Épuration extra-rénale continue en réanimation

35
Épuration extra-rénale continue en réanimation Didier Journois Université René Descartes, Paris. [email protected] Version du 18 septembre 2017

Upload: others

Post on 19-Oct-2021

6 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: Épuration extra-rénale continue en réanimation

Épuration extra-rénale

continue

en réanimation

Didier JournoisUniversité René Descartes, Paris.

[email protected]

Version du 18 septembre 2017

Page 2: Épuration extra-rénale continue en réanimation

1 - Points essentiels• Hémofiltration et hémodialyse diffèrent par leur principe physique qui sont respective-

ment la convection et la diffusion.• L’hémofiltration, contrairement à l’hémodialyse, doit être réalisée en continu du fait

d’une moindre efficacité en terme d’épuration. Rien ne permet toutefois de penser que l’une des deux techniques soit en général meilleure que l’autre. Elle requiert le monitorage de la fraction de filtration associée à une bonne anticoagulation. L’emploi du citrate comme anticoagulant est déconseillé en hémofiltration car les débits sanguins mis en oeuvre doivent être importants conduisant à des apports de citrate majorés.

• L’hémodiafiltration associe un transport diffusif en plus du transport convectif assuré par l’hémofiltration. Elle améliore ses performances en matière d’épuration de petites molécules comme l’urée ou la créatinine mais elle n’est le plus souvent pas nécessaire avec les membranes modernes.

• L’hémodialyse continue est devenue plus efficace et présente les moindres difficultés de mise en oeuvre du fait de l’absence de fraction de filtration et de faibles besoins d’anticoagulation. C’est la méthode de choix pour l’anticoagulation au citrate trisodique qui lui confère alors une efficacité constante sur de longues périodes.

• L’élimination de quantités importantes d’eau et d’électrolytes plasmatiques en hémofil-tration impose une compensation mesurée. Celle-ci est donc maintenant complètement asservie à la machine d’hémofiltration qui contrôle le bilan entrées-sorties.

• Le principal risque des techniques d’hémofiltration repose sur l’induction d’une précharge-dépendance et donc d’une réduction du débit cardiaque favorisant l’IRA. Une sur-veillance hémodynamique continue ainsi que la réalisation d’un bilan hydrique précis permettent de s’en prémunir.

• La correction des troubles hydroélectrolytiques doit rester lente en dépit des possibili-tés de le faire rapidement. Il faut également penser à la supplémentation en électrolytes et nutri-ments épurés par l’hémofiltration (calcium, phosphore, potassium, glucose).

• Le choix du site d’abord vasculaire ainsi que celui des cathéters participe également à la réussite d’une hémofiltration. De fréquents incidents sont imputables à des anomalies de circulation du sang sur les lignes.

• Les techniques d’hémofiltration sont exigeantes en terme d’anticoagulation afin d’éviter la thrombose du circuit. L’héparine reste la molécule de référence. Dans tous les cas, une fraction de filtration de moins de 25 % est indispensable pour limiter l’hémoconcentration au niveau du filtre. L’anticoagulation au citrate est le plus récent et important progrès apporté à ces techniques car elle permet une réelle continuité de clairance au cours du temps.

• L’hémofiltration à haute clairance utilisant de hauts débits convectifs a de très rares indications, notamment dans les états septiques, mais elle reste limitée par sa difficulté de mise en œuvre en pratique courante. Son évaluation est médiocre.

Page 3: Épuration extra-rénale continue en réanimation

3

2 - IntroductionAlors que la tendance actuelle est de mieux en mieux reconnaître les atteintes précoces et non encore cliniquement décelables du parenchyme rénal, laissant entrevoir une meilleure prévention et une prise en charge précoce, les techniques d’épuration extra-rénales (EER) s’attachent à suppléer une fonction rénale devenue insuffisante ou disparue de façon évidente. L’avènement des techniques d’EER a permis de suppléer l’indispensable fonction d’épuration le temps nécessaire pour obtenir sa restauration et permet de poursuivre la réanimation des autres fonctions vitales. Les techniques d’EER ont donc contribué à réduire la mortalité spontanée de nombreuses affections. Cependant leur mise en œuvre introduit de nouvelles causes de morbidité et sans doute également de mortalité. Différentes méthodes peuvent être mises en oeuvre. Les méthodes continues, qui s’imposent progressivement en réanimation, sont envisagées ici {Vanholder, 2011}.

3 - Principes d’épuration En théorie, deux principes physiques peuvent être mis en œuvre : diffusion et convection. Ces principes peuvent être associés et diverses variantes sont possibles. On perçoit la panoplie de configurations qui s’offrent au clinicien et les difficultés pour cerner, si elles existent, les indications précises pour chacune d’entre-elles.

3.1 - La convectionLa convection est le principe physique de l’hémofiltration. Au cours de l’hémofiltration, les échanges se réalisent par transport convectif : seul le gradient de pression hydrostatique détermine le passage des substances et de l’eau, le soluté qui les contient. Ce mode de transport est celui de la filtration glomérulaire physiologique. Il n'y a pas ou très peu de différence de pression osmotique de part et d'autre de la membrane du fait du libre passage des petites molécules qui déterminent la force osmotique. En théorie, toutes les molécules dont la dimension est compatible avec celle des pores de la membrane peuvent fuir du plasma vers l'extérieur. On exprime souvent cette caractéristique par la notion de « point de coupure » : il s'agit du poids moléculaire maximal qu'une membrane laisse passer. Cette mesure est seulement approximative d'une part parce que la limite de perméabilité s'opère graduellement et d'autre part parce qu'elle est variable pour un même poids moléculaire d'une molécule à l'autre. En effet, d'autres facteurs influent sur la capacité de passage des molécules comme leur charge électrique, leur encombrement stérique ou leur degré de liaison protéique. Les industriels parviennent de mieux en mieux à imposer un point de coupure déterminé et précis, de plus en plus élevé, se rapprochant du poids moléculaire de l’albumine. La traditionnelle limite de 30 000 daltons est aujourd’hui dépassée. L’intérêt de cette évolution, davantage que de permettre l’élimination de substances de poids moléculaire intermédiaire, est d’accroitre la surface efficace de la membrane représentée par la surface des pores et donc l’intensité des échanges. La molécule qui passe le mieux par convection est la plus petite et la plus abondante du plasma : l'eau. La solution ainsi obtenue est dénommée « ultrafiltrat » (UF). Souvent utilisé de façon abusive dans le langage courant, il ne faut pas confondre le terme « ultrafiltration » avec la perte de poids imposée au patient qui est, elle, déterminée par la machine d’hémofiltration responsable d’un bilan entrée-sortie négatif. Cette confusion provient des habitués de l’hémodialyse intermittente qui

Page 4: Épuration extra-rénale continue en réanimation

EER en réanimation

4

n’ultrafiltrent que pour assurer une perte de poids et non pour assurer une clairance. Les volumes d’UF en dialyse étant 10 à 20 fois inférieurs on comprend la gravité de la confusion. L’ultrafiltrat contient, à des concentrations très proches de leurs concentrations plasmatiques, toutes les substances ayant la capacité de traverser la membrane. Il en résulte que la clairance des molécules est à peu près égale au débit d'ultrafiltration. Ainsi un débit de 86,4 L/j d’ultrafiltrat correspond à une filtration de seulement 60 mL/min.L'eau n'échappe pas à ce principe et sa clairance est égale au débit d'ultrafiltration, faisant de l'hémofiltration la méthode diurétique la plus puissante qui soit. Cette « diurèse forcée » emporte les petites molécules sans discrimination, qu'elles soient à considérer comme des déchets du métabolisme (que l'on évalue en clinique par la surveillance de l'urée et de la créatinine) ou qu'elles soient des molécules physiologiquement importantes comme les électrolytes ou les acides aminés. Il est évident que même si une déplétion hydrique nette est souhaitée, une large part de cette perte hydrique doit être compensée : ce but est atteint par l'administration de liquide de substitution (ou de « restitution »). Ce remplacement se fait à l'aide d'une solution (spécialité pharmaceutique) dont la composition est proche de celle du plasma en ce qui concerne les électrolytes. Sa composition peut être délibérément modifiée en cas d'anomalie du ionogramme sanguin afin de le corriger.

3.2 - La diffusionLa diffusion est le principe physique de l’hémodialyse. La diffusion entraîne peu de passage de solvant. L'intensité du transport dépend du gradient de concentration, du coefficient de diffusion de la substance considérée et bien entendu de la nature de la membrane et de la surface d'échange qu’elle représente. La vitesse de transfert évolue inversement au poids moléculaire de la substance. En cas de fort gradient de concentration entre le plasma et le dialysat, le transport est maximal. L’hémodialyse peut donc être très efficace pour les petites molécules présentes en grandes concentrations (électro-lytes, urée, etc). Les faibles transferts volumiques de l’hémodialyse font qu'il n'y a pas besoin de substitution. En pratique, en réanimation, la part convective d'une séance d’hémodialyse intermit-tente (HDI) dépasse rarement 2 à 3 litres.

3.3 - Indications respectives des deux principes physiques Les molécules de faible poids moléculaire et présentes en grand nombre comme l'urée, le potassium ou la créatinine sont principalement éliminées par diffusion. Celles dont le poids moléculaire est plus élevé mais dont la taille reste inférieure à celle des pores de la membrane, telle la myoglobine ou l’IL-1ß, et qui se trouvent en relativement faible nombre dans le soluté sont mieux éliminées par convection. Sur le plan théorique, les deux techniques sont donc complémentaires et le choix de l'une ou de l'autre devrait dépendre de ce que l'on souhaite éliminer. Cependant, les déterminants de ce choix ne sont pas totalement résolus, de nombreux indices reflétant la qualité de l'épuration extrarénale se sont imposés, l'urémie et la créatininémie et leurs variations restent classiques dans le cadre de la suppléance rénale chronique et ont été complétées plus récemment par la notion de « dose de dialyse ». On peut toutefois penser que les buts à atteindre lors des situations d'IRA, où la défaillance rénale n'est que l'une des composantes du tableau clinique, sont différents de ceux d’une prise en charge de l’insuffisance rénale chronique. Au niveau de l’efficacité, les deux techniques permettent d’atteindre les objectifs usuels de clairance à condition d’une utilisation continue. Seule l’hémodialyse intermittente, intrinsèquement 5 à 6 fois

Page 5: Épuration extra-rénale continue en réanimation

EER en réanimation

5

plus puissante, employée avec des gradients importants, permet de réduire la durée des séances. Néanmoins, les 10 dernières années ont été marquées par l’adoption quasi-unanime des techniques continues, qu’elles soient convectives ou diffusives {Vanholder, 2011}. Cette transition repose probablement sur la tolérance parfaite de ces techniques appliquées en continu et sur la possibilité ainsi offerte de répartir sur l’ensemble de la journée les apports et les pertes. L’interaction avec les traitements administrés devant exercer un effet constant (antibiotiques par exemple) est probable-ment également plus facile à maitriser. En outre il apparait progressivement des preuves d’une moindre atteinte rénale secondaire au traitement lorsque ces traitements doux et continus sont préférés aux méthodes intermittentes {Bell, 2007}.En pratique et du fait de l’évolution des membranes utilisées les distinctions entre convection et diffusion s’estompent. En effet les membranes de très forte perméabilité, qui pourraient être efficacement employées en hémofiltration, permettent d’atteindre des clairances extrêmement performantes lors de leur utilisation en dialyse continue car des mouvements convectifs locaux s’y associent.

3.4 - La rétrofiltrationEn hémodialyse continue, sur une membrane à très haute perméabilité, le dialysat circule toujours à contre-courant du sang afin d’optimiser les échanges le long du filtre. Il en résulte que la pression hydrostatique sanguine est supérieure à celle du dialysat à l’entrée du circuit sanguin. De façon symétrique, à l’entrée du dialysat, sa pression hydrostatique est supérieure à celle du sang (qui a diminué par rapport à l’entrée “artérielle” du fait des résistances à l’écoulement le long du filtre). Il en résulte l’existence de 2 gradients de pression : un premier qui ultrafiltre le plasma vers le dialysat à l’entrée artérielle et un second qui ultrafiltre le dialysat vers le plasma à la sortie veineuse. Ce double transport est nommé rétrofiltration. Cette propriété est capable d’assurer une épuration de molécules de taille moyenne alors que le transport est supposé être purement diffusif.

3.5 - L'adsorptionLes matériaux employés pour fabriquer les membranes d’EER sont susceptibles de lier certaines substances présentes dans le plasma. Compte tenu des surfaces employées dans le contexte de l’EER,

Page 6: Épuration extra-rénale continue en réanimation

EER en réanimation

6

qui visent à être les plus faibles possibles pour améliorer la tolérance biologique et réduire l’activation de la coagulation, cette propriété ne peut être qu’accessoire si l’on souhaite activement éliminer une substance donnée du plasma. Toutefois certains ont proposé d’utiliser préférentiellement les membranes dotées de cet effet secondaire dans le cadre des syndromes septiques afin de réduire la concentration plasmatique de telle ou telle cytokine. Les résultats cliniques n’ont pas été en faveur de cette hypothèse telle qu’elle a été mise en œuvre. En revanche les mécanismes d’adsorption sont susceptibles de réduire la concentration plasmatique de médicaments {Tian, 2008}. Pour cette raison, il apparaît raisonnable en clinique de privilégier les membranes dépourvues d’importantes capacités adsorbantes.

