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LE DROIT DE LA CONCURRENCE § 1 LA PLACE ET LE ROLE DU DROIT DE LA CONCURRENCE 1.1 LES FONDEMENTS DU DROIT DE LA CONCURRENCE 1.2 LE ROLE DE L’ETAT 1.2.1 Le rôle traditionnel 1.2.2 L’évolution du rôle de l’Etat 1.3 LE DROIT DE LA CONCURRENCE 1.4 LA CONCURRENCE ET LA PROPRIETE INTELLECTUELLE 1.4.1 Nécessité d’une protection 1.4.2 Protection internationale de la propriété industrielle ou intellectuelle 1 ERE PARTIE : L’ACCES AU MARCHE Chapitre 1 : LE MARCHE § 2 LES ZONES DE LIBRE ECHANGE 2.1 L'ABAISSEMENT DES BARRIERES TARIFAIRES 2.1.1 L'Association européenne de libre échange 2.1.2 L'Accord de libre-échange entre la Suisse et la CEE (ALE) 2.1.3 Autres organisations de libre-échange 2.1.4 L'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) 2.2 LES OBSTACLES TECHNIQUES ET LES MARCHES PUBLICS 2.2.1 Les obstacles techniques 2.2.2 Les marchés publics 2.2.3 Relations Suisse – Union européenne 2.2.4 Relations intercantonales

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LE DROIT DE LA CONCURRENCE

§ 1 LA PLACE ET LE ROLE DU DROIT DE LA CONCURRENCE

1.1 LES FONDEMENTS DU DROIT DE LA CONCURRENCE

1.2 LE ROLE DE L’ETAT1.2.1 Le rôle traditionnel1.2.2 L’évolution du rôle de l’Etat

1.3 LE DROIT DE LA CONCURRENCE

1.4 LA CONCURRENCE ET LA PROPRIETE INTELLECTUELLE1.4.1 Nécessité d’une protection1.4.2 Protection internationale de la propriété industrielle ou intellectuelle

1ERE PARTIE : L’ACCES AU MARCHE

Chapitre 1 : LE MARCHE

§ 2 LES ZONES DE LIBRE ECHANGE

2.1 L'ABAISSEMENT DES BARRIERES TARIFAIRES2.1.1 L'Association européenne de libre échange2.1.2 L'Accord de libre-échange entre la Suisse et la CEE (ALE)2.1.3 Autres organisations de libre-échange2.1.4 L'Organisation Mondiale du Commerce (OMC)

2.2 LES OBSTACLES TECHNIQUES ET LES MARCHES PUBLICS2.2.1 Les obstacles techniques2.2.2 Les marchés publics2.2.3 Relations Suisse – Union européenne2.2.4 Relations intercantonales

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§ 3 LA REGLEMENTATION DU MARCHE

3.1 L’INTERVENTION ETATIQUE

3.2 LES DIVERS TYPES D’INTERVENTION3.2.1 La réglementation des relations contractuelles3.2.2 La réglementation de l'entreprise3.2.3 La réglementation du marché en général3.2.4 La réglementation de certains marchés particuliers

Chapitre 2 : LA CREATION D’UN MARCHE INTEGRE

§ 4 LE MARCHE INTERIEUR EUROPEEN

4.1 UN MARCHE CREE PAR ETAPES4.1.1 Les étapes du marché intérieur4.1.2 Remarque sur les traités européens4.1.3 Une constitution européenne

4.2 L’ACCES AU MARCHE INTERIEUR4.2.1 Le principe du marché intérieur4.2.2 La libre circulation des marchandises

4.3 LES EXCEPTIONS AU LIBRE ACCES

4.4 LES PROCEDURES GARANTISSANT L’ACCES AU MARCHE4.4.1 Le recours préjudiciel (art. 234 TCE)4.4.2 Dénonciation à la commission4.4.3 Action en dommages-intérêts

4.5 LES ACCORDS BILATERAUX ENTRE LA SUISSE ET L’UE4.5.1 Adoption et contenu des accords4.5.2 Le comité mixte4.5.3 Effets sur la concurrence4.5.4 Mise en œuvre procédurale des accords au sein de l’Union européenne4.5.5 Mise en œuvre procédurale en Suisse

§ 5 LE MARCHE INTERIEUR SUISSE

5.1 LE LIBRE ACCES AU MARCHE5.1.1 Généralités5.1.2 La suppression des obstacles techniques5.1.3 Le principe "Cassis-de-Dijon"

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5.2 LES RESTRICTIONS A L'ACCES AU MARCHE

5.3 LES ACTIVITES SOUMISES A AUTORISATION5.3.1 Règles générales5.3.2 La reconnaissance des certificats de capacité cantonaux

5.4 LA MISE EN ŒUVRE PROCEDURALE

5.5 LE DROIT DE RECOURS DE LA COMCO

5.6 L'APPLICATION UNILATERALE DU PRINCIPE "CASSIS-DE-DIJON"

5.6.1 Motifs de la révision de la LETC5.6.2. La modification de l'art. 16 LETC

2 EME PARTIE : L’EXERCICE DE LACONCURRENCE ET LA PROTECTION

DU MARCHE

Chapitre 3 : LE CHAMP D’APPLICATION DU DROIT DELA CONCURRENCE

§ 6 LES CHAMPS D'APPLICATION MATERIEL, PERSONNEL ETGEOGRAPHIQUE

6.1 ACTIVITES NON SOUMISES AU DROIT DE LA CONCURRENCE6.1.1 Les règles de la propriété intellectuelle6.1.2 Marchés de caractère étatique

6.2 ACTIVITES SOUMISES AU DROIT DE LA CONCURRENCE6.2.1 Les ententes6.2.2 Les positions dominantes6.2.3 Les concentrations d’entreprises

6.3 LES ENTREPRISES CONCERNEES PAR LE DROIT DE LACONCURRENCE

6.3.1 La notion d’entreprise6.3.2 Entreprises exerçant une influence sur le marché6.3.3 Entreprises de droit public ou de droit privé

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6.4. LE TERRITOIRE CONCERNE6.4.1 Délimitation du territoire6.4.2 Application « extra-territoriale » ?

6.5. DROIT EUROPEEN : AFFECTATION DU COMMERCE ENTRELES ETATS MEMBRES

Chapitre 4 : LES ENTRAVES A LA CONCURRENCE

§ 7 LES ENTENTES

7.1 LE REGIME DES ENTENTES EN DROIT SUISSE7.1.1 Remarques introductives7.1.2 Les restrictions dues à des ententes7.1.3 La clause échappatoire des intérêts publics prépondérants

7.2 LE REGIME DES ENTENTES EN DROIT EUROPEEN7.2.1 Remarque introductive7.2.2 Principes7.2.3 Les éléments constitutifs de l'interdiction7.2.4 La sanction7.2.5 Les dérogations possibles

7.3 LES ACCORDS VERTICAUX7.3.1. Remarques introductives7.3.2. Textes légaux et textes explicatifs7.3.3 Principes applicables en droit suisse7.3.4 Principes applicables en droit européen

§ 8 LES POSITIONS DOMINANTES

8.1 LA PROBLEMATIQUE

8.2 LES POSITIONS DOMINANTES8.2.1 Délimitation quant à l'objet8.2.2 Délimitation quant au lieu8.2.3 Délimitation quant au temps

8.3 L’ABUS DE LA POSITION DOMINANTE8.3.1 Généralités8.3.2 Conditions de l’abus

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8.4 EXEMPLES DE COMPORTEMENTS ABUSIFS8.4.1 Le refus d’entretenir des relations commerciales8.4.2 Discrimination de partenaires commerciaux8.4.3 Conditions commerciales inéquitables8.4.4 Pratiques prédatoires8.4.5 Limitation de la production, des débouchés ou du développement

technologique8.4.6 Affaires liées

§ 9 LE CONTRÔLE DES CONCENTRATIONS D’ENTREPRISES

9.1. NOTION

9.2 NOTIFICATION9.2.1 Devoir d’annonce9.2.2 Contenu de la notification9.2.3 Procédure

9.3. APPRECIATION DE LA CONCENTRATION9.3.1 Les principes9.3.2 Facteurs pris en compte en droit suisse9.3.3 Facteurs pris en compte en droit européen

9.4 DECISIONS DES AUTORITES

Chapitre 5 : APPLICATION DU DROIT DE LACONCURRENCE

§ 10 DROIT ADMINISTRATIF

10.1 DROIT SUISSE10.1.1 Les tâches de la Comco10.1.2 Organisation10.1.3 Compétences et procédures

10.2 DROIT EUROPEEN10.2.1 Autorités d’application du droit européen de la concurrence10.2.2 Procédure

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§ 11 DROIT CIVIL

11.1 DROIT SUISSE11.1.1 Actions judiciaires et autorités compétentes11.1.2 Procédure

11.2 DROIT EUROPEEN11.2.1 Règles actuelles11.2.2 Les réformes en vue

* * * * *

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LE DROIT DE LA CONCURRENCE

1 L’évolution des économies suisse, européenne et mondiale au cours des quinzedernières années a accentué le rôle de la concurrence dans le fonctionnement desmarchés. Ces marchés ont pris des dimensions nouvelles :

- La création de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en 1994 a accéléré etfortement augmenté les échanges internationaux ;

- La mise en place d’un véritable marché intérieur européen (de 15 Etats en 1992, de27 Etats en 2007 dans l’Union européenne et 3 Etats dans l’Espace EconomiqueEuropéen et des Accords bilatéraux avec la Suisse !) a permis aux entrepriseseuropéennes de travailler et d’organiser leurs activités à une autre échelle ;

- Dans ce contexte, la Suisse a d’abord pris conscience de son décalage (refus del’Espace économique européen en 1992) et, depuis, essaie de se repositionner(adhésion à l’ONU, accords bilatéraux avec l’Union européenne, réforme du droitéconomique interne).

2 Dans ces marchés, la concurrence doit être réglementée. Le droit de la concurrence –domaine devenu incontournable pour les entreprises actives à l'échelle nationale etinternationale – est à la convergence de plusieurs disciplines : droit, économie, sciencepolitique. La science économique explique les conséquences du comportement desentreprises ou tout simplement de leur taille. Le droit détermine les règles decomportement. La science politique oriente le choix des objectifs à poursuivre dansl'intérêt de la société dans son ensemble.

3 Au cours de cette période, à tous les échelons (OMC, Union européenne, Suisse), ons’est préoccupé du fonctionnement de la concurrence et de sa réglementation. Lapremière tâche du législateur est de favoriser les échanges et de permettre l’accès aumarché (1ère Partie). Le cadre dans lequel la concurrence peut s’exercer étant fixé, ils’agira ensuite d’examiner comment elle risque d’être entravée ou éliminée ou encoreaccaparée (2e Partie). Ces sujets seront traités en droit suisse et en droit européen car ilsse présentent d’une manière assez comparable même si c’est à une échelle trèsdifférente. Préalablement, il convient de rappeler la place et le rôle du droit de laconcurrence (§ 1).

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§ 1 LA PLACE ET LE ROLE DU DROIT DE LA CONCURRENCE

Textes législatifs : art. 27, 94-97, 100-103, Cst. féd (RS 101); art. 3 let. g, 81 et82, 92 TCE.

Vous trouverez les textes légaux suisses sur le site internethttp://www.admin.ch/ch/f/rs/rs.html en insérant le numéro du Recueilsystématique du droit fédéral (RS) indiqué entre parenthèse après chaque textelégal dans le champ de recherche.

Bibliographie : P. TERCIER, Introduction générale, in Commentaire Romand,Concurrence, Bâle 2002, 1 ss; J. DEISS, Les aspects économiques du nouveau droitde la concurrence, in CR Concurrence, Bâle 2002, 71 ss ; C.L. DE LEYSSAC / G.PARLEANI, Droit du marché, Paris 2002 ; G. FARJAT, Pour un droit économique,Paris 2004.

Vous pouvez connaître la disponibilité en bibliothèque des ouvrages cités ci-dessus en consultant le site internet www.rero.ch.

4 Le droit de la concurrence est une branche de ce que certains appellent le droitéconomique, (G. FARJAT, Pour un droit économique, Paris 2004 ; J.-PH. COLSON,Droit public économique, 3e éd., Paris 2001), et d’autres le droit du marché, (C.LUCAS DE LEYSSAC / G. PARLEANI, Droit du marché, Paris 2002). Cette manièreassez différente de « classer » cette branche du droit n’est pas surprenante ; ellemet en évidence les aspects administratifs (rapports entre l’Etat et les administrés,en l’occurrence, les entreprises) ou les aspects de droit privé (rapports desentreprises entre elles).

1.1 LES FONDEMENTS DU DROIT DE LA CONCURRENCE

5 En Suisse, le droit de la concurrence a ses racines dans la Constitutionfédérale qui, d’une part, donne à l’Etat la mission de protéger laconcurrence économique (art. 94 Cst) et, d’autre part, protège depuis 1874la liberté économique – aussi appelée liberté du commerce et del’industrie :

6 Art. 94 Principes de l’ordre économique

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1 La Confédération et les cantons respectent le principe de la libertééconomique.2 Ils veillent à sauvegarder les intérêts de l’économie nationale etcontribuent, avec le secteur de l’économie privée, à la prospérité et à lasécurité économique de la population.3 Dans les limites de leurs compétences respectives, ils veillent à créer unenvironnement favorable au secteur de l’économie privée.4 Les dérogations au principe de la liberté économique, en particulier lesmesures menaçant la concurrence, ne sont admises que si elles sontprévues par la Constitution fédérale ou fondées sur les droits régaliensdes cantons.

7 Art. 96 : Politique en matière de concurrence

1 La Confédération légifère afin de lutter contre les conséquences socialeset économiques dommageables des cartels et des autres formes delimitation de la concurrence.

8 A noter que la garantie de la propriété, également prévue par la Constitution (art. 26 Cst.), etun pouvoir judiciaire capable de fonctionner en toute indépendance sont également reconnuscomme des piliers nécessaires pour le bon fonctionnement d’une économie libérale.

9 La liberté contractuelle et les mécanismes prévus par le droit privé descontrats permettent d’organiser l’activité économique. Cette libertécontractuelle n’est toutefois pas sans limite :

- l’Etat intervient et impose des règles protectrices chaque fois quel’expérience montre qu’une des parties au contrat n’est pas en positionde négocier avec une véritable marge de manœuvre : protection dulocataire dans le droit du bail ; protection du travailleur dans le contratde travail ; protection de l’emprunteur dans la loi sur le petit crédit.

- Si les entreprises utilisent les règles contractuelles pour empêcher lefonctionnement du marché (accord sur les prix, sur les territoires,interdiction de revendre à certains acteurs économiques), l’Etatintervient pour faire constater la nullité de ces clauses contractuelles.

10 En droit européen, les fondements du droit de la concurrence se trouventdéjà dans le Traité de Rome signé en 1957 (art. 3 ch. 1 let g TCE; art. 81 et82 TCE ; cf. ci-dessous § 7 et 8).

11 D’une manière caractéristique, l’Union européenne s’est d’abord donnée pour but lamise en place d’un marché intérieur « caractérisé par l’abolition, entre les Etats membres, desobstacles à la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et descapitaux » (art. 3 ch. 1 let. c TCE). Ensuite, l’Union a voulu que soit instauré et maintenu « unrégime assurant que la concurrence n’est pas faussée dans le marché intérieur » (let. g).

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Ainsi, en dehors du système juridique américain, l’Union européenne est la principale entitééconomique qui a, à la fois adopté des règles juridiques relatives à l’accès au marché et àl’exercice de la concurrence, et qui a aussi mis en place les instruments de mise en œuvre etd’application effective de ces règles (cf. ci-dessous, § 10 et 11).

12 Ces dispositions ont été :

- complétées par de nombreux règlements adoptés par le Conseil et par laCommission ; soit par exemple le règlement du Conseil sur l’applicationde l’art. 81 TCE qui prohibe les ententes (R n° 19/65/CEE modifié parle R n° 1215/1999/CE ou le R n° 1400/2002 de la Commissionconcernant l’application de l’art. 81 par. 3 TCE à des catégoriesd’accords verticaux et de pratiques concertées dans le secteurautomobile.

En droit européen, un règlement est l’équivalent d’une loi en ce sens qu’il contient desrègles qui doivent être appliquées telles que définies alors qu’une directive indique un but àatteindre en laissant aux Etats membres le choix des moyens pour atteindre ce but.

Les autorités européennes adoptent aussi des communications pour expliquer leur manièred’appliquer certains textes. Par exemple, la Communication de la Commission sur ladéfinition du marché en cause aux fins du droit communautaire de la concurrence a pourobjet d’expliquer la manière dont la Commission applique le concept de marché de produitou de marché géographique en cause (cf. Communication 97/C 372/03).

- interprétées, c’est-à-dire appliquées, par la Cour de Justice desCommunautés européennes (CJCE).

La Cour de justice a été amenée à répondre à de nombreuses questions d’application dutraité grâce au mécanisme du recours préjudiciel prévu par le traité. Si la Cour de justiceavait été une instance de recours n’intervenant qu’après épuisement des voies de recoursnationales, il est probable que les justiciables n’y auraient pas eu souvent recours. Par lavoie du recours préjudiciel, l’instance nationale saisie – même la première instance – peutsoumettre un grief à la Cour de justice dès que ce grief soulève une questiond’interprétation du traité (p. ex. mesure d’effet équivalent ou entente illicite). Il est en effetinutile que les différentes instances nationales se prononcent sur l’interprétation du traitéalors que de toute façon c’est la Cour de justice qui aura le dernier mot sur ce point !

1.2 LE ROLE DE L’ETAT

1.2.1 Le rôle traditionnel

13 L’Etat, au XXe siècle, est toujours intervenu de multiples manièresdans l’activité économique nationale :

- l’Etat acteur économique : l’Etat se croyait obligé d’exercer lui-mêmecertaines activités jugées indispensables pour assurer l’indépendance dupays (armement, télécommunications, p. ex) ;

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- politique conjoncturelle : par le biais de la politique monétaire, lesgouvernements exerçaient une influence sur l’économie ;

- politique structurelle : en protégeant ou avantageant certainesindustries, les gouvernements modifiaient les règles du jeu.

1.2.2 L’évolution du rôle de l’Etat

14 Au cours des vingt dernières années, le rôle de l’Etat a été fortementmodifié :

- marchés publics : lorsque l’Etat investit, construit, achète des biens oudes services, il doit, dès que le marché atteint un certain seuil financier,respecter la réglementation nationale, européenne ou de l’OMC ;

- politique monétaire : celle-ci n’est plus dans les mains desgouvernements, mais de la banque nationale (pour la Suisse) ou de laBanque Centrale Européenne (BCE) pour l’Union Européenne ;

- politique structurelle : elle est admissible mais ne doit pas aller jusqu'àaffecter la concurrence (problématique des aides d’Etat prohibées par lesart. 87 ss TCE ; en Suisse, la Commission de la concurrence (Comco)est invitée de par la loi à se déterminer sur les projets législatifs quipourraient affecter ou fausser la concurrence (art. 45 LCart.) :

Art. 45 Recommandations aux autorités1 La commission observe de façon suivie la situation de laconcurrence.2 Elle peut adresser aux autorités des recommandations visant àpromouvoir une concurrence efficace, notamment en ce qui concernel’élaboration et l’application des prescriptions de droit économique.

15 De plus, la création du marché unique européen, à fin 1992, et lesrègles du GATT sur le commerce international ont changé les dimensionsdu terrain sur lequel s’exerce la concurrence. Pour cette raison, les règlesdu droit de la concurrence ont été harmonisées dans la Communautéeuropéenne et les règles suisses adaptées à celle du droit européen.

16 Il est intéressant de constater que, dans toute une série de domaines économiquesparticuliers, le régime juridique adopté spécialement vise aussi à garantir une certaine égalitéentre les opérateurs pour garantir l’exercice de la concurrence :

- législation sur les télécommunications ;- législation dans le domaine de l’énergie électrique et du gaz ;- législation sur les bourses.

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17 L’évolution a également été marquée dans l’application des règlesdu droit de la concurrence :

- les administrations chargées d’appliquer ces règles ont crû enpersonnel et en compétences (ce domaine exige une coopération étroitede juristes et d’économistes) ; à l’échelle européenne, un réseau decoopération a été mis en place entre la Commission européenne et lesautorités de la concurrence des Etats membres ;

- les pouvoirs d’enquête sont devenus si incisifs que l’on en vient àinvoquer pour les entreprises les droits fondamentaux que seules lespersonnes physiques avaient l’habitude d’invoquer ;

- les sanctions, en particulier financières, que peuvent subir lescontrevenants deviennent vraiment dissuasives.

18 Cette évolution se caractérise par le fait que l’Etat n’agit plusdirectement comme acteur économique, mais indirectement en définissantles règles du jeu et garantissant leur respect :

- l’Etat fixe les règles d’accès au terrain de jeu (libre échangeéconomique), délimite le terrain (marché intérieur) ;

- l’Etat fixe les règles du jeu (l’existence et l’exercice de la concurrencedoivent être garantis – LCart. – et l’exercice de la concurrence ne doitpas se faire à l’aide de méthodes déloyales ou contraires à la bonne foi(indications fallacieuses, tromperies, publicité mensongère, p. ex. ; cf.LCD).

1.3 LE DROIT DE LA CONCURRENCE

19 Par l’adoption des règles du droit de la concurrence et leurapplication, l’Etat veille à ce que les acteurs économiques n’empêchent, nin’entravent d’une façon excessive l’exercice de la concurrence. Celasignifie :

- favoriser l’établissement (l’existence) du marché et son accès (y comprisde l’extérieur du pays) (mise en place du marché intérieur);

- garantir l’existence d’une concurrence efficace et loyale sur lemarché (LCart. et LCD);

- empêcher la constitution de positions de puissance / domination sur lemarché (contrôle des concentrations).

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20 De plus, l’Etat doit également veiller à ne pas lui-même entraver laconcurrence par sa propre activité :

- ne pas fausser le marché par des aides étatiques (subventions, aides auxentreprises en détresse);

- respecter la concurrence lorsqu'il est acteur économique (sauf situationsexceptionnelles); autrement dit :

-- les exigences de la concurrence s'imposent également aux entreprisesétatiques qui exercent une activité économique;

-- les principes de la concurrence doivent être respectés dansl'attribution des marchés publics.

21 Le droit de la concurrence n’existe que si le législateur (volontépolitique) adopte des règles juridiques. En Suisse, le droit de laconcurrence a pris de l’importance en plusieurs étapes :

- 1962 : adoption de la première loi sur les cartels et organisationsanalogues ; les cartels restaient présumés licites aussi longtemps que desconséquences nuisibles d’ordre économique et social n’étaient pasétablies par l’autorité.

- 1985 : la présomption de licéité subsiste.

- 1995 : la présomption est renversée pour les accords sur les prix, lesquantités ou sur les marchés géographiques.

- 2004 : la Comco obtient le droit d’infliger une sanction lorsqu’elleconstate un comportement illicite.

22 Cette évolution législative dénote une évolution de la politique de laconcurrence en Suisse :

23 Dans la première loi suisse sur les cartels, la Comco, lorsqu’elle achevait une enquêtesur un secteur économique, devait se contenter d’adresser aux entreprises concernées unerecommandation de mettre fin à la pratique visée. Si les entreprises ne suivaient pas la recom-mandation, la Comco ne pouvait que demander au Département fédéral de l’économie deprendre une décision dans le sens de la recommandation.

En comparaison, en application des dispositions de la LCart de 2004, la Comco a pris unedécision à l’encontre de Swisscom au printemps 2007 accompagnée d’une sanction de plus de300 MCHF ! A ce jour, – août 2009 – la décision n'est pas encore exécutoire.

24 La mise en place d’autorités indépendantes et le développement desrègles de procédures ont favorisé un développement autonome du droit dela concurrence :

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- autonomie par rapport aux autorités politiques ; à titre d’exemple :

-- prise de contrôle d’ENDESA en Espagne par la société italienne Enelmalgré plusieurs tentatives du gouvernement espagnol de favoriserun concurrent espagnol, la société Gaznatural.

-- tentative avortée d’intervention de la Banque centrale hollandaisedans l’offre publique d’achat sur ABN Amro.

- autonomie par rapport à la science économique ; la concurrence estcertes d’abord un concept économique qui vise la compétition entre lesacteurs économiques sur un marché donné ; dans les mains des pouvoirspublics chargés d’appliquer le droit de la concurrence, la concurrencedevient un outil qu’ils ont adapté au but qu’ils poursuivent : rechercherun équilibre concurrentiel ; non pas une concurrence théorique ouparfaite, mais une concurrence praticable sur un marché donné etcompte tenu des éventuels autres facteurs que le législateur a égalementdemandé de prendre en considération; par exemple :

-- Un accord affectant de manière notable la concurrence (art. 5 LCart.) peut être justifié(motif d’efficacité économique) s’il a pour but d’améliorer la compétitivité des petiteset moyennes entreprises (art. 6 al. 1 let. e LCart).

-- Un accord contraire à l’art. 5 LCart. peut être autorisé par le Conseil fédéral s’il estnécessaire à la sauvegarde d’intérêts publics prépondérants (art. 8 LCart.).

25 L’Etat veut protéger la concurrence car l’effet supposé de celle-ci estl’efficacité des mécanismes économiques. La concurrence n’est donc pasrecherchée pour elle-même mais comme instrument permettantd’atteindre l’efficacité. C’est la raison pour laquelle il est nécessaire deprotéger la concurrence contre les atteintes qui peuvent être apportées à sonfonctionnement. C’est la notion de concurrence efficace (wirksamerWettbewerb).

26 Le droit de la concurrence repose sur l'analyse économique qui en constitue le fondementnécessaire :

"Tour à tour instrument de politique économique et moyen de contrôle juridictionnel,l'analyse économique permet d'asseoir la légitimité de la norme de concurrence au serviced'un fonctionnement efficace des marchés."

Les règles adoptées par le législateur en droit de la concurrence devraient donc être enconformité avec les énoncés de la science économique. Mais parfois on constate un décalageentre les recommandations de l'analyse économique et l'application concrète de la norme deconcurrence. D'où la critique adressée parfois aux juristes de l'usage d'une doctrineéconomique imparfaite, mal comprise ou même dépassée.

(Sur ces questions : I. LIANOS, La transformation du droit de la concurrence par le recours àl'analyse économique, Bruxelles, 2007; F. JENNY, Le rôle de l'analyse économique dans le

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contrôle par la Cour de cassation en matière de droit de la concurrence : Concurrences 2007,n° 4, p. 27, p. 34).

1.4 LA CONCURRENCE ET LA PROPRIETE INTELLECTUELLE

1.4.1 Nécessité d’une protection

27 Tout en recherchant les effets du fonctionnement efficace dumarché, l'Etat reconnaît généralement aussi la nécessité de protéger lesefforts consentis par le chercheur pour le développement d'un produit; d'oùla protection accordée par :

- la loi sur les brevets d'invention (LBI);- la loi sur les designs (LDes);- la loi sur les marques et les indications de provenance (LPM).

1.4.2 Protection internationale de la propriété industrielle ou intellectuelle

A. En général

28 Dans les pays industriels, le besoin d'une protection internationaledes droits de propriété industrielle a été ressenti très tôt et concrétisé à lafin du XIXème siècle déjà dans un traité intitulé «Convention de l'Union deParis» (CUP), signé en 1883 et modifié à plusieurs reprises depuis lors(1925, 1934, 1958, 1967).

29 Cette convention a été complétée par de nombreux traités ouaccords internationaux dans le but de faciliter l'enregistrement dans despays étrangers de marques, de modèles ou dessins industriels, de brevets;de même, d'autres accords protègent les appellations d'origine et lesindications de provenance. (L'Organisation Mondiale de la PropriétéIntellectuelle - OMPI - a été instituée, avec siège à Genève, dans le but decoordonner ces efforts).

30 L'importance accordée aux droits de la propriété industrielle par lespays industrialisés a été soulignée dans la révision des accords du GATT,puisque l'accord du 15 avril 1994 instituant l’OMC comprend une annexe1C intitulée : « Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuellequi touchent au commerce ».

31 Depuis quelques années, en particulier depuis la réunionministérielle de Doha en 2001, la question de l’étendue de la protection desdroits de la propriété intellectuelle fait l’objet d’un débat nourri. C’est enparticulier le cas dans les relations avec les pays les plus démunis et dans ledomaine de la santé publique. Dans quelles circonstances et à quellesconditions une licence obligatoire peut-elle être imposée au titulaire dubrevet ?

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B. Le conflit avec les règles du marché

32 Les principes de la propriété intellectuelle entrent en conflit avec lesrègles du marché unique pour la raison suivante :

- le système du brevet ou de la marque donne la faculté au titulaire dudroit de propriété intellectuelle d’accorder une licence à un tiers, c’est-à-dire un droit exclusif d’utiliser le brevet ou la marque ; ce droit estgénéralement accordé pour une durée donnée et un territoire donné ;

- en accordant des licences dans différentes parties du marché européen,le titulaire peut ainsi fixer des conditions (notamment de prix !) pourl’usage du droit de propriété intellectuelle ; en faisant cela, le titulaire dubrevet ou de la marque peut ainsi cloisonner le territoire européen. Eneffet, les règles contractuelles prévues dans le contrat de licence etl’appareil judiciaire donnent au titulaire du droit les moyens de fairerespecter l’engagement pris par le preneur de licence. Or, cet effet estprécisément celui que l’on a voulu éviter en créant le marché unique.

33 Cette problématique a provoqué le débat sur l’épuisement nationalou international des droits de la propriété intellectuelle :

- La question est d’abord de savoir si le titulaire du droit (brevet oumarque) peut encore contrôler l’usage du produit au-delà de la premièremise du produit sur le marché effectuée par le licencié.

- On parle « d’épuisement » pour signifier que lorsque le titulaire du droita accordé une licence (sur le brevet ou la marque) et que le licenciéutilise son droit conformément au contrat de licence, le titulaire n’a plusde contrôle possible sur le produit : il a « épuisé » son droit par l’octroide la licence ou la première mise du produit sur le marché !

* * * * *

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1ère partie

L’ACCES AU MARCHE

34 La concurrence implique l’existence d’un marché sur lequel elle puisse s’exercer. Lanotion de marché a évolué avec l’extension géographique des marchés (Chapitre 1). Lapossibilité d’accéder au marché constitue un élément essentiel de son bonfonctionnement (Chapitre 2).

