eco umberto semiologie des messages visuels

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  • 8/10/2019 Eco Umberto Semiologie Des Messages Visuels

    1/42

    Umberto Eco

    Smiologie des messages visuelsIn: Communications, 15, 1970. L'analyse des images. pp. 11-51.

    Citer ce document / Cite this document :

    Eco Umberto. Smiologie des messages visuels. In: Communications, 15, 1970. L'analyse des images. pp. 11-51.

    doi : 10.3406/comm.1970.1213

    http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_1970_num_15_1_1213

    http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/author/auteur_comm_134http://dx.doi.org/10.3406/comm.1970.1213http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_1970_num_15_1_1213http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_1970_num_15_1_1213http://dx.doi.org/10.3406/comm.1970.1213http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/author/auteur_comm_134
  • 8/10/2019 Eco Umberto Semiologie Des Messages Visuels

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    Umberto

    Eco

    Smiologie

    des messages visuels1

    1.

    LES

    CODES

    VISUELS

    1.1. Lgitimit de

    la

    recherche.

    1.1.1. Personne ne met

    en

    doute, au niveau des faits

    visuels,

    l'existence

    de

    phnomnes

    de

    communication; mais

    on

    peut

    douter du

    caractre linguistique

    de ces phnomnes.

    Cependant,

    la contestation,

    raisonnable en

    elle-mme,

    du

    caractre

    linguis

    tique

    es phnomnes

    visuels a souvent conduit refuser

    aux

    faits visuels toute

    valeur de signe, comme

    s'il

    n'y avait de signes qu au niveau de

    la

    communication

    verbale

    (de

    laquelle,

    et

    de laquelle

    exclusivement,

    doit

    s'occuper

    la linguistique).

    Une

    troisime

    solution, essentiellement contradictoire mais

    couramment

    adopte,

    consiste

    dnier

    aux faits

    visuels

    le

    caractre de

    signes

    et

    les interprter cepen

    dant n termes linguistiques.

    Mais si

    la smiologie

    est une discipline autonome, elle l'est justement en

    tant

    qu'elle

    arrive

    mettre en

    forme diffrents

    vnements communicatifs en

    laborant des catgories

    propres

    telles que,

    par

    exemple, celles de code

    et

    de

    message, qui comprennent,

    sans

    s y rduire, les phnomnes dcrits par les

    linguistes comme langue et parole. Naturellement, la smiologie se sert

    des

    rsultats

    de

    la linguistique, celle

    de

    ses

    diffrentes

    branches

    qui s'est dveloppe

    de

    la

    manire

    la

    plus

    rigoureuse. Mais,

    dans

    une

    recherche smiologique,

    il

    faut

    toujours

    considrer

    que

    les phnomnes de communication ne sont

    pas

    tous expli

    cables

    avec

    les

    catgories

    de

    la

    linguistique.

    Une

    tentative pour

    interprter smiologiquement les communications visuelles

    prsente donc

    l'intrt suivant :

    elle permet la smiologie

    de

    mettre

    l'preuve

    ses

    possibilits d indpendance

    par rapport la linguistique.

    Puisqu il

    existe des phnomnes de signification bien plus imprcis que les

    phnomnes

    de communication visuelle proprement

    dits

    (peinture, sculpture,

    1. Ce texte est la

    traduction

    des quatre premiers chapitres de la seconde

    partie,

    iB. Lo

    sguardo

    discreto (Semiologia

    dei messaggi

    visivi)

    ,

    pp. 105-164 de la Strultura

    assente, Milano, Bompiani, 1968.

    Il

    reprend avec quelques complments et modifications

    la

    seconde

    partie,

    B.

    Semiologia

    dei messaggi

    visivi

    ,

    pp.

    97-152,

    d'un ouvrage ant

    rieur : Appunti per una semiologia

    dlie

    comunicazioni

    visive,

    Milano, Bompiani,

    1967.

    (N.D.L.R.)

    il

  • 8/10/2019 Eco Umberto Semiologie Des Messages Visuels

    3/42

    Umberto Eco

    EN

    SOI

    EN RAPPORT

    A

    L'OBJET

    EN RAPPORT

    A

    l interprtant

    Qualisign

    Sin-sign :

    Legisign :

    Icne :

    Indice :

    Symbole :

    Rhme:

    Dici-sign

    Arguments

    :

    dessin,

    signalisation, cinma ou photographie), une smiologie

    des

    communicat

    ions

    isuelles pourra constituer

    un pont

    vers

    la

    dfinition smiologique des

    autres systmes

    culturels (ceux,

    par exemple, qui

    mettent

    en jeu

    des

    ustensiles

    comme

    l'architecture

    ou

    le

    dessin

    industriel).

    1.1.2.

    Si

    nous prenons

    en

    considration

    les

    distinctions

    triadiques

    proposes

    par

    Peirce,

    nous nous apercevons

    qu

    chaque dfinition du signe peut corre

    spondre un phnomne de communication visuelle.

    une

    tache

    de couleur dans un

    tableau abstrait,

    la

    couleur

    d'un

    vtement, etc.

    le portrait de Monna

    Lisa,

    la

    prise directe

    d'un

    vnement

    tlvisuel,

    un signal

    routier.

    une

    convention iconographique, le

    modle

    de

    la croix, le type

    temple plan circulaire

    ...

    le portrait

    de

    Monna

    Lisa, un diagramme, la

    formule

    d'une

    structure...

    une

    flche

    indicatrice, une

    tache

    d eau

    par

    terre...

    le

    panneau de sens

    interdit, la

    croix, une

    convention

    iconographique...

    un signe visuel

    quelconque

    en

    tant

    que

    terme

    d'un nonc possible.

    deux signes visuels

    lis de

    manire

    en faire

    jaillir un

    rapport.

    un syntagme visuel complexe

    qui met

    en

    rapport des signes de diffrents types; par

    exemple

    cet

    ensemble de communications

    routires

    : (puisque) route glissante (donc)

    vitesse

    limite

    60

    km

    .

    Il est facile de comprendre,

    partir de ce

    rapide

    catalogue, comment

    peuvent

    apparatre des combinaisons varies (prvues par Peirce) comme, par exemple,

    un sin-sign

    iconique,

    un legisign iconique, etc.

    Pour

    notre

    recherche,

    les classifications concernant le signe en

    rapport

    avec

    l objet

    proprement

    dit

    apparaissent particulirement intressantes

    et,

    cet

    gard,

    nul ne songera nier

    que

    les symboles visuels

    font

    partie d'un

    langage

    codifi.

    Les

    cas des indices

    et

    des icnes paraissent plus discutables.

    1.1 .3 . Peirce

    observait

    qu un indice est

    quelque

    chose qui

    dirige l'attention

    sur l objet indiqu

    par une impulsion

    aveugle. Indubitablement, quand

    je vois

    une

    tache d eau,

    je

    dduis

    immdiatement de cet indice qu il est tomb de

    l eau,

    de

    mme

    que

    quand

    je vois une

    flche

    de

    signalisation, je

    suis

    port

    me

    diriger

    dans la

    direction

    suggre

    (tant pos,

    naturellement, que

    je suis intress

    par cette communication; dans tous les

    cas,

    je recueille la suggestion de direc

    tion). Toutefois, tout indice

    visuel

    me communique quelque chose,

    travers

    une impulsion

    plus

    ou moins

    aveugle,

    par rapport un systme de conventions

    ou

    un

    systme d'expriences

    apprises.

    De traces sur le terrain,

    je

    conclus

    la

    prsence de

    l animal

    seulement si j ai appris

    poser

    un rapport conventionnalis

    entre

    ce signe

    et

    cet animal. Si les traces sont traces de quelque chose que

    je

    n ai

    jamais vu (et dont on ne m a jamais

    dit

    quelles traces cela laissait),

    je

    ne

    reconnais

    pas

    l'indice comme indice, mais je l'interprte comme un

    accident

    naturel.

    On peut donc

    affirmer

    avec

    une certaine

    assurance

    que

    tous

    les

    phnomnes

    visuels interprtables comme indices

    peuvent

    tre considrs comme des signes

    12

  • 8/10/2019 Eco Umberto Semiologie Des Messages Visuels

    4/42

    Smiologie des messages visuels

    conventionnels.

    Une lumire

    inattendue

    qui

    fait battre mes paupires

    m'amne

    un certain

    comportement

    sous

    le coup d'une

    impulsion aveugle,

    mais

    aucun

    processus de

    semiosis

    ne se

    produit; il s'agit simplement d un

    stimulus

    physique

    (mme un

    animal

    fermerait

    les

    yeux).

    Au

    contraire,

    quand,

    de

    la

    lumire

    rose

    qui se rpand

    dans

    le

    ciel, je conclus

    un imminent lever

    du soleil,

    je rponds

    dj

    la prsence d un signe

    reconnaissable

    par

    apprentissage.

    Le cas

    des signes

    iconiques est

    diffrent et

    plus douteux.

    l.II. Le signe iconique.

    1.11.1. Peirce

    dfinissait les

    icnes comme ces

    signes qui

    ont une certaine

    ressemblance

    native

    avec

    l'objet

    auquel ils se rfrent1. On

    devine en

    quel sens

    il

    entendait la

    ressemblance native

    entre un

    portrait

    et la

    personne peinte;

    quant

    aux diagrammes, par exemple, il affirmait

    que ce sont des

    signes iconiques

    parce

    qu ils

    reproduisent

    la

    forme

    des

    relations

    relles

    auxquelles

    ils

    se

    rfrent.

    La dfinition

    du

    signe

    iconique a

    connu

    une

    certaine fortune

    et

    a

    t reprise

    par

    Morris ( qui on

    doit

    sa

    diffusion

    et

    aussi parce qu elle constitue

    une

    des tentatives

    les plus

    commodes et

    apparemment les plus

    satisfaisantes pour

    dfinir smantiquement une

    image).

    Pour Morris, est

    iconique

    le signe

    qui

    possde

    quelques proprits de Vobjet reprsent, ou, mieux qui a les proprits

    de ses denotata 2 .

    1.11.2.

