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  • 7/30/2019 Realisme Roman Fr Article

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    Georges Legrand

    Le ralisme dans le roman franais au XIXe sicleIn: Revue no-scolastique. 9 anne, N34, 1902. pp. 173-198.

    Citer ce document / Cite this document :

    Legrand Georges. Le ralisme dans le roman franais au XIXe sicle. In: Revue no-scolastique. 9 anne, N34, 1902. pp.

    173-198.

    doi : 10.3406/phlou.1902.1742

    http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0776-5541_1902_num_9_34_1742

    http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/author/auteur_phlou_331http://dx.doi.org/10.3406/phlou.1902.1742http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0776-5541_1902_num_9_34_1742http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0776-5541_1902_num_9_34_1742http://dx.doi.org/10.3406/phlou.1902.1742http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/author/auteur_phlou_331
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    VII.LE RALISME DANS LE ROMAN FRANAIS

    AU XIXe SICLE ) .

    Je voudrais, dans les pages qui vont suivre, retracer .grands traits la physionomie du mouvement raliste, tel,'qu'il- s'est dvelopp dans le roman franais au xixe sicle;..Tandis que le romantisme rgne sur. la premire moitidu xixe sicle, le ralisme ou le naturalisme car les

    deux mots sont presque synonymes aujourd'hui1) domineles cinquante dernires annes du sicle qui vient de finir.On le voit apparatre l'horizon littraire vers 1840, grandir, riller et remplir tout le ciel, chassant devant lui leromantisme qui dcline et s'teint, puis plir son tourdevant le symbolisme qui monte et s'effacer devant larenaissance de l'idalisme.Dans le roman, des symptmes du mouvement raliste se remarquent dj chez Stendhal (Henri Beyle de

    son vrai nom), l'auteur de Rouge et Noir publi en 1830,et de la Chartreuse de Parme qui date de 1839. On entrouve aussi des signes chez Mrime qui, vers la mmepoque, ciselait ces bijoux qu'on appelle : la Chronique duRgne de Charles IX, crite en 1829, le Vase trusque(1830), la Vnus aille (1837), Columba (1840). Mais c'estBalzac, leur gnial contemporain qui, le premier, formule*) Confrences faites l'Institut suprieur de Philosophie.l) Histoire de la langue et de la littrature franaise, publie sous la directionde Petit de Julleville, t. VIII, p. x.

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    174 G. LEGRANDun des caractres fondamentaux du ralisme dans l' avant-propos de sa Comdie humaine, et, le premier aussi, faitlargement uvre de raliste dans ses romans. Puis viendraFlaubert qui donnera en Madame Bovary (1856) le typele plus accompli du roman raliste franais. Ensuite lemouvement se diversifiera chez Daudet, les Goncourt, Zola,Guy de Maupassant. Aprs eux, l'ide inspiratrice du ralisme ira s'pandant et s'infiltrant partout,- mais purifiedes prjugs et des exagrations que les chefs d'cole telsque Zola y avaient systmatiquement mls.De ce courant qui, pendant cinquante annes, a entrantoute la littrature, quelles sont donc les origines et quelest l'aboutissement l D'o vient-il ? ' O va-t-il ? Quellescontres traverse-t-il? Quelle faune vit sur ses rives? Quellevgtation prospre sur ses bords l Quelle est la qualit deses eaux ? Sont-elles pures ou troubles, douces ou-amres;bienfaisantes ou malsaines ? De quels lments se composent-elles; qu'y dcouvre-t-on, si l'on prend la peine de les analyser ? Et comment n'en prendrait-on pas la peine, alorsque des gnrations s'y sont abreuves et que des gnrations 'y abreuvent encore ?Essayons de rpondre . ces grosses questions. Tchonsde nous faire une ide exacte des caractres fondamentauxdu ralisme franais.

    *J'ouvre un roman de Balzac, Eugnie Grandet parexemple, puisque ce roman offre le double avantage d'treune uvre morale dans son thme et dans son excution, enmme temps qu'un des chefs-d'uvre du grand romanciertourangeau.Les premires pages . & Eugnie Grandet sont consacres i

    la description d'une petite ville de province, Saumur.Balzac .vous mne dans une rue de la ville et vous la fait

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    LE RALISME DANS LE ROMAN FRANAIS 175parcourir, vous arrtant chaque pas pour vous faire observer l'aspect architectural des maisons, le genre de commerce et d'industrie des habitants, leurs habitudes de vietelles qu'elles se manifestent au regard du passant. Puis,il fixe votre attention sur une demeure en particulier et ilvous en dcrit par- le menu -la faade : c'est le vieil htelde la famille Grandet : la maison Grandet, cette maisonple, froide, silencieuse, situe en haut de la ville, et abritepar les ruines des remparts1). Franchissez le seuil.Le romancier va vous faire les honneurs de la principalechambre de la maison :

    Au rez-de-chausse de la maison, la pice la plus considrabletait une sa Ile dont l'entre se trouvait sous la vote del porte,cochre;..... Cette pice, dont les deux croises donnaient sur larue, tait planchie ; des panneaux gris, moulures antiques, laboisaient de haut en bas ; son plafond se composait de poutresapparentes, galement peintes en gris, dont les entre-deux taientremplis de blanc en bourre qui avait jauni. Un vieux cartel de cuivre incrust d'arabesques en caille ornait le manteau de la cheminen pierre blanche, mal sculpt, sur lequel tait une glaceverdtre, dont les cts, coups en biseau pour en montrer l'paisseur, efltaient un filet de lumire le long d'un trumeau gothiqueen acier damasquin. Les deux girandoles de cuivre dor quidcoraient chacun des coins de la chemine taient deux fins : enenlevant les roses qui leur servaient de bobches, et dont lamatresse branche s'adaptait au pidestal de marbre bleutreagenc de vieux cuivre, ce pidestal formait un chandelier pour lespetits jours 2).

    J'arrte ici la citation. La description complte prendencore une page. Mais ceci suffit vous montrer le procd. Aprs la ville, la rue, la maison, la salle,- ce srTletour des principaux personnages : le pre Grandet dontvous connatrez immdiatement toute l'histoire, les habitudes de vie, le caractre, et jusqu'aux moindres particularits physiques ; madame Grandet ; puis Eugnie, leurfille unique, et la vieille servante. Nanon. Puis les deux.

    1) Eugnie Grandet, dit. C^lmann-Lvy, pp. 17-18i2) Ibid., pp. 19-20.