Chapitre 1

LE MARCHE

35 Les échanges commerciaux ont été favorisés par l’abaissement des barrières tarifaireset non tarifaires (§ 2) et la mise en place d'une réglementation du marché (§3). Depuis1992, l’Union européenne poursuit la mise en place d’un marché intérieur (§ 4), dont lemodèle a inspiré le législateur suisse (§ 5).

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§ 2 LES ZONES DE LIBRE ECHANGE

Textes législatifs : Accord OMC (RS 0.632.20) ; Convention du 04.01.1960instituant l’association européenne de Libre-Echange (AELE) (RS 0.632.31);l'Accord de libre échange entre la Suisse et la CEE de 1972 (RS 0.632.401);l'Accord de l'OMC du 15.4.1994 relatif aux obstacles techniques au commerce(RO 1995, p. 2252 ss) ; art. 25 ss TUE ; Loi fédérale du 06.10.1995 sur le marchéintérieur (LMI) (RS 943.02), FF 1995 IV 552 ss; Loi fédérale du 06.10.1995 surles entraves techniques au commerce (LETC) (RS 943.02), FF 1995 IV 539 ss;TUE, art. 30 ss.

Bibliographie : Message du Conseil fédéral du 23.11.1994, FF 1995 I 1193; E.SCHEIDEGGER, Schweiz-EG 92 : Mehr Wettbewerb durch den Binnenmarkt,Coire/Zurich 1992; B. MERKT, Harmonisation internationale et entraideadministrative internationale en droit de la concurrence, Berne 2000; C.L. DELEYSSAC/G. PARLEANI, Droit du marché, Paris 2002, p. 51 ss; D. DREYER/B.DUBEY, Effets de la libre circulation des personnes sur l’exercice des activitéssoumises à autorisation, in L’adhésion de la Suisse à l’Union européenne, Zurich,1998, p. 859 ss; D. DREYER/B. DUBEY, Réglementation professionnelle et marchéintérieur, Bâle 2003.

2.1 L'ABAISSEMENT DES BARRIERES TARIFAIRES

36 A la fin des années 1950, la Suisse chercha sa place dans le concertdes Etats européens qui développaient et favorisaient les échangeséconomiques.

37 Etant donné que la CEE - malgré son appellation - n'avait pas quedes buts économiques, il n'était pas question pour la Suisse d'en faire partie.Elle se contenta donc :

- de participer à l'AELE dès 1960;

- de signer un accord de libre échange avec la CEE en 1972;

- de participer activement aux divers «rounds» de négociations du GATT(devenu OMC en 1995).

38 La création d'une zone de libre échange vise des buts beaucoup pluslimités que celle d'un marché intérieur. Les pays qui établissent une zonede libre échange conservent leur souveraineté ce qui permet –

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volontairement ou involontairement – de créer ou de maintenir desbarrières non tarifaires aux échanges.

39 La création d'un marché intérieur implique des mesures quidépassent l'abolition des droits de douane (la libre circulation despersonnes, des marchandises, des services et des capitaux (cf. § 4 et 5 ci-dessous).

2.1.1 L'Association européenne de libre échange

40 En réponse à la création de la CEE (qui ne comprenait à l'origine que la France,l'Allemagne, l'Italie, la Belgique, la Hollande et le Luxembourg), d'autres pays européens (laSuisse, l'Autriche, la Grande-Bretagne, la Suède, la Norvège, la Finlande, l'Islande et l'Irlande)constituèrent en 1960 la Convention instituant l’association européenne de Libre-Echange(AELE). Actuellement, seuls la Norvège, l’Islande, le Liechtenstein et la Suisse en font encorepartie (mais la Norvège, l’Islande et le Liechtenstein ont signé avec l’Union européenne leTraité de l’Espace économique européen). Les objectifs décrits à l'art. 2 de la ConventionAELE sont notamment :

- de favoriser, dans la zone de libre échange (l'ensemble des pays membres de laConvention), l'expansion du commerce en éliminant progressivement les obstacles quil'entravent;

- d'assurer aux échanges entre Etats membres des conditions de concurrence équitable.

41 Le démantèlement des droits de douane (obstacles tarifaires) à l'intérieur de l'AELE, aété réussi progressivement du 1er juillet 1960 au 31 décembre 1966.

42 Quant à la concurrence, la Convention de l'AELE comporte plusieurs articles qui s'yrapportent :

- aides gouvernementales (art. 13);- achats publics (art. 14);- pratiques commerciales restrictives (art. 15);- établissement (art. 16);- dumping (art. 17).

43 L'objectif semble bien d'éviter que les avantages du libre échange (élimination desdroits de douane et des restrictions quantitatives) ne soient réduits à néant par des mesuresgouvernementales ou privées.

44 En réalité, après avoir aboli les barrières douanières, les membres de l'AELE ne sesont que tardivement occupés des barrières non tarifaires (en fait, ce n'est qu'à l'initiativedu Président de la Commission européenne, J. Delors, qu'en 1988 s'ouvrirent des discussionssur la création de l'Espace Economique Européen).

45 De plus, l'AELE n'établit pas un système de concurrence mais se contente d'assurer lejeu du libre-échange. La Convention ne prévoit aucune institution qui serait chargée de veillerà son application; la violation des règles relatives à la concurrence (art. 13 à 17) ne peut êtresanctionnée que par une décision du Conseil des ministres (prise à la majorité). De tellesdécisions n'ont été que très rarement prises, ce qui démontre l'importance toute relative que lesEtats membres de l'AELE attribuent au droit de la concurrence.

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2.1.2 L'Accord de libre-échange entre la Suisse et la CEE (ALE)

46 En raison de l'accroissement des échanges internationaux et du développement del'AELE et de la Communauté économique européenne - CEE, leurs pays membres ressentirentle besoin, à la fin des années 60, de faciliter les échanges de marchandises entre les deuxzones. Ce fut la signature des accords de libre-échange entre la CEE et les divers Etatsmembres de l'AELE (et qui ont le même contenu).

47 Ces accords - celui qui fut signé par la Suisse date de 1972 - comprennent une clauserelative à la concurrence, l'art. 23, dont le texte est très semblable aux art. 81/82 du TraitéCEE. Pourtant, cet article n'a pratiquement pas eu d'impact sur les relations entre la Suisse et laCEE car la Suisse - comme les autres pays de l'AELE - ne considère pas cette dispositioncomme étant d'application directe. Cela signifie qu'en cas de différend, c'est un comitémixte - institué par le Traité - qui doit être saisi. Composé de représentants des parties auTraité, ce comité cherche, en cas de difficulté, des solutions selon une méthode politique plutôtque juridictionnelle.

48 La portée (déjà faible) de cet Accord a été encore réduite par l'entrée en vigueur desAccords bilatéraux (cf. 4 ci-dessous).

2.1.3 Autres organisations de libre-échange

49 L'UE constitue évidemment aussi une zone de libre échange mais elle est beaucoupplus que cela puisqu'elle a aussi mis en place un marché intérieur et des organes politiques.

50 A noter que des organisations de libre-échange ont été mises sur pied sur d’autrescontinents :

- Amérique du Nord

The North American Free Trade Agreement (NAFTA) a été signé en 1992 entre les USA,le Canada et Mexico, qui vise le libre commerce des marchandises et des services, ainsique la protection des investissements.

- Amérique du Sud

En 1960, plusieurs pays signèrent un accord de libre échanges (suppression des droits dedouane), transformé en 1980 en un traité d’intégration : Associación Latino-americana deIntegración, ALADI.

En 1991, l’Argentine, le Brésil, le Paraguay et l’Uruguay décidèrent la création d’unmarché commun sud-américain : MERCOSUR (en espagnol), MERCOSUL (en portugais).En 2004, d’autres pays s’y joignirent : Bolivie, Chili, Pérou, Colombie et Equateur.

- Amérique Centrale et Caraïbes :

Le Belize, Costa Rica, le Salvador, Guatemala, le Honduras, le Nicaragua et Panama ontd’abord constitué le Marché Commun d’Amérique Centrale (MCCA), devenu depuis leSystème d’intégration de l’Amérique Centrale (SICA).

Les pays des Caraïbes ont formé le Carabbean Common Market.

- Asie

Dès 1967, plusieurs pays du sud-est asiatique signèrent l’AFTA : Asian Free Trade Area.

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- Afrique

Plusieurs traités ont été signés :

-- Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (1975)-- Marché Commun des Etats de l’Est et du Sud de l’Afrique (COMESA).

2.1.4 L'Organisation Mondiale du Commerce (OMC)

51 En avril 1994, les pays membres du GATT ont signé un accordinstituant l'Organisation Mondiale du Commerce qui complète l'accord duGATT de 1947 et donne un nouvel élan à cette organisation.

A. Les tarifs douaniers

52 Tout comme les deux organisations régionales que sont la CEE etl'AELE, l'OMC a d'abord pour but d'abaisser les barrières douanières ettarifaires afin de favoriser le libre échange (avec cette différence que cetaccord a une portée quasi planétaire).

B. Les barrières non tarifaires

53 L'accord ne se contente pas d'abaisser les droits de douane. Ilcomprend divers chapitres qui ont pour but d'ouvrir l'accès aux marchés oud'éviter que la concurrence ne soit faussée :

- Accord sur les subventions et les mesures compensatoires(Annexe 1A de l'Accord) : il définit ce qu'est une subvention despouvoirs publics et indique les cas dans lesquels ces subventions sontprohibées.

- Accord sur les obstacles techniques au commerce (cf. ci-dessous2.2.1.)

- Accord sur les marchés publics (cf. ci-dessous 2.2.2.)

- Droits anti-dumping et droits compensateurs : l'Accord GATT de1947 comprenait déjà des règles relatives à la possibilité reconnue à unpays d'imposer des droits de douane pour s'opposer à des pratiques dedumping. Ces dispositions sont maintenues dans l'Accord OMC etsurtout leur contrôle est mieux assuré par les règles sur les différendsentre les pays membres.

C. Règles et procédures régissant le règlement des différends

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54 L'une des caractéristiques de l'Accord de 1994 est qu'il institue desstructures permanentes beaucoup plus développées.

a) Présentation du problème

55 Le GATT avait pour but, à l’origine, d’éliminer les obstaclestarifaires (droits de douane) au commerce international. Cependant, lesacteurs du commerce international le savent, les échanges commerciauxsubissent aussi des entraves en raison de pratiques commercialesrestrictives dues aux organes étatiques ou aux entreprises elles-mêmes(ou association d’entreprises). Ces pratiques commerciales restrictivespeuvent avoir des effets sur la concurrence internationale. Le GATT enavait conscience dès ses origines puisqu’une charte fut négociée à LaHavane, en 1947/48, sur ces questions de concurrence ; cependant, cettecharte n’a pas pu entrer en vigueur suite à son rejet par le Sénataméricain. Quant à l’art. XXIX du GATT, il est resté dépourvu de forcejuridique à ce jour. Il n’existe donc pas encore, dans l’OMC, deréglementation générale de la concurrence relative aux pratiquescommerciales restrictives d’origine privée.

56 Même si les Etats membres de l’OMC n’ont pu à ce jour se mettred’accord sur des règles spécifiques relatives à la concurrence, ils ontnéanmoins instauré un règlement des conflits portant sur la violationdes dispositions des accords.

b) Le règlement des conflits

57 Jusqu’à l’accord de Marrakech (1994), les différends entre Etats nepouvaient être réglés que par des négociations. L’institution de l’OMC,décidée à Marrakech, a marqué l’évolution de la politique ducompromis vers un véritable système juridictionnel, soit l’annexe 2 del’Accord OMC, intitulé « Mémorandum d’accord sur les règles etprocédures régissant le règlement des différends ».

58 La procédure débute par une consultation (art. XXII) : un Etat, dontles entreprises sont entravées dans l’exercice de la concurrenceinternationale, va demander à l’OMC d’ouvrir une procédure deconsultation avec l’Etat qui a pris des mesures entravant la concurrenceou dont les entreprises sont la cause de l’entrave.

59 Si cette procédure de consultation n’aboutit pas à un accord, l’Etatdont les entreprises sont entravées peut demander que l’Organe derèglement des différends soit saisi. Celui-ci va alors mettre sur pied ungroupe spécial devant lequel les Etats concernés vont faire valoir leurpoint de vue : demande, réponse, réplique, duplique. A l’issue de la

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procédure, le groupe spécial établit un rapport qui est transmis àl’ORD qui approuve formellement sauf si :

- il y a consensus au sein de l’ORD contre le rapport- un membre OMC déclare faire recours dans les 60 jours à l’Organe

d’appel (ODA).

60 Lorsque le groupe spécial ou, le cas échéant, l’ODA conclut qu’unemesure est incompatible avec les accords OMC, il est recommandé aumembre concerné de rendre la mesure conforme à l’accord visé. L’ORDsurveille la mise en œuvre de la décision et autorise, le cas échéant,l’adoption de mesures de compensation ou la suspension de concessions(art. 22 Memorandum d’accord).

A titre d’exemples :

- En 1997, les Etats-Unis ont contesté devant les instances OMC lacompatibilité du régime communautaire d’importation des bananesavec le droit GATT/OMC.

- En 1996, les Etats-Unis ont invoqué que le Japon avait violé lesrègles OMC en adoptant ou maintenant des lois, règlements,prescriptions ou mesures touchant la distribution et la vente sur lemarché japonais de pellicules et papiers photographiques destinésaux consommateurs.

2.2 LES OBSTACLES TECHNIQUES ET LES MARCHES PUBLICS

61 En plus de ces libertés, il est nécessaire pour la création d'un marché intérieurd'éliminer les obstacles techniques et ouvrir l'accès aux marchés publics.

62 Il est intéressant de constater que, dans ces deux domaines, il y a convergence despréoccupations aux trois niveaux : suisse, européen et mondial.

2.2.1 Les obstacles techniques

A. La législation suisse

63 La Loi fédérale sur les entraves techniques au commerce (LETC) a été adoptée en1995, après l'adoption des accords de l'OMC et alors que la Suisse avait entamé la négociationdes accords bilatéraux avec l'Union européenne et préparait sa propre législation sur le marchéintérieur.

a) But de la loi

64 Cette loi a pour but de faciliter les échanges sur le marché intérieur, ainsi que lesactivités d'importation et d'exportation.

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65 Les entraves techniques au commerce sont définies comme les entraves aux échangesinternationaux de produits qui résultent :

- de la divergence des prescriptions et des normes techniques;

- de l'application divergente de ces prescriptions ou normes;

- de la non-reconnaissance des essais, enregistrements ou homologations effectuées àl'étranger.

b) Méthode du législateur

66 Afin de ne pas entraver le commerce, les prescriptions techniques devront dorénavant:

- être compatibles avec celles des principaux partenaires commerciaux de la Suisse;

- être si possible simples et transparentes.

67 Des dérogations à ces principes ne sont admissibles que si :

- les prescriptions sont nécessaires pour protéger des intérêts publics prépondérants;

- les prescriptions ne constituent ni un moyen de discrimination arbitraire, ni unerestriction déguisée aux échanges (art. 4 LETC).

68 En 2009, le législateur a modifié l'art. 16 LETC pour introduire unilatéralement leprincipe Cassis-de-Dijon dans les relations Suisse-UE (cf. ci-dessous 5.6).

B. Les accords internationaux

69 La législation suisse a été adoptée non seulement dans le but de contribuer à laréalisation du marché intérieur suisse mais aussi afin de respecter les engagements pris par laSuisse dans des traités internationaux et faciliter ainsi l'accès au marché helvétique.

70 Ces traités ou accords sont :

- la Convention de l'AELE de 1960 (RS 0.632.31);

- l'Accord de libre échange entre la Suisse et la CEE de 1972 (RS 0.632.401);

- l'Accord de l'OMC du 15.4.1994 relatif aux obstacles techniques au commerce (RO 1995,p. 2252 ss).

(A noter qu'en 1988 déjà, les pays membres de l'AELE ont passé une convention sur lareconnaissance mutuelle des résultats d'essais et des preuves de conformité).

- l'Accord bilatéral de 2002 entre la Suisse et l'Union européenne sur les obstaclestechniques.

2.2.2 Les marchés publics

A. Principes

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71 L'importance économique des "marchés publics" n'est plus à démontrer. Le risque estgrand que l'autorité adjudicatrice, en l'absence de règles à suivre, n'accorde le "marché" à uneentreprise qui n'offre pas la meilleure offre possible pour l'adjudicateur. C'est afin d'éviter desdistorsions dans le processus d'adjudication que des règles de procédure ont été adoptées :

- publication de l'appel d'offres- critères de choix- annonce de la décision d'adjudication.

72 Ces règles élargissent considérablement le cercle des offreurs potentiels et doncaméliore le fonctionnement de la concurrence. D'un autre côté, la procédure est parfoiscompliquée, ce qui engendre des coûts, et peut être longue (recours !).

73 Il importe de définir le champ d'application de ces règles. Dans chaque situationconcrète, il faut examiner les points suivants:

- Qui est l’adjudicateur du contrat ? Quelles sont les entités considérées comme des«pouvoirs publics» ?

- Quel est l’objet du contrat ? S’agit-il de la construction d’un immeuble ? S’agit-il d’uneprestation de service ?

- Quelle est la valeur du contrat ? Comment se calcule la valeur du contrat ?

74 Les réponses à ces questions diront si la procédure prévue par la législation sur les marchéspublics doit être suivie, et le cas échéant, laquelle.

B. OMC

75 Des valeurs plancher ont été définies dans l'Accord de l'OMC sur les marchés publics (à noterque cet accord - Annexe 4 de l'Accord de Marrakech - n'a pas été signé par tous les paysmembres de l'OMC mais par 24 Etats membres).

76 L'accord ne s'applique qu'aux marchés dont la valeur est supérieure à :

- pour les constructions : 9,575 millions de francs (5 millions DTS);- pour les biens et services :

-- administration fédérale : fr. 263'000.--- Poste ou CFF : fr. 806'000.--- Swisscom : fr. 1'209'000.-.

2.2.3 Relations Suisse - Union européenne

77 Les marchés publics font l'objet de l'un des sept accords bilatéraux signés entre la Suisse etl'Union européenne (cf. 4.5.1). Les valeurs plancher sont les mêmes que celles de l'accordOMC.

2.2.4 Relations intercantonales

78 Les pouvoirs publics cantonaux et communaux sont tenus par les engagements des accordsOMC et de l'accord bilatéral entre la Suisse et l'Union européenne.

79 Les cantons ont fixé des seuils inférieurs dans l'Accord intercantonal sur les marchés publics(AIMP).

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§ 3 LA REGLEMENTATION DU MARCHE

Textes législatifs : art. 94-97, 100-103, Cst. féd. (RS 101); art 6 CC ; Loi fédéraledu 06.10. 1995 sur les cartels (LCart) (RS 251) ; Loi fédérale du 19 décembre1986 contre la concurrence déloyale (LCD) (RS 241).

Bibliographie : P. TERCIER, Introduction générale, in Commentaire Romand,Concurrence, Bâle 2002, 1 ss; C.L. DE LEYSSAC / G. PARLEANI, Droit du marché,Paris 2002 ; G. FARJAT, Pour un droit économique, Paris 2004 ; M. HERDEGEN,Internationales Wirtschaftsrecht, 6e éd., Munich 2007 ; R. RHINOW / G. SCHMID /G. BIAGGINI, Oeffentliches Wirtschaftsrecht, Bâle 1998.

3.1 L’INTERVENTION ETATIQUE

80 De tout temps, l’Etat a règlementé l’activité économique. C’est laproblématique de l’étendue de la liberté économique – garantie par laConstitution fédérale – et de l’intérêt public justifiant les limites apportéesà son exercice. A juste titre, les entrepreneurs ont lutté pour réduire l’inter-vention de l'Etat et obtenir une plus grande marge de manœuvre. Tout enréduisant l’appareil législatif et règlementaire visant l’activité économiquede l’entrepreneur, l’Etat s’est préoccupé du fonctionnement du marché lui-même.

81 Bien avant la crise financière et économique de 2007/2008, laréglementation de l'économie a fait l'objet de multiples discussions :

- Tout en demandant une réduction des mesures restrictives inutiles ("redtape"), les juristes et les économistes s'efforçaient de se mettre d'accordsur une nouvelle réglementation (cf. par exemple en 2004, J.-B.Zufferey, (Dé-, re-, sur-, auto-, co-, inter-) réglementation en matièrebancaire et financière, thèses pour un état des lieux en droit suisse,Rapport à la société des juristes, in RDS 2004/II, p. 479 ss). On assistealors à une intensification de la réglementation.

- Dans le même temps, apparaissent des règles non-impératives (SOFTLAW) mais dont l'application est "recommandée" si l'on veut fairepartie du système ("normes" comptables internationales, règles de bonnegouvernance).

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- De plus, les règles suivies en Suisse sont parfois reprises quasi-intégralement de règles étrangères (p. ex. du droit européen); d'où uneglobalisation de la réglementation.

3.2 LES DIVERS TYPES D’INTERVENTION

82 L’Etat peut intervenir de diverses manières et dans divers domaines.Il peut :

- fixer des règles quant au contenu de certains contrats (cf. 3.2.1) ;

- fixer des règles générales d'organisation de l'entreprise (cf. 3.2.2) ;

- fixer des règles générales quant au fonctionnement du marché (cf.3.2.3);

- fixer des règles quant au fonctionnement de certains marchésparticuliers (cf. 3.2.4).

3.2.1 La réglementation des relations contractuelles

83 Notre système économique repose sur le postulat de la libertéindividuelle et de l’autonomie de la volonté.

84 Cependant, le Code des obligations contient déjà, à l’art. 21 CO,une règle qui protège la partie qui, en raison de sa gêne, de sa légèreté oude son inexpérience aurait signé un contrat dont les prestations sontdisproportionnées.

85 Dans des domaines particuliers de la vie économique, le législateura adopté des règles spéciales protégeant la partie qui n’est pas en positionde négocier le contrat dans des conditions usuelles :

A. Contrat de bail (art. 253 à 274 g CO, bail à loyer)

86 Depuis plus de trente ans, le législateur suisse a adopté des règlesparticulières concernant la fixation du loyer ou la résiliation du contrat.Par exemple :

- le Chapitre II (art. 269 ss CO) est intitulé : « Protection contre les loyersabusifs ou d’autres prétentions abusives du bailleur en matière de bauxd’habitation et de loyers commerciaux » ;

- le Chapitre III (art. 271 ss CO) est intitulé : « Protection contre lescongés concernant les baux d’habitations et de locaux commerciaux ».

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B. Droit de la consommation

87 Alors que les consommateurs représentent une partie essentielle dumarché, le législateur (du moins en Suisse) s’y est peu intéressé. Pourtant,il est nécessaire de traiter certains aspects tels que :

- L’information du consommateur : c’est la question d’une part desconditions générales et, d’autre part, de l’étiquetage des produits.

- La formation du contrat : en 1990, le législateur a adopté les art. 40a à40f CO sur le droit de révoquer certains contrats (RO 1991 846).

- Le crédit à la consommation : en 2001, le législateur a adopté la loifédérale sur le crédit à la consommation.

- La sécurité des produits : la réglementation suisse est disséminée dansles différents domaines du droit; depuis 1993, la loi sur laresponsabilité du fait du produit élargit les possibilités d'actions enjustice pour celui qui subit un dommage en raison de la défectuosité duproduit.

C. Le contrat d’assurance

88 Cette branche économique est régie, dans ses relations avec sesclients, par la loi fédérale sur le contrat d’assurance (RS 221.229.1).

3.2.2 La réglementation de l'entreprise

A. Organisation et fonctionnement

89 Le Code des obligations a été modifié dans le but de faciliter laconstitution d'une société à responsabilité limitée et le transfert des parts.Dans certaines conditions, le ou les associés peuvent renoncer àl'établissement d'un rapport annuel de l'organe de révision. Cette dernièrepossibilité est aussi, à certaines conditions (peu d'employés, faible chiffred'affaires), accordée à la société anonyme.

B. Contrat de travail (art. 319 à 362 CO)

90 Dans ce contrat, le législateur a imposé des règles auxquelles il nepeut être dérogé au détriment du travailleur (la liste en est donnée à l’art.362 CO), et d’autres auxquelles il ne peut être dérogé ni au détriment dutravailleur, ni au détriment de l’employeur (cf. la liste de l’art. 361 CO).

91 Le Code des obligations réglemente aussi les conventionscollectives de travail qui sont, soit adoptées par les partenaires sociaux

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(représentants des employés et des employeurs), soit imposées par lesautorités compétentes.

3.2.3 La réglementation du marché en général

A. La concurrence déloyale

a) Droit suisse

92 Paradoxalement, le législateur suisse s’est d’abord préoccupé de lamanière d’exercer la concurrence avant même de se préoccuper que lemarché existe et que la concurrence y fonctionne.

93 La première loi suisse sur la concurrence déloyale (LCD) a été adoptéeen 1943, soit vingt et un ans avant la première loi sur les cartels(LCart.). On lit souvent que la LCD protège les concurrents alors que laloi sur les cartels protège la concurrence. Une telle formulesimplificatrice ne correspond pas à la réalité. En effet, selon l’art. 1er

LCD (révisée en 1986), cette loi « vise à garantir, dans l’intérêt detoutes les parties concernées, une concurrence loyale et qui ne soit pasfaussée ». Cette expression d’une concurrence qui n’est pas fausséefigure à l’art. 3 ch. 1 let. g TCE, comme fondement du droit européen dela concurrence.

94 Il est cependant exact que le droit de la concurrence au sens étroitconcerne la garantie de la possibilité d’exercer la concurrence, alors quela législation contre la concurrence déloyale se rapporte à la manièred’exercer la concurrence. Ainsi, selon l’art. 2 LCD « est déloyal etillicite tout comportement ou pratique commercial qui est trompeur ouqui contrevient de toute autre manière aux règles de la bonne foi et quiinflue sur les rapports entre concurrents ou entre fournisseurs etclients. » L’art. 3 LCD donne ensuite une liste exemplative de ce genrede comportements : dénigrement d’autrui, indications inexactes oufallacieuses, mesures de nature à faire naître une confusion avec lesmarchandises ou les prestations d’autrui, ventes en dessous du prixcoûtant, etc.

95 L’action en concurrence déloyale sera toujours introduite par unconcurrent à l’encontre d’un autre opérateur sur le marché. Elle n’est engénéral pas engagée par une autorité administrative (et les dispositionspénales sont rarement invoquées). Pourtant, en protégeant lesconcurrents contre des pratiques déloyales c’est aussi le fonctionnementdu marché qui est indirectement protégé.

96 La plupart des systèmes juridiques connaissent des dispositionslégales relatives à la concurrence déloyale. La Convention d’Union de

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Paris, de 1883, faisait déjà référence aux « usages honnêtes et loyaux ducommerce ».

b) Droit communautaire

97 Jusqu’en 2005, le droit communautaire ne s’est pas préoccupé de laconcurrence déloyale, laissant ce domaine aux pays membres. Le 11 mai2005, la Commission a adopté la Directive 2005/29 sur les pratiquescommerciales déloyales. Par cette Directive, la Commission vise deuxbuts :

- satisfaire les impératifs du marché intérieur et la libre circulation quecelui-ci implique ;

- protéger les consommateurs, en particulier dans les échangestransfrontaliers (pratiques trompeuses et pratiques agressives).

98 La Commission insiste sur un renforcement de la coopération entreles Etats membres et entre les « professionnels » pour lutter de façonuniforme contre les pratiques commerciales déloyales.

B. La protection de la concurrence

99 Alors que les règles relatives à la concurrence déloyale protègentd’abord le concurrent, le droit de la concurrence proprement dit visel’existence même de la concurrence sur le marché et son exercice (cf. 2e

Partie, ci-dessous).

C. La loi suisse sur la surveillance des prix (LSP)

a) But

100 Après avoir instauré des mesures conjoncturelles de surveillance desprix, au cours des années 1970, le législateur suisse, exécutant unmandat résultant d’une initiative constitutionnelle, a adopté en 1985 uneloi fédérale sur la surveillance des prix. Le Surveillant des prix observel’évolution des prix (art. 4 al. 1 LSPr) et empêche les augmentations deprix abusives et le maintien de prix abusifs.

b) Champ d’application

101 Quant aux personnes, la loi s’applique aux cartels et aux organisationsanalogues (« autres restrictions à la concurrence ») au sens de la LCart.

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102 Si une appréciation de la situation est nécessaire, le Surveillant des prixdoit consulter la Commission de la Concurrence avant de prendre sadécision (art. 5 al. 4 LSPr).

103 Quant à la matière, la loi

- s’applique au prix des marchandises, des services et de l’argent(intérêts) ;

- ne s’applique pas à la rémunération du travail (salaires).

c) Prix administrés

104 Si une autorité (fédérale, cantonale ou communale) est compétente pourdécider ou approuver une augmentation de prix proposée par un cartelou une organisation analogue, elle prend au préalable l’avis duSurveillant des prix (art. 14 LSPr).

3.2.4. La réglementation de certains marchés particuliers

A. Marchés financiers

a) Autorités administratives

105 - Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA;RS 956.1)

- Commission des offres publiques (COPA; 954.195.1)

b) Rôle

106 Surveillance de l'activité des banques et des compagnies d'assurancesprivées

c) Bases légales

107 - LF sur les banques et les caisses d'épargne (RS 952.0);- LF sur la surveillance des entreprises d'assurances (RS 961.01)- LF sur les bourses et le commerce des valeurs mobilières (RS 954.1)- LF sur les placements collectifs de capitaux (RS 951.31)

B. Télécommunications

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a) Autorité administrative

108 Commission fédérale de la communication, composée de 7 membresspécialistes du domaine et indépendants, dont le Prof. ReinerEichenberger.

b) Rôle

109 Régulation du marché des télécommunications en Suisse

c) Bases légales

110 LF sur les télécommunications (RS 784.10) et les ordonnancesd'exécution

C. Marché de l'électricité

a) Autorité administrative

111 Commission fédérale de l'électricité, composée de 7 membres.

b) Rôle

112 Contrôle les prix de l'électricité, statue sur les litiges concernant le libreaccès au réseau électrique, règle les questions de transport et decommerce international d'électricité.

c) Bases légales

113 LF sur l'approvisionnement en électricité (RS 734.7).

* * * * *

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Chapitre 2

LA CREATION D’UN MARCHE INTEGRE

§ 4 LE MARCHE INTERIEUR EUROPEEN

Textes législatifs : art. 30, 43, 49, 56 TUE ; Accords bilatéraux, RS0.142.112.681; 0.972.052.68; 0.420.513.1; 0.740.72; 0.748.127.192.68;0.916.026.81; 0.946.526.81.