    Mais

    ici, le

    bon

    sens, qui semble

    d accord

    avec cette

    dfinition,

    est

    trompeur. Nous nous apercevons que, approfondie

    la

    lumire du

    bon

    sens

    lui-mme,

    cette dfinition est une

    pure

    tautologie. Que

    signifie

    le fait de

    dire que

    le portrait de la reine Elisabeth peint par Annigoni

    a

    les mmes proprits

    que

    la

    reine

    Elisabeth? Le

    bon

    sens

    rpond

    :

    il

    a

    la

    mme

    forme

    d'yeux,

    de

    nez,

    de bouche, la mme

    carnation, la

    mme

    couleur de cheveux, la mme stature...

    Mais

    que

    veut dire la mme forme de nez ? Le nez a trois dimensions,

    tandis

    que

    l'image du nez

    en

    a

    deux.

    Le nez,

    observ

    de prs, a des pores

    et

    des protu

    brances minuscules, sa surface

    n'est

    pas lisse, mais

    ingale, la diffrence

    du nez du portrait. Enfin, sa

    base,

    le nez a deux trous, les narines,

    tandis

    que le

    nez

    du

    portrait

    deux

    taches noires qui

    ne

    perforent

    pas

    la toile.

    La reculade du bon sens s'identifie celle de la smiotique morrisienne : Le

    portrait d'une personne est iconique jusqu

    un

    certain point,

    il

    ne l'est pas

    compltement, parce

    que

    la toile peinte n a

    ni

    la

    texture

    de peau,

    ni

    la

    facult

    de parler

    et

    de bouger qu a la personne dont elle est le portrait. Une pellicule

    cinmatographique

    est

    plus

    iconique,

    mais

    elle

    ne

    l'est

    pas

    encore

    compltement.

    Pousse

    l'extrme,

    une vrification de

    ce

    genre ne

    peut

    que

    porter

    Morris

    (et

    le

    bon sens)

    la

    destruction de

    la

    notion :

    Un

    signe compltement iconique

    dnote

    toujours, parce qu il est lui-mme un

    denotatum

    ce qui revient

    dire

    que le

    vrai signe iconique complet de

    la

    Reine Elisabeth n'est pas

    le

    portrait

    d

    Annigoni mais la Reine elle-mme

    (ou

    un ventuel double de

    science

    -fiction).

    Morris lui-mme, dans les

    pages

    suivantes,

    inflchit

    la rigidit de la notion et

    affirme :

    Un

    signe

    iconique, rappelons-le, est le signe semblable, par

    certains

    1. Collected

    papers .

    2.

    Charles

    Morris,

    Signs, language

    and

    behaviour,

    New

    York,

    Prentice

    Hall, 1946.

    Sur Morris,

    voir

    Ferruccio

    Rossi-Landi,

    Charles Morris, Rome, Boccas,

    1953.

    13

  • 8/10/2019 Eco Umberto Semiologie Des Messages Visuels

    5/42

    Umberto Eco

    aspects,

    ce qu il

    dnote.

    Par consquent, l'iconicit est

    une

    question de degr 1.

    Ensuite,

    et

    en se rfrant

    des

    signes iconiques non-visuels, il parle mme

    d onomatopes

    mais

    il

    est clair

    que

    la notion de degr est extrmement lastique

    car la relation

    d'iconicit

    entre

    l onomatope

    italienne

    chicchiricchi

    et

    le

    chant

    du

    coq

    est

    trs

    faible

    pour

    les

    franais,

    pour qui

    le

    signe

    de

    l onomatope

    est

    cocorico

    .

    Le

    problme

    rside tout entier dans le sens donner l'expression

    par

    certains

    aspects

    . Un signe iconique est semblable

    la

    chose par certains aspects.

    Voil une dfinition

    qui

    peut contenter

    le

    bon

    sens, mais pas

    la smiologie.

    1.II.3. Examinons une

    annonce

    publicitaire. Une main tendue me prsente

    un verre d o dborde, mousseuse, la bire qu on vient

    d y verser.

    Sur le verre,

    l'extrieur,

    un mince

    voile de

    bue,

    qui donne

    immdiatement (comme

    indice)

    la sensation de fracheur.

    Il

    est

    difficile

    de ne

    pas

    en

    convenir, ce syntagme visuel est

    un

    signe iconique.

    Et

    pourtant nous voyons

    quelles

    proprits de

    l objet

    dnot

    il

    a.

    Sur

    la

    page,

    il n'y

    a pas de

    bire,

    pas de

    verre,

    pas de

    patine humide et glace. Mais en

    ralit,

    quand je vois

    un

    verre de bire

    (vieille

    question psychologique qui emplit l'histoire

    de

    la philosophie) je perois bire,

    verre

    et fracheur, mais je

    ne les sens pas :

    je

    sens

    au contraire quelques stimuli

    visuels,

    couleurs,

    rapports

    spatiaux,

    inc

    idences de lumire, etc. (donc

    dj

    coordonns dans

    un

    certain champ perceptif),

    et

    je les coordonne

    (dans

    une opration transitive complexe)

    jusqu

    ce

    que

    s'engendre une

    structure perue qui,

    sur

    la base d'expriences acquises,

    provoque

    une srie de synesthsies

    et

    me permet de penser : bire glace dans un verre .

    Il

    en

    est de mme devant

    un

    dessin :

    j prouve

    quelques stimuli

    visuels

    et je les

    coordonne

    en

    structure

    perue.

    Je travaille

    sur

    les

    donnes d'exprience fournies

    par

    le

    dessin

    comme

    je

    travaille

    sur

    les

    donnes d'exprience

    fournies

    par lasensation

    :

    je

    les

    slectionne

    et

    les

    structure

    selon

    des systmes

    d'expectations

    et d'assomptions dus l'exprience prcdente, et donc par

    rapport

    des tech

    niques apprises, c'est--dire

    d'aprs des

    codes.

    Ici, le rapport

    code-message

    ne

    regarde

    pas

    la

    nature du

    signe iconique,

    mais

    la mcanique elle-mme de la per

    ception, qui, la limite, peut

    tre

    considre comme un fait de communication, comme

    un

    processus qui

    s'engendre

    seulement quand,

    par rapport

    un apprentissage,

    on a

    confr une

    signification des stimuli dtermins

    et

    pas

    d'autres

    2.

    On

    pourrait donner

    comme premire

    conclusion

    que : les signes iconiques ne

    possdent

    pas les

    proprits de

    l'objet

    reprsent

    mais

    reproduisent quelques

    conditions

    de

    la

    perception

    commune,

    sur

    la

    base des

    codes

    perceptifs normaux et

    en slectionnant ces stimuli

    qui

    d'autres stimuli tant

    limins

    peuvent me

    permettre

    de

    construire

    une

    structure

    perceptive

    qui

    possde

    par

    rapport

    aux

    codes de l'exprience

    acquise

    la mme

    signification

    que l'exprience

    relle

    dnote

    par

    le signe iconique.

    Apparemment, cette dfinition ne

    devrait

    pas

    branler profondment

    la

    notion

    de signe

    iconique

    ou

    d'image

    comme

    quelque chose qui

    a une ressemblance

    1. Charles Morris,

    op. cit., VII,

    2.

    2.

    Sur

    la nature

    transactionnelle de

    la

    perception cf. Explorations

    in transactional

    psychology, New York

    Univ.

    Press,

    1961;

    La perception,

    P.U.F. 1965. Jean

    Piaget,

    Les

    mcanismes

    perceptifs,

    P.U.F.,

    1961. U.

    Eco,

    Modelli

    e

    strutture

    ,

    in

    //

    Verri,

    20. Sur

    la

    notion

    de

    Signification

    cf.

    J.

    A.

    Greimas,

    Smantique

    structurale,

    Paris,

    Larousse,

    1966,

    p. 6.

    14

  • 8/10/2019 Eco Umberto Semiologie Des Messages Visuels

    6/42

    Smiologie

    des messages visuels

    native avec

    l objet

    rel. Si avoir une

    ressemblance

    native signifie ne

    pas

    tre

    un signe arbitraire mais un signe

    motiv,

    qui tire son sens de la chose reprsente

    et

    non de

    la convention

    reprsentative, dans ce

    cas,

    parler de

    ressemblance

    native

    ou

    de

    signe

    qui

    reproduit

    quelques

    conditions

    de

    la perception

    commune

    devrait

    revenir au mme. L image (dessine ou photographie) serait encore

    quelque

    chose d' enracin dans

    le

    rel

    ,

    un exemple d' expressivit naturelle

    ,

    immanence

    du sens

    la chose1, prsence de la ralit dans

    sa

    significativit

    spontane

    .

    Mais si la notion de signe iconique est mise en doute, c'est prcisment parce

    que

    la smiologie a

    la

    tche de ne s'arrter ni aux apparences ni l'exprience

    commune.

    A

    la

    lumire de

    l'exprience commune, il n'est

    pas

    ncessaire

    de se

    demander

    par rapport

    quels

    mcanismes nous percevons : nous percevons,

    un

    point

    c'est

    tout.

    Pourtant

    la psychologie

    ( propos de

    perception) ou la

    smiol

    ogie

    propos de communication) s'instaurent prcisment au moment o l'on

    veut

    ramener

    l'intelligibilit un processus

    apparemment

    spontan

    .

    C'est

    une donne

    de

    l'exprience commune

    que

    nous

    pouvons

    communiquer

    non

    seulement par des signes verbaux (arbitraires, conventionnels, articuls

    par

    rapport

    des units

    discrtes), mais encore

    travers des signes figuratifs

    (qui

    apparaissent

    naturels et

    motivs,

    lis intimement

    aux

    choses et

    se

    dvelop

    pante long d'une sorte de continuum sensible) : le

    problme

    de la smiologie des

    communications visuelles est

    de

    savoir comment un signe, graphique ou

    photo

    graphique,

    qui n a aucun lment

    matriel en

    commun avec les choses, peut

    apparatre gal

    aux choses. S il n'y a pas

    d'lments matriels

    communs, le

    signe

    figuratif peut communiquer, au moyen de supports trangers, des

    formes

    rela

    tionnelles gales. Mais

    le problme

    est justement de savoir ce que sont

    et

    comment

    sont

    ces relations, et comment elles

    sont communiques.

    Sinon,

    toute

    reconnais

    sance

    e

    motivation

    et

    de

    spontanit donne

    aux

    signes

    iconiques

    se

    transforme

    en une

    sorte de

    consentement

    irrationnel

    un phnomne magique et

    mystr

    ieux,

    inexplicable

    et

    acceptable seulement dans

    un

    esprit de dvotion

    et

    de

    respect,

    par le

    fait mme qu il apparat.