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    176 ' G. LEGRAND -familles Cruchot et des Grassins qui se disputent rla dotd'Eugnie plutt que sa personne. Puis le neveu de Grandet, ubitement tomb de Paris en province, rayon desoleil dans la vie terne de la jeune fille, trouble-fte desautres prtendants. Ce neveu est un lgant et, pour vousdonner une ide de son lgance, le romancier n'pargnerapas les dtails ; tout le contenu de sa malle y passe :

    Charles emporta donc le plus joli costume de, chasse; le plusjoli fusil, le plus joli couteau, la plus jolie gaine de Paris. 11 emportasa collection de gilets les plus ingnieux : il y en avait de gris, deblancs, de noirs, de couleur scarabe, reflets d'or, de paillets,de chins, de doubles, chle ou droits de col, co l renvers, deboutonns jusqu'en haut, boutons d'or... ')

    Remarquez spcialement les dtails physiologiques dontil maille ses descriptions. Notez, l'affectation qu'il met rapprocher d'un trait physiologique une tendance morale ouune tournure intellectuelle. Ainsi, dans le portrait du preGrandet, vous apprendrez que son front, plein de lignestransversales, ne manquait pas de protubrances significatives, que sa ' figure annonait une finesse dangereuse,une probit sans chaleur, l'gosme d'un homme habitu concentrer ses sentiments dans la jouissance de l'avarice- etsur le seul tre qui lui ft rellement quelque chose, sa filleEugnie, sa seule hritire 2).Au -lieu 'Eugnie Grandet, voulez-vous prendre UrsuleMirouet ? C'est encore un des rares livres de Balzac donton puisse recommander la lecture. Je lis, dans le portraitdu matre de poste de Nemours :

    En voyant le bourrelet de chair pele qui enveloppait la dernirevertbre et comprimait le cervelet de cet homme, en entendantsurtout sa voix grle et clairette qui contrastait ridiculement avecson encolure, un physiologiste et parfaitement compris pourquoice grand, gros, pais cultivateur adorait son fils unique, et pourquoi peut-tre il l'avait attendu si longtemps, comme le disait assezle nom de Dsir que portait l'enfant 8).1) Eugnie Grandet, p. 42.2) Ibid., p. 13.3) Ursule Mirouet, d. du Centenaire , p. 9,

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    LE RALISME DANS LE ROMAN FRANAIS 177Parlant du docteur Minoret et voquant son propos

    quelques clbrits du xvine sicle, il crit : Tous ont des fronts hauts, mais fuyants leur sommet, ce quitrahit une pente au matrialisme ').Voici encore un autre exemple : Nathalie avait la taille ronde, signe de force, mais indiceimmanquable d'une volont qui souvent arrive l'enttement chezles personnes dont l'esprit n'est ni vif ni tendu. Ses mains destatue grecque confirmaient les prdictions du visage et de lataille, en annonant un esprit de domination illogique, le vouloirpour le vouloir 2).Les noms de Gall, de Cabanis, d'Helvtius, de Locke,-de Condillac, sont familiers Balzac. Il les cite avec amour.Le mot phrnologe sonne agrablement son oreille. Ill'emploie tout propos.Ce souci constant de description dtaille et concrte,cette proccupation de la physiologie et des sciences natur

    elles, ont mis leur empreinte dans le style de Balzac : lesexpressions empruntes l'industrie, au commerce, labourse, la procdure, la mdecine, la botanique, la chimie, y abondent et s'y entremlent. Point de termesabstraits ni de formules gnrales. La langue de Balzacn'est plus celle des crivains du xvne sicle. Eux s'adressaient un public d'lite, raisonneur, pourvu d'une fortedose de philosophie, ignorant ou ddaigneux des mtiersmanuels et des professions bourgeoises, lisant peu et lentement, savourant une uvre loisir. Sa langue n'est pas nonplus celle des romantiques du commencement du xixe sicle,image; mais faite de comparaisons amples, grandioses, peusoucieuse de serrer la ralit prsente. Sa langue, lui, estconcrte et technique. Il crit : Le capital de nos forcesa fait son versement pour une nergique rsistance . * La maternit est une entreprise laquelle j'ai ouvert un1) Ursule Mirouet, p. 61 .2) Cit par Taine dans son tude sur Balzac. V. les Nouveaux Essais de critiqueet 4' histoire.

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    178 G. LEGRANDcrdit norme; elle me doit trop aujourd'hui, je crains den'tre pas assez paye . Ou bien : Le beau marquisat deFroidfond fut alors convoy vers l'sophage de M. Grandet.Un commis-voyageur est par lui qualifi de pyrophoreUn petit rentier le fait songer un champignon, et il ledcrit ainsi :

    Au premier aspect, cette plante humaine, ombellifre, vu lacasquette bleue tubulequi la couronnait, tige entoure d'unpantalon verdtre, racines bulbeuses, enveloppes de chaussonsen lisire, offrait une physionomie blanchtre et plate, qui certesne trahissait rien de vnneux .

    Si Balzac connat et manie la langue spciale de chaquemtier dont il traite, il ne connat pas moins les patois desdiverses rgions de la France o il situe ses hros et il yramasse pleines mains les termes expressifs. Il affectionnela saveur du parler populaire. Et comme le prsent est troppauvre pour lui fournir de quoi toffer ses descriptions, ilplonge la fois dans le pass et dans l'avenir. Il cre sanssourciller des centaines de nologismes, en mme tempsqu'il remonte Rabelais et- fourrage plein- cur dans cestyle touffu, luxuriant, o l'on enfonce comme dans unebrousse gigantesque. Tel est le style de Balzac : incorrect,diffus, mais, d'une richesse tonnante. D'autres viendrontqui se chargeront d'y mettre l'ordre, la prcision, l'harmonie.ui, il a eu trop faire pour s'occuper de ce travailsecondaire qui donne la phrase la nettet, le fini, la transparence. Il n'en reste pas moins le crateur de la langueraliste en France.

    Ainsi,, soit que l'on examine la forme, soit que l'on observele fond : abondance de la description concrte, minutieuse,matrielle' et principalement physiologique. En. d'autrestermes, tude attentive du milieu interne et du milieuexterne o baigne la vie humaine : voil un trait caractristique qui ne peut manquer de frapper un lecteur de Balzac et qui fait du grand romancier tourangeau l'anctre duralisme franais.

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    LE RALISME DANS LE ROMAN FRANAIS . 179Ce trait constitue-t-il vraiment une- originalit dans sa

    physionomie ? Ses prdcesseurs et - ses contemporains - ensont-ils compltement dpourvus ? C'est ce que nous devonsmaintenant tudier de plus prs; pour le faire, nous reviendrons Stendhal et Mrime et nous verrons que, sanstre proprement des ralistes, ils ont cependant bien, l'unet l'autre, quelque chose du ralisme.

