l'acheteur, c'est l'article 31 qui l'indique. Le tout sous réserve du contrat et notamment sous réserve du choix d'un incoterm. Dans les autres cas, les marchandises sont livrées lorsqu'elles sont mises à la disposition de l'acheteur dans l'établissement du vendeur, sauf stipulations contraires.

La Convention de Vienne lie la livraison et le transfert des risques, en France, c'est le transfert de propriété qui est lié au transfert des risques. L'article 66 rappelle les effets de ce transfert en précisant que la perte ou la détérioration de la marchandise qui a lieu après la livraison ne libère pas l'acheteur de son obligation de payer le prix. Les articles 67 et suivants distinguent ensuite en fonction des modalités de la livraison et ils rappellent la nécessité de l'individualisation des marchandises.

Enfin, par exception à ce système, lorsque le vendeur commet une contravention essentielle au contrat, l'article 70 annule les effets du transfert des risques, ce qui indique la possibilité, pour l'acheteur, d'exercer ses différents droits. En règle générale, les dispositions de la Convention sont en fait écartées par ce que les parties ont recours à un incoterm qui règle ces questions.

B. La conformité et les garanties

La Convention de Vienne envisage la conformité proprement dite et ce qu'on peut appeler la disponibilité juridique des marchandises. Cette expression vise les troubles qui peuvent résulter, pour l'acheteur, d'une éviction par un tiers ou d'une prétention fondée sur un droit de propriété intellectuel.

1°/ L'obligation de conformité

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C'est un point crucial par ce qu'on se rend compte que l'essentiel du contentieux porte sur cette question. Au passage on remarquera qu'il y a une notion unique de conformité dans la convention et non pas une distinction entre défaut de conformité et vice caché.

a) Définition et caractères du défaut de conformité

Le défaut de conformité est visé à l'article 35 de la Convention, il en ressort que le défaut est celui qui affecte les marchandises, y compris le conditionnement ou l'emballage. Ce défaut de conformité s'apprécie d'abord subjectivement, par rapport aux spécifications des parties, c'est à dire aux clauses du contrats ou aux usages auxquels les parties ont pu se référer.

Le défaut de conformité s'apprécie aussi de façon objective, c'est à dire par rapport aux usages auxquels serviraient habituellement des marchandises du même type. On se réfère ici à l'usage normal, raisonnablement prévisible. Par exemple pour des produits alimentaires, il faut que ces produits soient propres à la consommation. De façon générale, cette référence à l'idée d'usage normal signifie que les marchandises doivent être propres à la revente. On rencontre souvent une expression dans les contrats types qui se réfère à la ''qualité saine, loyale et marchande''.

Souvent les marchandises font l'objet d'une réglementation, c'est à dire qu'il existe des normes techniques auxquelles les marchandises doivent répondre. On peut se poser la question de savoir à quelle norme le vendeur a pu se référer. En principe il n'a à se référer qu'aux normes en vigueur dans son propre pays. Mais quand l'acheteur lui a communiqué d'autres normes, celles en vigueur dans son pays, il incombe alors au vendeur de les respecter et de s'adapter le cas échéant.

Le défaut de conformité doit présenter certains caractères, ces caractères rappellent ceux du vice caché. D'abord le vendeur n'est pas responsable du défaut que l'acheteur connaissait ou ne pouvait ignorer lors de la conclusion du contrat (art 35 § 3). Cela évoque le caractère caché du vice.

Ensuite, la responsabilité porte sur tout défaut qui existe au moment du transfert des risques à l'acheteur même s'il n'apparait qu'ultérieurement (36 § 1). Cela évoque le caractère d'antériorité du défaut. Il y a toutefois une exception au § 2 au cas où le défaut résulte de la violation d'une obligation accessoire à la livraison. Par exemple, le vendeur a mal organisé le transport des marchandises.

Tout ceci sous réserve des clauses du contrat qui peut définir l'obligation de conformité de façon particulière.

Reste la question de la preuve du défaut, question qui n'est pas traitée dans la Convention. Sur cette question il y a un consensus doctrinal et jurisprudentiel, la preuve du défaut incombe normalement à l'acheteur. Il y a notamment en ce sens un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 24 septembre 2003. Le principe à la base de cette décision est actori incumbit probatio.

b) Conséquences du défaut de conformité

Il faut d'abord signaler que la Convention de Vienne cherche à préserver le contrat. Dans ce but, il est notamment prévu que si les marchandises ont été livrées par anticipation, le vendeur a le droit de livrer des marchandises nouvelles ou complémentaires, ou de réparer les défauts pour la date prévue au contrat (art 37).

Quand cela n'est pas possible, la Convention règle les conditions de mise en œuvre de la garantie de conformité. L'acheteur doit respecter plusieurs obligations. La Convention de Vienne est en fait assez sévère à l'égard de l'acheteur. Tout d'abord, il doit examiner la marchandise dans un délai aussi bref que possible compte tenu des circonstances (art 38). Ensuite, l'acheteur doit dénoncer le défaut en précisant sa nature dans un délai raisonnable à partir du moment où il l'a constaté ou aurait du le constater. Cette référence à un délai raisonnable a posé problème dans son application concrète. Il semble qu'il faille tenir compte

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du fait que les marchandises sont périssables ou ne le sont pas. Pour des marchandises périssables, le délai sera très court, quelques jours. Si les marchandises ne sont pas périssables, le délai sera plus long. Il y a un délai d'une durée d'un mois qui a été retenu par un assez grand nombre de décisions. Ce délai est venu de la jurisprudence allemande, mais ce n'est pas une règle, seulement un délai moyen.

En France, la Cour de cassation s'en remet à l'appréciation des juges du fond. Ceci est particulièrement important par ce que la sanction encourue par l'acheteur est la déchéance de ses droits. Ce qui semble c'est qu'au vu de la pratique judiciaire on globalise les deux délais évoqués. Ce sont ces deux délais ensembles qui forment le délai à prendre en considération par le juge.

C'est d'autant plus sévère qu'il y a un autre délai fixé par la Convention à l'article 39 § 2. C'est un délai de forclusion qui est de deux ans après la remise effective de la marchandise. Au delà, s'il n'y a pas de garantie conventionnelle, l'acheteur ne peut pas engager la responsabilité du vendeur. Ce n'est pas un délai de prescription de l'action. Ceci a été admit en jurisprudence et en particulier par la Cour de cassation dans un arrêt du 3 février 2009. Le délai de prescription relève lui des droits nationaux. Cette question peut nécessiter des adaptation dans le contrat. Pour des biens d'équipement par exemple il est souhaitable de prévoir une garantie contractuelle qui pourrait dépasser les deux ans. Inversement, on pourrait aussi envisager une garantie contractuelle plus courte voire, à l'extrême limite, une clause de non garantie. Il faut néanmoins faire attention à la validité d'une telle clause.

Par ailleurs, la sévérité de la Convention à l'égard de l'acheteur est atténuée par la possibilité pour lui d'invoquer une ''excuse raisonnable'' pour n'avoir pas dénoncé le défaut dans le délai requis. C'est une règle qui fait partie de l'esprit de compromis de la Convention (art 44). Cette excuse peut notamment être tirée du fait que l'acheteur ne dispose pas de compétences techniques suffisantes pour apprécier de façon rapide l'existence d'un défaut de conformité. Si l'excuse raisonnable est admise, l'acheteur peut exercer son droit de réduire le prix ou de demander des dommages et intérêts pour la perte subie à l'exclusion du gain manqué. Enfin, l'ensemble des délais est écarté si le défaut était connu du vendeur ou s'il n'avait pu l'ignorer (art 40). On retrouve ici l'idée de mauvaise foi du vendeur. On a pu aussi retenir pour le vendeur la méconnaissance de son obligation de contrôler le produit fini.

Les tempéraments de l'article 40 et de l'article 44 se retrouvent à propos de la disponibilité juridique.

2°/ La disponibilité juridique

Il s'agit pour le vendeur d'assurer l'utilité du transfert de propriété. La Convention sanctionne donc les divers troubles qui pourraient affecter l'ensemble des prérogatives de propriétaires de l'acquéreur. À ce titre nous avons d'abord l'article 41 selon lequel le vendeur doit livrer les marchandises libres de tout droits ou prétentions d'un tiers. C'est ce que l'on appelle la garantie d'éviction qui vise par exemple l'action en revendication exercée par un tiers.

Il y a aussi une autre forme, plus originale, qui consiste en une garantie contre les réclamations fondées sur les droits de propriété intellectuelle. La difficulté c'est qu'on ne peut pas demander au vendeur de connaître tous les droits de propriété intellectuelle qui pourraient affecter la circulation des marchandises.

Il y a deux limites fixées par un soucis de prévisibilité pour le vendeur. Au plan géographique, l'obligation ne s'étend qu'aux droits protégés par la loi du ou des pays où les marchandises doivent être utilisées ou revendues si ces pays ont été envisagés par les parties au moment du contrat. À défaut elle ne couvre que les droits protégés par la loi de l'État où l'acheteur est établi.

D'autre part sont visés les droits ou prétentieux fondés sur la propriété intellectuelle que le vendeur connaissait ou ne pouvait ignorer au moment de la conclusion du contrat. Cette deuxième limite provient du fait que le régime de propriété intellectuelle n'est pas uniforme, certains faisant l'objet de publicité.

Par ailleurs, l'obligation du vendeur peut être écartée une fois encore par l'effet d'une

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stipulation expresse ou, selon l'article 42 § 2, si l'acheteur connaissait ou ne pouvait ignorer l'existence du droit ou de la prétention ou encore si le trouble résulte du fait que le vendeur s'est conformé aux spécifications de l'acheteur.

§2 – Les obligations de l'acheteur

Selon l'article 53, l'acheteur s'oblige, dans les conditions prévues au contrat et par la Convention, à payer le prix et à prendre livraison des marchandises.

A. L'obligation de prendre livraison

Cette obligation est liée aux circonstances de l'obligation de livraison du vendeur lui même. Il faut rappeler à cet égard l'importance des clauses du contrat et du choix d'un incoterm. La Convention reconnaît à l'acheteur le droit de refuser les marchandises si un défaut de conformité est constaté. Mais il doit alors prendre des mesures raisonnables pour en assurer la conservation (art 86). Même s'il y a défaut de conformité, l'acheteur, qui peut refuser les marchandises, doit néanmoins se préoccuper de leur conservation, on retrouve ici l'idée de coopération entre les parties mais en même temps il y a l'idée d'efficacité économique.

B. Le paiement du prix

L'article 54 de la Convention prévoit cette obligation de payer le prix qui comprend celle de prendre les mesures et d'accomplir les formalités destinées à permettre le paiement du prix, qui sont prévues au contrat ou par les lois et règlements. Parfois certaines autorisations sont requises et l'acheteur doit donc assumer à cet égard des obligations qui s'analysent comme des obligations de moyen. En revanche, si le contrat prévoit l'ouverture d'un crédit documentaire pour le paiement du prix, c'est une obligation de résultat.

1°/ La détermination du prix

L'article 14 nous disait que le prix doit être déterminé et déterminable et la question de la validité du contrat relève des droits nationaux. L'article 55 de la Convention nous dit que « si la vente a pu être valablement conclue sans que le prix ait été fixé, expressément ou explicitement, par une disposition permettant de le déterminer, les parties sont réputées, sauf indications contraires, s'être tacitement référées au prix habituellement pratiqué, au moment de la conclusion du contrat, dans la branche commerciale considérée, pour les mêmes marchandises vendues dans des circonstances comparables. »

C'est en fait une référence au prix du marché qui résulte de cet article. De ce fait, la Convention de Vienne rejoint les principes Unidroit ainsi que les principes européens du droit des contrats. Mais la réserve au début est importante, il faut supposer que la lex contractus valide le contrat conclu sans prix déterminé. Il faut préciser également le rôle du juge ou de l'arbitre à cet égard. Celui-ci n'a pas à fixer le prix des marchandises en fonction d'une cotation ou du marché, il ne peut que le constater.

En ce qui concerne la contradiction avec l'article 14, cela traduit les difficultés des négociateurs de la Convention pour s'accorder sur la détermination du prix.

Par ailleurs, la Convention de Vienne n'a pas prévu de possibilité de variation ou d'évolution du prix. Ceci veut dire que de prime abord on ne peut modifier le prix selon la Convention. Il appartient donc aux parties de prévoir dans leur contrat des clauses qui permettent cette révision. Une est intéressante à signaler, la clause d'offre concurrente qu'on appelle aussi clause anglaise. Une partie, généralement l'acheteur, peut faire valoir auprès de l'autre l'offre plus favorable d'un tiers sur l'objet du contrat en cours. Si le co-contractant accepte de s'aligner sur cette offre concurrente, le contrat continue aux nouvelles conditions. À

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défaut, l'acheteur va pouvoir conclure avec le tiers et le contrat conclut avec le vendeur initial sera suspendu ou résilié. C'est une clause que l'on rencontre fréquemment dans les contrats d'approvisionnement.

2°/ L'exécution du paiement

La Convention de Vienne organise l'exécution trait pour trait des obligations des parties. Le lieu du paiement est déterminé de la façon suivante : si les parties n'en ont pas décidé autrement, le paiement est fait à l'établissement du vendeur et, s'il doit être fait contre remise des marchandises ou des documents, il a lieu au lieu de cette remise (art 57). On observera que la Convention prévoit que le paiement est portable alors qu'en droit français il est en principe quérable. Quant au moment du paiement, la Convention met en œuvre l'exception d'inexécution, c'est ainsi que, lorsqu'aucun transport n'est prévu, le paiement est fait au moment de la mise à disposition des marchandises par le vendeur qui peut les retenir jusqu'à complet paiement. En cas de transport des marchandises, le vendeur va se dessaisir, mais il peut faire l'expédition sous condition que les marchandises, ou les documents, ne seront remis à l'acheteur que contre paiement. Il peut donc ainsi les retenir de façon indirecte.

Il faut ajouter à cela que l'exigibilité du prix n'est subordonnée à aucune formalité et notamment à aucune mise en demeure. En cas de retard dans le paiement, le vendeur peut impartir à l'acheteur un délai supplémentaire de durée raisonnable (art 63 § 1). Mais le vendeur peut alors réclamer des intérêts moratoires (art 78). Si le défaut de paiement persiste on est en présence d'une véritable inexécution.

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Sous-section 4 – L'inexécution et les remedies

§1 – Les remedies

La Convention se présente non pas sous la forme d'une série de dispositions qui vise l'inexécution par l'une des parties au contrat mais fait État des différents moyens à propos du vendeur et de l'acheteur. Une idée de proportionnalité est très présente et à cet effet, la pièce maitresse de la Convention, réside dans la notion de ''contravention essentielle au contrat''.

A. La contravention essentielle et ses conséquences

Premièrement, la notion de contravention essentielle est définie à l'article 25 de la Convention comme celle qui cause à l'autre partie un préjudice tel qu'elle la prive substantiellement de ce qu'elle était en droit d'attendre du contrat à moins que la partie en défaut n'ait pas prévu un tel résultat et qu'une personne raisonnable, de même qualité, placée dans la même situation, ne l'aurait pas prévu non plus. Cet article est important par ce qu'on est en présence d'une notion clef. C'est une notion qui provient de la common law, ce qu'on appelle le fondamental breach.