    1.II.4. Pourquoi la reprsentation de la patine glace sur

    le

    verre

    est-elle

    iconique? Parce que, en face du

    phnomne rel, je

    perois sur

    une

    surface

    donne,

    la prsence

    d'une

    couche uniforme

    de matire

    transparente

    qui,

    frappe

    par la

    lumire,

    donne

    des

    reflets argents. Dans le dessin, j ai,

    sur

    une

    surface

    prexistante, une

    patine de matire

    transparente

    qui, dans le contraste

    entre

    1.

    L'image

    n'est pas l'indication d'autre chose qu'elle-mme, mais

    la

    pseudo

    prsence

    de

    ce

    qu'elle-mme contient... Il y a expression

    lorsqu'un

    sens

    est en

    quelque

    sorte

    immanent une chose,

    se dgage

    d'elle directement,

    se

    confond

    avec sa

    forme

    mme... L'expression

    naturelle (le paysage, le visage)

    et l'expression esthtique

    (la

    mlancolie

    du

    hautbois

    wagnrien)

    obissent

    pour

    l'essentiel au

    mme

    mcanisme

    smiologique

    ; le

    sens se dgage

    naturellement

    de l'ensemble

    du

    signifiant, sans

    recours un

    code.

    (Christian Metz, Le Cinma

    : langue ou

    langage?

    in

    Communic

    ations

    .)

    2. La ralit n'est que

    du cinma

    en naturel; Le

    premier

    et

    le principal

    des langages

    humains peut tre

    l'action mme

    ; donc les units minimales de la langue cinmato

    graphique sont

    les divers objets

    rels qui composent un cadrage .

    P. P. Pasolini

    dans

    la

    langue crite de

    l'action , confrence

    prononce

    Pesaro

    en juin 1966 et publie

    dans Nuovi

    argomenti,

    avril-juin

    1966.

    A

    ses

    positions

    nous rpondrons

    plus

    complte

    ment

    n 4.1.

    15

  • 8/10/2019 Eco Umberto Semiologie Des Messages Visuels

    7/42

    Umberto

    Eco

    deux tons

    chromatiques

    diffrents (provoquant

    eux-mmes l'impression de lumi

    nosit incidente), donne des reflets argents. Une certaine

    relation

    se maintient

    entre

    les stimuli,

    gale

    dans

    la ralit et

    dans le dessin,

    mme

    si le support

    matriel

    travers lequel

    est ralise la stimulation est diffrent. Nous pouvons

    dire

    que,

    si

    la

    matire

    de

    la stimulation est change, la relation

    formelle

    ne

    l'est

    pas. Mais mieux rflchir, nous nous apercevons

    que

    cette

    relation formelle

    prsume est

    elle-mme

    assez

    vague.

    Pourquoi la patine

    dessine,

    qui

    n'est

    pas

    frappe par une

    lumire

    incidente, mais

    est

    reprsente comme frappe par une

    lumire

    reprsente, parat-elle donner

    des

    reflets argents?

    Si

    je

    dessine la plume

    sur une

    feuille de papier la

    silhouette

    d'un

    cheval, en

    la rduisant

    une ligne continue et

    lmentaire,

    chacun

    sera

    dispos reconnatre

    dans mon dessin

    un

    cheval

    et pourtant

    l unique proprit

    qu a

    le cheval du dessin

    (une ligne

    noire

    continue) est

    l unique

    proprit

    que

    le vrai cheval

    ri

    a pas. Mon

    dessin consiste en

    un signe

    qui dlimite

    1

    espace dedans = cheval en

    le spa

    rant

    de

    1 espace dehors = non cheval

    ,

    alors

    que

    le cheval ne possde

    pas

    cette

    proprit.

    Dans

    mon dessin

    je

    ri

    ai

    pas

    reproduit

    des

    conditions

    de

    perception,

    puisque

    je perois

    le

    cheval

    d aprs

    une grande

    quantit de stimuli

    dont aucun

    n'est

    comparable

    de prs

    ni

    de loin

    une ligne continue.

    Nous

    dirons

    alors

    que : les signes iconiques

    reproduisent

    quelques conditions

    de

    la perception

    de V objet,

    mais aprs les avoir

    slectionnes selon

    des

    codes de recon

    naissance

    et les avoir

    notes

    selon des

    conventions

    graphiques par lesquelles un

    signe

    arbitrairement

    donn

    dnote

    une condition donne

    de

    la

    perception ou,

    globalement, dnote un peru

    arbitrairement rduit

    une

    reprsentation

    sim

    plifie

    1.

    1.II.5.

    Nous

    slectionnons

    les aspects fondamentaux du

    peru

    d'aprs des

    codes

    de

    reconnaissance

    :

    quand,

    au

    jardin zoologique,

    nous voyons

    de

    loin

    un

    zbre,

    les

    lments

    que

    nous

    reconnaissons immdiatement

    (et

    que

    notre

    mmoire

    retient)

    sont

    les

    rayures,

    et

    non

    la silhouette

    qui

    ressemble vaguement

    celle

    de l'ne ou du mulet.

    Ainsi,

    quand nous dessinons

    un zbre, nous nous proc

    cupons de rendre reconnaissables les rayures, mme si

    la

    forme de l animal est

    approximative et peut, sans

    rayures,

    tre remplace par celle d un cheval. Mais

    supposons

    qu il

    existe une

    communaut africaine

    o

    les

    seuls

    quadrupdes

    connus

    soient

    le

    zbre et

    l'hyne

    et o soient inconnus chevaux, nes,

    mulets :

    pour

    reconnatre le zbre,

    il

    ne

    sera

    pas

    ncessaire

    de percevoir des rayures

    (on

    pourra

    le

    reconnatre de

    nuit,

    comme ombre,

    sans en

    identifier la robe)

    et pour

    dessiner

    un

    zbre,

    il sera

    plus

    important d'insister

    sur la forme du museau

    et

    la longueur

    des

    pattes, pour distinguer

    le quadrupde reprsent de l'hyne (qui a elle aussi

    des

    rayures

    :

    les

    rayures

    ne

    constituent

    donc

    pas

    un

    facteur

    de

    diffrenciation).

    Ainsi,

    mme les codes de reconnaissance

    (comme

    les

    codes

    de la

    perception)

    concernent les

    aspects

    pertinents

    (c est

    le cas

    pour

    tout

    code).

    De la slection

    de ces

    aspects

    dpend la possibilit de reconnaissance du

    signe iconique.

    Mais les

    aspects pertinents

    doivent

    tre communiqus. Il existe donc un code

    iconique qui

    tablit V

    quivalence entre

    un

    certain signe graphique et

    un

    lment

    pertinent

    du

    code de reconnaissance.

    1. Malgr la diffrence des

    positions

    et des objectifs,

    on

    peut trouver nombre d'obser

    vations utilises in Herbert

    Read,

    Education through art, Faber

    &

    Faber, London, 1943.

    De

    mme

    chez Rudolf

    Arnheim,

    Art

    and

    Visual

    Perception,

    University

    of

    California

    Press,

    1954.

    16

  • 8/10/2019 Eco Umberto Semiologie Des Messages Visuels

    8/42

    Smiologie des messages visuels

    Observons un

    enfant de quatre ans :

    il s'allonge

    plat

    ventre sur un guridon

    et, pivotant sur ses hanches, commence

    tourner

    comme

    l'aiguille d'une boussole.

    Il

    dit

    : Je suis

    un

    hlicoptre . De toute faon, de

    la

    forme complexe de

    l hl

    icoptre,

    il

    a

    retenu,

    d aprs

    les

    codes

    de

    reconnaissance

    :

    1)

    l aspect

    fondamental

    par lequel il se distingue

    des

    autres machines

    :

    les pales tournantes; 2) des trois

    pales tournantes,

    il

    a retenu seulement l'image de deux pales

    opposes,

    comme

    structure lmentaire dont la

    transformation

    produit les diffrentes pales; 3)

    des

    deux

    pales, il

    a retenu

    la relation gomtrique fondamentale; une

    ligne

    droite

    pivotant de 360 degrs autour d un

    axe

    central. Ayant acquis cette relation

    de base,

    il

    l a

    reproduite dans et avec son propre corps.

    Je

    lui

    demande

    alors

    de

    dessiner un hlicoptre,

    pensant que,

    puisqu il en

    a

    saisi

    la structure lmentaire,

    il la

    reproduira dans le dessin. Or,

    il

    dessine mala

    droitement

    un

    corps

    central tout autour

    duquel

    il plante

    des

    formes parallli-

    pipdiques, comme

    des

    pieux, en nombre indtermin (il en

    ajoute

    de plus en

    plus)

    et en

    ordre

    dispers comme

    si

    l objet

    tait

    un

    hrisson,

    en

    mme temps

    qu il

    dit

    : Et

    l,

    il

    y

    a

    beaucoup, beaucoup

    d'ailes

    .

    Alors

    qu en

    utilisant son

    corps,

    il

    rduisait l'exprience une structure extrmement simple,

    en

    utilisant son crayon

    il porte l'objet

    une structure trs complexe.

    D un

    ct

    sans aucun doute

    il mimait

    avec, son corps

    mme

    le

    mouvement

    que,

    dans le

    dessin,

    il

    ne parvenait pas mimer

    et

    qu il

    devait donc

    rendre

    en

    fichant

    des

    ailes apparentes; mais il aurait

    pu

    rendre

    ce

    mouvement comme ferait

    un

    adulte,

    par

    exemple

    en dessinant

    des lignes droites s'entrecroisant

    en leur

    milieu, en toile.

    Il

    est de

    fait

    qu il ne peut

    pas

    encore mettre en code (graphique)

    le type

    de

    structure

    qu il est

    parvenu,

    avec son corps, si bien reprsenter

    (puisqu il

    l a

    dj caractris, modlis ).

    Il peroit

    l'hlicoptre,

    en

    labore

    des modles de reconnaissance, mais

    il

    ne sait

    pas

    tablir Vquivalence

    entre

    un

    signe

    graphique conventionalise

    et

    le

    trait

    pertinent

    du

    code

    de

    reconnaissance.