    II existe une curieuse tude sur Stendhal dont l'intrtest qu'elle est sortie de la plume de Balzac lui-mme.Parue d'abord dans la Revue parisienne, le 25 septembre840, elle se trouve reproduite en tte de l'ditionHetzel de la Chartreuse de Parme. Stendhal y est proclam* l'un des esprits les plus remarquables de ce temps . Cen'est pourtant que .beaucoup plus tard que Stendhal commena jouir del rputation que son talent mritait. Ill'avait annonc lui-mme: * Je pensais n'tre pas lu avant1880 , crivait-il Balzac en rponse cette tude. Cetterponse est bien aussi intressante, si pas plus, que l'articlequi l'avait provoque. Stendhal commence par exprimerson mpris du style romantique, dont l'emphase lui dplat.Pour lui, * il lit chaque matin deux ou trois pages du codecivil, afin d'tre toujours naturel . Souvent, ajoute-t-il,je rflchis un' quart d'heure pour placer un adjectif avantou aprs un substantif. Je cherche raconter avec vrit etavec clart ce qui se passe dans mon cur. Je ne voisqu'une rgle : tre clair . Clart, vrit, naturel : notez cesmots. Ddain de la dclamation romantitjue: notez cettetournure d'esprit. Voil qui semble dj bien faire entrevoir,un raliste ."II- y- a mieux encore: Le public, crit- encoreStendhal dans la mme lettre, en se- faisant plus nombreux,moins mouton, veut un-plus grand nombre- de -petits faitsvrais sur une passion,- sur une situation dans la vie. N'est-ce pas ce souci de la documentation que nous remar-

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    180 G. LEGRANDquions tout l'heure chez Balzac? Oui, certes, ce souciStendhal l'avait. Il crivait sa sur: Envoie-moi, vitetrois ou quatre caractres peints par les faits, raconte-lesexactement, ensuite tire les consquences . Et encore: Aide-moi connatre les murs provinciales et les passions;j'ai besoin d'exemples, de beaucoup, beaucoup de faits 1).Stendhal a donc t, comme Balzac, proccup du petitfait significatif. Il a eu, plus que lui, le culte de la clart etde la vrit. A-t-il, comme lui, donn une grande importance la physiologie et au milieu? Ici une distinctions'impose.- En thorie, oui. Dans ses romans, non.

    . J^a physiologie d'abord. Stendhal se proclame discipledes philosophes du xvme sicle. Il trouve plus d'idesdans Condillac que dans toutes les bibliothques du monde ,dit-il dans ses Lettres intimes Il place Helvtius parmi-les gnies, entre Homre, Jules Csar, et Newton (ibid.).Je t'enverrai incessamment, crit-il sa sur, Y Idologie;c'est la seule- chose qui reste, tout le reste est de mode .Et ailleurs : Bien convaincu, crit-il, que sans espritjuste il n'y a pas de bonheur solide, j'ai le projet de relireou- de reparcourir au moins tous les ans la Logique deTracy 2).Quant l'influence des milieux, il n'y croit pas moinsqu' l'influence des nerfs et du sang. N'est-ce pas dans laprface de son roman la Chartreuse de Parme que -nousrelevons cette phrase significative : Toutes les fois qu'ons'avance de deux cents lieues du Midi vers le Nord, il y alieu un roman nouveau 3) ?Mais autre est la doctrine de l'artiste, autre l'uvred'art. Non que je veuille prtendre que Stendhal contredisepratiquement, . ses thories et ses admirations; mais,,dans ses romans, il n'y a gure place pour l'tude desmilieux ni pour la dissection physiologique, parce qu'il est1) Histoire de la langue et de la littrature franaise, t. VII, p. 440.2) Ibid., p. 439.3) Ibid., p. 444.

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    LE REALISME DANS LE ROMAN FRANAIS 18 1avant tout psychologue; C'est l'me qui l'intresse. Endmonter le mcanisme interne, en analyser les rouages, endiscerner ]e jeu, comme on ferait d'une horloge, voil lapassion de Stendhal,1 et son gnie. De mme que ses matresde philosophie sont les encyclopdistes et les sensualistes dela fin du xvine sicle,* ses anctresr en art'sontles romanciersde l'poque: travers eux, il a des points d'attacheavec les grands tragiques du xvne sicle, qui ont pousssi loin l'analyse psychologique, mais sont demeurs fidles,eux, aux principes spiritualistes. Vous concevez quelledistance spare Stendhal de Balzac, et les tudes de psychologie pure de l'un, des interminables inventaires dontl'autre a la spcialit.Vous m'arrterez peut-tre pour m' objecter: Mais, aprstout, la psychologie, si dgage soit-elle des ambiances individuelles et sociales, n'est-elle. pas aussi chose relle? Etpourquoi l'artiste qui, fait mouvoir devantnous des hommesdans l'intgrit de leur corps et de leur me et sous . lesinfluences multiples et complexes des milieux, pourquoi untel artiste a-t-il droit, plus qu'un autre, au titre de raliste? Je crois qu'il y en a une raison et la voici. C'est qu'untel artiste nous montre la ralit dans ses lments diversavec leurs compntrations et leurs contre-coups, tandis quel'crivain -qui borne son- champ d'observation au mondeintrieur des mes, voit sans doute la portion la plus hauteet la plus importante de la ralit, mais enfin n'en voitqu'une portion. L'existence mme de l'Institut suprieurde Philosophie est le commentaire loquent de cette vrit.

    . N'est-ce pas, en effet, l'originalit et l'honneur- du No-Thmisme d'avoir rendu tout son relief ce vieil axiomede la scolastique que l'me et les sens et, par les sens, lesmilieux se trouvent dans une continuelle interdpendance ?** *

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    182 G. LEGRANDParmi les contemporains de Balzac j'ai cit Stendhal et

    I V1-^ Mrime. Mrime serait-il peut-tre plus raliste que/ Stendhal ? Je ne le pense pas.Il a, comme Stendhal, la proccupation et l'amour dumenu fait, mais cette proccupation et cet amour' s'orientent

    vers le pass. Il cherche dans l'histoire les sujets auxquelsil appliquera son merveilleux talent de nouvelliste : Jen'aime dans l'histoire que les anecdotes , crit-il dans laprface de la Chronique de Charles IX . Il partage avecStendhal le mrite de la prcision.- Son trait est net. Jepourrais encore montrer chez lui un caractre du ralisme que Balzac lui-mme ne possde gure, je veux direl'impersonnalit. N avec un cur tendre, Mrime s'estexerc toute sa vie la froideur. Il vise teindre en luil'motion. Il se ferait scrupule de se mler son uvre, d'ylaisser transparatre ses sentiments personnels. Mais ni laphysiologie ni le milieu,- ces deux agents essentiels de l'artraliste, ne l'attirent. Ni l'un ni* l'autre ne jouent dans sesnouvelles un rle semblable celui que leur accordent lesromans de Balzac. Revenons donc lui, comme au .vritableanctre du ralisme.Aux citations que j'ai dj extraites de ses romans, il-neN , /." serait pas difficile .d'en ajouter de nombreuses, cueillies \v " travers ses uvres ; elles foisonnent. Je prfre me borner*- : une seule. Mais elle a. une singulire valeur,- parce qu'ellerv dmontre que Balzac, trs diffrent en cela de beaucoup

    *

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    LE RALISME DANS LE ROMAN FRANAIS 183 Ce serait une erreur de croire que la grande querelle qui, dansces derniers temps, s'est mue entre Cuvier et Geoffroy Saint-