D'abord, la contravention telle qu'elle prive l'autre partie, substantiellement, de ce qu'elle était en droit d'attendre du contrat. Le deuxième élément est la prévisibilité, à la fois subjective et objective de ce préjudice pour le débiteur de l'obligation. Mais, l'existence d'une contravention essentielle est d'abord appréciée par le créancier lui même. C'est lui qui va qualifier le premier le manquement et décider de recourir aux sanctions les plus graves, notamment la résolution du contrat.

On peut donner quelques exemples de contraventions essentielles, comme le défaut de paiement du prix par l'acheteur ou le défaut de livraison de la marchandise par le vendeur. Il y a un cas plus difficile, celui du défaut de conformité. Il faut en effet nuancer, par exemple il a été jugé que la qualité inférieure du charbon livré n'était pas une contravention essentielle si la différence n'était pas significative. L'idée est que si le défaut de conformité n'empêche pas de commercialiser la marchandise, il n'y a pas de contravention essentielle.

La contravention peut être consommée, un défaut de livraison par exemple, mais il peut s'agir d'une inexécution qui devient essentielle en raison d'une persistance du manquement du débiteur, par exemple lorsque le vendeur a bénéficié d'un délai supplémentaire au terme duquel il ne s'est toujours pas exécuté. La contravention essentielle peut, inversement, intervenir de manière anticipée (art 72) « si, avant la date d'exécution, il est manifeste qu'une partie commettra une contravention essentielle, l'autre partie peut déclarer le contrat résolu. »

2°/ Conséquences de la contravention

Cela permet de recourir aux moyens les plus graves. La contravention essentielle permet, tout d'abord, la résolution du contrat. Dans la Convention de Vienne, la résolution est extra-judiciaire, c'est le droit pour une partie de déclarer le contrat résolu. Le créancier doit simplement notifier au débiteur la résolution dans un délai raisonnable (art 26). C'est à partir de là que l'autre partie peut contester l'existence notamment d'une contravention essentielle et le juge ou l'arbitre contrôlera l'existence de cette contravention mais il ne pourra en aucun cas accorder de délai de grâce. La résolution, comme en droit français, va entrainer des restitutions. Celles-ci doivent être normalement concomitantes.

À coté de la résolution du contrat, un autre moyen subordonné à l'existence de contravention essentielle, est le recours à l'exécution en nature. Il est admis en droit français mais il ne l'est pas dans la common law. Dans la Convention de Vienne, c'est un remède approprié dans la mesure où c'est l'exécution du contrat lui même qui est ainsi rendue possible. De prime abord, il ne devrait pas être nécessaire que l'on soit en présence d'une contravention essentielle. Toutefois, dans certains cas, l'exécution en nature peut s'avérer très onéreuse, c'est le cas lorsqu'un défaut de conformité est constaté et que l'acheteur exige le

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remplacement des marchandises.Le remplacement des marchandises ne peut être demandé que si le défaut de

conformité constitue une contravention essentielle (art 46 § 2). Dans le cas contraire, ce sont les autres moyens qui pourront être utilisés.

B. Les autres moyens

Certains remedies concernent seulement l'acheteur, c'est le cas du droit, pour celui-ci, de réduire le prix proportionnellement à la différence entre la valeur des marchandises livrées et celle qu'auraient eu des marchandises conformes. C'est une sorte de réfaction du contrat. L'acheteur peut demander la réparation des défaut de conformité.

C'est une autre forme d'exécution en nature. Cela suppose par exemple l'intervention d'un technicien pour exécuter des travaux sur les biens livrés. Ce principe peut être mis en œuvre quelle que soit la qualification de la contravention mais il ne faut pas que ce moyen paraissent déraisonnable compte tenu des circonstances. On voit réapparaitre ici des considérations d'ordre économiques.

D'autres moyens enfin peuvent être utilisés par les deux parties. Le premier est l'exception d'inexécution. Autre moyen souvent utilisé, la demande de dommages et intérêts. Il y a à cet égard la possibilité de demander des intérêts moratoires en cas de retard dans le paiement d'une somme d'argent. Ils sont dus dès l'arrivée du terme et sans qu'une mise en demeure soit nécessaire. La Convention de Vienne contient une lacune quant au taux d'intérêt.

À coté, il y a les dommages et intérêts compensatoires. Ils peuvent toujours se cumuler avec les autres moyens et notamment avec la résolution. Les dommages et intérêts couvrent la perte subie et le gain manqué mais dans la mesure de ce qui était raisonnablement prévisible. Particularité à signaler, en droit du commerce international, le dommage moral n'est pas, en principe, réparable. Une règle particulière à la Convention de Vienne est l'article 75 qui prévoit la possibilité de dommages et intérêts lorsqu'un contrat de remplacement a été conclu à la suite de la résolution. Le créancier peut demander le remboursement de la différence entre le prix contractuel et celui du contrat de remplacement.

Enfin, il faut signaler l'article 77 qui met en œuvre une règle qui vient du droit anglais et qui a été adoptée à la lex mercatoria. C'est l'obligation de minimiser le dommage, mitigation of damages. Le créancier doit prendre des mesures raisonnables pour limiter la perte et le gain manqué résultant de la contravention. S'il ne le fait pas, le débiteur peut demander une réduction des dommages et intérêts égale au préjudice qui pouvait être évité. C'est une règle fondée sur la notion de bonne foi, on y retrouve l'idée de coopération entre les parties. Il ne faut pas que le créancier profite de la situation pour que son préjudice augmente et qu'il puisse demander la compensation de ce préjudice par des dommages et intérêts plus élevés. Repris dans Unidroit 7.4.8.

§2 – Les clauses exonératoires

A. Les causes

C'est l'article 79 de la Convention qui prévoit dans son paragraphe premier l'exonération du débiteur en cas d'empêchement indépendant de sa volonté (beyond his control), c'est à dire un évènement revêtu du caractère de la force majeure, indépendant de sa volonté, imprévisibilité et irrésistibilité. La partie défaillante doit prouver qu'on ne pouvait raisonnablement attendre d'elle qu'elle le prenne en considération au moment de la conclusion du contrat et qu'elle le prévienne ou le surmonte ou qu'elle en prévienne ou surmonte les conséquences. Ce sera un événement naturel par exemple, tempête, tremblement de terre, ou encore un événement politique, guerre, révolution, mesure d'embargo.

Il s'agit d'une notion propre à la Convention de Vienne qu'il faut interpréter de façon

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assez large. Est-ce-à dire que cet empêchement permette de prendre en compte la théorie de l'imprévision ? C'est une vrai difficulté par ce que la Convention de Vienne n'a pas consacré la notion de hardship comme l'ont fait par exemple les principes d'Unidroit.

On peut alors considérer que l'évènement imprévu, qui bouleverse l'équilibre contractuel sans empêcher véritablement l'exécution, n'est pas couvert par l'article 79. On peut donc faire la distinction entre les deux et c'est la position de la Cour de cassation telle qu'elle résulte d'un arrêt de la première chambre civile du 30 juin 2004. D'autres décisions en revanche, à l'étranger, ont interprété cet article 79 comme englobant les cas où l'exécution, sans être devenue impossible, est devenue si onéreuse qu'on ne peut pas raisonnablement l'exiger du débiteur. On a notamment un arrêt de la Cour de cassation de Belgique rendu le 19 juin 2009, un changement de circonstances non raisonnablement prévisible qui est de nature à augmenter de manière certaine le poids de l'exécution de manière disproportionnée peut constituer un empêchement au regard de l'article 79 (recueil Dalloz 2010 n°15 p932).

Dans le § 2 de ce même article 79 est visé le fait du tiers chargé de l'exécution totale ou partielle du contrat. Ce qui est par exemple le cas d'un sous-traitant ou d'un transporteur. Mais le fait du tiers n'est exonératoire qu'à de strictes conditions. Il doit revêtir les mêmes caractères d'imprévisibilité et d'irrésistibilité à la fois à l'égard du débiteur et à l'égard de ce tiers.

Enfin il y a, à l'article 80 de la Convention de Vienne, une clause exonératoire qui réside dans le fait du créancier. Une partie, nous dit cet article, ne peut se prévaloir d'une inexécution par l'autre partie dans la mesure où cette inexécution est due à un acte ou à une omission de sa part. On peut voir ici une application du principe de bonne foi. Mais il se peut que le fait du créancier ne joue qu'un rôle partiel dans l'inexécution et il faudra alors appliquer le principe de proportionnalité.

B. Les conséquences

L'évènement qui empêche l'exécution doit d'abord être notifié par le débiteur au créancier (§4 art 79), ce qui est conforme à la pratique des contrats internationaux. Le débiteur doit indiquer les effets de l'évènement sur sa capacité d'exécuter le contrat. Si cette information ne parvient pas au créancier dans un délai raisonnable, des dommages et intérêts peuvent être dus.

Selon le § 3, l'exonération produit son effet pendant la durée de l'empêchement. Mais, selon le § 5, elle n'interdit pas le recours à des moyens autres que les dommages et intérêts. Par conséquent le créancier peut demander l'exécution dès que l'empêchement a cessé. Il peut demander éventuellement la réduction du prix et, le cas échéant, il peut résoudre le contrat.

Tout cela joue sous réserve des clauses du contrat. Mais, en cas de contestation, la validité de ces clauses sera appréciée en vertu de la lex contractus.

Assez souvent, l'inexécution d'une vente pour une cause quelconque n'a pas d'effet sur l'obligation pour l'acheteur de payer le prix. C'est ce que permet en effet la technique du crédit documentaire. Technique souvent utilisée dans le commerce international et qui fait partie des techniques de sécurisation du CI.

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TITRE 2 – LA SÉCURISATION DES OPÉRATIONS DU COMMERCE INTERNATIONAL

Les parties, dans le commerce international, ont besoin de sécuriser leurs engagements. Le vendeur veut s'assurer du paiement du prix, l'acheteur, lui, veut s'assurer que le vendeur livrera, dans le délai prévu, une marchandise conforme au contrat. Il y a une autre préoccupation constante des opérateurs qu'est le financement de l'opération. Pour le vendeur il s'agira notamment de pré-financer la fabrication. Pour l'acheteur ce sera le financement du paiement du prix. Il existe de nombreuses techniques qui répondent à ce besoin de financement : le crédit-acheteur international très utilisé en pratique pour le financement des exportations. Il y a aussi des techniques qui correspondent à des opérations triangulaires comme le crédit-bail international et l'affacturage international. Ces deux techniques ont fait l'objet de conventions, dite Conventions d'Ottawa du 28 mai 1988 qui sont en vigueur en France depuis le 1er mai 1995.

Il y a aussi des techniques qui font le lien entre la sécurité et le financement des opérations, c'est le cas par exemple des crédits-documentaires. Il existe par ailleurs des techniques diverses qui répondent au besoin de garantie. On trouve là des techniques classiques du type sûreté réelle, cautionnement, mais il existe une technique plus spécifique, née dans le cadre du commerce international avant de s'étendre dans d'autre cadre, celle des garanties autonomes.

Chapitre 1 – Le crédit-documentaire

Le crédit-documentaire répond à la fois au soucis du vendeur d'être payé comptant et à celui de l'acheteur d'obtenir des facilités de crédit. Il s'analyse juridiquement comme un crédit par signature, c'est à dire une sorte d'engagement contracté au profit d'un tiers. Au centre de cette opération il y a les documents. Cela va donner lieu à l'émission de divers documents : facture commerciale, documents de transport, d'assurance, documents douaniers et aussi des certificats divers. Ces divers documents peuvent attester de la bonne exécution du marché, du moins ils constituent une forte présomption à cet égard. Ils permettent d'établir un lien entre l'exécution des obligations des parties.

Section 1 – Présentation

Le crédit-documentaire a été entièrement créé par la pratique et il a été qualifié en doctrine de « plus belle réussite du commerce international en matière de mécanisme bancaire ». Le contrat de vente prévoit l'intervention du banquier de l'acheteur pour payer le prix ou pour accepter une traite. Il y a le plus souvent un engagement personnel du banquier à l'égard du vendeur. L'on parle alors de crédit irrévocable. C'est une garantie de paiement qui est très forte pour l'exportateur. Lorsqu'il n'y a pas d'engagement personnel du banquier on parle de crédit révocable. C'est alors une simple mise à disposition des fonds conformément aux ordres de l'acheteur.

Il faut prendre garde ici au vocabulaire utilisé, dès lors qu'une telle opération est mise en place on ne parle plus d'acheteur mais de donneur d'ordre ni de vendeur mais de bénéficiaire. Fréquemment, il y a deux banques qui interviennent, une seule à l'origine mais la pratique a montré que des situations frauduleuses pouvaient se présenter. Pour sécuriser d'avantage le système on a imaginé l'intervention de plusieurs banques, d'abord celle du donneur d'ordre que l'on appelle la banque émettrice ou apéritrice et la banque du pays du bénéficiaire qui est la banque notificatrice ou banque intermédiaire.

En ce qui concerne la définition, certaines ont été donnée par la doctrine, mais on va retenir celle donnée par les règles et usances de la chambre du commerce international. Elles qualifient de crédit-documentaire tout arrangement, quelle qu'en soit la dénomination ou

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description, en vertu duquel une banque, la banque émettrice, agissant à la demande et sur instruction d'un client, le donneur d'ordre : I est tenu d'effectuer un paiement à un tiers, le bénéficiaire, ou à son ordre ou, II autorise une autre banque à effectuer le paiement ou, III autorise une autre banque à négocier. Le tout contre remise des documents stipulés pour autant que les termes et conditions du crédit soient respectés.

Schématiquement, le donneur d'ordre demande l'ouverture d'un crédit-documentaire à sa banque (la banque émettrice) qui va ouvrir un crédit-documentaire chez son correspondant étranger, c'est à dire la banque intermédiaire ou banque notificatrice. Cette dernière va notifier au bénéficiaire une lettre de crédit. Une fois qu'on en est arrivé là l'opération est mise en place, les accords sont noués.

La phase qui suit est celle d'exécution du crédit documentaire. Tout commence par le fait que le vendeur exécute ses obligations issues du contrat de vente. Il va, à cet effet, remettre les marchandises à un transporteur, lequel, en échange, va lui remettre un document de transport. Ensuite, le bénéficiaire va remettre les documents à la banque notificatrice ou intermédiaire. En échange de cette remise des documents, le banquier va payer le bénéficiaire. Ensuite, les opérations vont se répercuter vers l'amont. La banque intermédiaire va remettre les documents à la banque émettrice et se faire rembourser par elle puis la banque émettrice va remettre les documents au donneur d'ordre et se faire rembourser.

On voit ainsi toute l'ingéniosité de ce mécanisme, le vendeur a la garantie d'être payé au moment de la remise des marchandises au transporteur et l'acheteur lui a l'assurance que son compte ne sera débité qu'au moment où les marchandises auront été remises au transporteur, il y a donc ainsi une présomption que le contrat est en voie d'exécution.

