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Monsieur Alain Charraud Madame Hélène Valdelièvre La taille et le poids des Français In: Economie et statistique, N°132, Avril 1981. pp. 23-38. Citer ce document / Cite this document : Charraud Alain, Valdelièvre Hélène. La taille et le poids des Français. In: Economie et statistique, N°132, Avril 1981. pp. 23-38. doi : 10.3406/estat.1981.4474 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/estat_0336-1454_1981_num_132_1_4474

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Page 1: La taille et le poids des Français - epsilon.insee.fr · Résumé D'après l'enquête «Santé et consommation médicale » de 1970, les hommes mesuraient alors en moyenne 1,70 m

Monsieur Alain CharraudMadame Hélène Valdelièvre

La taille et le poids des FrançaisIn: Economie et statistique, N°132, Avril 1981. pp. 23-38.

Citer ce document / Cite this document :

Charraud Alain, Valdelièvre Hélène. La taille et le poids des Français. In: Economie et statistique, N°132, Avril 1981. pp. 23-38.

doi : 10.3406/estat.1981.4474

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/estat_0336-1454_1981_num_132_1_4474

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RésuméD'après l'enquête «Santé et consommation médicale » de 1970, les hommes mesuraient alors enmoyenne 1,70 m et pesaient 72 kg, les femmes 1,60 m et 60 kg. La stature dans les catégories socialesles plus aisées s'avère sensiblement plus élevée que dans les milieux modestes. Retraités et étudiantsse placent aux deux extrémités de l'échelle des tailles mais ceci tient en partie au grandissement desgénérations. Parmi les régions, seuls le Nord et l'Est se situent significativement au-delà de la moyenneet l'Ouest en-deçà. Si les cadres ont un poids moyen assez élevé, ils pèsent en fait moins que lesemployés et ouvriers dès lors qu'on tient compte de l'effet de l'âge et de la taille. Les patrons — ducommerce, de l'industrie comme de l'agriculture — sont sensiblement plus lourds. Si l'on choisit lanorme de Lorentz, 1/4 des adultes de l'enquête dépassent d'au moins 20 % le « poids idéal ».Seulement 1 % des hommes et 3 % des femmes interrogés avouent suivre un régime.

AbstractThe Weight and Height of the French - According to the survey « Health and Medical Consumption » of1970, the average height of men in France was 1.70 meters and their weight 72 kilograms; women'sheight was 1.60 meters and their weight 60 kilograms. The height within the most affluent socialcategories was significantly greater than in the poorer segments of the population. The retired, on theone hand, and students, on the other, were situated at the extremities of the range of heights; however,this was partly due to the increase in height from one generation to the next. Of the different regions, theNorth and the East are notably taller than the average, while the West is shorter. Although executivesand administrators have a relatively high average weight, they in fact weigh less than office and factoryworkers if one takes into account the effects of age and height. Owners of firms — in commerce andindustry — as well as farmers, are significantly heavier. If we take the norms of Lorentz, 1/4 of the adultssurveyed are at least 20 % over the « ideal weight », although only 1 % of the men and 3 % of thewomen admit to being on a diet.

ResumenLa talla y el peso de los Franceses - Según la encuesta «Santé et consommation médicale » (sanidad yconsumo médico) de 1970, los varones median entonces por término medio 1 metro 70 y pesaban 72kilos, las mujeres 1 metro 60 y 60 kilos. La estat ura, entre las categorías mas acomodadas, se verificasumamente mas elevada que en esferas sociales humildes. Retirados y jubilados asi como estudiantesse colocan en los dos extremos de la escala de tallas mas esto es debido en parte al crecimiento de lasgeneraciones. Entre las regiones, el Norte y el Este tan solo, superan patentemente el promediomientras que el Oeste no lo alcanza. Si los cuadros dirigentes revelan un peso medio bastante elevado,en realidad pesan menos que los empleados y los obreros si se tiene en cuanta la implicación delefecto de edad y de talla. Los empresarios del comercio, de la industria, así como los de la agriculturatienen un peso sumamente más elevado. Si se aplica la norma de Lorentz, un cuarto de los adultos dela encuesta superan por lo menos en un 20 % el « peso ideal »; tan solo un 1 % de los varones y un 3%de las mujeres admiten haber hecho régimen.

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SOCIÉTÉ

La taille et le poids

des Français

par Alain Charraud et Hélène Valdelièvre*

À l'occasion des deux dernières enquêtes INSEE de 1970 et 1980 sur le thème de la santé et de la consommation médicale, on a pu dresser une statistique des tailles et des poids des Français dans leur ensemble, ce qui vient combler un manque, puisque, dans le domaine de la biométrie, l'information n'était jusqu'ici que ponctuelle, se limitant la plupart du temps aux seuls conscrits. En 1970 — et il en sera sans aucun doute de même en 1980 — les hommes dépassent les femmes de 10 centimètres en moyenne et pèsent 11 kg de plus qu'elles. Mais la différence de morphologie entre hommes et femmes est a priori évidente. L'intérêt et l'originalité réside plutôt dans la relation entre d'une part taille et poids et d'autre part tout l'arsenal des variables socio- démographiques contenues dans l'enquête : âge, catégorie sociale, zone d'habitat, région de naissance, etc. De façon générale, les disparités qu'on peut observer sont plus nettes chez les hommes. A noter que, dans cette enquête, taille et poids ne sont pas mesurés et que, dans leurs déclarations, les personnes interrogées ont souvent été tentées d'arrondir avec plus ou moins de bonne foi.

En fait, les chiffres se sont révélés meilleurs qu'on ne pouvait l'espérer. Les enquêtes ont très rarement refusé de répondre ou répondu qu'ils ne savaient pas. Certes, nombreux sont ceux qui ont arrondi leurs déclarations, et on observe en particulier deux modes quelque peu artificiels : 1,60 m et 60 kg pour les femmes, 1,70 m et 70 kg pour les hommes (encadré p. 28).

Toutefois, il semble que ces problèmes n'aient pas une grande incidence sur la validité des résultats obtenus. Oh constate d'ailleurs une bonne concordance des chiffres de l'enquête avec ceux issus d'autres sources, et qui leur sont comparables (encadré p. 31).

Les données présentées ici concernent les tailles et les poids, déclarés lors de la seule enquête de 1970. L'analyse a été restreinte aux adultes de plus de 20 ans, pour lesquels la croissance peut être considérée comme terminée. En 1980, la méthodologie étant identique, l'enquête fournira des résultats comparables. On disposera ainsi d'une série d'observations idéale pour apprécier l'évolution staturale de la population sur dix ans.

L'INSEE a réalisé en 1970 et 1980 deux enquêtes sur la santé et la consommation médicale où il était demandé à chaque individu enquêté de déclarer sa taille et son poids 1. Des données portant chaque fois sur environ 20 000 individus ont ainsi été recueillies, mais leur qualité n'était pas certaine dans la mesure où il s'agissait de déclarations au cours d'un entretien et non d'observations dûment contrôlées. De plus, bien souvent un enquêté répondait pour toute la famille.

* Alain Charraud et Hélène Valdelièvre font partie de la division « Conditions de vie des ménages » du département « Population et ménages » de VINSEE.

Les nombres entre crochets, [ ], revoient à la bibliographie en fin d'article.

1. Les deux enquêtes de VINSEE sur la santé et la consommation médicale ont été effectuées avec la collaboration de l'équipe médicale du CREDOC. Le ministère de la Santé et VINSERM ont également collaboré à l'enquête de 1980.

La méthodologie de ces enquêtes, ainsi que les principaux résultats pour 1970, ont été publiés dans Les Collections de l'INSEE, n° M-57. Plusieurs rapports du CREDOC fournissent également de nombreuses informations.