Bibliographie : N. LIGNEUL/J.-C. MASCLET, Libre circulation des marchandises,Juris-Classeur Europe, Vol. 2, Fasc. 550; Accords bilatéraux Suisse – UE(Commentaires), Bâle 2001; D. DREYER/B. DUBEY, La place des avocats dans lesaccords sectoriels et leur rôle dans leur application, in « Accords bilatéraux »,p. 209 ss; J. PELKMANS, Economic Concept and Meaning of the Internal Market,in The EU Internal Market in Comparative Perspective, Economic, Political andLegal Analysis, J. PELKMANS, D. HANF and M. CHANG, Bruxelles 2008, p. 29-76;D. HANK, Legal Concept and Meaning of the Internal Market, in The EU InternalMarket, p. 77-93.

4.1 UN MARCHE CREE PAR ETAPES

4.1.1 Les étapes du marché intérieur

114 Le Traité de Rome prônait déjà la libre circulation des personnes et la librecirculation des marchandises. L'abolition (progressive) des droits dedouane facilitait certes l'exportation des marchandises d'un pays à l'autrede la Communauté, mais la libre circulation des marchandises n'était deloin pas encore garantie. En effet, de nombreux obstacles administratifs outechniques restreignaient le mouvement des marchandises au sein de laCommunauté.

115 En 1985, vingt-huit ans après l'adoption du traité de Rome instituant laCEE, les autorités communautaires se rendaient compte que la créationd'un véritable marché intérieur européen était encore très éloignée. L'unedes causes principales de la lenteur des progrès provenait des procédures

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d'adoption des règles communautaires nécessaires, pour favoriser la librecirculation des marchandises.

116 Les autorités de l'Union (Commission, Conseil des ministres, Parlement)s'efforçaient d'harmoniser les règles applicables au sein de l'Union soit pardes Règlements (règles directement applicables dans l'ensemble del'Union), soit par des Directives (fixant des objectifs à atteindre maisaccordant une marge de manœuvre aux Etats membres sur la manière d'yparvenir). Mais ces deux types de règles ne pouvaient le plus souvent êtreadoptées qu'à l'unanimité.

117 Les Etats communautaires modifièrent alors le Traité par l'Acte uniqueeuropéen (1986), un traité qui non seulement réunissaient les organes destrois communautés qui existaient encore distinctement (la CEE, laCommunauté du charbon et de l'acier - CECA - et la Communauté del'énergie atomique – CEEA) mais surtout modifiait les règles sur lamajorité en rendant possible l'adoption d'un beaucoup plus grand nombrede décisions à la majorité plutôt qu'à l'unanimité.

118 Par la même occasion, les Etats communautaires se fixèrent commeobjectif de réaliser ce marché intérieur pour la fin 1992.

119 Cette réalisation a aussi été grandement facilitée par une interprétation trèsdynamique du Traité par la Cour de Justice des Communautés européennes(CJCE).

4.1.2 Remarque sur les traités européens

120 A l’époque de l’adoption du Traité de Rome (1957) instituant laCommunauté économique européenne – le marché commun, deux autrestraités régissaient le charbon et l’acier (CECA) et la recherche atomique(Euratom). Chacune de ces organisations avait ses propres organes ; c’estpourquoi, on parlait alors des Communautés européennes.

121 Le traité de Rome a été modifié à plusieurs reprises :

- l’Acte Unique européen (1986), rassemblant les différents organes en une seuleCommunauté européenne et modifiant les systèmes de majorités ;

- le Traité de Maastricht (1992) modifiant les organes pour tenir compte de l’agrandissementde la Communauté.

- le Traité d’Amsterdam (1997) instituant l’Union européenne et complétant la Communautéeuropéenne (1er pilier) par deux autres piliers :

-- la politique étrangère et la sécurité commune (PESC, 2e pilier) ;-- la coopération dans les domaines de la justice et des affaires intérieures (JAI ; accord

de Schengen, 3e pilier).

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Les liens entre les différentes parties de ce Traité sont indiqués à la page suivante sousforme de schéma.

(Les abréviations « TUE » se réfèrent au Traité d’Amsterdam, alors que celles de « TCE »se réfèrent au texte du Traité relatif à la « Communauté européenne » proprement dite).

Table des matières des versions consolidées du traité sur l’Union européenne et du traité instituant laCommunauté européenne

Titre I TUE : Dispositions communes : art. 1 à 7 TUE

Titre II TUE : art. 8 TUE = art. 1 à 314 TCE (numérotation propre, traité de Rome)

Titre III TUE : art. 9 TUE = Traité de la CECA (liquidée)

Titre IV TUE : art. 10 TUE = Traité Euratom

Titre V TUE : art. 11 à 28 TUE = PESC

Titre VI : art. 29 ss TUE = Coopération policière et judiciaire en matière pénale

Titre VII : art. 43 ss TUE = Coopération renforcée

Titre VIII : art. 46 ss TUE =Dispositions finales

L’intégralité du texte est disponible sous le lien http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/site/fr/oj/2006/ce321/ce32120061229fr00010331.pdf

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122 Schéma des 3 piliers juridiques de l'Union européenne

4.1.3 Une constitution européenne

123 Nombre de principes importants de l’Union européenne étant dispersésdans l’un ou l’autre traité, les Etats membres ont manifesté le souhait deréunir les éléments fondamentaux dans un « texte de base », une« constitution » (Traité de Lisbonne).

124 Après l’échec en 2007 de la ratification de la « Constitution européenne »par l'Irlande, un nouveau vote devrait intervenir dans ce pays en automne2009 suite aux concessions accordées à ce pays dans des amendementsspécifiques (compétence nationale sur l'avortement et garantie d'un siègede commissaire).

4.2 L’ACCES AU MARCHE INTERIEUR

4.2.1 Le principe du marché intérieur

125 Selon l'art. 3 § 1 let. c du Traité de Maastricht, le marché intérieureuropéen est caractérisé par l'abolition entre les Etats membres des

I

CECommunautéeuropéenne

II

PESCprincipes

européens desécurité

collective

III

JAIJustice

Affairesintérieures

Union européenne

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obstacles à la libre circulation des marchandises, des personnes, desservices et des capitaux.

126 En effet, un véritable marché intérieur ne peut fonctionner que si :

- les marchandises peuvent circuler librement (art. 23 TCE);

- les capitaux peuvent circuler librement (art. 56 TCE);

- les professionnels peuvent librement prester leurs services sur tout leterritoire de l'Union (art. 49/50 TCE);

- les ressortissants de l'Union peuvent librement s'établir sur tout leterritoire de l'Union (art. 43 TCE);

- les travailleurs peuvent librement circuler (art. 39 TCE).

127 L'exercice de ces trois dernières libertés implique la reconnaissance desdiplômes et des certificats de capacité (cf. à ce sujet, ci-après, § 5.4 et 5.6).

128 Seule la libre circulation des marchandises est examinée ici plus en détail.

4.2.2 La libre circulation des marchandises

A. La marchandise (au sens communautaire)

a) La définition

129 La CJCE (10.12.1968, Commission c/ Italie, aff. 7/68) a défini lesmarchandises comme les « produits appréciables en argent etsusceptibles comme tels de former l’objet de transactions commer-ciales ».

b) Le caractère communautaire

130 L’art 23 al. 2 TCE dispose que la liberté de circulation s’applique « auxproduits qui sont originaires des Etats membres, ainsi qu’aux produitsen provenance de pays tiers qui se trouvent en libre pratique dans lesEtats membres ».

131 La détermination de l’origine de la marchandise pose deux problèmes :

- un problème géographique : la marchandise a son origine dans leterritoire douanier communautaire y.c. les territoires assimilés auterritoire douanier en raison de conventions internationales (soit lamer territoriale et l’espace) ;

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- un problème de détermination de l’origine pour les marchandisescomplexes : quelle est l’origine du produit réalisé sur le territoirecommunautaire avec des produits importés d’Etats tiers ?

132 L’art. 24 du Code des douanes communautaire dispose que l’origined’un tel produit est le lieu de sa dernière ouvraison à condition quecelle-ci soit substantielle et économiquement justifiée

133 De plus, la marchandise issue d’un Etat tiers mais introduite dans laCommunauté à la suite des formalités douanières et fiscales et doncrégulièrement importée est alors assimilée à une marchandisecommunautaire.

B. L'nterdiction des droits de douanes

a) Le principe

134 Puisqu’elle est une zone de libre-échange, la Communauté interdit à sesEtats membres de percevoir des droits de douane dans leurs relationscommerciales réciproques.

135 Par ailleurs, l’Union européenne a instauré, progressivement de 1957 à1969, une union douanière : tarif douanier commun et réglementationdouanière unique (Code des douanes communautaires, envoisadministration, contrôle et sanction par les Etats membres).

136 Une taxe imposée au commerce international et qualifiée de droit dedouane est donc illicite si elle ne correspond pas au Code des douanes.Les problèmes ont surgi lorsque les Etats ont adopté des taxes « d’effetséquivalent aux droits de douane ».

b) La notion de taxe d’effet équivalent

137 Les art. 23/25 TCE posent le principe d’interdiction des taxes d’effetéquivalent mais ne les définissent pas.

138 A l’origine les taxes d’effet équivalent ont été définies dans l’affaire du« pain d’épices » (CJCE 14.12.1962, Commission c/ Luxembourg etBelgique, aff. 2/62 et 3/62) de la façon suivante :

« La taxe d’effet équivalent peut être considérée, quelles que soient sonappellation et son origine, comme un droit unilatéralement imposé, soitau moment de l’importation, soit ultérieurement et qui, frappantspécifiquement un produit importé d’un pays membre à l’exclusion duproduit national similaire, a pour résultat, en altérant son prix, d’avoir

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ainsi sur la liberté de circulation des produits, la même incidence qu’undroit de douane. »

139 Depuis la fin des années 1960, la taxe d’effet équivalent est définie (cf.CJCE 01.07.1969, Sociaal fonds Diamanterbeiders c/ Brachfeld etChougol, aff. 2/69 et 3/69 et Commission c/ Italie, aff. 24/68) comme :

« une charge pécuniaire, fût-elle minime, unilatéralement imposéequelles que soient son appellation ou sa technique, et frappant lesmarchandises nationales ou étrangères à raison du fait qu’ellesfranchissent la frontière, lorsqu’elle n’est pas un droit de douane […]alors même qu’elle ne serait pas perçue au profit de l’Etat, qu’ellen’exercerait aucun effet discriminatoire ou protecteur et que le produitimposé ne se trouverait pas en concurrence avec une productionnationale ».

140 Les critères de qualification de ces taxes sont donc :

- une charge pécuniaire ;- une imposition unilatérale ;- le franchissement d’une frontière.

141 Les Etats membres peuvent en revanche créer des mesures d’impositionintérieures. Ils ont en effet conservé leur souveraineté fiscale (sauf dansles domaines harmonisés).

142 L’art. 90 al. 1 TCE dispose toutefois « Aucun Etat membre ne frapperadirectement ou indirectement les produits des autres Etats membresd’impositions intérieures, de quelque nature qu’elles soient, supérieuresà celles qui frappent directement ou indirectement les produitsnationaux similaires. ».

143 Il n’est donc possible de créer une taxe ou une imposition sur son propreterritoire que dans la mesure où elle frappe les produits nationaux et lesproduits des autres Etats membres de la CE de façon analogue. L’art. 90n’est dès lors rien d’autre qu’une expression du principe de non-discrimination sur la nationalité.

144 En conséquence, les mesures d’imposition intérieures sont en principelicites si deux conditions sont remplies. La mesure ne doit pas :

- créer une discrimination entre des produits nationaux et des produitssimilaires en provenance d’autres Etats membres ;

- faire naître une discrimination déguisée au commerce. L’art. 90 al. 2TCE interdit en effet les mesures d’imposition intérieure « de nature

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à protéger indirectement d’autres productions ». Le jugecommunautaire doit alors apprécier la « proximité » desmarchandises en causes, appréciation qui dépend de l’existence d’unrapport de concurrence entre les produits.

c) Le régime de la taxe d’effet équivalent

145 Etant assimilée à des droits de douanes, la taxe d’effet équivalent estinterdite.

146 Deux actions sont ouvertes pour celui qui a payé indûment cette taxe :

- Une action en responsabilité contre l’Etat membre qui a violé cettenorme de droit communautaire si cette norme faisait naître des droitsau profit de particuliers, si la violation de la norme est suffisammentcaractérisée et si elle est la cause du préjudice dont on entend obtenirréparation.

- Une action en répétition de l’indu. La restitution doit être intégraleet englober l’indemnisation des éventuels préjudices découlant de laviolation du traité. Les Etats membres doivent organiser un recourseffectif devant leurs juridictions nationales, à savoir un recours dontles conditions de recevabilité sont raisonnables. Ce recours doit enoutre être au moins aussi favorable que ceux organisés par les Etatsmembres en matière de fiscalité interne.

C. L’interdiction des restrictions quantitatives et des mesures d’effetéquivalent

147 Les restrictions quantitatives ou les mesures d'effet équivalent peuvent êtreéliminées en adoptant une règle commune à l'ensemble des Etats membres(par la voie d'un règlement ou d'une directive). On parle alors d'un domaine"harmonisé". En dehors de ces domaines, des règles différentes sontapplicables dans les pays membres. Cette différence peut-elle justifier unerestriction à l'importation ? C'est à cette question que vise à répondre l'art.28 TCE :

"Les restrictions quantitatives à l'importation ainsi que toute mesure d'effetéquivalent sont interdites entre les Etats membres".

a) Les restrictions quantitatives

148 La jurisprudence a précisé la notion de restriction quantitative enindiquant qu’il s’agit de « toute mesure visant une prohibition totale oupartielle d’importation, d’exportation ou de transit » (CJCE 12.07.73,aff. 2/73).

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149 La restriction quantitative a donc deux éléments constitutifs : unemesure étatique et une prohibition totale ou partielle d’importer.

150 Est une mesure étatique :

- toute mesure d'une autorité exécutive, législative ou judiciaire;

- une mesure d'une autorité du pouvoir central national ou d'unecollectivité territoriale;

- une mesure d'un organisme public.

151 Est une restriction quantitative toute mesure visant à restreindre lenombre (ou le poids) d'une marchandise à l'importation ou àl'exportation.

b) Les mesures d’effet équivalent aux restrictions quantitatives

152 L'expression "mesures d'effet équivalent" a donné lieu à une abondantejurisprudence de la CJCE. L'arrêt fondamental fut l'arrêt Dassonvilleselon lequel une mesure d'effet équivalent englobe :

"Toute réglementation commerciale des Etats membres susceptiblesd'entraver directement ou indirectement, actuellement oupotentiellement le commerce intracommunautaire" (CJCE 11 juillet1974, aff. 8/74).

153 Il s’agit, comme pour les restrictions quantitatives, d’une mesureétatique.

154 Est une mesure étatique :

- toute mesure d'une autorité exécutive, législative ou judiciaire;

- une mesure d'une autorité du pouvoir central national ou d'unecollectivité territoriale;

- une mesure d'un organisme public.

155 Une mesure peut être qualifiée d'effet équivalent même si son influenceest potentielle ou d'une faible importance. En permettant d'éliminertoute disposition discriminatoire ou non, constituant un obstacle oupouvant constituer un obstacle aux échanges, si limités que soient seseffets, la jurisprudence "Dassonville" a étendu de manière considérable

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le champ d'application de l'art. 28 TCE. Ainsi, ont été jugées contrairesau droit communautaire :

- des mesures avantageant la production nationale (p. ex. les aides à lapresse réservées aux publications du pays octroyant l'aide);

- des mesures imposant des licences ou des certificats d'importation oud'exportation;

- la perception d'un "droit de statistique"

- des mesures concernant la composition des produits : règlesitaliennes de fabrication des pâtes alimentaires excluant les farines deblé tendre;

- des mesures concernant le conditionnement des produits et leurétiquetage ou leur désignation (règle belge n'autorisant la vente demargarine que sous un emballage de forme cubique).

156 La Cour a freiné l'extension de la jurisprudence Dassonville en jugeantque des règles relatives aux modalités de vente ne violaient pas l'art. 28TCE "pourvu qu'elles s'appliquent à tous les opérateurs concernésexerçant leur activité sur le territoire national, et pourvu qu'ellesaffectent de la même manière, en droit comme en fait, lacommercialisation des produits nationaux et de ceux en provenance desautres Etats membres" (Keck et Milhouard, CJCE, 24 nov. 1993, aff. C-267 et 268/91 : Rec I. p. 6097).

157 Elle l'a également fait en renonçant à condamner des restrictions ayantun effet trop hypothétique et aléatoire sur le commerceintracommunautaire.

4.3 LES EXCEPTIONS AU LIBRE ACCES

158 Les entraves au commerce intracommunautaire sont admises lorsqu'ellesentrent dans le champ d'application de l'art. 30 TCE. Le régime d'exceptionne s'applique qu'aux "entraves" alors qu'une "taxe d'effet équivalent" à undroit de douane ne pourra jamais être justifiée.

159 L'art. 30 TCE doit être interprété de manière restrictive. La mesurerestrictive doit respecter le principe de proportionnalité et être adéquate(propre à atteindre le but visé). C'est en application de cette disposition (àl'époque art. 36), que la CJCE a rendu son arrêt "Cassis-de-Dijon",précisant que la restriction peut aussi être admise si elle est reconnue"nécessaire pour satisfaire à des exigences impératives, tenant notamment

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à l'efficacité des contrôles fiscaux, à la protection de la santé publique, à laloyauté des transactions commerciales et à la défense des consommateurs."

4.4 LES PROCEDURES GARANTISSANT L’ACCES AU MARCHE

160 Alors que, selon les règles de l’OMC, les entreprises ne peuvent écarter lesobstacles au libre-échange que par une intervention de l’Etat dans lequelelles ont leur siège (cf. ci-dessus § 2.1.4), les entreprises dont l’accès aumarché intérieur européen est dénié ou indûment entravé ont d’autresmoyens d’agir.

4.4.1 Le recours préjudiciel (art. 234 TCE)

161 Selon l’art. 234 TCE, la Cour de justice est compétente pour statuer à titrepréjudiciel sur l’interprétation du traité. Lorsqu’une question d’interpré-tation est soulevée devant une juridiction (tribunal) d’un Etat membre,cette juridiction peut demander à la Cour de justice de statuer sur cettequestion.

162 Ainsi, lorsqu’une entreprise considère qu’une mesure administrative, dontelle est l’objet et qui entrave son accès au marché, est contraire aux règleseuropéennes, elle invoque cette violation et invite le juge à solliciter de laCour de justice l’interprétation de ces règles européennes. Cette manière defaire a été abondamment utilisée dès les années 1960 et a permis ledéveloppement des règles du marché intérieur, en particulier cellesrelatives à la libre circulation des personnes et à la libre circulation desmarchandises.

4.4.2 Dénonciation à la Commission

163 Lorsqu’une entreprise – dont les siège peut être hors de l’Unioneuropéenne – est entravée par une autre entreprise (ou une associationprivée), elle peut dénoncer le cas à la Commission européenne (ou encoreactuellement, à l’autorité nationale chargée d’appliquer le droit européende la concurrence) et cette autorité pourra, si jugé nécessaire, prendre unedécision à l’encontre de la société incriminée.

164 A noter que, dans le cas d’une dénonciation à la Commission par uneentreprise dont le siège est dans l’Union européenne, le pays de l’entrepriseentravée pourrait, en cas d’inaction de la Commission, introduire devant lesjuridictions européennes une action judiciaire.

4.4.3 Action en dommages-intérêts

165 Par le biais d’une procédure civile entamée devant un tribunal d’un paysmembre de l’UE, l’entreprise entravée invoquera la violation du droit

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européen dans le but d’obtenir l’annulation de l’entrave et, éventuellement,des dommages-intérêts (la juridiction saisie pourra consulter la CJCE par lebiais du recours préjudiciel). Une telle action peut être introduite par uneentreprise établie hors de l’UE.

4.5 LES ACCORDS BILATERAUX ENTRE LA SUISSE ET L’UE

4.5.1 Adoption et contenu des accords

166 A la suite de l'échec en Suisse, à fin 1992, du vote sur le Traité instituantl'Espace Economique Européen, le gouvernement suisse a conclu desaccords bilatéraux avec l'Union européenne. Ces négociations ont abouti auprintemps 1999 à la signature des accords bilatéraux entre la Suisse etl’Union européenne. Ces accords et la législation d’accompagnement sontentrés en vigueur le 1er juillet 2002.

167 L'extension de ces accords aux dix nouveaux pays membres de l'Unioneuropéenne a été approuvée. Ces accords prévoient des périodestransitoires. Une première étape transitoire a été franchie en 2007.

168 Les sept accords portent sur les objets suivants :

- la recherche,- les obstacles techniques aux échanges,- l'accès aux marchés publics,- les transports terrestres,- les transports aériens,- la libre circulation des personnes,- l'accès aux marchés des produits agricoles.

169 Plus précisément, il s’agit de:

- L’Accord du 16 janvier 2004 de coopération scientifique et technologique entre laConfédération suisse, d’une part, et la Communauté européenne et la Communautéeuropéenne de l’énergie atomique, d’autre part (RS 0.420.513.1) ;

- L’Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européennerelatif à la reconnaissance mutuelle en matière d’évaluation de conformité (RS0.946.526.81) ;

- L’Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne surcertains aspects relatifs aux marchés publics (RS 0.177.052.68) ;

- L’Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne surle transport des marchandises et voyageurs par rail et par route (RS 0.740.72) ;

- L’Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne surle transport aérien (RS 0.748.127.192.68) ;

- L’Accord entre la Confédération suisse, d’une part, et la Communauté européenne et sesEtats membres, d’autre part, sur la libre circulation des personnes (RS 0.142.112.681) ;

- L’Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européennerelatif aux échanges de produits agricoles (RS 0.916.026.81).

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4.5.2 Le comité mixte

170 Les Accords bilatéraux n’instituent pas d’organes communs à la Suisse et àl’Union européenne. Ils constatent l’accord des parties sur des règles envigueur au moment de l’adoption des Accords.

171 Or :

- des conflits peuvent surgir au sujet de l’interprétation ou de l’applicationdes accords ;

- les règles, en particulier les règles communautaires auxquelles serapportent les Accords évoluent rapidement ; il s’agit de décidercomment tenir compte de cette adaptation.

172 C’est pourquoi les parties signataires ont instauré pour chacun des Accordsun Comité mixte au sein duquel les représentants des partiescontractantes :

- règlent d’un commun accord les questions d’interprétation oud’exécution ;

- modifient les annexes des accords lorsque cette compétence leur a étéaccordée ;

- constatent leur désaccord et sollicitent une coopération au niveaugouvernemental (Conseil fédéral, Commission ou Conseil desministres).

4.5.3 Effets sur la concurrence

173 Du point de vue du droit de la concurrence, on peut faire les constatationssuivantes :

- alors que l'Accord de libre-échange de 1972 ne concerne que lacirculation des marchandises, les accords bilatéraux couvrent aussi lacirculation des personnes et des services;

- les accords bilatéraux instituent un comité mixte pour superviser leurapplication; toutefois, les accords contiennent des règles d’applicationdirecte qui pourraient être soumises, selon les circonstances, auxtribunaux suisses ou aux tribunaux du pays européen concerné;cependant, seuls les tribunaux d’un pays membre pourront, selon leTraité (art. 234 TCE), solliciter une décision préjudicielle de la Cour deJustice de Luxembourg;

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- en raison du décalage important entre la date de signature des accords(printemps 1999) et celle de leur entrée en vigueur, respectivement deleur application, se pose le problème du droit évolutif (c'est-à-dire del’intégration progressive aux accords des modifications du droitcommunautaire postérieures à la signature des accords);

- il n'existe aucun accord international réglant les relations entre la Comcoà Berne et la Commission de Bruxelles (et la Direction de laconcurrence). C'est donc uniquement d'une manière informelle etpragmatique que se règlent les rapports entre ces deux institutions (àtitre de comparaison, les autorités de la concurrence des Etats membresde l’Union européenne travaillent en coordination avec la Divisiongénérale de la concurrence de la Commission européenne (cf. § 10).

4.5.4 Mise en œuvre procédurale des accords au sein de l’Union européenne

174 L’hypothèse est la suivante : une entreprise suisse met en vente un produitou exerce une activité soumise à autorisation au sein de l’Unioneuropéenne. Une autorité administrative d’un Etat membre de l’Unionintervient pour le motif que ce produit ou cette activité ne lui semble pasconforme aux prescriptions en vigueur au lieu de vente ou d’exercice del’activité.

175 Ce droit de regard devrait toujours être exercé dans le cadre d’uneprocédure aussi courte, efficace et peu onéreuse que possible. En principe,il ne peut y avoir de contrôle systématique dans l’Etat membre dedestination avant la mise sur le marché. Par conséquent, celui-ci ne pourra,en règle générale, examiner la conformité d’un produit à ses propres règlestechniques que lors d’une inspection faite dans le cadre de ses activités desurveillance du marché.

176 Si le produit en question devait ne pas être jugé conforme à ces règles, il ya alors lieu d’examiner la proportionnalité de l’application de telles règlesau cas d’espèce. En effet, pour que l’application d’une règle technique soitproportionnée, il faut qu’elle soit à la fois nécessaire et adéquate. Si teln’est pas le cas, l’autorité compétente doit prendre la décision – conformé-ment au droit communautaire qui prime le droit national - d'écarter de sapropre initiative cette règle nationale lors de l’examen du produit.

177 Par ailleurs, une réglementation nationale ne peut pas exiger que desproduits de ce type satisfassent littéralement et exactement aux mêmesdispositions ou caractéristiques techniques prescrites pour les produitsfabriqués dans l’Etat membre de destination, alors que les produitsimportés garantissent le même niveau de protection.

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178 En cas de décision négative, il importe que l’Etat membre qui invoque unmotif justifiant à ses yeux une restriction à la libre circulation desmarchandises démontre concrètement l’existence d’un motif d’intérêtgénéral, la nécessité de la restriction en cause et son caractèreproportionné par rapport à l’objectif poursuivi.

179 L’un des principes généraux du droit communautaire est que toutepersonne doit pouvoir bénéficier, devant les juridictions nationales, d’unrecours juridictionnel effectif contre les décisions nationales pouvantporter atteinte à un droit reconnu par les traités ou par le droitcommunautaire dérivé. Ce principe implique que les intéressés peuventobtenir de l’administration, avant tout recours, connaissance des motifsde telles décisions.

180 En conséquence, l’Etat membre de destination qui estime qu’un telproduit ne devrait pas être admis sur son marché ou qu’un tel service nepeut être offert par ce prestataire devrait en tout état de cause :

- indiquer par écrit au fabricant ou au distributeur quels éléments de sesrègles techniques nationales empêchent, selon lui, lacommercialisation du produit concerné dans l’Etat membre dedestination ;

- prouver, sur la base de tous les éléments scientifiques pertinents, pourquelles raisons ces éléments de la règles technique doivent êtreimposés et pour quelles raisons des mesures moins entravantes nesauraient être acceptées ;

- inviter l’opérateur économique concerné à formuler ses observationsdans un délai raisonnable ;

- tenir compte de ces observations avant de rendre une décision finale ;

- une fois la décision prise, notifier cette décision motivée à l’opérateuréconomique concerné en lui indiquant les voies de recours à sadisposition ;

- notifier cette décision à la Commission en vertu de l’art. 11 de ladirective 2001/95 CEE relative à la sécurité générale des produits ouen vertu de l’art. 50 du règlement n° 178/2002 établissant les principesgénéraux et les prescriptions générales dans la législation alimentaire ;

- ou, lorsque ces articles ne s’appliquent pas, notifier cette décision à laCommission en vertu de la décision n° 3052/95 CE du Parlement du13.12.05 établissant une procédure d’information mutuelle sur les

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mesures nationales dérogeant au principe de libre circulation desproduits à l’intérieur de la Communauté.

181 Une décision négative de la part de l’Etat membre de destinationconcernant l’admission à son marché d’un produit de l’EEE ou de laTurquie ou d’un Etat membre de l’AELE est, en principe, susceptible deconstituer une mesure d’effet équivalent à une restriction quantitative àl’importation, interdite par l’art. 28 du traité CE. Dès lors, l’opérateuréconomique concerné peut toujours contester dans le pays devant lesjuridictions, respectivement les administrations de l’Etat membre dedestination, une décision négative prise à son encontre.

182 Les juridictions et administrations nationales ont alors l’obligation degarantir le plein effet du droit communautaire, lorsque l’on est enprésence de dispositions du droit national incompatible avec les articles28 à 30 TCE. En effet, le juge national chargé d’appliquer, dans le cadrede sa compétence, les art. 28 et 30 TCE, a l’obligation d’assurer le pleineffet de ces normes, en laissant au besoin inappliquée, de sa propreautorité, toute disposition contraire de la législation nationale. Il doit enoutre appliquer les art. 20 et 30 TCE à la lumière de la jurisprudence dela Cour de Justice.

183 Les juridictions nationales peuvent cependant, le cas échéant, demander àla Cour de Justice de statuer à titre préjudiciel sur l’interprétation des art.28 et 30 TCE, conformément à l’art. 234 TCE.

4.5.5. Mise en œuvre procédurale en Suisse

184 L'hypothèse est la suivante : une entreprise européenne met en vente unproduit ou exerce une activité soumise à autorisation en Suisse. Uneautorité administrative suisse (cantonale ou fédérale) intervient pour lemotif que ce produit ou cette activité ne lui semble par conforme à laréglementation suisse.

185 Si l'autorité administrative prend une décision restreignant l'activité del'entreprise européenne, cette décision sera sujette à recours à plusieurséchelons, éventuellement jusqu'au Tribunal fédéral. A noter que lesautorités suisses ne peuvent recourir directement à l'autorité suprême(recours préjudiciel à la Cour de Justice puisque les autorités suisses n'ysont pas soumises).