    Hilaire, reposait sur une innovation scientifique. TJunit de composition occupait dj sous d'autres termes les plus grands espritsdes deux sicles prcdents... -L'animal est un principe qui prendsa forme extrieure, ou, pour parler plus exactement, les diffrencesde sa forme, dans les milieux o il est appel se dvelopper. Les'espces zoologiques rsultent de ces diffrences. La proclamationet le soutien de ce systme, en harmonie d'ailleurs avec les idesque nous nous faisons de la puissance divine, sera l'ternel honneur de Geoffroy Saint-Hilaire, le vainqueur de Cuvier sur ce pointde la haute science, et dont le triomphe a t salu par le dernierarticle qu'crivit le grand Goethe. Balzac fait allusion la clbre joute. qui -mit aux prisesen 1830 Cuvier et Geoffroy Saint-Hilaire. Les deux savantslivrrent bataille l'Acadmie des sciences coups decommunications sur l'organisation- des mollusques. Cuvier

    tenait pour la diffrence radicale des embranchements,Geoffroy paur l'unit de plan. Sans prendre 'parti pour lestransformistes, Geoffroy dveloppait des ides dont ceux-cidevaient s'emparer et faire leur profit dans la suite. Aprss'tre ainsi rclam du nom et de l'autorit de GeoffrovSaint-Hilaire, Balzac continue :

    Pntr de ce systme bien avant le's dbats auxquels- il adonn lieu, je-vis que, sous ce rapport,4a socit ressemblait lanature. La socit ne fait-elle pas de l'homme, suivant les milieuxo son action se dploie, autant d'hommes diffrents qu'il y a devarits en zoologie? Les diffrences -entre un soldat, un ouvrier,un administrateur, un avocat, un oisif, , un savant, ., un. hommed'tat,,un commerant, un marin, un pote," un pauvre, un prtre,sont, quoique plus difficiles saisir, aussi considrables que cellesqui distinguent le loup., le lion, l'ne, le corbeau, le requin, le veaumarin, la brebis, etc. ILardonc exist, il existera donc de touttemps des espces sociales, comme il y, a des espces zoologiques. SiBuffon a fait un , magnifique ouvrage en essayant de reprsenterdans un livre l'ensemble de la zoologie/ n'y avait-il pas une uvrede ce genre faire pour la socit ? "

    Cette uvre, Balzac a cru qu'elle tait faire, qu'ellevalait la peine d'tre faite et qu'il tait capable d'en trel'ouvrier. Il s'agissait, non plus simplement de dcrire

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    184 4..LEGRANDl'volution interne d'une individualit psychologique, maissurtout ,de peindre des types reprsentatifs d'- espcessociales dans leur milieu dterminant : tel tait l'objetprincipal de l'uvre entreprise par Balzac. Je ne veux pasdire que le roman psychologique en soit absent. On amaintes fois rpt,' et avec raison, que toutes les formesmodernes du roman se trouvent dans Balzac. Mais sonoriginalit, c'est le roman de murs contemporaines, 'c'estla doctrine de l'influence des milieux, c'est, si vous prfrez,la sociologie introduite dans le roman.

    La Comdie humaine, c'tait un monde crer. Balzactait taill pour une telle besogne. II ne faut pas tretrop dlicat pour crer un monde w1), dit finement AnatoleFrance dans un article crit sur, ou plutt propos deBalzac. Pour y russir, il fallait sapuissance de travail, saconfiance dans le succs, sa fcondit d'invention, sa fougued'excution. Il fallait un gnie dbordant de vie commelui, un Rubens de la littrature. Balzac s'en rendait compte.Il crivait Mme Hanska (l'trangre dont il devint l'poux,aprs en avoir t l'amant) :

    Voulant construire un monument, .durable plus par la masse etpar l'amas des matriaux que par la beaut de l'difice, je suisoblig de tout aborder pour ne pas tre accus d'impuissance *).Pendant vingt annes d'un effrayant labeur; il entasseles moellons de ce prodigieux difice que son imaginationavait rv, lorsqu'il crivait au bas d'une statuette deNapolon : Ce qu'il n'a pu accomplir par l'pe, *je l'a

    ccomplirai par la plume . Il meurt subitement, gant foudroy, laissant une uvre inacheve sans doute, ce quiest d'ailleurs le sort de tout homme ici-bas, mais uniquepar la hardiesse de sa conception, l'normit de- ses assiseset la richesse de son architecture.

    * *\ l) Anatole France, La vie littraire, t. I, p. 151.

    2) Lettres l'trangre : Lettre Ire (Revue de Paris, 1 fvrier 1894,).

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    LE REALISME DANS LE ROMAN FRANAIS 185 .Parmi les apprciations logieuses ou dfavorables misessur l'oeuvre do Ealzac, il est intressant de se demanderquel" fut le sentiment de Sainte-Beuve, qui, tenait, en ce " "' ktemps-l, le sceptre de la critique littraire. Dans les deuxarticles qu'il consacra Balzac, Sainte-Beuve loua l 'habi

    letontJe.romancier faisait. preuve en dessinant les caractres,, si fortement, burins, qu'une fois rencontrs ils nes'oublient plus ; iL eut des phrases et des expressions exquisespour faire sentir les mrites de style de Balzac ; il notal'orientation physiologique de ses peintures. On se figureaisment qu'il- devait parler.de ce dernier point avec quelque complaisance. N'avait-il , pas,- lui aussi, introduit laphysiologie dans la critique littraire ? N'tait-elle passienne cette ide, qu'il louait dans un article sur la Physiologiees Ecrivains de M. E. Deschanel,* de creuser plusavant qu'on n'avait fait encore dans le sens de la critiquehistorique,- et aussi d'y joindre tout ce, que pourrait .fournird'lments ou d'inductions la critique dite naturelle ou phy- .siologique ]) ? M! Brunetire a bien not cette similitudequi rapproche le romancier du critique, cette tendance cheztous deux faire de l'anatomie 2). Mais la descriptiondes milieux, si importante chez Balzac, ne semble pas avoirautant' frapp, ni surtout enthousiasm Sainte-Beuve.Entendons-nous. Je ne veux pas dire que Sainte-Beuve aitsystmatiquement, nglig l'tude des milieux o sont ns,ont grandi, vcu, travaill les crivains. D'abord Sainte-Beuve tait tout l'oppos d'un esprit systmatique. Ensuiteil avait l'intelligence trop ouverte, trop curieuse pour laisser inexplores les influences de race, de pays, de moment.Mais un autre que lui devait bientt surgir, mieux pr- ^\^par pour comprendre et admirer Balzac, parce qu'il pr- -tendait appliquer la critique .littraire cette thorie desmilieux que le romancier avait dveloppe, mais qu'il n'avaitpas applique cependant avec la rigueur qu'un logicien

    1) Sainte-Beuve, Nouveaux Lundis, t. IX.2) Brunetire, Manuel de l'Histoire de la littrature franaise. Sainte-Beuve,