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A la base de toute documentation

statistique

La vie économique et sociale du pays, un domaine vaste et complexe ! Pour en faire le tour, le volume de l'information statistique existante se révèle considérable. Aussi, le but recherché par l'INSEE en publiant, chaque année, l'ANNUAIRE STATISTIQUE DE LA FRANCE est-il double :

• réunir en un seul volume une masse considérable de données statistiques, reflet de l'information chiffrée disponible, dans toute sa diversité. - Un sommaire détaillé, rehforcé d'un index

alphabétique, permet une détection aisée des données chiffrées de base, explicitées par un commentaire technique d'une grande clarté.

- Lés nombreux tableaux sont accompagnés de définitions, de précisions méthodologiques et de mises en garde, destinées à en faciliter l'utilisation.

• donner au lecteur les moyens, d'accéder à une information plus détaillée. - Les sources d'information : administrations,

services publics, . organismes professionnels, ... susceptibles de fournir la totalité des statistiques, sont toujours mentionnées, avec leurs adresses.

Un volume relié 21 x 29,7 900 pages

P303 CONSULTATIONS, VENTES : Dans les Observatoires économiques régionaux de l'INSEE (adresses en fin de publication) et chez les libraires spécialisés.

Institut National de la Statistique et des Études Économiques

Des générations de plus en plus grandes

Les Français « grandissent », et plus généralement tous les habitants des pays industrialisés. Cette idée est bien confirmée par la confrontation, même si ceci est hasardeux, de la taille moyenne des conscrits à un siècle d'intervalle : dans les années 1830-1850, ils mesuraient en moyenne 1,62 m [1]; un siècle plus tard, ils en sont à 1,72 m (encadré p. 31). Toutefois, cet écart ne reflète pas le seul grandissement de la population. Des études récentes [4] montrent en effet que la stature moyenne en 1850 était plus proche de 1,65 m que de 1,62 m : un conscrit âgé de 20 ans et mesurant 1,62 m atteignait sa taille définitive, disons 1,65 m, vers 25 ans seulement. Au contraire à 19-20 ans, le conscrit des années soixante-dix l'a en général atteinte. Les jeunes grandissent donc davantage mais arrivent aussi plus rapidement à leur taille adulte.

L'accroissement de la taille moyenne depuis le début du siècle reste important. Il semblerait même que la population grandisse de plus en plus vite 2. Ceci devrait donc se traduire par des différences de tailles moyennes entre classes d'âge, à un instant donné. C'est effectivement ce que l'on constate dans l'échantillon de l'enquête « santé» (tableau 1). Hommes et femmes se rangent par tailles moyennes décroissantes très régulièrement depuis les plus jeunes (20-29 ans) jusqu'aux plus âgés (70 ans et plus). Et la différence entre ces deux groupes d'âges extrêmes est de 4,7 cm chez les hommes, 2,6 cm chez les femmes, ce qui est significatif.

On peut noter incidemment un fait curieux, mais qui ne semble pas contestable et se trouve d'ailleurs relevé dans d'autres études [7] : la différence de stature entre générations est nettement moins marquée chez les femmes. En d'autres termes, les hommes auraient « grandi » plus que les femmes, au moins depuis un demi-siècle.

On ne saurait toutefois prétendre ici mesurer avec précision l'accroissement de taille entre les générations; en effet, les individus ayant 70 ans en 1970 ne sont pas représentatifs de l'ensemble des gens nés avec le siècle, une partie d'entre eux ayant disparu.

D'autre part, la stature se « tasse » avec l'âge. L'amplitude du « tassement » est difficile à évaluer, tout comme l'âge à partir duquel il s'opère. Dans une étude citée par Sutter [4], Morant l'estime à 15 mm par période décennale. Mais à partir de quel âge? S'appuyant sur des données collectées en Belgique, Quételet notait déjà ce tassement pour les hommes comme pour les femmes et estimait qu'il intervenait à partir de 50 ans [1].

Il ne faut cependant pas exagérer la portée d'un tel tassement, surtout dans des déclarations spontanées au cours d'un entretien : il est peu probable que les personnes inter-

2. Des auteurs se sont risqués à évaluer cette « accélération » du grandissement : elle serait de 0,168 cm par an en moyenne depuis 1960 (soit 1 cm tous les six ans, ce qui paraît beaucoup); 0,1 cm par an avant la seconde guerre; 0,05 cm par an au début du siècle [6].

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En mètre

Tranche d'âge

20 à 29 ans 30 à 39 ans 40 à 49 ans 50 à 59 ans 60 à 69 ans

Ensemble2.

Taille moyenne des hommes f

1,725 1,710 1,700 1,690 1,680 1,680 1,700

Taille moyenne des femmes 1

1,615 1,605 1,605 1,605 1,600 1,590 1,605

1 . Hommes et femmes âgés de 20 ans et plus. 2. L'ècart-type des distributions est de 7,2 cm chez les hommes et 6,2 cm chez les femmes.

Tableau 1

Taille moyenne des adultes selon l'âge *

Source : Enquête « santé » de 1970. * Compte tenu de l'importance de l'échantillon et de la faible dispersion des tailles,

en général un écart de 0,7 cm entre les tailles moyennes des différents groupes constitués dans les tableaux 1 à 4, a 95 chances sur 100 d'être significatif.

rogées dans l'enquête « santé » tiennent véritablement compte de la correction due à l'âge en déclarant leur taille.

A quoi est dû ce grandissement général de la population? Et d'ailleurs est-il même général, ou au contraire a-t-il affecté plutôt certaines catégories de population? Sil y a unanimité pour faire le constat, les explications sont plus diverses. On rappelle ici les plus couramment avancées.

Selon Villermé, qui s'exprimait vers 1830, la « nourriture meilleure » est le principal facteur de grandissement [4]. Depuis, cette explication a été reprise et généralisée ([2; 3; 6] par exemple). Pour ne citer que Sutter, « l'amélioration du niveau de vie avec, comme corollaire, l'accroissement continu de la consommation de la viande, du lait, des légumes, des fruits et des vitamines » contribue à expliquer l'accroissement de la taille.

Cependant, on considère aujourd'hui qu'il existe, outre ce facteur alimentaire, d'autres causes plus importantes de grandissement : on y voit notamment l'influence des exercices physiques et de la pratique du sport avec, en sens inverse, la disparition des travaux de force effectués par les enfants des milieux modestes. En effet, l'activité musculaire peut avoir des effets importants dans les deux sens : « lorsqu'on condamne aux travaux manuels et physiques un enfant qui n'a pas terminé sa croissance biologique, les cartilages et les articulations se tassent et le développement de la taille s'en trouve freiné d'autant » [6]. A l'inverse, « on peut penser que le développement de la culture physique a favorisé l'évolution longiligne des générations nouvelles » [4].

La disparition des isolats et de la consanguinité, le choix plus large du conjoint ont, selon les biogénéticiens, certainement joué également un rôle dans l'accroissement de la stature [4].

L'urbanisation a, semble-t-il, aussi une influence propre mais par des mécanismes mal élucidés de type écogénétique : la vie urbaine est génératrice de stimuli agissant sur les caractères biologiques de l'individu, dont la taille [3 ; 5], Mais il est difficile d'en conclure quelque chose de plus précis, tant sont nombreux les facteurs biologiques, liés aux modes de vie urbains et ruraux, et ayant pu agir sur le développement de la stature.

Comme on le sait, toutes ces causes ne sont pas simples à démêler : aucune n'est prépondérante, beaucoup sont en interaction, et sans doute en existe-t-il d'autres. De plus, tous les facteurs qui ont le plus contribué à l'accroissement de la taille, à côté d'un « versant biologique » (meilleure alimentation, disparition de la consanguinité, multiplication des stimuli), comportent également un « versant sociologique » : changement dans les modes de vie, mobilité sociale et géographique accrue, urbanisation accélérée. Ces conditions de vie, en changeant au cours du temps, ont agi sur la stature individuelle, différemment selon les milieux sociaux et naturellement aussi selon les régions et l'environnement. Bien que les modes de vie aient tendance à une relative homogénéisation, on peut se demander s'ils conditionnent la stature des groupes sociaux et régionaux. En d'autres termes, la société étant socialement stratifiée, la stature de ses membres l'est-elle aussi?