186 La restriction pourrait aussi, le cas échéant, être examinée par un tribunalcivil. Dans une action en dommages-intérêts fondée sur la violation d'uneclause contractuelle restreignant les quantités à vendre, par exemple, oule territoire dans lequel la vente peut être faite, la partie attaquée pourraitinvoquer la nullité de la clause en soutenant qu'elle n'est pas conforme

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aux accords bilatéraux. C'est alors le juge civil (cantonal, puis, le caséchéant, fédéral) qui décidera de la validité de la clause.

* * * * *

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§ 5 LE MARCHE INTERIEUR SUISSE

Textes législatifs : Loi fédérale du 6.10.1995 sur le marché intérieur (LMI) (RS943.02), FF 1995 IV 552 ss et 2005 461 ss ; Loi fédérale sur les entravestechniques au commerce (LETC) (RS 946.51), FF 1995 IV 539 ss; LF sur laformation professionnelle, RS 412.10 ; TCE, art. 28 ss.

Bibliographie : Message du Conseil fédéral du 23.11.1994, FF 1995 I1193 ; Message relatif à la révision de la loi sur le marché intérieur, FF 2005 421;E. SCHEIDEGGER, Schweiz-EG 92 : Mehr Wettbewerb durch den Binnenmarkt,Coire/Zurich 1992; V. MARTENET/C. RAPIN, Le marché intérieur suisse, inCahiers Suisses de droit européen, n° 19, Berne/Zurich 1999; D. DREYER/B.DUBEY, Effets de la libre circulation des personnes sur l’exercice des activitéssoumises à autorisation, in L’adhésion de la Suisse à l’Union européenne, Zurich,1998, p. 859 ss; Commentaire romand - Concurrence, LMI, p. 1239 ss; A.AUER/V. MARTENET, La loi sur le marché intérieur face au mandat constitutionnelde créer un espace économique unique - Avis de droit, DPC 2004/1, p. 277 ss.

5.1 LE LIBRE ACCES AU MARCHE

5.1.1 Généralités

187 La Loi fédérale sur le marché intérieur est fondée sur l’art. 95 Cst quidonne à la Confédération la compétence de légiférer sur l’exercice desactivités économiques privées.

188 En vertu de l’al. 2 de cette disposition : la Confédération veille à créer unespace économique suisse unique;

La Confédération a donc le devoir de prendre les mesures nécessaires àcette fin.

189 Le but de la Loi sur le marché intérieur est clairement énoncé à l'art. 1er :garantir à toute personne ayant son siège ou son établissement en Suissel'accès libre et non discriminatoire au marché, afin qu'elle puisse exercerune activité lucrative.

190 Une activité lucrative ? Toute activité non régalienne (i.e. dont l’Etat nes’est pas réservé le monopole) ayant pour but un gain (art. 1er al. 3 LMI).

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191 Comment garantir l'accès au marché ? Par les principes suivants :

- la suppression des dispositions et des mesures de nature protectionnisteédictées par les cantons et les communes; les cantons, les communes etles autres organes assumant des tâches publiques avaient un délai dedeux ans dès l'entrée en vigueur de la loi en 1996 pour adapter leursprescriptions (art. 11 LMI); cette disposition n’a malheureusement euque peu d’effets ;

- l'interdiction des mesures discriminatoires (art. 3 al. 1 let. a LMI) ;

- l'application du principe «Cassis-de-Dijon» (art. 2 al. 1 et 3 al. 2 LMI) ;

- la suppression des obstacles techniques (cf. LETC).

5.1.2 La suppression des obstacles techniques

192 La libre circulation des marchandises en Suisse était encore entravée par demultiples obstacles techniques. La LF sur les entraves techniques, adoptéeen 1996 en même temps que la LF sur le marché intérieur, a pour but desupprimer ces obstacles sur le marché suisse.

193 Cette loi – visant le marché intérieur – a été complétée sur le plan extérieurpar l'Accord relatif à la reconnaissance mutuelle en matière d'évaluation deconformité signé entre la Suisse et l'UE en 1999 (entrée en vigueur le 1er

juin 2002 en même temps que les autres "accords bilatéraux").

194 A noter que le principe "Cassis de Dijon", appliqué au sein du marchéintérieur européen et sur le marché suisse, ne peut être appliqué dans lesrelations Suisse-UE car il n'existe pas d'institution, telle qu'un tribunal, quipourrait trancher les différents. Le Comité mixte n'a pas la même fonctionque la Cour de Justice des Communautés européennes par exemple.

195 Par contre, dans le but de faciliter les échanges entre la Suisse et l'UE, leparlement suisse a adopté au printemps 2009 une modification de la LETCpar laquelle le principe "Cassis de Dijon" sera appliqué unilatéralement parla Suisse à l'égard des produits européens. Cette modification législative estsoumise à référendum (cf. ci-dessous 5.5).

5.1.3 Le principe "Cassis-de-Dijon"

A. Origine européenne du principe

196 Ce principe a été établi par la Cour de Justice des Communautéseuropéennes en application de l'art. 28 (ex art. 30) TCE qui interdit lesrestrictions quantitatives et les mesures d'effet équivalent (cf. ci-dessous §4.3).

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197 Selon ce principe, les produits fabriqués et commercialisés légalement dansl'un des Etats membres doivent en principe être admis dans toute laCommunauté.

198 Certes, en l'absence de réglementation communautaire, les Etats membresrestent compétents pour édicter des prescriptions applicables sur leurpropre territoire. Mais les obstacles qui en résultent ne sont admissiblesque dans la mesure où ces prescriptions «peuvent être reconnues commeétant nécessaires pour satisfaire à des exigences impératives tenant,notamment à l'efficacité des contrôles fiscaux, à la protection de la santépublique, à la loyauté des transactions commerciales et à la défense desconsommateurs» (Arrêt Cassis-de-Dijon).

B. Application du principe en Suisse

199 Dans la LMI, ce principe est énoncé à l'art. 2 qui limite les restrictionspossibles (art. 3). Toute personne a le droit d'offrir des marchandises ou desservices dans toute la Suisse pour autant que l'exercice de l'activitélucrative en question soit licite au lieu où cette personne a son siège ou sonétablissement (art. 2 al. 1 LMI).

200 C'est le canton de l'offreur qui détermine les éventuelles prescriptionsrelatives à l'offre de marchandises ou de services. La marchandise dont lamise en circulation est autorisée dans le canton de l'offreur peut être miseen circulation dans toute la Suisse.

201 Aux termes de l’art. 2 al. 4 LMI, la liberté d’accès au marché selon lesprescriptions du lieu de provenance est étendue à l’établissementcommercial. Dès lors, des catégories professionnelles entières qui nepouvaient auparavant bénéficier de cette liberté d’établissement puisquetributaires d’équipements fixes sur le lieu d’exécution de la prestation ontdésormais plus de mobilité. Concrètement, cela signifie que les personnesconcernées ne sont pas tenues de demander une autorisation au lieu dedestination pour exercer leur activité puisqu’elles peuvent exercer celle-cisur la base de l’autorisation délivrée au lieu du premier établissement.

202 La révision de la LMI a également ajouté à l’art. 2 LMI un alinéa 5 qui fixeexplicitement dans la loi la présomption (réfragable) d’équivalence desrèglementations cantonales et communales, qui est à la base de la libertéd’accès au marché. L’inscription de ce principe dans la loi ne le modifiepas, elle lui confère simplement plus de poids.

5.2 LES RESTRICTIONS A L'ACCES AU MARCHE

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203 Des restrictions à la liberté d'accès au lieu de destination (de lamarchandise) ou de prestation des services ne peuvent être imposées que si(art. 3 LMI) :

204 a) Ces restrictions s'appliquent de la même façon aux offreurs locaux(principe de non-discrimination ou traitement national).

205 b) Ces restrictions sont indispensables à la préservation d'intérêts publicsprépondérants :

- protection de la vie et de la santé de l'être humain, protection desanimaux et des végétaux;

- protection de l'environnement;

- protection de la loyauté des échanges commerciaux et des consom-mateurs;

- poursuite d'objectifs de politique sociale et énergétique;

- garantie d'un niveau de formation suffisant pour les activitésprofessionnelles soumises à autorisation.

206 L’alinéa 2 qui énumérait ces intérêts a été abrogé. Il a en effet étéconsidéré qu’il n’était pas nécessaire de les préciser, notamment enraison du fait qu’il s’agit des mêmes intérêts que ceux admis par lajurisprudence du Tribunal fédéral en matière de restrictions à la libertééconomique. Cette abrogation satisfait également au principe del’allègement de la législation.

207 Ces restrictions doivent respecter le principe de la proportionnalité;l'art. 3 al. 2 LMI précise que ce principe n'est pas respecté si :

- la protection recherchée est déjà obtenue au moyen des prescriptionsapplicables au lieu de provenance;

- les attestations de sécurité ou les certificats déjà produits par l'offreurau lieu de provenance ne sont pas pris en compte.

208 Afin de bien se faire comprendre, le législateur ajoute (art. 3 al. 2 let. cet 3 LMI) que :

- un siège ou un établissement au lieu de destination ne peuvent pasêtre imposés à l’offreur comme condition pour pouvoir y exercer uneactivité lucrative;

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- les restrictions ne doivent en aucun cas constituer un obstacle déguiséaux échanges ou destiné à favoriser les intérêts économiques locaux.

5.3 LES ACTIVITES SOUMISES A AUTORISATION

5.3.1 Règles générales

A. Compétences fédérales

209 La LMI ne joue pas (ou plus) de rôle lorsque la compétence de réglementerune profession est (ou est passée) en mains de la Confédération.

210 C'est le cas pour certaines professions médicales pour lesquelles lalégislation fédérale a prévu des certificats fédéraux et les conditionsd'obtention de ces certificats.

211 C'est aussi le cas pour l'exercice de la profession d'avocat :

- Alors même que les cantons fixent encore les exigences pour l'obtentiondu brevet d'avocat (attestant la réussite des examens à la fin du staged'avocat) la Loi fédérale sur la libre circulation des avocats (LLCA) aintroduit le principe selon lequel un avocat inscrit à un registre cantonaldes avocats peut pratiquer la représentation en justice dans toute laSuisse sans autorisation (art. 4 LLCA).

- La LLCA fixe les conditions de formation (art. 7), les conditionspersonnelles d'inscription au registre des avocats (art. 8), ainsi que lesrègles professionnelles et la surveillance par les autorités (art. 12 à 20LLCA).

212 De plus, exerçant la compétence conférée par la Constitution (art. 63) delégiférer en matière de libre circulation professionnelle, la Confédération aadopté la loi fédérale sur la formation professionnelle (RS 412.0).

B. Compétences cantonales

213 La LMI joue pleinement son rôle lorsque la compétence d'imposer uncertificat de capacité pour l'exercice de certaines activités est encore enmains cantonales (art. 27 ss Cst).

214 Les cantons sont tenus, selon l’art. 196 ch. 5 Cst, à la reconnaissanceréciproque des titres sanctionnant une formation (une règle semblableexistait déjà dans la Constitution fédérale de 1874 !). De plus, la nouvelleloi fédérale sur la formation professionnelle fixe – comme une directiveeuropéenne – un cadre que les cantons doivent respecter.

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215 Les cantons imposaient souvent, en plus des connaissances techniques ouprofessionnelles établies par le certificat, des conditions personnelles.Avant la LMI, les cantons exigeaient encore le dépôt d'une requête afin devérifier si ces conditions personnelles étaient remplies. Cette manière defaire n'est plus possible avec la LMI.

216 L'art. 4 al. 4 LMI prévoit encore une règle très particulière dans l'hypothèseoù la reconnaissance de certificats est prévue dans un accord intercantonal(concordat) puisque les dispositions du concordat l'emportent sur la LMI !

5.3.2 La reconnaissance des certificats de capacité cantonaux

217 Le principe de la reconnaissance sur tout le territoire suisse des certificatsde capacité cantonaux étant déjà prévu par l'art. 196 ch. 5 Cst., il s'agit decomprendre ce qu'apporte la loi sur le marché intérieur. Cet apport, àl'art. 4 LMI, consiste dans la limitation des restrictions possibles puisquecelles-ci doivent respecter les règles de l'art. 3 LMI.

218 L’alinéa 3bis de l’art. 4 LMI prévoit en outre que : « La reconnaissance decertificats de capacité pour les activités lucratives couvertes par l’accorddu 21 juin 1999 entre la Confédération suisse, d’une part, et laCommunauté européenne et ses Etats membres, d’autre part, sur la librecirculation des personnes est régie par cet accord ».

219 A l’avenir, la reconnaissance des certificats de capacité cantonaux devradonc s’effectuer selon la procédure de reconnaissance de l’UE, lesaccords intercantonaux restant réservés. Pour ce qui est de lareconnaissance non réglée sur le plan cantonal, les mêmes règless’appliqueront sur le plan interne (entre cantons) et externe (UE).

220 La portée de l’alinéa 3bis dépendra toutefois de l’usage que fera laConfédération, dans le cadre de la nouvelle loi sur la formationprofessionnelle, de ses prérogatives en matière de réglementation.

221 S’agissant de la procédure de reconnaissance mise en place au sein del’UE, on distingue entre les directives générales et spéciales que la Suissea reprises dans son propre droit en signant l’accord sur la libre circulationdes personnes.

222 Les directives générales (p. ex. la directive 95/21/CE qui régit lareconnaissance des métiers nécessitant une formation de 1 à 3 ans) sefondent sur le principe de la confiance réciproque dans le système deformation des autres Etats membres, alors que les directives spéciales(par ex. la directive 77/452/CE reconnaissance de diplômes en matière desoins infirmiers) se fondent sur le principe de l’harmonisation préalabledes systèmes de formation. En d’autres termes, une vérification de la

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durée et des contenus des formations aura lieu dans le cas des formationsconcernées par les directives générales tandis que les diplômes pris encompte par les directives spéciales seront reconnus d’office.

223 Il faut encore noter que l’accord sur la libre circulation des personnes aété étendu aux dix nouveaux membres de l’UE en mai 2004 et ce,également dans le domaine de la reconnaissance des diplômes.

5.4 LA MISE EN ŒUVRE PROCEDURALE

224 L’hypothèse est la suivante : une entreprise met en vente un produit ouexerce une activité et l’autorité suisse intervient pour le motif que ceproduit ou cette activité n’est pas conforme aux prescriptions en vigueurau lieu de vente ou d’exercice de l’activité.

225 En principe, l’autorité doit d’abord réunir des informations :

- sur la conformité du produit aux règles de l’Etat de provenance

- sur les diplômes du prestataire de service lorsque l’activité est soumiseà autorisation.

226 L’autorité ne peut pas instituer des contrôles faisant double emploi avecles contrôles déjà effectués dans un autre Etat membre. L’autorité esttenue de vérifier l’équivalence des niveaux de protection ou desdiplômes.

227 L’administration ne peut exiger que des produits satisfassent littéralementet exactement aux mêmes dispositions ou caractéristiques techniquesprescrites en Suisse alors que les produits importés garantissentobjectivement le même niveau de protection. La règle est la mêmemutatis mutandis pour la reconnaissance des diplômes.

228 Si l’autorité arrive à la conclusion que le produit n’est pas conforme ouque la personne prestant le service n’a pas les qualifications requises, elleprend une décision d’interdiction de la vente du produit ou d’exercice del’activité par la personne en cause.

229 Cette décision pourra faire l’objet d’un recours :

230 - devant un tribunal administratif cantonal lorsque c’est un organe del’administration cantonale qui a pris la décision ;

231 - devant le Tribunal fédéral administratif lorsque la décision a été prisepar une autorité administrative fédérale.

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5.5 LE DROIT DE RECOURS DE LA COMCO

232 Le nouvel article 9 al. 2 bis LMI confère le droit à la Comco de faireconstater par un recours en matière de droit public (art. 82 ss LTF) qu’unedécision (cantonale ou communale) restreint indûment l’accès au marché.

233 L’art. 89 al. 2 lit. a LTF prévoit notamment que les départements fédérauxou, pour autant que le droit fédéral le prévoie, les unités qui leur sontsubordonnées, ont la qualité pour recourir si l’acte attaqué est susceptiblede violer la législation fédérale dans leur domaine d’attributions.

234 En vertu de l’art. 104 al. 2 LTF, la Comco peut donc, dès qu’elle a laqualité pour recourir, faire usage des voies de recours cantonales et êtrepartie à une procédure devant n’importe quelle instance cantonale. Dans lamesure où d’éventuels recours auprès d’instances communales peuvent êtrequalifiées généralement de « voies de droit cantonales » au sens de cettedisposition, la Comco est assurée de disposer aussi d’un droit de recourscontre les décisions de première instance.

235 De plus, en vertu de l’art. 105 al. 4 LTF, le Conseil fédéral déterminera parvoie d’ordonnance les décisions devant être communiquée à la Comco parles instances cantonales et communales.

236 Cependant, le droit de recours de la Comco sera restreint dans le domainedes marchés publics aux décisions soulevant des questions d’importancefondamentale et concernant des marchés excédent les valeurs seuilsdéterminantes.

237 Il faut encore préciser que la Comco peut exercer son droit de recoursindépendamment d’un éventuel recours privé visant le respect de la libertéd’accès au marché. L’aval des particuliers concernés n’est par ailleurs pasnécessaire et le recours de la Comco n’interrompt pas le délai pour le dépôtd’un recours individuel.

5.6 L'APPLICATION UNILATERALE DU PRINCIPE "CASSIS-DE-DIJON"

5.6.1. Motifs de la révision de la LETC

238 Depuis 1992, le Conseil fédéral a poursuivi deux voies pour réduire lesentraves techniques au commerce :

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- l'harmonisation autonome des prescriptions suisses avec le droit del'UE;

- la conclusion d'accords internationaux sur l'accès réciproque aumarché.

239 Malgré cela, un grand nombre d'entraves subsistent. Or, ces entravesaugmentent le prix des produits européens vendus en Suisse et rendent plusdifficiles les exportations suisses (les importations provenant de l'UEreprésentent le 80 % des importations suisses et la majoration de prix est de10 à 25 %).

240 La modification législative ne s'applique pas pour les domaines danslesquels les réglementations suisses et européennes ne divergent pas, c'est-à-dire sont déjà harmonisées. Evidemment, cette harmonisation résulte dufait que la Suisse reprend telles quelles les normes européennes !

241 Des règles particulières sont prévues pour les denrées alimentaires (art. 16c à e).

5.6.2. La modification de l'art. 16 LETC

242 Par la modification de l'art. 16 LETC, le législateur suisse a décidéd'appliquer unilatéralement aux produits européens le principe "Cassis-de-Dijon". L'application est dite unilatérale parce qu'elle est appliquéeindépendamment de ce que fait l'UE à l'égard des produits suisses.

A. Le principe et ses exceptions

243 Il est énoncé à l'art. 16 a LETC

244 "Les produits qui ne satisfont pas aux prescriptions techniques suissespeuvent être mis sur le marché :

a) s'ils ont été fabriqués conformément aux prescriptions techniques de laCommunauté européenne (CE) et, lorsque le droit de la CE n'estharmonisé ou ne fait l'objet que d'une harmonisation incomplète,conformément aux prescriptions techniques d'un Etat membre de la CEou de l'Espace économique européen (EEE);

b) s'ils sont légalement sur le marché de l'Etat membre de la CE ou del'EEE visé à la let. a, et

c) s'ils ne présentent aucun risque majeur pour des intérêts publicsprépondérants au sens de l'art. 4, al. 4, let. a à e, lorsqu'ils sont utilisésdans des conditions normales ou raisonnablement prévisibles."

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245 Sont exceptés les produits soumis à homologation tels que lesmédicaments, et les substances soumises à notification tels que lesproduits chimiques. Il en va de même pour les produits dont l'importationrequiert une autorisation préalable (p. ex. LF sur le matériel de guerre ouLF sur les épizooties – grippe aviaire !). Des procédures simplifiées sontmises en place dans ces cas-là.

246 La loi prévoit aussi des exceptions pour les cas dans lesquels les prescrip-tions suisses sont maintenues.

247 L'application unilatérale du principe "Cassis-de-Dijon" ne se fait pas pourles produits pour lesquels le Conseil fédéral arrête une exception (art. 16aal. 2 let. e LETC).

248 Lors de la préparation de la révision de la LETC, le Conseil fédéral aprocédé à un examen complet des prescriptions techniques suisses. Dans unpremier temps, 129 divergences ont été annoncées par l'administrationfédérale.

- Après un premier examen interne, 69 divergences ont été soumises lorsde la mise en circulation du projet;

- Finalement, lors de l'adoption du texte légal pour le soumettre auParlement, le Conseil fédéral n'a retenu que 18 exceptions :

-- Dans 5 cas, il a confirmé le maintien des prescriptions suisses :

"- interdiction du plomb dans les peintures et les vernis;

- prescriptions de sécurité relatives aux produits pour les chemins defer;

- mention de la teneur en alcool pour les boissons alcooliséessucrées;

- marques de contrôle des boissons distillées destinées à laconsommation;

- mention de la raison sociale, du prix de vente au détail et desmises en garde combinées sur les produits du tabac et produitscontenant des succédanés de tabac destinés à être fumés."

-- Dans 13 cas, l'exception s'appliquera de manière restreinte ouseulement à titre provisoire :

"- installations de combustion alimentées à l'huile, au gaz, au bois etau charbon: exigence de qualité de l'air;

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- identification d'une entreprise suisse à titre de personneresponsable de la mise sur le marché sur l'étiquette des substanceset préparations et sur la fiche de données de sécurité;

- substances stables dans l'air (gaz à effet de serre): limitations,prescriptions en vue de prévenir les émissions et prescriptions surle marquage;

- interdiction des paraffines chlorées à chaînes courtes dans lespeintures et les vernis, les mastics, les textiles ainsi que lesmatières plastiques et les caoutchoucs;

- exigences posées au bois traité avec des produits pour laconservation du bois et aux matériaux en bois;

- interdiction des phosphates et limitation des agents complexantsdans les lessives et produits de nettoyage;

- titre, désignation et contrôle des ouvrages en métaux précieux;

- déclaration de l'élevage en batterie, non admis en Suisse;

- obligation de déclarer les mélanges involontaires avec dessubstances allergènes dans les denrées alimentaires;

- exigences concernant la combustibilité des produits textiles(articles vestimentaires, rideaux, voilages);

- exigences concernant les déperditions de chaleur des chauffe-eau,des réservoirs d'eau chaude et des accumulateurs de chaleur;

- mention du pays de production des denrées alimentaires;

- mention du pays de production des matières premières des denréesalimentaires."

249 Les précisions relatives au caractère restreint ou temporaire de la restrictionseront données dans l'ordonnance du Conseil fédéral qui sera adoptée lorsde la mise en œuvre de la révision de la LETC.

B. Les entreprises européennes

250 Les entreprises européennes peuvent donc exporter leurs produits sur lemarché suisse pour autant que :

- le produit a été fabriqué conformément aux prescriptions techniquesapplicables dans son pays (prescriptions harmonisées ou prescriptionsde l'Etat de provenance);

- le produit a été légalement mis sur le marché de l'Etat membre;

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- le produit ne présente pas un risque majeur pour des intérêts publicsprépondérants.

251 La règle s'applique tant aux marchandises fabriquées et légalement misessur le marché dans un Etat membre de l'UE qu'aux marchandises provenantd'un autre Etat et qui satisfont au droit communautaire ou aux prescriptionsd'un Etat membre.

252 Il faut que le producteur européen soit effectivement actif sur le marchéeuropéen et que la marchandise soit légalement sur le marché (l'art. 20LETC explique la marche à suivre pour la surveillance du respect desconditions légales).

C. Les entreprises suisses exportant en Europe

253 Les sociétés suisses qui exportent en Europe respectent la réglementationeuropéenne (harmonisée ou existante dans le pays d'exportation). Cesentreprises, en application de l'art. 16a LETC peuvent écouler les mêmesmarchandises sur le marché suisse même si elles ne satisfont pas aux règlessuisses éventuellement divergentes.

D. Les autres entreprises suisses

254 L'application de l'art. 16a LETC aux entreprises suisses exportant sur lemarché européen crée une discrimination par rapport aux entreprisessuisses dont l'activité est limitée au marché suisse dans la mesure où celles-ci doivent, selon les cas, respecter des normes suisses plus contraignantes.Afin de réduire les effets de cette discrimination, le législateur a adoptél'art. 16b LETC :

- lorsque les producteurs suisses constatent une telle discrimination péna-lisant leurs produits, ils peuvent en informer le SECO;

- le SECO peut proposer de supprimer ou modifier les prescriptionstechniques suisses divergentes;

- le Conseil fédéral peut, dans les cas de rigueur, prévoir une autorisation,limitée dans le temps, de produire et de vendre sur le marché suisseselon les normes européennes.

* * * * *

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2ème partie

L'EXERCICE DE LA CONCURRENCEET LA PROTECTION DU MARCHE

Dans cette deuxième partie, après avoir précisé le champ d’application du droit de laconcurrence (Chapitre 3), il s’agira d’examiner à quelles conditions les entraves à laconcurrence sont illicites (Chapitre 4) et de quelle manière on procède pour appliquer cedroit (Chapitre 5).

Chapitre 3

LE CHAMP D'APPLICATION DU DROIT DE LA CONCURRENCE

Le droit de la concurrence ne s’applique pas à tous les acteurs économiques et il vise unbut spécifique. C’est pourquoi, il faut délimiter le champ d’application matériel et lechamp d’application personnel et géographique, du droit de la concurrence.

§ 6 LES CHAMPS D'APPLICATION MATERIEL, PERSONNEL ETGEOGRAPHIQUE

Textes législatifs : art. 2 à 4 LCart.; art. 1 et 2 LCD; art. 1 et 2 Loi fédéraleconcernant la surveillance des prix (LSPr) (RS 942.20); art. 81 et 82 TCE.

Bibliographie : P.-A. KILLIAS, CR Concurrence, Art. 2 et Art. 3; E. CLERC, CRConcurrence, Art. 4; B. GOLDMAN/A. LYON-CAEN/L. VOGEL, Droit commercialeuropéen, 5e éd., Paris 1994; Traité de droit européen, Juris-Classeur; B.-A.

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GENESTE, Pratiques restrictives de concurrence, Ententes anticoncurrentielles,Champ d'application, in Juris classeur, Europe, 4, Paris 1996.

255 Le champ d’application de la loi sur les cartels est précisé aux art. 2 à 4 LCart. ; laloi s’applique :

- aux entreprises (cf. ad 6.3 ci-dessous) ;

- aux entreprises qui, par une entente (6.2.1), une position dominante (6.2.2) ouune opération de concentration (6.2.3) exercent une influence sur le marché ;

- aux entreprises qui ont des effets en Suisse (6.4).

256 En droit européen, les mêmes critères sont utilisés ; s’y ajoute celui de l’affectationdu commerce entre les Etats membres (6.5).

257 La loi réserve quelques domaines auxquels la loi sur les cartels ne s’applique pas(6.1).

6.1 ACTIVITES NON SOUMISES AU DROIT DE LA CONCURRENCE

6.1.1 Les règles de la propriété intellectuelle

258 Selon l’art. 3 al. 2 LCart., la loi ne s’applique pas aux effets sur leconcurrence qui découlent exclusivement des lois sur la propriété intellec-tuelle. En effet, le titulaire d’un brevet se voit reconnaître le droit exclusifd’exploiter le procédé de fabrication décrit par le brevet ; ce titulaire dubrevet bénéficie ainsi, de par la loi, d’une position dominante. Cettesituation est justifiée par la volonté de protéger les investissements faitsdans la recherche et le développement industriel.

259 Cette exemption est cependant strictement limitée au droit de l’usageexclusif du brevet, lequel comprend le droit d’accorder une licence.Cependant le droit exclusif accordé par la loi sur les brevets n’a pas pourbut de permettre au titulaire du brevet de mettre en place un cloisonnementcommercial du marché par des accords qui dépassent le droit d’usage dubrevet. C’est le sens de l’art. 3 al. 2 LCart.

260 La question des effets sur la concurrence découlant exclusivement de lalégislation sur la propriété intellectuelle ou plutôt de la manière d'user deses droits est liée à la problématique de l'épuisement des droits.

261 Selon le principe de l'épuisement du droit, le titulaire du brevet a "épuisé"son droit sur l'objet du brevet dès qu'il a mis licitement et volontairementl'objet sur le marché. A la suite de cette première mise sur le marché, le

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titulaire ne peut plus se fonder sur le brevet pour contrôler la "circulation"de l'objet sur le marché.

262 Les milieux intéressés ont longtemps débattu la question de l'étenduegéographique de l'épuisement :

- s'il n'est que national, le titulaire peut encore s'opposer à l'arrivée sur lemarché d'un objet provenant d'un autre pays (alors même que cet objetaurait été licitement mis sur le marché par le titulaire lui-même);

- si l'épuisement est international, le titulaire ne peut plus s'opposer àl'arrivée d'un produit licitement mis sur le marché par lui-même dans unautre pays;

- on parle d'un épuisement régional lorsque l'effet de l'épuisement s'étendaux pays d'une organisation régionale telle que l'Union européenne oul'Espace économique européen.

263 En Suisse, alors que la législation ne traitait pas de cette question, leTribunal avait décidé d'appliquer le principe de l'épuisement internationalpour les marques, mais celui de l'épuisement national pour les brevets.