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Section 2 – Les règles applicables

Il s'agit d'une opération qui a été inventée par la pratique au lendemain de la Première Guerre Mondiale. Il n'y avait donc pas de réglementation et les législateurs nationaux sont très peu intervenus en la matière. En revanche, la CCI a élaboré des règles et usances uniformes codifiant la pratique en 1933 mais qui ont été remaniés à plusieurs reprises. À l'heure actuelle on a une dernière version de 2006 qui est entrée en vigueur le premier juillet 2007.

Les règles et usances uniformes ont en principe valeur contractuelle, ce qui veut dire que les parties doivent s'y référer dans leur contrat. Mais la chambre de commerce international a voulu très tôt obtenir l'adhésion des banques des différents pays.

Ce phénomène a permis à la jurisprudence d'affirmer la valeur normative des règles et usances. On cite souvent un jugement du tribunal de commerce de Paris du 8 mars 1976 : « les règles et usances uniformes ne sauraient avoir le même caractère obligatoire que la loi mais elle constate des usages dont il est bien établi que, en matière commerciale surtout, ils constituent une source du droit, à tel point qu'ils s'appliquent en l'absence de toute référence expresse des parties dès lors, du moins, qu'elles n'en ont pas écarté l'application sur tel ou tel point. » Cette analyse a justement été confirmée par la Cour de cassation dans les années 80.

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Section 3 – Déroulement de l'opération

§1 – Le contrat de base

C'est en principe un contrat de vente, de façon plus générale un contrat commercial et ce contrat prévoit l'obligation pour l'acheteur d'obtenir l'engagement de son banquier pour le paiement du prix contre la remise des documents énumérés. Ce contrat de base précise la nature du crédit documentaire, c'est à dire s'il est révocable ou irrévocable. Il précise aussi le montant et la durée du crédit, l'identification de la banque et surtout les documents qu'il faudra présenter. Cette obligation d'obtenir un crédit documentaire constitue une obligation essentielle du contrat de base. C'est une obligation de résultat.

S'il y a crédit-documentaire, cela n'empêche pas que l'acheteur soit tenu de payer lui même le prix, simplement l'engagement du banquier se superposera au sien.

§2 – L'ouverture du crédit

Cette phase implique deux rapports juridiques, l'un entre l'acheteur donneur d'ordre et son banquier, l'autre entre le banquier et le bénéficiaire. Il faudra aussi apporter des précisions sur le rôle que peut jouer la banque intermédiaire.

A. L'accord donneur d'ordre / banquier

L'acheteur donneur d'ordre va demander à son banquier, conformément au contrat de base, de souscrire une double promesse, une promesse au profit du bénéficiaire qui est celle de consentir une promesse du crédit par signature. Ainsi, le banquier s'obligera à payer après vérification des documents. L'autre promesse est souscrite envers le donneur d'ordre lui même, c'est celle de lui prêter son concours ou de lui ouvrir un crédit.

En contrepartie, le donneur d'ordre contracte plusieurs obligations, il s'agit de l'obligation de lever les document, de celle de rembourser le banquier, de lui payer certaines commissions ainsi que des intérêts s'il y a avance de fonds. Le banquier peut également exiger la fourniture de garanties. Il faut signaler à ce sujet qu'il existe un usage selon lequel la banque bénéficie d'un droit de gage lorsqu'elle détient un document représentatif des marchandises.

B. Rapports entre banque et bénéficiaire

Ces rapports sont consignés dans un document que l'on appelle la lettre de crédit ou l'accréditif. C'est ce document qui définit les obligations du banquier à l'égard du bénéficiaire. Il faut faire ici une distinction selon que le crédit soit révocable ou irrévocable.

Si le crédit-documentaire est révocable, il peut être annulé ou amendé par le banquier à tout moment et sans avertissement préalable du bénéficiaire. C'est dire que dans cette formule la situation du bénéficiaire est précaire puisqu'il n'y a pas d'engagement contractuel de la part du banquier. Du coup cette formule du crédit révocable est devenue de plus en plus rare dans la pratique et depuis la version de 1993, les règles et usances de la chambre de commerce internationale s'en désintéressent. La dernière version de 2007 ne régit plus que les crédits irrévocables.

Lorsque le crédit-documentaire est irrévocable, il y a une relation contractuelle puisqu'il existe un engagement ferme du banquier envers le bénéficiaire. Il n'y a plus de moyens pour le banquier de modifier le crédit. Il y a ici un point essentiel du point de vue juridique, les droits du bénéficiaires naissent de l'accréditif et de lui seul.

C'est le principe de la double autonomie du crédit-documentaire. D'une part il est indépendant de la relation entre le banquier et le donneur d'ordre, peu importe donc que ce

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dernier tombe en faillite, révoque le crédit ou qu'il décède. D'autre part, il est indépendant aussi des relations nées du contrat de base. Il importe peu que le contrat de base soit annulé ou résolu ou qu'il y ait une exécution défectueuse. C'est la règle de l'inopposabilité des exceptions tirée du contrat de base. La seule limite à la rigueur à l'engagement du banquier réside dans la notion de fraude.

C. Le rôle de la banque intermédiaire

La banque intermédiaire peut jouer un rôle variable. A minima elle peut avoir pour mission de transmettre l'accréditif au bénéficiaire après avoir vérifié son authenticité. La banque intermédiaire intervient comme mandataire de la banque émettrice mais ce mandat ne porte que sur la transmission de l'accréditif.

Toujours comme un mandataire, la banque intermédiaire peut être chargée de réaliser le crédit. C'est déjà plus puisque la banque intermédiaire devra effectuer le paiement pour le compte de la banque émettrice après avoir procédé à la vérification des documents.

Il en va autrement si la banque intermédiaire confirme le crédit. La confirmation constitue un engagement ferme de la banque confirmante qui s'ajoute à celui de la banque émettrice. Il y a par conséquent un engagement contractuel vis à vis du bénéficiaire qui dispose d'une garantie très forte de paiement. C'est une situation ou en effet le bénéficiaire a deux engagements bancaires à son profit, celui de la banque émettrice et celui de la banque confirmatrice. On recours à cette situation lorsqu'on a des doutes sur la situation financière voire sur l'honnêteté de la banque émettrice.

§3 – La réalisation du crédit-documentaire

En échange des documents énumérés par l'accréditif et vérifiés, la banque effectue le paiement. Il faut donc commencer par voir la vérification des documents puis comment le paiement s'exécute et enfin l'exception de fraude qui est le seul moyen de faire échec à l'engagement pris par le banquier.

A. La vérification des documents

Les règles et usances uniformes posent la règle de la séparation des documents et des marchandises, il n'est pas question que le banquier vérifie si les marchandises ont été effectivement expédiées et encore moins qu'il vérifie leur conformité par rapport au contrat de vente. Le principe est ici celui du respect du formalisme du crédit documentaire. Le banquier doit exiger des documents originaux, apparemment conformes à ceux énumérés dans l'accréditif et ne présentant pas d'irrégularités manifestes ou grossières. Il doit y apporter un soin raisonnable et l'effectuer dans un délai égal, au plus, à cinq jours ouvrés.

Si les documents sont conformes et réguliers, la banque les lève et exécute ses obligations suivant l'accréditif. Sinon elle les refuse et l'opération prend fin.

Il y a, entre les deux, la situation où les documents remis présentent un défaut mineur, il y a une irrégularité mais on peut considérer que c'est mineur et partant de là on ne peut pas dire que le banquier doit refuser les documents et anéantir l’opération.

Deux possibilités sont admises, d'abord il est possible de permettre au vendeur bénéficiaire d'opérer une régularisation si la date d'expiration du crédit le permet. Il faut donc se référer à la période contractuelle prévue. L'autre possibilité est que le banquier lève les documents sous réserve. Dans cette hypothèse il va demander au bénéficiaire d'accepter ces réserves afin de pouvoir exercer, le cas échéant, un recours contre lui. Concrètement, le banquier va faire souscrire au bénéficiaire une lettre de garantie contenant l'engagement du bénéficiaire de lui restituer les fonds au cas où l'acheteur refuse de lever les documents.

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La jurisprudence a estimé que la banquier ne pouvait lever les documents sans réserve s'il n'a pas l'autorisation du donneur d'ordre. Chambre commerciale du 7 janvier 2004.

B. L'exécution du paiement

Selon les règles et usances, il existe quatre modalités. La première est le paiement à vue qui résulte du paiement par un virement ou une lettre de change. La deuxième modalité est l'acceptation d'une lettre de change émise par le bénéficiaire sur le donneur d'ordre. Le bénéficiaire dispose alors d'un engagement de la banque à titre cambiaire. La troisième modalité est le paiement différé, c'est à dire à l'échéance prévue dans l'accréditif. La dernière modalité est la négociation, c'est à dire l'escompte par la banque d'une lettre de change émise par le bénéficiaire sur l'acheteur.

C. L'exception de fraude

La fraude est la seule circonstance qui libère le banquier. Elle doit émaner du bénéficiaire et elle nécessite une volonté frauduleuse de sa part. Par exemple, les documents sont faux ou ils présentent des affirmations mensongères. En revanche, la non conformité ou le vice de la marchandise ne constituent pas une fraude.

La fraude autorise le donneur d'ordre à s'opposer au paiement lorsque la banque, généralement confirmatrice, n'a pas encore exécuté le crédit. Le donneur d'ordre peut par exemple faire défense à la banque de payer. Il peut aussi pratiquer une saisie conservatoire entre les mains du banquier des sommes qui devaient être réglées au bénéficiaire. C'est ce qui a été précisé par un arrêt de la chambre commerciale de la cour de cassation en date du 16 décembre 2008. « il n'est pas nécessaire que la banque ai pu elle même déceler la fraude », arrêt du 25 avril 2006. Il faut que la fraude ait été découverte avant la réalisation du crédit. L'effet de la fraude est donc de rétablir le lien entre l'obligation de la banque et le contrat de base. Il est possible parfois que le banquier ait été amené à payer avant que la fraude soit décelée et il a été admis notamment que lorsque le banquier avait déjà payé et que rien ne pouvais lui être reproché, qu'il puisse exercer un recours contre le bénéficiaire.

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Chapitre 2 – Les garanties autonomes

Les techniques de garantie sont nombreuse en droit du commerce international et répondent toutes à l'idée d'assurer la bonne exécution du contrat. Il y a par exemple des techniques liées à l'assurance qui sont très utilisées et qui font intervenir un organisme qui est la Compagnie Française d'Assurance du Commerce Extérieur (COFACE) qui joue à la fois le rôle d'un service public de l'assurance-crédit mais elle joue aussi le rôle d'un assureur privé et elle agit alors pour son propre compte.

À coté de cette technique assurantielle il y a des garanties qui peuvent être soit réelles soit personnelles. Il faut souligner à ce sujet la grande disparité des droits nationaux, notamment en ce qui concerne les garanties réelles. Cela pose le problème de la reconnaissance des sûretés reconnues à l'étranger, spécialement lorsqu'elles ne sont pas connues du système juridique du fort.

Il y a des garanties plus typiques du droit du commerce international comme les garanties autonomes ou les lettres de parrainage ou de confort par exemple. Mais la difficulté est qu'on ne connait pas forcément la portée de ces lettres, engagement moral ou juridique ?

Section 1 – Présentation générale des garanties autonomes

Ces garanties ont connu un essor considérable à partir des années 1970. Encore une fois, c'est une création de la pratique qui répond aux exigences des importateurs et en particulier des acquéreurs de biens d'équipement ou de technologies. Mais on les utilise dans des contrats très divers, par exemple souvent dans les marchés de travaux.

§1 – Définition et fonctions des garanties autonomes

De façon générale, la garantie autonome est destinée à s'assurer du paiement d'une somme d'argent quelconque. Elle constitue un progrès par rapport à la pratique antérieure qui était celle d'un dépôt de garantie entre les mains du bénéficiaire. C'est à dire qu'il fallait consigner une somme d'argent entre les mains du bénéficiaire qui pouvait décider de garder la somme. Il a été préférable d'y substituer un engagement bancaire.

La garantie autonomes peut poursuivre des finalités diverses et il en existe une typologie en fonction du but poursuivi. Il y a notamment une typologie qui résulte des contrats types établis par la Fédération Internationale des Ingénieurs Conseil (FIDIC).

On distingue ainsi d'abord la garantie de soumission, il faut supposer qu'il y ait un appel d'offres et qu'une entreprise soumissionne. On va lui demander d'apporter une garantie bancaire qui implique que, si on offre est retenue, le contrat sera bien conclu conformément au cahier des charges. Un autre type de garantie est la garantie de restitution d'acompte, elle permet le remboursement de l'acompte versé si le marché n'est pas correctement exécuté. Il y a enfin la garantie de bonne fin qui vise la bonne exécution du contrat par l'entrepreneur, le prestataire et cette garantie permet, le cas échéant, de faire achever le marché par un tiers. Ce sont là des exemples courants de garanties autonomes mais il en existe d'autres.

De plus, il y a souvent une combinaison faite entre les différentes garanties. Par exemple, dans un cas où une entreprise française avait passé un marché avec un ministère étrangère en vue de la construction de centres professionnels, il y avait une garantie de restitution des acomptes versés, une garantie de bonne fin du contrat et une garantie dite de dispense d'une retenue de garantie, c'est ce qui permet de remédier à d'éventuelles malfaçons lorsqu'on les constate après la fin des travaux.

Souvent, une garantie autonomie est stipulée réductible. C'est à dire que son montant diminue au fur et à mesure de l'avancement des travaux. Dans ce cas là l'usage est de dire que c'est une garantie glissante.

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Concernant leur définitions, certaines ont été proposées en doctrine mais aujourd'hui il existe une définition légale posée par la loi du 13 mars 2006 à l'article 2321 du Code civil. Selon ce texte, c'est l'engagement par lequel le garant s'oblige, en considération d'une obligation souscrite par un tiers, à verser une somme, soit à première demande, soit suivant les modalités convenues. L'alinéa 3 précise que le garant ne peut opposer aucune exception tenant à l'obligation de garantie. L'alinéa 4 ajoute que, sauf convention contraire, cette sureté ne suit pas l'obligation garantie. Cette définition ne distingue pas entre garantie interne ou internationale.

Il y a deux observations à faire, d'abord que la définition vise principalement la garantie à première demande. La garantie à première demande est celle qui peut être mise en œuvre sur simple demande écrite du bénéficiaire. Mais cette modalité n'est pas la seule visée, il est donc possible que la garantie soit subordonnée à une demande accompagnée de la déclaration que le débiteur n'a pas rempli ses engagements. Un degré au dessus, il peut même être exigé qu'une déclaration soit faite en mentionnant la nature des manquements du débiteur. Cette dernière forme est ce qu'on appelle la garantie à première demande justifiée. La Cour de cassation, après avoir hésité, en a reconnu la validité dans un arrêt de la chambre commerciale du 12 juillet 2005. Dans cet arrêt elle affirme en effet que l'exigence d'une demande justifiée, qui ne confère pas au garant une quelconque faculté d'en discuter le bien fondé, ne suffit pas à exclure la qualification de garantie autonome.