4 - Techniques d’épuration continueLes méthodes artério-veineuses (CAVH, CAVHD, CAVHDF) qui utilisaient la pression artérielle comme force motrice, ne sont plus utilisées en situations cliniques communes. On utilise actuelle-ment exclusivement des techniques veino-veineuses : le sang est prélevé par une voie du cathéter et retourne au patient par une seconde voie du même cathéter ou bien par un autre accès vasculaire veineux. Le circuit, doté de tubulures en matière plastique, en général du polychlorure de vinyle (PVC) aspire à l’aide d’une pompe à galets le sang issu d’un cathéter veineux de gros calibre. Au passage de la pompe, cette dépression est transformée en une pression positive qui propulse le sang dans le filtre au sein des fibres capillaires où les échanges se réalisent. Plusieurs combinaisons des deux principes d’épuration fondamentaux peuvent être envisagées. Elles requièrent des montages différents des lignes sanguines et des modalités opératoires distinctes. Certains moniteurs permettent de passer de l’une à l’autre avec un minimum de gestes associés à un re-paramétrage du tableau de commande logiciel.

Page 7: Épuration extra-rénale continue en réanimation

EER en réanimation

7

Figure 1 : Montage d'une hémodiafiltration veino-veineuse (CVVHDF : Continuous Veno-Venous Hemodiafiltration). Le sang est aspiré depuis le cathéter veineux par une pompe, reçoit une solution anticoagulante puis traverse l'hémofiltre où il est ultrafiltré. À sa sortie, il est recueilli sur un filtre veineux destiné à éviter les embolies cruoriques ou gazeuses. Un dispositif de sécurité (électroclamp) est inséré à ce niveau. Le sang est retourné au patient par un autre cathéter ou par l'autre voie d'un cathéter à double lumière. De l'autre côté de la membrane, l'ultrafiltrat produit se mélange avec le liquide de dialyse (dialysat) qui est entraîné par une seconde pompe.

Le circuit sanguin et son anticoagulation constituent la partie invariable du circuit. Ce circuit sanguin est doté de dispositifs destinés à en accroître la sécurité d’emploi : électro-clamp automatique et détecteurs de niveau liquide. Dans la mesure où des thrombi ont pu se former dans les zones de faible débit sanguin, en cas d’hémoconcentration importante ou de défaut d’anticoagulation, il est important de disposer un filtre récupérateur en série sur le circuit. Il sert également de piège à air et permet donc d’éviter les embolies cruoriques ou gazeuses. En outre un électro-clamp dirigé par le moniteur d’épuration permet de clamper la ligne en cas d’anomalie décelée sur le circuit telle qu’une variation importante de pression sanguine ou le passage d’une bulle d’air dans le flux sanguin.À côté de la pompe à sang, une deuxième pompe assure la circulation du dialysat (en CVVHD ou en CVVHDF) ou du liquide de restitution (en CVVH ou en CVVHDF) qui est alors connecté dans le circuit sanguin avant le filtre (prédilution) ou après le filtre (postdilution) (Figure 1).

4.1 - L’hémofiltrationLa caractéristique essentielle de l’hémofiltration est de nécessiter un important débit sanguin. La clairance est obtenue par l’élimination d’un ultrafiltrat lequel doit en conséquence être abondant. Il en résulte une hémoconcentration le long du filtre. Les premiers centimètres sont les plus efficaces pour la génération de l’ultrafiltrat car la pression hydrostatique y est encore élevée alors que la pression oncotique ne s’est pas encore accrue (Figure 2).

Page 8: Épuration extra-rénale continue en réanimation

EER en réanimation

8

Figure 2 : Évolution des pressions hydrostatiques et oncotiques au long d'un hémofiltre. La pression hydrostatique (Pi à l’entrée et Po à la sortie) s'épuise progressivement par perte de charge alors que la pression oncotique (πi à l’entrée et πo à la sortie) s'accroît du fait de l'hémoconcentration. Le point de croisement des deux doit être évité : il correspond à un espace mort.

La partie terminale du filtre est, au contraire, d’une moindre efficacité car le gradient entre les pressions hydrostatique et oncotique est réduit. Les industriels ont déterminé dans les années 90 la longueur optimale des filtres. Néanmoins la portion terminale, dite veineuse, doit bénéficier d’une surveillance clinique car c’est à cet endroit que se constituent les thromboses du fait conjoint de l’hémoconcentration et de l’activation de la coagulation. On comprend qu’éviter la perte du circuit en hémofiltration requiert à la fois une anticoagulation efficace et la persistance au cours du temps de valeurs modérées d’hémoconcentration. Cette technique demande une anticoagulation adaptée en continu.

4.1.1 - La fraction de filtrationLe degré d’hémoconcentration est représenté par le rapport entre le débit d’ultrafiltration et le débit sanguin, qu’on appelle aussi la fraction (ou le ratio) de filtration. Pour en limiter l’importance et diminuer ainsi le risque d’obstruction du filtre, celle-ci doit être maintenue inférieure à environ 25%. Le réflexe qui consiste à réduire le débit sanguin devant un début de thrombose de filtre avec augmentation des pressions sur la machine est à prohiber car il aggrave le phénomène et précipite le circuit vers l’obstruction dès lors que la quantité filtrée n’est pas, elle aussi, réduite. Au contraire, il faudra tenter d’optimiser la fraction de filtration pour limiter l’hypercoagulabilité en diminuant voire en arrêtant l’ultrafiltration, le temps de résoudre le problème survenu sur le circuit sanguin.La formule suivante exprime la fraction de filtration en fonction de la pré- et de la postdilution :

Page 9: Épuration extra-rénale continue en réanimation

EER en réanimation

9

Avec FF = fraction de filtration, Pre = prédilution (mL/h), Post = postdilution (mL/h), PP = Perte patient (mL/h), Qs = débit sanguin (mL/min).Éviter une fraction de filtration trop importante nécessite donc soit d’obtenir un débit sanguin important, repoussant le problème au maintien de la circulation dans un cathéter efficace au cours du temps, soit de consentir une réduction de clairance, soit d’améliorer la rhéologie du sang dans l’hémofiltre en instituant un certain degré de prédilution. Dans de rares situations cette formule s’avère insuffisante en particulier quand l’hématocrite (Hte) est l’objet d’importantes variations ou de valeurs extrêmes non corrigées (anémie sévère, polyglobulie, cardiopathie congénitale, etc). En effet ce n’est pas le débit de sang qui est ultrafiltré mais le débit du plasma qu’il contient et Qs devrait être remplacé par le débit plasmatique (Qp) selon la formule suivante :

L’expression de la fraction de filtration devient alors la suivante :

Cette dernière approche est sans doute plus rigoureuse mais est rarement nécessaire et sa formule plus complexe risque d’en dissuader l’usage. En pratique il convient de toujours employer la même méthode pour que les valeurs observées puissent être comparées.

4.1.2 - Pré- et postdilution Au plan pratique, la solution de substitution peut être administrée en amont de l'hémofiltre, réalisant la technique dite de « prédilution ». L'avantage de la prédilution est de réduire la concentration des facteurs humoraux et cellulaires de la coagulation au moment de leur passage sur l'hémofiltre et d'améliorer la rhéologie du sang. Il s'agit donc d'une technique « antithrombotique ». La clairance de toute substance est réduite avec la prédilution tel que l’évoque la formule suivante :

Avec : pre = prédilution (mL/h), post = postdilution (mL/h), pp = perte patient (mL/h), Qs = débit sanguin (mL/min)

On voit que la prédilution réduit la clairance de façon hyperbolique, donc vite au début et moins vite ensuite. Il n’y a donc aucun intérêt à adopter des régimes du type 50% / 50% de pré- / post-dilution mais plutôt à l’introduire, si nécessaire, en la plafonnant autour de 1000 mL/h. De même, à l’analyse de cette formule on comprend que la réduction de clairance induite pas la prédilution est d’autant

Page 10: Épuration extra-rénale continue en réanimation

EER en réanimation

10

plus importante que le débit sanguin est faible et que la prédilution est importante. Il faudra donc lorsque le débit sanguin est déjà faible ne pas introduire de prédilution. Enfin, la prédilution augmente le volume d'UF de façon artificielle et accroît le coût de la technique d'épuration. La réduction de clairance obtenue avec une prédilution doit être prise en considération {Brunet, 1999}. Ceci justifie de faire la différence entre une hémofiltration à haut volume réalisée en prédilution d’une hémofiltration à haute clairance, réalisée en postdilution, dont le débit d’ultrafiltration peut être moindre. Enfin la prédilution modifie l’élimination des médicaments de deux façons opposées : en réduisant la clairance et en accroissant la fraction libre des agents liés aux protides.

4.2 - L’hémodialyse continueAlors que l’hémodialyse est plutôt connue pour son implémentation intermittente sa mise en oeuvre en continu est plus récente. Techniquement rien ne s’y opposait mais il est vrai que les techniques convectives, difficiles à employer de façon intermittente, ont au début occupé tout le terrain des thérapies continues. D’ailleurs le vocable Nord-Américain de “CRRT” (Continuous Renal Replace-ment Therapy) désigne de façon implicite les méthodes d’hémofiltration et d’hémodiafiltration continue. En l’absence de supériorité évidente du transport convectif, l’hémodialyse continue est de plus en plus souvent préférée du fait de sa facilité de mise en œuvre. Le développement de nouvelles membranes à très haute perméabilité a largement contribué à donner à l’hémodialyse continue une place croissante en réanimation. D’abord parce que la fraction de filtration à zéro contribue à allonger la durée de vie des filtres mais aussi parce qu’une dialyse performante permet de s’affranchir de la plupart des difficultés liées à la nécessité de maintenir un débit sanguin élevé pendant plusieurs jours. Enfin, nécessitant des débits sanguins modérés, l’hémodialyse requiert peu d’anticoagulation régionale lorsque celle-ci est pratiquée au citrate. Il en résulte une réduction importante du risque d’accumulation de cet anticoagulant.

4.3 - L'hémodiafiltrationL’hémodiafiltration (CVVHDF : continuous venovenous hemo dia filtration) correspond à l’associa-tion des deux méthodes diffusive et convective : un liquide de dialyse circule à contre-courant dans la chambre d’ultrafiltrat qui recueille le plasma ultrafiltré par différence de pression hydrostatique. Cette méthode requiert une assistance du matériel de façon à évaluer la valeur précise de la part convective qui seule doit être restituée au patient. Elle a été proposée à une époque où les perfor-mances épuratives des membranes étaient médiocres, justifiant l’association de deux principes épuratifs complémentaires. En réalité on n’observe pas d’effet additif, encore moins synergique entre les deux méthodes. La clairance obtenue est inférieure à la somme des deux clairances (mais supérieure à chacune d’elles prise isolément). L’hémodiafiltration reste très employée en France, sans doute par habitude, mais elle pourrait facilement être quasiment abandonnée pour n’être réservée qu’aux rares situations où une clairance importante doit être obtenue à partir d’un faible débit sanguin obligatoire comme en pédiatrie ou chez l’adulte dont le cathéter ne peut être changé et dysfonctionne de façon importante. Une autre raison pour mettre de côté cette technique est la variabilité importante de sa performance épurative au cours du temps et d’un patient à l’autre, obligeant à pratiquer de fréquents dosages pour se mettre à l’abri des sous- et sur- dosages médica-menteux. Le bon sens, comme les calculs mathématiques, et comme divers travaux cliniques, étayent

Page 11: Épuration extra-rénale continue en réanimation

EER en réanimation

11

le fait qu’il est optimal d’associer les deux transports dans des proportions équivalentes {Pallone, 1989} {Brunet, 1999}.

5 - Aspects matériels

5.1 - Les membranesLes membranes d’EER adoptent aujourd’hui le principe des capillaires. Environ 20 000 microfibres dont la lumière interne est de l’ordre de 220 µm et disposées en parallèle conduisent le sang de l’extrémité dite « artérielle » à l’extrémité dite « veineuse ». Les échanges se font entre cette importante surface (de l’ordre de 1 à 2 m2) et le compartiment extérieur qui recueille l’ultrafiltrat et/ou fait circuler le dialysat. Au cours des 30 dernières années les membranes synthétiques se sont imposées : polysulfone, polyméthacrylate de méthyle (PMMA), polyamide, polyacrylonitrile (PAN) étant les principaux matériaux employés. Leur biotolérance a été accrue et leurs caractéristiques physiques sont plus proches de l’objectif d’une filtration sélective qu’autrefois (Figure 3).