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    186 G. LEGRAND.outrance allait lui imposer. Ce critique novateur, . vousl'avez nomm, c'tait Taine. Il avait publi en 1858 huit ans aprs la mort de Balzac des Essais de critiqueet dhistoire. Il dveloppait dans la prface cette grandeide de la dpendance des parties qu'il allait si copieusementillustrer. II y. a, disait-il, . une anatomie dans l'histoirehumaine, comme dans l'histoire naturelle. Car si, l'ondcompose -un personnage, une nature, un sicle, une civilisation, bref un groupe naturel; quelconque d'vnementshumains, on trouve que toutes ses parties; dpendent' les'unes des autres comme les organes d'une plante ou* d'unanimal. Cette ide inspiratrice- de toutes : ses tudess'bauchait dj dans son Essai sur Tite-Live paru en 1854.Elle devait- se reproduire, plus- compltement appliqueencore, dans la thse sur La Fontaine- (1860) dans YHistoire de la littrature anglaise (1863), dans les. Nouveauxessais de critique et dhistoire (1865) qui contenaient laclbre tude sur Balzac, enfin dans la Philosophie de Vartpublie par fragments de 1865 1881. L'ide de la dpendance dos parties se ralise, d'aprs Taine, dans tout grou

    pement, que ce groupement soit constitu par. les facultsd'un seul individu. ou par les tendances d'une, nation, d'unepoque, d'une civilisation. Dans un peuple, dans unepriode, dans un personnage, lout s'explique par une dominante qui, plongeant dans les bas-fonds lointains, et quelquefois mystrieux du milieu physique et physiologique,s' lve et se ramifie pour- produire un temprament intellectuel, une floraison artistique, une manire d'tre morale,de mme que du germe de la plante sortent successivementles feuilles, les fleurs et les fruits. Ide grandiose et fcondequi n'est fausse que parce qu'elle est vicie par un systma-tisme outrance, par une conception1 dterministe des phnomnes humains.Vous < apercevez de suite quelle ..place devait revenir l'tude des milieux dans une pareille mthode de

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    LE RALISME DANS LE ROMAN FRANAIS 187critique : pourquoi' Balzac nous ; est reprsent par Tainecomme le type du parisien du xixe sicle, Racine commel'homme 'de la cour du- Grand. Roi, La Fontaine comme unchampenois flneur - amoureux de nature et de simplicitdans. un sicle de pompe et d'artifice. Mais il y a eu beaucoup de champenois et beaucoup de courtisans au xvne sicle;iLy a eu beaucoup d'hommes dans la fournaise parisienneau xixe. Cependant l'histoire ne nomme qu'un La Fontaine, -qu'un Racine, , qu'un Balzac. D'autres artistes ont vcudans les mmes conditions de race, de milieu, de moment,qui ont produit d'autres uvres. La mthode de Taine,prcieuse pour, dgager les ligure uj.i'uvsc-^s d'une carrireartistique, d'une poque, d'une civilisation,- laisse -dansl'ombre les notes individuelles et ls caractres secondaires.Elle met en un puissant relief les anju-s matresses qui apparaissent, soutenant toute la structure, dans une littraturecomme dans un- systme gologique. Les accidents luichappent. Taine sans, doute ne les1 nglige pas toujours,mais c'est que,1 inconsciemment peut-tre, il sort parfoisdes entraves de sa thorie, sous le choc d'une motion artistique. Saint c-Bouvo, qui fut, dit-on1), profondmentimpressionmTp la critique do Taine au point- d'en modifier a propre mthode, en a bien marqu le fort et le faible.Voici ce qu'il disait dans un article consacr l'Histoire dela littrature anglaise :

    II reste toujours en dehors, jusqu'ici, chappant toutes lesmailles du filet, si bien tiss qu'il soit, cette chose qui s'appellel'individualit du talent, du gnie. Le savant critique l'attaque etl'investit, comme ferait un ingnieur ; il la cerne, la presse et laresserre, sous prtexte de l'environner de toutes les conditionsextrieures indispensables : ces conditions servent, en effet, l'individualit et l'originalit personnelle,' la provoquent, la sollicitent,la mettent plus, ou moins mme d'agir ou de ragir, mais' sans lacrer. Cette parcelle qu'Horace appelle divine (divinae particulamaurae),et qui l'est du moins dans le sens primitif et naturel, ne s'estpas encore rendue la science, et elle reste inexplique. Ce n'est

    1) Brunetire, L'volution de la posie lyrique-, t. II, p. 135.

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    188 G. LEGRANDpas une raison pour que la science dsarme et renonce son entreprise courageuse ').

    Vous voyez que, sans condamner la mthode de Taine,en l'approuvant au contraire dans son principe, Sainte-Beuve pose cependant quelques rserves. La divergencede leurs manires clate notamment dans un rapprochementignificatif que j'emprunte aux admirables leons deM/Brunetire sur Y volution de la posie lyrique en Franceau XIXe sicle 2). C'est de Balzac prcisment qu'il s'agit.Vous savez- que les mmes : personnages reparaissent d'unroman l'autre de la Comdie humaine, ce qui contribue lier entre elles les diverses parties de l'uvre. Taine nemanque, pas d'en louer Balzac, Sainte-Beuve l'en 'blme : Rien ne nuit plus la curiosit qui nat du nouveau-,crit-il, et ce charme- de l'imprvu qui fait l'attrait duroman.

    II est donc bien vrai qu'entre Taine et Balzac existait uneprofonde similitude de1 mthode, que la mise en valeur dumilieu a t l'une de leurs grandes originalits tous deux,dans la critique et dans1 le roman, et que, par l notamment, ils ont t ralistes.,

    *> Aprs Balzac, le souci de la documentation, l'orientationphysiologique, l'importance du milieu s'affirment, plus oumoins absolus, chez tous les ralistes. Nous les retrouvonschez Flaubert, notamment dans Madame Bovary (1856).Il faut nous "y arrter un instant, puisque Madame Bovaryest le chef-d'uvre du ralisme franais, la question demoralit mise part bien entendu ; car au point de vuemoral, Madame Bovary, de mme d'ailleurs que la plupartdes romans ralistes franais, est un mauvais roman.On sait que- Madame Bovary est l'histoire d'une fille

    1) Sainte-Beuve, Nouveaux Lundis, t. VIII : article sur V Histoire de la littrature anglaise.2) Tome II, pp. 136-137. _

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    LE RALISME DANS LE ROMAN FRANAIS 189de fermier qui, ayant reu une instruction suprieure auxjeunes personnes de sa classe, pouse un veuf, mdecin decampagne, brave homme mais dpourvu d'ides en dehorsde son mtier, tranger, aux jouissances de l'art et auxraffinements du monde. Emma s'ennuie, se dgote de sonmari, aspire une autre vie o ses facults et ses senstrouveront satisfaction. Elle se prcipite dans l'adultre,et, quand son amant l'abandonne, se suicide. Si vous voulez comprendre pourquoi ce roman est un chef-d'uvre, sivous voulez avoir la vision nette, quoiqu'en raccourci, deson admirable agencement, de sa composition parfaite,lisez les pages que M. Brunetire lui consacre dans sonRoman naturaliste :