La seconde remarque concerne le caractère autonome de la garantie. Dans l'article 2321, ce sont les alinéas 3 et 4 qui font apparaître cette autonomie, par rapport au contrat principal et autonomie de l'engagement du garant par rapport à celui du débiteur. C'est ce qui fait la distinction avec l'obligation de caution qui consiste à payer à la place du débiteur principal. Ici c'est un engagement distinct, autonome par rapport au contrat principal.

C'est ce qui fait toute l'originalité de la garantie autonome mais aussi toute son ambiguité. L'obligation ne peut avoir pour cause que le contrat de base dont elle tend à assurer l'exécution. Mais pour la sécurité du bénéficiaire, cette obligation est déclarée indépendante par rapport au contrat de base. On serait donc en présence d'un engagement abstrait et cela a posé le problème de la validité de l'obligation au regard de l'exigence d'une cause (art 1131).

On peut se demander si compte tenu de la dissociation opérée par rapport à l'engagement principal, cette obligation doit être reconnue valable. Mais très rapidement la Cour de cassation a reconnu cette validité dans un arrêt du 20 décembre 1982. Malgré l'autonomie il existe bien une cause poursuivie par la garantie. L'autonomie s'étend aussi à la contre garantie. L'indépendance de la contre garantie se manifeste à la fois par rapport au contrat de bail et par rapport à la garantie de premier rang. Il en résulte que, sauf clause contraire, le paiement de la garantie par le garant de premier rang n'est pas une condition de l'appel de la contre garantie.

§2 – Déroulement de l'opération

A. La mise en place de la garantie

Il faut distinguer les différents rapports juridiques qui se nouent. Il y a, premièrement, le contrat de base. C'est généralement un marché passé entre l'entrepreneur, ou exportateur, et son client étranger. Suivant ce marché, le premier fournira au second une garantie bancaire, garantie dont le contenu doit être minutieusement précisé.

Deuxièmement, conformément à cet accord, l'entrepreneur va donner l'ordre à son banquier de s'engager au profit du client à payer, à première demande de celui-ci, une somme déterminée. La banque, en contrepartie, se fait autoriser à débiter le compte de son client pour le cas où la garantie serait appelée. Cet engagement bancaire constitue une promesse de crédit par signature, de la même manière que dans le cadre du crédit-documentaire.

Troisièmement enfin, la banque s'engage, envers le bénéficiaire, en l'exécution de cette promesse. Cet engagement prend la forme d'une lettre d'engagement, ou lettre de garantie, qui contient notamment l'objet de la garantie en y identifiant le contrat de base, le montant de la garantie ainsi que sa durée. La durée est importante car elle marque l'extinction de la

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garantie bancaire. Puis il y indication des modalités de l'appel de la garantie.

Il faut ajouter à ce schéma que l'intervention de plusieurs banquiers est plutôt fréquente. Celui qui intervient en premier est le banquier du donneur d'ordre mais celui-ci peut demander à une banque du pays du bénéficiaire de délivrer la garantie au profit de ce bénéficiaire. À ce moment là, la banque locale, celle du pays du bénéficiaire, va demander à celle du donneur d'ordre de lui délivrer une contre garantie. De manière là elle couvre le risque qu'elle a pris.

B. L'appel de la garantie

L'appel de la garantie doit être conforme aux termes et conditions de la lettre de garantie. Il doit ferme et non équivoque. C'est un point qui a parfois fait difficulté par ce qu'il est arrivé qu'on demande au garant soit de proroger sa garantie soit de payer (extand or pay). C'est une procédure qui permet au bénéficiaire de la garantie de ne pas la déclencher mais la conserver. De manière générale la jurisprudence a considéré que c'était une demande qui ouvrait un choix et que la demande était plutôt sur le maintient de la garantie.

En supposant qu'il y ait une demande de payer la garantie, le garant de premier rang doit informer le contre garant de l'appel de la garantie et payer le bénéficiaire. Il peut ensuite mettre en jeu la contre garantie souscrite à son profit par la banque garante de premier rang. La banque garante de premier rang, après avoir informé le donneur d'ordre et payé la contre garantie va débiter le compte de son client.

Ce qu'il faut surtout souligner ici ce sont les conséquences du principe d'autonomie. D'abord, le banquier garant ne peut pas opposer au bénéficiaire les exceptions tirées des autres rapports de droit et notamment la nullité, la résolution ou l'extinction du contrat de base. Il doit seulement vérifier que la demande de paiement est conforme au terme de la lettre d'engagement.

Mais il y a une limite à cela qui réside dans la notion de fraude ou d'abus manifeste. De même, le donneur d'ordre ne peut s'opposer au paiement en faisant par exemple défense à la banque de payer ou en pratiquant une saisie mais toujours sous réserve de la fraude ou de l'abus manifeste. Dans la pratique des affaires internationales, compte tenu de certains comportements douteux, on se rend compte que face à un engagement aussi rigoureux, les donneurs d'ordres tentent tout pour empêcher l'exécution du paiement. Par exemple, dans un arrêt de la chambre commerciale de 1994, la banque contre garantie avait payé et le donneur d'ordre avait saisi le juge des référés pour tenter d'obtenir le remboursement par la banque de ce qui avait été payé. Manœuvre voué à l'échec, la Cour de cassation a rappelé dans cette affaire l'autonomie de la garantie qui ne trouve sa limite que dans le cas de fraude ou d'abus manifeste.

Malgré cela, les pratiques souvent abusives ont poussé la chambre de commerce internationale a tenter de moraliser les pratiques. C'est ainsi qu'il y a des règles qui ont imposé d'abord un certain formalisme dans la présentation de la garantie et qui ont prévu l'information quasi systématique des différents protagonistes. De plus, ces règles ont voulu promouvoir la formule garantie à première demande justifiée. Ceci dans le but d'éviter les demandes arbitraires voire malhonnête.

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Section 2 – Les règles applicables

Il existe un certain nombre de règles matérielles qui trouvent leur sources dans les droits. Une place importante est occupée aussi par la jurisprudence qui seule avait été amenée à connaître de ces cas au départ. Il existe aussi des règles uniformes provenant de deux sources, étant précisé que ces règles uniformes comportent quelques règles de conflit de loi.

Il y a d'abord une convention internationale, la Convention de la CNUDCI sur les garanties indépendantes et les lettres de crédit stand by, convention adoptée le 6 novembre 1995 et qui est actuellement en vigueur dans 8 pays. L'intérêt de cette Convention est d'avoir tenté un rapprochement entre les pratiques européennes et américaines. En définitive, il s'agit bel et bien d'une garantie car la lettre de crédit stand by n'est qu'un second moyen de paiement et est couverte par cette Convention.

Cette garantie des nations unies a inspiré par ailleurs un acte uniforme de l'OADA de 1997 relatif aux suretés. À coté de cette convention internationale il y a des règles uniformes qui ont été élaborées par la Chambre de Commerce International. La première initiative de la CCI remonte à 1978 et il s'agissait de garanties contractuelles. Ce que visait ces premières règles uniformes étaient les garanties documentaires, elles n'ont aucun succès car elles ne correspondaient pas aux besoins des opérateurs. Le mécanisme des garanties documentaires n'assurait pas bien l'autonomie de l'engagement. Documentaire impliquait que le bénéficiaire, pour obtenir la garantie, devait fournir un document qui prouvait que le contrat n'avait pas été correctement exécuté.

Face à cet échec, la CCI élabore en 1992 de nouvelles règles relatives aux garanties sur demande qui obéissaient à la dénomination de Règles Uniformes relatives aux Garanties sur Demande (RUGD) 458. Ces règles tentaient de moraliser les pratiques et d'établir un équilibre entre la protection du donneur d'ordre et la sécurité du bénéficiaire. C'est de là que date justement la promotion des garanties à première demande justifiée. Ces règles et usances ont subi une révision en 2009 sous la dénomination de RUGD 758. À la différence des règles et usances uniformes (RUU) du crédit-documentaire, il faut que les parties s'y réfèrent pour qu'elles s'appliquent à leur engagement.

Ces règles uniformes ne couvrent pas tout le droit, notamment les exceptions de fraudes ou abus manifestes qui relèvent des droits nationaux. Il s'agit des seules circonstances qui libèrent le garant et qui l'interdise même de payer et de débiter ensuite son client. Il y a un très gros contentieux sur ces questions. Souvent les donneurs d'ordre tentent de qualifier de fraude ou d'abus des agissements qui relèvent d'une simple inexécution du contrat. Mais généralement la Cour de cassation va rappeler le principe de l'autonomie en vertu duquel on ne peut pas tenir compte des conditions de l'exécution du contrat de base.

Malgré tout, il arrive que certaines circonstances relatives au contrat de base soient retenues au titre de la fraude ou de l'abus manifeste. La fraude implique en principe une manœuvre de la part du bénéficiaire en vue d'obtenir un paiement auquel il n'a pas droit. L'abus manifeste résulte lui de la réclamation de la garantie en l'absence de manœuvre mais alors que le bénéficiaire n'a aucune créance au titre du contrat de base. Il y a donc appel abusif s'il est établi que le donneur d'ordre a exécuté la totalité de ses obligations.

Dans la pratique jurisprudentielle il n'y a pas toujours de distinction claire entre fraude et abus manifeste et certains droits étrangers ne font pas la distinction, ce qui est par exemple le cas du droit anglais. Une autre solution a été récemment mise en œuvre par la Cour de cassation qui consiste en l'engagement de la responsabilité délictuelle du garant de premier rang vis à vis du donneur d'ordre. En l'occurrence, le garant avait exécuté son paiement sans se conformer aux termes de la lettre de garantie. Ceci renvoie à une solution jurisprudentielle où il y a une violation d'un engagement contractuel qui est invoqué par un tiers (arrêt de la chambre commerciale du 10 mars 2010).

Il y a une place pour les règles de conflit de loi car les règles uniformes ne couvrent que certaines questions, elles ne sont pas exhaustive comme le sont les RUU du crédit-documentaire. Première chose, il faut rappeler qu'en vertu de l'autonomie, les différents rapports juridiques doivent être distingués. Le premier principe est le recours à la loi d'autonomie qui est admis de façon universelle, ce qui signifie que dans le contrat les parties

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peuvent choisir le droit applicable et cela est quasi-systématique dans les engagements bancaires. À défaut de loi désignée par les parties, la loi applicable sera celle en principe du garant, c'est à dire la banque garante de premier rang ou la banque contre-garante. La contre-garante ne fait pas parties des contrats qui sont visés spécialement mais par application du paragraphe 2, il s'agit de la loi de la résidence habituelle du débiteur de la prestation caractéristique.

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PARTIE 2 – LES OPÉRATEURS DU COMMERCE INTERNATIONAL

Ce sont d'abord des opérateurs privés, ce sont des sociétés mais souvent les sociétés sont constituées en groupes qui sont volontiers qualifiés de multinationales. Mais il y a aussi dans le commerce international des opérateurs publics et en particulier les États qui peuvent agir directement ou par l'entreprise de certaines émanations ou certains organismes.

TITRE 1 – LES OPÉRATEURS PRIVÉS

L'intervention des personnes morales de droit privé soulève deux séries de problèmes juridiques. Premièrement, ceux qui naissent de la distinction entre sociétés nationales et étrangères. La première question est de savoir si une personne morale étrangère est toujours reconnue. En admettant que la personnalité étrangère soit reconnue, se pose la question de savoir de quel droit peut se prévaloir cette société étrangère quand elle agit à l'extérieur de son pays. Il importe donc de savoir à quel État se rattache une société, c'est à dire en d'autres termes quelle est sa nationalité. Le concept de nationalité concerne à l'origine les individus mais il est transposé aux personnes morales. Sa signification est bien sur différent de celle qu'elle a pour les personnes physiques.

De plus, les critères de détermination de la nationalité sont différents de ceux qui s'appliquent aux personnes physiques, il suffit de songer à l'attribution de la nationalité par la filiation.

La deuxième série de problèmes vise les groupes multinationaux. Ce sont des opérateurs de premier plan dans le commerce international. On évoque souvent le terme de multinationale comme s'il pouvait y avoir un rattachement à plusieurs nationalités. La multinationale correspond à une réalité économique qui n'a pas encore vraiment trouvé de traduction au plan juridique. Cela dit il existe quelques formes de sociétés qui sont véritablement internationales, par exemple des sociétés qui ont été créées par un traité international. De plus, dans ce contexte on aura à examiner des figures particulières de sociétés comme la société européenne.

Dans l'ensemble, sur cette question il faut souligner le particularisme des sources du droit. Il existe ici des sources nationales, notamment sur les questions de nationalité des sociétés et de droit international privé. Il existe aussi des sources internationales, en particulier des traités. Il faut dire que les traités multilatéraux ont, dans ce domaine, connu très peu de succès. En revanche, il y a de nombreux traités bilatéraux, par exemple on peut citer un traité franco-américain relatif à la reconnaissance des sociétés.

Puis il y a enfin le droit de l'UE qui est devenu particulièrement important sur ces questions, il s'est développé sur trois axes qui sont l'harmonisation du droit des sociétés dans les États membres, la création de personnes morales de droit européen comme la société européenne ou le GEIE et puis enfin, le troisième axe est la mise en œuvre de la liberté d'établissement. Cet axe là a été développé par la CJUE qui a élaboré toute une jurisprudence, souvent qualifiée d'audacieuse, de nature à favoriser la reconnaissance et la mobilité des sociétés dans l'espace européen.

Chapitre 1 – La distinction des sociétés nationales et étrangères

Section 1 – La nationalité des sociétés

Le concept de nationalité n'est pas tout à fait adapté aux personnes morales pour des

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raisons historiques et des auteurs ont contesté la notion de nationalité pour les sociétés. Mais aujourd'hui tout le monde admet que les sociétés ont une nationalité et que cela permet de déterminer la compétence d'un État à leur égard. Reste à dire comment la nationalité d'une société se détermine.

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§1 – Les critères concevables

La société est d'abord un contrat. Dès lors, on peut songer à la loi d'autonomie. Ainsi les parties fixeraient la nationalité de la société, par exemple en accomplissant certaines formalités de constitution parmi lesquelles il y a notamment la formalité de l'enregistrement de la société. Cette approche correspond au système anglo-saxon qui est le système de l'incorporation. Cette incorporation donne à la société la personnalité morale et la rattache au système qui lui a donné naissance. C'est une solution marquée par un évident libéralisme.

De plus en plus de pays adoptent ce critère, comme la Suisse ou plus récemment l'Italie. Ce système est très libéral par ce qu'il importe peu que l'objet social soit réalisé dans un autre pays. Autrement dit, qu'il n'y ait pas d'intégration à la sphère économique du pays d'incorporation.

Il y a un autre critère qui est assez proche de celui-ci qui est le critère du siège statutaire. Les associés cette foi font un choix déterminant de la nationalité de la société en fixant son siège statutaire. On peut faire la même observation que précédemment, c'est un système libéral dès lors qu'il n'est pas exigé que l'activité de la société soit effectuée dans le pays du siège. En règle générale il y a coïncidence entre siège statutaire et réelle.