Figure 3 : Structure interne d'un hémofiltration de type "capillaire". L'entrée "artérielle" (A) et la sortie veineuse (V) communiquent avec l'intérieur des fibres capillaires creuses. L'ultrafiltration (UF) qui se réalise le long de ces fibres aboutit à la formation de liquide drainé autour des fibres et recueilli à l'extérieur par l'orifice latéral.

Un traitement de surface est aujourd’hui fréquent. Il s’agit souvent d’un revêtement d’héparine de façon à réduire les besoins d’anticoagulant du circuit. La perméabilité des membranes les plus récentes a été accrue et leur sélectivité améliorée. La notion usuelle de « point de coupure », en général autour de 30 000 daltons, reste une réalité mais, alors qu’avec les premières membranes des molécules de poids moléculaire légèrement inférieur au point de coupure étaient éliminées, leur probabilité de l’être est aujourd’hui diminuée. Il en résulte que les membranes dites de très haute perméabilité (Super High Flux) permettent un transport convectif important pour des surfaces et donc des débits sanguins moindres. Employées en transport diffusif ces membranes permettent des échanges qui n’étaient possibles autrefois qu’avec de très forts débits de dialyse et de sang. Ainsi les principaux progrès réalisés par les fabricants de membranes permettent d’améliorer les clairances avec de faibles débits sanguins. Cet apport est capital lors des thérapies continues de réanimation pendant lesquelles il est difficile de garantir un excellent débit sanguin en continu.

Page 12: Épuration extra-rénale continue en réanimation

EER en réanimation

12

5.2 - L'abord vasculaire et cathétersLa mise en œuvre de l'épuration extrarénale requiert la pose d'un accès vasculaire adapté. Plus encore, sa réussite en dépend car le cathéter est reconnu comme la principale cause de mauvais fonctionne-ment d’une EER {Baldwin, 2004}. La méthode de choix est un cathéter à double lumière inséré dans la veine jugulaire interne droite. Cette voie est celle qui semble présenter la plus faible incidence de complications {Canaud, 2001} et le moindre degré de recirculation {Kelber, 1993}. L’extrémité du cathéter doit se situer 1 à 2 cm au-dessus de la jonction entre la veine cave supérieure et l'oreillette droite. La tunnellisation du cathéter sous la peau permet d'en réduire le risque infectieux mais est rarement réalisée en réanimation. On emploie des cathéters d'un calibre au moins égal à 9Fr chez l'adulte de façon à pouvoir obtenir les débits sanguins requis pour une épuration suffisante. En outre, en hémofiltration un important débit sanguin est une garantie contre les fractions de filtration élevées. Il est clair que la voie fémorale permet une épuration satisfaisante en technique diffusive {Parienti, 2008} {Parienti, 2010} mais les débits sanguins prodigués sont insuffisants pour le transport convectif en particulier à haute clairance. La voie sous-clavière est également déconseillée car elle risque d’induire des sténoses veineuses qui gêneraient le fonctionnement d’une fistule artério-veineuse future, mais aussi en raison de la fréquence du syndrome du défilé costo-claviculaire avec des cathéters d’un tel calibre. Seuls les cathéters souples doivent être utilisés car ils induisent peu de lésions vasculaires. Ils doivent être flexibles et ne pas être altérés dans leur structure par les plicatures intempestives (« mémoire du plastique »). Les soins apportés aux cathéters d'épuration extrarénale sont essentiels pour faciliter leur emploi prolongé et pour prévenir les complications sévères qu'ils peuvent entraîner. La rhéologie interne des cathéters est extrêmement réfléchie de nos jours et leur utilisation à contre-sens (voies inversées) est fortement déconseillée. Cette pratique accroit la recirculation et limite le débit. Elle n’est envisageable qu’en hémodialyse, à faible débit, dans l’attente de la pose d’un autre cathéter. Les cathéters présentant les meilleures performances sont ceux qui présentent des abouchements décalés mais distaux, sans orifices latéraux {Tal, 2006}. En outre ils induiraient un risque moindre d’infection du cathéter {Tal, 2006}. De très nombreuses considérations pratiques s’attachent aux cathéters. Ils sont probablement la cause la plus fréquente de dysfonctionnement global du circuit. Un cathéter de perméabilité réduite entraine régulièrement l’obstruction par hémoconcentration/thrombose du circuit mais n’est pas souvent reconnu comme responsable de cet événement exposant le personnel de la réanimation à une surcharge de travail et à une surconsommation de matériel et produits liés. Les principales erreurs à éviter sont l’inversion des voies du cathéter {Atherikul, 1998}, la tolérance de coudures et la purge différée des voies. L’emploi de solution à 30% de citrate permet la conservation de la perméabilité du cathéter entre les séances {Zhao, 2014}. Une attention particu-lière doit alors être portée au respect des volumes de solution à injecter afin de ne pas risquer d’induire une hypocalcémie systémique.

5.3 - Moniteurs d’hémofiltrationLes moniteurs d’EER sont dotés de balances de haute précision asservies par microprocesseur au programme d’épuration piloté par un logiciel. La plupart de ces appareils disposent d’au moins 4 pompes de précision afin de maitriser les débits sanguin, d’ultrafiltration, de prédilution (ou de dialysat) et de postdilution. On doit y ajouter une seringue auto-pousseuse intégrée pour l’héparine ou un autre anticoagulant.

Page 13: Épuration extra-rénale continue en réanimation

EER en réanimation

13

Les moniteurs permettant l’usage des techniques au citrate-calcium doivent en outre disposer de pompes dédiées pour le citrate et pour le calcium elles aussi intégrées au moniteur pour bénéficier d’un pilotage informatisé. On voit que ces machines ne sont pas moins complexes que celles utilisées en hémodialyse intermittente. En revanche elles ne vieillissent pas trop vite car l’essentiel des évolutions se fait par mises à jour logicielles et il est bien rare d’avoir à changer des éléments du hardware en dehors des pannes ou d’améliorations de sécurité.Plusieurs automates d'excellente qualité sont aujourd’hui disponibles sur le marché. Divers aspects sont importants à considérer dans le choix d'un appareil de ce type. Il s'agit en particulier de la facilité d'emploi (temps de mise en œuvre, risques d'erreurs, etc), de la formation et du coût. La formation a longtemps été négligée mais représente un poste budgétaire important du fait du temps requis et surtout du coût de ses insuffisances. En effet une mauvaise formation conduit à des pertes de circuits et donc d’argent, de temps infirmier et de clairance pour les patients. Les dispositifs utilisant des pompes largement dimensionnées pilotées par logiciel sont à favoriser car ils permettent de réaliser de hauts débits d'ultrafiltrat sans accroissement d'erreur et offrent davantage de garanties vis-à-vis de leur évolutivité en cas d'apparition de nouvelles techniques. À ce propos les machines ne permettant pas d'utiliser d'autres filtres ou d'autres tubulures que celle du fabricant sont à éviter dans la mesure où aucune garantie ne peut être obtenue à l'égard de leur adaptation aux futures techniques comme aux prix du marché.

5.4 - Montage du circuitLes circuits d’EER sont le plus souvent fournis par un fabricant de moniteur pour être utilisés exclusivement avec une machine précise. Sur les dispositifs les plus récents, le circuit est compact. Il bénéficie d'une procédure d'installation sur la machine simplifiée par l'automatisation de son insertion puis de sa purge. Sur d’autres machines, les circuits disposent d'un code couleur pour faciliter la mise en place des différentes lignes avec des systèmes de détrompeurs. Le personnel hospitalier pratiquant peu l’EER préfère souvent les circuits « plug and play ». Néanmoins, avec l’expérience la souplesse des autres machines leur est en règle préférée. Une fois mis en place, le circuit doit être purgé. La purge de l’air est essentielle pour réduire la surface de l’interface air/sang, importante pourvoyeuse de l’activation de la coagulation. Cette purge est réalisée avec 2 à 3 litres de solution de chlorure de sodium isotonique. L’usage d’un anticoagulant en vue d’en imprégner le circuit est progressivement abandonné.La circulation du liquide doit être très lente au début de façon à chasser vers l'avant l'interface air/eau sans créer de bulles. Les phénomènes de capillarité font qu'il s'en forme tout de même et la seconde phase de la purge doit alors être moins douce : on frappe le circuit à l'aide d'un objet dur (clamp métallique, paire de ciseaux) en regard des bulles visualisées et sur le corps de la membrane. La purge initiale doit absolument être éliminée car, outre l’héparine, elle peut contenir des composés toxiques destinés à la conservation des membranes. Un rinçage est donc nécessaire en fin de purge. Le circuit peut alors être mis en circulation en circuit fermé en attendant sa connexion au patient. Les machines récentes incluent cette phase dans un didacticiel visible à l’écran qui en même temps tient lieu de check-list. La connexion du patient à la machine peut se faire selon diverses modalités : en connectant directement les lignes afférentes et efférentes (« artérielle » et « veineuse ») au patient et en démarrant la pompe (amorçage « blanc ») ou en connectant la seule ligne « artérielle » puis en purgeant le circuit avec le sang du patient (amorçage « rouge »). La première méthode entraîne une

Page 14: Épuration extra-rénale continue en réanimation

EER en réanimation

14

légère hémodilution (150 mL environ) qui est facilement compensée par ultrafiltration avec perte de poids secondaire, la seconde entraîne une très légère hypovolémie immédiate et n’est de ce fait pas recommandée dans un contexte de réanimation. Le circuit doit être changé toutes les 72 heures. Cette durée correspond à la durée de vie garantie du corps de pompe par le fabricant du circuit elle est rarement atteinte sous anticoagulation à l’héparine mais pourrait être facilement dépassée sous technique au citrate-calcium.

5.5 - Substitution des liquides ultrafiltrés en hémofiltrationAu cours d'une hémofiltration, le volume total d'UF quotidien est de l’ordre de 35-40 ml.kg-1.h-1. Ce volume doit être en grande partie compensé dans des proportions qui dépendent de la situation hydroélectrolytique du malade ainsi que des autres apports liquidiens (remplissage vasculaire, transfusions, nutrition, médicaments). L'électroneutralité de la solution est assurée par un anion (les protéines, chargées négativement n’étant présentes ni dans l’ultrafiltrat ni dans le liquide de restitution). On emploie pour ce faire du lactate ou du bicarbonate en remplacement des anions apportés par les protéines dans le plasma. Le lactate requiert une fonction hépatique satisfaisante pour assurer son métabolisme. En cas de limitation très importante de ce métabolisme, l'accumula-tion de lactate semble sans conséquence pratique mise à part la difficulté de distinguer la part de la lactatémie imputable aux apports de celle qui résulte de la glycolyse. Une acidose hyperlactatémique est souvent redoutée mais la preuve a été établie que des débits très supérieurs à ceux pratiqués en clinique seraient requis pour y parvenir {Cole, 2003}. Le bicarbonate est de ce fait largement utilisé car son élimination repose essentiellement sur la fonction ventilatoire qui en général n’est pas limitante. Les solutés usuels contiennent 35 mmol/L de bicarbonate en raison de concentrations en chlorure légèrement trop faibles. Il en résulte le développement régulier d’une alcalose métabolique lors de l’EER à niveau d’échanges élevé { Journois, 2008}. Dans les phases précoces de la prise en charge du patient cette situation est cachée par la fréquente acidose métabolique imputable à l’accumulation d’indosés anioniques. Cependant, il n'est pas admis que la normalisation thérapeu-tique de l'équilibre acido-basique soit systématiquement bénéfique. Cette relative inadaptation des solutés destinés à un usage prolongé devrait prochainement être reléguée au rang de l’histoire puisque les solutés ont dû être repensés à la lumière de l’EER au calcium-citrate dont l’interférence forte avec l’équilibre acido-basique ne pouvait s’accommoder de solutés de composition inadaptée. Ces derniers sont par ailleurs absolument spécifiques de cette technique et ne doivent pas être employés avec d’autres anticoagulants. Leur concentration en chlorure est particulièrement faible de façon à compenser l’apport de chlorure de calcium.Le soluté de substitution doit bien sûr tenir compte de certaines pertes obligatoires, telle que le potassium ou le phosphate. Les solutés doivent être choisis ou complémentés de façon à atteindre les concentrations objectifs chez le patient. Alors que ce principe est simple et connu de tous on constate néanmoins qu’il est mis en défaut de façon très fréquente y compris au cours d’études cliniques qui pourtant bénéficient d’un contrôle étroit de nombreuses variables cliniques {Palevsky, 2008}.