Les groupes sociaux sous la toise

Selon les données dont on dispose, les tailles moyennes des diverses catégories socioprofessionnelles sont significative- ment différentes et les écarts à peu près du même ordre qu'entre les groupes d'âge (tableau 2).

SOCIÉTÉ 25

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Tableau 2

La taille moyenne selon la catégorie socioprofessionnelle

Catégorie socioprofessionnelle

Salariés agricoles Exploitants agricoles Patrons de l'industrie et du commerce, artisans, commerçants

Professions libérales, cadres supérieurs Cadres moyens Employés Ouvriers Personnels de service Retraités Ménagères Étudiants

Ensemble 2

Hommes

1,675 1,690

1,710 1,730 1,725 1,710 1,700 1,695 1,680

1,755 1,700

En mètres

Femmes

ns 1,620 ;

1,605 1,625 1,615 1,610 1,605 1,600 1,585 1,605 1,620 1,605

1 . Hommes et femmes âgés de 20 ans et plus. 2. Cet ensemble comprend également d'autres actifs (clergé, armée, police) et d'autres inactifs. 3. Les exploitantes agricoles qui, à 80 %, sont les conjointes des exploitants, semblent plus

grandes qu'eux relativement mais cette catégorie, ici, n'est pas représentative pour le calcul de la stature moyenne : beaucoup d'aides familiales agricoles se déclarent inactives dans l'enquête.

Source : Enquête «santé» de 1970.

On ne peut manquer de remarquer la stratification frappante qui en résulte, surtout chez les hommes. En effet, si l'on classe les catégories socioprofessionnelles selon leur taille moyenne, par ordre croissant, elles s'ordonnent de manière particulièrement suggestive : d'abord la population agricole et les retraités, ensuite les ouvriers et personnels de service, puis dans cet ordre les employés, cadres moyens, patrons, cadres supérieurs et professions libérales; enfin, beaucoup plus haut, les étudiants.

En revanche, la stratification staturale est moins accentuée chez les femmes. Ceci pourrait s'expliquer tant par la moins grande dispersion des tailles que par la présence importante d'une catégorie « ménagères » qui ne représente pas un groupe social homogène et de ce fait « brouille les cartes ». Si l'on considère plutôt la taille des femmes selon la catégorie sociale de leur mari, on ne trouve toutefois pas plus de différences. Certes les femmes de patrons et cadres supérieurs sont un peu plus grandes (1,61 m) que les femmes d'ouvriers (1,60 m), mais de très peu. La seule différence significative de stature apparaît pour les couples de catégories extrêmes : la femme cadre supérieur mariée à un cadre supérieur mesure en moyenne 3 cm de plus (1,63 cm) que la femme d'ouvrier, elle-même ouvrière (1,60 m).

Les disparités de taille entre catégories sociales — 3 cm par exemple entre les hommes ouvriers et cadres supérieurs — peuvent-elles provenir d'un effet parasite de la structure d'âge? C'est évidemment le cas si on considère la position des retraités; ils sont plus petits car plus âgés. C'est partiellement vrai aussi pour les étudiants : ils sont grands parce

qu'ils sont jeunes (mais aussi parce qu'ils sont les enfants des catégories plus aisées). C'est aussi partiellement un effet de l'âge qui fait apparaître les actifs agricoles (exploitants et salariés) plus petits qu'ils ne le sont en « réalité », étant plus âgés que les ouvriers; à âge égal, ils sont exactement de la même taille (schéma I). De même, si l'on attribue aux cadres supérieurs la composition par âge des ouvriers, la différence taille entre eux s'accroît légèrement (elle passe de 2,9 cm à 3,2 cm).

Il faut donc bien admettre qu'encore aujourd'hui les hommes — et les femmes dans une moindre mesure — sont plus grands dans les catégories sociales plus aisées, plus petits dans les milieux modestes. Ainsi, la stature très au-dessus de la moyenne des étudiants s'explique par un effet combiné d'un âge jeune et d'un milieu social plus élevé 3.

Ces résultats peuvent paraître étonnants par leur concordance avec la stratification sociale. Mais la constatation en a été faite depuis longtemps. Villermé en 1829 observait, on l'a vu, que la taille croît avec le revenu ; Quételet également. Il semble même que les différences de stature entre classes sociales aient été plus accentuées il y a un siècle, ce qui n'est pas surprenant puisque les différences de conditions de vie l'étaient également [4 ; 5].

3. On retrouve pour les étudiants une taille moyenne très proche de celle calculée par Sutter et alii (encadré p. 31).

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P pv

Schéma I-

Effet de l'âge sur la taille moyenne par catégorie socioprofessionnelle Hommes de plus de 20 ans

Taille en cm J

173

172

171

170

169

168

167

Cadres, professions* libérales

Employés, ~" Patrons*

Ouvriers,

Exploitants, agricoles

-

Salariés agricoles

..••••"■

A /

/

-

4 /

A CPL

P

E

0

SA. S /

/

/

( > — ̂ - Tailles moyennes observées

Source : Enquête santé 1970.

1 677004 6 90

Tailles moyennes à structure par âge

identique à celle des ouvriers

La consommation

alimentaire

en 1977

par Marie-Annick Mercier

La mesure directe et permanente, de la consommation alimentaire des ménages en France présente un double intérêt. D'une part, elle permet de remédier à certaines insuffisances des statistiques disponibles par ailleurs. D'autre part, elle en fournit des mises à jour fréquentes et régulières.

L'enquête sur la consommation alimentaire des Français, redevenue annuelle depuis 1976, répond à ces préoccupations.

Les résultats détaillés relatifs à l'année 1977, publiés dans ce volume, apportent des informations sur la consommation totale de chaque produit en valeur et en quantité. Cette étude donne ainsi une mesure chiffrée du marché global de chacun d'eux. L'analyse de la consommation répartit cette dernière entre les différentes catégories de ménages, définies par leurs caractéristiques socio-démographiques : âge et profession du chef.de ménage, composition du ménage, activité de l'épouse, localisation de l'habitat.

La répartition des achats des ménages selon les différents canaux de distribution fait l'objet du volume M 84 des « Collections de l'INSEE » intitulé « Les lieux d'achats des produits alimentaires en 1977».

Les « Collections de l'INSEE », série M « Ménages », n° 83. Un volume broché - format 21 x 29,7 - 164 pages.

CONSULTATIONS, VENTES : P 256 Dans les Observatoires économiques régionaux de l'INSEE (adresses en fin de publication) et chez les libraires spécialisés.

Institut National de la Statistique et des Études Économiques

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t

VALIDITÉ DES DÉCLARATIONS DANS L'ENQUÊTE

En 1970, 7 400 ménages ont été interrogés, comprenant notamment 6 208 hommes et 7 033 femmes de plus de 20 ans pour lesquels on dispose des déclarations de taille et de poids. Cet échantillon est représentatif de l'ensemble de la population résidente, mais les déclarations de taille et de poids ont la plupart du temps été faites par une seule personne pour chaque ménage, ce qui fait peser certaines présomptions sur la validité des données : les réponses ont pu être faites au «jugé », voire même un peu au hasard.