Le siège réel est le troisième critère, celui du lieu où se trouve la direction supérieure et le contrôle de la société. Certaines auteurs avaient employé des expressions anthropomorphique, centre nerveux ou encore tête et cerveau. Il est possible de faire prévaloir le siège réel qui constitue un critère matériel alors que les critères précédents sont des critères formels. C'est par exemple l'approche classique française ou celle du droit allemand.

Il y a un quatrième critère concevable qui consiste à rechercher la nationalité des personnes qui contrôlent la société. Ce sera le cas notamment pour les filiales de droit local d'une société mère étrangère qui les contrôle de façon étroite. Cet exemple se situe dans le contexte des groupes de sociétés et il arrive qu'une société mère crée une filiale à 100 % qui n'est pas indépendante. On peut appliquer ce critère du contrôle pour ce qui est de la nationalité des actionnaires majoritaires d'une société.

La jurisprudence internationale, quand elle a été appelée à connaître de cette question de la nationalité des société, s'est montrée très évasive. La CIJ en particulier a eu à statuer sur des questions de protection diplomatique. Il y a ainsi un arrêt de la CIJ rendu en 1970 dans une affaire, Barcelona Traction. La cour, dans cette affaire, s'est référée à la règle traditionnelle qui attribue le droit d'exercer la protection diplomatique d'une société à l'État sous la loi duquel elle s'est constituée et sur le territoire duquel elle a son siège. Et d'ajouter qu'aucun critère absolu applicable au lieu effectif n'a été accepté de manière générale. Il y a eu cependant un autre arrêt de la CJ, rendu en 1989 dans une affaire Electronica Sicula et dans cette affaire elle a pris en compte le critère du contrôle mais s'agissant de la protection diplomatique des actionnaires d'une société. C'est assez rare que l'on prenne en considération le critère du contrôle car il dégage une certaine méfiance.

On trouve la même incertitude dans la jurisprudence du tribunal des confits en France qui s'est exprimé dans un arrêt de 1959, Mayol Arbona. Le tribunal des conflits a dit dans cet arrêt que la nationalité des sociétés, qui n'est définie par aucun texte général, ne peut être déterminée qu'au regard des dispositions législatives règlementaires dont l'application ou la non application dépend du point de savoir si celle-ci est ou n'est pas française. C'est une approche que l'on a pu qualifier d'impressionnisme juridique, c'est à dire qu'il y aurait une sorte d'approche fonctionnelle de la nationalité des sociétés déterminée selon le but poursuivi par l'arrêt. En revanche, le Conseil d'État et la Cour de cassation eux ont su départager, il s'agit du droit positif.

§2 – Les solutions de droit positif

Le critère principal en droit positif est celui du siège social. Il a été admis en

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jurisprudence au XIXème siècle et consacré ensuite par un grand arrêt, l'arrêt Caisse centrale de réassurance des mutuelles agricoles rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 30 mars 1971. Selon cet arrêt, en principe, la nationalité d'une société se détermine par la situation de son siège social. Le CdE s'était prononcé dans le même sens dans un arrêt du 22 février 1960. La solution est tout à fait stable, depuis cette prise de position il y a eu un certain nombre d'occasion pour la jurisprudence de confirmer, y compris par la chambre plénière.

Au delà de ce principe il existe un certain nombre d'exceptions en faveur du critère du contrôle. Ces exceptions ont un caractère plus ou moins pathologique. Il y a d'abord la jurisprudence dite ''en temps de guerre'' qui a porté sur l'application de mesures à l'encontre de sociétés implantées en France mais qui étaient contrôlées par des ennemis, par exemple des mesures de séquestre. Il y a ensuite application du contrôle en vertu de certains textes internationaux ou internes. Les textes internes ce réfèrent au critère du contrôle et ceux-ci sont relatifs à des activités volontiers qualifiées de sensibles, par exemple la propriété des entreprises de presse, un autre exemple est celui de la réglementation des investissements étrangers. Cette réglementation s'applique à des sociétés sous contrôle étranger.

Un décret du 30 décembre 2005 considère ainsi comme étrangère toute opération effectuée par des étrangers qui aurait pour effet d'acquérir le contrôle d'une entreprise dont le siège social est établi en France. On pourrait encore donner comme exemple les lois de nationalisation ou de privatisation.

§3 – Les intérêts en jeu

Les intérêts en jeu sont multiples, il y a d'abord, comme évoqué, la question de la protection diplomatique. La distinction produit également des conséquences au plan de la jouissance des droits. Certains droits en effet sont reconnus aux seules sociétés nationales. On peut citer par exemple l'application des articles 14 et 15 du Code civil. Certains droits, sans être réservés à des sociétés nationales, peuvent être mis en œuvre par des sociétés étrangères mais uniquement en vertu d'un traité international.

Certains droits enfin ne peuvent être exercés par des étrangers, ils en sont privés et cela a été le cas jusque récemment de la propriété commerciale. C'est le droit pour le preneur d'obtenir le renouvellement de son bail commercial. La discrimination peut être encore plus radicale lorsqu'un État refuse de reconnaître une personne morale étrangère. C'est assez rare, en principe es systèmes juridiques font preuve d'un certain libéralisme à cet égard mais malgré tout ça n'est pas une règle absolue, certaines conventions internationales ont été conclues pour assurer la reconnaissance de ces personnes morales étrangères.

Au sein de l'UE, c'est la liberté d'établissement qui assure une pleine reconnaissance des sociétés. Selon l'article 54 du TFUE, les sociétés constituées conformément à la législation d'un État membre et ayant leur siège statutaire ou réel dans l'UE sont assimilées aux ressortissants personnes physiques des États membres.

Compte tenu de l'existence de cette règle, les problèmes qui peuvent se poser concernent les sociétés extérieures à l'espace européen. À cet égard, le droit français, classiquement, est assez libéral car les sociétés bénéficient de la jurisprudence Lefait qui a assimilé les étrangers aux nationaux quant à la jouissance des droits. Cet arrêt est en date du 27 juillet 1948. « Il est de principe que les étrangers jouissent en France des droits qui ne leurs sont pas spécialement refusés ». Cet arrêt a donné une nouvelle lecture de l'article 11 du Code civil relatif à la réciprocité.

Sauf que certaines personnes morales étrangères, les SA étrangères, se sont trouvées privées de reconnaissance à la suite d'une péripétie antérieure à cette jurisprudence. Cela se passe au milieu du XIXè et la Cour de cassation Belge avait refusé de reconnaître la personnalité juridique d'une société française ce qui crée un incident que les autorités des deux pays se sont employées à corriger et c'est ainsi qu'en France, une loi de 1857 est venue reconnaître les sociétés Belges tout en décidant que les SA étrangères, pour pouvoir exercer leurs droits en France, devaient invoquer soit un décret collectif les y autorisant, soit un traité diplomatique.

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Concrètement les traités, spécialement bilatéraux, qui reconnaissent les SA étrangères sont très nombreux. Mais les traités multilatéraux eux ont échoué sur cette question. C'est notamment le cas d'une Convention de La Haye du 1 juin 1956 sur la reconnaissance de la personnalité juridique des sociétés, associations et fondations, tout comme une autre convention du Conseil de l'Europe de 1956 et même d'une convention européenne de Bruxelles de 1968. En définitive, un certain nombre de sociétés provenant de pays non concernés par ces traités bilatéraux n'ont pas été reconnues en France. Ce fut le cas par exemple de sociétés du Liechtenstein.

Finalement la Cour de cassation est parvenue à écarter cette loi de 1857 en invoquant la ConvEDH et plus spécialement l'article 6 sur le droit à un procès équitable qui comprend le droit d'accès à un juge, l'article 14 pour la non discrimination et enfin l'article 1er du 1er

protocole relatif au droit au respect des biens. Cette jurisprudence remonte aux années 90 avec les différentes formations de la Cour qui ont statué de la même façon. En fin de compte le législateur est intervenu pour abroger la loi de 1857 par une loi du 20 décembre 2007. Désormais toutes les sociétés étrangères peuvent accomplir en France des actes juridiques.

Il reste tout de même un certain nombre de restrictions particulières mais là aussi la tendance libérale s'est récemment exprimée en jurisprudence. Il faut citer à cet égard un important arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation du 9 novembre 2011 qui a mis fin à la discrimination relative à la propriété commerciale.

La propriété commerciale est le nom que l'on donne au droit au renouvellement du bail commercial prévu à l'article L145-3 du Code de commerce qui réserve ce droit au preneur de nationalité française. Depuis longtemps on avait assimilé au preneur français le preneur ressortissant d'un État membre et même d'un État membre de l'espace économique européen. Mais n'en demeure pas moins que certains preneurs étaient exclus et dans cette affaire il s'agissait d'un preneur de nationalité turque. Encore une fois la Cour de cassation a pu écarter cette restriction au nom des droits fondamentaux, l'interdiction des discriminations et le droit au respect des biens. Le droit au renouvellement du bail est lui même considéré comme un bien.

Il reste un certain nombre de dispositions qui réservent des activités sensibles aux sociétés françaises. Par exemple le transport de fonds ou encore le commerce des armes de guerre. De plus, les sociétés étrangères, même si elles peuvent exercer en France leurs activités, sont astreintes à certaines obligations et notamment celles qui résultent de lois de police françaises. Par exemple, la mise en place d'institutions représentatives des salariés. Arrêt du Conseil d'État Compagnie internationale des wagons-lits.

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Section 2 – Les conf lits de loi en matière de sociétés

Sur le plan des conflits de loi, on constate souvent une coïncidence entre loi applicable et loi nationale. Mais en réalité le problème ne se pose pas en terme de nationalité. Il faut rechercher la loi applicable au moyen d'un élément de rattachement sans qu'il s'agisse ici d'exprimer une allégeance. Il n'en demeure pas moins qu'il y assez souvent une confusions qui est faite entre ces problèmes en raison d'identité des critères.

§1 – Détermination de la lex societatis

La solution de droit positif résulte de l'article L210-3 du Code de commerce pour les sociétés commerciales et de l'article 1837 du Code civil pour les sociétés civiles. Mais la solution est la même, les sociétés dont le siège social est situé en territoire français sont soumises à la loi française. La règle est unilatérale dans sa formulation mais la jurisprudence l'a bilatéralisée. On va considérer réciproquement que si le siège social est à l'étranger on applique la loi étrangère.

Le texte ajoute que « les tiers peuvent se prévaloir du siège statutaire mais celui-ci ne leur est pas opposable par la société si le siège réel est situé en un autre lieu. » Ceci semble marquer une préférence pour le siège réel qui, selon la jurisprudence, est le lieu où l'entreprise a principalement sa direction juridique, financière, administrative et technique. C'est une définition que la Cour de cassation avait retenue en 1947 mais on trouve parfois d'autres formulation comme « le lieu où se trouve son centre de direction et d'exploitation commerciale » dans un arrêt de 1957. L'assemblée plénière de la Cour de cassation a donné une indication dans un arrêt du 21 décembre 1990 : « le rattachement des sociétés résulte en principe de la localisation de son siège réel défini comme le siège de la direction effective et présumée par le siège statutaire. » Pour les tiers on ne sait pas nécessairement où se trouve le siège réel et c'est pourquoi le siège statutaire est érigé en présomption. Cela veut dire que les tiers disposent d'une option, ils peuvent tenir compte de l'un ou de l'autre. La doctrine indique même que le siège statutaire ne doit être écarté que lorsqu'il est fictif ou frauduleux.

Ce système présente de multiples avantages, le réalisme d'abord par ce qu'il exprime un lien concret avec l'État. La sincérité, par ce qu'il préserve l'intérêt des tiers et celui de l'État, notamment sur le plan fiscal. Enfin la prévisibilité, par ce que le système est simple et présente des garanties de stabilité.

Une question a été posée en jurisprudence, faut-il faire jouer en la matière la théorie du renvoi ? Le renvoi consiste à prendre en considération le critère de rattachement prévu par la loi étrangère. L'hypothèse est que la loi désignée ne reconnaît pas elle même sa compétence par ce qu'elle retient un critère qui renvoie à une autre loi. Cette situation s'est présentée dans une affaire dite de la Banque Ottomane où la CA de Paris a accepté de faire jouer la théorie du renvoi. Une société avait eu son siège initialement à Constantinople mais ultérieurement le siège réel de cette société avait été transféré à Londres. La CA de Paris a fait jouer le renvoi ici, spécialement le renvoi au second degré. La règle de conflit française désignait la loi anglaise. Mais la loi anglaise renvoyait à la loi de l'incorporation de cette société, c'est à dire à la loi Turque. Il y a eu deux arrêts, un rendu en 1965 et le second en 1984.

§2 – Domaine de la lex societatis

La lex societatis s'applique à la plupart des questions intéressant la société. Elle détermine ainsi, premièrement, sa constitution, c'est à dire les conditions requises comme les apports, le capital social, les différentes formalités, l'émission de titres et la publicité. Deuxièmement, la lex societatis détermine le fonctionnement de la société, ce qui inclut la capacité de la société, les droits et obligations des associés et les pouvoirs des différents organes.

Il faut s'intéresser aux pouvoirs des organes sociaux. Il existe en la matière des actes

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qui présentent certains risques et qui sont soumis à certaines conditions. Un exemple français est bien connu, celui du cautionnement donné au nom de la société. En droit français, c'est l'article L225-35 al 4 du Code de commerce qui impose l'autorisation du Conseil d'administration dans les SA à peine d’inopposabilité de l'acte à la société.

Cette règle va trouver application lorsqu'il s'agit d'une société française quand bien même le contrat serait soumis à une loi étrangère. On trouve ainsi un arrêt de la chambre commerciale du 8 novembre 1988. De la même façon, s'il s'agit d'une société étrangère, la lex societatis étrangère doit être respectée. C'est ce qu'a imposé la Cour de cassation dans un autre arrêt de la chambre commerciale du 21 décembre 1987 à propos d'une lettre d'intentions émanant d'une société espagnole.

Cela étant, il faut parfois réserver la théorie de l'apparence, en particulier s'agissant de l'engagement d'une société à l'arbitrage, la Cour de cassation a écarté la recherche de la lex societatis en posant une règle matérielle. C'est là un arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation en date du 8 juillet 2009.

Troisièmement enfin, celle-ci régit la dissolution et la liquidation de la société à l'exception notable des procédures collectives. Il faut souligner qu'en effet, les procédures collectives constituent une catégorie distincte du point de vue du droit international privé. En matière d'insolvabilité internationale il y a un règlement européen du 9 mai 2000 rentré en vigueur le 31 mai 2002.

Ce règlement européen retient le critère du centre des intérêts principaux des débiteurs sur le territoire de l'UE. Déjà ce critère détermine l'applicabilité du règlement, il ne va concerner que les sociétés dont le centre des intérêts principaux se trouve sur le territoire d'un État membre. Mais en même temps il s'agit d'un critère de compétence judiciaire. Ce critère a également une influence sur la loi applicable dans la mesure où on applique largement ici la lex fori. Le règlement comporte également des règles matérielles communes, par exemple sur l'information des créanciers. Le règlement permet également d'ouvrir une procédure secondaire dans un État membre où se trouve un établissement mais celle-ci est limitée aux biens situés sur le territoire de cet État.