5.6 - La déplétionDans la mesure où les volumes et quantités d’électrolytes échangés sont très importants, on comprend que la déplétion nette obtenue par hémofiltration soit à la fois extrêmement efficace mais aussi potentiellement dangereuse pour le patient. Ce danger réside dans le fait que la déplétion hydroélec-

Page 15: Épuration extra-rénale continue en réanimation

EER en réanimation

15

trolytique porte en premier lieu sur le compartiment plasmatique. L'espace intracellulaire et l'espace interstitiel étant eux-mêmes en équilibre avec le compartiment plasmatique. Le temps nécessaire au transfert hydrique entre ces compartiments est nécessairement nettement plus long que celui nécessaire à la technique d'hémofiltration pour soustraire de l'eau du plasma. Le même raisonnement peut être appliqué aux électrolytes et à toutes les substances aisément diffusibles. Ainsi, l'un des risques principaux de l'hémofiltration est de mettre le patient en situation de réduction du débit de retour veineux cardiaque du seul fait d'une déplétion hydrique trop rapide. Au plan ionique, il peut se constituer des gradients de concentration susceptibles d'affecter les volumes et les propriétés physiologiques des compartiments interstitiel et intracellulaire. Le rythme de déplétion hydrique doit donc être adapté à l'état du patient et il est difficile d'énoncer une règle générale si ce n'est celle qui consiste à viser un bilan hydrique nul au cours des premières heures d'emploi de la méthode si les conditions hémodynamiques sont instables. En effet, c'est le débit d'administration du liquide de restitution qui détermine la déplétion obtenue et la connais-sance de la situation précise de cet équilibre est nécessaire à chaque instant. Pour le clinicien une surveillance hémodynamique s’impose. Il est très fréquent d’être alerté de la mise en œuvre d’une déplétion trop importante par l’intermédiaire d’une réduction de la pression artérielle systémique du patient. Cette situation est paradoxale tant chacun insiste, en réanimation, sur la nécessité de maintenir la volémie efficace à un strict optimum à l’aide de variables statiques ou dynamiques complexes explorant la précharge. Il est nécessaire de réaliser qu’être alerté d’un déficit volémique par un indice de postcharge tel que la pression artérielle est anti-physiologique et non conforme aux connaissances actuelles. L’évaluation hémodynamique régulière du patient est donc requise dans ces circonstances. Le monitorage des variations d’hématocrite est particulièrement difficile en réanima-tion compte tenu des transfusions, des hémorragies et des apports liquidiens. Il n’est proposé sur aucun moniteur du marché.

6 - Mise en oeuvre

6.1 - Choix d’une méthode d’épurationCette question reste très débattue et plusieurs études ont visé à opposer soit convection et diffusion {Vinsonneau, 2006} soit diverses doses d’épuration, toutes techniques confondues {Palevsky, 2008}. Aucun argument fort n’est issue de ces travaux, du fait de doutes importants sur l’applicabilité de leurs résultats issus de méthodologies non adaptées pour répondre à la question posée. Toutefois, si l’on en croit les enquêtes de pratique, certains aspects se sont modifiés au cours des dernières années concernant les indications de l’EER {Legrand, 2013}. En particulier, on constate que pour la plupart des cliniciens les temps d’application de la méthode d’épuration se sont allongés. Cette façon de procéder présente de nombreux avantages en particulier en diluant la charge de travail infirmier, en homogénéisant les performances épuratives au long de la journée ce qui réduit les risques de déséquilibre des traitements administrés et en permettant de répartir une éventuelle déplétion volumique sur une plus longue période. Dès lors que la durée est accrue, le mode épuratif est probablement moins important et la priorité est logiquement attribuée aux respects des caractéris-tiques opératoires du circuit.

Page 16: Épuration extra-rénale continue en réanimation

EER en réanimation

16

6.2 - La dose de dialyseLa dose de dialyse est un concept utilisé chez le patient insuffisant rénal chronique pour juger de l’efficacité d’une hémodialyse selon la clairance effective de l’urée. La liaison entre pronostic et dose de dialyse a déjà été démontrée chez ces patients épurés au long cours et les études semblent également converger vers ce concept chez les patients en insuffisance rénale aiguë traités par EER. La dose de dialyse est évaluée par des méthodes de quantification telles que le taux d’urée épurée par rapport au stock dans l’ensemble de l’organisme. Ainsi Kt/V, est le produit de la clairance de l’urée (K = concentration de l’urée dans l’ultrafiltrat / concentration d’urée plasmatique) par le temps de la séance (t) divisé par le volume de distribution de l’urée (V) estimé à 60 % du poids corporel soit V = 0,60 x poids corporel. Il est actuellement recommandé d’obtenir une valeur minimale de Kt/V de 1,2 chez les patients en hémodialyse chronique. Une autre méthode de calcul de cette dose de dialyse est représentée par le taux de réduction de l’urée qui représente la différence entre l’urémie post-dialyse moins l’urémie pré-dialyse divisée par l’urémie pré-dialyse.La question de la dose d’épuration requise a justifié plusieurs études. Brause et al. ont conduit une étude comparant deux doses d’ultrafiltration chez des patients en insuffisance rénale aiguë et a conclu à un bénéfice en terme de contrôle acido-basique et métabolique dans le groupe ayant une ultrafiltra-tion plus importante de l’ordre de 25 mL.kg-1.h-1correspondant à un Kt/V de l’ordre de 0,8 par jour {Brause, 2003}. Une étude de Ronco et al. {Ronco, 2000}, en comparant trois doses d’épuration chez des patients en IRA, a observé que les groupes traités avec 35 mL.kg-1.h-1 ou 45 mL.kg-1.h-1 d’ultrafiltration (en postdilution exclusive) présentaient une meilleure survie que le groupe à 20 mL.kg-1.h-1. Une ultrafiltration d’au moins 35 mL.kg-1.h-1 semblait alors représenter le minimum requis en vue d’obtenir une hémofiltration efficace {Monti, 2007}. Dans une étude opposant CVVH et CVVHD Saudan et al. observaient une différence de mortalité difficile à expliquer et jamais retrouvée dans d’autres études {Saudan, 2006}. Vers la fin des années 2000 plusieurs études de grande envergure ont été réalisées afin de répondre à la question de la dose d’épuration optimale {Palevsky, 2008}, {Bellomo, 2009}. Aucune différence n’a été observée entre les doses appliquées. L’analyse de ces études a néanmoins permis de comprendre ces résultats. Outre de multiples défauts dans le dessin des études (transferts aisés d’un groupe à l’autre, non prise en compte de la prédilution, début d’investigation trop tardifs, etc) ces essais de grande ampleur ont été l’occasion de mettre en évidence une réalité méconnue : les doses prescrites différent souvent des doses réalisées et ce d’autant plus que la dose visée était élevée. Ce phénomène suffit à expliquer la non mise en évidence de différences qui pourraient exister mais représente un enseignement utile à tout clinicien : mieux vaut se baser sur la clairance qui a été réalisée que sur celle que l’on espère atteindre, en particulier pour décider des doses de médicaments dépendants de l’EER. Ainsi, de façon très pratique, il est probable que la régularité du traitement, dès lors que la dose se situe dans une marge acceptable, soit un élément important à considérer car c’est elle qui permet d’assurer la continuité du taux plasmatique des médicaments essentiels au traitement du patient tout en autorisant une déplétion hydrique modérée mais continue et de ce fait mieux tolérée. Pour ces différentes raisons l’accent est dorénavant mis sur les critères permettant d’atteindre une régularité du traitement incluant la maitrise des pertes de performance épuratives des membranes avec le temps {Zhang, 2013}.

6.3 - Indications particulières

Page 17: Épuration extra-rénale continue en réanimation

EER en réanimation

17

6.3.1 - Hémofiltration à haute clairanceAu cours des années 90 un espoir thérapeutique a animé la recherche portant sur l’élimination de cytokines en EER. Cette hypothèse se justifie par le poids moléculaire de ces substances, qui ne peuvent être éliminées par diffusion, mais qui pourraient l’être par convection sur les membranes de l’époque dont les points de coupure étaient de l’ordre de 30 000 daltons. Une autre hypothèse, non vérifiée jusque là, chainée à cette dernière dans le raisonnement conduisant à une utilité thérapeu-tique, serait que la réduction exogène du taux plasmatique de cytokines ait un effet thérapeutique. À l’issue de très nombreux travaux publiés il apparait que cette élimination existe mais elle a été mesurée comme quantitativement faible et surtout comme qualitativement dépourvue d’intérêt clinique {Schetz, 1999}. Néanmoins un bénéfice du transport convectif à haute clairance a été rapporté de façon répétée sur les symptômes du choc septique, en particulier sur l’hypotension artérielle {Cole, 2001}. L’usage d’une CVVH permettrait de réduire les doses de noradrénaline requises pour normaliser la pression artérielle des patients en état de choc septique {Cole, 2001} {Sykora, 2008} {Boussekey, 2008}. Il faut souligner que l’on ne sait pas pour autant comment ce résultat est obtenu et les rares études visant à cerner ce mécanisme n’y sont pas parvenues {Sykora, 2008}. Diverses expérimentations animales ont étayé la réalité de cet effet {Gomez, 1990}. L’emploi de membranes de perméabilité accrue permet-trait d’obtenir les mêmes résultats qu’avec de hauts volumes ultrafiltrés {Morgera, 2006}. Au cours des états inflammatoires non infectieux, quelques travaux monocentriques ont rapporté des résultats spectaculaires au cours de la pancréatite aiguë {Yekebas, 1999}. Une seule étude a tenté de comparer des clairances de 35 ou 70 mL.kg-1.h-1 au cours d’états septiques en termes de mortalité à 28 jours { Joannes-Boyau, 2013}. En l’absence de différence entre les groupes les auteurs ont mis en évidence l’importante élimination d’antibiotiques secondaire à ces traitements. De façon assez proche de la réaction inflammatoire, on espère au cours du syndrome de reperfusion, où de grandes quantités de médiateurs hydrophiles à potentielle toxicité cellulaire sont libérés, réduire la morbi-mortalité spontanée par l’emploi, nécessairement très précoce, d’une technique à forte clairance. En utilisant l’hémofiltration à haute clairance une étude bicentrique, restée isolée, a établi l’intérêt d’étudier de façon plus détaillée cette indication en clinique humaine {Laurent, 2005}.

6.3.2 - Ultrafiltration en chirurgie cardiaqueLa chirurgie cardiaque, en particulier dans sa phase per-opératoire, représente une circonstance d’utilisation particulière d’hémofiltration { Journois, 1998}. Cet outil est très utile pour éliminer rapidement l’excès d’eau et d’électrolytes accumulés à la fin de la circulation extracorporelle sans utiliser de diurétiques et sans laisser le patient en inflation hydrosodée pendant la période postopéra-toire immédiate. Des résultats spectaculaires ont été observés en pédiatrie lors de la correction de cardiopathies congénitales en utilisant les canules de CEC pour réaliser une hémofiltration de quelques dizaines de minutes mais emportant un fort volume entièrement compensé par la vidange du circuit {Elliott, 1999} { Journois, 1994}. À côté de cet effet “diurétique” d’autres voies ont été explorées en particulier afin de réduire la réaction inflammatoire qui accompagne la mise au contact du plasma sur d’importantes surfaces de matériaux de biocompatibilité réduite { Journois, 1996}. Des résultats encourageants ont été obtenus mais à l’aide de procédés extrêmement difficiles à mettre en oeuvre en routine, justifiant l’attente de progrès technologiques. Au cours des CEC de réanimation, ECMO veino-veineuse (ECMO-vv) ou veino-artérielle

Page 18: Épuration extra-rénale continue en réanimation

EER en réanimation

18

(ECMO-va), la défaillance rénale est fréquente et la logique voudrait que la connexion de la machine d’EER se fasse sur ce dernier circuit plutôt que sur un cathéter de plus. La connexion se fait au mieux sur le segment intermédiaire entre la pompe centrifuge et l’échangeur gazeux. À ce niveau la pression est très positive et il n’y a pas de risque de pénétration d’air dans le circuit (comme dans le segment afférent) ou de passage systémique d’embols cruoriques (comme dans le segment efférent). Le problème le plus souvent rencontré est le dépassement des pressions maximales admises par le moniteur d’EER. Ceci est contournable en ECMO-vv ou en ECMO-va d’assistance mais ne peut pas l’être en ECMO-va à plein débit en normothermie {Rubin, 2010}. La méthode de choix est alors l’hémofiltration à forte clairance car le débit sanguin n’est absolument pas limité et la fraction de filtration est de ce fait très faible.

6.4 - Anticoagulation Le contact du sang avec les matériaux non biologiques active la coagulation. Ce mécanisme biologique doit être inhibé de façon à éviter la thrombose du circuit qui entraîne son obstruction et la perte du sang qu’il contient.

6.4.1 - Les héparines

6.4.1.1 - Héparine non-fractionnéeL'héparine non-fractionnée administrée en continu est l'agent antithrombotique le plus utilisé en EER. Les doses nécessaires dépendent de plusieurs facteurs issus du malade et du matériel utilisé. Les doses employées sont donc très variables. Elles sont adaptées au poids du patient mais surtout à l'effet évalué de l'héparine. La mesure du temps de céphaline activé ou de l’activité anti-Xa restent les tests les plus adaptés pour suivre de façon pragmatique cet effet. Une valeur d’aXa de l’ordre de 0,15-0,20 IU/mL est largement suffisante. Il convient, si à cette valeur des thromboses persistent, de s’assurer que la fraction de filtration n’est pas trop élevée.Les facteurs susceptibles de modifier les besoins en héparine sont, comme ailleurs mais de façon particulièrement marquée en réanimation, l'existence d'un syndrome inflammatoire ou thrombotique évolutif et, de façon plus spécifique, le débit sanguin sur la membrane qui est, lui, corrélé au degré d'hémoconcentration. Les circuits revêtus d'héparine n’ont pas fait la preuve de leur efficacité pour réduire ou éviter l'administration systémique d'héparine et permettre d'en réduire les complications {Sagedal, 2011}. Plusieurs auteurs ont étudié l'anticoagulation régionale à l'héparine qui est aujourd’hui de plus en plus abandonnée au profit de l’anticoagulation citrate-calcium {Fealy, 2007}.