• Validité des déclarations de tailles De fait les distributions des tailles (et des poids) empiriquement observées font apparaître une grande attraction des « chiffres ronds » (graphiques ci-contre), la taille moyenne, chez les hommes (1,70 m) comme chez les femmes (1,60 m), est due au poids prépondérant de trois déclarations (1,65 m, 1,70 m et 1,75 m dans le premier cas; 1,55 m, 1,60 m et 1,65 m dans le second). Sans cette attirance, ces moyennes auraient-elles été plus élevées ou plus basses t Chez les hommes, les deux tailles autour du mode (1,69 m et 1,71 m) semblent anormalement sous-déclarées, ce qui est rassurant; on pe t penser en effet que cela limite l'erreur absolue autour de la déclaration « 1,70 m » à une amplitude de 1 cm. Toutefois « 1,68 m » semble également sous-déclaré : un certain nombre d'hommes se sont sans doute « grandis » de 2 cm. Même dissymètrie autour de 1,65 m puisque l'on observe peu de déclarations à 1,66 m et encore moins à 1,64 m et 1,63 m. Par contre la dissymétrie joue en sens inverse autour de 1,75 m et de 1,80 m, mais il paraît plus difficile de conclure à une sous- estimation des grandes tailles. De toutes façons, la multiplicité des « pics » est en soi rassurante, car elle minimise l'incidence des erreurs de déclarations sur le calcul de la distribution réelle des tailles. Chez les femmes, on observe le même phénomène principal : l'attraction d'un chiffre rond — 1,60 m ici — qui constitue le mode et la moyenne et contribue à la symétrie grossière des tailles des femmes adultes. Il y a également deux modes secondaires (1,55 m et 1,65 m). Enfin la dépression autour de 1,60 m suggère également des erreurs de faible amplitude (c'est essentiellement entre 1,58 m et 1,62 que l'on déclare 1,60 m). La symétrie de l'attraction du mode principal est plus marquée : les femmes auraient-elles moins tendance à tricher et donc à ne pas se « grandir » i Par contre, il y a un second mode plus marqué que chez les hommes (il est à 1,65 m). Malgré tout, on observe le

même phénomène que chez les hommes autour de la moyenne : on arrondit plutôt « en se grandissant » : les dépressions sont plus marquées « à gauche » des pics qu'à « droite ».

• La distribution des tailles : principales caractéristiques Naturellement, hommes et femmes constituent deux populations de stature nettement différente (10 cm d'écart en moyenne), qu'il convient d'étudier séparément. La taille moyenne des femmes est 1,604 m, c'est-à-dire très proche du mode, qui est, on l'a vu, de 1,60 m. Même symétrie chez les hommes : moyenne (1,701 m) et mode principal (1,70 m) coïncident pratiquement. Environ les trois quarts des femmes mesurent entre 1,55 m et 1,70 m; 7 % seulement mesurent plus de 1,70 m et peuvent être considérées comme grandes, en 1970, par rapport au reste de la population féminine adulte. Moins de 4 % mesurent moins de 1,50 m et peuvent être considérées comme petites (tableau ci-dessous). Les trois quarts des hommes ont une taille comprise entre 1,65 m et 1,80 m; 9 % mesurent 1,80 m ou plus (grandes tailles) et moins de 5% moins de 1,55 m (petites tailles). Les bornes choisies pour délimiter les « grands » ou les « petits » sont bien sûr arbitraires. Mais on peut aussi utiliser des bornes données par la distribution elle-même et convenir par exemple que les grandes tailles et les petites sont celles qui sont à l'extérieur de l'intervalle obtenu en portant une longueur d'un écart-type (S) de part et d'autre de la moyenne empirique T : [T — S, T + S]. Pour les hommes adultes, l'écart-type S étant égal à 7,2 cm, les grandes tailles commencent ainsi selon cette définition au-delà de 177,3 cm et les petites en-deçà de 162,9 cm (en 1970). Pour les femmes, S étant égal à 6,2 cm, on obtient les bornes 166,6 cm et 154,2 cm. Les distributions obtenues peuvent-elles être ajustées par des lois normales comme leur allure symétrique le suggère et comme on l'a longtemps pensé f ? En fait l'ajustement de la distribution empirique sur une loi normale de mêmes moyenne et écart-type n'est pas satisfaisant. Il est clair d'ailleurs que l'ensemble des adultes (hommes ou femmes) est, du point de vue de la stature, un mélange de populations hétérogènes, en premier lieu par classes d'âge. Cependant, même sur une sous-population d'hommes ou de femmes d'âges (et donc de tailles) plus homogènes, l'ajustement par une loi normale reste difficile.

Répartition des adultes par groupes de taille

Répartition par groupe de taille : Hommes 1 Femmes •

Moins de

150 cm

1,0 3,8

150 à 154 cm

0,8 11,8

155 à 159 cm

Z8 24,2

160 à 164 cm

12,6 32,0

165 à 169 cm

25,7 21,1

170 à 174 cm

32,1 6,4

175 à 179 cm

16,1 0.7

180 à 184 cm

7.4 e

185 cm et plus

1,5

Toutes tailles

100 100

1. Hommes et femmes de plus de 20 ans.

Source : Enquête santé 1970.

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«SANTÉ» ET CARACTÉRISTIQUES DES DISTRIBUTIONS

On a d'ailleurs montré que même les conscrits d'une année ou les polytechniciens d'une promotion ne constituaient pas des distributions normales de tailles [4].

• Validité des déclarations de poids et distribution empirique Tout comme les déclarations de tailles, les déclarations de poids sont souvent arrondies. En outre la dispersion est nettement plus élevée et l'on remarque qu'elle l'est encore plus chez les femmes que chez les hommes : le coefficient de variation est ici de 14,7 % chez les hommes et 17,8 % chez les femmes contre 4 % seulement pour les tailles masculines ou féminines (graphique ci-contre).

On peut ùenser qu'il existe un biais dû à des sous-déclarations volontaires du poids, quand il est jugé trop élevé par rapport à certaines normes sociales. Il faut d'ailleurs noter qu'une valeur pondérale n'est pas une donnée biométrique de même nature qu'une stature : elle peut varier au cours de la vie, de l'année même, en fonction de l'état de santé et des pratiques alimentaires. La meilleure preuve en est que le poids est un élément d'appréciation dans beaucoup de diagnostics médicaux.

Pour toutes ces raisons, l'incertitude sur « le poids réel » à partir de l'enquête est sans doute assez grande, et ce que l'on peut en dire est plus limité.

Comme pour la taille, la prépondérance d'un mode un peu artificiel (60 kg chez les femmes, 70 kg chez les hommes), contribue à symétriser la distribution et à déterminer la moyenne : le poids moyen est de 60,6 kg chez les femmes, 72,2 kg chez les hommes. Mais là s'arrête l'analogie entre taille et poids. Comme l'attestent les deux courbes de répartition ci-contre, la distribution des poids ne se fait pas principalement autour d'une valeur déclarée, mais bien plutôt autour de trois ou quatre : 50, 60, 70 kg chez les femmes; 60, 65, 70, 80 kg chez les hommes.

C'est ainsi que 32 % des hommes pèsent entre 60 et 69 kg, 36 % entre 70 et 79 kg, 17 % entre 80 et 89 kg; 8% pesant moins de 60 kg et 7 % plus des 90 kg; la distribution est assez « étalée » par conséquent. Même étalement chez les femmes : 38 % d'entre elles pèsent entre 50 et 59 kg, 31 % entre 60 et 69 kg, 19 % plus de 70 kg et 12 % moins de 50 kg.

1. L'un des premiers statisticiens, Quételet, vers 1830,. pensait prouver à l'aide d'observations biométriques, que la stature, le poids et même les caractères moraux se distribuent suivant des lois normales : «cette loi si simple et si élégante s'applique non seulement aux tailles, mais encore aux poids, aux forces et en général à toutes les lois physiques, ajoutons même aux lois morales et intellectuelles de l'homme » [1].

Distributions des tailles et poids des hommes

(Distributions empiriques et courbes lissées par des moyennes mobiles)

Fréquence en % J

50 60

5l

150 • 160 170 180 Taille en cm

* Hommes de plus de 20 ans de l'enquête • santé » de 1970. NB. — La distribution des tailles et poids des femmes de plus de 20 ans offre une configuration semblable.

SOCIÉTÉ 29 5.