    II s'est trouv, dit-il, que ce milieu documentaire, nature/btes et gens, tait' le vrai milieu, disons le seul, o pt vivre,et se faonner, et se laisser comme ptrir aux circonstances, unefemme telle qu'Emma Bovary. Essayez, en- effet, de la changer deson milieu. Modifiez un seul des lments qui forment son atmosphre physique et morale ; supprimez un seul des menus faits dontelle subit la raction sans le savoir elle-mme; transformez un seuldes personnages dont l'influence inaperue domine ses rsolutions; vous avez chang tout le roman. Flaubert se- faisait illusionquand il prtendait qu'il n'y avait pas, dans Salamb, une description isole et gratuite , qui n'et sa raison d'tre, et qui ne servt au personnage . Mais il pouvait le dire de Madame Bovary ').

    Je ne dtacherai, ce propos, qu'une page du roman deFlaubert; mais elle suffira, je pense, vous faire apprcierle talent avec lequel Flaubert sait montrer le milieu prsent, vivant, agissant, autour des personnages. Pour lemieux comprendre,- il ne sera pas inutile de rapprocher lascne de Flaubert d'une scne analogue de Stendhal. C'est .un passage de Zola qui me suggre ce rapprochement.

    II y a, dit-il, un pisode clbre, dans le Rouge et le Noir, lascne o Julien, assis un soir ct de Mme de Rnal, sous lesbranches noires d'un arbre, se fait un devoir de lui prendre la main,1) Page 178 de l'tude sur le Naturalisme franais. 7e dition du 'Romanraliste

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    190 G. LEGRAND1pendant qu'elle cause avec Mme Derville. C'est un petit drame muetd'une grande puissance, et Stendhal y a analys merveilleusementles tats d'me de ses deux personnages. Or le milieu n'apparatpas une seule fois... Donnez l'pisode un crivain pour qui lesmilieux existent, et dans la dfaite de cette femme il fera entrer lanuit, avec ses odeurs, avec ses voix, avec ses volupts molles ))'').

    Zola exagre,' comme vous allez le voir; en disant que lemilieu n'apparat pas une- seule fois dans la scne de Stendhal.l et mieux fait de dire qu'il n'est' qu'indiqu, tandisqu'un raliste n'aurait pas manqu dele dcrire, peut-treau dtriment de l'analyse psychologique.Lisons ensemble quelques fragments1 au moins de cettescne*:

    ir(Julien) abrgea beaucoup les leons des enfants, et ensuite,quand la prsence de Mme de Rnal vint le rappeler tout fait aux.soins de sa gloire, il dcida qu'il fallait absolument qu'elle permtce soir-l que sa main restt dans la sienne.Le soleil en baissant, et rapprochant le moment dcisif, fit battrele cur de Julien d'une faon singulire. La nuit vint. IL observa,avec une joie qui lui ta un poids immense de dessus la poitrine,qu'elle serait fort obscure. Le ciel charg de gros nuages, promenspar un vent trs chaud, semblait annoncer une tempte. Les deuxamies se promenrent fort tard. Tout ce qu'elles faisaient ce soir-lsemblait singulier . Julien. Elles jouissaient de ce temps, qui,pour certaines mes dlicates, semble augmenter le plaisir d'aimer.On s'assit enfin, Mme de Rnal ct de< Julien, et Mme Dervilleprs de son amie. Proccup de ce qu'il allait tenter, Julien netrouvait rien dire. La conversation languissait.Serai- e aussi tremblant et malheureux au premier duel qui meviendra? se dit Julien ; car il avait trop de mfiance et de lui et desautres, pour ne pas voir l'tat de son me.Dans sa mortelle angoisse, tous les dangers lui eussent semblprfrables. Que de fois ne dsira-t-il pas voir survenir Mme deRnal quelque affaire qui l'obliget de rentrer la , maison et dequitter le jardin ! La violence que Julien. tait oblig de se fairetait frop forte pour que sa voix ne ft pas profondment altre ;bientt la voix de Mme de Rnal devint tremblante aussi, maisJulien ne s'en aperut point: L'affreux combat que le devoir livrait la timidit tait trop pnible, pour qu'il ft en tat de rien observerors lui-mme.Neuf heures trois quarts venaient de sonner l'horloge du ch-

    1) Les romanciers naturalistes, p. 80.

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    LE RALISME DANS LE ROMAN FRANAIS 191teau, sans qu'il et encore rien os.1 Julien, indign de sa lchet,se dit : Au moment prcis o dix heures sonneront, j'excuterai ceque pendant toute la journe je me suis promis de faire ce soir,ou je monterai chez moi me brler la cervelle ]).

    Et l'analyse psychologique se prolonge, dgage detoutes influences de milieu. Nous savons que la scne sepasse le soir, sous un ciel gros de temptes- et partantobscur. Mais l'impression que cette heure nocturne, ce cielmenaant, ces tnbres ont pu produire sur Julien etMme de - Rnal, le rle que ces lments physiques etexternes ont pu jouer dans ce drame d'amour, Stendhal nes'y arrte qu'un instant. Il n'omet pas d'en parler, mais ille fait avec une extrme sobrit. Il n'y consacre que deuxlignes au dbut : Elles jouissaient de ce temps, qui, pourcertaines , mes dlicates, , semble augmenter le plaisird'aimer , et trois lignes la fin : Elle (Mme de Rnal)coutait avec dlices les gmissements du vent dans l'paisfeuillage du tilleul, et le bruit de quelques gouttes raresqui commenaient tomber sur ses feuilles les plus basses .Lisez maintenant, ou plutt continuons lire ensemblela page clbre o Flaubert raconte la promenade d'EmmaBovary, le soir, dans le jardin.

    La lune toute ronde et couleur de pourpre se levait ras deterre au fond de la prairie. Elle montait vite entre les branches despeupliers qui la cachaient de place en place comme un rideau noir,trou. Puis elle partit clatante de blancheur, dans le ciel videqu'elle clairait, et alors se ralentissant elle laissa tomber sur larivire une grande tache qui faisait une infinit d'toiles ; et cettelueur d'argent semblait s'y tordre jusqu'au fond la manire d'unserpent sans tte couvert d'caills lumineuses. Cela ressemblait quelque monstrueux candlabre d'o- ruisselaient tout du long desgouttes de diamant en fusion. La nuit douce s'talait autour d'eux;des nappes d'ombre emplissaient les feuilles; Emma, les yeux demi-clos, aspirait avec de grands soupirs lvent frais qui soufflait. Ilsne se parlaient-pas trop, perdus qu'ils taient dans l'envahissementde leur rverie. La tendresse des anciens jours leur revenait aucur abondante et silencieuse comme la rivire qui coulait, avec

    1) Stendhal, Le rouge et le noir., IX Une soire la campagne,

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    192 G. LEGRANDautant de noblesse qu'en apportait le parfum des seringas, et projetaitdans leurs souvrenirs des ombres plus dmesures et plusmlancoliques que celles des saules immobiles qui s'allongeaientsur l'herbe. Souvent, quelque bte nocturne, hrisson ou belette, semettant en chasse, drangeait les feuilles ou bien on entendait parmoments une pche mre qui tombait toute seule de l'espalier.