6.4.1.2 - Héparines de bas poids moléculaireEn dissociant l'activité anti-Xa de l'activité anti-lla de l'héparine, les héparines de bas poids molécu-laire (HBPM) devraient atteindre une plus grande efficacité antithrombotique pour un moindre risque hémorragique { Journois, 1990}. Plusieurs travaux ont évalué ces dérivés de l'héparine en EER et leur efficacité est dorénavant établie {Hory, 1985}. Elles sont très utilisées en hémodialyse chronique où l’administration est discontinue mais elles sont mal évaluées en termes de tolérance en réanimation. Alors que le risque d’accumulation d’une dose d’enoxaparine administrée toutes les 48 heures apparaît faible avec l’expérience accumulée, nous disposons de très peu d’informations sur la tolérance d’une administration continue en réanimation alors que leur métabolisme a de nombreuses

Page 19: Épuration extra-rénale continue en réanimation

EER en réanimation

19

raisons d’être encore plus altéré que chez l’insuffisant rénal chronique. Pour cette raison et du fait de surdosages fréquents observés en réanimation leur emploi est en forte diminution.

6.4.2 - Rinçage périodiqueChez les patients pour lesquels une anticoagulation ne paraît pas opportune tels que les traumatisés crâniens ou les insuffisants hépatiques, le rinçage périodique de la membrane consiste à administrer à intervalle régulier un bolus de sérum salé isotonique en amont du circuit d'épuration extrarénale. Cette méthode, utilisée au cours de séances de quelques heures d’hémodialyse séquentielle apparait responsable, même pour des temps réduits, d’une augmentation de la coagulabilité du filtre {Sagedal, 2006}. Néanmoins, en hémofiltration continue, le rinçage périodique a été proposé avec un succès relatif sur la durée du filtre chez des patients à risque de saignement et chez qui l’anticoagulation a été proscrite {Tan, 2000}. En l'absence d'évaluation plus globale, en particulier sur les performances épuratives, il est prudent d’éviter l'emploi de cette méthode lors des EER car elle est susceptible d'entraîner une importante consommation plaquettaire et des facteurs de la coagulation restants. En outre les apports liquidiens qu’elle induit de façon mal contrôlée vont à l’encontre des principes de contrôle des volumes que l’on souhaite mettre en œuvre. Enfin le choix du liquide administré devrait être réfléchi et devrait au minimum respecter davantage l’équilibre hydro-électrolytique que le sérum salé isotonique ne le fait. Les solutions de restitution pour hémofiltration apparaissent plus adaptées. L’intérêt de cette technique grossière a bien évidemment disparu avec l’amélioration des techniques citrate-calcium.

6.4.3 - L’anticoagulation citrate-calcium (CiCa)En chélatant le calcium ionisé nécessaire à la plupart des étapes de la coagulation et de la fibrinolyse, le citrate est un antithrombotique d’une efficacité absolue {Bai, 2015}. Il a fallu toutefois attendre l’essor des moniteurs d’EER informatisés pour pouvoir l’employer en toute sécurité. En effet, le sel de citrate trisodique apporte d’importantes quantités de sodium, potentiellement responsable d’une alcalose métabolique, et d’autre part de citrate dont une limitation du catabolisme entrainerait une acidose. Pour ces raisons il est nécessaire d’asservir le débit instantané de citrate aux besoins instantanés du circuit (concentration de citrate souhaitée, débit calcique entrant, etc) et à ses capacités épuratives instantanées (paramètres de dialyse, débits, membrane, etc). Avant de disposer de tels outils, la plupart des études d’efficacité ne se sont pas attachées à évaluer la tolérance au delà de quelques jours ce qui explique, qu’en dépit de travaux anciens très favorables, l’essor de cette technique a été en réalité très limité jusqu’au début des années 2000. En pratique différents solutés présentant différentes concentrations de citrate sont disponibles sur le marché. Chacun doit être employé pour le moniteur, le logiciel, la méthode d’EER et le soluté de dialyse/substitution pour lesquels il a été conçu. La tendance actuelle, du fait de la qualité de l’asservissement des vitesses de pompes et du souhait de réduire la prédilution induite par l’injection de citrate en amont, est d’accroitre la concentration des solutions de citrate de sodium.

6.4.3.1 - Élimination du citrateHormis la part de complexes citrate-calcium épurés sur le filtre, le citrate, administré en amont du circuit, ne peut être soustrait du torrent sanguin en sortie de circuit. Il retourne donc au patient pour être métabolisé par le foie, le rein et le muscle de façon rapide en l’absence d’insuffisance circulatoire

Page 20: Épuration extra-rénale continue en réanimation

EER en réanimation

20

ou d’atteinte hépatique. Le citrate est transformé en cis-aconitate, en D-iso-citrate puis en alpha-céto-glutarate régénérant un NAD+ en NADH puis éliminant, par l’iso-citrate-deshydrogénase, une molécule de CO2. Ceci fait parfois dire aux adeptes de la vision simplifiée de l’équilibre acide base réduite à l’équation d’Henderson-Hasselbalch, que l’origine de l’alcalose métabolique induite par le citrate repose sur une production accrue de bicarbonate. Cette vision est erronée car une fois dans le cycle de Krebs, rien ne différencie le citrate exogène du citrate issu du catabolisme des acides aminés, de la glycolyse ou de la ß- hydroxylation des acides gras auxquels personne n’attribue pourtant de vertus alcalinisantes.

6.4.3.2 - Réglages de l’anticoagulation au citrateL’optimisation de l’anticoagulation au CiCa requiert donc des modalités opératoires très précises et informatisées dès lors que la technique est destinée à être utilisée pendant plusieurs jours. Ils portent principalement sur la composition des liquides, les objectifs de concentration de citrate et de calcium, la fourchette de réglage des conditions opératoires du moniteur d’EER, le contrôle systématique et répété de la calcémie ionisée systémique et régionale. À ce prix la tolérance est parfaite dans la plupart des cas, l’efficacité et la durée de vie des filtres deviennent très importantes. Ce procédé peut être mis en œuvre avec précision en CVVHD et en CVVHDF {Morgera, 2009}. En pratique l’objectif de citratémie dans le circuit est ajusté en fonction de la calcémie ionisée qui y est mesurée de façon régulière. On se guide pour ce faire sur la relation dose-effet de l’hypocalcémie ionisée telle que celle décrite par James et al. { James & Roche, 2004} (Figure 4).

Figure 4. Évolution de la coagulation en thromboélastographie (k-time) en fonction de la calcémie ionisée. Au dessus de [Ca++] = 0,6 la coagulation est normale. Elle est absente en deçà de [Ca+

+] = 0,2 mM. La ligne verticale pointillée justifie le compromis adopté pour le choix de la calcémie ionisée du circuit. D’après James et al. { James & Roche, 2004}.

Page 21: Épuration extra-rénale continue en réanimation

EER en réanimation

21

L’objectif de citratémie circuit sert à adapter rapidement les valeurs de la calcémie ionisée mesurée dans le circuit. Il s’agit de la concentration de citrate obtenue en théorie, d’après le modèle, compte tenu de tous les autres réglages connus de la machine d’EER. Sa valeur usuelle est de 3,8 à 4,1 mM mais elle peut être modulée en fonction d’impératifs médicaux. Par exemple si la calcémie circuit est plutôt vers le bas de la fourchette acceptable (inférieure à 0,30 mM) il est sage de réduire l’objectif de citratémie de façon à réduire la charge en citrate qui n’est pas nécessaire. L’objectif de calcémie de sortie de circuit sert à adapter rapidement les valeurs de la calcémie ionisée systémique. Ne pouvant éliminer le citrate administré autrement que par son métabolisme, il convient d’en neutraliser les effets par un apport stoechiométrique de calcium en aval du circuit sanguin. Cet apport se réalise sous forme de chlorure de calcium. On n’utilise en aucun cas du gluconate de calcium qui développerait alors une alcalose métabolique importante par carence en chlorure. En effet l’apport de chlorure permet de réduire l’accroissement de différence des ions forts.Une fois déterminé l’objectif de concentration de citrate dans le circuit et celui du calcium en sortie de circuit le maintien de l’équilibre acido-basique, ou sa correction, tout comme la clairance globale et l’élimination des complexes de citrate-calcium peuvent être réglés selon une abaque telle que celle de la figure 5. Afin d’éviter toute dérive acido-basique, le couplage entre le débit sanguin (et donc la quantité de citrate trisodique apportée) et le débit de dialyse doit être scrupuleusement respecté au cours du temps. Cette obligation ne revêt jamais la même importance au cours des autres méthodes d’EER.

Déb

it sa

ngui

n (m

L/m

in)

Débit dialyse ou ultrafiltration (mL/h)

3

1 2

Figure 5 : En réglant le débit d’épuration de façon proportionnelle au débit de sang (et donc de citrate puisque sa concentration est maintenue constante) aucune déviation acido-basique n’apparaît ce que reflète la concentration constante de bicarbonate plasmatique (flèche 1). Un accroissement de débit sang isolé favorise une alcalose par apport accru de sodium (élargissement de la Défense

6.4.3.3 - Contre-indications du citrateAu cours des techniques convectives, du fait de la nécessité de forts débits sanguins (pour éviter les

Page 22: Épuration extra-rénale continue en réanimation

EER en réanimation

22

fractions de filtration excessives), les quantités de citrate apportées deviennent importantes en dépit de sa partielle élimination. Il vaut donc mieux éviter l’anticoagulation au citrate en hémofiltration ou en hémodiafiltration. Une alternative consiste à réaliser une importante prédilution (avec une solution de citrate diluée) de façon à éviter les thromboses de filtre. De plus, en CVVH à fort débit la variabilité des doses de citrate administrées devient importante et demande un contrôle plus fréquent des réglages du circuit.D’autres contre-indications sont liées au patient. La première d’entre-elles est l’état de choc qui, réduisant l’apport d’oxygène aux mitochondries, ralentit l’incorporation du citrate dans le cycle de Krebs et favorise son accumulation. En pratique, l’hyperlactatémie, dont la physiopathologie d’accumulation est parallèle, permet d’évaluer la réalité de ce risque. L’insuffisance hépatique (IHC) est une autre contre-indication d’importance souvent sur-estimée. De nombreux auteurs, autorisés par leur expérience clinique ont souligné que seule l’atteinte hépatique très avancée représente une vraie limitation {Slowinski, 2015} {Khadzhynov, 2014} {Kramer, 2003}. En effet le métabolisme énergétique hépatocytaire est relativement robuste et d’autres fonctions de ces cellules sont limitées au préalable. En pratique, au cours des chocs comme de l’IHC, ce n’est qu’en deçà de 30% de taux de prothrom-bine qu’une augmentation de la fréquence de contrôle des calcémies ionisées et du rapport Ca total / Ca++ devient nécessaire. Dans ces situations il y a intérêt à rester sur la partie haute de la fourchette admise des calcémies ionisées circuit (de l’ordre de 0,35 à 0,38 mM) de façon à réduire l’apport cumulé de citrate au strict nécessaire. En cas d’accumulation l’objectif de citratémie doit être réduit au minimum, tant que le filtre le tolère, de façon à bénéficier de l’élimination par l’EER des com-plexes citrate-calcium circulants. Enfin des intoxications aux produits inhibiteurs du complexe I mitochondrial sont à l’origine d’une réduction d’activité du cycle tricarboxylique (ciclosporine, biguanides, trichloréthylène, paracétamol) {El-Mir, 2000}. Il en découle une accumulation du citrate qui ne peut y être métabolisé. Dans ces situations peu fréquentes dépourvues de risque hémorragique, l’anticoagulation au citrate n’est pas indiquée.

6.4.3.4 - Avenir du CiCaL’anticoagulation au citrate-calcium devient progressivement la référence de première intention chez le patient de réanimation probablement du fait des économies de matériel et de temps qu’elle permet d’obtenir associées à une grande régularité du traitement laquelle réduit la variabilité pharmacociné-tique des médicaments administrés. Pour beaucoup d’utilisateurs elle n’est plus réservée aux seules contre-indications de l’héparine mais est applicable à la plupart des patients. Il est néanmoins souligné par chacun que sa mise en oeuvre implique tous les acteurs de l’équipe de réanimation et qu’un délai de quelques mois est requis pour atteindre les objectifs d’efficacité et de sécurité.