    C'est

    seulement quand

    il

    parvient cette opration (et, cet ge, cela arrive

    pour

    le

    corps humain,

    les

    maisons et

    les automobiles) qu il

    dessine

    d'une manire

    reconnaissable.

    Ses figures

    humaines

    font

    dj partie

    d'une

    langue ; son hli

    coptre, au contraire,

    est

    une

    image

    ambigu qui doit tre relie

    une

    explication

    verbale,

    donnant

    les

    quivalences

    et

    faisant

    office de code

    1.

    1.II.6. Quand

    les

    instruments s'acquirent, alors un certain signe graphique

    dnote

    membre

    infrieur

    , un autre il , etc.

    Il

    n'est

    pas

    utile d'insister sur

    la

    conventionalit de

    ces

    signes

    graphiques,

    mme si, indubitablement, ils parais

    sent

    tructurs

    de

    manire

    homologue

    certaines relations qui

    constituent l objet

    reprsent. Mais, ici

    aussi, il

    convient de ne pas

    confondre relations

    conventionnel-

    lement

    reprsentes

    comme

    telles

    et

    relations

    ontologiques.

    Que

    la

    reprsen

    tation

    chmatique

    du soleil consiste en

    un cercle d'o

    partent des lignes

    suivant

    une symtrie rayonnante, pourrait

    nous faire

    penser

    que

    le

    dessin

    reproduit

    rellement

    la

    structure, le systme de relations

    entre

    le

    soleil

    et

    les rayons de

    lumire qui en

    partent. Mais nous nous apercevons immdiatement

    qu aucune

    doctrine

    physique ne nous permet de reprsenter l'ensemble des

    rayons

    de

    lumire

    mis par le

    soleil

    comme un cercle de

    rayons

    discontinu.

    L image

    convent

    ionnelle (l'abstraction scientifique)

    du

    rayon lumineux isol qui se propage en

    1. Ici

    l'on

    parle d'un

    usage

    rfrentiel

    du

    signe iconique.

    Du

    point de vue esthtique,

    l'hlicoptre

    peut

    tre

    apprci pour

    la

    fracheur,

    l'immdiatet

    avec

    lesquelles

    l'enfant,

    sans possder de code, a

    d inventer

    ses propres

    signes.

    17

  • 8/10/2019 Eco Umberto Semiologie Des Messages Visuels

    9/42

    Umberto

    Eco

    ligne droite domine

    notre

    dessin. La

    convention

    graphique s'exprime dans

    un

    systme de

    relations

    qui ne

    reproduit

    en aucune manire le systme de

    relations

    typique

    d'une

    thorie, qu elle

    soit

    corpusculaire ou ondulatoire, concernant la

    nature de

    la

    lumire.

    Donc,

    au

    maximum,

    la

    reprsentation iconique schmatique

    reproduit certaines des proprits

    d'une autre

    reprsentation schmatique,

    d'une

    image conventionnelle, ici celle

    selon

    laquelle le soleil

    est

    une

    sphre

    de feu d o

    manent

    des lignes de lumire.

    La dfinition

    du

    signe iconique comme tant

    celui qui

    possde certaines

    pro

    prits de

    Vobjet

    reprsent,

    devient donc

    encore plus problmatique. Les proprits

    communes sont-elles les proprits de

    l objet que

    l on voit ou

    celles que

    l'on

    connat? Un enfant dessine le profil

    d'une

    automobile, mais les quatre roues sont

    visibles

    :

    il identifie et reproduit

    les proprits qu il

    connat;

    puis

    il apprend

    mettre

    en code

    ses signes

    et

    reprsente

    l automobile avec deux roues (les deux

    autres, explique-t-il,

    ne se

    voient

    pas) :

    il

    ne

    reproduit alors que

    les

    proprits

    qu il

    voit.

    L'artiste de la Renaissance reproduit les proprits qu il voit, le

    peintre

    cubiste,

    celles

    qu il

    connat

    (mais

    le

    grand

    public

    est

    habitu

    ne

    reconnatre

    que

    celles qu il voit et ne reconnat

    pas

    dans

    le tableau

    celles

    qu il

    connat). Le

    signe

    iconique peut

    donc

    possder, parmi les proprits de l'objet, les proprits

    optiques

    (visibles),

    ontologiques (prsumes) et conventionnelles

    (modlises,

    connues

    comme

    inexistantes

    mais comme dnotant efficacement : ainsi les rayons

    de soleil en baguettes).

    Un

    schma

    graphique reproduit

    les

    proprits relationnelles

    d'un

    schma

    mental.

    1.II.7. La convention

    rgle

    chacune de nos oprations figuratives. Face au dess

    inateur qui reprsente le cheval

    par une

    ligne filiforme

    et

    continue qui n'existe

    pas dans

    la

    nature, l aquarelliste peut s'attacher avant

    tout

    aux

    donnes naturelles

    :

    en

    fait,

    s'il dessine

    une

    maison

    sur

    fond

    de

    ciel, il ne

    circonscrit

    pas

    la

    maison

    dans son

    contour,

    mais rduit

    la diffrence entre

    figure

    et fond

    une diffrence

    de

    couleurs

    et d'intensit

    lumineuse

    (principe mme auquel s'attachaient les

    impressionnistes, qui voyaient dans les diffrences de tons des variations d'intens

    itumineuse). Mais de toutes

    les

    proprits

    relles

    de l objet

    maison et

    de

    l objet ciel , notre peintre choisit au fond

    la moins stable et la

    plus ambigu :

    sa capacit d'absorber

    et de

    reflter

    la

    lumire.

    Et

    que

    la diffrence de ton repro

    duise une diffrence d'absorption de la

    lumire

    par une surface opaque, cela

    dpend

    encore une fois

    d'une

    convention.

    Cette

    constatation est

    valable

    pour

    les

    icnes graphiques comme

    pour

    les icnes photographiques.

    La

    conventionalit

    des

    codes

    imitatifs

    a bien t souligne par Ernest Gombrich

    dans

    Art

    et

    illusion,

    o

    il

    explique,

    par

    exemple,

    ce

    qui advint

    Constable

    lors

    qu'il labora une

    nouvelle technique

    pour rendre la prsence de la lumire dans

    le paysage. Le tableau de Constable, Wivenhoe

    Park,

    a

    t inspir par une

    potique

    de la

    restitution

    scientifique de la

    ralit,

    et il nous

    apparat

    nettement

    photographique , dans sa

    reprsentation

    minutieuse des arbres, des

    animaux,

    de l eau

    et

    de la luminosit

    d'une

    zone de pr frappe par

    le soleil.

    Mais nous

    savons que sa

    technique

    des contrastes tonals, quand

    ses

    uvres furent exposes

    pour la premire

    fois, ne fut pas

    perue comme une

    forme

    d'imitation

    des rapports

    rels de lumire, mais comme

    un

    arbitraire bizarre.

    Constable

    avait

    donc

    invent

    une nouvelle

    manire de mettre en

    code notre perception de la lumire et de

    la transcrire sur la toile.

    Gombrich, pour

    montrer

    la

    conventionalit

    des systmes de notation,

    se

    rfre

    aussi

    deux

    photographies de Wivenhoe

    Park prises

    sous

    le

    mme angle,

    qui

    18

  • 8/10/2019 Eco Umberto Semiologie Des Messages Visuels

    10/42

    Smiologie des messages visuels

    montrent avant tout que le

    parc

    de Constable avait peu de

    choses en

    commun

    avec

    celui de la

    photographie, sans pour autant, en

    seconde

    instance,

    dmontrer

    que

    la photographie constitue le paramtre sur

    lequel

    juger l'iconicit de la

    peinture.

    Que

    transcrivent

    ces

    illustrations?

    Certes,

    il

    n'y

    a

    pas

    un

    centimtre

    carr de la photographie

    qui

    soit, pour

    ainsi dire,

    identique

    l'image

    qu on

    pourrait avoir sur place en

    utilisant

    un miroir.

    On le

    comprend.

    La

    photographie

    en blanc et noir ne donne

    que des

    gradations

    de ton

    dans une gamme trs

    limite de

    gris.

    Aucun de ces tons, videmment, ne

    correspond

    ce que nous

    appelons

    la ralit .

    En

    fait, l'chelle

    dpend

    en grande partie

    du

    choix

    du

    photographe au moment

    du dveloppement du

    tirage,

    et

    c'est

    en

    grande partie

    une

    question de technique. Les deux

    photographies

    reproduites proviennent du

    mme

    ngatif.

    L une tire sur une chelle trs limite de gris, donne un effet de

    lumire voile; l'autre plus contraste, donne

    un

    effet diffrent. Pour cette raison,

    le tirage

    n'est

    mme

    pas

    une pure transcription du ngatif... Si cela est vrai

    pour

    l'humble activit

    d un photographe, ce le sera encore plus

    pour

    celle d un

    artiste.

    En

    fait,

    l'artiste, lui

    non

    plus,

    ne

    peut

    transcrire

    ce

    qu il

    voit

    :

    il ne

    peut

    le traduire

    que

    dans les termes

    propres

    au moyen dont il dispose

    1.

    Naturellement, nous parvenons

    saisir

    une solution

    technique donne comme

    reprsentation

    d'une

    exprience

    naturelle

    parce

    que,

    en

    nous, s'est form un

    systme

  • 8/10/2019 Eco Umberto Semiologie Des Messages Visuels

    11/42

    Umberto Eco

    graphique

    tacitement

    accepte, mais dans d'autres

    cas,

    la reprsentation iconque

    instaure de vritables crampes de la perception, et nous sommes ports

    voir

    les

    choses

    comme les signes iconiques strotyps nous les ont

    depuis

    longtemps

    prsentes.

    Il

    y

    a,

    dans

    le

    livre

    de

    Gombrich,

    de

    mmorables exemples

    de

    cette

    attitude.

    Villard

    de

    Honnecourt, architecte et dessinateur

    du xme

    sicle, affirme

    copier

    un

    lion

    d aprs

    nature

    et

    le reproduit

    suivant

    les conventions hraldiques de

    l poque les plus

    manifestes (sa perception

    du

    lion est conditionne par

    des

    codes

    iconiques en usage

    ;

    ses

    codes

    de transcription iconique ne lui permettent

    pas de transcrire

    autrement la

    perception;

    et il est

    probablement si habitu

    ses

    propres codes

    qu il croit transcrire ses

    propres

    perceptions de la

    manire

    la plus

    convenable).