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Tableau 3 ~

La répartition des actifs par taille selon la catégorie sociale

Taille des hommes i (en centimètres) : Moins de 150 1 50 à 1 54 155 à 159 1 60 à 1 64 165 à 169 170 à 174 175 à 179 1 80 à 1 84 185 à 189

Toutes tailles

Tailles des femmes 1 (en centimètres) : Moins de 150 1 50 à 1 54 155 à 159 160 à 164 165 à 169 170 à 174 175 à 179 180 à 184

Toutes tailles

Exploitants agricoles

0,2 2,9

16,2 26,8 32,3 14,9 5,9 0,8

100

4,6 19,3 42,4 27,5 6,2

100

Ouvriers

0,1 0.7 3,2

13,2 25,7 33,4 15,4 6,8 1.5

100

2,4 11,5 25,7 33,4 19,3 6.7 0,7 0,3

100 .

Patrons

0,2 0.4 9,5

27,3 36,1 16,9 7,8 1,8

100

3,0 11,9 25,1 33,8 18,6 7,0 0,6

100

Employés

0,6 1.3

11,8 22,9 32,9 17,3 10,5 2.7

100

1,1 10.3 24,4 31,8 23,0 8,3 0,8 0,3

100

Cadres supérieurs, ingénieurs, professions libérales

0.3 6,6

16,2 38,3 24,3 13,0 , 1,3

100

6.7 17,2 37,3 33,7 5.1

100

Ensemble des adultes

1,0 0,8 2,8

12,6 25,7 32,1 16,1 7,4 1.5

100

3,8 11,8 24,2 32,0 21,1 6,4 0,7

100

1 . Hommes et femmes âgés de 20 ans et plus.

Source : Enquête « santé » de 1970. '

Toutes les études récentes confirment le maintien de ces. différences : «le seul phénomène stable consiste en ceci : dans tous les cas, les groupes sociaux assimilables aux cadres supérieurs, aux professions libérales et les étudiants ont la plus forte stature » [5]. On peut également reprendre ici, sans en rien changer, les conclusions d'une enquête effectuée par l'INSEE en 1955 sur la taille et le poids des écoliers, puisque la hiérarchie des tailles qui y est observée (selon la catégorie sociale du père) est exactement celle que l'on observe en 1970 sur toute la population : « ces hiérarchies sont approximatives et manquent de netteté dans le détail, mais certains contrastes restent vrais, ' au moins entre les situations extrêmes. Si l'on compare, par exemple, la situation staturo-pondérale des garçons pris dans la catégorie des professions libérales et des cadres supérieurs à la situation correspondante des enfants d'ouvriers et surtout de salariés

agricoles, on trouve des différences qui sont de l'ordre de 3 à 4 cm pour la taille et de 2 à 3 kg pour le poids » [3].

Naturellement, il faut voir tout ce processus en termes de moyennes et de façon relative. Les milieux ouvriers comportent quand même une proportion importante de tailles élevées (23,7 % des ouvriers mesurent plus de 1,75 m) ; moins toutefois que les milieux de cadres supérieurs et de professions libérales (38,6 % mesurent plus de 1,75 m). De même il y a chez les cadres et dans les professions libérales des individus de taille inférieure à la moyenne (6,9 % mesurent moins de 1,65 m par exemple), mais en moins grand nombre que chez. les ouvriers (17,1 %) [tableau 3].

Les explications sociobiologiques du grandissement général analysées plus haut sont sans doute à l'origine de ces disparités. Mais il est probable aussi que « la reproduction

30

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COMPARAISONS AVEC D'AUTRES SOURCES

• Les tailles moyennes calculées à partir des déclarations de l'euqnête « santé » représentent-elles une estimation correcte de la réalité î Un moyen de s'en assurer est 'de comparer ces chiffres à ceux que l'on obtient par d'autres sources. Les nombreuses études de biométrie qui existent portent malheureusement sur des données assez anciennes et couvrent des champs plus restreints : les étudiants, les agriculteurs, les polytechniciens, les conscrits,... les pilotes de chasse même. La plupart s'appuyant sur des sources militaires, la confrontation est limitée aux hommes, aux jeunes, mais s'avère néanmois utile. La concordance est en effet très bonne entre les mesures opérées sur des conscrits et les déclarations comparables de l'enquête santé de • 1970 (tableau ci-dessous). Les écarts absolus dépassent rarement un centimètre, jamais deux, et surtout ils sont plus grands à l'intérieur de chaque source, entre

gories sociales, qu'entre les sources elles-mêmes. De plus, la stratification des tailles selon les milieux sociaux est la même dans l'enquête «santé» de 1970 et chez les conscrits. Voilà qui conduit à penser que, plus généralement, les déclarations des tailles dans l'enquête offrent une image relativement fidèle de la stature réelle des adultes. • Le poids déclaré dans l'enquête « santé » est apparemment supérieu r à celui des autres sources. Cela provient essentiellement d'un défaut de comparabilité : les populations de conscrits des trois sources présentées ont toutes une moyenne d'âge proche de 20 ans. Malgré cet effet parasite, le rapprochement des sources montre également une assez bonne concordance et notamment des différences homologues entre les poids des sujets masculins appartenant aux différentes catégories sociales.

Catégories d'individus Taille moyenne

(en mètre) Enquête « santé » de 1970

Autres sources

Poids moyen (en kilogrammes)

Enquête « santé » de 1970 Autres sources

Nature des sources

Conscrits ouvriers Ouvriers de 18 à 23 ans Ouvriers de 20 à 29 ans

Employés

Conscrits agriculteurs Exploitants agricoles

Conscrits de 20 ans Jeunes hommes non étudiants de 18 à 23 ans

Polytechniciens Conscrits étudiants Étudiants de 18 à 20 ans étudiants de plus de 20 ans Étudiants de 21 ans

1,704 Ignazi 1967 [9]. 66,6

1,713

1,712 1,719 Ignazi 1967 [9].

1,675 1,701

68,9 66 65

Schneider 1964 [5]. Ignazi 1967 [9].

1,692

1,695 1,723

Sutter 1954 [4]. Olivier 1974 [10].

1,723 67,2

1,743 1,754

1,745

1.735

67,5 67,5 66

65,4 68,3

Sutter 1954 [4]. Ignazi 1967 [9]. Schreider 1964 [5].

Aubenque 1954 [3].

sociale », laquelle se traduit notamment par le choix du conjoint à l'intérieur d'un même groupe social ou à proximité [17], contribue à maintenir la disparité de statures . entre couches populaires et couches privilégiées. La reproduction sociale fonctionne du point de vue biologique comme un processus de sélection naturelle : les hommes et les femmes d'un même milieu social s'épousant souvent entre eux, ont de ce fait des enfants d'une taille plus proche de la leur que de celle des individus d'un autre milieu.

Cependant un certain rapprochement , des modes de vie doit à la longue réduire aussi l'éventail des statures. C'est

bien ce que l'on constate sur des données temporelles. Par exemple, les conscrits d'origine ouvrière comblent leur retard sur les polytechniciens ; de même, « l'avance » des étudiants sur le reste de la population s'amenuise par les deux bouts : d'une part les jeunes non étudiants les rattrapent, d'autre part eux-mêmes forment de plus en plus une catégorie « moyenne », comprenant des jeunes d'origine modeste en plus grand nombre [4],

En 1970, dans l'enquête « santé », la différence de taille entre les étudiants (1,75 m) et les jeunes non étudiants -de 18 à 23 ans (1,72 m) était encore visible. L'enquête « santé » de 1980

SOCIÉTÉ 31

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établira un nouveau point de comparaison. Un rattrapage entre ces deux groupes préluderait, à terme, à la disparition des différences de stature entre catégories sociales.