7 - Précautions d’emploi

7.1 - Élimination des agents thérapeutiques

7.1.1 - La théorie

Page 23: Épuration extra-rénale continue en réanimation

EER en réanimation

23

Si on ne considérait que leurs poids moléculaires, la plupart des substances utilisées en thérapeutique devraient être éliminées par les techniques d'épuration extrarénale. Cependant, leur liaison protéique limite cette fuite car seule la fraction libre est sujette au transport et cette dernière trouve, chez les malades de réanimation, de nombreux motifs de variation : pH, variation de la différence des ions forts, urémie, présence d'héparine, d'acides gras libres, hyperbilirubinémie, etc. Enfin l’usage d’une prédilution est de nature à subitement déplacer cet équilibre au moment du passage sur la membrane {Uchino, 2003}. Ainsi les nombreux travaux réalisés dans des circonstances précises sont toujours sujets à caution lors de leur éventuelle application clinique. Cela dit le comportement pharmacociné-tique de la plupart des médicaments peut être approximativement prédit par le calcul en fonction de différents paramètres notamment du filtre utilisé, de la part liée à l’élimination rénale du médicament, de la clairance rénale estimée sous épuration extrarénale, du volume de distribution... {Roberts & Lipman, 2009} En revanche, lors de l'association des deux méthodes, le calcul conduit à des résultats différents de ce que l'on peut mesurer. Ce phénomène est lié au fait que les hypothèses nécessaires aux calculs ne sont pas vérifiées en pratique. En particulier, la saturation de l’ultrafiltrat n'est pas totale. Ainsi, une variabilité importante est observée dans les résultats d'études portant sur l'élimination de médicaments d'usage fréquent comme la vancomycine en hémodiafiltration. Le principe théorique de l'adaptation posologique est basé sur la formule CI = S x UFR qui exprime que la clairance d'une molécule est égale au produit du débit de filtration (UFR) par son coefficient de partage (S) {Schetz & Journois, 1997}. Ce dernier représente la proportion de la substance retrouvée dans l'UF par rapport à sa concentration plasmatique ; une substance passant totalement dans l’ultrafiltrat a un coefficient de partage égal à 1. Les coefficients de partage des agents thérapeutiques usuels sont largement publiés {Golper, 2001} {Golper, 1991} {Golper, 1985} {Golper & Saad, 1986|} {Golper, 1985} {Golper & Bennett, 1988}. Néanmoins, ils ne sont que d’un intérêt théorique puisque l'adaptation des doses se fait actuellement d'après un effet recherché appréciable en clinique (cas des catécholamines exogènes) ou suivant le dosage in vivo à l’état stationnaire dans le sérum d'un médicament ce qui permet l’adaptation de la bonne dose de façon pragmatique et adaptée à chaque patient. En effet, les modèles pharmacocinétiques simples sont rapidement dépassés en réanimation du fait de volumes de distribution augmentés, de variations de concentrations protéiques (hypoalbu-minémie), d’une élévation des acides gras circulants (nutrition parentérale...), des altérations des fonctions hépatique ou rénale, des modifications acido-basiques...

7.1.2 - La pratiqueAprès des années de tentatives de prédiction du comportement de chacune des substances basées sur l’ensemble de ces principes {Roberts & Lipman, 2009}, différents auteurs ont souligné que les données accumulées étaient peu utiles en pratique essentiellement du fait de l’hétérogénéité des circonstances d’étude {Li, 2009}. En effet les facteurs reconnus comme étant déterminants dans le degré d’élimination des substances, antibiotiques en particulier, ne sont souvent ni standardisés ni même rapportés dans les rapports d’étude {Li, 2009}. Pour cette raison, compte tenu de la possibilité de plus en plus fréquente de réaliser des dosages d’antibiotiques, la tendance actuelle est d’associer un dosage répété en période critique à une standardisation des protocoles d’administration, des posologies et des modalités et réglages de l’EER. L’obtention d’une parfaite anticoagulation, et sans doute l’un des plus importants intérêts du citrate, est d’assurer la constance des propriétés épuratives au cours du temps réduisant ainsi l’influence de l’âge du circuit sur la pharmacocinétiques des médicaments administrés {Zhang, 2013}.

Page 24: Épuration extra-rénale continue en réanimation

EER en réanimation

24

Quelques principes généraux peuvent néanmoins être retenus : - La variabilité importante des concentrations plasmatiques des patients de réanimation sous EER pour la vancomycine impose de la doser régulièrement et de préférer son administration continue {De Waele, 2013} {Udy, 2013} {Uchino, 2002}.- Les ß-lactamines doivent en général être administrées à des doses inférieures à celles des patients ne recevant pas d’EER. Néanmoins leur index thérapeutique élevé autorise une certaine tolérance des surdosages qui pourraient survenir en l’absence de dosages répétés {Seyler, 2011}. La continuité et la stabilité épurative au cours du temps représente pour cette classe pharmacologique la principale garantie de rester dans les marges thérapeutiques souhaitées. Au cours de l’EER l’administration continue est probablement préférable {Abdul-Aziz, 2016}. - Le fluconazole représente une exception tout à fait particulière puisque son élimination est accrue en EER en dépit de doses devant être réduites du fait de l’insuffisance rénale {Muhl, 2000}. En pratique, dans le mesure où son dosage n’est actuellement pas répandu, il convient, chez un adulte de 70-80 kg, après une dose de charge de 800 mg, de majorer la dose quotidienne à 600 mg tant que l’EER fonctionne mais de les réduire aussitôt qu’elle serait interrompue. - Le méropénème doit plutôt être administré en continu et représente le carbapéneme de choix au cours de l’EER {Langgartner, 2008}.- Les aminosides doivent être administrés à des doses accrues de façon importante compte tenu de la majoration du volume de distribution des patients sous EER (non du fait de l’EER mais la pathologie qui en rend l’emploi nécessaire). Le monitorage des pics plasmatiques aide à fixer cette dose d’injection. Il convient de faire attention au risque d’adsorption élevé décrit plus haut qui concerne l’amikacine mais aussi les autres aminosides {Tian, 2008}.Mais les antibiotiques ne sont pas les seules substances éliminées de façon indésirables par les méthodes d’EER. Si le glucose l’est aussi, sa supplémentation est aisée par le choix d’un soluté enrichi ou par apports exogènes. En revanche les acides aminés nécessitent une attention particulière du fait de leur élimination notable et hétérogène {Davies, 1991}. En l’absence de la disponibilité de solutés qui apporteraient spécifiquement ce que l’EER fait perdre chacun s’attache à administrer, comme pour les vitamines et les oligo-éléments, des doses accrues par rapport aux besoins identifiés.

7.2 - SurveillanceAlors qu’aux débuts de l’avènement des techniques d’EER continues l’accent devait être mis sur les risques de déséquilibres entre les entrées et les sorties hydriques, cette question est aujourd’hui en grande partie réglée par la précision du matériel employé et l’importance de la surveillance s’est déplacée vers le maintien des performances du circuit. En effet de récentes études ont confirmé la grande variabilité, le plus souvent inattendue, des performances épuratives obtenues en particulier quand l’objectif de clairance est élevé {Palevsky, 2008} {Bellomo, 2009}. Ce phénomène est probablement davantage lié aux réels arrêts du circuit (alarmes, changements, dysfonctionnements) qu’aux irrégularités de débit passant inaperçues. Il en découle une insuffisance de clairance par apport à la prescription. Ce n’est pas que la dose d’épuration soit déterminée avec précision mais les quantités rendues disponibles de diverses médications essentielles (antibiotiques en particulier) peuvent s’en trouver affectées en dose totale et en variations momentanées {Schetz, 1995}. Ceci souligne l’importance de la formation de l’ensemble du personnel de réanimation aux principes fondamentaux des techniques d’EER employées. La stratégie développée dans la feuille de sur-veillance permet de mettre l’accent, non pas sur le recueil des données, accessibles par d’autres

Page 25: Épuration extra-rénale continue en réanimation

EER en réanimation

25

méthodes, mais sur la détection précoce des anomalies rhéologiques. À ce titre, afin de réduire les arrêts de circulation du circuit qui favorisent les thromboses et les phénomènes d’hémoconcentration locaux l’éducation doit porter à ne jamais inhiber une alarme plus de 2 ou 3 fois consécutives. Au cas où cela paraitrait nécessaire on adopte le « régime de sécurité » qui permet de sauver le circuit, d’économiser du temps, de l’argent et surtout de faire gagner de la clairance au patient ! Ce régime consiste à interrompre le traitement pour ne garder que le circulation sanguine, éventuellement à débit réduit, le temps d’identifier et de corriger les évènements ayant causé l’alarme. Enfin la surveillance infirmière doit être repensée pour devenir utile. Nul besoin de noter sur une feuille les variables déjà journalisées par le moniteur d’EER. En revanche l’évolution des pressions dans le circuit, l’apparition de fibres thrombosés à l’extrémité veineuse du filtre méritent d’être intégrées par l’infirmière responsable du circuit afin d’en anticiper la fin de vie. Pour ce faire des feuilles, de surveillance pensées par l’équipe paramédicale sont essentielles (Figure 6) :

Page 26: Épuration extra-rénale continue en réanimation

EER en réanimation

26

Figure 6 : Exemple de feuille de surveillance réalisée par l’équipe infirmière pour son propre usage. Le recueil régulier des volumes est aujourd'hui moins important que celui des pressions et de leurs évolutions car les automates assurent une très bonne régulation des débits. En revanche le monitorage des pressions permet de prévoir les anomalies de circulation du sang qui sont à l'origine des obstructions de circuit. Ci : objectif de concentration de citrate, Ca : objectif de concentration de calcium, Hép : dose d’héparine administrée, Mode : technique employée désignée par son schéma symbolique (CVVH, CVVHD, CVVHDF).

7.2.1 - Les pressionsLa surveillance régulière de plusieurs pressions, ou variables dérivées de mesures de pressions, est utile pour déceler l’apparition d’anomalies de fonctionnement du circuit. En outre la connaissance des pressions normalement rencontrées et de leur évolution au cours du temps aide à une meilleure gestion des circuits. Le principal risque à prévenir est la survenue progressive d’une thrombose, initialement partielle. Cette dernière réduit la clairance de l’EER et peut, en cas d’anticoagulation au citrate, favoriser l’apparition de complications métaboliques.

7.2.1.1 - La perte de chargeLa perte de charge longitudinale (∆P) correspond à la perte de pression hydrostatique le long du filtre soit ∆P = Pin - Pout où Pin est la pression à l’entrée du filtre et Pout la pression à sa sortie. Conformément à la loi d’Ohm une élévation de ∆P correspond à un accroissement du débit sanguin (Q) ou des résistances à l’écoulement (R) selon la relation ∆P = R x Q. On voit donc, qu’à débit sanguin maintenu constant, ∆P sera proportionnel à la résistance à l’écoulement. Ceci fait de ∆P une variable utile pour déceler et suivre l’évolution d’un mécanisme obstructif, le plus souvent thrombo-

Page 27: Épuration extra-rénale continue en réanimation

EER en réanimation

27

tique, à l’intérieur du filtre. Il faut toutefois noter que la résistance globale à l’écoulement dans le filtre résulte de chacune des résistances Ri des n capillaires disposés en parallèle selon la formule :

Cela signifie que lorsque des capillaires vont progressivement se trouver, un par un obstrués, la résistance globale, et ∆P, vont croitre de façon non linéaire et d’autant plus rapidement que le temps s’écoule. De surcroit, le débit sanguin qui est fixe, sera alors conduit à se répartir sur les capillaires restés perméables ce qui en modifie les performances épuratives. L’élévation de ∆P trouve là une nouvelle raison de ne pas être proportionnelle au temps mais d’évoluer de façon accélérée. En pratique il en résulte que l’élévation de ∆P doit précocement inquiéter et faire immédiatement mettre en oeuvre les mesures correctrices. Si aucune thrombose visible ne survient, ∆P évolue relativement peu au cours des 72 heures habituelles d’emploi d’un filtre. Les valeurs usuelles se situent entre +10 et +70 mmHg.