    Durer

    reprsente

    un

    rhinocros

    couvert

    d caills

    et de

    plaques de

    fer

    imbri

    ques, et cette image du rhinocros se perptue au moins deux

    sicles

    et

    rappar

    at

    ans les livres des

    explorateurs et

    des zoologues (qui

    ont

    vu

    de

    vrais

    rhino

    cros

    et

    savent

    qu ils

    n'ont

    pas d caills

    imbriques,

    mais

    ne

    parviennent

    pas

    reprsenter

    la rugosit

    de

    leur

    peau

    autrement

    que par ces cailles, parce qu ils

    savent

    que, seuls, ces signes graphiques

    conventionalises peuvent

    dnoter

    rhinocros

    pour

    le

    destinataire

    du

    signe

    iconique J).

    Mais

    il

    est vrai que Durer

    et ses imitateurs

    avaient tent de

    reproduire

    d'une

    certaine

    manire certaines conditions de la perception

    que

    la reprsentation

    photographique du rhinocros, au contraire, laisse de ct ; dans le livre de

    Gomb

    rich, le

    dessin

    de

    Durer est

    indubitablement

    risible

    ct de

    la photo d un vrai

    rhinocros, qui apparat avec une peau presque lisse

    et

    uniforme ; mais nous savons

    que, si

    nous examinions

    de prs

    la

    peau d'un rhinocros,

    nous

    y verrions

    un

    tel

    jeu de rugosits

    que,

    sous un certain angle

    (dans le

    cas, par exemple, d un parall

    le

    ntre

    la

    peau

    humaine

    et

    la

    peau

    de rhinocros)

    l'emphatisation graphique

    de Durer, qui

    donne

    aux

    rugosits une

    vidence excessive

    et stylise, serait bien

    plus

    raliste que l'image

    photographique qui, par convention, ne

    rend que

    les

    grandes

    masses

    de

    couleurs et uniformise

    les surfaces opaques en les

    distinguant

    au plus par des diffrences de ton.

    1.II.9. C'est

    dans

    cette continuelle prsence

    des facteurs de

    codification

    qu il

    faut

    donner aux

    phnomnes

    d

    expressivit

    d'un dessin

    leur

    vritable dimens

    ion.

    ne curieuse exprience sur le

    rendu des

    expressions

    du visage

    dans

    les

    comics 2 a donn des rsultats inattendus. D habitude,

    on

    retenait

    que

    les dessins

    des comics (qu on pense aux

    personnages

    de Walt Disney) sacrifiaient nombre

    d'lments ralistes pour mettre au maximum

    l accent sur

    l'expressivit

    ;

    et

    que

    cette

    expressivit

    tait

    immdiate,

    si

    bien

    que

    les

    enfants,

    mieux

    encore

    que

    les

    adultes,

    saisissaient les

    diverses

    expressions de

    joie,

    pouvante, faim, colre,

    hilarit,

    etc.

    par une sorte de participation inne.

    L'exprience

    a montr, au

    contraire, que la capacit de comprhension des expressions

    crot avec

    l ge

    et

    le degr

    de

    maturit et qu elle est rduite chez

    les

    petits

    enfants. Signe

    donc

    que

    dans ce cas

    aussi, la

    capacit de reconnatre l'expression d pouvant ou de cupi

    dittait connexe

    un systme

    d'attentes,

    un code

    culturel, qui se lie,

    sans

    aucun

    doute,

    a des codes de V expressivit labors dans d'autres

    priodes

    des arts figu-

    1.

    Gombrich,

    op. cit.,

    chapitre

    2, Vrit et formule strotype

    .

    2.

    Fabio Canzani,

    a

    Sur

    la

    comprhension

    de certains lments

    du

    langage

    des

    bandes dessines

    par

    des

    sujets gs

    de six

    dix

    ans , Ikon, septembre

    1965.

    20

  • 8/10/2019 Eco Umberto Semiologie Des Messages Visuels

    12/42

    Smiologie des messages visuels

    ratifs.

    En d'autres

    termes,

    si nous portions plus loin

    la

    recherche, nous nous

    apercevrions probablement qu un certain

    lexique du

    grotesque et

    du comique

    s appuie sur

    des

    expriences

    et

    des

    conventions qui remontent

    l'art expres

    sionniste,

    Goya,

    Daumier,

    aux

    caricaturistes

    du

    xixe

    sicle,

    Breughel

    et,

    peut-tre, aux

    dessins

    comiques de la peinture des

    vases

    grecs.

    Le fait

    que

    le signe iconique ne

    soit

    pas

    toujours aussi clairement reprsentatif

    qu on

    le

    croit, est confirm par le

    fait que

    la plupart

    du temps

    il

    est

    accompagn

    d un

    texte

    crit;

    que,

    mme s'il est reconnaissable,

    il

    apparat

    toujours

    charg

    d'une certaine ambigut,

    dnote

    plus

    facilement l'universel

    que le particulier

    (le rhinocros et

    non

    tel rhinocros); et c'est pour

    cela

    qu il demande, dans les

    communications qui visent

    la

    prcision

    rfrentielle,

    tre ancr

    par un

    texte

    verbal l.

    En

    conclusion,

    ce

    qu on pourrait dire

    de

    la

    structure vaut aussi

    pour le signe

    iconique :

    la

    structure

    labore

    ne

    reproduit pas une

    structure

    prsume

    de

    la

    ralit;

    elle

    articule une

    srie

    de

    relations-diffrences

    suivant

    certaines oprations,

    et ces oprations, par

    lesquelles les

    lments

    du

    modle

    sont mis

    en relation

    sont les mmes

    que

    celles

    que

    nous accomplissons quand nous nous mettons

    en

    relation

    dans

    la

    perception des lments pertinents de l objet connu.

    Donc

    le

    signe

    iconique construit

    un modle de relations (entre phnomnes

    gra

    phiques)

    homologue

    au modle de relations perceptives

    que nous

    construisons en

    connaissant

    et en

    nous rappelant

    l'objet. Si

    le signe

    a des proprits

    communes

    avec quelque chose,

    il

    les a non avec

    l'objet, mais

    avec le modle perceptif de

    l objet; il

    est constructible

    et

    reconnaissable d aprs les mmes

    oprations

    ment

    ales que

    nous accomplissons pour

    construire

    le peru, indpendamment

    de

    la

    matire dans laquelle ces

    relations

    se ralisent.

    Toutefois, dans

    la

    vie

    quotidienne,

    nous

    percevons sans

    tre

    conscients

    de

    lamcanique

    de

    la

    perception,

    et,

    donc,

    sans nous poser

    le

    problme

    de

    l'existence

    ou de

    la conventionalit

    de ce que nous

    percevons. De mme,

    devant des signes

    iconiques,

    nous pouvons affirmer qu on peut indiquer comme signe iconique

    ce qui

    nous

    parat

    reproduire

    certaines des

    proprits de

    l'objet reprsent.

    Dans

    ce sens,

    la

    dfinition

    de

    Morris,

    si proche de celle

    du

    bon

    sens,

    est utilisable,

    pourvu qu il

    soit clair qu'on l'utilise comme

    artifice

    de commodit, et non comme une

    dfinition

    scientifique.

    Et pourvu

    que

    cette

    dfinition ne soit pas

    hypostasie

    d'une manire

    qui interdise une analyse ultrieure de reconnatre

    la conventionalit

    des signes

    iconiques.

    l.III.

    La

    possibilit

    de codifier les

    signes

    iconiques.

    i.III.l. Nous

    avons

    vu

    que,

    pour

    raliser des quivalents iconiques de

    la

    perception, certains aspects pertinents

    sont slectionns

    et d'autres pas. Les

    enfants

    de moins

    de

    quatre ans

    ne font pas du torse

    un

    trait

    pertinent et repr

    sentent

    l'homme avec seulement la tte

    et

    les membres.

    La prsence de

    traits

    pertinents dans la langue

    verbale

    permet

    d'en

    faire un

    catalogue

    prcis

    :

    dans une langue, un nombre donn de

    phonmes

    fonctionnent

    et

    le jeu des diffrences

    et

    des

    oppositions signifiantes s'articule par

    rapport

    eux. Tout

    le reste constitue une

    variante

    facultative.

    En

    revanche,

    au niveau

    des codes iconiques, nous sommes

    devant

    un

    panorama plus

    confus. L'univers

    1.

    Cf. Roland

    Barthes,

    Rhtorique

    de

    l'image >, in Communication, n 4.

    21

  • 8/10/2019 Eco Umberto Semiologie Des Messages Visuels

    13/42

    Umberto Eco

    des

    communications

    visuelles

    nous rappelle

    que

    nous

    communiquons

    sur la

    base

    de

    codes

    forts (comme la

    langue)

    et

    mme trs forts (comme l alphabet morse),

    et

    sur la base de

    codes

    faibles, trs peu dfinis, en continuelle mutation, dont les

    variantes facultatives prvalent

    sur

    les

    traits

    pertinents.

    Dans

    la

    langue italienne, le mot cavallo (cheval) peut se prononcer de plu

    sieurs

    faons :

    en aspirant le c initial

    la

    manire

    toscane ou en liminant le

    double

    1 la manire

    vnitienne,

    avec des intonations

    et

    des accents diff

    rents; toutefois,

    il reste

    quelques

    phnomnes

    non redondants

    pour

    dfinir les

    limites dans lesquelles

    une mission

    de son donne

    signifie

    le

    signifi

    cavallo

    et

    au-del desquelles

    l'mission

    de son ne signifie plus

    rien ou

    signifie autre

    chose.