Ruraux et citadins, plaine et montagne, nord et sud

Dans la stratification sociale des statures, il faut accorder une place à part, tout au moins chez les hommes, aux salariés et exploitants agricoles. Ils sont en effet nettement plus petits que tous les autres actifs auxquels on aurait pensé à les comparer. Les exploitants par exemple mesurent, à âge égal, 1,7 cm de moins que les autres patrons. Quant aux salariés agricoles, ils semblent cumuler sur leur stature à la fois le fait d'être ouvriers et de vivre à la campagne. En effet, l'écart entre ruraux et citadins, que Villermé notait déjà en 1829, ne serait pas, selon Schreider [5], réductible à une simple différence de mode de vie : cet auteur remarque que même aux pires moments du xixe siècle, alors que la sous-alimentation, la maladie, l'alcoolisme et le surpeuplement sévissaient dans les villes, la taille moyenne du plus pauvre des arrondissements parisiens était encore supérieure à celle de la banlieue rurale. Les deux enquêtes déjà mentionnées, effectuées par l'INSEE en 1950 et 1955 sur la taille et le poids des écoliers [2 ; 3] montrent également des différences entre zones rurales et urbaines. Elles étaient toutefois très faibles et on ne les retrouve plus dans l'enquête « santé » de 1970.

Selon Schreider, il existerait en outre une opposition entre « sédentaires » (plus petits) et « migrateurs » (plus grands), ce qui expliquerait que les paysans, entièrement du premier groupe soient plus petits. Pourtant, on ne retrouve pas dans l'enquête de différence de taille entre les adultes qui habitent là où ils sont nés et les autres. Toutefois, il est possible que cet effet n'apparaisse pas d'emblée sur les « migrateurs » mais au bout de plusieurs générations. Dans ce cas l'opposition pertinente serait plutôt ethnique, entre les types physiques qui se sont le moins mélangés et les autres. Des études d'ethno-biologie ont effectivement montré que les isolats étaient notamment caractérisés par des statures plus petites, dans les régions montagneuses par exemple. Mais il est très difficile aujourd'hui de mesurer les effets résiduels des types raciaux et des phénomènes d'isolats sur les caractères physiques, dont la taille.

Le seul critère de localisation dont on puisse discerner l'effet sur les statures est la région : le Nord et l'Est s'opposent (faiblement : 1 à 2,5 cm de plus) au Sud et à l'Ouest; contrairement à l'idée la plus répandue, c'est dans l'Ouest et non dans le Sud que les hommes et les femmes sont les plus petits. Cette opposition, sommaire quoique indéniable, est faible car l'écart est dû pour une part à un effet d'âge, le Nord urbain et plus jeune s'opposant à l'Ouest rural et plus âgé. Néanmoins les différences subsistent à âge égal (tableau 4).

De ce panorama rapide de la stature de la population adulte en 1970, on pourra retenir quelques confirmations : le gran-

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Hommes 1 : 20 à 29 ans 30 à 39 ans 40 à 49 ans 50 à 59 ans 60 à 69 ans 70 ans et plus

Ensemble

Femmes 1 : 20 à 29 ans 30 à 39 ans 40 à 49 ans 50 à 59 ans 60 à 69 ans 70 ans et plus

Ensemble

Région parisienne

1.735 1.725 1,710 1,705 1,680 1,680 1,715

1,620 1,605 1,605 1,595 1,595 1,590 1,610

Est

1,725 1,730 1,720 1,700 1,690 1,690 1,710

1,635 1,620 1,630 1,615 1,615 1,605 1,620

Nord

1,720 1,710 1,715 1,710 1,675 1,700 1,710

1,615 1,615 1,600 1,605 1,615 1,595 1,610

En mètre

Ouest

1,725 1,690 1,685 1,685 1,670 1,660 1,690

1,610 1,595 1,600 1,605 1,590 1,575 1,595

1 . Hommes et femmes âgés de 20 ans et plus.

Tableau 4

Taille des adultes selon leur âge

et leur région de naissance *

* Seules figurent ici les trois ZEA T pour lesquelles la taille est significativement différente de la moyenne ainsi que la région parisienne qui se distingue nettement du reste du Bassin parisien. Dans les ZEA T Centre-Est, Sud-Ouest, Méditerranée et Bassin parisien, la taille moyenne n'est pas significativement différente de 1,70 m chez les hommes et 1,60 m chez les femmes.

dissement général, certains écarts entre groupes sociaux malgré une tendance à leur réduction.

L'enquête de 1980 apportera un éclaircissement sans doute décisif sur la tendance à la réduction de ces écarts et sur la poursuite du grandissement 4. Mais il appartient aux biologistes, nutritionistes et généticiens d'éclairer la part qu'apporte chacun des facteurs biologiques et sociaux dans la détermination de la taille et dans son accroissement indéniable, au moins depuis 1945.

Enfin, l'accroissement moindre de la taille des femmes, ainsi que les écarts plus faibles constatés pour elles entre catégories sociales, demeurent une interrogation, si ce n'est une énigme.

Poids, taille et âge

Les données recueillies dans l'enquête « santé » permettent aussi de rapprocher la taille et le poids de chaque individu et d'obtenir ainsi une photographie de la situation staturo- pondérale des adultes au moment de l'enquête, à condition

toutefois que le poids déclaré ne soit pas moins fiable que la taille (encadré p. 28).

Ce qui ressort en premier lieu, c'est, en schématisant quelque peu, la corrélation évidente entre taille et poids : on peut dire que le poids des adultes croît linéairement avec leur taille (tableau 5 en colonne).

Les hommes les plus petits pèsent en moyenne 62 kg, les plus grands 84,4 kg, la moyenne étant de 72,2 kg. De même le poids des femmes passe selon la taille de 53,2 kg à 70,4 kg pour une moyenne d'ensemble de 60,6 kg.

En réalité, la liaison est plus complexe car l'âge intervient aussi pour expliquer les variations de poids (encadré p. 36). Il semble qu'il y ait prise de poids jusqu'à 50 ans environ, puis légère décroissance ensuite (tableau 5).

4. // serait notamment intéressant d'analyser — ce qu'on n'a pu faire ici faute des données nécessaires — comment s'opère le grandissement lorsqu'on passe de la génération des parents à celle de leurs enfants.

SOCIÉTÉ 33

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Tableau 5

Poids moyen selon l'âge et la taille *

Taille des hommes ' (en centimètres) : 155 à 159 160 à 164 165 à 169 170 à 174 175 à 179 180 à 184 185 à 189

Toutes tailles2

Tailles des femmes 1 (en centimètres) : Moins de 1 50 150 à 154 155 à 159 160 à 164 165 à 169 170 à 174 175 à 180

Toutes tailles2

Ensemble

62,0 66,2 69,4 73.0 76.4 80,8 84.4 72,2

53,2 55,7 58,2 61,0 63,8 67,4 70,4 60,6

20 à 29 ans

62,5 65.9 69.1 71.5 76.3 80.0 69,8

51,8 50,4 52,8 55,3 57.7 63,0 66,4 55,7

30 à 39 ans

61,2 66,0 68,3 72,5 77,6 82,2 85,3 72,7

50,4 62,5 56,1 60,0 62,2 65,9 62,6 58,9

40 à 49 ans

62,7 67,0 70,8 74,6 79,0 85,2 90,8 73,8

49,4 57,2 . 59,8 62,9 66,4 70,0 74,3 -

62,5

50 à 59 ans

59.9 68.1 71.3 75,0 80,1 82,4 ns 74,4

56,3 59,2 62,4 63,9 ' 67,9 73,5 76,7-

64,2

En

60 à 69 ans

63.6 66.6 70.6 75.6 78,8 84,6 ns 72,4

57,4 58,5 60,7 63,7 65,4 ns

63,0

kilogrammes

79 ans et plus

60,6 65,4 69,5 72,4 75,1 79.7 ns 69,7

52.6 55.5 58,3 61,0 65,1 67,2 ns -

60,0

1 . Hommes et femmes âgés de 20 ans et plus. 2. L'écart type, pour l'ensemble de la distribution, est de 10,6 kg chez les hommes et 10,8 kg chez les femmes. >

Source : Enquête « santé» de 1970. * Dans les tableaux 5 et 6, en général un écart de 1,5 kg a 95 chances sur 100 d'être significatif.