7.2.1.2 - La pression trans-membranaireLa pression trans-membranaire (PTM) correspond à la différence de pression entre l’intérieur des capillaires (Pcap) et la chambre d’ultrafiltrat (Puf) (ou de dialysat). Alors que Puf est facile à définir et à mesurer, Pcap ne peut l’être et doit donc résulter d’un calcul. En pratique on utilise l’approximation Pcap = ∆P/2 c’est à dire la moyenne de la perte de charge longitudinale. À débit d’ultrafiltration constant, PTM représente donc la résistance à l’écoulement au travers des capillaires. Son accroisse-ment résulte du dépôt progressif de substances dans le maillage interne des fibres de la matière plastique constituante du capillaire. Ce phénomène représente le “colmatage” qui peut résulter d’une thrombose longitudinale, car un capillaire occlus ne peut filtrer ; d’une thrombose pariétale débutante ou du dépôt d’autres molécules accumulées dans le plasma en particulier chez les patients dépourvus de filtration glomérulaire sur de longues périodes (hémodialysés chroniques). L’élévation de la PTM au cours du temps est un phénomène normal et c’est donc plutôt une vitesse anormale de son ascension qui doit alerter. Il est donc très important d’en noter la valeur, accompagnée des valeurs du débit sanguin et de ∆P sans lesquelles la PTM est non interprétable. Sa valeur se situe selon le contexte et l’ancienneté de la membrane entre 10 et 50 mmHg pour une CVVHD et entre 150 mmHg et 300 mmHg pour une CVVH. Tout comme ∆P, la valeur de PTM et ses évolutions ne peuvent être facilement interprétées que si le débit sanguin n’a pas changé en même temps. Il convient donc d’en choisir la valeur en fonction des caractéristiques opérationnelles du cathéter puis d’éviter de la modifier. Si le débit sanguin est tout de même modifié un relevé systématique de l’ensemble des nouvelles pressions est nécessaire. Les moniteurs d’EER assurent une journalisation systématique de ces pressions. Elles sont donc aisées à retrouver dans une démarche d’enquête rétrospective mais pour la gestion prospective du circuit il est sans doute préférable de doubler cette journalisation d’un relevé systématique des valeurs afin que l’infirmière puisse en intégrer la valeur et la signification.

7.2.1.3 - La pression de la chambre d’ultrafiltratLa pression de la chambre d’ultrafiltrat (ou de la chambre de dialysat) est la résultante de la vitesse de

Page 28: Épuration extra-rénale continue en réanimation

EER en réanimation

28

rotation de la pompe servant à maîtriser le débit d’UF et de la pression sanguine exercée sur le filtre par le débit sanguin au travers de la membrane. Pendant le transport convectif, la valeur de cette pression devrait fluctuer autour de zéro. En effet la pompe à ultrafiltrat ne sert pas à forcer l’UF sous une dépression mais simplement à en réguler le débit au cours du temps. Ce sont les conditions circulatoires au contact de la membrane qui représentent la force motrice générant l’ultrafiltrat. En cas de dépression excessive le risque est d’accroitre la PTM et de favoriser le colmatage, réduisant de ce fait la durée de vie de la membrane. Les valeurs usuelles sont entre -60 mmHg et 0 mmHg.

7.2.1.4 - La pression veineuseLa pression veineuse est la pression, mesurée dans le circuit extracorporel en aval du filtre capillaire. Elle résulte, pour un débit sanguin donné, de la résistance à l’écoulement du sang dans le dispositif d’accès vasculaire. En effet les autres résistances, telles que celle du filtre antithrombotique sont normalement négligeables mais peuvent devenir très importantes et entrainer la perte du circuit en cas de déclenchement de la coagulation. En pratique la pression veineuse est déterminée par deux facteurs :- la pression intravasculaire, en particulier lors de l’emploi d’un fistule artério-veineuse (FAV) plus souvent rencontrée chez les patients chroniques que chez les patients sujets à une agression rénale aigüe. Elle est en revanche en règle plutôt basse lors de l’emploi d’un cathéter double voie en position veineuse centrale.- Les résistances à l’écoulement du cathéter (ou de l’aiguille à fistule) qui sont normalement basses, à moins que là encore, un caillot ne vienne les obstruer. Les moniteurs d'EER disposent d'une mesure continue de cette pression dont le logiciel dispose pour réaliser différents calculs (∆P, PTM, etc), pour assurer l'affichage et pour déclencher, en cas de baisse brutale et importante de la valeur mesurée la fermeture de l'électroclamp. Ce dernier a pour principale mission d'éviter qu'une aiguille ou un cathéter déconnecté du patient ne le vide de son sang à l'aide de la pompe de la machine d'EER. Les valeurs habituellement rencontrées se situent entre +10 mmHg et +250 mmHg.

7.2.1.5 - La pression artérielleLa pression artérielle (Part) n’est, malgré son nom, pas une pression artérielle mais une pression veineuse. Elle tient son appellation du fait qu’il s’agit de la ligne afférente à la machine d’EER et efférente du patient. Elle est la principale source de dysfonctionnement au lit du malade et ses anomalies sont étroitement liées aux pertes de circuit. Cette pression est la résultante de la pression régnant dans le vaisseau auquel la ligne est reliée et de la dépression induite par la pompe à sang aspirative. Elle est en règle négative, la principale exception étant la connexion à une FAV. Dans ce cas Part se négative quand le débit sanguin est réglé à des valeurs élevées. Sur un cathéter double lumière, Part est d’autant plus négative que le débit sanguin est élevé et que le système “vaisseau-cathéter” limite le débit.En effet le vaisseau d’insertion et l’hémodynamique veineuse locale du patient sont déterminants. La réplétion sanguine cave inférieure, immédiatement en aval de la confluence fémorale, est relativement faible chez un malade de réanimation dont l’activité musculaire des membres inférieurs est réduite. En cas de faible régime de pression intra-thoracique et intra-abdominal, si le patient est légèrement précharge-dépendant, le débit sanguin réglé sur la machine d’EER peut être du même ordre que celui qui circule dans le vaisseau où se trouve le cathéter entrainant, de façon en règle phasique, une

Page 29: Épuration extra-rénale continue en réanimation

EER en réanimation

29

dépression artérielle importante.Le deuxième aspect, déjà évoqué, est le choix du cathéter et en particulier du type de voie artérielle dont il dispose. Pour minimiser la dépression induite par la pompe à sang et faciliter l’accès du sang au cathéter ces derniers sont souvent dotés de multiples orifices latéraux en plus d’un orifice distal. Cette architecture en “crépine” présente l’avantage de très bien fonctionner lorsque tous les orifices sont libres. Hélas, en cas d’obstruction de l’un d’eux les régimes d’écoulement se dégradent très rapidement entrainant généralement la thrombose de l’orifice distal.Les anomalies de Part sont particulièrement lourdes de conséquences en régime convectif car la réduction, assez intuitive, du débit sanguin résout le plus souvent en apparence le problème et évite l’alarme mais accroit la fraction de filtration conduisant à la perte du circuit différée de quelques heures.Les valeurs normalement observées pour Part s’étalent entre -150 mmHg et -10 mmHg. Il est impossible de fixer une valeur optimale car la valeur “normale” dépend des circonstances. Une hémodialyse continue à bas débit sanguin sur membrane à haute performance produit des valeurs de Part de l’ordre de -20 mmHg alors qu’une hémofiltration à haute clairance entraine des valeurs de l’ordre de -150 mmHg.

7.2.2 - L'inspection du circuitLa mesure continue des pressions ne dispense pas d’une autre surveillance, qui elle n’est pas automati-sée : la recherche et le suivi de l’évolution de traces de thrombose. L’apparition d’un dépôt de fibrine annulaire d’aspect laiteux au pourtour de l’extrémité veineuse du filtre, intéressant les capillaires les plus périphériques, est habituelle au cours du temps. En revanche l’apparition de capillaire thrombo-sés dont la couleur est plus foncée que celle des autres, est anormale et est témoin d’une fraction de filtration excessive et/ou d’un déficit d’anticoagulation. Cette thrombose ne disparait pas si sa cause est éliminée et elle est cumulative. La surveillance de l’évolution des plages thrombosées de la partie distale du filtre permet donc de mesurer la qualité de la mise en oeuvre du circuit (conditions opératoires et traitement anti-thrombotique). L’infirmière responsable du patient et de son dispositif d’EER doit régulièrement, et à titre systématique, évaluer le niveau de thrombose et son évolution, le consigner sur un document et en assurer la transmission à l’équipe suivante.

Figure 6 : Les extrémités veineuses de 2 filtres à plus de 30 heures de fonctionnement. Autour du

Page 30: Épuration extra-rénale continue en réanimation

EER en réanimation

30

centre le sang est rouge vif (à droite) ou de couleur plus habituelle pour du sang veineux (à gauche). En périphérie on distingue un dépôt de fibrine blanchâtre, typique d’un filtre ancien. On distingue entre la fibrine et la zone normale une corolle sombre correspondant à des capillaires thrombosés.

8 - Conclusion Alors que de nombreuses variantes sont possibles pour la mise en œuvre d’une EER, la technique que l’on maitrise le mieux reste probablement la meilleure et donc la plus recommandable. Le succès, et plus encore la qualité de la pratique de ces techniques reposent sur de très nombreux facteurs insuffisamment connus. Il en résulte que des efforts particulièrement importants doivent être déployés pour assurer la formation de l’ensemble de l’équipe de réanimation à l’élaboration et au suivi de procédures à la fois communes et régulièrement évaluées. L’innovation actuelle repose davantage sur l’ensemble des procédés qui permettent de facilement bien mettre en œuvre ces techniques, connues de longue date, plutôt que d’en inventer de nouvelles.

Page 31: Épuration extra-rénale continue en réanimation

31

9 - Références

1. Vanholder R, Van Biesen W, Hoste E, Lameire N. Pro/con debate: continuous versus intermittent dialysis for acute kidney injury: a never-ending story yet approaching the finish? Crit Care Lond Engl. 2011;15(1):204. 2. Bell M, Granath F, Schon S, Ekbom A, Martling CR. Continuous renal replacement therapy is associated with less chronic renal failure than intermittent haemodialysis after acute renal failure. Intensive Care Med. 2007;33(5):773-80. 3. Tian Q, Gomersall CD, Ip M, Tan PE, Joynt GM, Choi GYS. Adsorption of amikacin, a significant mechanism of elimination by hemofiltration. Antimicrob Agents Chemother. mars 2008;52(3):1009-13. 4. Brunet S, Leblanc M, Geadah D, Parent D, Courteau S, Cardinal J. Diffusive and convective solute clearances during continuous renal replacement therapy at various dialysate and ultrafiltration flow rates. Am J Kidney Dis Off J Natl Kidney Found. 1999;34(3):486-92. 5. Pallone TL, Hyver S, Petersen J. The simulation of continuous arteriovenous hemodialysis with a mathematical model. Kidney Int. janv 1989;35(1):125-33. 6. Baldwin I, Bellomo R, Koch B. Blood flow reductions during continuous renal replacement therapy and circuit life. Intensive Care Med. 24 sept 2004;30(11):2074-9. 7. Canaud B, Martin K, Nguessan C, Klouche K, Leray-Loragues H, Beraud JJ. Vascular access for extracorporeal renal replacement therapies in the intensive care unit in clinical practice. Contrib Nephrol. 2001;(132):266-82. 8. Kelber J, Delmez JA, Windus DW. Factors affecting delivery of high-efficiency dialysis using temporary vascular access. Am J Kidney Dis Off J Natl Kidney Found. juill 1993;22(1):24-9. 9. Parienti JJ, Megarbane B, Fischer MO, Lautrette A, Gazui N, Marin N, et al. Catheter dysfunction and dialysis performance according to vascular access among 736 critically ill adults requiring renal replacement therapy: a randomized controlled study. Crit Care Med. 2010;38(4):1118-25. 10. Parienti JJ, Thirion M, Megarbane B, Souweine B, Ouchikhe A, Polito A, et al. Femoral vs jugular venous catheterization and risk of nosocomial events in adults requiring acute renal replacement therapy: a randomized controlled trial. JAMA J Am Med Assoc. 2008;299(20):2413-22. 11. Tal MG, Peixoto AJ, Crowley ST, Denbow N, Eliseo D, Pollak J. Comparison of side hole versus non side hole high flow hemodialysis catheters. Hemodial Int Int Symp Home Hemodial. janv 2006;10(1):63-7. 12. Atherikul K, Schwab SJ, Conlon PJ. Adequacy of haemodialysis with cuffed central-vein catheters. Nephrol Dial Transplant Off Publ Eur Dial Transpl Assoc - Eur Ren Assoc. mars 1998;13(3):745-9. 13. Zhao Y, Li Z, Zhang L, Yang J, Yang Y, Tang Y, et al. Citrate versus heparin lock for hemodialy-sis catheters: a systematic review and meta-analysis of randomized controlled trials. Am J Kidney Dis Off J Natl Kidney Found. mars 2014;63(3):479-90.