264 En 2008, la loi suisse sur les brevets d'invention a été modifiée sur ce point(entrée en vigueur le 1er juillet 2009) :

- le principe de l'épuisement régional s'applique dorénavant aux brevets;ce principe est appliqué unilatéralement, c'est-à-dire sans convenir duprincipe de réciprocité) :

"Lorsqu'une marchandise brevetée est mise en circulation en Suisse oudans l'Espace économique européen par le titulaire du brevet ou avecson accord, elle peut être importée et utilisée ou revendue en Suisse àtitre professionnel" (art. 9 a al. 1 LBI)

- exception : le principe de l'épuisement national continue à s'appliquerpour les biens dont le prix est fixé par l'Etat, notamment lesmédicaments :

"Nonobstant les al. 1 à 4, une marchandise brevetée ne peut être miseen circulation en Suisse qu'avec l'accord du titulaire du brevet lorsque,en Suisse ou dans le pays de mise en circulation, le prix de cettemarchandise est imposée par l'Etat." (art. 9 a al. 5 LBI)

6.1.2 Marchés de caractère étatique

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265 Il est des domaines d’activités économiques pour lesquels l’Etat établit desrègles particulières qui dérogent à la concurrence; c'est le cas par exemplepour les domaines suivants :

- télécommunications- secteur laitier- trafic aérien de ligne- activité de notaire

266 (Certains secteurs qui échappent à la concurrence restent soumis à lasurveillance des prix, RS 942.20)

267 L’art. 3 al. 1 LCart. précise la notion de « prescriptions qui excluent de laconcurrence certains biens ou services » en indiquant que ce sont cellesqui :

- établissent un régime de marché ou un régime de prix de caractèreétatique; dans une affaire concernant Météosuisse, unité administrativede l'administration fédérale, le TF a jugé que lorsque l'Etat intervientsouverainement et se fait rétribuer les prestations de services qu'ilfournit sur la base d'un tarif, la LCart ne s'applique pas. Le fait quel'unité administrative soit gérée par mandat de prestations et enveloppesbudgétaires n'y change rien, tant qu'elle n'est pas autonome du point devue organisationnel et demeure dans la hiérarchie administrative (ATF127 II 32 = JdT 2004 I 131).

- accordent des droits spéciaux à des entreprises chargées de l’exécutionde tâches publiques; par exemple l'instauration d'un monopole de droiten faveur des Services Industriels genevois pour l'approvisionnement etla distribution d'électricité (ATF 132 I 282); par la suite, la portée de cemonopole a été modifiée par l'entrée en vigueur de la LF surl'approvisionnement en électricité.

La qualité d'entreprise suppose l'indépendance économique et juridique(art. 2).

268 Malgré cela, l’application de ces règles soulève bien des difficultés enpratique.

6.2 ACTIVITES SOUMISES AU DROIT DE LA CONCURRENCE

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269 Le droit suisse, comme le droit européen, de la concurrence s’applique auxentreprises capables d’exercer une influence sur le marché. La notion« d’entreprise » sera traitée ci-dessous sous point 6.3.

270 L’influence sur le marché peut résulter d’une entente passée entre plusieursentreprises (6.2.1), d’une position dominante (6.2.2) ou d’une opération deconcentration (6.2.3).

6.2.1 Les ententes

271 Selon l’art. 4 LCart., les ententes (« accords en matière de concurrence »)sont :

- les conventions, avec ou sans force obligatoire- les pratiques concertées.

A. Les conventions

272 Une convention avec force obligatoire passée entre deux entreprises estun contrat au sens de l’art. 1er CO. La convention peut aussi résulter d’unedécision prise par une association d’entreprises ou de sociétés auxquellesdes entreprises participent en qualité d’associés.

273 La loi distingue les conventions avec force obligatoire et celles sans forceobligatoire, mais sans prévoir des conséquences différentes à ces ententes.Autrement dit, les deux types de conventions sont soumis à la loi. (Uneconvention sans force contraignante n’est pas un contrat ; une partie à laconvention ne peut pas exiger une réparation à l’égard d’une autre partiequi ne respecterait pas la convention). Les conventions sans forceobligatoire sont parfois appelées « gentlemen’s agreement » ou« Frühstückskartell ». Etant donné que ces conventions sont souventinformelles, elles sont difficiles à prouver.

B. Les pratiques concertées

274 Les pratiques concertées ne résultent pas non plus d’un accord formelentre les entreprises. Ces pratiques donnent lieu à une adaptationsimultanée du comportement des entreprises qui ont précédemmentéchangé des informations : annonce d’une augmentation ou d’une baisse deprix, adoption d’un nouveau standard, recommandations données auxdistributeurs.

275 La pratique concertée doit être distinguée du comportement parallèle quine tombe pas dans le champ d’application de la loi.

276 Qu’en est-il des recommandations adoptées par une associationprofessionnelle ? Peut-on considérer qu’elles n’entrent pas dans le champ

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d’application de la loi alors que celle-ci ne les mentionne pas ? Selon leprincipe de base, la loi s’applique à tout comportement qui a pour objet oupour effet de restreindre la concurrence. En conséquence, dans la mesureoù les membres de l’association suivent effectivement les recom-mandations et que celles-ci peuvent avoir pour effet de restreindre laconcurrence, ces recommandations entrent dans le champ d’application dela loi.

6.2.2. Les positions dominantes

277 La puissance sur le marché n’est pas illicite aussi longtemps qu’elle résultede pratiques orientées sur la performance et que la concurrence est capablede l’entamer. La loi ne s’applique que si une entreprise domine le marché.

278 Selon la loi suisse, une position dominante est acquise lorsque l’entrepriseconcernée peut se comporter de manière essentiellement indépendantepar rapport aux autres participants au marché (art. 4 al. 2). L’existenced’une position dominante dépendra :

- de la structure du marché ;- du nombre et de la qualité des concurrents potentiels ;- des barrières d’entrée sur le marché.

279 Selon l’art. 4 al. 2 LCart., la position dominante peut être détenue par uneou plusieurs entreprises. On parle alors d’une position dominantecollective (duopole ou oligopole).

Un groupe de sociétés – société holding et filiales – ne constitue pas une position dominantecollective car les filiales ne jouissent pas d’une autonomie suffisante pour déterminer leursmodes d’actions sur le marché.

A noter aussi que l’oligopole peut – selon les circonstances du marché – présenter unestructure de marché où la concurrence fonctionne de manière particulièrement efficace (chaqueacteur réagit rapidement aux actions de ses rivaux) ou présenter le risque de pratiquesparallèles ou concertées.

6.2.3. Les concentrations d’entreprises

A. Principe

280 Une position dominante peut résulter d’une opération de concentration.Celle-ci résultant d’un accord entre deux ou plusieurs entreprises pourraitaussi tomber dans le champ d’application de l’art. 5 LCart. Toutefois, laprocédure d’examen des ententes selon cette disposition n’est pas idéalepour les entreprises qui souhaitent savoir le plus rapidement possible sil’opération de concentration projetée peut être réalisée. C’est pourquoi, lesautorités de la concurrence (aussi bien européennes que suisses) ont mis enplace des procédures de contrôle des concentrations.

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281 Selon ces règlements, les entreprises concernées ont l’obligationd’annoncer l’opération de concentration (cf. § 9.2.1) ; elles ne peuvent secontenter d’attendre que l’autorité administrative ouvre une enquêtecomme c’est le cas pour la violation présumée de l’art. 5 LCart. Au vu decette obligation, il importe de

- définir ce qu’est une opération de concentration ;

- déterminer un « seuil d’intervention » (taille de l’opération).

B. Notion

282 Le contrôle s’applique à :

- la fusion de deux ou plusieurs entreprises ;

- toute opération de prise de contrôle direct ou indirect, pour autant queles entreprises concernées soient d’une certaine importance sur lemarché suisse.

C. Seuils d’intervention

a) Droit suisse

283 Selon l’art. 9 LCart., les entreprises concernées sont d’une importancesuffisante pour justifier l’exigence de notification à la Comco del’opération de fusion lorsque :

- ces entreprises ont réalisé ensemble – en Suisse et à l’étranger – unchiffre d’affaires minimum de 2 milliards de francs ou un chiffred’affaires en Suisse d’au moins 500 millions de francs (art. 9 al. 1 let.a LCart.) ;

- au moins deux des entreprises concernées ont réaliséindividuellement en Suisse un chiffre d’affaires minimum de 100millions de francs.

284 Pour les sociétés d’assurances, au lieu du chiffre d’affaires, c’est lemontant total des primes brutes annuelles qui est pris en compte.

285 Pour les banques soumises à la loi fédérale sur les banques et les caissesd’épargne, c’est le 10 % de la somme du bilan qui est retenu commecritère.

286 Nonobstant ces critères, la notification à la Comco est obligatoirelorsqu’il a été établi d’une autre manière qu’une des entreprises occupeune position dominante en Suisse et que la concentration concerne cemarché.

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b) Droit européen

287 La concentration est réputée de dimension communautaire lorsque :

- le chiffre d’affaires total réalisé sur le plan mondial par l’ensembledes entreprises concernées est supérieur à 5 milliards d’euros,

- le chiffre d’affaires total réalisé individuellement dans l’Unioneuropéenne par au moins deux des entreprises concernées estsupérieur à 250 millions d’euros,

288 à moins que chacune des entreprises concernées réalise plus de deuxtiers de son chiffre d’affaires dans l’Union européenne à l’intérieur d’unseul et même Etat membre.

289 La concentration qui n’atteint pas les seuils sus-indiqués reste dedimension communautaire lorsque :

- le chiffre d’affaires réalisé sur le plan mondial par l’ensemble desentreprises concernées est supérieur à 2,5 milliards d’euros ;

- dans chacun d’au moins trois Etats membres, le chiffre d’affairesréalisé par toutes les entreprises concernées est supérieur à 100millions d’euros ;

- dans chacun d’au moins trois Etats membres - selon point 2 - lechiffre d’affaires total réalisé individuellement par au moins deuxdes entreprises concernées est supérieur à 25 millions d’euros, et

- le chiffre d’affaires total réalisé individuellement dans l’Unioneuropéenne par au moins deux des entreprises concernées représenteun montant supérieur à 100 millions d’euros.

6.3 LES ENTREPRISES CONCERNEES PAR LE DROIT DE LACONCURRENCE

6.3.1 La notion d’entreprise

290 Le droit suisse et le droit européen s'appliquent aux entreprises.Cependant, ni la loi suisse, ni le Traité de l'UE ne définissent cette notion.

291 Selon le message du Conseil fédéral (lors du projet de modification de laLCart en 1995), une "entreprise", c'est "tout acteur qui produit des biens etdes services et participe ainsi de manière indépendante au processuséconomique, que ce soit du côté de l'offre ou de la demande".

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292 La loi ne s'applique donc pas aux consommateurs, ni aux rapports entre lestravailleurs et l'entreprise (qui sont souvent réglés par des conventionscollectives).

293 L'art. 81 TCE utilise également l'expression "entreprise", définie demanière extensive par les autorités communautaires.

294 Certaines entreprises sont écartées en raison de l'objet de leurs activités :

- produits agricoles- transports (certains types de transports maritimes internationaux; les

services de transports maritimes assurés exclusivement entre des portssitués dans un même Etat membre; les transports aériens entre lesaéroports de la Communauté et des pays tiers).

6.3.2 Entreprises exerçant une influence sur le marché

295 Les entreprises sont soumises au droit de la concurrence pour autantqu'elles exercent une certaine influence sur le marché :

A. Droit suisse

296 L'art. 5 LCart. vise les comportements des entreprises qui affectent laconcurrence de manière notable.

297 La Comco a publié une communication sur les accords entre PME(communication relative aux accords ayant pour but d'améliorer lacompétitivité et dont l'impact sur le marché est restreint). Selon cettecommuinication, les accords en matière de concurrence ayant pour butl'amélioration de la compétitivité sont en principe admissibles lorsque :

- les parts de marché cumulées des entreprises parties à un accordhorizontal ne dépassent pas 10 % de chacun des marchés de référenceconcernés par l'accord;

- les parts de marché détenues par chacune des entreprises parties à unaccord vertical sur les marchés concernés par l'accord ne dépassent pas15 %.

298 De même, la Comco considère comme n'affectant pas la concurrence demanière notable les accords entre petites entreprises (moins de 10collaborateurs et chiffre d'affaires annuel ne dépassant pas CHF 2 mio).

299 Toutefois, ces règles ne s'appliquent pas si des accords horizontauxconcernent :

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- la fixation directe ou indirecte des prix- des restrictions quantitatives- une répartition des marchés

300 ou si des accords verticaux ont pour objet :

- un prix de vente minimum- une protection territoriale absolue

B. Droit européen

301 En droit européen, ne sont visés que les accords ou pratiques concertées"susceptibles d'affecter le commerce entre les Etats membres".

302 La Commission européenne a publié une Communication définissant lesaccords dont il peut être présumé qu'ils ne sont pas "susceptibles d'affecterle commerce entre les Etats membres" (art. 81 al. 1 TCE). C'est le caslorsque les produits ou services objets de l'accord ne représentent pas plusde 5 % de l'ensemble des produits et services sur le territoire européen oùl'accord produit ses effets et le chiffre d'affaires total des entreprises àl'accord ne dépasse pas 200 millions d'euros.

6.3.3 Entreprises de droit public ou de droit privé

303 En principe, toute restriction de la concurrence doit être évitée. Peuimporte que la restriction soit le fait d'une entreprise de droit privé ouorganisée selon le droit public :

- "Est soumise à la présente loi toute entreprise engagée dans leprocessus économique qui offre ou qui acquiert des biens ou desservices, indépendamment de son organisation ou de sa formejuridique." (art. 2 al. 1 bis LCart.)

- "Une organisation unitaire d'éléments personnels, matériels etimmatériels, rattachés à un sujet juridiquement autonome etpoursuivant d'une façon durable un but économique déterminé." (CJCE13.7.1962, Mannesman AG, aff. 19/61 Rec. p. 677).

6.4. LE TERRITOIRE CONCERNE

6.4.1 Délimitation du territoire

304 Le droit de la concurrence s’applique aux entreprises dont le siège est situédans le territoire de l’ordre juridique concerné (suisse ou européen).

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305 Selon l’art. 299 TCE, le droit européen s’applique sur tout le territoire desEtats membres de l’Union, lors même que certaines parties de ce territoirese trouveraient en dehors du continent européen, par exemple :

- les départements français d’Outre-Mer (la Guyane, la Guadeloupe, laMartinique, la Réunion),

- les Açores, Madère, les Iles Canaries (Portugal).

306 Les règles du droit européen de la concurrence s’appliquent égalementdans les Etats membres de l’Espace économique européen (Islande,Norvège, Liechtenstein), en application du Traité signé entre ces pays etl’Union européenne.

307 Le droit européen de la concurrence est-il applicable en Suisse ?

308 La Suisse a signé avec l’Union européenne un Accord de libre échange, en1972, dont l’art. 23 a la teneur suivante :

1. Sont incompatibles avec le bon fonctionnement de l’accord, dans lamesure où ils sont susceptibles d’affecter les échanges entre laCommunauté et la Suisse:i) tous accords entre entreprises, toutes décisions d’associations

d’entreprises et toutes pratiques concertées entre entreprises quiont pour objet ou effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser lejeu de la concurrence en ce qui concerne la production et leséchanges de marchandises;

ii) l’exploitation abusive par une ou plusieurs entreprises d’uneposition dominante sur l’ensemble des territoires des Partiescontractantes ou dans une partie substantielle de celui-ci;

iii) toute aide publique qui fausse ou menace de fausser laconcurrence en favorisant certaines entreprises ou certainesproductions.

2. Si une Partie contractante estime qu’une pratique donnée estincompatible avec le présent article, elle peut prendre les mesuresappropriées dans les conditions et selon les procédures prévues àl’article 27.

6.4.2 Application « extra-territoriale » ?

309 Le droit de la concurrence s’applique-t-il également à des entreprises dontle siège est à l’extérieur des frontières de l’ordre juridique concerné maisdont les effets sont ressentis à l’intérieur dudit ordre juridique ? La

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question se pose de la même manière pour les ententes, pour les positionsdominantes et pour les opérations de concentrations d’entreprises.

310 Les autorités suisses et européennes ne s’en tiennent pas au critère dusiège. L’élément déterminant est celui du lieu où est ressenti l’effet anti-concurrentiel voulu par les entreprises. Si un état de fait (entente, parexemple) est réalisé à l’étranger mais produit des effets en Suisse, la loisuisse sur les cartels s’applique (art. 2 al. 2 LCart.). Les autoritéseuropéennes suivent le même principe.

311 On parle alors parfois d’application extra-territoriale du droit de laconcurrence. En fait, le droit s’applique aux effets ressentis à l’intérieur duterritoire concerné. Cependant, l’expression « d’application extra-territoriale » souligne la problématique de l’exécution des décisions, voiredes sanctions, prises à l’encontre d’une entité juridique installée en dehorsdu territoire concerné. La réponse viendra le plus souvent de la décision del’entreprise extérieure de reconnaître la compétence de l’autoritéadministrative concernée dans le but de pouvoir poursuivre des activitéscommerciales dans le territoire concerné.

6.5. DROIT EUROPEEN : AFFECTATION DU COMMERCE ENTRELES ETATS MEMBRES

312 En droit européen, ne sont visés que les accords ou pratiques concertées« susceptibles d’affecter le commerce entre les Etats membres ».

313 Le commerce entre les Etats membres peut être affecté par des ententesentre entreprises exerçant leurs activités dans différents Etats membres.

314 Il peut aussi l’être par des ententes entre une entreprise de l’Unioneuropéenne et une entreprise exerçant son activité à l’extérieur de l’Unioneuropéenne. Une entente entre entreprises d’un même Etat membre del’Union peut aussi affecter le commerce interétatique.

315 Le critère est appliqué d’une manière pragmatique : ce n’est pas l’intentionqui compte mais l’effet, actuel ou potentiel ; une affectation vraisemblablesuffit. Par contre, la conséquence de la pratique anti-concurrentielle –actuelle ou potentielle – ne doit pas être insignifiante ou négligeable ;l’effet doit être « sensible ».

316 Afin de faciliter l’application de ce critère, la Commission européenne apublié une Communication définissant les accords dont il peut êtreprésumé qu'ils ne sont pas "susceptibles d'affecter le commerce entre lesEtats membres" (art. 81 al. 1 TCE). Selon cette communication, lecommerce interétatique n’est pas affecté lorsque les produits ou servicesobjets de l'accord ne représentent pas plus de 5 % de l'ensemble des

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produits et services sur le territoire européen où l'accord produit ses effetset le chiffre d'affaires total des entreprises à l'accord ne dépasse pas 200millions d'euros.

* * * * *

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Chapitre 4

LES ENTRAVES A LA CONCURRENCE

Le champ d'application du droit de la concurrence ayant été fixé, il s'agitmaintenant de déterminer si une entente entre entreprises constitue une entraveillicite à la concurrence ou si elle est admissible (§ 7). La même appréciation doitêtre faite au sujet des positions dominantes (§ 8) et des opérations deconcentrations (§ 9).

§ 7 LES ENTENTES

Textes législatifs : art. 5 à 9 LCart., communications Comco; art. 81 et 82 TCE,Règlements et Communications Commission.

Bibliographie : Commentaire romand Concurrence, PH. GUGLER / PH.ZURKINDEN, art. 5 LCart.; J.-M. REYMOND, art. 6 LCart.; E. CLERC, art. 7 LCart;O. PIAGET, La justification des ententes cartellaires dans l'Union européenne et enSuisse, thèse Lausanne, Bâle 2001; C.L. DE LEYSSAC / G. PARLEANI, Droit dumarché, Paris 2002. I. CHABLOZ, L'autorisation exceptionnelle en droit de laconcurrence, thèse Fribourg 2002.

7.1 LE REGIME DES ENTENTES EN DROIT SUISSE

7.1.1 Remarques introductives

317 Au cours des quinze dernières années, la législation suisse est devenuebeaucoup plus restrictive au sujet des ententes cartellaires :

- lors de la révision de la loi intervenue en 1995, la notion de"concurrence efficace" a été adoptée comme principe directeur de lapolitique de la concurrence; de plus les cartels "rigides" (accords sur lesprix, les quantités ou les marchés) sont depuis lors présumés illicites;

- lors de la révision de 2004, la possibilité a été donnée à la Commissiond'infliger une sanction dès qu'elle constate la violation de la loi (alors

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que précédemment une sanction ne pouvait intervenir que si lesentreprises participant à l'entente visée ne respectaient pas la décision dela Comco).

318 La Comco a également commencé à faire usage de la possibilité que luiaccorde l'art. 6 LCart de publier des communications précisant lesconditions d'application de la loi (cf. la Communication concernantl'appréciation des accords verticaux, la Communication concernant lesaccords verticaux dans le domaine de la distribution automobile).

Les restrictions illicites à la concurrence peuvent résulter soit d'ententes(7.1.2 ci-dessous), soit d'abus de position dominante (§ 8 ci-dessous).

7.1.2 Les restrictions dues à des ententes

319 Les différentes formes d'ententes visées ont été définies à l'art. 4 LCart. etexaminées au paragraphe 6.1.1 ci-dessus. C'est à l'art. 5 LCart. que lelégislateur a fixé les critères de l'illicéité d'une entente. Ce texte s'estconsidérablement inspiré des principes reconnus en droit européen de laconcurrence et en droit américain, selon lesquels certains types d'accordsont en soi ("per se") illicites :

320 Art. 5 (Accords illicites) :

1 Les accords qui affectent de manière notable la concurrence sur le marché de certains biensou services et qui ne sont pas justifiés par des motifs d’efficacité économique, ainsi que tousceux qui conduisent à la suppression d’une concurrence efficace sont illicites.

2 Un accord est réputé justifié par des motifs d’efficacité économique :

a) lorsqu’il est nécessaire pour réduire les coûts de production ou de distribution, pouraméliorer des produits ou des procédés de fabrication, pour promouvoir la recherche oula diffusion de connaissances techniques ou professionnelles, ou pour exploiter plusrationnellement des ressources ; et

b) lorsque cet accord ne permettra en aucune façon aux entreprises concernées de supprimerune concurrence efficace.

3 Sont présumés entraîner la suppression d’une concurrence efficace dans la mesure où ilsréunissent des entreprises effectivement ou potentiellement concurrentes, les accords :

a) qui fixent directement ou indirectement des prix ;

b) qui restreignent des quantités de biens ou de services à produire, à acheter ou à fournir ;

c) qui opèrent une répartition géographique des marchés ou une répartition en fonction despartenaires commerciaux.

4 Sont également présumés entraîner la suppression d’une concurrence efficace les accordspassés entre des entreprises occupant différents échelons du marché, qui imposent un prix devente minimum ou un prix de vente fixe, ainsi que les contrats de distribution attribuant desterritoires, lorsque les ventes par d’autres fournisseurs agréés sont exclues.

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A. Principes

321 Le principe de l'art. 5 LCart. peut se résumer ainsi. Sont déclarés illicites :

- les accords qui conduisent à la suppression de la concurrence (lettre B,ci-dessous);

- les accords qui affectent de manière notable la concurrence sanspouvoir être justifiés par des motifs d'efficacité économique (lettre C,ci-dessous);

322 Certains types d'accords sont présumés entraîner la suppression de laconcurrence. La présomption ne pourra être levée que si les entreprisesconcernées peuvent établir que la concurrence reste efficace malgrél'existence de l'accord. Dans cette hypothèse, le cartel n'est pas encorelicite; ce qui est réfuté, c'est uniquement la présomption de la suppressionde la concurrence (qui entraîne automatiquement l'illiciété). Il faudraencore, dans ce cas, examiner si la concurrence est notablement entravée; sic'est le cas, l'accord ne sera licite que s'il est justifié par des motifsd'efficacité économique.

B. La suppression de la concurrence efficace

323 Sont présumés entraîner la suppression d'une concurrence efficace (etdonc illicites) :

- Les accords sur les prix : c'est l'effet qui est déterminant; peu importeque l'accord s'applique à la fixation directe ou indirecte (par exemplerabais) du prix;

- Les accords portant sur les quantités de biens ou de services àproduire, à acheter ou à fournir;

- Les accords de répartition géographique des marchés ou de répartitionen fonction des partenaires commerciaux; cette présomption nes'applique qu'aux accords horizontaux, c'est-à-dire entre concurrents,mais non pas aux accords verticaux (accords de distribution).

324 Les ententes illicites combinent souvent plusieurs de ces types d'accords.

325 Ainsi, la Comco a sanctionné plusieurs entreprises d'installationsélectriques de la région de Berne qui avaient conclu des accords de prix etde répartition de la clientèle (décision du 6.7.2009). Entre 2006 et 2008, lesentreprises concernées se sont réparties des projets de façon alternée. Elless'échangeaient des informations sur les prix et présentaient des offresconcertées.

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- Certains accords verticaux, soit ceux par lesquels des entreprisesoccupant différents échelons du marché imposent un prix de venteminimum ou fixe, ou attribuent des territoires, lorsque les ventes pard'autres fournisseurs agréés sont exclues (cf. ci-dessous § 7.3.2).

C. L'entrave notable à la concurrence

a) Le caractère notable de l'entrave

326 L'entrave notable à la concurrence est illicite à moins qu'elle ne soitjustifiée par des motifs d'efficacité économique.

327 L'application de l'art. 5 al. 2 LCart. pose deux questions : quand est-cequ'une entrave est notable ? Quels motifs peuvent la justifier ?

328 Le critère d'entrave notable à la concurrence a été précisé par lesautorités d'application, en utilisant deux critères :

- Critère qualitatif : l'accord visé porte-t-il sur un paramètre centralde la concurrence ? Ce sera toujours le cas, si l'accord porte sur lesprix, les quantités ou les marchés. Quant aux autres paramètres de laconcurrence (recherche et développement, publicité), leur importancevariera selon le marché concerné (différences entre le marché d’unproduit pharmaceutique ou celui d'un service).

- Critère quantitatif : afin d'appliquer ce critère, il faut déterminerquel est le marché concerné, quelle est la concurrence potentielle etquelle place occupent sur ce marché les entreprises concernées.

(Rappelons que la Suisse ne connaît pas le critère de l'affectation dumarché communautaire et que la Comco a adopté une Communi-cation sur les PME).

b) Faits justificatifs

329 Si, au vu de ces deux critères, l'entrave ne peut être qualifiée de notable,l'art. 5 n'est pas violé. S'il est constaté que l'entrave est notable, ilconvient alors d'examiner si elle peut être justifiée par un motifd'efficacité économique; ce pourra être le cas, selon l'art. 5 al. 2 LCart.lorsque l'accord est nécessaire :

- pour réduire les coûts de production ou de distribution;

- pour améliorer des produits ou des procédés de fabrication;

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- pour promouvoir la recherche ou la diffusion de connaissancestechniques ou professionnelles;

- pour exploiter plus rationnellement des ressources.

330 La loi ajoute cependant une condition négative : la justification n'est pasadmissible si l'accord a pour effet de supprimer une concurrenceefficace.

c) Règles d'application

331 Afin de faciliter la compréhension et l'application de l'art. 5 LCart, lelégislateur a prévu à l'art. 6 que le Conseil fédéral pourra édicter desordonnances et la Commission de la concurrence des communications.A ce jour, aucune ordonnance n'a été adoptée par le Conseil fédéral. Parcontre, la Comco a publié deux Communications concernant les accordsverticaux :

- une Communication du 21.10.02 concernant l'appréciation desaccords verticaux;

- une Communication du 21.10.02 concernant les accords verticauxdans le domaine de la distribution automobile, complétée par uneNote explicative réunissant les réponses données par la Comco auxquestions les plus fréquentes, en tenant compte des développementsobservés au niveau européen dans l'application du règlement n°1400/2002.

332 De plus, la Comco publie une Communication relative aux accordsayant un impact restreint sur le marché (cf. 6.1.2.A ci-dessus).

7.1.3 La clause échappatoire des intérêts publics prépondérants

333 Lorsque des accords en matière de concurrence ou des pratiquesd'entreprises ayant une position dominante ont été déclarés illicites, lesentreprises concernées peuvent demander au Conseil fédéral d'autoriser, àtitre exceptionnel, ces pratiques ou ces accords s'ils sont nécessaires à lasauvegarde d'intérêts publics prépondérants (art. 8 LCart.).

334 Il ne s'agit pas à proprement parler de recours. Les procédures de recoursproprement dites sont prévues aussi bien en procédure civile, lorsque lestribunaux déclarent une entrave à la concurrence illicite, qu'en procédureadministrative (cf. ci-dessous § 10 et 11). La requête au Conseil fédéralpeut être déposée à n'importe quel stade de la procédure, même après l'arrêtdu Tribunal fédéral.

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335 Il faut voir dans cette disposition une autorisation exceptionnelle quipermet de tempérer l'application des nouveaux principes d'illicéité sivraiment des intérêts publics prépondérants sont donnés et que l'accord oula pratique « illicite » est nécessaire pour la sauvegarde de ces intérêts.

336 A ce jour (2009), cette disposition n’a été examinée qu’une seule fois : leConseil fédéral a refusé de reconnaître un intérêt public prépondérant à lafixation du prix des livres (décision du 2 mai 2007; aux Chambresfédérales, une loi fédérale sur la réglementation du prix du livre est àl'examen).

7.2 LE REGIME DES ENTENTES EN DROIT EUROPEEN

7.2.1 Remarque introductive

337 Alors que le droit suisse a péniblement évolué à travers plusieurs réformeslégales (1985, 1995, 2004), l'Union européenne a, dès l'adoption du Traitéde Rome en 1957, mis l'accent sur le rôle de la concurrence (et du marchéintérieur dès 1992). De plus, la Cour de justice a rapidement pris le relaisdans sa jurisprudence.

338 Suite à l'ouverture de l'Europe à 27 membres, de nouvelles règles deprocédure ont été adoptées afin de permettre une application plus efficacedu droit de la concurrence (cf. § 10 ci-dessous).

7.2.2 Principes

339 Concernant les ententes entre entreprises, le principe fondamental esténoncé à l'art. 81 TCE en deux paragraphes :

- les accords entre entreprises qui ont pour objet ou pour effet derestreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sont interdits.

- les accords qui tombent sous le coup de l'interdiction de l'art. 81 al. 1sont nuls de plein droit.

340 Les conditions à remplir pour échapper à l'interdiction sont données àl'art. 81 al. 3 TCE.

7.2.3 Les éléments constitutifs de l'interdiction

341 Selon l'art. 81 al. 1 TCE, "sont incompatibles avec le marché commun etinterdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d'associationsd'entreprises et toutes pratiques concertées, qui sont susceptibles d'affecterle commerce entre Etats membres et qui ont pour objet ou pour effet

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d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence àl'intérieur du marché commun".

342 L'entente est donc interdite lorsque les éléments suivants sont réunis :

A. Un concours de volontés ou une décision

343 Il existe un concours de volontés qui s'exprime :

- soit dans des accords (avec ou sans force obligatoire);

- soit par des décisions d'associations (décision prise par l'organecompétent d'un groupe professionnel);

- soit par une pratique concertée; un parallélisme de comportement nesuffit pas; il faut une concertation, c'est-à-dire au moins un échanged'informations ou un contact qui affecte l'autonomie de décision desentreprises.