On a également deux règlements de 2004 en matière de concentration entre États membres. Il y a une autre influence européenne plus insidieuse qui résulte de la jurisprudence rendue par la Cour de justice, jurisprudence qui s'est élaborée sur les bases de la liberté d'établissement.

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Section 3 – L'incidence du droit de l'Union Européenne

À l'origine, les États membres étaient seuls compétents pour fixer le rattachement des sociétés. Cette compétence avait été reconnue par la CJ dans un arrêt de 1988, Daily Mail. En 1990 la CJ considère que ce sont les EM qui ont compétence. Cette affirmation est souvent reprise par la suite, les sociétés n'ont d'existence qu'à travers les diverses législations nationales qui en déterminent la constitution et le fonctionnement. À l'époque donc la CJ ne semble pas disposer à faire interférer la liberté d'établissement par ce qu'elle considère que les EM ont compétence. Elle considère qu'un transfert international de siège social dépendait des droits des EM, un tel problème n'étant pas résolu par les règles sur le droit d'établissement (art 49 du TFUE). Il est question de la création d'agences, de succursales ou de filiales ou encore de la constitution et la gestion d'entreprises et notamment de sociétés.

Mais la CJ va prendre un virage radical à partir de 1999 en apportant, au nom de ce principe, des limites successives à la compétence des États membres. L'idée générale qui anime cette jurisprudence est que les législations nationales doivent permettre aux sociétés de se développer dans l'espace européen en créant des succursales, en fusionnant ou en transférant leur siège social. C'est ce qu'on a appelé assez rapidement la mobilité des sociétés. La CJ considère que l'établissement implique l'exercice effectif d'une activité économique au moyen d'une installation stable dans l'État membre d'accueil pour une durée indéterminée. Dès lors, les dispositions du droit national qui empêchent de telles opérations sont jugées constitutives d'entraves. Partant de là, il est possible de classer les arrêts rendus par la CJ en deux catégories : les arrêts qui portent plus spécialement sur la reconnaissance et ceux qui portent sur la transformation des sociétés, ce qu'elle appelle les transformations transfrontalières.

§1 – La reconnaissance intra-européenne des sociétés

Le premier jalon a été posé par l'arrêt Centros en 1999. Des danois avaient constitué une société en Angleterre en vue d'une activité commerciale au Danemark. Les autorités danoises refusèrent d'immatriculer la succursale que les danois voulaient implanter en raison du non respect des règles relatives au capital social. C'est là dessus que la CJ considère qu'il y a une entrave. Il en résulte que la constitution d'une personne morale dans un État membre doit être reconnue dans les autres États membres, sauf lorsque s'y opposent des raisons impérieuses d'intérêt général ou de lutte contre la fraude et les abus. Il apparaît déjà qu'on va pouvoir créer une société dans n'importe quel État mais qu'une fois que cela est fait, les autres États membres ont l'obligation de la reconnaître quand bien même cela contourne la loi de l'État de création de la société. Il s'agit d'une démarche de type unilatérale, on raisonne en terme de reconnaissance et cette solution favorise ce que l'on a appelé le law shopping. Les opérateurs peuvent s'implanter dans le pays dont la législation est la moins contraignante.

L'arrêt Uberseering a été rendu le 5 novembre 2002. Il s'agissait cette fois d'une société de droit néerlandais, contrôlée par des néerlandais qui avait été cédée à des allemands. Du coup, le siège effectif de cette société avait été transféré en Allemagne. Dès lors, selon le droit allemand, cette société devait être reconstituée selon le droit allemand. Cela s'explique par le fait qu'en Allemagne la règle de conflit en matière de société est en faveur du siège réel. Le refus de reconnaissance a été condamné par la CJ. L'exercice de la liberté d'établissement suppose nécessairement la reconnaissance des sociétés constituées dans un État membre par tout État membre dans lequel elle souhaite s'établir. On a pu voir dans cet arrêt une faveur de la CJ pour la loi d'origine de la société, c'est à dire la loi en vertu de laquelle elle s'est constituée. Ceci remettrait en cause la compétence de l'État quant à la détermination de la lex societatis.

Cette position de la Cour va être encore confirmée dans un arrêt Inspire Art du 30 septembre 2003. Il s'agissait de la constitution d'un établissement secondaire aux Pays-Bas par une société enregistrée au Royaume-Uni et qui devait exercer ses activités aux Pays-bas. Les autorités néerlandaises imposaient une obligation d'immatriculation en tant que société étrangère de pure forme. Il s'en suivait qu'un certain nombre de règles devaient être

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respectées, notamment pour le capital social minimum. Encore une fois, la CJ a vu, dans l'application des règles contraignantes néerlandaises, un obstacle à la liberté d'établissement sans qu'il y ait, en l'espèce, reconnaissance d'une fraude ou d'un abus de droit.

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§2 – Les transformations transfrontalières

On rencontre cette expression dans les arrêts récents de la CJ et cela vise la fusion et le transfert du siège social dans un autre État membre.

A. La fusion transfrontalière

C'est une opération qui, au départ, est soumise au droit des EM, c'est à dire à leurs dispositions de droit interne et de droit international privé. Or, cette opération est le plus souvent compromise par la disparité des lois nationales, la fusion peut entrainer un cumul de législations incompatibles entre elles. Il y a des pays, comme l'Allemagne, qui ont indiqué que la fusion entre entreprises d'État différents était interdite car trop compliquée. Or la CJ, dans son arrêt Sevic du 13 décembre 2005 a condamné précisément le refus de l'Allemagne d'autoriser les fusions transfrontalières.

La liberté d'établissement s'oppose cette fois à ce qu'une législation nationale refuse l'inscription au registre national du commerce de la fusion lorsque l'une des sociétés a son siège dans un autre EM alors qu'une telle inscription est possible, à certaines conditions, quand il s'agit de sociétés ayant leur siège sur le territoire de cet EM. On voit apparaître ici l'idée de non discrimination qui induit l'idée d'une fédéralisation de l'espace européen.

Un autre événement explique cet arrêt. À cette époque une directive européenne avait déjà été adoptée en matière de fusion transfrontalière. C'est une directive du 26 octobre 2005. Il n'en demeure pas moins que la perspective de cette directive rendait concevable la réalisation prochaine d'une fusion transfrontalière.

B. Le transfert du siège social

C'est une opération qui soulève de nombreuses difficultés. D'abord, au plan du droit international privé où il s'agit d'une hypothèse de conflits mobiles. Le conflit mobile est une notion propre à la matière qui désigne la modification, en fait, de l'élément de rattachement. Il y a également une difficulté du point de vue de la nationalité de la société. Il y a des difficultés au plan fiscal car le transfert international du siège social est souvent considéré comme une sorte de dissolution ou de cessation d'activité. Cela a d'ailleurs été longtemps le cas du droit fiscal français. Depuis la loi de finances pour 2005, le transfert de siège dans un autre EM de l'Union n'entraine plus une telle conséquence, il y a une sorte de neutralité fiscale du transfert de siège dans un autre EM.

Deux affaires ont donné l'occasion à la CJ de préciser l'impact du droit d'établissement à cet égard. Ces deux affaires impliquent deux EM, la Hongrie et l'Italie. Le premier arrêt est l'arrêt Cartesio du 16 décembre 2008. Une société de droit Hongrois voulait déplacer son siège en Italie tout en restant soumise au droit Hongrois. Or, le droit Hongrois retient le critère du siège réel et il tirait comme conséquence de ce transfert la disparition de la personnalité morale. Mais cette fois, la CJ reconnaît que la compétence du droit national, dans lequel la société a pris naissance, le permet. On a vu là une sorte de résurgence de la jurisprudence Daily Mail, le droit de l'EM de la société est compétent. Mais dans cet arrêt il y a une sorte d'obiter dictum qui sert à replacer la décision qu'elle rend. Selon celui-ci, la liberté d'établissement s'opposerait à ce qu'un État membre élève un obstacle au transfert du siège réel et statutaire de la société. Le droit d'établissement implique de permettre la transformation effective d'une société sans dissolution et liquidation préalable, en une société de droit national de l'EM dans lequel celle-ci souhaite se déplacer. Cela revient à dire que le droit qui a donné naissance à la société peut déterminer au delà de sa vie, son décès, mais par contre, le droit de l'État d'origine, ne peut pas mettre la personne morale en prison car il faut que la société puisse être mobile, elle doit pouvoir s'expatrier. Avec pour seule limite les raisons impérieuse d'intérêt général qui justifierait l'obstacle.

Le deuxième arrêt est Vale Epitesi du 12 juillet 2012 et confirme la communautarisation

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du transfert du siège social. C'était cette fois une société italienne qui voulait transférer son siège en Hongrie. Pour cela, cette société italienne avait demandé sa radiation du registre italien et demandait également son enregistrement aux autorités hongroises qui devait préciser ce qu'on peut appeler sa filiation, c'est à dire la mention que cette société succédait à une société antérieurement située en Italie. Les autorités hongroises ont refusé et la CJ a condamné le système prévu par la loi hongroise qui, tout en prévoyant la possibilité pour des société de droit interne, de se transformer, ne permet pas de manière générale la transformation d'une société relevant du droit d'un autre EM en société de droit national au moyen de la constitution de cette dernière. On retrouve ici une idée de fédéralisation qui repose sur l'égalité de traitement. Cet arrêt fait appel à un principe d'équivalence qui est synonyme de traitement national ou de non discrimination.

Chapitre 2 – Les entreprises multi-nationales

Elles correspondent à une réalité économique, ce sont des acteurs de premier plan dans le commerce mondialisé et se sont développées dès les années 50. Il s'agit d'entreprises qui exercent leurs activités dans plusieurs pays, sans cesse à la conquête de nouveaux marchés.

Il faut aussi savoir que le commerce intra-groupe est d'une importance considérable. Il y a là une réalité économique mais l'appréhension juridique de la multinationale est beaucoup plus incertaine. Déjà en témoigne le flou terminologique puisqu'on parle aussi bien d'entreprises multi-nationales que de firmes ou de groupe et les adjectifs peuvent être multinational ou transnational.

On peut citer une définition donnée par l'institut de droit international selon laquelle c'est « l'entreprise, formée d'un centre de décision localisé dans un pays et de centres d'activités dotés ou non de personnalités juridiques propres, situés dans un ou plusieurs pays. »

Le terme ''groupe'' fait ressortir l'existence de liens entre plusieurs sociétés ou personnes morales relevant de pays différents. Mais il existe cependant une diversité de structures qui justifie l'expression d'entreprise multinationale.

Dans ce contexte, il y a le groupe multinational qui en est l'expression la plus significative et le groupe multinational appelle ainsi des précisions en ce qui concerne sa vie économique.

Section 1 – La diversité des structures

Il existe des sociétés réellement supra-nationales, ce sont celles créées par un traité supra-national entre deux États ou plus qui décident de créer une entité à laquelle est confiée une mission particulière qui est souvent une mission d'intérêt public ou de service public. On en trouve par exemple dans le secteur aéronautique avec des compagnie aérienne telle que Air Afrique ou Scandinavian Air System. C'est aussi le cas de certaines institutions financières internationales comme par exemple la banque internationale pour la reconstruction et le développement créée à la fin de la Seconde Guerre Mondiale par les accords de Bretton Woods.

Ces sociétés sont régies par leurs statuts, parfois par le droit international, c'est le cas notamment de ces fameuses institutions financières internationales, ou parfois aussi par la loi d'un ou de plusieurs États. Ce qui veut dire qu'on a quelques fois des combinaisons de droit assez originales lorsqu'on cherche à appliquer plusieurs droits nationaux. Par exemple l'union charbonnière Saro Lorraine est une SAS franco-allemande créée en 1958 et qui est régie par le traité qui l'a institué, ses statuts et « les principes communs du droit français et du droit allemand ».

En dehors de ces cas particuliers sont les formes de structures possibles sont soit celle du groupe international soit celle du groupement international.

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§1 – Le groupe multinational

C'est l'ensemble constitué par une société mère et ses filiales établies dans différents pays. Au cœur de la notion il y a l'idée d'unité stratégique et organisationnelle. Dans cette structure il y a un pouvoir dominant, celui exercé par la société mère, qui lui permet de déterminer la politique du groupe.

Un tel groupe se constitue notamment par voie de création de filiales, c'est ce qu'on appelle la croissance interne, ou par la prise de contrôle de sociétés existantes, c'est ce qu'on appelle la croissance externe. Ce phénomène a été très caractéristique du développement de la mondialisation dans les années 90.

La prise de contrôle s'entend au sens de cession de bloc de contrôle. Il s'agit d'une cession de titres qui permet d'acquérir le contrôle d'une société. Il faut donc en principe acquérir la majorité des actions mais lorsque le capital social est dispersé, une participation inférieure permet de s'assurer du contrôle. À titre d'exemple il y a dans le Code de commerce une disposition au titre de laquelle 40 % des droits de votes font présumer le contrôle si aucun autre actionnaire ne détient d'avantage (L233-3 II du Ccm).

D'un point de vue juridique, cette opération est de nature contractuelle et donc elle est soumise à la loi d'autonomie. À défaut de choix, s'applique la loi du cédant au titre de la résidence habituelle du débiteur de la prestation caractéristique. La Cour de cassation a confirmé cette analyse dans un récent arrêt de la chambre commerciale rendu le 10 septembre 2013, à défaut de choix, s'applique l'article 4 de la Convention de Rome car la cession était en l'espèce antérieure à l'entrée en application du règlement Rome I.

Il faut tenir compte ici, dans une certaine mesure, de la lex societatis qui régit notamment les conditions d'acquisition de la qualité d'associé. Cela va couvrir par exemple la question éventuelle d'une clause d'agrément. De plus, s'il s'agit de sociétés cotées, l'opération de prise de contrôle relève des règles du marché règlementé sur lequel l'opération a lieu. C'est la loi de la Bourse qui est ici applicable et en doctrine on affirme même que la loi de la Bourse intervient à titre de loi de Police.

§2 – Les groupements multinationaux

On nomme ainsi des groupements ou associations d'entreprises constitués pour réaliser un projet déterminé ou une coopération entre eux. Il n'y a donc pas d'intégration totale comme dans le groupe multinational. On peut constituer un groupement d'entreprises sous différentes formes, dont le Groupement d'Intérêts Économiques Européens (GIEE) par exemple. Cette forme juridique, relativement ancienne, n'a connu jusqu'ici qu'un succès assez limité. En revanche l'une des formes les plus prisée par les opérateurs internationaux est l'entreprise conjointe, joint venture. C'est un groupement plus ou moins permanent permettant de partager les moyens et les risques sur un marché donné. Par exemple une entreprise conjointe peut être constituée pour répondre à un appel d'offre ou pour mettre en œuvre un projet de R&D ou encore pour réaliser une opération de transfert de technologie. Il s'agit avant tout un instrument de coopération et les statistiques montrent que c'est un des contrats les plus fréquents du Commerce international.