Page 32: Épuration extra-rénale continue en réanimation

EER en réanimation

32

14. Cole L, Bellomo R, Baldwin I, Hayhoe M, Ronco C. The impact of lactate-buffered high-volume hemofiltration on acid-base balance. Intensive Care Med. 2003;29(7):1113-20. 15. Journois D. Alkalemia during continuous renal replacement therapy. Crit Care Med. 2008;36(11):3119-20-1. 16. Palevsky PM, Zhang JH, O’Connor TZ, Chertow GM, Crowley ST, Choudhury D, et al. Intensity of renal support in critically ill patients with acute kidney injury. N Engl J Med. 2008;359(1):7-20. 17. Vinsonneau C, Camus C, Combes A, Costa de Beauregard MA, Klouche K, Boulain T, et al. Continuous venovenous haemodiafiltration versus intermittent haemodialysis for acute renal failure in patients with multiple-organ dysfunction syndrome: a multicentre randomised trial. Lancet. 2006;368(9533):379-85. 18. Legrand M, Darmon M, Joannidis M, Payen D. Management of renal replacement therapy in ICU patients: an international survey. Intensive Care Med. janv 2013;39(1):101-8. 19. Brause M, Neumann A, Schumacher T, Grabensee B, Heering P. Effect of filtration volume of continuous venovenous hemofiltration in the treatment of patients with acute renal failure in intensive care units. Crit Care Med. 2003;31(3):841-6. 20. Ronco C, Bellomo R, Homel P, Brendolan A, Dan M, Piccinni P, et al. Effects of different doses in continuous veno-venous haemofiltration on outcomes of acute renal failure: a prospective randomised trial. The Lancet. 2000;356(9223):26–30. 21. Monti G, Herrera M, Kindgen-Milles D, Marinho A, Cruz D, Mariano F, et al. The DOse REsponse Multicentre International Collaborative Initiative (DO-RE-MI). Contrib Nephrol. 2007;156:434-43. 22. Saudan P, Niederberger M, De Seigneux S, Romand J, Pugin J, Perneger T, et al. Adding a dialysis dose to continuous hemofiltration increases survival in patients with acute renal failure. Kidney Int. 2006;70(7):1312-7. 23. Bellomo R, Cass A, Cole L, Finfer S, Gallagher M, Lo S, et al. Intensity of continuous renal-replacement therapy in critically ill patients. N Engl J Med. 2009;361(17):1627-38. 24. Zhang Z, Ni H, Fan H, Li D, Xu X. Actually delivered dose of continuous renal replacement therapy is underestimated in hemofiltration. ASAIO J Am Soc Artif Intern Organs 1992. déc 2013;59(6):622-6. 25. Schetz M. Non-renal indications for continuous renal replacement therapy. Kidney Int Suppl. 1999;72:S88-94. 26. Cole L, Bellomo R, Journois D, Davenport P, Baldwin I, Tipping P. High-volume haemofiltra-tion in human septic shock. Intensive Care Med. 2001;27(6):978-86. 27. Sykora R, Chvojka J, Krouzecky A, Radej J, Karvunidis T, Varnerova V, et al. High versus standard-volume haemofiltration in hyperdynamic porcine peritonitis: effects beyond haemodyna-mics? Intensive Care Med. 14 oct 2008;35(2):371-80. 28. Boussekey N, Chiche A, Faure K, Devos P, Guery B, d’Escrivan T, et al. A pilot randomized study comparing high and low volume hemofiltration on vasopressor use in septic shock. Intensive Care Med. 30 avr 2008;34(9):1646-53. 29. Gomez A, Wang R, Unruh H, Light RB, Bose D, Chau T, et al. hemofiltration reverses left ventricular dysfunction during sepsis in dogs. Anesthesiology. 1990;73(4):671-85. 30. Morgera S, Haase M, Kuss T, Vargas-Hein O, Zuckermann-Becker H, Melzer C, et al. Pilot study on the effects of high cutoff hemofiltration on the need for norepinephrine in septic patients

Page 33: Épuration extra-rénale continue en réanimation

EER en réanimation

33

with acute renal failure. Crit Care Med. 2006;34(8):2099-104. 31. Yekebas EF, Treede H, Knoefel WT, Bloechle C, Fink E, Izbicki JR. Influence of zero-balanced hemofiltration on the course of severe experimental pancreatitis in pigs. Ann Surg. 1999;229(4):514-22. 32. Yekebas EF, Strate T, Zolmajd S, Eisenberger CF, Erbersdobler A, Saalmuller A, et al. Impact of different modalities of continuous venovenous hemofiltration on sepsis-induced alterations in experimental pancreatitis. Kidney Int. 2002;62(5):1806-18. 33. Joannes-Boyau O, Honoré PM, Perez P, Bagshaw SM, Grand H, Canivet J-L, et al. High-volume versus standard-volume haemofiltration for septic shock patients with acute kidney injury (IVOIRE study): a multicentre randomized controlled trial. Intensive Care Med [Internet]. 6 juin 2013 [cité 23 juill 2013]; Disponible sur: http://link.springer.com/10.1007/s00134-013-2967-z34. Laurent I, Adrie C, Vinsonneau C, Cariou A, Chiche JD, Ohanessian A, et al. High-volume hemofiltration after out-of-hospital cardiac arrest: a randomized study. J Am Coll Cardiol. 2005;46(3):432-7. 35. Journois D. Hemofiltration during cardiopulmonary bypass. Kidney Int Suppl. 1998;66:S174-7. 36. Elliott M. Modified ultrafiltration and open heart surgery in children. Paediatr Anaesth. 1999;9(1):1-5. 37. Journois D, Pouard P, Greeley WJ, Mauriat P, Vouhe P, Safran D. Hemofiltration during cardiopulmonary bypass in pediatric cardiac surgery. Effects on hemostasis, cytokines, and comple-ment components. Anesthesiology. 1994;81(5):1181-9; discussion 26A-27A. 38. Journois D, Israel-Biet D, Pouard P, Rolland B, Silvester W, Vouhe P, et al. High-volume, zero-balanced hemofiltration to reduce delayed inflammatory response to cardiopulmonary bypass in children. Anesthesiology. 1996;85(5):965-76. 39. Rubin S, Poncet A, Wynckel A, Baehrel B. How to perform a haemodialysis using the arterial and venous lines of an extracorporeal life support. Eur J Cardiothorac Surg. avr 2010;37(4):967-8. 40. Sagedal S, Witczak BJ, Osnes K, Hartmann A, Os I, Eikvar L, et al. A heparin-coated dialysis filter (AN69 ST) does not reduce clotting during hemodialysis when compared to a conventional polysulfone filter (F×8). Blood Purif. 2011;32(3):151-5. 41. Fealy N, Baldwin I, Johnstone M, Egi M, Bellomo R. A pilot randomized controlled crossover study comparing regional heparinization to regional citrate anticoagulation for continuous venovenous hemofiltration. Int J Artif Organs. 2007;30(4):301-7. 42. Journois D, Chanu D, Pouard P, Mauriat P, Safran D. Assessment of standardized ultrafiltrate production rate using prostacyclin in continuous venovenous hemofiltration. In: H.G. S, H. M, K. SH, éditeurs. Continuous hemofiltration. Basel: Karger; 1990. p. 202-4. 43. Hory B, Cachoux A, Toulemonde F. Continuous arteriovenous hemofiltration with low-molecular-weight heparin. Nephron. 1985;41(1):125. 44. Sagedal S, Hartmann A, Osnes K, Bjornsen S, Torremocha J, Fauchald P, et al. Intermittent saline flushes during haemodialysis do not alleviate coagulation and clot formation in stable patients receiving reduced doses of dalteparin. Nephrol Dial Transpl. 2006;21(2):444-9. 45. Tan HK, Baldwin I, Bellomo R. Continuous veno-venous hemofiltration without anticoagula-tion in high-risk patients. Intensive Care Med. 2000;26(11):1652-7. 46. Bai M, Zhou M, He L, Ma F, Li Y, Yu Y, et al. Citrate versus heparin anticoagulation for continuous renal replacement therapy: an updated meta-analysis of RCTs. Intensive Care Med. 19

Page 34: Épuration extra-rénale continue en réanimation

EER en réanimation

34

oct 2015; 47. Morgera S, Schneider M, Slowinski T, Vargas-Hein O, Zuckermann-Becker H, Peters H, et al. A safe citrate anticoagulation protocol with variable treatment efficacy and excellent control of the acid–base status*. Crit Care Med. juin 2009;37(6):2018-24. 48. James MFM, Roche AM. Dose-response relationship between plasma ionized calcium concentration and thrombelastography. J Cardiothorac Vasc Anesth. oct 2004;18(5):581-6. 49. Slowinski T, Morgera S, Joannidis M, Henneberg T, Stocker R, Helset E, et al. Safety and efficacy of regional citrate anticoagulation in continuous venovenous hemodialysis in the presence of liver failure: the Liver Citrate Anticoagulation Threshold (L-CAT) observational study. Crit Care [Internet]. déc 2015 [cité 20 janv 2016];19(1). Disponible sur: http://ccforum.com/content/19/1/34950. Kramer L, Bauer E, Joukhadar C, Strobl W, Gendo A, Madl C, et al. Citrate pharmacokinetics and metabolism in cirrhotic and noncirrhotic critically ill patients. Crit Care Med. oct 2003;31(10):2450-5. 51. Khadzhynov D, Schelter C, Lieker I, Mika A, Staeck O, Neumayer H-H, et al. Incidence and outcome of metabolic disarrangements consistent with citrate accumulation in critically ill patients undergoing continuous venovenous hemodialysis with regional citrate anticoagulation. J Crit Care. avr 2014;29(2):265-71. 52. El-Mir MY, Nogueira V, Fontaine E, Avéret N, Rigoulet M, Leverve X. Dimethylbiguanide inhibits cell respiration via an indirect effect targeted on the respiratory chain complex I. J Biol Chem. 2000;275(1):223–228. 53. Uchino S, Fealy N, Baldwin I, Morimatsu H, Bellomo R. Pre-Dilution vs. Post-Dilution during Continuous Veno-Venous Hemofiltration: Impact on Filter Life and Azotemic Control. Nephron Clin Pract. 2003;94(4):c94-8. 54. Roberts JA, Lipman J. Pharmacokinetic issues for antibiotics in the critically ill patient. Crit Care Med. mars 2009;37(3):840-851; quiz 859. 55. Schetz M. Drug removal with continous renal replacement therapies. In: Journois D, éditeur. Continuous hemofiltration in the intensive care unit. Amsterdam: OPA; 1997. p. 69-77. 56. Golper TA. Continuous arteriovenous hemofiltration in acute renal failure. Am J Kidney Dis. 1985;6(6):373-86. 57. Golper TA. Drug removal during continuous hemofiltration or hemodialysis. Contrib Nephrol. 1991;93:110-6. 58. Golper TA. Update on drug sieving coefficients and dosing adjustments during continuous renal replacement therapies. Contrib Nephrol. 2001;(132):349-53. 59. Golper TA, Saad AM. Gentamicin and phenytoin sieving through hollow-fiber polysulfone hemofilters. Kidney Int. 1986;30(6):937-43. 60. Li AMMY, Gomersall CD, Choi G, Tian Q, Joynt GM, Lipman J. A Systematic Review of Antibiotic Dosing Regimens for Septic Patients Receiving Continuous Renal Replacement Therapy: Do Current Studies Supply Sufficient Data? J Antimicrob Chemother. 11 janv 2009;64(5):929-37. 61. De Waele JJ, Danneels I, Depuydt P, Decruyenaere J, Bourgeois M, Hoste E. Factors associated with inadequate early vancomycin levels in critically ill patients treated with continuous infusion. Int J Antimicrob Agents. mai 2013;41(5):434-8. 62. Uchino S, Cole L, Morimatsu H, Goldsmith D, Bellomo R. Clearance of vancomycin during high-volume haemofiltration: impact of pre-dilution. Intensive Care Med. 2002;28(11):1664-7.

Page 35: Épuration extra-rénale continue en réanimation

EER en réanimation

35

63. Udy AA, Covajes C, Taccone FS, Jacobs F, Vincent J-L, Lipman J, et al. Can population pharmacokinetic modelling guide vancomycin dosing during continuous renal replacement therapy in critically ill patients? Int J Antimicrob Agents. juin 2013;41(6):564-8. 64. Seyler L, Cotton F, Taccone FS, De Backer D, Macours P, Vincent JL, et al. Recommended b-lactam regimens are inadequate in septic patients treated with continuous renal replacement therapy. Crit Care. 2011;15:R137. 65. Abdul-Aziz MH, Lipman J, Akova M, Bassetti M, De Waele JJ, Dimopoulos G, et al. Is prolonged infusion of piperacillin/tazobactam and meropenem in critically ill patients associated with improved pharmacokinetic/pharmacodynamic and patient outcomes? An observation from the Defining Antibiotic Levels in Intensive care unit patients (DALI) cohort. J Antimicrob Chemother. janv 2016;71(1):196-207. 66. Muhl E, Martens T, Iven H, Rob P, Bruch HP. Influence of continuous veno-venous haemo-diafiltration and continuous veno-venous haemofiltration on the pharmacokinetics of fluconazole. Eur J Clin Pharmacol. déc 2000;56(9-10):671-8. 67. Langgartner J, Vasold A, Glück T, Reng M, Kees F. Pharmacokinetics of meropenem during intermittent and continuous intravenous application in patients treated by continuous renal replacement therapy. Intensive Care Med. juin 2008;34(6):1091-6. 68. Davies SP, Reaveley DA, Brown EA, Kox WJ. Amino acid clearances and daily losses in patients with acute renal failure treated by continuous arteriovenous hemodialysis. Crit Care Med. 1991;19(12):1510-5. 69. Schetz M, Ferdinande P, Van den Berghe G, Verwaest C, Lauwers P. Pharmacokinetics of continuous renal replacement therapy. Intensive Care Med. 1995;21(7):612-20.