B. Un but ou un résultat

344 La condition est satisfaite si les parties à l’entente ont eu pour butd’empêcher, restreindre ou fausser le jeu de la concurrence. Elle l’est aussisi le résultat du comportement des parties en cause est une entrave, unedistorsion ou une restriction de la concurrence (même si ce résultat n’a pasété expressément voulu) : « qui ont pour objet ou pour effet » :

345 L'art. 81 TCE donne à l'al. 1 une liste exemplative de pratiques qui portentatteinte à la concurrence :

- la fixation des prix ou des conditions de transaction;- la limitation du développement technique, commercial ou financier;- la répartition des marchés ou sources d'approvisionnement;- la discrimination entre les partenaires commerciaux;- les ventes (ou prestations de services) "couplées".

C. Un lien de causalité

346 Le comportement visé ne pourra être illicite que si un lien existe entre lapratique et l'atteinte à la concurrence. Si le lien est établi, l'entente estillicite lorsque l'accord a pour but de porter atteinte à la concurrence (peuimporte que le résultat ait été effectivement atteint). Réciproquement,l'entente est illicite si le résultat (atteinte) est obtenu sans même que lesparties l'aient recherché.

7.2.4 La sanction

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347 La sanction de cette incompatibilité est donnée par l'al. 2 de l'art. 81 TCE :"Les accords ou décisions interdits en vertu du présent article sont nuls deplein droit."

348 Cela signifie que les accords ou la décision n'ont pu produire aucun effetvalable dès leur adoption. De plus, la décision de constatation de la nullitéest généralement accompagnée d'une sanction pécuniaire importante (cf.§ 10).

7.2.5 Les dérogations possibles

A. Le principe

349 Selon l'art. 81 al. 3 TCE, le premier alinéa (principe d'interdiction) n'est pasapplicable si les conditions cumulatives suivantes sont réunies :

- l'entente contribue à améliorer la production ou la distribution desproduits ou à promouvoir le progrès technique ou économique;

- l'entente réserve aux utilisateurs une partie équitable du profit qui enrésulte;

- l'entente n'impose pas aux entreprises intéressées des restrictions qui nesont pas indispensables pour atteindre ces objectifs;

- l'entente n'élimine pas la concurrence, pour une partie substantielle desproduits en cause.

B. Le régime applicable

350 La réglementation du régime des exemptions a été profondément modifiéeen 2004. Alors que, jusque là, les entreprises avaient l'obligation de notifierles accords tombant sous le coup de l'art. 81 TCE, cette exigence a étésupprimée par le Règlement (CE) 1/2003.

351 Dorénavant, dans toutes les procédures d'application de l'art. 81 TCE, quece soit dans une procédure communautaire ou dans une procédure engagéedans un Etat membre :

- la charge de la preuve d'une violation de l'art. 81 par. 1 TCE incombe àla partie ou à l'autorité qui l'allègue;

- il appartient à l'entreprise ou l'association d'entreprises qui invoque lebénéfice de l'art. 81 par. 3 TCE d'apporter la preuve que les conditionsde ce paragraphe sont réunies.

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C. Règles d’application

352 Afin d'accroître la sécurité juridique et de favoriser la bonne marche desaffaires, la Commission a adopté ou publié des règlements, des communi-cations et des lignes directrices :

353 Le Règlement 2790/1999, relatif aux accords verticaux pour l'achat ou lavente de biens ou de services (cf. 7.3.2. A. ci-dessous) présume la licéitédes accords verticaux pour autant que les parties à l'entente n'occupent pasensemble une part de marché supérieure à 30 % :

- si le seuil n'est pas atteint, l'autorité d'application peut néanmoins tenterde démontrer que l'entente viole l'art. 81 par. 1 TCE;

- si le seuil est atteint, les parties visées peuvent tenter de démontrer quel'entente ne viole pas l'art. 81 par. 1 ou satisfait les conditions de l'art. 81par. 3 TCE.

354 De plus, la Commission a adopté des règlements pour certains types decontrats particuliers :

- Règlement n° 1475/95 concernant les accords de distribution et deservices de vente et d'après-vente de véhicules automobiles;

- Règlement n° 4087/88 concernant les accords de franchise;

- Règlement n° 240/96 concernant les accords de transfert de technologie.

355 Voici, à titre d'exemple, ce que disent les Lignes directrices concernantl'application de l'art. 81 al. 3 TCE :

"1. L'article 81, paragraphe 3, du traité prévoit une dérogation auxdispositions de l'article 81, paragraphe 1, du traité. Les accords, décisionsd'associations d'entreprises et pratiques concertées(1) qui sont visés parl'article 81, paragraphe 1, mais remplissent les conditions de l'article 81,paragraphe 3, sont valides et applicables sans qu'une décision préalablesoit nécessaire à cet effet.

2. L'article 81, paragraphe 3, s'applique à des accords individuels ou, aumoyen de règlements d'exemption par catégorie, à des catégoriesd'accords et de pratiques concertées. Le règlement no 1/2003 relatif à lamise en oeuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82du traité (2) n'affecte pas la validité et la nature juridique des règlementsd'exemption par catégorie. Tous les règlements d'exemption actuelsrestent en vigueur et les accords couverts par des règlements d'exemptionpar catégorie sont juridiquement valides et applicables, même s'ils

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restreignent la concurrence au sens de l'article 81, paragraphe (3). Cesaccords ne peuvent être interdits que pour l'avenir et seulement aprèsabrogation officielle de l'exemption par catégorie par la Commission ouune autorité nationale de la concurrence (4). Les accords exemptés parcatégorie ne peuvent être invalidés par les juridictions nationales dans lecadre d'une procédure contentieuse privée.

4. Les présentes lignes directrices exposent l'interprétation que laCommission donne aux conditions de l'exception contenue à l'article 81,paragraphe 3. Elles fournissent ainsi des orientations sur la manièredont elle appliquera cette disposition dans des cas individuels. Bien queceslignes directrices ne soient pas contraignantes pour les juridictions et lesautorités des États membres, elles ont aussi pour objet de leur fournir desorientations pour l'application de l'article 81, paragraphes 1 et 3, dutraité.

5. Ces lignes directrices définissent un cadre analytique pourl'application de l'article 81, paragraphe 3. L'objectif est de permettrel'élaboration d'une méthodologie pour l'application de cette disposition.Cette méthodologie est fondée sur l'approche économique qui a étéintroduite et développée dans les lignes directrices sur les restrictionsverticales, sur les accords de coopération horizontale et sur les accordsde transfert de technologie. La Commission appliquera également lesprésentes lignes directrices, qui donnent une orientation plus détailléesur l'application des quatre conditions de l'article 81, paragraphe 3, quecelle contenue dans les lignes directrices sur les restrictions verticales,sur les accords de coopération horizontale et sur les accords de transfertde technologie, auxaccords couverts par ces dernières lignes directrices.

6. Les principes énoncés dans les présentes lignes directrices doivent êtreappliqués à la lumière des circonstances de l'espèce, ce qui exclut touteapplication mécanique. Il convient d'apprécier chaque affaire au regarddes faits qui la caractérisent et d'appliquer les lignes directrices avec bonsens et souplesse.

11. L'appréciation au regard de l'article 81 s'effectue donc en deux étapes.La première consiste à déterminer si un accord entre entreprises, qui estsusceptible d'affecter le commerce entre États membres, a un objetanticoncurrentiel ou des effets anticoncurrentiels réels ou potentiels (9).La seconde étape, qui n'a lieu d'être que s'il est avéré qu'un accord

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restreint le jeu de la concurrence, consiste à déterminer les effetsproconcurrentiels produits par cet accord et à voir si ces effetsproconcurrentiels l'emportent sur les effets anticoncurrentiels. La miseenbalance des effets anticoncurrentiels et des effets proconcurrentielss'effectue exclusivement dans le cadre établi par l'article 81, paragraphe3 (10).

15. Le type de coordination de comportements ou de collusion entreentreprises visé par l'article 81, paragraphe 1, consiste dans la situationoù au moins une entreprise s'engage envers une autre entreprise àadopter un certain comportement sur le marché ou que, par suite decontacts entre elles, l'incertitude entourant leur comportement sur lemarché soit éliminée ou du moins substantiellement réduite (15). Ils'ensuit que la coordination peut revêtir la forme d'obligations régissantle comportement sur le marché d'au moins une des parties ainsi qued'accords influant sur le comportement sur le marché d'au moins une desparties en modifiant ses incitations. Il n'est pas indispensable que lacoordination soit de l'intérêt de toutes les entreprises en cause (16). Demême, elle ne doit pas forcément être explicite. Elle peut également êtretacite. Pour qu'un accord puisse être réputé conclu au moyen d'unacquiescement tacite, il est nécessaire qu'une entreprise invite une autreentreprise, que ce soit de façon expresse ou implicite, à la réalisationcommune d'un but (17). Dans certaines circonstances, un accord peut sedéduire de relations commerciales durables entre les parties et êtreimputable à ces relations (18). Toutefois, le seul fait qu'une mesureadoptée par une entreprise s'inscrive dans le cadre de relationscommerciales continues ne saurait être suffisant (19).

17. Pour apprécier si un accord doit être considéré comme altérant le jeude la concurrence, il convient d'examiner le jeu de la concurrence dansle cadre réel où il se produirait à défaut de l'accord litigieux (20). Lorsde cette appréciation, il est nécessaire de tenir compte de l'incidenceéventuelle de l'accord sur la concurrence intermarques (c'est-à-dire laconcurrence entre fournisseurs de marques concurrentes) et sur laconcurrence intramarque (c'est-à-dire la concurrence entre distributeursd'une même marque). L'article 81, paragraphe 1, interdit les restrictionstant de la concurrence intermarques que de la concurrence intramarque(21).

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25. Des effets défavorables sur la concurrence sont susceptibles de seproduire sur le marché en cause quand les parties, individuellement ouconjointement, possèdent ou obtiennent un certain pouvoir de marché etque l'accord contribue à la création, au maintien ou au renforcement dece pouvoir ou permet aux parties de pratiquer pendant une duréesignificative des prix supérieurs au niveau qui résulterait du jeu de laconcurrence ou de maintenir pendant une durée significative laproduction en termes de quantité, qualité et diversité des produits ou entermes d'innovation à un niveau inférieur à celui qui résulterait du jeu dela concurrence. Sur les marchés où les coûts fixes sont élevés, lesentreprises doivent fixer leurs prix sensiblement au-dessus de leurs coûtsde production marginaux, afin d'avoir un bon retour sur investissement.Le fait que des entreprises fixent leurs prix au-dessus de coûts marginauxn'indique donc pas, en soi, que la concurrence ne fonctionne pas bien surle marché et que les entreprises possèdent une puissance de marché quileur permet de fixer leurs prix à des niveaux qui ne sont pasconcurrentiels. C'est lorsque les pressions concurrentielles ne sont passuffisantes pour maintenir les prix de la production à des niveauxconcurrentiels que des entreprises possèdent une puissance de marché ausens de l'article 81, paragraphe 1.

59. Les catégories de gains d'efficacité énoncées à l'article 81,paragraphe 3, sont assez larges pour couvrir tous les gains d'efficacitééconomiques objectifs. Étant donné qu'il existe un chevauchementconsidérable entre les différentes catégories mentionnées à l'article 81,paragraphe 3, et qu'un même accord peut générer plusieurs types degains d'efficacité, il n'est pas indiqué d'établir des distinctions claires etnettes entre ces catégories. Aux fins des présentes lignes directrices, unedistinction est établie entre les gains d'efficacité réalisés sur les coûts etles gains d'efficacité de nature qualitative, qui créent de la valeur sousforme de produits nouveaux ou meilleurs, d'une plus grande variété deproduits, etc.

60. En général, les gains d'efficacité sont le fruit d'une intégrationd'activités économiques par laquelle des entreprises conjuguent leursactifs afin de réaliser ce qu'elles ne pourraient réaliser aussiefficacement chacune de son côté ou par laquelle elles confient à uneautre entreprisedes tâches pour lesquelles celle-ci est plus performante.

61. Le processus qui va de la recherche et développement à la distributionen passant par la production peut être assimilé à une chaîne de valeurpouvant être divisée en plusieurs étapes: à chaque étape de cette chaîne,l'entreprise doit choisir entre exécuter l'activité elle-même, l'exécuter

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conjointement avec une ou plusieurs autres entreprises ou la confierintégralement à une ou plusieurs autres entreprises.

62. Normalement, chaque fois que le choix opéré implique unecoopération sur le marché avec une autre entreprise, un accord au sensde l'article 81, paragraphe 1, doit être conclu. Il peut s'agir d'un accordvertical, comme c'est le cas lorsque les parties opèrent à des niveauxdifférents de la chaîne de valeur, ou horizontal, lorsque les partiesopèrent au même niveau de la chaîne. Ces deux catégories d'accordspeuvent générer des gains d'efficacité en permettant aux entreprises encause d'exécuter une tâche donnée à moindre coût ou avec plus de valeurajoutée pour le consommateur. Ces accords peuvent aussi contenir ouinduire des restrictions de concurrence, auquel cas la règle d'interdictionde l'article 81, paragraphe 1, et la règle d'exemption prévue à l'article81, paragraphe 3, peuvent jouer."

7.3 LES ACCORDS VERTICAUX

7.3.1. Remarques introductives

356 Si la notion d’entente horizontale (sur les prix ou sur les quantités) est lapremière qui vient à l’esprit lorsqu’on évoque une entrave à la concurrence,la réalité de la vie économique a rapidement obligé les autoritésd’application du droit de la concurrence à prendre en compte les effets desaccords verticaux.

357 Ce fut d’abord le cas en droit américain, puis en droit européen. En droitsuisse, on ne se préoccupait d’abord des effets des accords verticaux que sil’une des parties au contrat occupait une position dominante sur l’un deséchelons du marché. Depuis 2004, l’art. 5 al. 4 LCart. contient unedisposition spécifique sur les accords verticaux :

« Sont également présumés entraîner la suppression d’une concurrenceefficace les accords passés entre des entreprises occupant différentséchelons du marché, qui imposent un prix de vente minimum ou un prix devente fixe ainsi que les contrats de distribution attribuant des territoires,lorsque les ventes par d’autres fournisseurs agréés sont exclus. »

358 Cette modification législative en Suisse a été influencée par la pratiqueeuropéenne ; c’est pourquoi, cette problématique des accords verticaux esttraitée ici en un même paragraphe pour les deux systèmes juridiques.

7.3.2. Textes légaux et textes explicatifs

A. Droit européen

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359 Les autorités d’application du droit de la concurrence, aussi bien àBruxelles qu’à Berne, ont adopté des textes dont le but est de faciliterl’application des principes juridiques dans le cas des accords verticaux :

- Règlement CE n° 2790-1999 du 22 décembre 1999 concernantl’application de l’art. 81 par. 3 du traité à des catégories d’accordsverticaux et de pratiques concertées.

Pour rappel, un règlement a valeur législative et contient des règlesd’application directe, ce qui signifie que les autorités des Etats membresdoivent les appliquer même si elles n’ont pas été reprises formellementen droit national.

- Communication de la Commission des CE n° 2000 - C 291 – 01Lignes directives sur les restrictions verticales : il s’agit là d’undocument par lequel la Commission explique de quelle manière elleapplique le règlement sur les accords verticaux.

360 La Commission européenne a également adopté des règles spécifiques surun secteur particulier, celui de la vente des véhicules automobiles :

- Règlement (CE) 1° 1400 – 2002 du 31 juillet 2002 concernantl’application de l’art. 81, par. 3, du traité à des catégories d’accordsverticaux et des pratiques concertées dans le secteur automobile.

- La Direction générale de la concurrence à Bruxelles, a publié une« Brochure explicative en matière de distribution et service après-ventedes véhicules automobiles dans l’Union européenne ».

B. Droit suisse

361 De son côté, la Comco a publié :

- une Communication concernant l’appréciation des accords verticaux,dont la dernière version date du 2 juillet 2007 ;

- une Communication sur les accords verticaux dans le domaine de ladistribution automobile du 21 octobre 2002.

7.3.3 Principes applicables en droit suisse

362 Les accords verticaux peuvent améliorer l’efficience économique au seind’une chaîne de production ou de distribution, entraîner une diminution descoûts de transaction et de distribution et favoriser un niveau optimal desinvestissements et des ventes.

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363 Selon le pouvoir des entreprises sur le marché des entreprises concernées,ces accords peuvent aussi engendrer des restrictions ayant des effetsanticoncurrentiels graves.

A. Prix

364 La suppression de la concurrence efficace est présumée en cas d’impositionde prix de revente minimaux ou fixes.

365 En cas de recommandation de prix, celle-ci est également présumée illicitesi elle indique un prix minimal ou fixe. Dans les autres cas, la Commissionexamine si :

- la recommandation est effectivement suivie ;- le niveau de prix est significativement plus élevé que dans les pays

voisins ;- la recommandation est accompagnée de mesures contraignantes.

B. Affectation notable de la concurrence

366 Les accords verticaux affectent la concurrence de manière notable lorsque :

- ils empêchent le fournisseur de livrer des composants ou des pièces derechange à des tiers ;

- ils contiennent une obligation de non-concurrence d’une duréeindéterminée ou qui dépasse 5 ans ;

- ils contiennent une obligation de non-concurrence de plus d’une annéeaprès l’expiration de l’accord vertical ;

- ils restreignent le multi-marquisme dans un système de distributionsélective.

367 Toutefois, ces règles ne s’appliquent pas si les parties à l’accord n’occupentpas une place significative sur le marché :

- pas de restriction si aucune des entreprises parties à l’accord ne détientune part de marché supérieure à 15 % sur le marché concerné ; cettelimite est ramenée à 5 % en cas d’effet cumulatif de plusieurs réseauxd’accords verticaux produisant des effets similaires, sauf si la partcumulée de ces réseaux parallèles est inférieure à 30 %.

C. Distribution sélective

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368 Dans un système de distribution sélective, le fournisseur s’engage à vendreles biens ou les services contractuels uniquement à des revendeurssélectionnés sur la base de critères prédéfinis et ces revendeurs s’engagentà ne pas vendre ces biens ou ces services à des revendeurs non agréés.

369 La sélection des revendeurs se fait exclusivement sur la base de critèresqualificatifs, objectifs et requis par la nature du produit (formation dupersonnel, service fourni, assortiment des produits).

7.3.4 Principes applicables en droit européen

370 Les principes décrits au § 7.3.3, et relatifs au droit suisse, trouvent leurorigine dans les règles européennes. Ces principes sont donc en généralaussi applicables sur le marché européen.

371 L’illustration en est faite ici d’une autre manière, en présentant quelquesaspects du Règlement (N° 1400/2002) de la Commission sur les catégoriesd’accords verticaux et de pratiques concertées dans le secteur automobile.

A. Prix

372 L’exemption de l’application de l’art. 81 al. 3 TCE ne peut être reconnueaux accords verticaux qui ont pour objet la restriction de la capacité dudistributeur ou du réparateur de déterminer son prix de vente. La possibilitésubsiste pour le fournisseur d’imposer un prix de vente maximal ou derecommander un prix de vente, à condition que ces derniers n’équivalentpas à un prix de vente fixe ou minimal sous l’effet de pressions exercéespar l’une des parties ou de mesures d’incitation prises par elle.

B. Plafonds

373 L’exemption s’applique, les autres conditions étant satisfaites, à conditionque la part de marché détenue par le fournisseur ne dépasse pas 30 % dumarché en cause sur lequel il vend les véhicules automobiles neufs.

374 Les parts de marché sont calculées pour la distribution de véhiculesautomobiles neufs sur la base du volume des biens contractuels et bienscorrespondants vendus par le fournisseur, ainsi que tout autre type de biensvendus par le fournisseur et que l’acheteur considère comme interchan-geables ou substituables en raison de leurs caractéristiques, de leur prix etde l’usage auquel ils sont destinés (art. 8 ch. 1 Règl.).

C. Distribution sélective

375 Au sujet de ce mode de distribution, le Règlement donne d’abord desdéfinitions :

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- système de distribution sélective : un système de distribution dans lequelle fournisseur s’engage à ne vendre les biens ou les servicescontractuels, directement ou indirectement, qu’à des distributeurs ou desréparateurs sélectionnés sur la base de critères définis, et dans lequel cesdistributeurs ou réparateurs s’engagent à ne pas vendre ces biens ou cesservices à des distributeurs non agréés ou à des réparateursindépendants, sans préjudice de la faculté de vendre des pièces derechange à des réparateurs indépendants ou de l’obligation de fourniraux opérateurs indépendants l’ensemble des informations techniques,des systèmes de diagnostic, des outils et de la formation nécessairespour la réparation et l’entretien des véhicules automobiles ou pour lamise en œuvre des mesures de protection de l’environnement ;

- système de distribution sélective quantitative : un système dedistribution sélective dans lequel le fournisseur applique, poursélectionner les distributeurs et les réparateurs, des critères qui limitentdirectement le nombre de ceux-ci ;

- système de distribution qualitative : un système de distribution sélectivedans lequel le fournisseur applique, pour sélectionner les distributeursou les réparateurs, des critères purement qualitatifs, requis par la naturedes biens ou des services contractuels, établis uniformément pour tousles distributeurs ou réparateurs souhaitant adhérer au système de distri-bution, et appliqués d’une manière non discriminatoire et ne limitant pasdirectement le nombre de distributeurs ou de réparateurs.

* * * * *

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§ 8 LES POSITIONS DOMINANTES

Textes législatifs : art. 7 LCart ; art. 82 TCE.

Bibliographie : Commentaire Romand Concurrence, Evelyne CLERC, art. 7LCart ; C. L. DE LEYSSAC / G. PARLEANI, Droit du marché, p. 877 ss.

8.1 LA PROBLEMATIQUE

376 Avant d’aborder les notions de position dominante et d’abus de cetteposition, trois remarques s’imposent aussi bien en droit suisse qu’en droiteuropéen :

- Les deux systèmes juridiques reconnaissent que toute entreprise, de parson existence, exerce une certaine influence sur le marché ; toutefois, laconstatation de ce fait ne signifie pas encore que les autorités de laconcurrence doivent s’y intéresser. Ce n’est que lorsqu’une entreprisedispose d’une influence qualifiée sur le marché et que l’on peut direque cette entreprise occupe une position de puissance sur le marchéque le droit de la concurrence va s’y intéresser (cf. 8.3 ci-dessous).

- A première vue, la position dominante est le fait d’une entreprise,puisque si plusieurs entreprises se concertent pour influencer le marché,on sera en présence d’une entente (§ 7).

De plus, lorsque plusieurs entreprises agissent de manière concertée,cette concertation est aussi qualifiée d'entente. Mais, la théorieéconomique a expliqué que la position dominante peut découler del’existence d’un oligopole, sans qu’il existe une concertation entre lesentreprises occupant collectivement une position dominante (cf. E.CLERC, Art. 4 LCart. n° 47 ss et 146 ss).

La position dominante collective sera constatée lorsque sur un mêmemarché, en raison de facteurs de corrélations économiques (résultant deliens structurels ou de la structure oligopolitique du marché) des effetsde coordination sur le marché sont constatés (comportement uniformeou même ligne d'action sur le marché).

- Alors que les deux premières remarques se réfèrent à une puissancehorizontale, une situation de domination peut aussi exister dans desrelations verticales, du côté des acheteurs (puissance d’achat), et

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engendrer des situations de dépendance de certaines entreprises(fournisseurs, sous-traitants).

8.2 LES POSITIONS DOMINANTES

377 La position dominante ne peut être constatée sans que l’on ait déterminél’objet de la domination : le marché (marché en cause, « relevantmarket »). Celui-ci doit être délimité :

- quant à l'objet- quant au lieu- quant au temps

8.2.1. Délimitation quant à l’objet

378 Selon l'art. 11 al. 1 Ordonnance sur le contrôle des concentrations, reprisdu ch. 7 de la Communication de la Commission européenne sur ladéfinition du marché en cause (97/C 372/03) :

«Le marché de produits comprend tous les produits ou services que lespartenaires potentiels de l’échange considèrent comme substituables enraison de leurs caractéristiques ou de l’usage auquel ils sont destinés. »

379 Dans sa Communication (ch. 22), la Commission européenne donne unexemple de l’analyse de la substituabilité du côté de l’offre dans le secteurdu papier :

«On trouve généralement sur le marché toute une gamme de qualités depapier, depuis le papier d’impression standard jusqu’au papier de qualitésupérieure utilisé, entre autres, pour les livres d’art. Du point de vue de lademande, on n’utilise pas indifféremment ces différentes qualités depapier ; on n’imprime pas un livre d’art, par exemple, ou un ouvrage deluxe en utilisant un papier de qualité médiocre. Les papeteries peuventpourtant fabriquer différentes qualités de papier et la production peut êtreadaptée à court terme et moyennant de très faibles coûts d’adaptation. Enl’absence de difficultés particulières au stade de la distribution, lesentreprises papetières peuvent donc se faire concurrence pour lescommandes de diverses qualités de papier, notamment si ces commandessont passées suffisamment à l’avance pour permettre de modifier les plansde production. Dans ces circonstances, la Commission ne définirait pas unmarché distinct pour chaque qualité de papier et chacun de ses usages. Lesdiverses qualités sont regroupées dans un même marché en cause et leursventes sont cumulées afin d’évaluer l’importance du marché total, envaleur et en volume. »

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La Commission adopte une approche souple en se fondant sur des élémentsempiriques et en exploitant toutes les informations dont elle dispose (ch. 25de la Communication).

8.2.2 Délimitation quant au lieu

380 La commission définit ainsi le marché géographique :

"Le marché géographique en cause comprend le territoire sur lequel lesentreprises concernées sont engagées dans l'offre des biens et des servicesen cause, sur lequel les conditions de concurrence sont suffisammenthomogènes et qui peut être distingué de zones géographiques voisinesparce que, en particulier, les conditions de concurrence y diffèrent demanière appréciable."

381 Les catégories de données suivantes sont jugées utiles par la Commissionpour définir le marché géographique :

- preuves que, dans le passé, il y a déplacement de commandes versd'autres zones;

- caractéristiques fondamentales de la demande (préférence nationale,langue, culture, nécessité d'une présence sur place)

- opinions des clients et des concurrents (interrogés par la Commission !)

- examen des habitudes d'achat des clients

- entraves et coûts liés à la réorientation des commandes des entreprisessituées dans d'autres zones géographiques.

382 Du point de vue géographique, selon la formule de l’art. 82 TCE, laposition dominante peut exister sur le « marché commun ou dans unepartie substantielle de celui-ci ». A diverses reprises, les autoritéscommunautaires ont considéré que le territoire d’un seul Etat membre(Allemagne, Royaume-Uni, mais aussi Belgique ou Hollande) pouvaitconstituer le marché géographique.

8.2.3 Délimitation quant au temps

383 Pour certains types de produits, le facteur temps doit être pris en considéra-tion :

- les vols transatlantiques entre l'Europe et les Etats-Unis sont plus chersen été lorsque la demande est forte et moins chers à d'autres moments;

- la publicité télévisée coûte plus chère à certaines heures ("prime-time").

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384 La Comco s’appuie quant à elle sur les définitions données dansl’Ordonnance sur le contrôle des concentrations (art. 11 al. 3 let. a et b).

385 Une position dominante peut être détenue par toute entreprise quelle qu'ensoit la forme juridique. Un "joint-venture" (société simple, qui n'a pas lapersonnalité juridique) peut détenir une position dominante.

386 Le Traité ne donnant pas de définition de la notion de position dominante,celle-ci a été élaborée par la Commission et la Cour de Justice.

387 Lorsque le marché a été délimité, l’existence de la position dominante estétablie par les autorités de la concurrence à l’aide des critères de :

388 - structure (répartition des parts de marché, conditions d’accès aumarché) : après avoir défini le marché en cause, quant au produit et auterritoire, la Commission détermine la taille totale du marché et les partsdétenues sur le territoire en cause. Elle le fait en consultant les sourcesdisponibles (estimations des entreprises, publication des associationsprofessionnelles) ou en demandant à chaque fournisseur sur le marchéen cause de lui communiquer son chiffre d’affaires ;

389 - comportement (quant à la fixation des prix, aux rapports avec lesfournisseurs) ; l’entreprise a le pouvoir de faire obstacle au maintiend’une concurrence effective ; autrement dit, l’entreprise (ou lesentreprises) concernée(s) dispose(nt) d’une autonomie de stratégie sur lemarché.

390 - résultat (marge bénéficiaire) : l’entreprise obtient des margessupérieures à la moyenne.

8.3 L’ABUS DE LA POSITION DOMINANTE

8.3.1 Généralités

391 La concurrence est une lutte pour des parts de marchés. Les effortsentrepris pour acquérir, conserver ou augmenter ces parts de marchés sontdonc propres au système. Les entreprises peuvent donc accéder à uneposition dominante grâce à leur succès économique et leur croissanceinterne (la croissance externe – par acquisition d’autres entreprises – faitl’objet du contrôle des concentrations cf § 10). La constatation del’existence d’une position dominante n’implique pas un reproche à l’égardde cette entreprise. Cependant, lorsque cette position est acquise,l’entreprise en position dominante doit assumer une responsabilitéparticulière, celle de ne pas – par son comportement – porter atteinte à uneconcurrence effective.

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392 Le même comportement d’une entreprise dominant le marché pourra, selonles circonstances, être considéré comme un comportement concurrentielfavorable ou comme une pratique abusive. Les circonstances particulièresde chaque cas d’espèce seront donc déterminantes.

8.3.2 Conditions de l’abus

393 L’art. 7 al. 1 LCart. constitue une clause générale (illustrée par lesexemples de l’al. 2) :

« Les pratiques d’entreprises ayant une position dominante sont réputéesillicites lorsque celles-ci abusent de leur position et entravent ainsi l’accèsd’autres entreprises à la concurrence ou son exercice, ou désavantagentles partenaires commerciaux. »

394 Selon cette disposition, la première condition d’un abus de positiondominante consiste soit en une entrave à l’accès à la concurrence ou à sonexercice, soit dans l’exploitation de la position dominante au détriment despartenaires commerciaux.