    Ne parlons pas de la prcision et de l'harmonie du stylede Flaubert. Mais quelle distance entre sa magnificence dedescription et la notation discrte de Stendhal Quel flotabondant d'une part, quelle richesse d'images, quelle- plnitude! Et d'autre part, quelle parcimonie dans l'expressionV des choses extrieures !..^v* ' Cette mme facult descriptive- se retrouve dans les

    iN autres uvres de Flaubert. Les tableaux y sont chaquepage, merveilleux d'ampleur, de nettet et de fini,- pas assezfondus quelquefois dans la trame du roman, sentant trop le morceau . C'est l'abus qui commence se faire sentir . Il s'accuse davantage chez les Goncourt, ces amateurspassionns de dcors et de bibelots; La description dumilieu, qui avait sa raison d'tre comme explication de lapsychologie des individus, c'tait la doctrine du ralisme envahit tout le livre la manire d'une vgtation- parasite. En mme temps la documentation, laquelle Balzacdj avait fait la place si large, dont -Flaubert avait pousssi loin le scrupule, la documentation cesse d'tre un moyendont on use pour donner au roman une base solide, unevaleur scientifique, un intrt nouveau et srieux: elledevient une pose et une manie.Et la physiologie enfin, il suffit d'avoir lu quelquespages de critique contemporaine pour savoir quelle dbauche en ont fait les successeurs de Balzac et de Flaubert!Abus do la phvsiolngio cl de la documentation, exagrationo l'importance et de l'influence des milieux, noustrouvons tout cela, tal avec un luxe incomparable, chez'l'auteur des Rougon-Macquart. A ce point de vue, la thorie t la pratique sont chez lui conformes l'une l'autre.Ouvrez son volume de critique, intitul: Le Roman exp-

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    LE RALISME DANS LE ROMAN FRANAIS 193rimenial. Il n'y jure que par Claude -Bernard et par Y Introduction V tude de la mdecine exprimentale. Ce livre, dit-il, d'un savant dont l'autorit est dcisive, va me servir debase solide 1). Et il entreprend de dmontrer que le tempsest venu d'appliquer la mthode exprimentale au .roman.

    Exprimental ~! N'est-ce pas le cas de dire, en repre-naiitTune vieille formule, que, dans ce qualificatif appliquau roman, ce qui est -vrai n'est pas neuf, et ce qui estneuf n'est pas vrai? Je comprends l'expression," si ellesignifie que l'crivain, aprs avoir observ et dml le jeudes passions humaines et le rle des circonstances de tempset de lieu, entreprend de montrer leurs influences rciproques telles qu'elles lui sont apparues dans la' ralit,mais avec cette simplicit et ce relief que donne la reprsentation artistique. Mais cela est-il donc si nouveau qu'ilfaille, pour en parler, employer un vocable inusit? Veut-*on prtendre au contraire qu'il appartient au romancierd'instituer une exprience la manire d'un chimiste, d'unphysiologiste, disons mme d'un conomiste qui, ayantconu une hypothse, prpare, dispose et combine les lments et attend que le rsultat, indpendant de lui, vienneconfirmer ou renverser son ide prconue ? Alors, je necomprends plus. Il m'est impossible de voir une expriencel o le rsultat lui-mme dpend, non de causes trangres l'oprateur, mais de l'oprateur en personne, ce qui estle cas pour le roman. En d'autres termes, il me semble quetout roman est exprimental, si l'on attribue cette dnomination le sens que nous lui avons d'abord donn, moins videmment qu'il ne s'agisse d'un pur roman d'aventures l'crivain arrange les vnements et- joue avec lespassions au- gr de sa- fantaisie: genre faux que Balzac,Stendhal, Mrime avaient dj* expuls dfinitivement; dudomaine littraire. Mais alors, pourquoi faire* tant, detapage avec ces deux mots : roman exprimental ?

    1) Le Roman exprimental^ dit. de 1890, p. 1,

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    194 G. LEGRANDM; Zola aura beau accumuler les phrases.1 Il pourra1

    crire : Le romancier est fait d'un observateur et d'un exprimentateur.L'observateur chez lui donne les faits tels qu'il les a observs, posele point do dpart, tablit le terrain solide sur lequel vont marcherles personnages et se dvelopper les phnomnes. Puis, l 'exprimentateur parat et institue l'exprience, je veux dire fait mouvoirles personnages dans une histoire particulire, pour y montrer quela succession des faits y sera telle que l'exige le dterminisme desphnomnes mis l'tude... En somme, toute l'opration consiste prendre les faits dans la nature, puisa tudier, le mcanisme desfaits, en agissant sur eux par les modifications des circonstanceset des milieux, sans jamais s'carter des lois de la nature ').Je ne vois, pour ma part, que les mots dterminisme et lois de la. nature qui soient .bien intelligibles dans- cepassage. Nous y reviendrons tout l'heure. Mais il nous

    faut auparavant relever dans le mme volume, au coursd'une autre tude, quelques lignes qui, elles, ont au moinsle mrite do la clart. Les voici : Ce mot description- estdevenu impropre. Il est aujourd'hui aussi mauvais que lemot roman, qui ne signifie plus rien, quand- on l'applique

    nos tudes naturalistes. Dcrire n'est plus notre but ; nousvoulons . simplement complter, et dterminer . Et Zola3

    continue, en comparant le romancier naturaliste auistes qui, tudiant- un insecte, , dcrirait . longuement laplante sur laquelle il vit. Il'conclut1:' Je dfinirai donc laescription : un tat du milieu qui dtermine et compltel'homme 2). Vous savez maintenant le pourquoi desreuses -et -interminables descriptions dont s'encombrent lesvolumes de Zola. Lui-mme a eu l'humilit d'en confesser'excs. Aprs avoir vant la mesure observe par Gustave"*' Flaubert,- il crit : Nous autres, pour la plupart, nousr avons. t moins sages, moins quilibrs." La passion de laature nous a souvent emports, et nous avons donn de

    1) Le Roman exprimental, pp. 7 et 8.2) Ibid., pp. 228-229.