C'est ce que l'on peut supposer au vu des écarts de poids existant en 1970 entre les différentes générations. Certes, rien ne prouve a priori que la prise de poids entre 20 et 50 ans est égale à la différence entre le poids de la génération des 50 ans et celui de la génération des 20 ans. Mais l'évaluation que l'on peut faire ici des variations de poids avec l'âge correspond assez bien à des estimations - plus anciennes [11] : environ 5 kg chez l'homme et 9 kg chez la femme entre 20 et 50 ans.

Pourtant, dans un cas au moins, il est certain que la confrontation des poids des différentes générations à un moment donné ne donne pas une image fidèle de la variation individuelle du poids en fonction de l'âge : il s'agit de la baisse du poids observée, en moyenne, au-delà de 60 ans. Cet effet provient en partie de la mortalité différentielle; on sait en effet qu'un poids très élevé est un « facteur de risque » et qu'en conséquence la population âgée de plus de 60 ans dans l'échantillon comprend une part moins importante de poids élevés que le reste de la population, ce qui contribue

à faire baisser sa moyenne apparente. Ce résultat se trouve confirmé par le calcul des dispersions de poids pour chaque groupe d'âge : cette dispersion croît de 20 à 60 ans, décroît ensuite. La prise de poids d'une certaine partie de la population explique l'augmentation de la dispersion; la mortalité différentielle en fonction du poids explique sa diminution.

Des écarts de poids significatifs entre catégories sociales

A première vue, des différences de poids existent aussi entre catégories sociales (tableau 6); Mais, fait remarquablej elles ne semblent pas refléter la hiérarchie des tailles observées plus haut, au contraire.

Ainsi les étudiants sont à la fois les plus grands et les plus maigres ; ils sont même nettement moins lourds que les retraités qui pourtant pèsent sensiblement moins que les

34

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En kilogrammes

Catégorie socioprofessionnelle

Exploitants agricoles Salariés agricoles , Patrons de l'industrie et du commerce Cadres supérieurs et professions libérales Cadres moyens Employés Ouvriers Étudiants Retraités Ménagères

Ensemble a

Hommes

73,9 70,5 76.2 72,9 72,3 71,9 71,6 68,6 70,9

72,2

Femmes

61,3 60,4 61,6 57,8 56,4 57,6 60,3 53,2 60,9 61,6 60,6

1 . Hommes et femmes âgés de 20 ans et plus. 2. Cet ensemble comprend également d'autres actifs (clergé, armée, police) et d'autres inactifs.

Tableau 6

Poids moyen des adultes selon leur

catégorie socioprofessionnelle

Source : Enquête « santé » 1970.

actifs et présentent une taille moyenne qui n'est supérieure, et de peu, qu'à celle des salariés agricoles. De même, les exploitants agricoles et surtout les patrons pèsent nettement plus que les autres catégories alors qu'ils sont moins grands que les cadres et les employés.

En fait, les facteurs «taille» et «âge» agissent en interaction. Dans la comparaison entre ouvriers et cadres, l'effet de structure masque même complètement le phénomène réel : si l'on prend pour référence la structure par âge et taille des ouvriers, les cadres ont en fait un poids inférieur à celui de toutes les autres catégories, y compris des ouvriers (schéma H). Pour les employés, la correction de l'effet de la taille et de l'âge fait également basculer cette catégorie du côté des moins lourds. La classification cadres, employées puis ouvrières apparaît par contre d'emblée chez les femmes.

Les différences de structure par âge amplifient également les écarts de poids entre ouvriers et patrons, ces derniers étant plus âgés dans leur ensemble. Il n'en demeure pas moins que les diverses catégories de patrons — patrons de l'industrie du commerce mais aussi exploitants agricoles — sont en moyenne de poids plus élevé que les salariés, et surtout que les « cols blancs », à taille et âge comparables.

Poids et norme de poids

Bien sûr, il n'existe aucune norme absolue de poids et l'on ne saurait conclure de ce qui précède que cadres et employés ont un poids « normal », patrons, agriculteurs ou même ouvriers un poids excessif, en prenant comme référence le poids moyen d'ensemble.

1 677004 P 90

Même lorsque la notion de « poids idéal » se trouve réintroduite sous l'autorité de la science, par des médecins ou des nutritionnistes, elle n'en comporte pas moins une certaine part d'arbitraire [13]. Il est néanmoins intéressant d'observer comment se regroupent les hommes et les femmes enquêtes par rapport à une norme dominante telle qu'elle s'exprime dans les tables de poids à caractère médical et paramédical.

Il existe de nombreuses tables, on ne peut les citer toutes. Certains chercheurs [12] utilisent la formule de Lorentz qui donne le « poids idéal » P (en kg) pour une taille donnée T (en cm) par la formule :

= T — 100 — ( T — 150\ où K = 2 pour les femmes et K = 4 pour les hommes.

Certaines compagnies d'assurances dressent pour leur part des tables donnant, par taille, le poids pour lequel l'espérance de vie est maximale (à un âge atteint fixé, par exemple 20 ans). En fait, ces deux types de table s'avèrent assez voisins.

La formule de Lorentz est assez grossière et peut être corrigée en fonction de la morphologie du squelette. Finalement, on ne considérera qu'il y a obésité légère que si l'excès pondéral atteint 10 à 20 % du poids idéal, obésité moyenne s'il se situe «ntre 20 et 30 % et obésité forte au- delà de 30 %.

Parmi les adultes de l'enquête « santé », un quart dépasse d'au moins 20 % le poids idéal. Si l'on ne retient que la population qui dépasse d'au moins 30 % le poids idéal, la proportion tombe à 13 % pour les femmes et 10 % pour les hommes. Il appartient aux promoteurs et aux utilisateurs

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LA CORRÉLATION ENTRE LA TAILLE ET LE POIDS

Si l'on se contente d'utiliser un coefficient de corrélation entre taille et poids des adultes de 20 ans et plus, on trouve une corrélation positive : r = 0,46 pour les hommes ou r = 0,32 pour les femmes. Le poids dépendant de l'âge (on prend du poids avec l'âge) et la taille dépendant elle-même de l'âge, il est naturel de proposer un ajustement polynomial des données staturo-pondérales, pour les hommes d'une part et pour les femmes d'autre part, de la forme : P = oc.T + (3A + s Ty A + 8 + s où P représente le poids, T la taille, A l'âge, 8 une constante et s une variable aléatoire résiduelle. Ce modèle, testé sur les adultes de 20 à 60 ans donne des résultats significatifs : il explique respectivement 26 % pour les hommes et 20% pour les femmes de la variance des poids, ce qui, compte tenu de l'effectif important (plus de 6 000 observations), est significatif globalement. Si on analyse de plus l'apport de chacun des effets simples et croisés mentionnés plus haut, on constate que c'est la taille qui • explique le mieux le poids, puis l'âge. Mais l'effet croisé taille x âge est également significatif. On peut également adjoindre un facteur permettant de tester l'existence ou non d'un effet de la catégorie sociale (analyse de la variance) : P = aJ + (3A + yT x A + x>8 + 8, + e. l 8, = 1 si l'individu est de la catégorie socioprofessionnelle < « / », 0 sinon. ( X" — e/fet ^e '° catégorie socioprofessionnelle « i ». Les coefficients /, correspondant aux catégories exploitants agricoles, patrons, cadres supérieurs, ouvriers sont significative- ment différents. Par contre, les coefficients des cadres supérieurs, cadres moyens et employés ne sont pas significativement différents entre eux. Les effets « patrons de l'industrie et du commerce » et « ouvriers » sont les plus marqués. Toutefois la variance expliquée par l'appartenance à une catégorie socioprofessionnelle donnée est faible dans le modèle (5 % de la variance expliquée) comparée à la . variance expliquée par la taille (près de 70 % de la variance expliquée).