L'entreprise conjointe peut prendre deux formes, la forme sociétaire, ce qui veut dire qu'on va créer une personne morale, ou la forme contractuelle sans création de personne morale. Cette seconde formule est plus souple mais plus risquée et fragile.

La société européenne parait être à mi-chemin entre le groupe multinational et le groupement. Il s'agit d'un instrument permettant le regroupement d'entreprises dans le cadre régional de l'UE. C'est un projet ancien, qui a été de très lente gestation et qui a aboutit finalement avec l'adoption d'un règlement du 8 octobre 2001. Ce règlement est complété par une directive du même jour concernant l'implication des travailleurs. La directive subordonne la création d'une société européenne à une négociation sur l'implication des travailleurs. En cas d'échec de la négociation, il y a des règles subsidiaires qui s'appliquent, dénommées ''dispositions de référence''.

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La Société Européenne (SE) constitue une structure juridique destinée aux sociétés opérant sur le marché européen. Elle peut être créée par des sociétés constituées selon le droit d'un État membre et ayant leur siège statutaire et leur administration centrale dans l'UE. Ce sont des sociétés qui la constitue et pas des personnes physiques.

Le règlement prévoit plusieurs modes de constitution qui sont : la fusion de SA relevant d'États membres différents ; la création d'une holding ; la création d'une filiale commune ou encore la transformation d'une SA en SE. Une SE peut également créer des filiales sous forme de SE. Le siège statutaire de la SE doit être situé dans la communauté et dans le même État membre que son administration centrale. Il faut souligner ici qu'il n'y a pas d'immatriculation au niveau européen et la société n'a pas d'avantage une sorte de nationalité qui serait une nationalité européenne. Le régime juridique de la SE relève du règlement du 8 octobre 2001 et des statuts. Mais les règles européennes ne sont pas exhaustives. C'est pourquoi un renvoi est fait au droit national pour les questions non couvertes. Il y a à l'article 9 du règlement un double renvoi, d'une part aux dispositions adoptées par les États membres en application des mesures communautaires visant la SE et d'autre part aux dispositions nationales qui s'appliqueraient aux SA constituées selon le droit de l'EM dans lequel la société a son siège statutaire.

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Section 2 – La vie du groupe multinational

Le groupe multinational ne constitue pas une catégorie juridique particulière, il n'a pas de statut d'ensemble. En l'état du droit, cette harmonisation du droit des groupes multinationaux parait vouée à l'échec. Mais à l'échelle régionale, l'uniformisation de certaines règles est possible comme le montre l'exemple de l'Organisation du Droit des Affaires (OADA). On a pu adopter un minimum juridique commun en matière de groupes de sociétés. Mais cette exception mise à part, le droit n'appréhende généralement que les différentes personnes morales qui composent le groupe en dépit de son unité économique. Cela est particulièrement vrai en ce qui concerne l'organisation du groupe ou son fonctionnement proprement dit. En revanche, en ce qui concerne ses activités, il apparaît que dans différentes branches du droit, l'unité économique est prise en considération mais de façon ponctuelle.

§1 – L'organisation du groupe

On retrouve l'idée que le groupe, en tant que tel, n'a pas de personnalité juridique. Il ne peut pas, par exemple, être partie à un contrat. Le groupe n'a pas non plus de nationalité, celle-ci s'apprécie différemment pour chaque société membre du groupe.

De la même manière, la loi applicable se détermine distinctement pour chaque société du groupe, il n'y a pas de loi applicable globalement, c'est à dire de corps de règles matérielles qui régiraient le groupe. Ceci a donné lieu à une grande effervescence dans la doctrine, le groupe pour certaines nécessiteraient l'élaboration d'un régime juridique international (GOLDMAN). D'autres auteurs ont proposé d'intégrer, dans les règles de conflit, la domination exercée par la société mère. Ainsi, selon les propositions faites, les questions relevant du pouvoir de direction relèveraient de la loi de la société dominante et celle concernant la protection des actionnaires minoritaires et des créanciers relèverait de la loi de la société dominée. (Doyen NOUSSOUARNE)

L'affaire Fruiehauf soumises à la CA de Paris dans les années 60 a montré le risque de donner trop de pouvoir à la société mère. Celle-ci voulait imposer à sa filiale française le respect d'un embargo décrété par les EU. La socéité mère exigeait de sa filiale qu'elle mette un terme à un contrat qu'elle avait conclu. La CA a refusé de tenir compte de la loi américaine et s'est limitée à l'application de la loi française ce qui a permis d'assurer la protection des actionnaires français et de nommer un administrateur provisoire.

§2 – Les activités du groupe

Pour les activités du groupe multinational il existe d'abord tout un ensemble de normes flexibles, soft law. Mais il existe aussi des manifestation de droit positif qui prennent en considération le groupe multinational.

A. Soft law

Des éléments de soft law résultent de diverses recommandations ou codes de conduite qui émanent notamment de l'OCDE. Elles émanent également des Nations-Unies avec un Code de conduite élaboré en 1984. Il existe également une résolution de l'Institut de Droit International. Dans l'ensemble, ces normes non contraignantes sont basées sur les dangers qui résultent de la concentration de pouvoirs caractéristiques des multi-nationales. Ces normes demandent aux multinationales de tenir compte par exemple des objectifs de politique nationales des pays où elles opèrent, de coopérer avec les milieux d'affaire locaux, de prévenir et lutter contre le trafic d'influence et la corruption ou encore de respecter la transparence. En retour, les EMN se sont dotées de leurs propres codes de conduite ou chartes d'entreprises.

Ce sont des prescriptions qui n'ont pas de valeur contraignantes sauf exceptionnellement. Par exemple, Nike prétendait respecter les droits fondamentaux des

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travailleurs, certaines produits étaient fabriqués dans des conditions scandaleuses et un juge américain a donc opposé à Nike son propre code de conduite pour engager sa responsabilité.

B. Manifestations positives

Ce sont des manifestations positives mais ponctuelles. Par exemple le droit de la concurrence, particulièrement le droit européen de la concurrence qui prend en compte l'entreprise et à travers l'entreprise il peut très bien s'agir d'un groupe de société. Il y a d'autres domaines comme le droit du travail où on rencontre la notion de co-employeur. C'est le cas lorsqu'un salarié travaille pour une filiale d'un groupe dont la société mère exerce le pouvoir de direction sur le salarié. Même chose dans le domaine de l'arbitrage international en ce sens que la jurisprudence, particulièrement la CA de Paris, a admis l'extension de la clause compromissoire à différentes sociétés non signataires faisant partie du même groupe. C'est une jurisprudence qui s'est développée dans les années 80.

Enfin, il y a les décisions rendues en matière de responsabilité. Sur ce terrain on rencontre certes des cas assez classiques où la responsabilité se fonde sur une faute commise par la société mère dans ses relations avec la filiale. C'est le cas par exemple quand il y a immixtion fautive de la société mère dans la gestion de sa filiale.

Plus significatives sont les décisions qui percent le voile social en imputant directement à la société mère les agissements d'une de ses filiales. Les cas sont rares mais spectaculaires ou au moins médiatisés. L'une des premières affaires en ce sens est celle de l'Amoco Cadiz qui a permis à un juge américain d'engager la responsabilité de la société mère pour l'une de ses sous-filiales étrangère propriétaire du navire. Plus récemment on peut citer une décision rendue en Angleterre par la Court of appeal qui a admis la responsabilité de la société mère à l'égard de salariés d'une filiale qui avaient été victimes de l'amiante. La Cour a imputé à la société mère le devoir de s'assurer que la filiale leur procurait un environnement de travail sur. C'est un arrêt du 9 février 2012.

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TITRE 2 – L'ÉTAT EN TANT QU'OPÉRATEUR DU COMMERCE INTERNATIONAL

De fait c'est un opérateur de longue date mais cette participation s'est beaucoup développée au cours du XXème siècle. Il y a d'abord le fait que la propriété des moyens de production a été collectivisée. Même chose pour les nationalisations en France. Si on constate la présence fréquente des États, pour autant ce n'est pas un opérateur comme les autres. Il a une condition juridique particulière. On verra ensuite une catégorie particulière de contrats, les contrats d'État.

Chapitre 1 – La condition juridique particulière de l'État

Cette condition juridique est liée à la souveraineté de l'État. Il dispose à ce titre de privilèges et de pouvoirs qui n'appartiennent pas aux opérateurs privés fussent-ils puissant d'un point de vue économique. L'État a un pouvoir normatif et il dispose d'immunité.

Section 1 – L'État législateur

L'État exerce le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif à travers ses institutions. Il peut par là s'impliquer dans le CI de manière unilatérale. Mais il peut aussi, en concluant des traités avec d'autres États, mener une action concertée qui généralement tend à développer les échanges économiques.

§1 – L'action unilatérale

C'est une action qui se développe dans des directions diverses. L'État joue un rôle dans le DI privé mais cette action se développe aussi pour le DI économique, notamment au niveau macro-économique. Il faut faire ressortir l'influence de l'État législateur sur des activités économiques auxquelles il est susceptible de participer lui même. Cela vise particulièrement la réglementation des investissements étrangers.

De fait, les États fixent unilatéralement le cadre juridique des investissements en établissant des normes pour l'accueil et le traitement des investissements étrangers. Chaque État est donc libre d'accueillir ou non ces investissements sous réserves des engagements internationaux qu'il a pu prendre. Les législation en la matière ont beaucoup évolué, notamment si on regarde les PED. Au début ils ne voulaient pas d'investissements étrangers puis ont cherché à les attirer et ils ont adoptés des Codes d'investissement qui réservaient un sort plus avantageux aux investissements étrangers, par exemple en accordant des avantages fiscaux.

Dans les pays occidentaux, la tendance a été constamment vers la libéralisation des investissements. En France par exemple, la législation est extrêmement libérale en ce qui concerne les investissements français à l'étranger et même chose, dans une moindre mesure, pour les investissements étrangers en France.

§2 – L'action concertée

Il s'agit d'une coopération entre États au moyen de traités internationaux. On a déjà vu cette coopération dans le domaine du DCI proprement dit, notamment pour établir des règles communes pour les opérations de droit privé.

Traités qui concernent les investissements, au départ il y a eu une forme classique, les

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traités d'établissement. Ce sont généralement des traités bilatéraux qui permettent aux ressortissants des deux États contractants de jouir des droits reconnus aux nationaux. C'est ce qu'on appelle la clause de traitement national. Sous une forme plus contemporaine, il y a les traité bilatéraux relatifs aux investissements (TBI). Ils représentent une catégorie particulière dont l'objet est de favoriser les investissements de manière réciproque et de fournir des garanties pour leur protection. Ces TBI sont extrêmement nombreux, ils constituent une sorte de réseau et si l'on se réfère à des statistique il est fait était de plus de 2300 TBI. Au départ c'était des traités surtout conclus entre des pays du nord et des pays du sud mais on a vu apparaître aussi des traités nord nord et sud sud. Les tentatives de parvenir à un accord multilatéral ont généralement échoué. C'est ce qu'à montré notamment l'Accord Multilatéral sur les Investissements (AMI) élaboré par l'OCDE. Finalement il reste les TBI qui, standardisés, permettent de dégager un certain nombre de principes et de règles communs.

À une plus grande échelle on a une action concerté qui permet aux États de créer des institutions telles que le CIRDI ou encore l'AMGI. Dans le cadre européen, désormais c'est l'UE qui dispose de la compétence pour négocier de tels traités. L'UE reçoit mandat pour négocier les traités avec les États tiers.

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Section 2 – Les immunités

Depuis le XIXè siècle, on reconnaît aux États une double immunité, l'immunité de juridiction et l'immunité d'exécution. Traditionnellement les personnes physiques souverains et les diplomates en bénéficiaient.

L'immunité de juridiction est un privilège qui fait obstacle à ce qu'un État soit attrait devait les tribunaux d'un autre État. Quant à l'immunité d'exécution c'est celle qui fait obstacle à toute mesure d'exécution forcée sur les biens de l'État. Le fondement de ces immunités réside dans la souveraineté de l'État, de laquelle découlent les principes d'indépendance et d'égalité des États. C'est un principe reconnu par le DI Public et la Cour de cassation n'hésite pas ici à se référer à la coutume internationale. Mais le régime de l'immunité est fixé par les États.

Il y a également dans ce domaine des conventions internationales et notamment une convention des Nation-Unies du 17 janvier 2005 mais qui n'est pas encore en vigueur

En France, le régime des immunités a connu une évolution liée au nouveau rôle joué par les États dans le commerce international. C'est précisément le fait que l'État se comporte comme une société privée dans le cadre international. C'est cela qui fait que maintenir les immunités à un degré élevé présentait un certain paradoxe. La jurisprudence a donc adoptée la théorie dite de l'immunité restreinte des États.

En ce qui concerne l'immunité de juridiction, elle a été limitée aux actes de puissance publique ou accomplis dans l'intérêt d'un service public. C'est ce qu'a énoncé un grand arrêt, Société Levant Express du 25 février 1969. Mais une formulation différente a été ultérieurement retenue, à savoir que l'immunité est réservée aux actes qui participent, par leur nature ou leur finalité, à l'exercice de la souveraineté. C'est un arrêt de la chambre mixte du 20 juin 2003, école saoudienne de Paris.

Au delà des formulations utilisées, on met en évidence la distinction entre les actes jure imperii et jure gestionis. Cette distinction se retrouve en droit européen et en particulier la CJUE l'a fait sienne dans un arrêt relatif à un contrat de travail liant l'ambassade d'Algérie en Allemagne à l'un de ses salariés, arrêt du 19 juillet 2012, Mahamdia contre République algérienne. On retrouve une solution devenue classique qui consiste à considérer que le contentieux des contrats de travail, même pour un État employeur, ne permet pas d'invoquer le bénéfice de l'immunité sauf dans les cas où les l'employé concernerait participerait à une activité de service public.

De la même manière, l'immunité d'exécution ne peut désormais jouer quand le bien saisi est affecté à une activité économique ou commerciale relevant du droit privé qui donne lieu à la demande en justice. C'est ce qu'a décidé un arrêt Eurodif rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 14 mars 1984. Lorsqu'il s'agit d'un organisme distinct de l'État, l'exclusion de l'immunité est encore plus marquée. C'est ce qu'a indiqué l'arrêt Soanatrach de la première chambre civile du premier octobre 1985. Cet arrêt énonce « les biens des organismes publics, personnalisés ou non, distincts de l'État étranger, lorsqu'ils font partie d'un patrimoine affecté à une activité principale relevant du droit privé, peuvent être saisis par tous les créanciers de cet organisme. » Cela fait apparaître que quand il s'agit d'une entité distincte de l'État qui a une activité qui relève du droit privé, il est normal que les créanciers puissent saisir les biens. Mais alors une difficulté se présente, celle d'établir que c'est bien le propriétaire des avoirs, objets de la saisie, qui est débiteur, en l'occurrence l'organisme distinct de l'État.

Malgré ce déclin, il est toujours utile, voire indispensable, de faire renoncer les États à leurs privilèges à l'occasion des contrats passés avec eux. On prévoit généralement cette renonciation dans les contrats d'États.