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    LE RALISME DANS LE ROMAN FRANAIS 195mauvais exemples,1 par notre exubrance, par nos griseriesdugrandair w1).Habemus- confiientem reum. Les ralistes franais ontabus de la descriptionj Zola lui-mme le reconnat.Encore si leurs descriptions n'avaient que le tort d'tre'interminables - et multiplies ! Mais elles ont souvent > ledfaut beaucoup plus grave d'tre malsaines. Cela, ils ne lereconnaissent pas. Ils revendiquent hautement la libert detout dcrire; le vice aussi bien que la vertu, et comme leurattention est surtout oriente vers le vice, c'est lui qu'ilsdcrivent de prfrence. Qu'on ne leur. parle donc pas d'uneloi morale que devraient - respecter leurs reprsentationsartistiques ! Balzac crivait dans la prface - de Vautrin :"Traiter la question deJa moralit ou de l'immoralit, neserait-ce pas se mettre au-dessous de Prud'homme qui enfait

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    196 G. LEGRANDfin, il les en carte et les en dtourne. Et n'est-ce pasce qu'il fait, lorsque, de toute la puissance de ses dons,il sollicite vers le mal la corruption de notre naturedchue $ Le moraliste et le mdecin ont le droit de dresser- e catalogue des tares et des maladies humaines,- d'enindiquer la gense,- les caractres, les suites. Ils ne sontpas artistes, eux, ils ne s'adressent qu' notre intelligenceet, notre volont. L'artiste, lui, s'adresse l'homme toutentier, et en particulier son imagination, 1 sa sensibilit.'C'est son droit, puisque l'art est par dfinition une reprsentation sensible. Mais ce droit correspond un devoir,qui est de ne pas exciter nos passions mauvaises. Les ralistes franais-: Balzac, Flaubert, les Goncourt, Daudetlui-mme, Zola, Guy de Maupassant, ce dernier plus quetous les autres peut-tre et partant plus dtestable, ontmconnu ce devoir et c'est une des causes de la profondeimmoralit qui distingue la plupart de leurs uvres.9 A II en est une seconde : je veux dire l'influence exorbitante,/ fatale, qu'ils accordent la physiologie et au milieu ext-Heur sur la volont humaine.Balzac, inconsciemment peut-tre, tendait dj au dter- minisme. Sans doute il proclamait son respeetpour lagion f -J'cris, disait-il dans- la prface de la Comdie

    Y humaine, la lueur de deux vrits ternelles, la Religiony et la Monarchie . Mais toute son uvre plonge dans une* atmosphre matrialiste. Ses hros nous apparaissent sub-lk jugus par une passion qu'on dirait irrsistible, produit de. leur temprament ou de leur milieu.Zola, lui, se dclare ouvertement dterministe :

    Sans me risquer formuler des lois, crit-il, j'estime que laquestion d'hrdit . a une -grande influence dans les manifesta-I fions intellectuelles et passionnelles de l'homme. Je donne aussi3 une importance considrable au milieu... .Nous n'en sommes pas ouvoir prouver que le milieu social n'est, lui aussi, que chimiqueh et physique. Il l'est coup sr, ou plutt il est le produit variable'un groupe d'tres vivants, qui, eux, sont absolument soumis -aux

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    LE REALISME DANS LE ROMAN FRANAIS 197lois physiques et chimiques qui' rgissent aussi bien les corps vivantsque les corps bruts -').

    Ds lors, nous verrons qu'on peut agir sur le milieu social, enagissant sur les phnomnes dont on se sera rendu matre chezl'homme. Et c'est l ce qui constitue le roman exprimental : possder e mcanisme des phnomnes chez l'homme, montrer lsrouages des manifestations intellectuelles et sensuelles telles que laphysiologie nous les expliquera, sous les influences de l'hrdit etdes circonstances ambiantes, puis montrer l'homme vivant dans lemilieu social qu'il a produit lui-mme, qu'il modifie tous les jours,et au sein duquel il prouve son tour une transformation continue :). ....Zola, vous le voyez, n'est pas, comme Flaubert, un partisan de l'art pour l'art. L'utilit ne lui semble pas incom-"patible avec la beaut. La description des hommes et deschoses n'est pas son but dernier. " Nous voulons, nous aussi, dit-il encore, tre les matres desphnomnes des lments intellectuels et personnels, pour pouvoirles diriger... Et voil o se trouvent" l'utilit, pratique et la hautemorale de nos uvres naturalistes, qui exprimentent sur l'homme,qui dmontent et remontent pice - pice la machine humaine,

    pour la faire fonctionner sous l'influence des milieux s).- La machine humaine ! Retenons le mot. 11 exprimele fond de la doctrine de Zola.'Tandis que Corneille avait exalt la volont humaine. rappelez- vous les vers clbres-:

    Je suis matre de moi commie de l'univers,Je le suis,jeveux l'tre...les ralistes franais du xixe sicle se sont gnralementefforcs de la dprimer. De la souveraine indiscute ils ontfait une esclave dont la servitude est -l'tat naturel.- Lavolont humaine nous est apparue, travers leurs uvres,issue- tout entire d'un compos de muscles et de nerfs,provenant lui-mme par voie d'hrdit de tempraments

    ' physiologiques et subissant fatalement les influences du1) Le Roman exprimental, pp. 18-19.2) Ibid., pp. 18-19.3) Ibid., pp. 22-23.

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    198 Gf. LEGRAND 'milieu social et chimique. Ils, n'ont pas- compris qu'entrela philosophie cartsienne, qui fait de l'intelligence et dela volont des facults spirituelles pures de toute attachematrielle, et la philosophie matrialiste qui ne voit dansl'homme que des facults sensibles, il y avait1 place pourune doctrine fonde sur le principe scolastiquede- l'unionintime de l'me et du corps, et capable d'inspirer l'artdes uvres i puissantes: et bienfaisantes. La physiologie 'lesa fascins;- elle les a absorbs tout entiers. Ils lui ont vouleur plume, ou plutt ils la lui ont prostitue. Car n'est-cepas prostituer; son talent , d'artiste que' de le faire- perptuellement servir l'excitation des sens et la satisfactionde la bte,1 et l'ont -ils fait assez ? La volupt,1 au sens leplus mauvais du mot, tale ses charmes dans la plupart deleurs livres. Presque tous lui demandent un attrait dont ilsemble que le public franais ne sache plus se passer. Il ya tel- roman le Nabab de Daudet, par -exemple quipourrait aisment tre chaste de la premire la dernire page. Pourquoi a-t-il fallu que l'crivain y intercaltune page o l'on sent le frisson de la chair rvolte ? Lesgrands ralistes anglais et russes," les George Eliott et lesTolsto n'ont pas agi de la sorl,e. Je ne dis pas que leurphilosophie soit spiritualiste. Mais ce qui est certain, c'estqu'ils ne flattent pas de parti pris nos pires instincts. LisezAdam Bede ou Anna Karnine : vous verrez qu'un romanciereut tudier un cas de sduction ou d'adultre sansveiller d'images lubriques chez ses lecteurs. Oui, certes,il le peut ; mais il faut- qu'il le veuille.(A suivre), l V. 4 Gr. Legrand