    1. 1 1 1.2. Au contraire, au niveau de

    la reprsentation

    graphique, je dispose d'une

    infinit de

    moyens pour

    reprsenter le

    cheval,

    le suggrer, l voquer par des jeux

    de clair-obscur, le

    symboliser

    par une

    calligraphie,

    le dfinir avec un ralisme

    minutieux

    (et en

    mme temps pour

    dnoter

    un

    cheval

    arrt,

    en course,

    de trois

    quarts,

    rampant,

    la

    tte

    baisse en

    train

    de

    manger

    ou

    de

    boire,

    etc.). Il

    est

    vrai

    que

    verbalement je

    peux aussi

    dire

    cheval

    en cent langues

    et

    dialectes

    diff

    rents; mais alors qu on peut codifier et

    cataloguer les

    langues et

    les

    dialectes,

    si

    nombreux

    soient-ils, les mille

    moyens

    de dessiner

    un

    cheval ne sont pas

    prvisi

    bles;t,

    alors

    que les langues

    et dialectes

    ne sont comprhensibles que

    pour

    qui

    dcide de les apprendre, les

    cent

    codes de

    dessin

    d un cheval peuvent trs bien

    tre

    utiliss par

    celui qui

    n'en

    a jamais eu connaissance

    (mme

    si, au-del d'une

    certaine mesure de codification,

    il n'y a

    plus

    reconnaissance

    de la

    part

    de celui

    qui ne possde

    pas

    le

    code).

    1.111.3.

    D autre

    part, nous

    avons

    vrifi

    que

    les codifications iconiques existent.

    Nous

    nous

    trouvons

    donc

    devant

    le

    fait qu'iZ existe

    de

    grands blocs

    de

    codification

    dont

    il

    est

    cependant

    difficile

    de

    discerner

    les lments

    d'articulation.

    On peut

    pro

    cder par

    preuves

    de

    commutation successives

    pour voir, par exemple, tant

    donn

    le

    profil d'un cheval,

    quels traits

    il faut altrer pour

    que la reconnaissance

    soit

    rduite; mais

    l'opration

    ne nous permet de codifier

    qu un

    secteur infinit

    simal u processus de

    codification iconique, celui

    qui consiste

    rendre

    schma-

    tiquement un

    objet

    par son seul contour linaire K

    Dans

    un

    syntagme iconique, au

    contraire,

    interviennent des

    rapports contextuels

    si complexes quil parat difficile de distinguer parmi eux les

    traits

    pertinents des

    variantes

    facultatives. C'est aussi parce

    que

    la langue procde par

    traits

    discrets,

    qui se

    dcoupent

    dans le

    continuum

    des

    sons

    possibles,

    tandis

    que, dans les

    phno

    mnes iconiques,

    on

    procde souvent par utilisation d'un continuum chromatique

    sans

    solution

    de

    continuit.

    C'est

    le

    cas

    dans

    l'univers

    de

    la

    communication

    visuelle,

    et

    non,

    par

    exemple, dans celui de la

    communication

    musicale o le

    continuum

    sonore

    a t subdivis

    en

    lments

    discrets

    (les

    notes

    de

    la

    gamme);

    et si, dans la musique contemporaine,

    ce

    phnomne ne

    se

    vrifie

    plus (avec le

    retour

    l'utilisation

    de

    continua

    sonores

    o

    se mlent sons

    et

    rumeurs, dans

    un

    magma indiffrenci) ce

    phnomne

    a

    justement

    permis aux

    partisans de l'iden-

    1. Voir les

    exercices de Bruno

    Monari

    [Arte corne mestiere, Bari, Laterza,

    1966)

    sur la

    possibilit de

    reconnatre

    une flche

    travers des simplifications

    successives,

    sur les

    dformations et

    les

    altrations

    d'une marque,

    sur les

    cent quarante manires

    de dessiner

    un

    visage humain

    de

    face

    (ceci

    est

    li

    au

    problme

    abord dans

    le

    paragraphe

    prcdent)

    jusqu

    la limite

    de

    l'identification...

    22

  • 8/10/2019 Eco Umberto Semiologie Des Messages Visuels

    14/42

    Smiologie des messages visuels

    tification communication-langage de poser le problme (soluble mais rel) de la

    communicativit

    de

    la

    musique

    contemporaine

    *.

    1.III.4. Dans le continuum iconique,

    on

    ne distingue

    pas

    d'units discrtes

    susceptibles

    d'tre

    catalogues

    une

    fois

    pour

    toutes, mais

    les

    aspects

    pertinents

    varient

    :

    tantt,

    ce

    sont

    de

    grandes

    reprsentations reconnaissables

    par

    convent

    ion,antt de

    petits

    segments de ligne, points, espaces blancs, comme dans le

    cas d'un profil humain o un point

    reprsente

    l'il, un

    demi-cercle

    la

    paupire.

    Nous savons que, dans

    un

    autre

    contexte,

    le mme type de

    point et

    de demi-

    cercle reprsentent,

    par

    exemple,

    une

    banane

    et un

    ppin de raisin. Les signes

    du

    dessin ne

    sont

    donc

    pas des

    lments

    d'articulation

    correspondant

    aux pho

    nmes

    de

    la

    langue parce

    qu'ils

    n'ont

    pas de valeur

    positionnelle et opposition-

    nelle, ils

    ne signifient

    pas

    par

    le fait d apparatre

    ou

    de ne pas apparatre;

    ils

    peuvent

    assumer

    des signifis

    contextuels

    (point = il, quand

    il

    est

    inscrit

    dans

    une

    amande)

    sans avoir

    de

    signifi en

    propre,

    mais ils

    ne se constituent

    pas en un

    systme de diffrences rigides

    par

    lequel

    un

    point

    signifie pour

    autant qu il

    s oppose

    la

    ligne droite

    ou

    au

    cercle.

    Leur valeur

    positionnelle

    varie selon

    la

    convention

    que

    le type de dessin institue et qui peut varier sous la main d un

    autre

    dessinateur, ou au moment o

    le

    mme

    dessinateur adopte

    un

    autre style.

    On

    se

    trouve

    donc

    devant un tourbillon d'idiolectes, certains reconnaissables par

    beaucoup,

    d'autres

    non, o les variantes facultatives

    deviennent

    traits perti

    nents et vice-versa selon

    le

    code

    dcid

    par

    le

    dessinateur (qui, avec une

    extrme

    libert, met en crise

    un code

    prexistant

    et en

    construit

    un

    nouveau

    avec les

    rsidus du ou des

    autres).

    Voil en

    quel

    sens les

    codes

    iconiques, s'ils existent, sont

    des codes

    faibles.

    Ceci

    nous

    aide

    aussi

    comprendre pourquoi,

    alors

    que quelqu un qui parle

    ne nous parat

    pas

    avoir un don particulier,

    celui qui

    sait dessiner nous

    apparat

    au

    contraire

    dj

    diffrent

    des autres,

    parce

    que

    nous

    reconnaissons en

    lui

    la capacit d'articuler

    des

    lments d un code qui

    n'appartient pas

    tout le

    groupe; et nous lui reconnaissons une autonomie par rapport aux systmes de

    normes,

    que

    nous

    ne

    reconnaissons

    aucun utilisateur du langage,

    sauf

    au pote.

    Celui qui dessine

    apparat

    comme

    un

    technicien de

    l'idiolecte

    parce

    que,

    mme

    s'il use

    d'un

    code

    reconnu

    par

    tous,

    il

    y introduit plus d'originalit, de variantes

    facultatives, d'lments de style individuel, qu un

    sujet

    parlant n'en

    introduit

    dans sa

    propre langue

    2.

    1. II 1.5. Mais si loin qu aille le signe iconique dans

    l'individualisation

    des

    caractristiques

    de style , son

    problme n'est

    pas fondamentalement diffrent

    de

    celui qui se

    pose pour les variantes facultatives et les lments

    d'intonation

    individuelle dans

    le

    langage verbal.

    Dans

    un essai consacr

    l'information

    de style verbal 8

    Ivan Fnagy

    parle

    de ces variations dans l usage du

    code

    au niveau

    phontique.

    Alors

    que

    le

    code

    phonologique prvoit

    une srie de

    traits

    distinctifs

    catalogus

    et distincts discr

    tement les uns des autres, nous savons

    que

    celui qui parle, mme s'il utilise de

    manire reconnaissable les diffrents phonmes prvus

    par

    sa propre langue,

    les

    colore

    pour ainsi dire par

    des

    intonations individuelles,

    que ce

    soit

    ce

    qu on

    1. Cf.

    Nicolas Ruwet,

    Contradictions du

    langage

    sriel.

    2. Cf. Christian

    Metz,

    op. cit., p. 84 : a Quand un langage

    n'existe

    pas

    encore

    abso

    lument,

    il

    faut

    dj

    tre

    un

    peu

    artiste

    pour

    le parler,

    mme

    mal.

    3. L'information de

    style

    verbal

    in Linguistics,

    4.

    23

  • 8/10/2019 Eco Umberto Semiologie Des Messages Visuels

    15/42

    Umberto Eco

    appelle les traits supra-segmentaux ou les variantes facultatives. Les variantes

    facultatives sont de simples gestes d'initiative libre dans l excution des sons

    dtermins (ainsi certaines prononciations individuelles ou rgionales) tandis

    que

    les traits supra-segmentaux sont de purs

    et

    simples

    artifices

    signifiants : telles

    sont,

    par

    exemple,

    les

    intonations

    que

    nous

    donnons

    une

    phrase

    pour

    lui

    faire

    exprimer

    alternativement la crainte, la menace, la peur ou l'encouragement, etc.

    Une injonction du

    type

    Essaie peut avoir

    une intonation

    qui

    signifie

    Attention

    toi, si tu essaies ou, au

    contraire,

    Essaie, courage

    ou encore

    : Je t en

    conjure, fais quelque chose si tu m aimes .

    Il

    est clair qu on ne peut cataloguer

    ces intonations en

    traits

    discrets

    mais

    qu elles appartiennent un continuum

    qui peut aller

    du

    minimum au maximum

    de

    la

    tension, de

    l'pret ou

    de

    la

    tendresse.

    Fnagy

    dfinit

    ces

    elocutions

    comme

    un

    second message qui s ajoute

    au message

    normal

    et qui est prcisment

    dcod

    par

    d'autres moyens,

    comme s'il

    y avait, dans la

    transmission

    de l'information, deux

    types

    d'metteurs

    auxquels

    correspondraient deux types de

    rcepteurs,

    l'un

    capable

    de

    transformer en

    message

    les

    lments

    se

    rapportant

    au

    code

    linguistique, l'autre

    les lments

    d un

    code

    prlinguistique.