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Chapitre 2 – Les contrats d'État

Section 1 – Le particularisme du contrat d'État

Il s'agit d'un contrat conclu entre un État et une personne privée étrangère. Il apparaît immédiatement le déséquilibre de la relation puisqu'y est partie l'État, sujet de droit international public. Ce type de contrat concerne le plus souvent une opération d'investissement. L'État fait appel à un investisseur privé pour réaliser une opération, par exemple construction d'une autoroute ou d'une unité de production, voire une concession pétrolière ou minière. Ces exemples montrent qu'il s'agit souvent de création d'infrastructures ou d'exploitation de ressources naturelles.

Le contrat d'État présente des risques pour l'opérateur privé en raison des pouvoirs que détient l'État grâce à souveraineté. En particulier l'État a le pouvoir de nationaliser ou de prendre des mesures qui équivalent à ce qu'on appelle une expropriation déguisée ou rampante.

À cet égard, le droit international peut jouer un certain rôle de protection. Autrefois la protection diplomatique pouvait être mise en œuvre mais elle a été remplacée par les TBI relatifs aux investissements. Ils procurent aux investisseurs des garanties, par exemple des traitements justes et équitables qui protègent notamment leur droit de propriété.

De même ces TBI prévoient en cas de nationalisation ou d'expropriation le versement d'une indemnité juste et équitable ou, comme on parle dans les TBI, adéquate, prompte et effective. De même, les TBI prévoient le plus souvent le recours, en cas de différend, à l'arbitrage. Cette clause a joué un rôle moteur dans le développement de la compétence du CIRDI.

Mais le contrat d'État lui même permet de faire face aux risques. On connait certaines clauses, force majeure ou hard ship par exemple, mais il existe surtout des clauses spécifiques par lesquelles l'opérateur privé cherche à mettre le contrat à l'abri des interventions de l'État avec lequel il contracte. Ce sont des clauses qui tentent de neutraliser le pouvoir normatif de l'État.

§1 – Le droit applicable

Cette question du droit applicable au contrat d'État a soulevé des questions d'ordre théorique. Dans quel ordre juridique de tels contrats s'inscrivent-ils ? L'ordre interne ou l'ordre international ? On voit la difficulté puisque l'État est un sujet du droit international et les rapports entre États relèvent du droit international. Or ici, une personne privée est impliquée. De prime abord, le droit international est donc inapplicable. Cette considération qui met en évidence la partie privée a conduit la CPJI à considérer, dans l'affaire des emprunts serbes en 1929, que seul était applicable le droit de l'État d'accueil. Mais l'évolution qui a suivi a discrédité cette affirmation, il est apparu qu'un contrat d'État pouvait être soumis à d'autres règles et notamment à des règles non étatiques, par exemple les principes généraux du droit, ou même au droit d'un autre État que l'État contractant.

Partant de là, certains auteurs ont défendu l'idée qu'il existait un ordre juridique de base dans lequel le contrat d'État s'enracinait. Cette ordre juridique de base permettrait à l'État de choisir, avec son co-contractant, un autre droit. Cette théorie, avancée surtout par Mr Weil dans sa théorie du Grundelgung. Autrement dit ce serait un droit de renvoi. Cette position a été vivement combattue, en particulier par Pierre MAYER qui n'y a vu qu'un mythe.

Il existe aussi une tendance qui se situe à mi chemin entre ces différentes théories qui qualifie l'ordre juridique du contrat d'État d'ordre juridique transnational. Cette théorie affirme que le contrat d'État ne relève ni de l'ordre interne ni de l'ordre international, ce serait un ordre transnational (JACQUET). Ce point de vue est en adéquation avec la pratique du contrat d'État. En effet, il peut tout à fait déterminer le droit applicable conformément au principe d'autonomie ainsi que le reconnaît l'article 42 § 1 de la Convention de Washington qui a institué

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le CIRDI. Or très souvent dans les contrats d'État, les parties procèdent à une sorte de panachage entre le droit de l'État contractant et le droit international.

À défaut de choix des parties, le paragraphe 2 de l'article 42 prévoit l'application du droit de l'État contractant, y compris ses règles de conflit de loi ainsi que les principes de droit international en la matière.

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§2 – Les clauses de stabilisation et d'intangibilité

Les clauses de stabilisation tendent à rendre inapplicables les lois nouvelles que pourrait édicter l'État contractant. Stabiliser le droit c'est donc une manière de déterminer le droit applicable en le pérennisant. Les parties suppriment ainsi l'aléa législatif.

Les clauses d'intangibilité sont celles par lesquelles l'État garantit le maintient des droits et avantages consentis au co-contractant. Ce sont des clauses qui empêchent l'État de faire usage de ses prérogatives de puissance publique. Par exemple les mesures de nationalisation ou d'expropriation.

La question est alors de savoir s'il n'existe pas un conflit entre de telles clauses et le principe de souveraineté de l'État. Le respect de la force obligatoire du contrat ne porte-t-il pas atteinte à la souveraineté ? C'est une difficulté qui a pu faire douter de la validité, notamment des clauses d'intangibilité. Or l'État a une mission de défense de l'intérêt général et pour cela il peut définir des objectifs et mettre en œuvre des moyens et par une clause contractuelle il pourrait s'interdire de le faire. Mais ce qu'il faut comprendre c'est que l'État ne perd pas totalement le pouvoir de nationaliser ou d'exproprier par ce que cela peut apparaître nécessaire au regard des intérêts généraux qu'il a en charge. Les clauses de stabilisation ne peuvent être validées qu'à ce prix, c'est à dire au prix d'une certaine relativisation. Par exemple une sentence célèbre a été confronté à ce problème, Texaco contre Libye rendue en 1977 et a considéré que la clause ne portait pas atteinte, dans son principe, à la souveraineté de l'État libyen car en s'interdisant d'appliquer des lois et règlements nouveaux en matière pétrolière, l'État libyen conservait par ailleurs sa liberté. On a pu considérer que l'engagement de ne pas nationaliser pouvait être contracté par un État mais pour une période limitée.

§3 – Les clauses de règlement des litiges

En matière de contrat d'État, le règlement des litiges prévu est l'arbitrage. Étant précisé que l'arbitrage peut être un arbitrage ad hoc ou institutionnel et il peut, à ce titre, relever du CIRDI. À ce stade, il est important de savoir que la clause compromissoire vaut renonciation à l'immunité de juridiction de l'État. Selon la jurisprudence, cette renonciation s'étend à la procédure d'exequatur de la sentence au motif que l'exequatur se distingue de l'exécution. En revanche, pour l'immunité d'exécution qui vise les mesures d'exécution elles mêmes, il faut une renonciation distincte.

Il faut citer un arrêt qui a jugé différemment dans un contexte particulier, c'est un arrêt du 6 juillet 2000 qui a considéré que l'engagement pris par l'État d'exécuter la sentence dans les termes du règlement d'arbitrage de la CCI impliquait renonciation de l'État à l'immunité d'exécution. C'est en fait une particularité de l'arbitrage CCI par ce que le règlement en question prévoit qu'à partir du moment où on l'accepte, les parties s'engagent à exécuter la sentence. En dehors de ce type d'exception, il faut une renonciation spéciale.

Certaines catégories de biens de l'État profitent même d'une protection particulière, à savoir les comptes de mission des ambassades et, suivant une série d'arrêts récents, les créances fiscales et sociales de l'État. Ces biens bénéficient d'une présomption d'utilité publique. La Cour de cassation indique qu'il faut une renonciation effectuée de façon expresse et spéciale.

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DROIT DU COMMERCE INTERNATIONAL – MME BARRIÈRE-BROUSSE

Table des matièresDroit du commerce international..........................................................................................................1

Introduction.................................................................................................................................5I – La nature du droit du commerce international....................................................5

A. La définition et la nature du droit du commerce international.......................51°/ L'objet du droit du commerce international..............................................52°/ La nature du droit du commerce international et sa relation avec le droit international économique................................................................................63°/ Le caractère international des relations.....................................................7

B. Les méthodes du Droit du Commerce International.......................................8C. Aperçu historique............................................................................................8

II – Les sources du commerce international...........................................................11A. Les sources étatiques....................................................................................11B. Les sources inter-étatiques............................................................................12C. Les usages du commerce international lex mercatoria.................................14

1°/ Le contenu de la lex mercatoria..............................................................142°/ La juridicité de la lex mercatoria............................................................16

Partie I – Les Opérations du Commerce International..................................................................17Titre Préliminaire – Le Particularisme du Contrat International...............................................17

Section 1 – La phase des négociations........................................................................17Section 2 – Les clauses caractéristiques du contrat international...............................19

§1 – La clause de droit applicable et la clause de règlement des litiges................19§2 – Les clauses relatives au prix...........................................................................20§3 – Les clauses relatives aux difficultés d'exécution du contrat...........................20§4 – Les clauses relatives aux sanctions en cas d'inexécution...............................21

Titre 1 – L'Étude du Droit Applicable au Contrat International................................................23Chapitre 1 – Les règles de conflit de loi..........................................................................25

Section 1 – Le champ d'application des règles européennes......................................25§1 – Le champ d'application dans l'espace.............................................................25§2 – Application dans le temps..............................................................................25§3 – Le domaine matériel.......................................................................................25

A. Positivement.................................................................................................25B. Négativement................................................................................................26

Section 2 – La détermination de la loi applicable.......................................................27§1 – Les règles de rattachement ou la lex contractus.............................................27

A. Le choix des parties......................................................................................271°/ L'objet du choix.......................................................................................272°/ Les modalités du choix...........................................................................28

B. Les rattachements objectifs...........................................................................28§2 – Les lois de police............................................................................................30

A. Définition......................................................................................................30B. Applicabilité..................................................................................................30

1°/ Devant le juge étatique............................................................................302°/ Devant l'arbitre........................................................................................31

Chapitre 2 – Le droit matériel uniforme : La vente internationale de marchandises......33Section 1 – Les Incoterms...........................................................................................33

§1 – Présentation....................................................................................................33§2 – La place des incoterms dans le droit de la vente............................................34

Section 2 – La Convention de Vienne du 11 avril 1980.............................................35

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Sous-section 1 – L'applicabilité de la Convention......................................................35§1 – L'applicabilité dans l'espace...........................................................................35

A. Le caractère international du contrat............................................................35B. Les règles d'applicabilité de la Convention..................................................36

§2 – Le domaine matériel de la Convention..........................................................36A. La notion de vente de marchandises.............................................................36B. Les exclusions formulées..............................................................................37

1°/ Les ventes exclues...................................................................................372°/ Les aspects juridiques exclus..................................................................37

C. L'interprétation de la Convention et le traitement de ses lacunes.................37§3 – Le rôle de la volonté des parties.....................................................................38

Sous-section 2 – La formation du contrat de vente.....................................................39§1 – L'échange des consentements.........................................................................39

A. L'offre...........................................................................................................39B. L'acceptation.................................................................................................39

§2 – La forme et la preuve.....................................................................................40A. La forme.......................................................................................................40B. La preuve du contrat.....................................................................................40

Sous-section 3 – Les effets de la vente.......................................................................41§1 – Les obligations du vendeur............................................................................41

A. La livraison...................................................................................................41B. La conformité et les garanties.......................................................................41

1°/ L'obligation de conformité......................................................................41a) Définition et caractères du défaut de conformité.................................41b) Conséquences du défaut de conformité...............................................42

2°/ La disponibilité juridique........................................................................43§2 – Les obligations de l'acheteur..........................................................................43

A. L'obligation de prendre livraison..................................................................43B. Le paiement du prix......................................................................................43

1°/ La détermination du prix.........................................................................432°/ L'exécution du paiement.........................................................................44

Sous-section 4 – L'inexécution et les remedies...........................................................45§1 – Les remedies...................................................................................................45

A. La contravention essentielle et ses conséquences.........................................452°/ Conséquences de la contravention..........................................................45

B. Les autres moyens.........................................................................................45§2 – Les clauses exonératoires...............................................................................46

A. Les causes.....................................................................................................46B. Les conséquences..........................................................................................47

Titre 2 – La Sécurisation des Opérations du Commerce International.....................................49Chapitre 1 – Le crédit-documentaire...............................................................................49

Section 1 – Présentation..............................................................................................49Section 2 – Les règles applicables..............................................................................51Section 3 – Déroulement de l'opération......................................................................53

§1 – Le contrat de base...........................................................................................53§2 – L'ouverture du crédit......................................................................................53

A. L'accord donneur d'ordre / banquier.............................................................53B. Rapports entre banque et bénéficiaire...........................................................53C. Le rôle de la banque intermédiaire...............................................................54

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§3 – La réalisation du crédit-documentaire............................................................54A. La vérification des documents......................................................................54B. L'exécution du paiement...............................................................................54C. L'exception de fraude....................................................................................55

Chapitre 2 – Les garanties autonomes ............................................................................57Section 1 – Présentation générale des garanties autonomes.......................................57

§1 – Définition et fonctions des garanties autonomes............................................57§2 – Déroulement de l'opération............................................................................58

A. La mise en place de la garantie.....................................................................58B. L'appel de la garantie....................................................................................58

Section 2 – Les règles applicables..............................................................................61Partie 2 – Les Opérateurs du Commerce International..................................................................63

Titre 1 – Les Opérateurs Privés.................................................................................................63Chapitre 1 – La distinction des sociétés nationales et étrangères....................................63

Section 1 – La nationalité des sociétés.......................................................................63§1 – Les critères concevables.................................................................................64§2 – Les solutions de droit positif..........................................................................64§3 – Les intérêts en jeu...........................................................................................65

Section 2 – Les conflits de loi en matière de sociétés.................................................67§1 – Détermination de la lex societatis..................................................................67§2 – Domaine de la lex societatis...........................................................................67

Section 3 – L'incidence du droit de l'Union Européenne............................................69§1 – La reconnaissance intra-européenne des sociétés..........................................69§2 – Les transformations transfrontalières.............................................................70

A. La fusion transfrontalière..............................................................................70B. Le transfert du siège social...........................................................................70

Chapitre 2 – Les entreprises multi-nationales.................................................................71Section 1 – La diversité des structures........................................................................71

§1 – Le groupe multinational.................................................................................71§2 – Les groupements multinationaux...................................................................72

Section 2 – La vie du groupe multinational................................................................73§1 – L'organisation du groupe................................................................................73§2 – Les activités du groupe...................................................................................73

A. Soft law.........................................................................................................73B. Manifestations positives...............................................................................73

Titre 2 – L'État en tant qu'opérateur du commerce international..............................................75Chapitre 1 – La condition juridique particulière de l'État...............................................75

Section 1 – L'État législateur......................................................................................75§1 – L'action unilatérale.........................................................................................75§2 – L'action concertée...........................................................................................75

Section 2 – Les immunités..........................................................................................77Chapitre 2 – Les contrats d'État.......................................................................................79

Section 1 – Le particularisme du contrat d'État..........................................................79§1 – Le droit applicable..........................................................................................79§2 – Les clauses de stabilisation et d'intangibilité.................................................80§3 – Les clauses de règlement des litiges...............................................................80

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