Schéma II

Effet de l'âge et de la taille sur le poids moyen par catégorie socioprofessionnelle .....

Poids (en kg)

76

75

74

73

72 _

71.

70

Patrons

Exploitants agricoles ,

Cadres, professions libérales

Ouvriers

CS \.

CS1 01 \

<>O2

\ CS2 4-W- Poids moyen Poids moyen Poids moyen

observé à structure par âge à structure par identique à celle . âge et taille des ouvriers identique à celle des ouvriers

Source : Enquête « santé » 1970.

de tables de poids d'en apprécier la portée; on se bornera à remarquer ici les grandes différences de résultats qui apparaissent selon la classe d'âge et le milieu social. Ces différences ne sont d'ailleurs pas surprenantes car elles ne font qu'exprimer, de façon plus catégorique, les disparités dans les poids moyens analysées plus haut.

Par âge, on retrouve que les jeunes sont pratiquement toujours « dans la norme », alors que les 50-59 ans dépassent une fois sur trois la barre des 20 % au-dessus du « poids idéal ». Ceci ne fait que traduire la prise de poids qui s'opère avec l'âge puisque la norme utilisée ici ne dépend que de la taille des hommes et des femmes. Comme on observait une diminution apparente du poids des personnes âgées de 70 ans et plus, on constate là encore, et pour les mêmes raisons, une diminution apparente de la proportion « d'obèses » et « fortement obèses » chez ces mêmes personnes.

Par catégories sociales, on retrouve l'opposition entre deux groupes : d'un côté les étudiants, employés, cadres et

professions libérales qui dépassent assez peu souvent la norme; de l'autre un rassemblement socialement hétérogène composé des ouvriers, exploitants agricoles, artisans, industriels, commerçants et retraités qui dépassent près d'une fois sur trois le seuil de poids normal (tableau 7). Les femmes au foyer se rattachent plutôt à ce second groupe.

Peut-on parler à propos de ces résultats de comportements différenciés? On doit se garder de tout schématisme dans un domaine — l'explication des variations staturo-pondérales — où un grand nombre de facteurs, certains inconnus ou non contrôlables, interviennent. On peut seulement remarquer combien le partage social émergeant ici reproduit fidèlement les oppositions analysées par ailleurs à propos des pratiques alimentaires, des diverses images sociales du corps et du goût en général : une analyse de l'enquête INSEE sur la consommation alimentaire en 1972 permettait déjà de noter, à côté des contraintes budgétaires et du désir

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Tableau 7

Proportion d'adultes dont le poids est supérieur à un «poids ideal»

Catégorie socioprofessionnelle individuelle

Proportion d'hommes i dont le poids est supérieur

au poids théorique2 d'au moins...

...20 % ...30 % ...40 %

Proportion de femmes 1 dont le poids est supérieur

au poids théorique2 d'au moins...

...20 % ...30 % ...40 %

Exploitants agricoles , Salariés agricoles Industriels, artisans, commerçants Cadres supérieurs, professions libérales Cadres moyens Employés Ouvriers Personnels de service Retraités Ménagères Étudiants

Ensemble

28 23 35 18 19 20 31 31 29

16

14 11 17 6 8 8 9

11 13

26 ns 27 10

13 24 27 33 29 25

10 ns 18

6 13 14 17 16 15

4 ns 10

24 10,5 4,5 26 14

1 . Hommes et femmes âgés de 20 ans et plus. 2. La « norme » utilisée ici est celle de Lorentz qui détermine le « poids idéal » (en kilogrammes) pour une taille donnée (en centimètres)

par la formule : Poids = Taille - 100 - -Jr (taille — 150) K

où K = 4 pour les hommes et K = 2 pour les femmes.

Source : Enquête «santé» 1970.

de différenciation sociale par l'acquisition de produits plus coûteux, « le fait qu'à mesure que l'on s'élève dans la hiérarchie sociale, la part dans la consommation alimentaire de nourritures lourdes et grasses, mais aussi bon marché, décroît tandis que croît la part de la nourriture maigre, légère, facile à digérer et ne faisant pas grossir » [14].

On trouve un écho de ces attitudes différentes, opposées même, face au poids et à l'obésité, dans certains autres résultats de l'enquête « santé » elle-même. A la question : « Suivez- vous un régime alimentaire amaigrissant? », les enquêtes ont répondu très diversement : 1 % des hommes seulement ont répondu positivement, et 3 % des femmes, ce qui atteste déjà une différence d'attitude notable, mais attendue, face à l'image sociale.

Quant aux comportements présumés des divers groupes

sociaux, les résultats, même peu fiables sur une question aussi imprécise, ne souffrent guère d'équivoque : ce sont encore les cadres et les employés qui déclarent le plus souvent suivre un régime alimentaire (5 % chez les femmes, 2 % chez les hommes).

Si les ouvrières s'astreignent relativement souvent à un régime (3 %), par contre les ouvriers et les patrons n'en suivent pratiquement jamais. Ainsi, si l'on ne prenait pas en compte les différences d'attitudes, on devrait s'en tenir à ce résultat, paradoxal du point de vue pondéral, que l'on suit d'autant plus volontiers un régime qu'on en a le moins besoin. On doit toutefois tempérer ce résultat : à l'intérieur de chaque catégorie sociale, ce sont bien les personnes entre 50 et 70 ans, donc celles qui ont pris du poids, qui suivent un régime pour maigrir.

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RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

[1] A. Quételet : « Essai sur le développement des facultés de l'homme», 1869, Bruxelles. « Anthropométrie ou mesure des différentes facultés de l'homme», 1871, Bruxelles.

[2] M. Aubenque, P. Thionet : « Statistique des tailles et des poids des écoliers », Journal de la Société de statistique de Paris, nos 10, 11, 12, octobre, novembre et décembre 1952.

[3] M. Aubenque, J. Desabie, Deruffe : « Enquête sur la taille et le poids des écoliers en 1955 », Études statistiques, n° 1, INSEE.

[4] J. Sutter et Alii : « L'évolution de la taille des polytechniciens (1801-1954) », Population, 1958.

[5] E. Schreider : « Recherche sur la stratification sociale des caractères biologiques », Biotypologie, n° 25, 1964.

[6] M. Tort : « Un peu d'anthropométrie », dans Le quotient intellectuel, p. 100 sqq, éditions Maspero, Paris, 1974.

[7] T. Bielicki et J. Charzenski : « Sex Differences in the Magnitudes of statural Gain of Offspring over Parents », Human Biology, septembre 1977.

[8] Y. Houdaille : « Les jeunes français sont de plus en plus grands », Population et société, décembre 1977.

[9] M. Ignazi : « Différences anthropométriques et milieux socioprofessionnels », Revue de la société de biométrie humaine, mars-juin 1967.

[10] G. Olivier et Alii : «L'accroissement de la stature des Français », comptes rendus de l'Académie des sciences, 12 septembre 1977.

[11] P. Damiani : « Évolution du poids du corps humain avec l'âge », Journal de la Société de statistique de Paris, n° 2, 1977.

[12] A. M. Raimbault : « Les maladies nutritionnelles », La Recherche, octobre 1980.

[13] P. Bourdieu : « La distinction, critique sociale du jugement », Les éditions de Minuit, Paris 1979.

[14] L. Bolt anski :« Les usages . sociaux du corps», Annales de l'INSEE. n° 1, 1971.

[15] Y. Lemel et A. Villeneuve : « Les consommations médicales des Français », Les Collections de l'INSEE, n° 57, série M.

[16] A. Girard : « Le choix du conjoint », Paris, PUF, Cahier de l'INED, n° 70.

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