    Fnagy

    avance

    l'hypothse qu il

    existe une sorte

    de

    lien naturel entre ces

    traits

    non

    discrets

    et

    ce qu ils veulent communiquer; qu'ils ne sont pas arbi

    traires et

    qu'ils

    forment un continuum

    paradigmatique priv de traits

    discrets;

    et qu'enfin,

    dans l'exercice de ces

    variantes

    dites

    libres , le

    sujet parlant peut

    mettre

    en lumire des qualits de

    style et

    d autonomie d'excution qu il ne peut

    exercer en

    utilisant

    le code

    linguistique. Nous nous apercevons que nous

    sommes

    dans la situation dj esquisse propos des messages

    iconiques.

    Mais

    Fnagy

    observe

    galement

    que

    ces variantes libres sont sujettes des

    processus de codification;

    que

    la

    langue travaille continuellement

    conven-

    tionaliser

    jusqu aux

    messages prlinguistiques; observations qui deviennent

    beaucoup plus claires si l on pense

    la

    manire dont

    une mme intonation

    signifie deux choses diffrentes dans deux

    langues

    diffrentes (la diffrence est

    son apoge lorsqu on

    confronte

    aux langues occidentales des

    langues

    comme le

    chinois, o

    l'intonation

    devient

    prcisment

    un

    trait

    diffrentiel

    fondamental).

    Il

    termine

    en

    citant un passage de Roman Jakobson renvoyant une thorie

    de la

    communication

    (dans

    laquelle la linguistique

    se nourrit

    de la

    thorie de

    l'information)

    la possibilit

    de

    traiter, par rapport

    des

    codes

    rigoureux,

    mmes

    les

    variations prtendues

    libres

    x . Les

    variantes libres,

    qui pourtant paraissent

    si originellement expressives, se structurent donc comme systme de diffrences

    et

    d'oppositions, mme si cette structuration n'est

    pas

    aussi nette

    que

    celles des

    traits

    distinctifs,

    des

    phonmes,

    l'intrieur

    d'une

    langue

    et

    d'une

    culture,

    d un

    groupe qui

    utilise

    la langue

    d'une

    manire

    dtermine; et souvent en particulier

    dans le

    cadre

    de l usage

    priv

    d un

    seul

    sujet

    parlant, o

    les

    carts d avec la

    norme

    s'organisent

    en systmes prvisibles d'vnements. Entre le maximum

    de

    la

    conventionalisation totale

    et

    le minimum d'exercice de l'idiolecte, les

    variations d'intonation

    signifient

    par

    convention

    2.

    Ce qui se produit pour la langue peut se produire pour les codes

    iconiques.

    Ce

    phnomne apparat si

    clairement et avec

    si peu d quivoque qu il donne

    lieu

    des

    classifications

    en

    histoire de

    l'art

    ou en psychologie. Ainsi

    lorsqu'une manire

    1. Jakobson, op. cit., chap. v.

    2.

    Cf.

    l'tude

    de

    L.

    Tracer,

    Paralanguage

    :

    A

    first

    Approximation

    (Dell

    Hyme,

    Language

    in Culture and Society,

    New

    York, Harper and

    Row,

    1964).

    24

  • 8/10/2019 Eco Umberto Semiologie Des Messages Visuels

    16/42

    Smiologie

    des messages visuels

    de tracer des

    lignes est

    dite

    gracieuse

    ,

    une

    autre

    nerveuse

    ,

    une

    autre lgre ,

    une

    autre

    pesante ... Les psychologues se servent

    pour

    certains tests de

    figures

    gomtriques qui communiquent clairement des tensions ou des

    dynamismes

    :

    par exemple

    une

    ligne

    oblique

    sur

    laquelle

    on

    dispose,

    en

    haut

    sur

    le ct, une

    sphre, communique une sensation de

    dsquilibre et

    d instabilit; tandis qu une

    ligne oblique avec une

    sphre

    son pied communique l'arrt, le terme d un

    processus. Si ces diagrammes

    communiquent

    des situations physio-psycholo-

    giques,

    c'est manifestement

    parce

    qu ils reprsentent des tensions relles,

    s'ins-

    pirant de l'exprience de la pesanteur ou de

    phnomnes

    analogues;

    mais

    ils les

    reprsentent

    en

    en

    reconstruisant

    des

    relations

    fondamentales

    sous

    forme de

    modle abstrait. Et,

    si

    lors

    de

    leur premire

    apparition, des

    reprsentations

    de ce

    genre se

    rclament explicitement

    du

    modle

    conceptuel de

    la relation communiq

    uelles acquirent ensuite une valeur conventionnelle

    ;

    dans la igne gracieuse

    ,

    nous ne relevons

    pas le sens

    d'agilit,

    lgret, mouvement sans effort, mais

    la

    grce

    tout

    court

    (si bien

    qu il

    faut ensuite de subtiles phnomnologies

    d'une

    catgorie stylistique de

    ce

    genre

    pour

    retrouver,

    sous

    l habitude,

    la

    convent

    ionalisation,

    l appel

    des

    modles perceptifs

    que le

    signe

    retranscrit l).

    En

    d'autres

    termes, si devant

    une image o une solution

    iconique

    adopte

    est

    particulirement informative, nous pouvons

    recevoir

    l'impression de grce

    ,

    parce

    que,

    l'improviste,

    nous dcouvrons, dans l usage improbable et

    ambigu

    d'un signe

    la

    reconstruction

    et la

    re-proposition d'expriences perceptives

    (d'motions

    imagines comme tension

    entre

    les lignes, des

    lignes mises

    en

    ten

    sion

    qui

    nous rappellent les motions), en

    ralit,

    dans la

    plus

    grande partie

    des

    impressions de grce que

    nous

    pouvons relever dans

    un

    manifeste publicit

    aire,

    ans une icne quelconque, nous lisons la connotation grce dans un

    signe

    qui

    connote directement la catgorie esthtique (non l'motion

    primaire

    qui

    a

    donn

    lieu

    une

    reprsentation

    informative,

    un

    cart

    d avec

    les normes

    iconiques,

    et

    de l

    un

    nouveau

    processus d'assimilation et de conventionalis

    ation .

    ous

    sommes dj un niveau

    rhtorique.

    En

    conclusion

    :

    nous pouvons dire

    que

    dans les signes iconiques prvalent

    ce

    que nous appelons dans le langage verbal des variantes facultatives

    et

    des

    traits

    suprasegmentaux;

    parfois, ils y prvalent de

    manire

    excessive. Mais le

    reconnatre ne revient pas affirmer que les signes iconiques chappent

    la

    codification

    2.

    1.III.6. De

    ce que

    le signe graphique est relationnellement homologue

    au

    modle

    conceptuel,

    on

    pourrait

    conclure que

    le signe iconique est analogique.

    Non

    au

    sens classique du terme analogie

    (comme

    parent secrte

    et

    mystr

    ieuse

    et

    donc

    inanalysable,

    au

    plus

    dfinissable comme une

    sorte

    de

    proportion

    imprcise), mais au sens

    que

    donnent

    au

    terme les constructeurs et

    oprateurs

    de cerveaux

    lectroniques.

    Un calculateur

    peut

    tre

    digital (il procde par choix

    binaires

    et

    dcompose le message

    en

    lments discrets) ou analogique (il

    exprime,

    par

    exemple, une valeur numrique

    par l'intensit

    d un courant,

    en

    tablissant

    1.

    Voir, par exemple,

    Raymond Bayer, Esthtique de la

    grce, Paris, Alcan, 1934.

    2. A propos de l'image filmique, laquelle il reconnat une

    motivation

    et une pr-

    gnance, Metz (op.

    cit.,

    p. 88)

    rappelle

    toutefois

    que

    les

    systmes paradigmatique

    incertaine peuvent tre tudis en

    tant

    que systmes paradigmatique incertaine,

    par

    des

    mthodes

    appropries

    ;

    nous voudrions

    ajouter

    qu'il

    faut

    faire

    cependant

    son

    possible

    pour

    rendre

    le

    paradigme moins incertain.

    25

  • 8/10/2019 Eco Umberto Semiologie Des Messages Visuels

    17/42

    Umberto

    Eco

    une

    quivalence

    rigoureuse

    entre

    deux grandeurs). Les ingnieurs de la

    communic

    ationrfrent

    ne pas parler

    de code

    analogique ,

    comme

    ils

    parlent de code

    digital

    ,

    mais

    de

    modle analogique

    . Ce

    qui suggrerait que

    la codification

    analogique

    s'appuierait

    en

    tout

    cas

    sur

    un

    fait

    iconique

    et

    motiv.

    Cette

    conclusion

    doit

    -elle

    tre considre comme dfinitive?

    A propos de ce

    problme,

    Roland

    Barthes

    observe que :

    la

    rencontre

    de

    l analogique

    et

    du non-analogique

    parat donc indiscutable, au

    sein

    mme

    d'un

    systme unique.

    Cependant,

    la smiologie ne pourra se contenter

    d'une

    descrip

    tionui

    reconnatrait

    le compromis

    sans

    chercher le systmatiser, car

    elle

    ne

    peut

    admettre

    un

    diffrentiel continu, le sens,

    comme

    on le

    verra,

    tant

    art

    iculation (...)

    Il est

    donc probable

    qu au

    niveau de la smiologie la plus gnrale

    (...)

    il s'tablit une sorte de

    circularit

    entre

    l analogique et l'immotiv

    :

    il y a

    double

    tendance (complmentaire) neutraliser

    l'immotiv et

    intellectualiser le

    motiv

    (c'est--dire

    le

    culturaliser). Enfin, certains auteurs

    assurent que le

    digitalisme lui-mme,

    qui

    est

    le

    rival

    de

    l analogique,

    sous sa

    forme

    pure,

    le

    binarisme,

    est lui-mme une

    reproduction

    de certain

    processus physiologiques,

    s'il est vrai

    que

    la vue et l'oue fonctionnent par slections alternatives1.

    Quand

    nous parlons

    de ramener le

    code

    iconique au

    code

    perceptif (que

    la psychologie

    de

    la

    perception cf. Piaget a

    dj

    renvoy des choix binaires) et

    que

    nous

    cherchons

    reconnatre

    aussi au niveau

    des choix

    graphiques

    la

    prsence

    des

    lments pertinents (dont la prsence et

    l'absence causent

    la perte ou l acquisi

    tion

    u signifi, y compris dans les cas o le

    trait

    ne se manifeste comme pertinent

    que

    par

    rapport

    au contexte), nous

    cherchons

    prcisment nous dplacer dans

    cette direction, la seule

    qui

    puisse tre fconde, scientifiquement parlant. La

    seule qui

    nous

    permette d'expliquer ce

    que

    nous

    voyons

    en

    termes

    de quelque chose

    (mais

    qui permet

    l'exprience de la ressemblance iconique).