395 Une seconde condition doit être remplie même si elle n’est que sous-entendue par l’art. 7 al. 1 LCart. : le comportement n’est pas justifié par desconsidérations commerciales légitimes (legitimate business reasons).Cette possibilité d’une justification objective existait déjà dans lalégislation antérieure et a toujours été reconnue aussi bien par la Comco(DPC 1997, p. 490) et par les tribunaux. Cette condition négative del’absence de « legitimate business reasons » est également appliquée, endroit européen, dans l’interprétation de l’art. 82 TCE.

396 L’entrave est donnée lorsque la position dominante a pour effet ou estutilisée pour limiter l’accès de tiers à la concurrence et limiter l’exercice dela concurrence.

397 L’exploitation est constatée lorsque l’entreprise tire partie de sa rente deposition dominante sur le marché pour maximiser ses profits.L’exploitation de la position dominante est réalisée même si l’entreprise enposition dominante ne cherche pas à entraver des concurrents déterminés.

398 Il n’est pas possible de donner une définition des considérationscommerciales légitimes d’une part parce qu’elles doivent toujours êtreappréciées en fonction des circonstances du cas d’espèce et, d’autre part,parce que la plupart des pratiques des entreprises sont ambivalentes.

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399 L’abus de position dominante est une notion juridique, mais une notionjuridique indéterminée qui nécessite une analyse économique de chaquecas d’espèce.

400 L’abus de position dominante est une notion objective. Le comportementd’une entreprise en position dominante peut être jugé illicite en raison deses effets, en l’absence de toute faute.

401 Une intention de l’entreprise en cause de vouloir dominer le marché enexploitant sa situation ou en écartant ses concurrents permettra bien sûr deconclure à un comportement abusif. La preuve de cette intention ne serapas facile à apporter car les autorités disposent rarement d’écrits permettantd’établir cette intention. Mais celle-ci peut aussi résulter d’indices. Despratiques s’apparentant à des mesures « disciplinaires » (boycott,interruption des relations contractuelles, conditions commercialesdiscriminatoires) dénotent une intention de domination.

402 L’Association suisse pour l’insémination artificielle avait le monopoled’approvisionnement aux vétérinaires. Le monopole fut aboli. L’association a proposé aux vétérinaires des contrats d’approvisionnementexclusif avec des clauses de réduction des prestations et de conditionsfinancières désavantageuses si le vétérinaire se fournit aussi ailleurs (DPC1999, p. 75 ss.).

403 En l’absence d’une preuve de l’intention, la qualification d’abus résulterade l’analyse des effets du comportement de l’entreprise en positiondominante. L’alinéa 2 de l’art. 7 LCart donne une liste exemplative de cescomportements.

8.4 EXEMPLES DE COMPORTEMENTS ABUSIFS

8.4.1 Le refus d’entretenir des relations commerciales

404 Cette pratique est visée aussi bien par le droit suisse (art. 7 al. 2 let. aLCart) que par le droit européen (selon la jurisprudence de la CJCE enapplication de l’art. 82 TCE, cf. arrêt United Brands c/ Commission 22/76,Rec. 1978, p. 207, ch. 163-203).

405 Le principe vise aussi bien le refus d’établir des relations commercialesavec des partenaires commerciaux potentiels, sans raison objective, que larupture des relations commerciales existantes sans respecter une périodetransitoire appropriée.

406 Le refus d’entretenir des relations commerciales constitue un cas d’entraveà l’encontre des concurrents. Les partenaires commerciaux peuvent être

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soit des fournisseurs, soit des clients de l’entreprise dominante dans lamesure où ils sont des concurrents de celle-ci (Refus de livrer les sons etimages des courses françaises de chevaux par une société française aubookmaker belge Ladbroke ; la société française titulaire des droits sur lesimages était absente du marché belge des paris et n’avait pas non plusoctroyé une licence sur ce marché ; le refus ne fut pas considéré commeillicite en raison de l’absence de restriction de concurrence sur le marchébelge).

407 Le fait d’empêcher une entreprise (dominante) de mettre un terme à sesrelations commerciales avec un partenaire commercial ou de l’obliger àentamer des relations avec ce partenaire constitue une atteinte forte à laliberté de contracter de l’entreprise concernée. Une telle décision ne peutintervenir qu’aux conditions suivantes

A. Il n’existe pas de substitut réel ou potentiel

408 Il n’y a pas de source alternative.

(Swisscom décide de ne plus louer de lignes en cuivre dans la boucle localeà des prestataires concurrents, mais de leur offrir un autre service : lacapacité de transmission. La Comco a considéré qu’il ne s’agissait pasd’une entrave ; DPC 1999, p. 375, ch. 58-63).

B. Le produit/service/infrastructure est indispensable

409 Dans l’affaire Ladbroke, la transmission télévisée des courses a étéconsidérée comme un service complémentaire mais non indispensable.

C. Suppression de la concurrence

410 Le refus a pour effet d’éliminer toute concurrence de la part de l’entreprisequi requiert la relation commerciale.

(SWIFT, coopérative détenue par 2000 banques, refuse d’offrir les servicesde transmissions de données à la Poste – en France. Accord amiable).

D. Absence de justification objective

411 Le refus (ou la rupture des relations) est arbitraire. Le refus peut êtrejustifié lorsque les prestations économiques du cocontractant deviennentinsuffisantes ou sa solvabilité douteuse.

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412 Mais la préservation ou l’augmentation de parts de marchés, ou encorel’expansion sur un marché voisin, peuvent être admis comme justifications.

8.4.2 Discrimination de partenaires commerciaux

413 L’entreprise dominante pratique des prix ou autres conditionscommerciales qui, sans raisons objectives, défavorisent certains partenairescommerciaux par rapport à d’autres.

414 La discrimination n’a pas besoin d’atteindre un degré tel que ces conditionssoient inéquitables (cf. art. 7 al. 2 let. c LCart) pour être considérée commeune entrave illicite.

415 Des conditions commerciales exceptionnellement favorables résultant desubventions croisées peuvent être discriminatoires (let. b), prédatoires (let.d) ou inéquitables (let. c)

(Télécom PTT – nom de l’entité qui a repris l’activité téléphone à PTT etqui a précédé Swisscom – a discriminé les exploitants privés d’accès ou deservices Internet en réservant exclusivement le numéro O-842 à son service« Blue Window » ; de plus, Blue Window a bénéficié de subventionscroisées).

416 En droit européen, une différence de prix devient significative etinjustifiable, donc illicite, à un faible niveau lorsque la discriminationrésulte d’une politique claire de cloisonnement des marchés.

(Abus de position dominante par United Brands qui vendait ses bananes àdes prix différents selon le pays du distributeur dans l’UE – avecinterdiction de revente – alors que toutes les autres conditions étaientsemblables).

417 Quid des rabais de fidélité accordés aux clients qui s’engagent à nes’approvisionner qu’auprès du vendeur pour un certain pourcentage deleurs besoins ?

8.4.3 Conditions commerciales inéquitables

418 Ces conditions constituent une pratique d’exploitation de la part del’entreprise dominante qui extrait ainsi une rente de la position qu’elledétient sur le marché. L’entreprise dominante ne cherche pas à écarter ouéliminer la concurrence, mais plutôt à exploiter l’absence de concurrence.

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419 Cette pratique est visée par l’art. 7 al. 2 let. c LCart et par l’art. 82 TCEexpressément.

420 Le caractère inéquitable peut résulter du prix ou des autres conditions ducontrat. Le caractère inéquitable peut être établi :

- soit par la méthode relative par comparaison avec les conditions quirésulteraient d’une concurrence efficace sur le marché (« als – obWettbewerb ») ou les conditions pratiquées sur un autre marchégéographique ;

- soit par la méthode absolue : les conditions commerciales proposéessont inéquitables parce que dans un rapport déraisonnable avec la valeuréconomique de la prestation de l’entreprise dominante.

8.4.4 Pratiques prédatoires

421 La pratique classique est la sous-enchère en matière de prix ou deconditions dirigée contre un concurrent déterminé. Cette pratique est viséepar l’art. 7 al. 2 let. d LCart et par l’art. 82 TCE. Une telle pratique permeten effet à l’entreprise dominante, moyennant un sacrifice temporaire,d’écarter un concurrent ou de décourager l’arrivée d’un concurrent sur lemarché pour ensuite mieux profiter de la situation. La concurrence sur lesprix est l’essence même du marché. La distinction entre l’attitude souhaitéepour le bon fonctionnement du marché et l’attitude répréhensible parcequ’abusive n’est souvent pas facile.

422 La pratique prédatoire est ciblée : elle vise un ou des concurrentsdéterminés que l’entreprise dominante cherche à faire « rentrer dans lerang » ou à écarter du marché.

423 L’application des art. 7 LCart et 82 TCE à ces pratiques pose la délicatequestion de l’analyse des coûts : à partir de quel niveau de prix la pratiquepeut-elle être qualifiée de prédatoire ? Les autorités d’application de cesdispositions qualifient de prédatoires des prix inférieurs à la moyenne descoûts variables, puisque chaque vente entraîne alors une perte.

8.4.5 Limitation de la production, des débouchés ou du développementtechnologique

424 Il s’agit de pratiques d’entraves visées par l’art. 7 al. 2 let. e LCart et l’art.82 TCE, le premier étant la reprise du second. Le fait que la précision (« aupréjudice des consommateurs ») de l’art. 82 TCE ne soit pas repriseexpressément en droit suisse ne joue pas de rôle. Ces types d’entraves, quicréent une pénurie artificielle, ont en effet toujours un effet indirect pour leconsommateur.

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8.4.6 Affaires liées

425 Les affaires liées (« Koppelungsverträge », « tying ») visent lasubordination de la conclusion de contrats à l’acceptation ou à la fourniturede prestations supplémentaires.

426 Cette pratique est visée par l’art. 7 al. 2 let. f LCart et l’art. 82 TCE. Ellepeut être qualifiée à la fois d’entrave et d’exploitation. L’entrepriseconcernée utilise sa position dominante sur un marché comme levier pourétendre sa puissance sur le marché du produit « lié ».

427 La question délicate est de savoir si le produit supplémentaire est unproduit distinct dont l’achat est imposé sans que cela soit nécessaire ou sic’est un produit complémentaire du premier dont l’acquisition estobjectivement et nécessairement liée à l’acquisition du premier.

428 (Vente des clous Hilti : justification rejetée puisqu’il existait desfournisseurs indépendants de clous).

* * * * *

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§ 9 LE CONTROLE DES CONCENTRATIONS D’ENTREPRISES

Textes législatifs : art. 9 à 11 et 32 à 38 LCart. ; Ordonnance sur le contrôle desconcentrations d’entreprises du 17.6.1996. Règlement n° 139/2004 du Conseilrelatif au contrôle des concentrations entre entreprises.

Bibliographie : Commentaire romand sur le droit de la concurrence, S. VENTURI,art. 9 à 11; C. BOVET, art. 32 à 38 ; Th. GEISER / P. KRAUSKOPF / P. MÜNCH,Wettbewerbsrecht, Bâle 2005, p. 369 - 413. C. L. DE LEYSSAC / G. PARLEANI,Droit du marché, Paris 2002, p. 703 - 741.

9.1. NOTION

429 Alors que le Traité de Rome instituant le Marché Commun date de 1957,ce n’est qu’en 1989 que le Conseil a adopté le premier Règlement (n°4064/1989) sur le contrôle des opérations de concentrations entreentreprises. Ce Règlement a été remplacé en 2004 par le Règlement duConseil n° 139/2004.

430 En Suisse, ce n’est qu’en 1995 que des dispositions légales relatives auxconcentrations d’entreprises ont été introduites dans la loi (art. 9 à 11 et 32à 38 LCart). Ces règles ont été complétées par l’Ordonnance du Conseilfédéral du 17 juin 1996. Le régime légal suisse s’inspire très largement desrègles du droit européen.

431 Il y a opération de concentration en cas de fusion de deux ou plusieursentreprises. Mais le contrôle de la concentration ne s’exerce pas seulementen présence d’une fusion formelle de deux entreprises. Il s’exerce à touteopération d’acquisition du contrôle quelle qu’en soit la forme. Le contrôleest réputé acquis lorsque, par la prise de participations au capital ou partout autre moyen, une entreprise est en mesure d’exercer une influencedéterminante sur l’activité de l’entreprise visée (art. 1 OCCE ; art. 3 Règl.n° 139/2004).

432 L’influence déterminante peut être obtenue par :

- des droits de propriété ou de jouissance sur des biens de l’entreprise ;

- des droits ou des contrats permettant d’influencer la composition, lesdélibérations ou les décisions des organes de l’entreprise.

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433 Le droit communautaire présente deux particularités :

434 1) Le Règlement européen ne s’applique qu’aux opérations deconcentration de dimension communautaire (art. 1er ch. 1 Règl.).

435 2) La Commission peut renvoyer l’examen de la concentration à un Etatmembre :

- si la concentration menace d’affecter de manière significative laconcurrence dans un marché intérieur de cet Etat membre quiprésente toutes les caractéristiques d’un marché distinct ;

- ou si la concentration affecte la concurrence dans un marché àl’intérieur de cet Etat membre, qui présente toutes les caractéristiquesd’un marché distinct et qui ne constitue pas une partie substantielledu marché commun.

9.2 NOTIFICATION

9.2.1 Devoir d’annonce

436 Aussi bien en droit suisse qu’en droit européen, les opérations deconcentration d’entreprises doivent être notifiées aux autorités de laconcurrence avant leur réalisation (lorsque les valeurs seuils sont atteintes).

437 En cas d’inobservation de la notification, les règles suivantes s’appliquentselon le droit suisse :

- la procédure de contrôle des art. 32 ss LCart est appliquée d’office ;

- les entreprises participantes doivent s’abstenir de réaliser laconcentration ;

- les entreprises concernées s’exposent à une sanction de CHF 1'000'000.-ou plus (art. 51 al. 1 LCart) ; les sanctions en cas de non-respect d’unecharge sont réservées.

9.2.2 Contenu de la notification

438 L’objet du contrôle de concentration est de vérifier si l’opération envisagée« crée ou renforce une position dominante capable de supprimer uneconcurrence efficace » (art. 10 al. 2 LCart) ou si elle entrave de manièresignificative une concurrence efficace (art. 2 ch. 1 let. b Règl.).

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439 Afin de procéder à ce contrôle, la Commission doit pouvoir disposer detoutes les informations nécessaires sur l’opération visée. La liste desinformations à fournir est donnée par l’Ordonnance sur le contrôle desconcentrations d’entreprises (du 17.6.1996), à l’art. 11, soit en particulier :

- une description de l’opération de concentration et un exposé des faitset circonstances pertinents ainsi que des objectifs poursuivis parl’opération de concentration ;

- les données relatives aux marchés de produits et aux marchésgéographiques affectés par la concentration, sur lesquels la part demarché totale en Suisse de deux ou plusieurs entreprises participantesest de 20 % ou plus, ou sur lesquels la part de marché en Suisse de l’unedes entreprises participantes est de 30 % ; en outre une description deces marchés qui indiquera au moins la structure de la distribution et dela demande ainsi que l’importance de la recherche et dudéveloppement ;

- pour les marchés affectés selon la lettre d, les parts de marché desentreprises participantes pour les trois dernières années et, si elles sontconnues, celles de chacun des trois principaux concurrents, ainsi qu’unexposé des bases de calcul utilisées pour déterminer les parts demarché ;

- pour les marchés affectés selon la lettre d, des informations sur lesentreprises entrées sur le marché au cours des cinq dernières années etsur celles qui pourraient le faire dans les trois ans qui suivent ; lescoûts d’une entrée sur le marché seront, si possible, indiqués ;

- des copies des comptes et rapports annuels les plus récents desentreprises participantes ;

- des copies des contrats qui mettent en œuvre la concentration et deceux qui lui sont liés.

440 Afin d’aider les entreprises dans la préparation de la notification, l’UE et laComco ont élaboré chacune une formule de notification donnant toutes lesrubriques auxquelles une réponse doit être apportée.

9.2.3 Procédure

441 A l’exception du calcul des délais, les grandes étapes de la procédure sontsemblables en droit suisse et en droit européen.

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442 En pratique, les entreprises engagent des contacts informels avec lesautorités compétentes afin d’anticiper leurs réactions et de savoir si uneprocédure simplifiée est possible (procédure de pré-examen seulement).

443 Au cours de la procédure d’examen préalable, l’autorité examine s’ilexiste des indices que la concentration crée ou renforce une positiondominante (art. 10 LCart.).

444 A l’issue de cette procédure de pré-examen (phase 1, qui dure un moisselon l’art. 32 LCart., 25 jours ouvrables, voire 35 jours ouvrables selonl’art. 10 ch. 1 Règl. n° 139/2004), l’autorité communique aux entreprisesconcernées si elle entend soumettre l'opération à un examen proprementdit (phase 2). A défaut d’une telle décision, la concentration est admise. Ledélai prévu pour cette phase 1 ne commence toutefois à courir qu’à partirdu moment où la Commission a attesté avoir reçu un dossier de notificationcomplet. Il peut ainsi s’écouler plusieurs semaines entre le moment où laconcentration est annoncée et celui auquel l’autorité déclare que le dossierest complet.

445 Si, à la fin de la première phase, l’autorité constate qu’il existe des indicessuffisants pour justifier un examen proprement dit, elle ouvre cette secondephase de la procédure :

- Elle publie le contenu essentiel de la notification de concentration etoffre aux tiers la possibilité de donner leur avis dans un certain délai(art. 33 LCart.).

- En principe, l’exécution de la concentration reste suspendue au coursde cette phase.

- L’autorité peut solliciter des informations complémentaires ; elle peutmême procéder à des inspections dans les locaux des entreprises etexaminer sa comptabilité (art. 13 Règl. n° 139/2004).

- L’autorité rend sa décision dans les quatre mois (art. 33 al. 3 LCart.) endroit suisse, dans les 90 jours ouvrables, voire 105 jours ouvrables, àcompter de la date d’ouverture de la procédure.

- L’autorité décide alors :-- soit d’interdire la concentration-- soit d’autoriser la concentration ou de ne l’autoriser que sous

certaines conditions ou moyennant certaines charges.

A défaut de décision dans les délais prévus, la concentration peut êtreréalisée.

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- La décision d’interdiction ou d’autorisation sous condition oumoyennant charge peut faire l’objet d’un recours (cf. § 12).

- En droit suisse, la procédure d’autorisation exceptionnelle est réservée(art. 11 LCart.).

9.3. APPRECIATION DE LA CONCENTRATION

9.3.1 Les principes

446 Afin d’apprécier l’effet de l’opération de concentration, il faut d’abordavoir délimité le marché :

- l’Ordonnance fédérale le fait à l’art. 11 al. 3 ;

- en droit européen, on commence aussi par se référer à laCommunication sur la définition du marché du 9.12.1997.

447 Il s’agit ensuite de déterminer si la concentration permet de créer ou derenforcer une position dominante. Mais alors que la position dominantede l’art. 82 TCE (art. 7 LCart.) était examinée sous l’angle ducomportement (de l’abus), le contrôle des concentrations s’intéresse auxeffets sur la structure du marché, y compris à son évolution (rôle de laconcurrence potentielle). Pour le même motif, il est tenu compte del’évolution probable du marché en l’absence de la concentration : il n’y apas de renforcement de la position dominante si l’entreprise rachetée étaiten difficulté et aurait disparu à défaut de la concentration (failing companydefence).

448 L’appréciation des autorités européennes et suisses diffère quant aux effetsconsidérés :

- en droit suisse, la concentration peut être interdite si la positiondominante est capable de supprimer une concurrence efficace (art. 10al. 2 let. a LCart.) ;

- en droit européen, la concentration doit être refusée lorsqu’elle entravede manière significative une concurrence efficace dans le marchécommun ou une partie substantielle de celui-ci (art. 2 ch. 1 let. b Règl.).

9.3.2 Facteurs pris en compte en droit suisse

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449 Le critère de la suppression de la concurrence efficace dénote la volonté dulégislateur de n’interdire les fusions que dans les cas de concentrationextrêmement élevée.

450 De plus, étant donné qu’il faut tenir compte de la concurrence potentielle(art. 10. al. 4 LCart.), on comprend aisément que pour peu qu’uneconcurrence étrangère existe ou puisse se concrétiser, la suppression de laconcurrence ne pourra être établie que si la concentration a lieu sur unmarché suisse isolé du marché international.

A. La part de marché

451 La part de marché à considérer est celle de l’entité qui résultera del’opération de concentration. Le calcul de cette part de marché résulte del’addition des parts de marché des entreprises participant à l’opération deconcentration.

452 Une première indication est donnée par l’art. 11 al. 1 let. d de l’Ordon-nance de contrôle des concentrations d’entreprises : celles-ci doiventdonner des indications détaillées si :

- la part de marché totale en Suisse des entreprises participant àl’opération est de 20 % ou plus ; ou

- si la part de marché en Suisse de l’une des entreprises concernéesdépasse 30 %.

453 Ces chiffres ne donnent qu’une présomption de non-nocivité. En règlegénérale, en dessous de ces seuils, il n’y aura pas de suppression de laconcurrence. Mais, il n’y a pas de présomption inverse. La concentrationn’est pas déjà présumée nuisible au dessus de ces seuils.

454 Les concentrations horizontales feront l’objet d’un examen attentif.

B. La concurrence actuelle et potentielle

455 C’est le critère décisif. Il s’agit d’abord de déterminer l’état de laconcurrence actuelle. Si cette concurrence est suffisante et n’est passusceptible d’être supprimée dans un avenir proche, la concentration doitêtre admise. L’intensité de la concurrence actuelle dépend :

- du nombre d’acteurs actifs sur le marché- des parts de marché détenues par ces différents acteurs.

456 La concurrence potentielle est le second facteur déterminant. Le législateura expressément exigé de la Comco que ce facteur soit pris en considération

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car ce qui compte, ce n’est pas la situation actuelle du marché mais sesperspectives de développement. Dans ce but, sont à considérer :

a) La vraisemblance de l’arrivée de nouveaux concurrents

Si le marché est caractérisé par des barrières à l’entrée élevées (investis-sements coûteux et irrécupérables à court terme – sunk costs ; barrièrestechnologiques, règlementaires ou géographiques), les chances denouvelles entrées sur le marché sont faibles.

b) La concurrence potentielle doit être suffisante

Les nouveaux concurrents doivent avoir la taille suffisante et lesressources nécessaires pour exercer une concurrence efficace de manièredurable.

c) La concurrence potentielle doit pouvoir s’exercer dans un avenir proche

L’Ordonnance donne à nouveau une indication à cet égard puisque,selon l’art. 11 al. 1 let. f, les entreprises concernées doivent fournir desinformations sur les entreprises qui pourraient entrer dans le marchédans les trois années à venir.

C. Les effets favorables sur un autre marché

457 Si les entreprises concernées par l’opération de concentration peuventmontrer que cette opération conduit à une amélioration des conditions deconcurrence sur un autre marché, la Comco devra examiner si ces effetspositifs permettent de justifier la suppression de la concurrence entraînéepar la concentration.

9.3.3 Facteurs pris en compte en droit européen

458 Les facteurs pris en compte en droit européen sont énoncés à l’art. 2 ch. 1let. b du Règl. :

459 La Commission tient compte « de la position sur le marché des entreprisesconcernées et de leur puissance économique et financière, des possibilitésde choix des fournisseurs et des utilisateurs, de leur accès aux sourcesd’approvisionnement ou aux débouchés, de l’existence en droit ou en faitde barrières à l’entrée, de l’évolution de l’offre et de la demande desproduits et services concernés, des intérêts des consommateursintermédiaires et finals ainsi que de l’évolution du progrès technique etéconomique pour autant que celle-ci soit à l’avantage des consommateurset ne constitue pas un obstacle à la concurrence. »

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9.4 DECISIONS DES AUTORITES

460 Les autorités de la concurrence peuvent accepter l’opération de concen-tration ou la rejeter. L’absence d’une décision dans les délais prévus pourl’examen préalable ou l’examen approfondi aura pour effet que l’opérationpourra être réalisée.

461 Les autorités peuvent aussi assortir leur approbation de conditions ou decharges :

- Les conditions (suspensives) devront être satisfaites avant quel’opération ne puisse être réalisée.

- Les charges doivent être satisfaites dans le délai imparti par l’autoritémais n’empêchent pas la réalisation de la concentration. Le non-respectdes charges expose l’entreprise à une sanction (art. 51 LCart.). Le droiteuropéen connaît à ce propos le régime des astreintes, c’est-à-dire d’uneamende journalière, par jour de retard, pouvant aller jusqu’à 5 % duchiffre d’affaires total journalier moyen de l’entreprise (art. 15 Règl.).

462 Les décisions des autorités d’application du droit peuvent faire l’objet derecours (cf. § 10).

* * * * *

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Chapitre 5

APPLICATION DU DROIT DE LA CONCURRENCE

Après avoir déterminé le champ d’application du droit de la concurrence et examiné lecontenu des règles relatives aux entraves à la concurrence, il est nécessaire, dans cedomaine particulier, de traiter des procédures d’application qui sont de deux sortes : dedroit administratif (§ 10) et de droit civil (§ 11).

§ 10 DROIT ADMINISTRATIF

Textes législatifs : art. 18 à 31 ; 39 à 53 LCart ; Règlement interne du 1er juillet1996 de la Commission de la concurrence (RS 251.1) : Règlement (CE) n° 1/2003du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en œuvre des règles deconcurrence prévues aux articles 81 et 82 TCE.

Bibliographie : Commentaire romand sur le droit de la concurrence, S. VENTURI,art. 9 à 11; C. BOVET, art. 32 à 38 ; Th. GEISER / P. KRAUSKOPF / P. MÜNCH,Wettbewerbsrecht, Bâle 2005, p. 369 - 413. C. L. DE LEYSSAC / G. PARLEANI,Droit du marché, Paris 2002, p. 703 - 741.

463 L’application du droit de la concurrence incombe d’abord aux autoritésadministratives, non seulement dans le cas du contrôle des concentrations, maiségalement dans le cas des ententes et des positions dominantes.

464 Dans ce domaine de l’application, il est nécessaire de traiter séparément le droitsuisse et le droit européen.

10.1 DROIT SUISSE

465 L’application de la législation sur les ententes est d’abord de la compétencede la Commission de la concurrence (Comco). Ainsi qu’expliqué ci-dessous, d’autres autorités (Tribunal administratif fédéral, Tribunal fédéral,Conseil fédéral) ont également un rôle à jouer.

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10.1.1 Les tâches de la Comco

466 Selon la loi sur les cartels, la Comco a les tâches suivantes :

- prendre des décisions lorsqu'elle constate une violation de la LCart. (art.30 LCart.);

- se prononce sur les concentrations d'entreprises (art. 32 LCart.);

- adresser aux autorités des recommandations (art. 45 al. 2 LCart.);

- donner des préavis (art. 46 al. 2LCart.);

- élaborer des avis (art. 47 al. 1 LCart.).

A. Enquêtes

467 Selon l’art. 45 LCart, la Comco observe de façon suivie la situation de laconcurrence en Suisse et procède à une enquête administrative soit au sujetd’une entreprise ou d’un groupe d’entreprises en particulier, soit au sujetd’une branche économique s’il existe des indices d’une restriction illicite àla concurrence (art. 27 LCart).

468 La procédure commence généralement par une enquête préalable (art. 26LCart) ouverte par le Secrétariat de la Comco.

469 Cette enquête préalable peut être ouverte par la Comco de son propre chef.Elle peut l'être aussi :

- à la suite d'une plainte ou d'une dénonciation d'un concurrent;

- à la suite d'une dénonciation par une partie à l'accord illicite.

470 A la fin de l'enquête préalable, le Secrétariat de la Comco peut :

- proposer de clore l'enquête préalable sans lui donner, s'il n'y a pas deviolation de la LCart.; le Secrétariat en informe la Comco;

- propose à l'entreprise ou aux entreprises concernées de passer un accordà l'amiable (qui doit être approuvé par la Comco (art. 29 LCart.);

- recommander à la Comco d'ouvrir une enquête.

471 Lorsqu'une enquête est ouverte, il s'agit de déterminer l’éventuelleexistence d’une restriction illicite à la concurrence. Lorsqu’une tellerestriction est constatée, la Comco prend une décision, (cf. no 497) sur leséventuelles mesures à prendre (art. 30 LCart).

B. Examen des concentrations d’entreprises

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472 La Comco se prononce sur les concentrations d’entreprises qui lui sontnotifiées (art. 32 LCart ; cf. § 9).

C. Autres tâches

473 La Comco a également pour tâche :

- d’adresser aux autorités des recommandations visant à promouvoir uneconcurrence efficace (art. 45 LCart) ; cela vaut pour l’ensemble desprescriptions de droit économiques. L’art. 8 LMI assigne à la Comco latâche de veiller à ce que les autorités fédérales, cantonales etcommunales respectent les principes énoncés par la LMI.

- donner des préavis sur les projets de lois et ordonnances de laConfédération en matière de droit économique (art. 46 LCart) ;

- donner des avis aux autorités sur des questions de principe touchant laconcurrence (art. 47 LCart).

10.1.2 Organisation

474 Pour accomplir les tâches prévues par la loi, ont été mis en place uneCommission de la concurrence (Comco) et un Secrétariat.

A. La commission

475 La Commission de la concurrence (Comco) est composée de onze àquinze membres qui n’exercent pas cette activité à plein-temps et quidoivent être en majorité des experts indépendants.

476 L’organisation et le mode de fonctionnement de la Comco sont fixés dansun Règlement interne (RS 251.1) approuvé par le Conseil fédéral.

477 Selon le Règlement interne, les décisions prises au nom de la Commissionpeuvent l’être par :

- la Commission elle-même, soit l’ensemble de ses membres ;

- l’une des trois Chambres instituée par le Règlement (cf. ci-dessous),chaque Chambre étant composée d’un Président et de 4 membres ;

- la Présidence, composée du Président de la Comco (qui présideégalement une Chambre) et des deux autres Présidents de Chambre (lePrésident actuel est le Prof. Walter Stoffel, Professeur à la Faculté dedroit de l'Université de Fribourg);

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- chacun des membres de la Présidence.