    1.III.7.

    En l'absence

    d'explications de ce genre,

    on

    peut sans

    doute se

    contenter

    de

    modles

    analogiques :

    s'ils

    ne se structurent pas

    par

    oppositions binaires ils

    s'organisent cependant par degrs (c'est--dire non par oui ou non mais par

    plus ou moins ).

    Ces modles

    pourraient tre appels

    codes

    dans la mesure

    o ils

    ne

    dissolvent

    pas le

    discret dans

    le continu

    (et donc

    n'annulent pas la

    codification) mais fractionnent en degrs ce qui

    apparat

    comme continu. Le

    fractionnement en

    degrs prsuppose, au

    lieu d'une

    opposition entre

    le

    oui

    et

    le non , le

    passage

    du plus

    au

    moins . Par exemple, dans

    un code

    iconolo-

    gique, tant donn

    deux

    conventionalisations X

    et Y

    de

    l'attitude

    de sourire ,

    on

    peut prvoir la forme Y comme

    plus

    accentue

    que

    la forme X, et ce suivant

    une direction

    qui,

    au degr suivant,

    donne

    une

    forme Z trs proche d'une ven

    tuelle

    forme

    Xt

    qui

    reprsenterait

    dj le

    degr

    infrieur

    de

    la

    conventionali

    satione l'attitude

    clat

    de

    rire

    .

    Reste

    savoir si

    une codification de

    ce

    genre

    est

    absolument et

    constitutionnellement non rductible

    la

    codification

    binaire

    (et donc en reprsente

    l'alternative

    constante, l'autre ple d'une oscillation

    continuelle

    entre

    quantitatif

    et

    qualificatif)

    ou bien si,

    au

    moment o

    des

    degrs

    sont

    introduits

    dans le continu,

    ces

    degrs ne fonctionnent pas dj dans la

    mesure o il leur appartient un pouvoir de signification par exclusion rciproque,

    mettant

    donc en place une forme d'opposition

    2.

    1.

    lments de smiologie,

    11.4.3.

    2.

    La

    tendance courante reconnat

    encore

    une opposition insoluble

    entre

    arbitraire

    et motiv. Cf.

    E.

    Stankiewicz,

    Problems of emotive language

    in

    Approaches to

    26

  • 8/10/2019 Eco Umberto Semiologie Des Messages Visuels

    18/42

    Smiologie

    des messages visuels

    Toutefois, cette opposition

    entre

    analogique

    et digital

    pourrait se rsoudre

    en

    dernire

    analyse

    en une victoire

    du motiv.

    C'est prcisment l

    que,

    une fois

    dcompos

    en units

    discrtes

    un quelconque

    continuum

    apparent, surgit la

    question : de quelle manire

    reconnaissons-nous

    les units

    discrtes?

    Rponse :

    d'aprs

    une

    ressemblance

    iconique.

    I.III.8.

    Mais nous avons vu que

    la psychologie,

    dans ses analyses les plus

    dlies des mcanismes

    perceptifs,

    reporte

    la perception

    des

    faits immdiats

    des

    oprations probabilistes complexes, o

    le

    problme

    de

    la digitalisation

    possible

    du

    peru

    se fait jour

    nouveau.

    La science

    musicale

    nous offre ici un excellent

    modle

    de recherche. La musi

    que,

    en tant que grammaire d'une

    tonalit et

    laboration

    d un systme

    de

    nota

    tion,

    dcompose le

    continuum

    des sons en units discrtes

    (tons et

    demi-tons,

    battements du mtronome, noires, rondes, croches, etc). En articulant

    ces

    units

    on

    peut

    faire

    tout discours musical.

    Toutefois, on peut

    objecter

    que, mme si

    la

    notation prescrit, d aprs le

    code

    digital, comment parler

    musicalement,

    le

    message particulier

    (l excution)

    s'enrichit

    de nombreuses

    variantes

    facultatives non codifies. Si bien qu un

    glissando,

    une

    trille,

    un rubato, la

    dure d'un point

    d'orgue,

    sont considrs

    (dans le langage commun comme dans le langage critique) comme des faits

    expressifs.

    Mais, tout

    en

    reconnaissant ces fits expressifs, la science

    de

    la

    notation

    music

    ale ait tout pour codifier aussi les variantes. Elle codifie le tremolo, le

    gliss,

    elle

    ajoute des

    notations comme avec sentiment

    , etc. On

    observera

    que

    ces

    codifications ne

    sont pas

    digitales, mais

    analogiques,

    et

    procdent par degr

    (plus ou

    moins) sommairement dfinis. Mais si elles ne sont pas digitales, elles sont

    digitalismes.

    La

    dmonstration

    ne se fait

    pas

    au niveau de la notation

    pour

    l'interprte

    mais

    au

    niveau

    des

    codes techniques

    de transcription

    et

    de

    repro

    duction du son.

    La

    moindre

    variation

    expressive

    dans les

    sillons que V

    aiguille du gramophone

    parcourt sur

    le disque,

    correspond

    un signe.

    On dira aussi que ces signes ne sont pas

    articulables

    en units discrtes, qu ils

    procdent comme un continuum de

    courbes,

    d'oscillations

    plus

    ou moins accentues.

    Soit. Mais considrons maintenant le processus physique par lequel, de ce cont

    inuum

    de

    courbes

    gradues, on passe travers

    une squence

    de signaux

    lec

    triques

    conscutifs

    et une squence

    de

    vibrations

    acoustiques la rception

    et

    la retransmission du son

    travers

    l'amplificateur.

    Ici, nous

    revenons

    Vordre

    des grandeurs digitalismes.

    Du

    sillon

    l'aiguille

    et

    au

    seuil

    des

    blocs lectroniques

    de

    l'amplificateur,

    leson

    est

    reproduit

    travers

    un

    modle continu;

    mais

    des

    blocs lectroniques

    la

    restitution

    physique du son travers l'amplificateur, le processus devient

    discret.

    La

    technique

    des

    communications tend toujours

    plus, mme dans les

    calcula

    teurs, transfrer en

    codes

    digitaux les modles analogiques. Et

    le

    transfert

    est

    toujours

    possible.

    Semiotics;

    D.

    L.

    Bolinger, Generality,

    Gradience

    and the All-or-None, Aja,

    Mouton,

    1961;

    T. A. Sebeok,

    Coding in

    Evolution

    of

    Signalling Behavior ,

    in

    Beliavioral

    Sciences, 1962; P. Valesio, Iconi e schemi nella struttura

    della

    lingua in Lingua e

    Stile, 3, 1967; Sur les codes visuels

    R.

    Jakobson, On Visual and Auditory Signs

    , in

    Phonetica, II,

    1964;

    About

    Relation between Visual

    and Auditory

    Signs

    , in Models

    for

    the

    perception

    of

    Speech

    and

    Visual

    Form,

    M.I.T.,

    1967.

    27

  • 8/10/2019 Eco Umberto Semiologie Des Messages Visuels

    19/42

    Umberto Eco

    1.III.9. Certes, cette reconnaissance d un

    ultime

    caractre

    discret

    ne regarde

    que les

    ingnieurs; eux-mmes

    sont souvent

    amens, pour diverses

    raisons,

    considrer

    comme

    continu

    un

    phnomne

    qui

    ne se dcompose

    en

    traits discrets

    qu au niveau

    des vnements

    lectroniques qu'ils dterminent sans

    les contrler

    pas

    pas.

    Ceci

    revient

    dire

    encore une

    fois

    que

    la

    reconnaissance d'iconicit

    analogique,

    que

    nous

    sommes

    contraints

    d'oprer

    devant certains

    phnomnes,

    reprsente une solution de commodit qui convient trs bien

    pour dcrire

    ces

    phnomnes

    au niveau de gnralit o nous les percevons

    et

    les utilisons, mais

    non

    au niveau d'analyticit o ils

    se

    produisent et o ils

    doivent

    tre postuls.

    Il faut

    distinguer les solutions pratiques

    des

    affirmations

    thoriques.

    Pour

    laborer des codes

    smiologiques, il

    peut

    suffire

    de reconnatre

    et

    de

    classer des

    procds

    analogiques

    (puisque la

    digitalisation

    se fait un niveau

    qui

    ne concerne

    pas

    l'exprience commune).

    Mais

    cela ne

    signifie

    pas

    que, dans la ralit,

    il

    y ait

    des parents

    natives et

    inanalysables

    *.

    (Certes, le fait que le

    signe

    iconique

    puisse

    tre rduit une structure digitale ne signifie

    pas automatiquement qu il

    soit

    conventionnel.

    Si

    le

    cerveau humain

    fonctionne

    d'une

    faon digitale,

    nous

    avons

    l

    un

    exemple de processus digital

    et

    naturel

    la

    fois. Mais une des raisons

    pour

    lesquelles on est conduit

    refuser

    l'iconique toute

    convention alit

    est

    la

    difficult de le rduire

    un code semblable

    ceux des

    systmes arbitraires. La

    digitalisation

    de l analogique,

    possible

    en principe, rsout cette difficult premire).

    2.

    LE DOGME DE

    LA

    DOUBLE

    ARTICULATION

    2.1. La dangereuse tendance

    dclarer

    inexplicable

    ce

    qu on

    n explique

    pas

    immdiatement

    avec les instruments dont

    on

    dispose, a conduit de curieuses

    positions

    et,

    en

    particulier,

    au

    refus

    de reconnatre

    la

    dignit

    de

    langue

    des

    systmes de

    communication

    qui ne possderaient

    pas

    la double articulation

    reconnue comme constitutive de

    la

    langue verbale. Devant l'vidence de

    codes

    plus faibles que celui de

    la langue,

    on a dcid

    qu il

    ne

    s'agissait

    pas de

    codes;

    et

    devant

    l'existence

    de blocs de

    signifis

    comme

    ceux

    constitus par

    les

    images iconiques

    on a

    pris

    deux

    dcisions

    opposes :

    ou en nier la

    nature

    de

    signe, parce qu'ils paraissaien