478 La Comco est divisée en trois Chambres composées chacune de quatremembres ; ces Chambres traitent des domaines économiques suivants :

- Chambre Industrie et Production pour les domaines suivants :construction, biens de consommation et d’investissement, industrie desmachines et métallurgie, chimie

- Chambre des Services : santé, banques, assurances, professionslibérales, artisans, sport

- Chambre des Infrastructures : communication, média, énergie,transports, tourisme, environnement, poste, agriculture.

479 Les membres de la Comco doivent indiquer dans un registre public lesliens qu’ils ont avec l’économie. Cette transparence est exigée afin que lesparties à la procédure puissent, le cas échéant, demander la récusation del’un des membres de la Chambre.

480 Les questions juridiques fondamentales, en particulier les changements dejurisprudence, sont soumis à la Comco dans son ensemble.

481 Le Surveillant des prix prend part aux séances de la Comco ou desChambres avec voix consultative.

482 Dans le cadre de son objectif d'évaluation de la LCart (cf. art. 59a LCart.), le Conseil fédéral asoumis diverses propositions dont le renforcement de la Comco. Cette réforme institutionnellea pour but de renforcer l'indépendance et le professionnalisme de la Comco et de clarifier larépartition des compétences entre les différents organes (secrétariat-Commission) : la prioritédu Conseil fédéral est de réduire le nombre de membres de la Comco, d'augmenter leur tauxd'occupation et de supprimer la distinction entre Comco et Secrétariat. A la suite de laconsultation organisée en automne 2009, un rapport du Département de l'économie est attenduau printemps 2010.

B. Le secrétariat

483 Le Secrétariat, dirigé par un Directeur, est composé d’une cinquantainede collaborateurs. Il instruit les affaires de la Comco, lui fait despropositions et exécute ses décisions.

484 Il mène les enquêtes préalables (art. 26 ss LCart) et informe la Chambrecompétente de leur clôture. S’il existe des indices d’une restriction illicite àla concurrence, le Secrétariat, d’entente avec un membre de la Présidencede la Comco, ouvre une enquête (art. 27 LCart).

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485 A l’issue de la procédure d’enquête, la Comco, sur proposition duSecrétariat, prend sa décision sur les mesures à prendre ou surl’approbation de l’accord amiable (art. 30 LCart).

10.1.3 Compétences et procédures

A. Décisions

486 A l’aboutissement de son enquête ou de l’examen de l’opération deconcentration, la Comco prend une décision. En droit administratif, unedécision (cf. art. 5 Loi fédérale sur la procédure administrative) est unemesure prise par une autorité, dans un cas d’espèce, fondée sur le droitpublic fédéral et ayant pour objet :

- de créer, de modifier ou d’annuler des droits ou des obligations ;

- de constater l’existence, l’inexistence ou l’étendue de droits oud’obligations ;

- de rejeter ou de déclarer irrecevables des demandes tendant à créer,modifier, annuler ou constater des droits ou obligations.

487 Sont aussi considérées comme décisions les mesures en matièred’exécution, les décisions incidentes, les décisions sur opposition, lesdécisions sur recours, les décisions prises en matière de révision etl’interprétation.

488 Le droit suisse de la concurrence n’a évolué que très progressivement à ce sujet. Jusqu’en1996, la Comco ne faisait qu’adopter des recommandations ; seul le Département del’Economie était habilité, le cas échéant, à prendre une décision au sens indiqué ci-dessus.Jusqu’en 2004, la Comco pouvait certes prendre des décisions mais celle-ci se contentait deconstater l’illicéité d’une pratique. Une sanction ne pouvait intervenir que si la décision n’étaitpas respectée. Depuis 2005, la Comco est en droit, lorsqu’elle constate la violation de la loid’infliger immédiatement une sanction.

489 La Comco dispose de tous les moyens nécessaires pour instruire uneaffaire :

- audition des parties et des témoins ;

- entraide administrative d’autres services de l’administration ;

- perquisition et saisie des pièces à conviction ; la Comco a publié uneNotice sur le déroulement des perquisitions qui traite du droit àl’assistance d’un avocat et de la protection de la correspondanceéchangée entre l’avocat et l’entreprise au sujet de l’affaire donnant lieu àla perquisition.

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490 Les décisions de la Commission ou du Secrétariat peuvent faire l’objetd’un recours au Tribunal administratif fédéral (art. 44 LCart). Un recoursen matière de droit public au Tribunal fédéral peut encore être interjetécontre les décisions du Tribunal administratif fédéral.

B. Sanctions

a) Le montant de la sanction

491 La sanction de la Comco est déterminée selon les principes énoncés àl’art. 49a LCart et explicités dans l’Ordonnance sur les sanctionsadoptée par le Conseil fédéral.

492 La sanction est calculée en fonction de la durée et de la gravité despratiques illicites, ainsi que du profit présumé résultant de ces pratiques(art. 2 Ordonnance sur les sanctions). La prise en compte de ces critèrespermet d’établir un montant de base.

493 Ce montant de base pourra :

- être majoré dans une proportion pouvant atteindre jusqu’à 50 % si lapratique anticoncurrentielle a duré de un à cinq ans ;

- être majoré de 10 % par année supplémentaire si la pratiqueanticoncurrentielle a duré plus de cinq ans.

494 Toutefois, le montant de la sanction ne pourra en aucun cas êtresupérieur à 10 % du chiffre d’affaires réalisé en Suisse par l’entrepriseau cours des trois derniers exercices (art. 49a LCart).

b) Circonstances aggravantes (art. 5 Ordonnance sur les sanctions) :

495 Le montant est majoré en cas de circonstances aggravantes telles que :

- la violation répétée de la LCart

- la réalisation d’un gain particulièrement élevé

- le refus de coopérer avec les autorités

- le rôle d’instigateur ou d’acteur principal de l’infraction

- l’usage de mesures de rétorsion dans le but de faire respecter l’accordillicite.

c) Circonstances atténuantes (art. 6 Ordonnance sur les sanctions)

496 Le montant de la sanction est réduit si l’entreprise cesse lecomportement illicite dès la première intervention de la Comco.

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497 Dans le cas de restriction à la concurrence selon l’art. 5 al. 3 et al. 4LCart, le montant est également réduit si l’entreprise a joué un rôleexclusivement passif ou n’a pas mis en œuvre les mesures de rétorsiondécidées pour imposer l’accord.

498 En vertu du principe de la proportionnalité, les autorités prennent encompte la situation financière de l’entreprise.

499 Une sanction pouvant aller jusqu’à 1 million de francs peut être imposéeà l’entreprise qui aura réalisé une concentration sans procéder à lanotification dont elle aurait dû faire l’objet ou n’aura pas observél’interdiction provisoire de réaliser la concentration (art. 51 LCart).

C. Programme de clémence

500 Dans la modification législative de 2004, le législateur suisse a introduit(art. 49 a LCart) ce que l’on appelle le « programme de clémence ». Etantdonné qu’il est souvent difficile d’apporter les preuves de l’accordcartellaire, les autorités encouragent un membre du cartel à en dénoncerl’existence et offre, à titre de récompense, la possibilité pour ledénonciateur d’échapper à toute sanction.

501 Le procédé est certes controversé et discutable. Il est cependant déjàappliqué depuis plusieurs années par les autorités de la concurrence del’UE.

502 Cette immunité ne peut toutefois être accordée qu’à des conditions trèsstrictes ; une entreprise ne peut être libérée de toute sanction que si :

- elle est la première à dénoncer le cartel (une seule entreprise peutbénéficier de l’immunité) ; c’est pourquoi, le Secrétariat accuseréception de l’auto-dénonciation en précisant la date et l’heure de sonenregistrement (art. 9 Ordonnance sur les sanctions).

- elle fournit des informations justifiant l’ouverture d’une enquête ausens de l’art. 27 LCart (et des informations que la Comco ne connaissaitpas déjà) ;

- ou fournit des preuves permettant d’établir une restriction de laconcurrence.

503 Le Secrétariat, d’entente avec un membre de la Présidence, communique àl’entreprise :

- si les conditions pour une renonciation à la sanction sont remplies ;

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- si des informations complémentaires doivent être transmises ;- dans quel délai le dénonciateur anonyme doit révéler son identité.

504 L’immunité peut être complète ou partielle. Elle ne peut être complète quesi :

- la société dénonciatrice n’était pas elle-même l’instigatrice ou l’actriceprincipale du cartel ou n’a pas forcé une autre entreprise à participer aucartel ;

- la société dénonciatrice remet spontanément (de son propre chef) toutesles informations et preuves dont elle dispose ;

- la société dénonciatrice coopère sans interruption, sans réserve et sansatermoiement avec l’autorité ;

- l’entreprise doit cesser ses activités illicites dès la dénonciation.

505 Une réduction de la sanction pourra aller jusqu’à 50 % en fonction de lacontribution à la réussite de la procédure.

506 La sanction pourra même être réduite jusqu’à 80 % lorsque l’entreprisefournit des informations ou soumet des preuves sur une autre infractionaux al. 3 ou 4 de l’art. 5 LCart.

D. Procédure d’opposition

507 Une autre possibilité offerte par la révision législative de 2004 afin d’offrirune certaine sécurité juridique est celle de l’annonce d’une restriction à laconcurrence avant que celle-ci ne produise ses effets. Si dans les 5 mois àcompter de l’annonce, la Comco n’a pas décidé l’ouverture d’une enquêteau sens de l’art. 26 LCart, l’entreprise peut mettre en œuvre lecomportement annoncé sans risque d’une sanction directe.

508 Il faut également rappeler qu’une entreprise peut demander uneconsultation au Secrétariat sur la licéité d’un comportement annoncé (art.23 al. 2 LCart).

E. Instances de recours

509 Les décisions de la Comco peuvent faire l’objet d’un recours dans les 30jours au Tribunal administratif fédéral.

510 Les arrêts du Tribunal administratif fédéral peuvent être attaqués devant leTribunal fédéral par un recours en matière de droit public.

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511 A tous les stades de la procédure, y compris dans les 30 jours suivantl’arrêt du Tribunal fédéral, une demande d’autorisation exceptionnelle peutêtre adressée au Conseil fédéral.

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10.2 DROIT EUROPEEN

10.2.1 Autorités d’application du droit européen de la concurrence

A. Autorités européennes

a) La Commission européenne

513 La Commission européenne est la principale autorité chargéed’appliquer le droit européen de la concurrence. A ce titre, laCommission européenne ne fait pas qu’adopter des décisions dans descas d’espèce. Elle adopte aussi des Règlements et des Communicationsafin de faciliter l’application du droit.

514 Au sein de la Commission, un Commissaire – actuellement Mme NeelieKROES – a la charge de la politique de la concurrence, charge qu’elleassume avec l’aide de la Direction générale de la concurrence (actueldirecteur-général Philip LOWE) et son staff.

b) Les instances de recours

515 Les décisions de la Commission européenne peuvent être l’objet d’unrecours au Tribunal de première instance (TPI) à Luxembourg, quipeut revoir les faits et le droit.

516 Les jugements du TPI peuvent être attaqués devant la Cour de Justicedes Communautés européennes (CJCE), à Luxembourg, qui ne revoitalors que l’application du droit.

B. Les autorités nationales

517 Jusqu’en 2003, les autorités européennes et les autorités nationalesd’application du droit de la concurrence travaillaient séparément dans leursdomaines respectifs de compétence.

518 Le Règlement n° 1/2003 du 16.12.2002 relatif à la mise en œuvre des art.81 et 82 du traité a complètement changé le système en instituant unrégime de compétences parallèles permettant à la Commission et aux

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autorités de concurrence des Etats membres d’appliquer l’art. 81 et l’art. 82du traité !

519 Ces autorités forment ensemble un réseau : réseau européen de laconcurrence (REC) (European Competition Network – ECN). Ellescollaborent désormais étroitement. Ce réseau devrait assurer une divisionefficace du travail et une application homogène des règles communautairesrelatives à la concurrence.

520 La répartition des tâches s’effectue selon les principes suivants :

- toutes les autorités de concurrence (la Commission européenne ou uneautorité nationale) sont habilitées à appliquer les art. 81 et 82 dutraité ;

- l’autorité qui reçoit une plainte ou entame une procédure d’officerestera en principe en charge de l’affaire ; si nécessaire, l’autorité peutsolliciter le concours d’une autre autorité ;

- la réattribution d’une affaire ne peut être envisagée qu’aucommencement de la procédure que si cette autorité estime qu’elle« n’est pas bien placée pour agir » ou si d’autres autorités s’estiment« bien placées » elles aussi pour agir (cette procédure implique que tousles membres du réseau soient informés de l’ouverture d’uneprocédure) ;

- une autorité est considérée comme étant « bien placée » pour traiter uneaffaire si les trois conditions cumulatives suivantes sont remplies :

1) l’accord ou la pratique a des effets directs, substantiels, actuels ouprévisibles sur son territoire ;

2) l’autorité est à même de faire cesser efficacement l’intégralité del’infraction et de la sanctionner d’une manière appropriée ;

3) l’autorité est en mesure de réunir les preuves requises pourdémontrer l’infraction (le cas échéant avec le concours d’autresautorités).

- la Commission européenne est « particulièrement bien placée » si unaccord (ou des accords similaires) ont des effets sur la concurrencedans plus de trois Etats membres ;

- la Commission européenne est aussi « particulièrement bien placée »pour traiter une affaire si celle-ci est étroitement liée à d’autresdispositions communautaires pouvant être plus efficacement appliquées

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par la Commission ou si l’intérêt de la Communauté exige l’adoptiond’une décision de la Commission (cas d’un problème nouveau, parexemple).

- lorsque la Commission européenne est saisie la première d’une affaire,les autorités nationales ne peuvent plus, de leur propre chef, traiterl’affaire.

- dans les deux mois qui suivent la date de l’information, envoyée auréseau par une autorité nationale, de l’ouverture d’une affaire, laCommission européenne peut, après avoir consulté l’autoritéconcernée, ouvrir une procédure, ce qui aura pour effet de dessaisirl’autorité nationale.

- après la période initiale de deux mois, ce n’est que dans des situationsexceptionnelles que la Commission peut décider de reprendre uneaffaire (retard excessif d’une procédure, nécessité d’une décisioncommunautaire).

10.2.2 Procédure

A. Saisine

521 La Commission ou l’autorité nationale intervient soit d’office, après avoirconstaté l’existence d’un problème potentiel, soit suite à une plainte.

B. Instruction

522 La Commission peut exiger des parties qu’elles lui fournissent lesrenseignements utiles pour son enquête. Elle peut aussi solliciter la collabo-ration des autres autorités administratives communautaires ou des Etatsmembres.

523 Vu l’importance des conséquences possibles, les autorités administrativesdoivent respecter les principes de la procédure administrative lors de leursenquêtes :

524 - droit d’être entendu : les entreprises visées doivent avoir la possibilitéde s’exprimer sur les reproches formulés à leur égard ;

525 - accès au dossier : un des aspects essentiels du droit d’être entendu estcelui de l’accès au dossier. Les entreprises concernées doivent être enmesure de connaître, en temps voulu, les éléments sur lesquels l’autoritéenvisage de fonder sa décision

526 - secret professionnel : (correspondance avec un avocat).

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C. Décision

527 L’autorité peut être amenée à prendre des décisions en cours d’instructiondu dossier : exigence de production des pièces, audition des parties, detémoins ou d’experts.

528 Lorsque la procédure est terminée, l’autorité rend une décision. En droitcommunautaire, l’enquête relative à une pratique restrictive de laconcurrence doit être ouverte au plus tard cinq ans après la survenance dela pratique, faute de quoi l’affaire serait prescrite. La décision finale peutfaire l’objet d’un recours :

- auprès du Tribunal de 1ère instance, si la décision a été prise par laCommission européenne ;

- selon les règles du droit national si la décision a été rendue par uneautorité administrative d’un Etat membre;

- dans les deux cas, un recours reste possible encore à la CJCE.

D. Contenu de la décision (sanction)

529 En droit communautaire, un premier effet d’une sanction est la nullité de laclause restrictive de la concurrence (cf. art. 81 al. 2 TCE), ce qui peutentraîner des conséquences pour les entreprises concernées (par exemple,la restitution d’une subvention).

530 La Commission peut infliger une sanction pécuniaire pouvant aller jusqu’à10 % du chiffre d’affaires annuel de l’entreprise concernée. Cette sanctionest fixée en tenant compte de la nature de l’infraction et de son impactconcret sur le marché, si cet impact est mesurable. La Commissiondistingue les infractions peu graves, les infractions graves et celles qui sonttrès graves. En plus de la sanction, la Commission peut imposer uneastreinte, soit une sanction pécuniaire pour chaque jour de retard dansl'application d'une de ses décisions.

531 Enfin, en dehors des sanctions pécuniaires, la Commission peut :

- exiger des entreprises concernées qu’elles adoptent dorénavant uncomportement différent (mesures comportementales : ne plus avoirtelle attitude restrictive de la concurrence ou accepter d’avoir desrelations contractuelles avec une autre entreprise) ;

- exiger d’une entreprise qu’elle modifie sa structure (mesuresstructurelles) ; ces dernières mesures, beaucoup plus intrusives pour

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l’entreprise, ne seront prononcées qu’à titre exceptionnel et que si desmesures comportementales apparaissent insuffisantes;

- refuser une opération de concentration.

* * * * *

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§ 11 DROIT CIVIL

Textes législatifs : art. 12 à 17 LCart.

Bibliographie : Droit de la concurrence, J.-M. REYMOND, art. 12 ss ; TH. GEISER /P. KRAUSKOPF / P. MÜNCH, Schweizerisches und europäisches Wettbewerbsrecht,p. 523 ss.

11.1 DROIT SUISSE

11.1.1 Actions judiciaires et autorités compétentes

532 Selon un principe juridique fondamental, celui qui subit un préjudice(dommage ou tort moral) en raison de l’attitude illicite d’un tiers doitpouvoir obtenir la cessation du préjudice et la réparation du préjudice.

533 C’est ce principe qui, en droit de la concurrence, est concrétisé etdéveloppé à l’art. 12 LCart dans lequel le législateur a prévu plusieurstypes d’actions.

A. Suppression ou cessation de l’entrave

534 Celui qui est entravé dans l’accès ou l’exercice de la concurrence par unerestriction illicite à la concurrence peut demander la suppression ou lacessation de l’entrave.

535 Le demandeur devra donc établir qu’il y a eu entrave illicite au sens des art.5 ou 7 LCart.

a) Suppression de l’entrave

536 L’action en suppression vise une entrave actuelle et qui dure encore.

537 Deux situations peuvent être envisagées. Dans le premier cas, ledemandeur subit les effets d’un accord auquel des entreprises tiercessont parties ou subit les effets d’une position dominante. Dans le secondcas, le demandeur est partie à un accord dont il souhaite être libéré sansdevoir subir les peines contractuelles prévues dans cette situation. Dansles deux cas, il est demandé au juge de constater que l’accord est illicite,et donc nul (art. 13 LCart et art. 20 CO). (Le même résultat pourrait être

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obtenu par une dénonciation de l’accord à la Comco mais selon uneprocédure différente).

b) Cessation de l’entrave

538 L’action en cessation vise une entrave qui risque sérieusement de seréaliser ou de se répéter.

539 Afin de supprimer ou d’écarter l’entrave, l’art. 13 LCart donne au jugela possibilité de décider que celui qui est à l’origine de l’entrave doitconclure avec celui qui la subit des contrats conformes au marché et auxconditions usuelles de la branche.

B. Action en dommages-intérêts

540 L’action en dommages-intérêts suppose quatre conditions :

- un acte illicite : en l’espèce, ce serait la violation de l’art. 5 LCart(entente illicite) ou de l’art. 7 LCart (abus d’une position dominante)

- une faute ou une négligence qui est appréciée objectivement

- un dommage qui correspond à la différence entre l’état du patrimoinede la partie entravée s’il n’y avait pas eu d’entrave et l’état actuel dupatrimoine

- un lien de causalité entre l’acte illicite et fautif et le dommage subi ;selon la jurisprudence, ce doit être un lien de causalité « adéquate »,c’est-à-dire que, selon le cours ordinaire des choses et l’expérience de lavie, il était en soi propre à produire un effet du genre de celui qui s’estréalisé, de sorte que la survenance de ce résultat paraît, d’une manièregénérale, provoquée ou favorisée par cet événement.

C. Autorités compétentes

a) Niveau cantonal

541 En Suisse, l’organisation judiciaire et la procédure civile sont de lacompétence des cantons. Cette règle générale trouve parfois desexceptions dans le droit fédéral (matériel) qui détermine alors le tribunal(for) compétent ou la règle de procédure. C’est le cas à l’art. 14 LCartselon lequel les cantons doivent désigner pour leur territoire un tribunalchargé de connaître en instance cantonale unique des actions civilesintentées pour violation du droit de la concurrence. Dans le Canton deFribourg, c’est une cour d’appel du Tribunal cantonal qui estcompétente pour traiter ce type de litige.

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542 La loi fédérale sur les fors désigne (quant au lieu) le tribunal devantlequel l’action peut être introduite :

- le tribunal du siège de la partie ayant subi le dommage

- ou celui du siège du défendeur

- ou celui du lieu où l’acte illicite a été commis

- ou celui du lieu où le résultat s’est produit.

543 Lorsqu’une entreprise étrangère est impliquée, il faut tenir comptedes règles de droit international privé (art. 137 LDIP).

b) Niveau fédéral

544 L’arrêt rendu par un tribunal cantonal peut faire l’objet d’un recours enmatière civile au Tribunal fédéral.

c) Tribunal arbitral

545 Les parties peuvent avoir convenu par contrat – ou décider après lasurvenance du conflit, par un « compromis arbitral » - de soumettre leurlitige à un tribunal arbitral. La sentence du Tribunal arbitral seraexécutoire comme un jugement d’un tribunal ordinaire (pour autant quecertaines conditions soient respectées, en particulier l’indépendance desarbitres).

11.1.2 Procédure

A. Règles générales

546 Devant l’instance cantonale, les règles de procédure sont celles prévues parle droit cantonal.

Aucune facilité, telle que les actions collectives – class actions – introduites ces dernièresannées dans plusieurs pays de l'UE (et depuis longtemps aux Etats-Unis) n'existe en Suisse.Aucune mesure telle que celles préconisées dans l'UE n'est à l'étude. En conséquence, à titred'exemple, le client de Swisscom qui voudrait faire valoir une réduction de ses factures pour lemotif d'abus de position dominante devrait procéder ainsi :

- l'abus de position dominante a été constaté par la Comco dans une procédureadministrative (qui n'est pas encore terminée); le client faisant valoir une action civile devraintroduire action devant le Tribunal, instance unique pour ce type d'affaires;

- le client fera valoir un dommage de quelques centaines de francs; selon les règles deprocédure civile fribourgeoise, le demandeur devra faire une avance de frais entre 100.- et30'000.- CHF; une avance est requise de chacune des parties;

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- la partie qui a gain de cause obtient des dépens et celle qui perd son procès doit les payer;ces dépens sont fixés par le Tribunal selon le tarif des dépens; l'avocat établit sa liste defrais au tarif horaire de base de 230.- CHF; dans les affaires de nature pécuniaire, leshonoraires sont majorés jusqu'à un maximum de 350 % (15 % dès 42'000.- CHF à 350 %pour 17 MCHF).

547 Devant le Tribunal fédéral, ce sont celles prévues par la loi fédérale surl’organisation judiciaire fédérale.

B. Rôle de la Comco

548 Le procès est introduit devant l’instance cantonale unique – et non pasdevant le tribunal ordinaire de première instance – parce que le demandeurinvoque la violation de la loi sur les cartels. Cela implique que ledemandeur fonde son action sur l’existence d’une entente ou d’une positiondominante et la violation de l’art. 5 ou de l’art. 7 LCart.

549 Afin d’éviter des interprétations divergentes de la notion d’entrave ou desuppression de la concurrence, l’art. 15 LCart prescrit que lorsque la licéitéd’une restriction à la concurrence est contestée, la Cour doit soumettrecette question à la Comco qui rend un avis (et non pas une décision) :

- si la Comco arrive à la conclusion qu’il n’y a pas d’entrave à laconcurrence, la procédure n’a plus d’objet (sauf si la Cour cantonalerefuse de suivre l’avis de la Comco !) ;

- si la Comco constate une violation, l’affaire est reprise par l’autoritéjudiciaire cantonale sur les autres aspects du procès (étendue dudommage, réparation).

C. Importances des mesures provisionnelles

550 Les mesures provisionnelles sont celles qui sont prises par le juge, à larequête d’une partie, et qui s’appliquent pendant la durée de la procédure.Souvent, la procédure débute par une requête de mesures provisionnellessur laquelle le juge se prononce après avoir entendu la partie défenderesse.Toutefois, en cas d’urgence, le juge peut se prononcer avant même d’avoirpu convoquer l’autre partie. Dans ce cas, l’ordonnance « super provisoire »sera réexaminée par le juge lorsque la partie adverse aura pu s’exprimer.

551 Ces mesures sont souvent primordiales car seule une intervention rapide,ou même immédiate, du juge permet de sauvegarder les droits durequérant.

552 Des conditions strictes doivent être remplies :

- l’entrave doit être imminente ou actuelle

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- la vraisemblance de l’atteinte illicite doit être donnée

- le préjudice causé serait difficilement réparable

- des sûretés peuvent être imposées, sur requête, si les mesures sont denature à causer un préjudice à la partie adverse.

11.2 DROIT EUROPEEN

11.2.1 Règles actuelles

553 La Commission européenne, le Tribunal de Première Instance et la Cour deJustice des Communautés Européennes (CJCE) sont des instancesadministratives. Elles ne se prononcent pas sur des demandes endommages-intérêts. Les sanctions pécuniaires qu’elles imposent ne serventpas à compenser un dommage puisqu’elles sont attribuées à laCommunauté européenne.

554 Une action civile en cessation du trouble ou en dommages-intérêts doit êtreintroduite devant les tribunaux civils des Etats membres de l’Union.

11.2.2 Les réformes en vue

555 En décembre 2005, la Commission a mis en consultation un « livre vert »relatif aux actions en dommages-intérêts. Elle constate tout d’abord que cedomaine du droit (actions civiles) est caractérisé dans les Etats membrespar un « total sous-développement » et que son objectif est d’identifier lesprincipaux obstacles à un fonctionnement efficace des actions endommages-intérêts :

- détermination des dommages-intérêts : selon un modèle économique(complexe) ou en chargeant le juge de le faire en équité ?

- permettre au juge de doubler le montant des dommages-intérêts dans lecas d’infractions caractérisées (ententes horizontales) (aux Etats-Unis,dans ce cas-là, le juge peut attribuer le triple du montant)

- faciliter l’introduction d’actions collectives (class actions) ?

- réduire le risque financier du demandeur en ne le condamnant à payerles frais, en cas de perte du procès, que s’il a agi de façon manifestementdéraisonnable en introduisant l’action ?

- consentir une réduction du risque financier à l’entreprise qui a collaboréavec les autorités administratives selon le programme de clémence ?(remise conditionnelle, suppression de la responsabilité conjointe).

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556 En avril 2008, la Commission, suite à la procédure de consultation, adéveloppé ses propositions dans un "livre blanc" :

- l'objet reste d'assurer aux victimes d'infractions au droit communautairede la concurrence d'obtenir réparation intégrale de leur dommage pardes mécanismes de réparation efficaces.

- Le droit à la réparation doit être reconnu à toute personne ayant subi unpréjudice du fait de cette infraction, y compris aux acheteurs indirectsqui sans traiter directement avec l'auteur de l'infraction subit undommage du fait de la répercussion du surcoût.

- Deux modes d'agir complémentaires sont proposés :

-- les actions collectives ("class actions") par lesquelles les victimesdécident de mettre en commun leurs demandes d'indemnisationindividuelles;

-- les actions représentatives, intentées par des entités qualifiées, tellesque des associations de consommateurs, désignés à l'avance, ouhabilitées au cas par cas.

557 Ce type de procédures pose des problèmes délicats :

- accès aux preuves : difficulté de l'équilibre entre l'accès aux élémentsde fait nécessaire et le respect du secret des affaires;

- calcul des dommages-intérêts : dommage subi; manque à gagner :multiple ?

* * * * *

UNIVERSITE DE FRIBOURG D. DREYER Faculté des Sciences économiques et 2009sociales (semestre automne)

LE DROIT DE LA CONCURRENCE

DOCUMENTS DE TRAVAIL

OMCwww.wto.org. (textes juridiques)

1.1. Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT 1947) (RS 0.632.21)

1.2. Mémorandum d’accord sur les règles et procédures régissant le règlement desdifférends (Annexe 2 Accord OMC 1994) (RS 0.632.20)

1.3. Accord OMC du 15 avril 1994 sur les marchés publics (RS 0.632.231.422)

Droit suissewww.admin.ch/ch/f/rs/rs.html

2.1 Constitution fédérale suisse : art. 27, 94-104 (RS 101)

2.2 Loi fédérale sur le marché intérieur (RS 943.02)

2.3 Loi fédérale sur les entraves techniques au commerce (LETC) (RS 946.51)

2.3.1 Modification de la LETC du 12.06.2009 (FF 2009 pp. 3983 ss; délai référendaire01.10.2009)

2.4 Loi fédérale sur les cartels et autres restrictions à la concurrence (LCart) (RS 251)

2.4.1 Ordonnance sur les sanctions en cas de restrictions illicites à la concurrence(OS LCart ) du 12 mars 2004 (RS 251.5)

2.4.2 Ordonnance sur le contrôle des concentrations d’entreprises du 17 juin 1996(RS. 251.4)

www.weko.admin.ch (publications, législation)

2.4.3 Communication concernant l’appréciation des accords verticaux

2.4.4 Communication sur les accords verticaux dans le domaine de la distributionautomobile

2

Droit européenhttp://www.eur-lex.europa.eu/

3.1 Extraits du Traité instituant la Communauté européenne (TCE)

3.2 Règlement CE n°1-2003 du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en œuvredes règles de concurrence prévues aux art. 81 et 82 du traité

3.3 Règlement CE n°139-2004 du Conseil du 20 janvier 2004 relatif au contrôle desconcentrations entre entreprises

3.4 Communication de la Commission sur la définition du marché en cause aux fins dudroit communautaire de la concurrence (97/C 372/03)